L’euro encore en baisse en 2025 ?
Alors que l’euro souffre sur cette année 2024, un rebond peut-il s’opérer l’an prochain? Les bureaux d’études sont partagés. Mais, dans l’ensemble, pas franchement optimistes.( un papier de BFM intéressant mais qui laisse les hypothèses ouvertes notamment concernant les évolutions du commerce international et les secousses géopolitiques)
L’euro n’a pas transformé l’essai en 2024, loin de là. En 2023, la devise de la zone euro avait enregistré une hausse face au dollar, ce pour la première fois depuis 2020.
Sauf très improbable surprise de dernière minute, la monnaie de la zone euro terminera cette fois dans le rouge, cette année. L’euro s’échange actuellement autour de 1,0418 dollar (*), ce qui traduit une baisse de 5,6% sur l’ensemble de 2024. Un recul qui reste important sur le marché des changes, où les variations sont souvent contenues (une devise « chute » face à une autre lorsqu’elle perd plus de 1% sur une journée), en raison de l’immense volume que connait ce marché, avec des échanges qui peuvent dépasser les 6.500 milliards de dollars par jour.
L’euro a été pénalisé par différents facteurs. La Banque centrale européenne (BCE) a débuté son cycle de baisses de taux directeurs en juin, soit trois mois avant la Réserve fédérale américaine (Fed). La dernière réunion de la banque centrale américaine avait d’ailleurs fait mal à l’euro, qui avait chuté de plus de 1% face au dollar dans la foulée de ses annonces. La Fed avait alors signalé qu’elle pourrait mettre la pédale douce sur les baisses de taux, l’an prochain.
Par ailleurs, la conjoncture américaine s’est une nouvelle fois mieux tenue, dans son ensemble, que celle de la zone euro qui a pâti de la faiblesse de sa plus importante économie, à savoir l’Allemagne.
La monnaie unique de la zone euro s’est plus particulièrement retrouvée sous pression à compter d’octobre. La devise européenne a alors décroché face au dollar, passant de 1,11 dollar environ à 1,05 dollar à la fin novembre.
Le marché avait commencé à anticiper (à raison) la victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine.
Pour de multiples raisons, la politique souhaitée par le président américain élu est perçue comme favorable au dollar et donc défavorable à l’euro. Tout d’abord parce que, bien qu’inflationniste, elle est censée amplifier la croissance des États-Unis, ce qui soutiendrait la devise américaine. Ensuite parce que l’alourdissement des droits de douanes voulu par le républicain, notamment vis-à-vis de la Chine, risque de mettre à mal les autres devises internationales.
Le programme de Donald Trump incorpore « une possibilité réaliste de droits de douane américains de 60% ou plus sur la Chine et de droits de douane généralisés de 10% ou plus, ce qui augmente les chances que les monnaies ex-dollar américain se déprécient par rapport au billet vert pour anticiper la perte de compétitivité sur les marchés américains qu’impliquent les droits de douane », a expliqué UBS.
Qu’attendre pour 2025? Les différents bureaux d’études ont des prévisions un peu divergentes pour l’euro face au billet vert. Mais grosso modo la devise européenne risque de se retrouver encore sous pression l’année prochaine. L’euro « est ‘pricé’ pour le pessimisme (le prix de l’euro sur le marché intègre des mauvaises nouvelles, NDLR) », souligne ainsi Goldman Sachs. La banque américaine voit d’ailleurs l’euro tomber à 1,03 dollar sur un horizon de douze mois.
« À l’horizon 2025, la force actuelle du dollar ne devrait pas s’estomper, selon nous. De toute évidence, le risque sera orienté vers une nouvelle hausse du dollar au cours du premier semestre 2025″, juge pour sa part la banque suisse Safra Sarasin.
Évidemment, beaucoup dépendra de la mise en œuvre des promesses de campagne de Donald Trump, qui a donc évoqué l’instauration de droits de douanes de 60% pour les importations provenant de la Chine, et de 10% à 20% pour les autres pays. La banque Barclays a, dans une note, estimé que – toute chose égale par ailleurs – la mise en place de tarifs douaniers de 10% sur les importations européennes ferait tomber l’euro à 1,01 dollar (à partir d’un cours de référence théorique de 1,10 dollar pour un euro).
Les stratégistes de JPMorgan AM pensent que les droits de douanes à l’encontre de la Chine seront mis en œuvre car il existe un consensus bipartisan aux États-Unis pour considérer ce pays comme « un commerçant déloyal ». Mais ils pensent que les autres pays auront des marges de négociations.
« Il n’est pas certain que le président puisse imposer un droit de douane universel par décret. Il est habilité à appliquer des droits de douane unilatéraux ciblés, mais l’application de droits de douane généralisés semble nécessiter l’intervention du Congrès, ce qui prendra du temps », expliquent-ils.
UBS ne retient la mise en place de tarifs douaniers qu’à l’encontre de la Chine. Mais même dans ce cas de figure « nous entrons dans un environnement de dollar fort », prévient la banque suisse. L’établissement helvétique voit l’eurodollar terminer à 1,04 fin décembre 2025 mais surtout à 1 dollar un an plus tard.
Deutsche Bank pour sa part, table sur un euro pour 1,03 dollar fin 2025. Mais, selon les prévisions de la banque allemande, l’euro devrait auparavant toucher la parité à la fin du deuxième trimestre 2025.
Deutsche Bank anticipe une divergence au niveau des politiques monétaires, en 2025. La Banque centrale européenne (BCE) devrait, selon ses projections, continuer à abaisser ses taux, le taux de dépôt passant de 3% actuellement à 1,5% à la fin de 2025. A contrario, la Réserve fédérale (Fed) américaine, elle, mettrait fin à son cycle de réduction. Deutsche Bank n’a ainsi retenu aucune baisse de taux additionnelle en 2025.
La banque allemande estime que l’économie américaine continuera d’afficher une croissance solide, avec une progression du produit intérieur brut proche de 2,5%, tandis que les pressions sur le marché du travail s’atténueront, avec un taux de chômage sous les 4% fin 2025. Ce qui créera des pressions inflationnistes et poussera la Fed à rester sur la touche.
Les tarifs douaniers mettraient aussi l’euro sous pression, même si Deutsche Bank a retenu des droits de douanes de 5% seulement, et qui seraient, de plus, susceptibles d’être mis en œuvre fin 2025- début 2026. La banque allemande estime, par ailleurs, que l’euro devrait rebondir sur la deuxième partie de 2025, soutenu par des mesures de relance budgétaire, notamment en Allemagne.
Bank of America, elle, à rebours de ses consoeurs, voit l’euro se reprendre face au dollar, tablant sur un euro à 1,10 dollar à fin décembre 2025.
L’établissement américain pronostique toutefois un début d’année difficiel pour la devise de la zone euro, avec un euro à 1,03 dollar fin mars avant une remontée à 1,05 dollar fin juin.
La banque américaine anticipe un premier semestre « compliqué » en raison des incertitudes sur la politique américaine et d’une politique monétaire plus accommodante de la part de la BCE que de la Fed. La situation politique délicate en France peut également « poser des risques à la baisse » sur l’euro, écrit-elle.
Bank of America table ensuite sur un « effet miroir » au second semestre, avec de moindres risques sur la politique américaine et un écart de croissance entre les États-Unis et la zone euro qui se réduirait, tandis que le marché du travail américain ralentirait. Autant d’éléments qui seraient favorables à l’euro et qui lui permettrait de remonter la pente sur la deuxième partie de 2025.
(*) Le cours a été arrêté vendredi après la clôture européenne.