Archive pour la Catégorie 'environnement'

« Marxisation de l’écologie »

La montée en puissance du changement climatique, accentuée par la canicule européenne de 2025, met à mal la cohésion des partis écologistes européens. Alors que la science avertit de graves conséquences, la radicalisation idéologique complique la transition écologique et divise les forces politiques. Par Eric Muraille, Philippe Naccache, et Julien Pillot (*) dans la Tribune

Il aura fallu que l’Europe soit traversée par un épisode caniculaire aussi intense que précoce pour que l’attention médiatique se porte de nouveau sur la menace du changement climatique. Enfin, serait-on tenté de dire, alors que vient d’être dressé le constat qu’il sera désormais impossible de satisfaire aux accords de Paris. Or, si l’on se fie au rapport Copernicus, une hausse des températures moyennes mondiales de +2°C serait synonyme de réchauffement moyen de +4°C pour le Vieux Continent.

Les funestes conséquences en matière de productivité, de santé publique, de disponibilité de ressources (notamment agricoles), de vitalité et diversité des écosystèmes ou de coûts imputables à la recrudescence d’événements extrêmes devraient, selon toute logique, faire du financement de la transition une priorité stratégique et de l’écologie une cause fédératrice et populaire. Au lieu de ça, les partis écologistes reculent (presque) partout en Europe et, avec eux, les projets en lien avec la transition. Nous soutenons qu’une partie du problème réside dans l’idéologie d’inspiration marxiste que véhiculent certains des responsables et militants écologistes les plus radicaux et les plus bruyants.

Car si les écologistes européens sont divisés en deux grands courants, force est de constater que les tenants d’une ligne (post)marxiste ont gagné la guerre de l’image les opposant aux libéraux réformistes. Ce qui a pour effet de diluer le discours environnemental dans un substrat de propos radicaux, profondément anticapitalistes, qui a la fâcheuse tendance à analyser le dérèglement climatique sous le prisme du décolonialisme et de l’affrontement entre l’Occident, présenté comme responsable du changement climatique, et un Sud global, qui en serait la victime.

Dans ce contexte, il n’est guère surprenant que l’activiste climatique Greta Thunberg se donne en spectacle sur le voilier Madleen, que les responsables des partis écologistes Français ou Belge se soient à ce point répandus sur la cause palestinienne, ou que le très controversé militant suédois Andreas Malm puisse rendre « l’entité sioniste » coupable de la destruction des écosystèmes de la Méditerranée devant un public conquis d’avance. Nous conviendrons qu’associer la lutte contre le changement climatique à des conflits territoriaux, politiques et religieux de cette nature n’est peut-être pas la meilleure stratégie pour créer du consensus face au changement climatique…

L’influence des courants (post)marxistes dans les partis écologistes européens se traduit également par un rejet du caractère universaliste de la science. Un comble alors que la science, non seulement joue un rôle fondamental dans la lutte contre le changement climatique, mais aussi pour fournir des modèles et prévisions ayant pour objet d’alerter les décideurs publics et les populations quant au risque climatique ou encore l’état et les conséquences des dégradations environnementales. Se défier de la science, c’est l’assurance de rendre (encore plus) impopulaires, et surtout inefficaces, des mesures en faveur de la transition. C’est pourtant bien la ligne de la députée Sandrine Rousseau, prompte à présenter la science moderne comme un outil de la domination patriarcale et occidentale. C’est ainsi que dans son manifeste « Par‑delà l’androcène », elle plaidait pour une pluralité épistémologique contre l’hégémonie du savoir occidental moderne tout en présentant « l’homme occidental cisgenre » comme le principal responsable de de la dégradation de l’environnement. Ou qu’elle pouvait déclarer en 2021 que « le monde crève de trop de rationalité, de décisions prises par des ingénieurs. Je préfère des femmes qui jettent des sorts plutôt que des hommes qui construisent des EPR. ».

Cette approche féministe et décoloniale, d’inspiration marxiste, ajoute un clivage homme-femme au clivage Nord-Sud et entraine une communautarisation de la science en niant son universalité, ce qui nous prive d’une base consensuelle à partir de laquelle des politiques publiques peuvent être discutées et élaborées

Dans les urnes, avantage aux courants libéraux réformateurs
Si la radicalité paye sur le plan médiatique, le verdict des urnes est sans appel : les partis écologistes reculent partout où leurs représentants ont succombé à la radicalité ! Aux élections européennes, EELV est passé de 13,48% en 2019, lorsqu’elle incarnait avec Yannick Jadot une écologie libérale et réformiste, à 5,5% en 2024 après avoir pris un tournant plus radical, altermondialiste, décoloniale et anticapitaliste avec Marie Toussaint. Même scénario en Belgique où le parti Ecolo, qui s’est engagé dans les luttes antiracistes et décoloniales et à fortement milité en faveur de la cause palestinienne, est passé aux élections législatives de 6.14% en 2019, à 2.93% en 2024. A l’inverse, sur la même période, des Pays-Bas au Danemark, les partis écologistes réformistes ont maintenu, voire amélioré, leurs scores.

