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La qualité des données financières de long terme

La qualité des données financières de long terme


Quand les « données alternatives » compromettent la qualité des prévisions à long terme des analystes financiers ( dans The Conversation)

par
Thierry Foucault
Professeur de Finance, HEC Paris Business School

À rebours de ce que l’on pourrait croire, la multiplication des données n’améliore pas mécaniquement la qualité des prévisions. Cela se vérifie pour l’analyse financière, un savoir-faire clé qui influence l’évolution des marchés. Les nouvelles plateformes comme Stockwits ont des effets ambigus sur la qualité des prévisions.

Depuis le début du siècle, le nombre de satellites en orbite autour de la Terre a explosé de plus de 800 %, passant de moins de 1 000 à plus de 9 000. Cette prolifération entraîne des dérives étonnantes, et parfois inquiétantes. Exemple parmi d’autres : certaines entreprises vendent aux analystes financiers des images satellites de parkings. Ces derniers s’en servent pour évaluer la fréquentation des magasins, comparer les enseignes entre elles et estimer leur chiffre d’affaires.

Ce n’est là qu’un exemple des nouvelles informations, ou « données alternatives », désormais à la disposition des analystes pour les aider à prédire les performances boursières futures. Auparavant, les analystes fondaient leurs prévisions sur les seuls états financiers publics des entreprises.

D’après nos recherches, la multiplication de ces nouvelles sources de données améliore les prévisions à court terme, mais détériore l’analyse à long terme – un déséquilibre aux conséquences potentiellement majeures.

Tweets, messages sur les réseaux sociaux et données de cartes bancaires
Dans une étude consacrée à l’impact des données alternatives sur les prévisions financières, nous avons recensé plus de 500 entreprises qui en vendaient en 2017 – contre moins de 50 en 1996. Aujourd’hui, le courtier en données Datarade propose plus de 3 000 jeux de données alternatives à la vente.

En plus des images satellites, de nouvelles sources d’information incluent Google, les statistiques issues des cartes de crédit et les réseaux sociaux comme X ou Stocktwits – une plateforme populaire de type X où les investisseurs partagent leurs analyses du marché.

Sur Stocktwits, par exemple, les utilisateurs publient des graphiques illustrant l’évolution du cours d’une action (comme celle d’Apple) accompagnés de commentaires expliquant pourquoi cette tendance augure, selon eux, d’une hausse ou d’une baisse. Ils évoquent aussi le lancement de nouveaux produits et précisent si cela les rend optimistes (ou pessimistes quant à l’évolution de l’action de l’entreprise.

En nous appuyant sur les données du système I/B/E/S (Institutional Brokers’ Estimate System) et sur des analyses de régression, nous avons évalué la qualité de 65 millions de prévisions réalisées par des analystes financiers entre 1983 et 2017, en comparant leurs anticipations aux bénéfices par action effectivement réalisés par les entreprises.

Comme d’autres chercheurs avant nous, nous avons constaté que la multiplication des données disponibles explique en partie pourquoi les analystes financiers sont devenus de plus en plus performants dans leurs prévisions à court terme. Mais nous avons poussé l’analyse plus loin, en nous demandant quel était l’impact de ces données alternatives sur les prévisions à long terme. Résultat : sur la même période où la précision des prévisions à court terme s’est améliorée, la fiabilité des projections à long terme, elle, a reculé.

Plus de données, mais une attention limitée
En raison de sa nature, la donnée alternative – c’est-à-dire une information en temps réel sur les entreprises – s’avère surtout utile pour les prévisions à court terme. Les analyses à plus long terme, sur un horizon d’un à cinq ans, relèvent en revanche d’un exercice de jugement bien plus exigeant.

Des travaux antérieurs ont confirmé ce que le bon sens laissait entendre : les analystes disposent d’une capacité d’attention limitée. Lorsqu’ils doivent suivre un large portefeuille d’entreprises, leur concentration se disperse et leurs performances commencent à décroître.

Nous avons voulu savoir si la progression de la précision des prévisions à court terme, parallèlement à la dégradation des prévisions à long terme – telles que nous les avions constatées dans notre analyse des données I/B/E/S – pouvait s’expliquer par la prolifération concomitante de sources alternatives d’information financière.

Pour explorer cette hypothèse, nous avons analysé l’ensemble des discussions portant sur des actions publiées sur Stocktwits entre 2009 et 2017. Sans surprise, certaines entreprises comme Apple, Google ou Walmart ont suscité un volume bien plus important d’échanges que des sociétés de plus petite taille, parfois même non cotées sur le Nasdaq.

Nous avons émis l’hypothèse que les analystes suivant des actions largement commentées sur la plateforme – et donc exposés à une forte densité de données alternatives – verraient la qualité de leurs prévisions à long terme décliner plus fortement que ceux couvrant des titres peu discutés. C’est précisément ce que nous avons constaté après avoir contrôlé des variables telles que la taille des entreprises, leur ancienneté ou leur croissance des ventes.

Nous en avons déduit que, bénéficiant d’un accès facilité à des informations utiles pour l’analyse à court terme, les analystes concentraient leurs efforts sur ce type de prévisions – au détriment de l’attention consacrée aux projections à long terme.

Les conséquences plus larges d’une mauvaise prévision à long terme
Les conséquences de cette surabondance de données alternatives pourraient être considérables. Lorsqu’ils évaluent la valeur d’une action, les investisseurs doivent prendre en compte à la fois les prévisions à court terme et celles à long terme. Si la qualité des prévisions à long terme se détériore, il y a de fortes chances que les prix des actions ne reflètent plus fidèlement la valeur réelle des entreprises.

Par ailleurs, une entreprise souhaite généralement que la valeur de ses décisions se reflète dans le cours de son action. Mais si les décisions à long terme sont mal intégrées par les analystes, elle pourrait être moins encline à investir dans des projets dont les retombées ne se matérialiseront que dans plusieurs années.

Dans l’industrie minière, par exemple, construire une nouvelle mine prend du temps. Il faut parfois neuf ou dix ans avant qu’un investissement commence à générer des flux de trésorerie. Les entreprises pourraient être moins enclines à engager de tels investissements si, par exemple, leurs actions risquent d’être sous-évaluées, parce que les acteurs du marché disposent de prévisions moins précises sur les effets de ces investissements à long terme sur les flux de trésorerie – un sujet que nous explorons dans un autre article en cours de rédaction.

L’exemple des investissements dans la réduction des émissions de carbone est encore plus préoccupant. Ce type d’investissement ne produit généralement des bénéfices qu’à long terme, à un moment où le réchauffement climatique sera un enjeu encore plus critique. Les entreprises pourraient être moins incitées à les réaliser si la valeur de ces investissements n’est pas rapidement intégrée dans leur valorisation.

Applications concrètes
Les résultats de notre recherche suggèrent qu’il serait judicieux, pour les entreprises financières, de séparer les équipes chargées des prévisions à court terme de celles dédiées aux projections à long terme. Cela permettrait d’éviter qu’un même analyste ou qu’une seule équipe soit submergée par des données utiles au court terme tout en devant simultanément évaluer des perspectives à plusieurs années. Nos conclusions présentent également un intérêt pour les investisseurs en quête de bonnes affaires : si les prévisions à long terme perdent en qualité, cela peut ouvrir des opportunités à ceux capables de repérer des entreprises sous-évaluées.

Projet de budget 2025: très long virage ?

Projet de budget 2025: très long virage ?

 

Le premier ministre Michel Barnier a présenté jeudi 10 octobre le projet de loi de finances pour 2025. 60 milliards d’économies sont attendues, via des hausses de taxes et d’impôts et des réductions de dépenses. Mathieu Plane, directeur adjoint du département analyse et prévision de l’observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), décrypte les enjeux de ce budget exceptionnel, par son contexte et son ampleur. Le budget 2025 présenté le 10 octobre par le premier ministre affiche l’ambition de passer d’un déficit public de 6,1 % à 5 % du PIB. Qu’est-ce qui dans la situation économique actuelle le justifie ? Le point principal est la forte dégradation des comptes publics observée depuis quelques mois et qui est complètement inédite. L’erreur de prévision est historique, puisque l’écart est de 1,7 point de PIB entre la loi de finances prise à la fin de 2023 et l’actuelle ! Cet écart représente plus de 50 milliards d’euros, soit à peu de choses près l’effort budgétaire demandé pour l’année prochaine. Cette erreur gigantesque de prévision budgétaire est d’autant plus troublante que la croissance n’a pas été révisée à la baisse entre temps.

 

par Mathieu Plane Economiste – Directeur adjoint au Département Analyse et Prévision OFCE, Sciences Po dans The Conversation
Parallèlement et en lien avec ces mauvaises nouvelles budgétaires, mais aussi la crise politique consécutive à la dissolution, la prime de risque sur la dette de la France a augmenté ces derniers mois. Par prime de risque, on désigne l’écart du taux d’intérêt à payer sur la dette publique française par rapport à celui de l’Allemagne. La France se trouve donc dans une situation beaucoup moins confortable qu’il y a quelques mois vis-à-vis des investisseurs étrangers et des prêteurs. Car, même en réalisant les efforts budgétaires prévus en 2025, la France devrait se retrouver lanterne rouge des pays de l’Union européenne en matière de déficit. C’est aussi quelque chose de nouveau, la France était plutôt dans la moyenne jusqu’ici. Pour le dire autrement, la crise budgétaire actuelle est davantage française qu’européenne. La dernière crise qu’on ait connue de ce type était au tournant des années 2010, où les mauvais élèves étaient clairement les pays d’Europe du Sud. Aujourd’hui, Italie à part, ce n’est plus le cas et les regards inquiets se tournent désormais beaucoup plus vers la France. Le budget est un acte financier, mais aussi politique. Que dit le budget des orientations prises par le gouvernement Barnier ? C’est un acte politique certes, mais dans un contexte politique très particulier et d’urgence inédite. L’élaboration du budget a été un exercice d’équilibriste pour ce nouveau gouvernement, dans un délai très court, où il fallait à la fois rassurer les partenaires européens de la France, rassurer les investisseurs et trouver une voie de passage pour qu’il soit adopté par l’assemblée nationale actuelle. Ce n’est pas la situation standard dans laquelle on élabore un budget.

Ceci rappelé, les choix faits par le gouvernement révèle un virage sur la politique fiscale.

Il est annoncé comme temporaire, mais il pourrait bien durer tant que la France ne sera pas revenue sous la barre des 3 %. Il y a un choix de cibler les plus grosses entreprises et les ménages les plus aisés. Les hausses annoncées concernent les 0,2 % de foyers fiscaux aux revenus les plus hauts, et les entreprises qui font un chiffre d’affaires supérieur à 1 milliard. Ajoutez à cela les mesures sur EDF ou sur les armateurs. En revanche, les autres entreprises pourraient être plus concernées par la réduction des exonérations de cotisations patronales.

C’est une remise en cause, au moins temporaire, sur son volet fiscal, de la politique de l’offre qui était menée depuis plusieurs années. En outre, la flat tax sur les revenus financiers est maintenue dans ce budget, mais avec l’instauration d’un taux d’imposition minimum sur les plus hauts revenus, cela revient implicitement à augmenter l’imposition des revenus sur le patrimoine sans dire directement que l’on a touché à la flat tax.

Un gouvernement de gauche aurait pu avoir une politique fiscale assez proche. Mais ce n’est qu’une partie des actions envisagées. La partie réduction des dépenses va toucher toutes les entreprises, même les plus petites ou tous les ménages, y compris les classes moyennes et les plus modestes. Ce type de mesures est beaucoup moins ciblé. Par exemple, le report de six mois de l’augmentation des pensions de retraites devrait toucher tous les retraités quel que soit le montant versé. Idem pour la réduction des dépenses de santé ou le recalibrage des aides écologiques.

Côté entreprises, le recentrage des dépenses liées à l’apprentissage concerne aussi les PME, de la même façon, à priori, que tout ce qui est annoncé en matière de révision des aides.

Le débat a largement porté et continue de porter sur l’arbitrage entre baisse des dépenses ou hausses des impôts ? Cette distinction est-elle fondée scientifiquement ? Si je reprends l’exemple du moindre remboursement des dépenses médicales, cela va augmenter les mutuelles et réduire le revenu des ménages. Ce n’est pas une hausse d’impôt, mais le résultat est assez proche ?

En économie, des effets de vases communicants sont souvent observés. Si je reprends votre exemple, la baisse de la prise en charge publique des dépenses de santé permet de limiter la hausse des dépenses publiques de santé, et c’est ce qui est recherché. Mais un désengagement de la Sécu, même limité, peut avoir pour effet une augmentation des prélèvements privés si la charge de remboursement est reportée sur les complémentaires. Plus globalement le débat entre augmenter les impôts ou baisser la dépense n’est pas très fondé d’un point de vue économique. C’est davantage un débat politique. La frontière entre les deux est assez floue quand on creuse le sujet au-delà des slogans. Par exemple, les exonérations de cotisations payées par les entreprises sont compensées, si bien que cela est considéré comme une baisse des dépenses. Pour l’entreprise qui n’en bénéficiera plus, ce sera surtout une augmentation des prélèvements !

Il est plus intéressant d’étudier qui va être touché par les mesures : quels ménages ? quelles entreprises qu’il s’agisse de hausse des impôts ou de réduction des dépenses. Là il peut y avoir de vraies différences.

En est-il de même pour la distinction entre les dépenses de l’État et celles des collectivités locales ?

Cette distinction a une vraie pertinence car on ne parle pas des mêmes compétences. L’État central s’occupe de régalien, de l’éducation nationale, de l’Économie et des finances. En termes d’effectifs, les trois quarts de la fonction publique d’État sont dans des ministères régaliens ou à l’éducation nationale.

Le problème des collectivités locales est qu’elles ont perdu de l’autonomie budgétaire, avec la suppression de la taxe d’habitation, alors qu’elles doivent remplir un certain nombre de missions et respecter des règles budgétaires strictes, comme l’impossibilité d’avoir un budget en déficit hors investissement. L’État n’a pas vraiment la main sur ce que font les collectivités, mis à part le vote des dotations qu’il leur verse, le plus souvent pour compenser des suppressions de ressources, comme la fin de la taxe d’habitation. Les collectivités voient du coup d’un très mauvais œil les choix imposés par l’État.

Dans ce budget on a l’impression que le choix a été fait de réduire un peu partout. N’aurait-il pas mieux valu définir des priorités (par exemple l’avenir, en misant sur la formation, la transition écologique ou l’investissement en faveur de la compétitivité) plutôt que de donner un coup de rabot général ?

Il y a incontestablement un côté “fonds de tiroir dans ce budget”. Il est difficile de voir une stratégie de long terme sur l’innovation, la transition écologie ou une vision sur l’école quand on demande de faire plus avec moins. A cela s’ajoute le fait que de nombreuses mesures sont présentées comme étant exceptionnelles, de court terme. Il manque clairement une vision globale et de long terme. Mais il ne faut pas oublier que ce budget a été finalisé en quelques jours. Une politique de long terme ne se décide pas aussi rapidement, car elle nécessite une réflexion longue, un diagnostic fin et une stratégie. Michel Barnier est davantage dans la posture d’un pompier qui essaie d’éteindre un incendie. S’il est difficile de voir la logique économique d’ensemble, c’est que la priorité est d’abord et essentiellement budgétaire.

Budget 2025 : un virage….long ?

Budget 2025 :  un virage….long  ?