Étrangement, présenter l’homme occidental – comme le « mal » absolu ne fait pas recette. Pas plus que verser dans un récit décolonial n’a aidé à faire converger les positions lors des précédentes COPs où les discussions achoppent souvent sur les aides et les dédommagements que devraient fournir l’Occident aux anciens pays colonisés…

Associer plutôt que diviser !
Loin de servir la cause qu’elle entend défendre, la marxisation de l’idéologie écologique multiplie les divisions autant qu’elle s’en nourrit : entre le Nord et le Sud, les hommes et les femmes, les capitalistes et les altermondialistes. Elle ose même présenter la science comme un outil de domination et entretenir le mythe d’une action climatique via une révolution anticapitaliste menée par le Sud global, celui-là même qui est avide de croissance, alimente la pression démographique comme celle sur les ressources, et n’est pas étranger à la pollution aux hydrocarbures ou au plastique. Si on ajoute au tableau les appétits impérialistes Russes, Américains ou Chinois, l’avenir n’est clairement pas à l’utopie altermondialiste et aux discours moralisateurs et clivants. Cela ne pourra qu’accentuer le rejet de l’écologie politique, au moment où nous en avons le plus besoin.

_____

(*) Eric Muraille, Biologiste, Immunologiste, DR F.R.S.-FNRS, Université Libre de Bruxelles

Philippe Naccache, Enseignant-chercheur en Sustainability, Inseec Grande Ecole (Groupe Omnes Education)

Julien Pillot, Economiste, enseignant-chercheur, Inseec Grande Ecole (Groupe Omnes Education)

Coût des catastrophes climatiques jusqu’à 5% du PIB en 5 ans

Coût des catastrophes climatiques jusqu’à 5% du PIB en 5 ans

Les catastrophes climatiques pourraient coûter jusqu’à 5% du PIB de la zone euro d’ici 2030, alerte la BCE dans une note de blog publiée mardi 8 juillet.

Un tel choc viendrait rogner les prévisions de croissance du Fonds monétaire international (FMI) pour la région économique, qui servent aujourd’hui de scénario de référence, précise l’institution de Francfort. Pour parvenir à cette estimation, la BCE s’est appuyée sur plusieurs scénarios, du pire au plus favorable, émis par le réseau NGFS – une coalition de plus de 140 banques centrales et autres régulateurs qui travaillent à verdir la finance.

Météo: Un pic jusqu’à 38°

Météo: Un pic jusqu’à 38°

A partir du jeudi 19 juin, les températures vont grimper dans les départements de la façade Atlantique, prévient Météo-France. Ces fortes chaleurs se généraliseront au reste du territoire vendredi et samedi, journée qui devrait « constituer le pic de cet épisode, notamment [dans l'ouest de la France] avec des valeurs qui seront fréquemment situées entre 34 et 37°C, voire 38°C » d’après Météo France

Les députés macronistes contre la suppression des ZFE

Les députés macronistes contre la suppression des ZFE

Les députés du groupe macroniste Ensemble pour la République (EPR) ont choisi de voter mardi contre le projet de loi de «simplification» qui prévoit notamment la suppression des zones à faibles émissions (ZFE). Samedi, Les Républicains et le Rassemblement national ont notamment fait adopter la suppression des ZFE, avec des voix du bloc central et de La France insoumise, opposées à la façon dont ce dispositif est appliqué sur le territoire.

Les feux de forêts progressent encore au Canada

Les feux de forêts progressent encore au Canada


Le Canada connaît une saison des feux de forêt précoce et extrême avec déjà plusieurs mégafeux actifs. Et ces derniers dévorent les terres à un rythme hors du commun, puisque 3,5 millions d’hectares sont déjà partis en fumée, soit un peu plus que la superficie de la Belgique.

Quelque 225 feux sont actuellement actifs dans le centre et l’ouest du pays, et plus de 30.000 personnes ont déjà dû être évacuées. Et les incendies de forêt risquent de s’aggraver au cours des trois prochains mois, ont prévenu les autorités, en raison de la sécheresse et des températures supérieures à la normale. «Les superficies brûlées à la fin du mois de mai sont environ trois fois supérieures à la moyenne sur dix ans pour cette période de l’année», a observé Bill Merryfield, chercheur pour le ministère de l’Environnement. Une intensité qui rappelle l’été 2023, qui fut apocalyptique avec près de 18 millions d’hectares brûlés, selon les chiffres actualisés du Centre interservices des feux de forêts du Canada (Ciffc).

Selon les données des autorités, la plupart des incendies sont déclenchés par les activités humaines, le plus souvent de façon accidentelle dans un environnement très sec.

Nice- Un indispensable sommet mondial sur l’océan

Nice- Un indispensable sommet mondial sur l’océan


La troisième Conférence des Nations unies sur l’océan se tiendra à Nice, du 9 au 13 juin, en présence de 60 chefs d’Etat ou de gouvernement, sans les Etats-Unis. Même si les objectifs paraissent modestes, cette conférence doit permettre d’entretenir la mobilisation en faveur d’une cause qui concerne l’humanité tout entière. ( Le Monde)

La protection de l’environnement est devenue, en quelques mois, la cible de tant d’attaques que le simple fait que la troisième Conférence des Nations unies sur l’océan (UNOC) puisse réunir près de 60 chefs d’Etat ou de gouvernement à Nice, du 9 au 13 juin, mérite d’être salué. Après l’accord obtenu en novembre 2024 à Bakou, lors de la 29e Conférence des parties (COP) sur le climat, puis celui produit lors de la COP consacrée à la biodiversité à Rome, fin février, cette résistance d’un multilatéralisme, lui aussi en crise, se vérifie une nouvelle fois.

Elle doit néanmoins être tempérée par les objectifs de cette conférence, bien modestes au regard de tout ce qui fragilise le poumon bleu de la planète, ce puits de carbone qui absorbe de 25 % à 30 % du CO2 émis par les activités humaines. Les maux sont connus : acidification sous l’effet du réchauffement climatique, pollutions multiples, surpêche, pour n’en citer que quelques-uns.