Le premier ministre Michel Barnier a présenté jeudi 10 octobre le projet de loi de finances pour 2025. 60 milliards d’économies sont attendues, via des hausses de taxes et d’impôts et des réductions de dépenses. Mathieu Plane, directeur adjoint du département analyse et prévision de l’observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), décrypte les enjeux de ce budget exceptionnel, par son contexte et son ampleur. Le budget 2025 présenté le 10 octobre par le premier ministre affiche l’ambition de passer d’un déficit public de 6,1 % à 5 % du PIB. Qu’est-ce qui dans la situation économique actuelle le justifie ? Le point principal est la forte dégradation des comptes publics observée depuis quelques mois et qui est complètement inédite. L’erreur de prévision est historique, puisque l’écart est de 1,7 point de PIB entre la loi de finances prise à la fin de 2023 et l’actuelle ! Cet écart représente plus de 50 milliards d’euros, soit à peu de choses près l’effort budgétaire demandé pour l’année prochaine. Cette erreur gigantesque de prévision budgétaire est d’autant plus troublante que la croissance n’a pas été révisée à la baisse entre temps.

 

par  Economiste – Directeur adjoint au Département Analyse et Prévision OFCE, Sciences Po dans The Conversation 

Parallèlement et en lien avec ces mauvaises nouvelles budgétaires, mais aussi la crise politique consécutive à la dissolution, la prime de risque sur la dette de la France a augmenté ces derniers mois. Par prime de risque, on désigne l’écart du taux d’intérêt à payer sur la dette publique française par rapport à celui de l’Allemagne. La France se trouve donc dans une situation beaucoup moins confortable qu’il y a quelques mois vis-à-vis des investisseurs étrangers et des prêteurs. Car, même en réalisant les efforts budgétaires prévus en 2025, la France devrait se retrouver lanterne rouge des pays de l’Union européenne en matière de déficit. C’est aussi quelque chose de nouveau, la France était plutôt dans la moyenne jusqu’ici. Pour le dire autrement, la crise budgétaire actuelle est davantage française qu’européenne. La dernière crise qu’on ait connue de ce type était au tournant des années 2010, où les mauvais élèves étaient clairement les pays d’Europe du Sud. Aujourd’hui, Italie à part, ce n’est plus le cas et les regards inquiets se tournent désormais beaucoup plus vers la France. Le budget est un acte financier, mais aussi politique. Que dit le budget des orientations prises par le gouvernement Barnier ? C’est un acte politique certes, mais dans un contexte politique très particulier et d’urgence inédite. L’élaboration du budget a été un exercice d’équilibriste pour ce nouveau gouvernement, dans un délai très court, où il fallait à la fois rassurer les partenaires européens de la France, rassurer les investisseurs et trouver une voie de passage pour qu’il soit adopté par l’assemblée nationale actuelle. Ce n’est pas la situation standard dans laquelle on élabore un budget.

Ceci rappelé, les choix faits par le gouvernement révèle un virage sur la politique fiscale.

Il est annoncé comme temporaire, mais il pourrait bien durer tant que la France ne sera pas revenue sous la barre des 3 %. Il y a un choix de cibler les plus grosses entreprises et les ménages les plus aisés. Les hausses annoncées concernent les 0,2 % de foyers fiscaux aux revenus les plus hauts, et les entreprises qui font un chiffre d’affaires supérieur à 1 milliard. Ajoutez à cela les mesures sur EDF ou sur les armateurs. En revanche, les autres entreprises pourraient être plus concernées par la réduction des exonérations de cotisations patronales.

C’est une remise en cause, au moins temporaire, sur son volet fiscal, de la politique de l’offre qui était menée depuis plusieurs années. En outre, la flat tax sur les revenus financiers est maintenue dans ce budget, mais avec l’instauration d’un taux d’imposition minimum sur les plus hauts revenus, cela revient implicitement à augmenter l’imposition des revenus sur le patrimoine sans dire directement que l’on a touché à la flat tax.

Un gouvernement de gauche aurait pu avoir une politique fiscale assez proche. Mais ce n’est qu’une partie des actions envisagées. La partie réduction des dépenses va toucher toutes les entreprises, même les plus petites ou tous les ménages, y compris les classes moyennes et les plus modestes. Ce type de mesures est beaucoup moins ciblé. Par exemple, le report de six mois de l’augmentation des pensions de retraites devrait toucher tous les retraités quel que soit le montant versé. Idem pour la réduction des dépenses de santé ou le recalibrage des aides écologiques.

Côté entreprises, le recentrage des dépenses liées à l’apprentissage concerne aussi les PME, de la même façon, à priori, que tout ce qui est annoncé en matière de révision des aides.

Le débat a largement porté et continue de porter sur l’arbitrage entre baisse des dépenses ou hausses des impôts ? Cette distinction est-elle fondée scientifiquement ? Si je reprends l’exemple du moindre remboursement des dépenses médicales, cela va augmenter les mutuelles et réduire le revenu des ménages. Ce n’est pas une hausse d’impôt, mais le résultat est assez proche ?

En économie, des effets de vases communicants sont souvent observés. Si je reprends votre exemple, la baisse de la prise en charge publique des dépenses de santé permet de limiter la hausse des dépenses publiques de santé, et c’est ce qui est recherché. Mais un désengagement de la Sécu, même limité, peut avoir pour effet une augmentation des prélèvements privés si la charge de remboursement est reportée sur les complémentaires. Plus globalement le débat entre augmenter les impôts ou baisser la dépense n’est pas très fondé d’un point de vue économique. C’est davantage un débat politique. La frontière entre les deux est assez floue quand on creuse le sujet au-delà des slogans. Par exemple, les exonérations de cotisations payées par les entreprises sont compensées, si bien que cela est considéré comme une baisse des dépenses. Pour l’entreprise qui n’en bénéficiera plus, ce sera surtout une augmentation des prélèvements !

Il est plus intéressant d’étudier qui va être touché par les mesures : quels ménages ? quelles entreprises qu’il s’agisse de hausse des impôts ou de réduction des dépenses. Là il peut y avoir de vraies différences.

En est-il de même pour la distinction entre les dépenses de l’État et celles des collectivités locales ?

Cette distinction a une vraie pertinence car on ne parle pas des mêmes compétences. L’État central s’occupe de régalien, de l’éducation nationale, de l’Économie et des finances. En termes d’effectifs, les trois quarts de la fonction publique d’État sont dans des ministères régaliens ou à l’éducation nationale.

Le problème des collectivités locales est qu’elles ont perdu de l’autonomie budgétaire, avec la suppression de la taxe d’habitation, alors qu’elles doivent remplir un certain nombre de missions et respecter des règles budgétaires strictes, comme l’impossibilité d’avoir un budget en déficit hors investissement. L’État n’a pas vraiment la main sur ce que font les collectivités, mis à part le vote des dotations qu’il leur verse, le plus souvent pour compenser des suppressions de ressources, comme la fin de la taxe d’habitation. Les collectivités voient du coup d’un très mauvais œil les choix imposés par l’État.

Dans ce budget on a l’impression que le choix a été fait de réduire un peu partout. N’aurait-il pas mieux valu définir des priorités (par exemple l’avenir, en misant sur la formation, la transition écologique ou l’investissement en faveur de la compétitivité) plutôt que de donner un coup de rabot général ?

Il y a incontestablement un côté “fonds de tiroir dans ce budget”. Il est difficile de voir une stratégie de long terme sur l’innovation, la transition écologie ou une vision sur l’école quand on demande de faire plus avec moins. A cela s’ajoute le fait que de nombreuses mesures sont présentées comme étant exceptionnelles, de court terme. Il manque clairement une vision globale et de long terme. Mais il ne faut pas oublier que ce budget a été finalisé en quelques jours. Une politique de long terme ne se décide pas aussi rapidement, car elle nécessite une réflexion longue, un diagnostic fin et une stratégie. Michel Barnier est davantage dans la posture d’un pompier qui essaie d’éteindre un incendie. S’il est difficile de voir la logique économique d’ensemble, c’est que la priorité est d’abord et essentiellement budgétaire.

Premier ministre : pour la CFDT aussi c’est trop long

Premier ministre : pour la CFDT aussi c’est trop long

 

La secrétaire générale de la CFDT,  «ne milite pour personne» pour Matignon mais juge que «la nomination est trop longue». «C’est aussi un enjeu de respect vis-à-vis des citoyens», dit-elle, en confirmant toutefois que son organisation ne s’associait pas à la mobilisation à laquelle doit participer une partie de la gauche le 7 septembre pour dénoncer un «coup de force» d’Emmanuel Macron.


Près de deux mois après le second tour des législatives, le chef de l’État continue ses consultations en vue de la désignation d’un nouveau Premier ministre. Marylise Léon regrette que plusieurs dossiers soient à l’arrêt, alors que «la question du pouvoir d’achat et des salaires reste le sujet numéro un des travailleurs».

Pour autant, comme annoncé vendredi à l’AFP par son N.2, Yvan Ricordeau, la CFDT ne se joint pas à l’appel de la CGT et Solidaires à manifester le 1er octobre pour réclamer l’abrogation de la réforme des retraites et une hausse des salaires. «La CFDT n’a jamais été adepte du rituel de la mobilisation de rentrée. Déjà, cela supposerait que notre action s’est arrêtée cet été», explique Marylise Léon, qui assure que son syndicat est resté «sur le terrain» tout l’été.

Adhésion de l’Ukraine à l’UE : Un long chemin

Adhésion de l’Ukraine à l’UE : Un long chemin

Sans doute une dizaine d’années et encore en allant vite. La ministre belge des Affaires étrangères Hadja Lahbib, dont le pays préside actuellement le Conseil de l’UE, qui rassemble les États membres, a prévenu que « les négociations d’adhésion que nous ouvrons aujourd’hui (ndlr : mardi) seront rigoureuses et exigeantes ». Et d’ajouter : « Avec détermination et engagement, nous sommes confiants dans votre capacité à parvenir à une conclusion positive ». La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a elle aussi salué cette « bonne nouvelle ».

Seul Budapest a manifesté sa réprobation, rappelant que l’Ukraine était encore « très loin » de remplir tous les critères avant de pouvoir rejoindre les Vingt-Sept, selon le ministre hongrois des Affaires européennes Janos Boka.

État membre de l’UE le plus proche de la Russie de Vladimir Poutine, la Hongrie bloque aussi toute l’aide militaire européenne à Kiev.

Le Conseil de l’UE rassemble les 27 au niveau ministériel, en fonction des sujets qu’ils ont à traiter. Il est présidé à tour de rôle, pour six mois, par un des pays membres de l’UE. « Environ 40% des décisions voulues par l’UE sur l’Ukraine sont bloquées », s’agaçait, fin mai, à Bruxelles, le ministre lituanien des Affaires étrangères, Gabrielius Landsbergis. Ainsi, l’aide militaire de l’UE à l’Ukraine, d’un montant de 6,6 milliards d’euros, est toujours bloquée. Et la future présidence hongroise n’a, semble-t-il, aucune intention de lever son veto.

Une fois la conférence intergouvernementale formellement ouverte, les négociateurs vont d’abord passer en revue la législation des deux pays pour vérifier si elle est compatible avec celle de l’UE.

L’exécutif européen a réclamé de Kiev des mesures pour lutter contre la corruption et l’emprise des oligarques.. L’ouverture de négociations n’est qu’une étape d’un processus d’adhésion long et ardu. Une éventuelle entrée dans l’UE de l’Ukraine, pays de plus de 40 millions d’habitants et puissance agricole, pose de nombreuses difficultés, à commencer par celle des aides financières dont elle devrait bénéficier.

Innovation: accepter le temps long

Innovation: accepter le temps long

« L’innovation technique ne se programme pas en fonction de finalités à court terme et rentables »
TRIBUNE
Gilles Garel

Professeur au Conservatoire national des arts et métiers

Muriel Le Roux

Historienne

« L’innovation résoudra tous nos problèmes. » Cette ritournelle messianique proclamée à chaque crise, selon laquelle l’innovation technique et les entrepreneurs innovants nous sauveront de la catastrophe, ne résiste pas à l’analyse des processus d’innovation par les sciences de gestion et par l’histoire, qui, plus que le concept d’innovation lui-même, questionnent celui de « rupture ». Même si cela déplaît aux industriels ou aux politiques, l’histoire rend en effet intelligibles les choix et les actions des acteurs sur un temps plus ou moins long. Or, face aux menaces écologiques, induisant des risques pour les démocraties, nous devons admettre que ce qui nous arrive résulte aussi de la manière dont nous innovons et dont nous considérons l’innovation.

Depuis Fernand Braudel et son ouvrage Civilisation matérielle, économie et capitalisme, réédité en 2022 chez Armand Colin, on sait que la maîtrise des moyens de transport et de l’énergie a toujours été la condition sine qua non des flux et des échanges. Ce sont eux qui ont structuré les mondialisations successives, les croissances économiques reposent sur ces flux physiques. Les entreprises assumant les fonctions de conception, de production et de diffusion, l’innovation joue bien un rôle majeur dans ces processus.

Prenons le cas du vaccin Pfizer-BioNTech, qui a été développé en douze mois, ce qui est effectivement sans précédent. A suivre certaines analyses, il s’agirait d’une « rupture », car, jusque-là, le développement d’un vaccin prenait environ dix ans. Mais il s’agit d’une analyse à courte vue sur la seule année 2020, relayée par les panégyriques nord-américains à des fins de prise de contrôle du marché du médicament. Car, oui, la santé est un marché.

Or, ces analyses n’évoquent que trop rarement l’aspect cumulatif des recherches menées pendant cinq décennies, notamment le rôle de l’Institut Pasteur, à Paris, à l’origine de l’ARN messager grâce aux travaux de François Jacob, d’André Lwoff et de Jacques Monod, qui a reçu le prix Nobel de médecine en 1965. Pfizer a bénéficié (sans payer aucune redevance) de l’effort initial de la recherche publique fondamentale. Sous la surface de l’exploit innovant, l’analyse de l’innovation permet de mettre au jour des couches plus profondes, sur des temps plus longs.

Décarbonatation : l’urgence des investissements de long terme

Décarbonatation : l’urgence des investissements de long terme

Il est urgent d’élaborer et de mettre en œuvre une vraie stratégie d’investissement de long terme basée sur trois piliers : augmentation des volumes de financement, mobilisation du capital privé et mise en place d’une structure de vision stratégique


par Bernard Attali, Conseiller-maître honoraire de la Cour des comptes, auteur du rapport « Investir à long terme, urgence à court terme ». Michel Derdevet, Président de Confrontations Europe. Laurent Zylberberg, Président de l’association européenne des investisseurs de long terme (ELTI). ( dans  » l’Opinion »)

L. Giros/L’Opinion

Instabilité géopolitique, crise énergétique, inflation galopante… Nombreux sont les défis que l’Union européenne (UE) devra affronter ces prochaines années. Ils nécessiteront des efforts financiers massifs et constants. L’investissement de long terme se situe donc au cœur des enjeux de l’UE. C’est pourquoi il est urgent de mettre en œuvre une vraie stratégie d’investissement de long terme basée sur trois piliers : augmentation des volumes de financement, mobilisation du capital privé et mise en place d’une structure de vision stratégique.Décarbonisation : l’urgence des investissements de long terme
Des besoins colossaux.La décarbonation de l’économie européenne à l’horizon 2050 nécessitera des transformations radicales de nos modes de production et de consommation. La Commission européenne estime que pour atteindre la neutralité carbone, 379 milliards d’euros d’investissements devront être mobilisés annuellement sur la période 2020-2030.