Contrairement à une COP sur le climat, l’UNOC ne va pas, en effet, se conclure par un accord permettant de mesurer le degré d’engagement des pays participants dans la préservation des océans. Cette conférence doit permettre avant tout d’entretenir la mobilisation en faveur d’une cause qui concerne l’humanité tout entière.

La France va tenter à cette occasion de faire avancer la ratification en souffrance du traité sur la haute mer, adopté en 2023, et qui se donne pour mission la protection de la biodiversité dans les eaux internationales. Le volontarisme des participants sur la question de la protection des aires marines protégées au sein des zones économiques exclusives, sur lesquelles les Etats côtiers exercent des droits souverains, sera également scruté.

Court-termisme

Une absence va lourdement peser sur la conférence. Celle des Etats-Unis, qui incarnent, jusqu’à la caricature depuis le retour à la Maison Blanche de Donald Trump, une réaction antienvironnementale. Cette dernière est nourrie par une aigreur nationaliste étriquée et par un obscurantisme revendiqué qui ambitionne de réduire au silence la science et ses constats implacables.

Au Parc des expositions de Nice, avant la Conférence des Nations unies sur les océans (UNOC), le 2 juin 2025. FRÉDÉRIC DIDES/AFP
C’est d’ailleurs du bureau Ovale qu’est venue la dernière attaque en règle contre l’océan, le 24 avril, avec le paraphe d’un décret présidentiel ouvrant la voie à l’exploitation minière des grands fonds marins, au-delà des juridictions nationales. Il s’agit d’une offensive renouvelée contre la Convention des Nations unies sur le droit de la mer et contre l’Autorité internationale des fonds marins. Cet organisme, que les Etats-Unis ne reconnaissent pas, tente laborieusement d’élaborer un code minier pour les océans placés sous la pression de logiques extractivistes.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés UNOC : l’appétit croissant de l’industrie minière pour les fonds marins au menu de la conférence sur l’océan

Le court-termisme est le principal ressort des menaces dont l’océan fait l’objet. Le fléau de la pollution plastique, qui sera abordé lors de la conférence de Nice, y prend une place grandissante. Il en va de même pour le chalutage de fond, qui met en évidence le dilemme entre la nécessité de la lutte pour la préservation de la biodiversité et son coût économique et social. Ce dilemme est l’une des raisons de l’accumulation de revers essuyés par les défenseurs de l’environnement en France, au sein de l’Union européenne, comme partout dans le monde. Tenter inlassablement de le surmonter est plus que jamais impératif.

Le Monde

Océans : l’avenir de l’humanité

Océans : l’avenir de l’humanité

Alors que s’ouvre ce lundi 9 juin à Nice la troisième conférence des Nations unies sur l’océan (l’Unoc), personne ne peut s’offrir le luxe d’un énième rendez-vous manqué. À Nice, c’est l’avenir de l’humanité qui se joue, tant l’océan est aujourd’hui menacé. Cette fragilité et cette lente destruction, j’en ai été témoin l’hiver dernier lors d’une navigation en solitaire de cent quatorze jours autour du monde pendant le Vendée Globe. Les effets du changement climatique sur l’océan, je les ai ressentis en constatant chaque jour que la nature était plus imprévisible qu’elle ne l’avait jamais été. Les masses d’air au large sont de plus en plus instables, les grains plus nombreux.

par le navigateur et journaliste Fabrice Amedeo dans La Tribune

La météo ne se passe plus comme dans les livres  : j’ai vu les alizés cassés par des phénomènes dépressionnaires ou anticycloniques atypiques, les mers du Sud traversées par des dépressions terriblement violentes en plein été austral ou au contraire des zones de vent mou dans des régions où elles ne sont pas censées élire domicile. J’ai été témoin de la pollution qui est de plus présente en surface de l’océan, les chocs avec des objets flottants non identifiés ont été fréquents même à des milliers de kilomètres de toute civilisation.

J’ai vu du polystyrène flotter près du Cap Horn. J’ai traversé des essaims de bateaux de pêches chinois au nord des îles Malouines, très loin de leurs zones de pêche, tractant une bouée à 2 milles nautiques dans leur sillage (3,7 kilomètres) et un gigantesque filet qui pille l’océan de sa biodiversité en rapportant quotidiennement des milliers de tonnes de poissons à bord.

À Nice, l’ambition affichée est « d’accélérer l’action et mobiliser tous les acteurs pour conserver et utiliser durablement l’océan » en réunissant les 193 chefs d’États membres, les organisations internationales ainsi que des représentants de la société civile (ONG, scientifiques, entreprises). Réjouissons-nous que la France soit au centre du monde pour un événement qui engage l’histoire de l’humanité, mais espérons surtout des résultats.

Il faut définir des aires marines protégées qui soient de véritables sanctuaires pour la biodiversité  : aujourd’hui, ces aires couvrent officiellement 8 % des océans, mais la pêche intensive y est toujours autorisée, c’est le cas en France. Les zones réellement sanctuarisées ne couvrent que 3 % des grands espaces bleus. En atteignant l’objectif de 30 % d’ici à 2030, on sait aujourd’hui que l’on permettrait à la biodiversité de se régénérer, ce sont les scientifiques qui le disent.

Il faut réguler la pêche et notamment interdire le chalutage de fond dans ces aires. La pêche industrielle est la première cause de destruction de l’océan. Il faut aussi inciter les États-Unis à revenir sur l’autorisation récemment accordée par Donald Trump pour l’exploitation minière des grands fonds, car une nouvelle catastrophe écologique se prépare.

Le poumon de notre planète

Parce je l’ai vécu dans ma chair, parce que j’ai eu peur, parce que je n’ai cessé de penser alors à mes trois filles et à tous les écoliers que je côtoie chaque année dans le cadre d’actions de sensibilisation, j’ai la conviction que la préservation des océans mérite mieux que le manichéisme, que de déclarer la guerre au capitalisme ou aux industriels. Les politiques ne feront pas l’impasse sur un courage nécessaire et même parfois sur une certaine forme de radicalité.

Nous avons le devoir de les interpeller, de leur demander des comptes pour nous, mais plus encore pour les générations futures. « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. La nature mutilée, surexploitée, ne parvient plus à se reconstituer [...] et nous sommes indifférents. La Terre et l’humanité sont en péril, et nous sommes tous responsables. » Comme Jacques Chirac, il y a vingt-trois ans, il ne faut cesser de dire aux politiques de la planète que notre maison et ses océans brûlent, même si pour le moment la plupart d’entre eux continuent de regarder ailleurs.

L’océan est le poumon de notre planète. Il capte jusqu’à un tiers de nos émissions de CO2, il est vital pour lutter contre le changement climatique, il a déjà capté 90 % des excédents de chaleur produits par l’humanité. Sans lui, la planète ne serait d’ores et déjà plus vivable. À Nice, nos dirigeants doivent prendre des engagements forts pour l’océan, pour sa biodiversité, pour le climat, pour notre planète, pour notre avenir. À Nice, nos dirigeants ont rendez-vous avec l’histoire de l’humanité.

Nice- Un indispensable sommet mondial sur l’océan

Nice- Un indispensable sommet mondial sur l’océan


La troisième Conférence des Nations unies sur l’océan se tiendra à Nice, du 9 au 13 juin, en présence de 60 chefs d’Etat ou de gouvernement, sans les Etats-Unis. Même si les objectifs paraissent modestes, cette conférence doit permettre d’entretenir la mobilisation en faveur d’une cause qui concerne l’humanité tout entière. ( Le Monde)

La protection de l’environnement est devenue, en quelques mois, la cible de tant d’attaques que le simple fait que la troisième Conférence des Nations unies sur l’océan (UNOC) puisse réunir près de 60 chefs d’Etat ou de gouvernement à Nice, du 9 au 13 juin, mérite d’être salué. Après l’accord obtenu en novembre 2024 à Bakou, lors de la 29e Conférence des parties (COP) sur le climat, puis celui produit lors de la COP consacrée à la biodiversité à Rome, fin février, cette résistance d’un multilatéralisme, lui aussi en crise, se vérifie une nouvelle fois.

Elle doit néanmoins être tempérée par les objectifs de cette conférence, bien modestes au regard de tout ce qui fragilise le poumon bleu de la planète, ce puits de carbone qui absorbe de 25 % à 30 % du CO2 émis par les activités humaines. Les maux sont connus : acidification sous l’effet du réchauffement climatique, pollutions multiples, surpêche, pour n’en citer que quelques-uns.

Contrairement à une COP sur le climat, l’UNOC ne va pas, en effet, se conclure par un accord permettant de mesurer le degré d’engagement des pays participants dans la préservation des océans. Cette conférence doit permettre avant tout d’entretenir la mobilisation en faveur d’une cause qui concerne l’humanité tout entière.

La France va tenter à cette occasion de faire avancer la ratification en souffrance du traité sur la haute mer, adopté en 2023, et qui se donne pour mission la protection de la biodiversité dans les eaux internationales. Le volontarisme des participants sur la question de la protection des aires marines protégées au sein des zones économiques exclusives, sur lesquelles les Etats côtiers exercent des droits souverains, sera également scruté.

Court-termisme

Une absence va lourdement peser sur la conférence. Celle des Etats-Unis, qui incarnent, jusqu’à la caricature depuis le retour à la Maison Blanche de Donald Trump, une réaction antienvironnementale. Cette dernière est nourrie par une aigreur nationaliste étriquée et par un obscurantisme revendiqué qui ambitionne de réduire au silence la science et ses constats implacables.

Au Parc des expositions de Nice, avant la Conférence des Nations unies sur les océans (UNOC), le 2 juin 2025. FRÉDÉRIC DIDES/AFP
C’est d’ailleurs du bureau Ovale qu’est venue la dernière attaque en règle contre l’océan, le 24 avril, avec le paraphe d’un décret présidentiel ouvrant la voie à l’exploitation minière des grands fonds marins, au-delà des juridictions nationales. Il s’agit d’une offensive renouvelée contre la Convention des Nations unies sur le droit de la mer et contre l’Autorité internationale des fonds marins. Cet organisme, que les Etats-Unis ne reconnaissent pas, tente laborieusement d’élaborer un code minier pour les océans placés sous la pression de logiques extractivistes.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés UNOC : l’appétit croissant de l’industrie minière pour les fonds marins au menu de la conférence sur l’océan

Le court-termisme est le principal ressort des menaces dont l’océan fait l’objet. Le fléau de la pollution plastique, qui sera abordé lors de la conférence de Nice, y prend une place grandissante. Il en va de même pour le chalutage de fond, qui met en évidence le dilemme entre la nécessité de la lutte pour la préservation de la biodiversité et son coût économique et social. Ce dilemme est l’une des raisons de l’accumulation de revers essuyés par les défenseurs de l’environnement en France, au sein de l’Union européenne, comme partout dans le monde. Tenter inlassablement de le surmonter est plus que jamais impératif.