La construction d’une autonomie stratégique implique une augmentation massive des investissements dans la modernisation de notre industrie et le développement de nouvelles technologies. L’invasion de l’Ukraine a rappelé l’importance des domaines de l’aérospatial et de la défense.
Mobiliser le capital privé. Avec une dette publique moyenne de 96,5 % du PIB au sein de l’UE, les pouvoirs publics nationaux ne pourront pas assumer seuls la totalité de ces financements. A l’inverse, l’épargne des ménages européens et les réserves de liquidité des entreprises n’ont jamais été aussi abondantes. Selon le FMI, les ménages de la zone euro ont accumulé près de 1 000 milliards d’euros d’épargne supplémentaire pendant la crise sanitaire, soit l’équivalent d’environ 8 % du PIB.
La mobilisation de capitaux privés apparaît donc comme indispensable. La finalisation de l’Union des marchés des capitaux constitue une urgence. Cette Union répond à un double impératif : soutenir l’investissement de long terme en Europe en permettant aux entreprises de se financer au-delà des frontières nationales ; et mobiliser l’épargne des Européens pour financer des projets au sein de l’Union.

Des stratégies tournées vers l’avenir. La crise financière de 2008 a entraîné, au nom de la stabilité financière, le développement de nombreux dispositifs juridiques et de normes nouvelles. Malheureusement, ceux-ci ont apporté le développement de stratégies de court terme.

L’UE a construit une vision stratégique de long terme, le « Green Deal », et dispose d’une capacité à agir dans un horizon long avec des budgets construits sur sept ans et des instances de gouvernance au rythme quinquennal. Pourtant, elle rencontre des difficultés à incarner cette vision et à lui donner un contenu opérationnel précis. Ce manque de lisibilité rend difficile la mise en place de la dynamique nécessaire pour dépasser les injonctions contradictoires de toutes sortes.
Ce « Green Deal » doit demeurer l’axe central des politiques communautaires.

Une vision de long terme en Europe pourrait passer par la création d’une agence européenne dédiée à la prospective économique. Il appartient, en effet, à l’Europe, comme elle l’a fait en matière de développement durable, de proposer une grille d’analyse qui caractériserait les investissements de long terme et deviendrait ainsi un instrument de gouvernance des instruments financiers européens.

Bernard Attali, Conseiller-maître honoraire de la Cour des comptes, auteur du rapport « Investir à long terme, urgence à court terme ». Michel Derdevet, Président de Confrontations Europe. Laurent Zylberberg, Président de l’association européenne des investisseurs de long terme (ELTI).

Covid: Pour une stratégie sanitaire de long terme

Covid: Pour une stratégie sanitaire de long terme

 

Pour limiter les risques liés à l’épidémie, il faut abandonner l’approche d’une gestion vague par vague et mettre en place une politique autour de cinq grands axes, détaille l’épidémiologiste Mahmoud Zureik, dans une tribune au « Monde ».

 

Après le vote hier  d’ une nouvelle loi complètement creuse, la contribution de l’épidémiologiste paraît pertinente d’autant qu’il faut se préparer à affronter le virus pendant de très nombreuses années compte tenu de l’évolution des variants. Par ailleurs,  il y a urgence a engagé cette réflexion en raison notamment de la montée exponentielle des contaminations qui approchent les 200 000 cas par jour et laisse supposer une situation particulièrement dangereuse à la rentrée NDLR

 

Les vagues du Covid-19 se succèdent inexorablement. Depuis le début de la crise sanitaire, nous déplorons chaque année plus de 50 000 décès directement liés au virus sans parler de l’impact des Covid longs et des dégâts collatéraux considérables : sanitaires, sociaux, psychologiques et économiques. L’espoir d’un virus qui deviendrait « saisonnier » ou « endémique » s’éloigne de plus en plus. Le SARS-CoV-2 est là et le sera encore dans les prochains mois et, très probablement, dans les prochaines années. Nous vivrons donc avec lui. Mais si nous devons vivre avec le virus, nous ne devons pas lui faciliter la vie pour qu’il ne gâche pas les nôtres. Les infections répétées n’apportent pas l’effet protecteur escompté et, malgré la vaccination, les personnes immunodéprimées, les personnes atteintes de maladies chroniques et les personnes âgées sont condamnées à une double peine : vivre avec leurs pathologies et voir leurs risques de mourir augmenter à cause du Covid-19. Une société solidaire doit protéger tous ses concitoyens. Ces personnes doivent recevoir la plus grande attention. Les protéger, c’est protéger la société.

Pour vivre avec le virus, nous devons donc limiter durablement les risques et, pour ce faire, sortir d’une gestion de crise à court terme, vague après vague, mesure après mesure et dose de vaccin après dose de vaccin.

Cette crise qui dure depuis deux ans et demi nous apprend qu’il est nécessaire de développer une stratégie sanitaire globale, cohérente, coordonnée et de long terme, s’inscrivant dans un horizon de plusieurs années. Cette stratégie doit être débattue, adoptée de façon transparente pour être partagée par le plus grand nombre. Elle se décline en cinq axes : surveillance de l’épidémie, prévention des contaminations, diagnostic et dépistage, vaccination et, enfin, adaptation du système de soins.

 

Adhésion à l’UE : le chemin sera forcément long pour l’Ukraine

Adhésion à l’UE : le chemin sera forcément long pour l’Ukraine

 

Volodymyr Zelensky a demandé l’intégration de son pays à l’UE. Si la demande a été saluée et soutenue par certains États membres, l’Ukraine devra se plier à une procédure d’adhésion complexe. Par Mario Telo, Université Libre de Bruxelles (ULB)

 

Ce 16 juin 2022, durant leur visite commune à Kiev, les dirigeants de la France (présidence en exercice de l’Union européenne), de l’Allemagne, de l’Italie et de la Roumanie ont exprimé leur soutien à la candidature de l’Ukraine à l’UE.

Le 28 février dernier, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait signé la demande d’adhésion de son pays à l’Union européenne. Une demande que l’UE avait immédiatement commencé à examiner.

À présent que plusieurs dirigeants européens de premier plan ont réitéré leur appui à cette idée, faut-il penser que les 27 seront très bientôt 28 ? Ce n’est pas si simple.

 

Il faut faire la distinction entre une perspective européenne, qui est certaine, et une procédure d’adhésion à l’UE, inévitablement plus complexe. Bien entendu, l’article 49 du Traité sur l’Union européenne donne à tout État européen partageant les valeurs de l’Union la possibilité d’y adhérer. En ce sens, la demande de l’Ukraine est légitime. Par ailleurs, l’Ukraine a gagné la sympathie des Européens depuis la révolte de Maidan en 2014 et, plus encore, depuis le début de l’invasion russe le 24 février dernier.

Toutefois, s’il est de plus en plus certain qu’un jour l’Ukraine sera membre de l’UE, son intégration n’est sans doute pas pour demain. L’article 49 prévoit en effet une procédure qui empêche une adhésion « express ». Quelques éléments de réponse aux principales questions qui se posent aujourd’hui.

Existe-t-il une procédure d’adhésion accélérée à l’UE ?

La réponse est claire : non, elle n’existe pas.

La procédure est la même pour l’Ukraine que pour la Géorgie et la Moldavie, qui ont également présenté leur demande depuis quelques jours. Elle est aussi la même que pour les six pays des Balkans occidentaux (Albanie, Kosovo, Serbie, Bosnie, Monténégro, Macédoine du Nord), qui attendent depuis des années, et pour la Turquie.

La procédure peut de facto être accélérée par la Commission, qui pourrait presser la rédaction de son avis. Mais il faudra encore trois autres élements, qui prendront inévitablement du temps, pour que l’adhésion soit actée.

Tout d’abord, la négociation pour construire l’unanimité des volontés des États au sein du Conseil l’UE (un vote contraire bloquerait la procédure). Ensuite, un vote du Parlement européen à la majorité de ses membres. Enfin, une ratification unanime de la part des Parlements nationaux des 27, y compris via des référendums là où la loi nationale le demande. Cela peut donc prendre des années.

Dans les conditions actuelles, il n’est pas possible de faire entre l’Ukraine seule. Elle n’est qu’un des neuf pays – les six pays des Balkans et les trois pays d’ex-URSS -, si l’on ne tient pas compte du cas particulier de la Turquie, qui s’en éloigne désomais – qui se trouvent désormais dans l’antichambre de l’Union. L’entrée de neuf pays supplémentaires, selon de nombreux observateurs et, sans doute, de nombreux, citoyens provoquerait la paralysie des institutions de l’UE, notamment en matière de politique étrangère.