Le Monde

Océans et droits humains

Océans et droits humains

La grave dégradation des océans, à laquelle va se consacrer, à partir de lundi, la 3ᵉ Conférence des Nations unies sur l’océan, n’obère pas seulement l’équilibre physique de la planète. Dans une tribune au « Monde », Astrid Puentes Riaño, rapporteuse spéciale des Nations unies, rappelle qu’elle constitue aussi un préjudice pour des centaines de millions d’êtres humains.

Il n’est pas nécessaire d’être expert des océans pour savoir que notre avenir y est fondamentalement lié. La santé de la planète – et les droits de ceux qui en dépendent – monte et descend avec la marée.

L’océan n’est pas seulement une immense étendue d’eau : il constitue le système de survie de la planète. Il régule la température, absorbe le carbone, produit de l’oxygène, abrite une biodiversité inestimable et soutient les moyens de subsistance, les cultures, l’alimentation et l’identité de milliards d’êtres humains à travers le monde.

Bien qu’il soit une source essentielle de vie, l’océan subit une dégradation sans précédent. Le changement climatique, l’exploitation industrielle, la pollution plastique, la surpêche et l’urbanisation côtière accélèrent cette détérioration.

Nous assistons à des vagues de chaleur marine, à l’augmentation des zones mortes, à une chute de la biodiversité et à la montée du niveau de la mer à un rythme alarmant. Ce ne sont pas de simples alertes scientifiques abstraites ; elles ont des conséquences concrètes : atteintes à la santé, décès, déplacements, insécurité alimentaire – avec des répercussions profondes sur les moyens de subsistance de millions de personnes, notamment les plus marginalisées.

1 000 milliards de dollars par an

Près de 500 millions de personnes dépendent de la pêche artisanale, dont de nombreuses communautés autochtones et côtières, véritables gardiennes de l’océan et de sa biodiversité. Pourtant, bien qu’elles soient en première ligne, ces communautés sont rarement incluses dans les processus décisionnels, alors même qu’elles sont essentielles aux solutions.

D’un point de vue économique, les faits sont déjà établis : la dégradation des océans coûte chaque année 1 000 milliards de dollars (environ 876 milliards d’euros) à l’économie mondiale.

Automobile : suppression des ZEF

Automobile : suppression des ZEF

L’Assemblée nationale a approuvé mercredi soir la suppression des «zones à faibles émissions», qui restreignent la circulation de certains véhicules thermiques, en adoptant un article du projet de loi de «simplification». L’article, introduit en commission à l’initiative de LR et du RN, a été adopté par 98 voix contre 51. Le vote devra encore être confirmé par l’adoption du projet de loi dans son intégralité. Initiées en 2019 pour limiter les émissions de particules fines, les ZFE sont une mesure emblématique de la loi Climat et résilience du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, excluant de leur périmètre certains véhicules très anciens et polluants, identifiés par les vignettes Crit’Air 3 ou plus selon les villes.

Pollution- « Les entreprises de capture du CO₂ dans l’air émettent plus de carbone qu’elles n’en éliminent !

Pollution- « Les entreprises de capture du CO₂ dans l’air émettent plus de carbone qu’elles n’en éliminent !


La start-up Climeworks se proposait de piéger le CO₂. Vite valorisée à 1 milliard de dollars, elle a été imitée par bien d’autres. Cette technologie n’a pas tenu ses promesses, et, aujourd’hui, beaucoup d’entreprises et de particuliers pourraient s’estimer floués, observe Jean-Baptiste Fressoz, Historien, chercheur au CNRS dans Le Monde .

En 2017, Zurich devint le lieu de rendez-vous de la jet-set climatique. Journalistes, activistes et investisseurs s’y pressèrent, non pour admirer les rives paisibles du lac ou les demeures cossues de la ville, mais pour contempler les énormes ventilateurs installés par la start-up Climeworks sur le toit d’un incinérateur à ordures. Même Greta Thunberg fit le déplacement. A l’époque, l’entreprise se présentait comme la vitrine technologique de la capture du carbone. Ses fondateurs, Christoph Gebald et Jan Wurzbacher, accueillaient les visiteurs, leur présentant un dispositif où de puissants ventilateurs aspiraient l’air ambiant pour le faire passer à travers une substance absorbante à la composition tenue secrète, chargée de piéger le CO₂.

Le gaz ainsi capturé était ensuite redirigé vers une serre où l’on cultivait des concombres. Les deux ingénieurs affirmaient pouvoir capter et stocker 1 % des émissions mondiales en 2025, soit environ 400 millions de tonnes de CO₂ par an. L’annonce fit sensation. Les articles fleurirent, les capitaux affluèrent. En 2021, Climeworks inaugura une installation de plus grande envergure en Islande, alimentée par la géothermie. Cette fois, le CO₂ n’était plus utilisé pour faire pousser des légumes, mais injecté dans le sous-sol pour y être minéralisé, générant ainsi des « émissions négatives ». En 2022, la start-up atteignait une valorisation supérieure à 1 milliard de dollars (environ 890 millions d’euros).

Un quart de l’énergie mondial
Le filon ouvert par Climeworks a été suivi par de nombreuses autres start-ups – Carbon Engineering, Global Thermostat, Rewind, Terraformation, Living Carbon, Charm Industrial, Brilliant Planet, Planetary Technologies, Infinitree… pour n’en citer que quelques-unes. Elles sont aujourd’hui plus de 150, affublées de noms bien grandiloquents pour des entreprises qui émettent plus de carbone qu’elles n’en éliminent.

Ozone : protecteur et polluant

Ozone : protecteur et polluant

Dans la stratosphère, l’ozone protège la vie sur terre en absorbant des rayons UV nocifs. Mais, en dessous, dans la troposphère, il est à la fois polluant et gaz à effet de serre. Les clés d’un paradoxe, expliquent Sarah Safieddine, Camille Viatte et Cathy Clerbaux (Sorbonne Université) dans The Conversation .