La politique étrangère se décide par le vote unanime du Conseil politique étrangère présidé par Josep Borrell. Ajouter neuf pays (y compris la Serbie, qui est particulièrement proche de la Russie) dont chacun pourrait, en fonction des circonstances, s’opposer aux décisions communes paraît contradictoire avec le besoin absolu d’une politique étrangère plus efficace et plus forte. Cela vaut aussi pour la politique de défense.

Qui a intérêt à une UE affaiblie dans un monde qui devient de plus en plus dangereux ? Emmanuel Macron a proposé le 9 mai dernier une Communauté politique européenne prévoyant un approfondissement différencié. Quoi qu’il advienne de ce projet, chacun semble reconnaître que l’entrée de plusieurs nouveaux membres serait de nature à compliquer la prise de décision au sein de l’UE.

Rappelons que la plupart des pays d’Europe centrale et orientale ayant posé leur candidature après l’effondrement du bloc communiste ont dû attendre 2004 pour intégrer l’UE. La Roumanie et la Bulgarie ont même dû attendre 2007.

Margaret Thatcher avait souhaité élargir l’UE aux pays d’Europe de l’Est dès 1989. Elle souhaitait ainsi diluer l’UE, l’affaiblir, la transformer en une entité rassemblant aux Nations unies, sans aucune autorité ni identité en politique étrangère. La première ministre britannique avait été bloquée par Jacques Delors, Willy Brandt et François Mitterrand qui avaient voulu renforcer les institutions de l’UE avant d’entamer les procédures de l’élargissement sur la base des « critères de Copenhague », approuvés par le Conseil en 1993 et toujours valables (acquis communautaire, économie de marché, respect de l’état de droit et de la démocratie).

Dans le cas de l’Ukraine, deux problématiques spécifiques viennent s’ajouter. Tout d’abord, il s’agit d’un pays qui compte 45 millions d’habitants et dont le PIB par habitant est l’équivalent d’un quart de celui de la Bulgarie (le pays le plus pauvre de l’UE). Surtout, nous ignorons le statut et la situation de l’Ukraine dans les prochaines semaines, les prochains mois, les prochaines années. Le pays pourrait être partagé en deux comme Chypre, il pourrait être démilitarisé et finlandisé. Personne ne le sait, et personne ne sait, notamment, dans quelle mesure les droits humains seront respectés à l’avenir dans plusieurs parties du pays.

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Par Mario Telo, Président émérite de l’IEE-ULB, membre de l’Académie Royale des sciences de Belgique, Université Libre de Bruxelles (ULB).

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

“La France face à la guerre” sur TF1: trop long, trop confus , trop démago

 

 

 

 

Un débat confus et lassant avec une succession de déclarations et forcément de promesses également. De quoi saouler les plus accros de la politique. Il est clair en effet qu’on ne peut faire un débat intéressant entre huit candidats, encore moins à 12. Ou les limites des conditions démocratiques pour les présidentielles en France. Cette liste de 12 candidats n’a aucun sens, certains n’étant la pour satisfaire leur ego et pour faire un petit tour à la télévision.

Ce type d’exercice montre toujours ses limites. À l’évidence il manque un filtre pour sélectionner les trois ou quatre candidats qui peuvent réellement prétendre à la victoire car ils sont un peu représentatif (Un peu seulement si l’on tient compte des non-inscrits et des abstentionnistes soient près de 50 % de la population). On a sûrement évité le pire en ne retenant que huit candidats sur 12 aux présidentielles pour un débat politique notamment face à la guerre.

On a donc assisté à une foire aux promesses assorties de critiques à l’égard du pouvoir en place. Pour schématiser à outrance les candidats promettent qu’à l’avenir tout va changer, il y aura moins d’inégalités, davantage de protection du pays, une plus grande indépendance économique notamment énergétique, moins d’impôts, moins d’immigration clandestine etc. Sur la guerre en Ukraine il y a un certain consensus sauf de la part de l’extrême droite et de l’extrême gauche et qui sont plus que réticents et pour le moins ambigus pour soutenir les ukrainiens dans leur guerre contre la Russie.

 

S’attendre à une très longue guerre en Ukraine

S’attendre à un long conflit en Ukraine

La résistance acharnée que l’Ukraine a jusqu’ici opposée à la Russie ne suffira pas à faire reculer Moscou, qui ne consentira à négocier réellement qu’en position de force estime Cyrille Bret, Géopoliticien, Sciences Po qui prévoit aussi un long conflit

 

Après le choc initial de l’offensive russe, l’espoir semble renaître en Ukraine.

Attaqué depuis tous les points cardinaux, le pays a résisté. Alors que de nombreuses villes ont été frappées et que son centre névralgique, Kiev, se trouve dans le viseur russe, les institutions se sont jusqu’à présent maintenues. Nié dans son identité nationale par Vladimir Poutine, le peuple ukrainien a enrayé la conquête éclair de son territoire.

Contre toute attente, presque une semaine après le début de la guerre, les troupes russes n’ont pas pris le contrôle du territoire ukrainien. Signe de la limite de leur action, des négociations se sont même tenues hier entre belligérants.

On doit saluer la résilience des forces ukrainiennes. Mais on ne doit surtout pas se réjouir trop tôt, à l’Ouest de l’Europe : une deuxième vague de l’offensive russe est inéluctable. Elle est en cours et elle répond à des motivations structurelles de la présidence russe.

En effet, les autorités de Moscou ne peuvent se satisfaire de leurs avancées territoriales actuelles – aussi larges soient-elles. D’une part, la Russie n’a pas atteint ses principaux objectifs stratégiques ; d’autre part, le leadership russe s’est placé dans une situation de « vaincre ou mourir » ; enfin, dans l’état actuel des choses, le Kremlin n’aborderait pas des négociations de paix dans une position suffisamment forte pour obtenir des concessions majeures de la part du camp ukrainien et des Occidentaux. Traditionnellement, les Russes négocient quand les gains militaires sur le terrain sont substantiels.

La ligne de front est loin d’être figée et la guerre, loin d’être finie. Nous allons vivre, nous vivons déjà une « deuxième guerre d’Ukraine » qui sera encore plus violente que l’offensive de la semaine dernière.

La Russie n’a pas atteint ses objectifs stratégiques en Ukraine

Les combats ne font que commencer en Ukraine car la situation actuelle ne correspond pas au fameux « état final recherché » par les autorités russes en Ukraine – autrement dit, à la vision qu’elles se font de ce que serait leur victoire.

Si l’on examine l’agenda explicite de la présidence russe, l’« opération militaire spéciale » en Ukraine obéit à plusieurs buts : éviter un « génocide » des russophones, « dénazifier » le pays et le « démilitariser ».

Aujourd’hui, les succès militaires russes sont notables au sud, à proximité de la Crimée, dans l’est dans les territoires du Bassin du Don (Donbass), dans la région de Kharkiv et surtout au nord, dans la région de Kiev. Les forces armées russes ont même fait craindre, par leur Blietzkrieg, une disparition rapide de l’État ukrainien.

Toutefois, les autorités de Moscou ne peuvent considérer leur mission (illusoire) comme accomplie : les forces ukrainiennes sont loin d’être défaites et les institutions du pays, on l’a dit, fonctionnent. La Russie n’est pas en position d’installer un gouvernement pro-russe plus ou moins fantoche à Kiev.

Si l’on analyse la situation actuelle au vu des objectifs implicites ou cachés de la Russie, on constate que, là encore, il est impossible au Kremlin de se satisfaire des gains qu’il a obtenus jusqu’ici. L’Ukraine est plus que jamais tournée vers l’Union européenne, comme en atteste la demande d’adhésion exceptionnelle déposée par le président Zelensky, qui sera examinée au plus vite par l’UE ; l’OTAN est plus que jamais engagée en Europe centrale et orientale ; et la population ukrainienne ne s’est pas divisée.