Saviez-vous qu’il existe un « bon ozone » et un « mauvais ozone » ? Selon l’altitude où on la rencontre, la molécule est soit d’une absolue nécessité pour la vie sur terre, soit un gaz à effet de serre doublé d’un polluant néfaste pour la santé.

Naturellement présent dans notre atmosphère, l’ozone, du latin « ozein » (qui signifie « sentir », ce gaz ayant une senteur caractéristique qui permet de le détecter), a été identifié en 1840. L’ozone joue un rôle radicalement différent selon qu’on le rencontre dans la stratosphère (15 à 35 km d’altitude et où l’on retrouve 90 % de l’ozone atmosphérique total) ou dans la troposphère (moins de 10 km).

Protecteur ou polluant

Dans la stratosphère, il joue un rôle de bouclier protecteur en absorbant la plupart des UV nocifs pour l’ADN du vivant. Dans les années 1980, les scientifiques ont pris conscience que les activités humaines avaient perturbé cette couche d’ozone, au point qu’un trou s’y développe chaque printemps, ce qui a entraîné la naissance du protocole de Montréal en 1987. Ratifié par 197 Etats, il a permis de limiter l’usage des substances problématiques, principalement des chlorofluorocarbures et des halons, utilisés notamment pour la réfrigération et la climatisation

Dans la troposphère en revanche, l’ozone devient un polluant aux effets néfastes tant pour la végétation que pour la santé humaine. Cet irritant des voies respiratoires supérieures a également un effet phytotoxique sur les plantes, entraînant des pertes de rendement agricole. C’est un polluant dit « secondaire », produit sous l’effet d’un ensoleillement important et de températures favorables, avec des pics au printemps et en été, du fait de l’ensoleillement et de la durée du jour accrus. Il existe de nombreux précurseurs de l’ozone, comme les oxydes d’azotes (NOx) émis par le trafic automobile et l’industrie, ainsi que les composés organiques volatils (COV) générés par les activités humaines et par la végétation.

Une question globale

La stratégie de lutte contre l’ozone troposphérique est de réduire les émissions de gaz précurseurs. La principale difficulté : la chimie de l’ozone est non linéaire. Selon le dosage en NOX et COV, de l’ozone pourra être formé ou être détruit. Il en découle que si les réductions ne sont pas équilibrées, on pourra aboutir à encore plus d’ozone. Paradoxalement, c’est dans les campagnes, à quelques dizaines de kilomètres des villes, que les conditions sont réunies pour que les concentrations d’ozone soient plus élevées.

Comme l’ozone stratosphérique, l’ozone troposphérique est aussi une question globale : plus de 50 % de la mortalité qui en découle en Europe est associée à de l’ozone transporté depuis les dehors du continent. Il y a urgence : en 2021, l’exposition à court terme a causé 22 000 décès prématurés dans le vieux continent, et l’augmentation des températures devrait encore davantage favoriser la production d’ozone. Ce texte est la version courte de l’article écrit par Sarah Safieddine, Camille Viatte et Cathy Clerbaux (Sorbonne Université)

Je vous soutiens !

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Caroline Nourry
Directrice générale The Conversation France
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Sondage Ecologie: 80 % des Français contre les écologistes gauchistes radicaux

Sondage Ecologie:80 % des Français contre les écologistes gauchistes radicaux

La sanction risque d’être terrible à l’occasion des prochaines élections pour les gauchistes d’Europe écologie les Verts (EELV) dont le discours radical et gauchiste est en contradiction complète avec l’opinion. Des écolos d’ailleurs plus intéressés par l’agitation politique que par la défense de l’environnement.

Un sondage Odoxa relayé par le JDD révèle que 8 Français sur 10 condamnent les écologistes gauchistes radicaux , soutiennent les grands projets d’infrastructures et rejettent massivement les actions des militants écologistes radicaux, jugés violents voire déconnectés.

Même chez les sympathisants écologistes, 79 % soutiennent ces projets. À la gauche radicale (LFI, PC, NPA), ils sont encore 72 % à y être favorables, en décalage avec la position officielle de leurs partis. La contestation, perçue comme imposée depuis l’extérieur, agace : 73 % des Français estiment que l’on ne prend pas assez en compte l’avis des habitants concernés, tandis que 59 % considèrent que les militants hostiles sont déjà suffisamment, voire trop écoutés.

Sur le fond, 57 % des Français désapprouvent les luttes contre ces projets. Les oppositions aux lignes ferroviaires (68 % de désapprobation), aux parcs photovoltaïques (67 %), au nucléaire (65 %), ou encore aux mégabassines (61 %) sont massivement rejetées. Même chez les sympathisants écologistes, une majorité se désolidarise de ces blocages, y compris sur le nucléaire (43 % de réprobation).

D’autres types d’actions ne récoltent pas plus l’adhésion de la pollution. Ainsi, les ZAD agacent 61 % des Français et les blocages d’aéroports 71 %. Pour 85 % des sondés, les sabotages sont par ailleurs jugés inacceptables. Résultat : 65 % des Français estiment que ces activistes sont « dangereux », 64 % les qualifient de « violents » et 60 % les jugent « déconnectés des réalités ».

ZFE: Huit Français sur dix souhaitent leur suppression

ZFE: Huit Français sur dix souhaitent leur suppression


Près de 8 Français sur 10 ne veulent plus en entendre parler, selon les résultats d’un sondage Ifop .