Autrement dit, la Russie n’a pas encore obtenu, les armes à la main, ce qu’elle demande depuis plus d’une décennie, à savoir un arrimage de l’Ukraine à sa propre zone d’influence politique, militaire et économique. L’invasion n’a pas annulé la révolution de Maïdan par laquelle, en 2014, l’Ukraine avait refusé de se détourner de l’UE et de retourner dans l’escarcelle de Moscou.

La Russie est aujourd’hui condamnée à continuer la guerre sous peine de graves troubles dans ses cercles de décision.

La deuxième offensive russe promet d’être d’autant plus dure que la Russie a développé et rôdé une approche particulière des négociations de cessez-le-feu, comme l’ont montré les précédents des accords dits « de Minsk » sur le Donbass et le forum d’Astana sur la Syrie.

Depuis dix ans, les autorités russes conduisent des opérations militaires pour pouvoir ensuite (et, souvent, en même temps) négocier en position de force. Pour la diplomatie russe, il n’y a pas de solution de continuité entre guerre et négociation mais, au contraire, une imbrication permanente : quand elle estime les concessions insuffisantes de la part de l’adversaire, elle n’hésite pas à relancer les combats. Diplomatie et action militaire se complètent et s’épaulent l’une l’autre.

C’est pourquoi il apparaît que les négociations lancées hier en Biélorussie sont au mieux un premier pas, au pire une diversion. En effet, Moscou n’est pas en mesure d’obtenir, au cours de ces pourparlers, ce qu’elle veut arracher à l’Ukraine par les combats.

Tant qu’elle n’occupe pas Kiev, tant qu’elle ne contrôle pas la totalité du Donbass (au-delà du territoire des deux républiques sécessionnistes de la LNR et de la DNR) ou tant qu’elle n’a pas établi une continuité territoriale entre la Crimée et le Donbass, elle ne pourra pas obtenir la réforme constitutionnelle de l’Ukraine qu’elle exige - une réforme qui garantirait la neutralité, la démilitarisation et la décentralisation du pays.

Elle ne sera sûrement pas non plus en mesure de faire annuler les sanctions diplomatiques et économiques sans précédent adoptées par les Européens. Et elle ne pourra pas forcer une éventuelle partition de l’Ukraine pour réduire le territoire contrôlé par Kiev au statut d’État-croupion. En effet, pour Moscou, l’enjeu de négociations sera non seulement l’avenir de l’Ukraine mais également le futur de ses relations avec l’UE et donc le démantèlement des sanctions ;

Autrement dit, même si la Russie veut négocier, elle ne le fera sûrement pas depuis sa position militaire actuelle. Les opérations de guerre vont continuer jusqu’à ce que Moscou puisse négocier en position de force.

Une raison supplémentaire très puissante joue en faveur d’une nouvelle offensive russe, rapide, implacable et massive : le président russe à mis sa crédibilité personnelle dans la balance. Le 21 février dernier, il a en effet impliqué tous les membres de son Conseil national de sécurité en les consultant, devant les caméras, sur la reconnaissance par la Russie des Républiques séparatistes autoproclamées.

La décision d’envahir l’Ukraine a exposé les cercles de décision qui entourent le président russe à de nombreuses sanctions. Même si le contrôle qu’il exerce sur les institutions est fort, il se doit de montrer aujourd’hui que les coûts payés par les dirigeants valent la peine d’être supportés au regard des gains stratégiques et politiques engrangés. Or, à l’heure actuelle, la disproportion est éclatante entre les résultats obtenus et les dommages économiques, financiers et politiques subis par ces dirigeants. L’option choisie par le président russe le condamne à une victoire incontestable. Il ne n’a pas encore emportée.

Pour Vladimir Poutine lui-même, la guerre en Ukraine ne peut que se poursuivre, jusqu’à la victoire qu’il espère. Aujourd’hui la Russie s’est elle-même condamnée à mener une « deuxième campagne militaire en Ukraine ». Celle-ci sera d’autant plus meurtrière que la première a rencontré une forte résistance. Les civils des grandes villes feront assurément les frais de cette spirale maximaliste russe.

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Par Cyrille Bret, Géopoliticien, Sciences Po.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation

Politique Les Français de plus en plus à droite ?

Politique Les Français de plus en plus à droite ?

 

Ce qui est évident, c’est que les Français votent de plus en plus pour la droite et l’extrême droite. De là à conclure que les français se situent idéologiquement à droite y a un pas à franchir. En effet ce qui explique d’abord le vote très majoritaire à droite c’est la défaillance complète des partis de gauche complètement éclatés dans un nombre de familles incalculables et qui ont tellement déçu depuis plus de 20 ans avec un discours très radical lors des campagnes électorales et une gestion finalement assez semblable aux partis qui les ont précédés.

C’est parce que la gauche est complètement discréditée en ce moment que la droite progresse. Pour preuve la majorité des Français n’adhère pas au libéralisme économique. C’est pourtant ce qui d’un point de vue idéologique caractérise une adhésion politique à la droite ( avec le libéralisme politique). La vérité sans doute c’est que les Français sont très partagés sur de nombreux sujets et qu’il est difficile de les identifier à travers une case politique bien précise.

Après une crise sanitaire et un quinquennat mené par un président de la République ayant fait ses gammes à gauche, les Français se positionnent de plus en plus à droite politiquement. C’est le constat que dresse une étude menée par OpinionWay pour le Cevipof, centre de recherches politiques rattaché à Sciences Po, réalisée entre le 23 décembre 2021 et le 10 janvier 2022 et dévoilée  dans le Figaro.

Ce « baromètre de la confiance politique », mené depuis 2009, établit qu’actuellement, 32% des Français se classent politiquement à droite, et 11% à l’extrême droite. De l’autre côté de l’échiquier politique, 17% se disent de gauche et 6% se placent à l’extrême gauche. Enfin, 14% s’estiment au centre, quand 20% ne se prononcent pas.

Des résultats, qui ramenés à ceux de 2017, viennent témoigner du basculement à droite d’une partie des Français. Il y a cinq ans, 26% d’entre eux se disaient de droite. Soit six points de moins qu’actuellement.

De même, la part de Français se situant à l’extrême droite a grimpé de quatre points sur la même période, passant de 7% en 2017 à 11% aujourd’hui. Le phénomène s’est accru ces derniers mois. Alors que la part se plaçant à l’extrême droite était retombée à 7% en février 2021, elle a connu une importante remontée en un an. Les résultats de l’étude sont toutefois contradictoires.

En effet, les résultats de l’enquête menée par OpinionWay pour le Cevipof témoignent d’un paradoxe. Bien qu’ils se positionnent plus à droite qu’il y a cinq ans, les Français sont en parallèle plus que jamais hostile au libéralisme économique.

73% d’entre eux pensent que « l’économie actuelle profite aux patrons aux dépens de ceux qui travaillent », et 57% jugent que « pour établir la justice sociale, il faudrait prendre aux riches pour donner aux pauvres ».

De même, concernant les questions de société, 61% des Français estiment que « la procréation médicalement assistée (PMA) est une bonne chose pour les femmes seules ou homosexuelles ». Tout en étant 63% à juger qu’ »il y a trop d’immigrés en France ».

Difficile donc d’y voir clair, d’autant que 39% des sondés disent souhaiter voir à la tête du pays « un homme fort qui n’a pas à se préoccuper du Parlement ou des élections », soit une dictature, et 27% une junte militaire.

Covid-19 : un manque de stratégie à long terme

Covid-19 : un manque de stratégie à long terme

 

Dans une tribune au « Monde », sept médecins estiment que le port du masque en extérieur est discutable scientifiquement, mais que les pouvoirs publics doivent conserver une ligne rouge : éviter la saturation du système de santé.