Une enquête diligentée par Stop ZFE, un collectif composé de cinq associations opposées à cette mesure : la Ligue de défense des conducteurs (LDC), la Fédération française des motards en colère (FFMC), le mouvement des #Gueux lancé par l’auteur Alexandre Jardin, mais aussi les commerçants et artisans parisiens de la Facap ainsi que l’Union intersyndicale des entreprises foraines de France. Des discussions sont en cours avec les syndicats agricoles, qui pourraient rejoindre le mouvement de protestation.

Les ZFE accessibles seulement aux véhicules peu polluants sont destinées à lutter contre les émissions de particules fines (PM10) dans une quarantaine d’agglomérations de plus 150.000 habitants. Ces zones excluent de fait les véhicules plus anciens utilisés par les automobilistes les plus pauvres.

Santé et environnement : réduire la consommation de viande bovine

Santé et environnement : réduire la consommation de viande bovine

Michel Duru
Directeur de recherche, UMR AGIR (Agroécologie, innovations et territoires), Inrae

Changer l’alimentation des vaches, privilégier certaines races plus que d’autres, revaloriser le pâturage, consommer moins de bœuf, mais manger des viandes plus diverses… Les marges de progression sont nombreuses. Depuis quelques années, les excès de consommation de viande sont montrés du doigt du fait de leurs impacts sur la santé et l’environnement. Dans une moindre mesure, c’est aussi le cas des produits laitiers comme les fromages. Pour faire face à ces enjeux environnementaux et sanitaires, mais aussi pour accroître notre souveraineté alimentaire, que nous disent les études scientifiques ? Comment peuvent-elles nous aider à réorganiser l’élevage pour le rendre plus durable, du champ jusqu’à l’assiette ? Commençons par un état des lieux, en France, notre apport en protéines provient pour deux tiers des produits animaux et pour un tiers des produits végétaux. Il est en moyenne excédentaire d’au moins 20 % par rapport aux recommandations. Les bovins fournissent enfin la moitié de notre consommation de protéines animales sous forme de viandes et de laitages, le reste provenant surtout des porcs et volailles et très secondairement des brebis et chèvres. Les recherches convergent vers une réduction nécessaire de moitié en moyenne de la consommation de viande, principalement du fait de l’augmentation de risques de cancers. Nous devrions également, d’après l’état des connaissances scientifiques, réduire notre consommation de produits laitiers mais dans une moindre mesure.

par Michel Duru
Directeur de recherche, UMR AGIR (Agroécologie, innovations et territoires), Inrae
dans The Conversation

Ces réductions sont aussi encouragées par l’actuel plan national nutrition santé. Il est maintenant montré par des études épidémiologiques et des modélisations que de tels changements dans la composition de notre assiette auraient des effets bénéfiques sur notre santé (réduction du risque de maladies chroniques). Cela permettrait aussi de réduire l’impact environnemental de notre alimentation avec moins d’émissions de gaz à effet de serre, de méthane notamment qui constitue 40 % des émissions de l’agriculture, mais aussi moins de nitrates dans l’eau et d’ammoniac dans l’air.

Remplacer une partie des protéines animales par des protéines végétales, des légumineuses (lentilles, pois chiche…), rendrait aussi notre alimentation plus riche en fibres dont nous manquons cruellement. En outre, consommer plus de légumineuses permettrait de diversifier les productions végétales, un levier clef pour l’agroécologie.

Réduire notre consommation de viande ne semble de plus pas aberrant d’un point de vue historique, car celle-ci a été multipliée par deux en un siècle (passant de 42 kg par an et par habitant en 1920 à 85 kg en 2020), et elle a augmenté de plus de 50 % depuis les années 1950.

Par ailleurs, notre façon de manger de la viande a changé : aujourd’hui, plus de la moitié de la viande de bovin consommée est sous forme de burger ou de viande hachée, souvent dans des plats préparés, qui sont considérés comme des « bas morceaux ». Or ces produits sont majoritairement issus de races de vaches laitières (Holstein) en fin de carrière dont le prix est attractif. Ce mode de consommation est donc défavorable aux filières de races de vaches à viandes (Blonde d’Aquitaine, Charolaise, Limousine).

Le succès des steaks hachés et des burgers à bas prix est même tel que l’on se retrouve à importer l’équivalent 30 % de notre consommation de viande de bovin. Il en résulte d’une part une baisse de souveraineté alimentaire et d’autre part un déclassement des pièces nobles des races à viande, fragilisant ainsi les élevages de race à viande. Pour faire face à ces dérives, il serait plus judicieux de consommer moins de viande, mais tous les types de viande à l’échelle d’une année.

Si l’on regarde maintenant du côté des protéines contenues dans la viande bovine et les produits laitiers, une autre marge de progression est aussi possible. Elle concerne l’alimentation des animaux et son impact sur la composition des produits que nous consommons.

Les produits animaux fournissent des protéines de qualité car ils sont équilibrés en acides aminés. Ils contiennent aussi des acides gras poly-insaturés, indispensables à notre santé dont notre alimentation est très déficitaire. C’est le cas des oméga-3 dont le rôle anti-inflammatoire réduit le risque des maladies chroniques : diabète, cancers, maladies cardio-vasculaires…

Cependant, la composition du lait et de la viande en oméga-3 sont très dépendantes du mode d’alimentation des animaux. Une alimentation à l’herbe (pâturage, ensilage, foin) permet d’environ doubler la teneur du lait en oméga-3, en comparaison d’une alimentation de type maïs-soja, et permet ainsi de réduire significativement notre déficit en ce nutriment.

Le lait et la viande issus d’animaux nourris à l’herbe contribuent donc à une alimentation anti-inflammatoire. Cependant en France, seulement 1/3 du lait est issu d’une alimentation à l’herbe, qu’il s’agisse de pâturage, de foin ou d’ensilage d’herbe. L’élevage bio se distingue sur ce point car l’alimentation à l’herbe est privilégiée pour des raisons économiques. Mais cette différence de composition des produits reste encore mal connue du consommateur, qui pourra également privilégier le lait le moins cher, issu d’un élevage où les vaches ne pâturent pas ou peu.

Les prairies présentent en outre l’atout d’avoir des stocks de carbone importants dans les sols, si bien que les retourner pour les transformer en terres agricoles comme cela a été souvent fait correspond à une déforestation. Faire paître des vaches est donc un moyen de conserver les prairies. D’autre part, lorsqu’elles sont bien réparties dans les paysages, les prairies jouent un rôle d’infrastructure écologique permettant de réduire les pesticides. Lorsqu’elles sont en rotation avec les cultures (prairies temporaires avec légumineuses), elles permettent également de réduire le recours aux engrais azotés de synthèse.

Bien que les prairies constituent à l’origine la base de l’alimentation des vaches, en particulier pour les races à viande, leur contribution n’a cessé de baisser au cours des cinquante dernières années ; car l’apport de céréales (maïs ensilage, blé), et d’oléoprotéagineux (soja) dans leur alimentation était le moyen le plus facile d’augmenter la production par animal et par hectare. Cependant, les vaches et leurs descendances utilisent 3,7 millions d’hectares de terres arables dédiés à la production de ces céréales et de ce soja qu’il conviendrait d’utiliser à d’autres fins.

Des vaches qui pâturent plus permettraient également d’agir sur une des principales pollutions de l’élevage : les pertes importantes d’azote et de phosphore dans l’environnement du fait d’importations massives de protéines (soja) et d’une trop forte concentration géographique des élevages (par exemple en Bretagne).

Si, à l’échelle locale, on imagine que des éleveurs échangent le fumier riche en azote et en phosphore avec des agriculteurs qui pourraient eux, leur donner en retour les ratés de cultures pour nourrir les animaux, tout le monde pourrait être gagnant. Les agriculteurs auraient ainsi accès à des apports en azote et phosphore nécessaires à la croissance des cultures et pourraient ainsi réduire l’utilisation d’engrais, les agriculteurs eux, bénéficieraient d’une source d’alimentation à faible coût et locale pour leur bête.

Une autre évolution qui permettrait à l’élevage d’être plus durable concerne le changement de type de races bovines que l’on trouve en France. Il y a aujourd’hui 3,5 millions de vaches à viande contre 3,3 millions de vaches laitières. Or les recommandations pour la santé portent bien plus sur la réduction de la consommation de viande que de produits laitiers.

De même, on sait que la viande issue des troupeaux laitiers (vaches laitières de réformes) est bien moins impactante que celle issue de troupeaux à viande puisqu’à l’échelle de la carrière de la vache, les émissions de gaz à effet de serre sont réparties entre le lait et la viande.

Cela montre l’intérêt de favoriser des races mixtes produisant du lait et de la viande (comme la race normande) ou de croiser une race à viande (Angus) avec une race laitière. La viande devient alors un co-produit du lait permettant de satisfaire nos besoins.

Mais une telle orientation est bloquée par le choix fait en France où, lors de l’abandon des quotas laitiers, de nombreux troupeaux laitiers ont été convertis en troupeaux à viande (dit allaitants) avec des races spécialisées. Il en résulte un élevage spécialisé uniquement pour la viande, devenu très vulnérable : des races lourdes, coûteuses à entretenir et à nourrir et dont une partie de veaux mâles est engraissée en taurillons, une viande jeune, peu prisée par le consommateur français. La plupart de nos voisins de l’UE ont eux bien moins de vaches allaitantes et font de la viande à partir du troupeau laitier (veaux, génisses, vaches de réforme), donc à moindre coût en gaz à effet de serre et en euros.

Toutes ces données montrent la nécessité de fortes évolutions dans notre système alimentaire. En agriculture, il s’agit d’aller vers des races mixtes produisant du lait et de la viande, et de plus laisser pâturer les vaches pour valoriser les atouts des prairies qui représentent 40 % de la surface agricole. De manière concomitante, il faudrait aussi réduire significativement notre consommation de viande en privilégiant la diversité des pièces de viande, et un peu aussi celle de produits laitiers.

Ces orientations sont nécessaires pour relever trois grands défis : celui de notre santé, de notre environnement, mais aussi de notre souveraineté alimentaire. Elles permettraient en effet d’une part de réduire les importations de soja, mais aussi de viande qui résultent entre autres d’une faible baisse de consommation en comparaison d’une forte diminution de la production, et d’autre part d’allouer les terres arables libérées à des cultures stratégiques comme les légumes et légumineuses que nous ne consommons pas suffisamment et que nous importons massivement.

Pour construire ce pacte sociétal, il importe :

de sensibiliser tous les acteurs aux coûts cachés de l’alimentation : excès de la consommation de viande, présence de trop d’élevages sans lien au sol du fait d’une faible autonomie protéique.

de s’appuyer sur des évaluations multi-critères à même de prendre en compte les impacts négatifs de l’élevage tout autant que les services environnementaux fournis principalement par les prairies. Ceci nécessite aussi une meilleure rémunération des éleveurs par le citoyen et le consommateur pour la valeur santé des produits et les services environnementaux fournis. Mais pour cela, il faudrait s’assurer de la traçabilité des produits issus de ces élevages vertueux.

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