Al ‘heure où la dynamique épidémique s’accélère, représentant une menace sérieuse pour certaines régions, se pose la question, difficile, des nouvelles mesures à prendre. Devant l’imprévisibilité de l’évolution de cette pandémie, le principe de précaution paraît séduisant. Il faut cependant se prémunir de la tentation d’un covido-centrisme, qui consisterait à penser qu’absolument toute mesure visant à réduire la circulation du virus est bonne à prendre, indépendamment des conséquences à court et long termes qu’elle risque d’avoir sur l’ensemble de la population.

Au fond, chaque nouvelle mesure doit être prise en respectant le même principe de précaution, lequel n’envisage pas uniquement le risque sanitaire, mais aussi les risques économiques et sociaux. Il faut s’assurer que de nouvelles mesures contraignantes − en particulier le recours à un nouveau confinement, même partiel − ne risquent pas d’exposer une partie de la population à une plus grande précarité sociale fragilisant leur état de santé et pouvant aboutir, dans certains cas, à une mort prématurée.

Des mesures discutables

On a observé de manière frappante lors du grand confinement que les différentes classes sociales n’ont pas été également impactées par les mesures de restriction : les plus précaires en ont subi les conséquences de plein fouet. C’est un paradoxe, mais des mesures sanitaires visant à préserver la vie de certains peuvent, par leur impact social, surexposer la frange la plus précaire de la population.

Même avec l’espoir d’une vaccination disponible et efficace dans les six prochains mois, il semble acquis que le Covid-19 est là pour durer, et il faut accepter que cette maladie fasse désormais partie de notre monde.

Le conseil scientifique a récemment souligné que le gouvernement allait devoir prendre des décisions difficiles. Certaines mesures déjà mises en œuvre sont efficaces et ont été bien suivies : les limitations de rassemblements massifs, le port du masque en lieu clos, le lavage des mains et la stratégie test-isolement-traçage étaient des mesures raisonnables et indispensables. Elles ont permis que la reprise de l’épidémie soit beaucoup plus lente que la première vague, et de limiter les contaminations des personnes à risque.

Mais d’autres décisions, comme l’obligation du port du masque en extérieur, sont discutables scientifiquement. Elles risquent de générer le doute et de limiter l’adhésion d’une partie de la population aux recommandations sanitaires en général, y compris celles qui, pourtant, restent indiscutables.

 

Le danger des dettes à long terme ( DWS)

Le danger des dettes à long terme ( DWS)

Le géant d’actifs allemands DWS s’inquiète à juste titre des conséquences des dettes massives qui vont être consenties pour tenter de relancer l’économie à long terme. Pour le spécialiste financier, il n’y a que deux moyens pour y remédier  soit faire d’énormes efforts de croissance pour ramener la richesse mondiale au niveau de sa représentation monétaire soit reprendre dans la poche de l’épargnant ou du salarié l’impôt volontaire que constitue l’inflation. La dévalorisation monétaire permettrait en fait de reprendre d’une main ce c qu’on a accordé de l’autre ou plus exactement de financer  en réduisant le pouvoir d’achat. Ce que craint le spécialiste financier c’est  que cet énorme plan  de dettes ne soutienne une masse d’entreprises qui ne sont plus aujourd’hui compétitives et contribuent à faire tomber la productivité.

Ces programmes vont faire exploser la dette publique qu’il faudra réduire et rien ne garantit que la croissance ou l’inflation le permettront, écrit Martin Moryson, chef économiste Europe de la société de gestion allemande, dans une note publiée jeudi.

“Ces programmes étaient sans aucun doute inévitables face à la gravité de la situation mais il est également certain qu’ils auront des effets collatéraux considérables à long terme”, écrit-il.

“L’intervention des gouvernements dans l’économie comporte le risque d’importantes distorsions qui pourraient peser à terme sur la croissance de la productivité”, argumente-t-il. Il faudra rembourser, l’annulation de la dette n’étant pas une solution en raison des risques économiques et sociaux qu’elle comporte, selon Martin Moryson.

Si la croissance et l’inflation n’apportaient pas de réponse à l’endettement, il faudrait envisager de recourir à l’excédent budgétaire par le biais de politiques de rigueur, une solution loin d’être idéale, ajoute l’économiste.“La discipline budgétaire, souvent appelée austérité par ses adversaires, a été très impopulaire, a affaibli la cohésion de sociétés et pèse sur le soutien de la population aux gouvernements qui la mettent en place”, écrit-il. Les plans de relance menacent à terme de fausser la concurrence en maintenant artificiellement en vie des entreprises non compétitives, poursuit-il.

Plus généralement, la crise du coronavirus pourrait favoriser une poussée du protectionnisme avec le rôle renforcé des Etats dans l’économie.

“Le capitalisme, qui était déjà dans une situation inconfortable avant le coronavirus, pourrait l’être encore davantage après l’épidémie”, conclut Martin Moryson. Tout cela n’est sans doute pas complètement faux et en vérité il faudra trouver le bon mixte qui permettra de combiner la rigueur, la fiscalité et l’inflation et cela sur une assez longue période car on ne peut amortir un tel choc en quelques années. Le climat social dégradé pourrait favoriser l’acceptation tacite d’un environnement économique et financier dégradé.

Monde d’après : identifier les enjeux à long terme

Monde d’après : identifier les enjeux à long terme

Dans une tribune au « Monde », douze universitaires membres de différents groupes de réflexion lancent un appel pour agir ensemble à l’échelle européenne et créer un réseau intégrant les enjeux de long terme dans les réponses politiques à la crise actuelle.

Tribune. La crise causée par le Covid-19 frappe nos sociétés alors que notre système financier est encore marqué par la crise d’il y a dix ans, et que la zone euro souffre toujours des profonds déséquilibres économiques qui menacent à terme sa survie même. Surtout, elle nous frappe alors même que la crise climatique et environnementale continue de s’aggraver et d’accroître les inégalités à l’échelle mondiale.

Chacune de ces crises possède ses causes propres, mais elles sont profondément interconnectées. Ces dernières années, nous avons enfin pris conscience du fait que le changement climatique pouvait déclencher des crises financières ; désormais nous savons que la perte de biodiversité augmente le risque de pandémies d’origine zoonotique qui peuvent, à leur tour, ébranler l’économie mondiale.

S’il est impossible de prévenir complètement les futurs risques sanitaires ou financiers, nous pouvons en adoucir les effets en rendant nos sociétés et nos économies plus résilientes. En effet, pourquoi notre système économique actuel semble-t-il si vulnérable à de nouveaux chocs ?

 

D’abord, parce qu’il poursuit l’objectif de croissance économique aveuglément, au détriment du bien commun et sans tenir compte de ses effets destructeurs. Pendant longtemps, la croissance a été utilisée pour justifier l’accroissement des inégalités des richesses et des revenus ; aujourd’hui elle demeure trop consommatrice d’énergie et de matières premières, alors qu’elle devrait être qualitative, mesurée à l’aide des indicateurs de bien-être social et environnemental. 

L’emprise des lobbies

Deuxièmement, parce qu’il privilégie les rendements à court terme plutôt que le développement à long terme et la cohésion sociale de nos sociétés. Les bénéfices des entreprises sont canalisés vers des rachats d’actions au lieu des salaires ou des investissements dans la transition écologique, tandis que le marché du travail protège de moins en moins les travailleurs dans de nombreux pays européens.

 

Troisièmement, notre vulnérabilité tient à l’emprise des lobbys du monde d’hier sur les décisions publiques, rendant encore plus difficile la prise en compte des enjeux de long terme. Et inversement, les mises ne garde des scientifiques sont ignorées car jugées trop dérangeantes pour le modèle économique actuel. 

Désormais nous savons que la perte de biodiversité augmente le risque de pandémies d’origine zoonotique qui peuvent, à leur tour, ébranler l’économie mondiale

Ce triple constat n’est pas nouveau. A chaque grande crise le débat sur les solutions foisonne, mais ensuite le statu quo est rapidement rétabli ; les mesures d’austérité et la régulation inadéquate de la finance qui ont suivi la crise financière de 2008 en offrent des illustrations limpides.

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