Archive pour la Catégorie 'industrie'

ArcelorMittal: Menace de suppressions d’emplois à Reims et Denain

ArcelorMittal: Menace de suppressions d’emplois  à Reims et Denain

 

Une nouvelle vague de suppressions d’emplois cette fois dans la sidérurgie. En cause le très net tassement de la demande mondiale et la concurrence chinoise.

 

ArcelorMittal qui emploie 15.000 salariés en France (dont 800 chercheurs en Lorraine) dans une quarantaine de sites, fait face à une situation difficile en Europe actuellement. L’un de ses principaux marchés, l’automobile, subit depuis la pandémie du Covid, une crise de grande ampleur qui a conduit à une baisse significative de ses volumes. De plus, l’acier européen est fortement concurrencé par des produits chinois à bas coûts. La Chine fait face à une surproduction dans son marché local, et elle écoule son acier en Europe en cassant les prix. Aujourd’hui, près de 30 % du marché européen est pris par des produits chinois, malgré les mesures de protection mises en place par la Commission européenne. Mais elles sont notablement insuffisantes.

Industrie de défense: L’Europe contre la France

Industrie de défense: L’Europe contre la France 

Après avoir exploré les pièges de la résurrection de la Communauté européenne de défense de 1952, le groupe Vauban décrypte la stratégie de marginalisation de la France par l’Allemagne, l’Italie et la Grande-Bretagne avec l’alliance entre Berlin et Rome dans le domaine terrestre et l’accord de Trinity House avec Londres.

« Fidèles serviteurs de l’OTAN et de Washington, animés d’un désir de mettre la France en position d’infériorité militaire et industrielle, les coalisés se sont partagés l’Europe : à l’Allemagne, la défense du flanc Nord de l’OTAN ; à l’Italie, la défense du flanc Sud joignant théâtre de la Méditerranée orientale à l’Asie-Pacifique ; au Royaume-Uni, la Turquie, la Pologne et les pays baltes en liaison avec l’Allemagne » 

L’âme de la deuxième coalition est, sans surprise, à Berlin même. Poursuivant sa politique de champions nationaux (Diehl dans les missiles ; OHB dans le spatial ; Rheinmetall plus que KMW, dans les blindés ; Hensoldt dans l’électronique de défense ; TKMS dans le naval ; Renk et MTU dans la propulsion) et de récupération des compétences qui lui font encore défaut (propulsion spatiale, satellites d’observation et aéronautique de combat et missiles), l’Allemagne a compris depuis les années 90 qu’elle obtiendrait beaucoup plus d’une France récalcitrante en faisant des alliances de revers que par la négociation directe.

En ce sens, l’actualité récente est la réédition des années 1997 à 2000, années où Berlin a proposé à Londres des fusions de grande ampleur : Siemens avec BNFL, bourse de Francfort avec celle de Londres, DASA avec British Aerospace. A chaque fois, il s’agissait moins de forger des alliances de revers que de faire pression sur la France. Trop faible pour voir clair dans ses intérêts et le jeu de ses concurrents, trop altruiste pour voir toute la naïveté et la portée de ses actes, la France de Lionel Jospin a offert la parité à l’Allemagne dans le domaine de l’aéronautique, elle qui n’en demandait au mieux que le tiers (qu’elle pesait au demeurant très justement…).

L’Allemagne, l’âme des coalitions de revers

Avec ses alliances en Italie (dans le domaine des blindés) et au Royaume-Uni (sur l’ensemble des segments), Berlin tend à Paris de nouveau le même piège : « cédez sur le MGCS et le SCAF ou nous actionnons l’alliance de revers ». L’Europe de l’industrie d’armement qui se prépare, n’est en réalité qu’une coalition contre les thèses françaises dans la défense et son indispensable corolaire, l’armement. Nulle surprise dans ce constat : dominant ses concurrents militaires et industriels grâce à l’héritage gaullien, possédant le sceptre nucléaire qui lui ménage une place à part dans le concert des grandes nations, influente par son siège au Conseil de sécurité aux Nations-Unies et ses exportations d’armement, la France est le pays à ramener dans le rang des médiocres aigris et jaloux et de la petite bourgeoisie de la défense européenne.

Rien de nouveau sous le soleil européen puisque, si l’on en croit Alain Peyrefitte, le général De Gaulle faisait déjà cette analyse : « Pour la dominer aussi, on s’acharne à vouloir la faire entrer dans un machin supranational aux ordres de Washington. De Gaulle ne veut pas de ça. Alors, on n’est pas content, et on le dit à longueur de journée, on met la France en quarantaine. » (13 mai 1964).

Marginalisée depuis la création de KANT puis de KNDS, méprisée voire sacrifiée en France même par le gouvernement de François Hollande en 2015 avec la complicité des députés UMP, l’industrie terrestre nationale ne vit que par des îlots (canons, tourelles, obus), ayant abandonné les chars (sans que la DGA ne réagisse en 2009 lors de la suppression de la chaîne Leclerc par Luc Vigneron), les véhicules blindés chenillés (choix très contestable du tout-roues), l’artillerie à longue portée et saturante ; écrasée par la férule de Frank Haun, désormais noyé dans KNDS France sans trop oser se défendre lui-même, Nexter est menacé de disparition par la double alliance KMW/Rheinmetall au sein du MGCS et Rheinmetall/Leonardo dans l’ensemble des segments.

Aveuglé par le couple franco-allemand, Paris n’a pas accordé assez d’attention à la montée en puissance de Rheinmetall, vrai champion du terrestre allemand, qui, par commandes et acquisitions, se retrouve enraciné en plein milieu du jeu allemand (comme future actionnaire de TKMS et bras armé de la politique ukrainienne de Berlin), et de la scène européenne qu’il a conquise pas à pas : en Hongrie d’abord, puis au Royaume-Uni, en Lituanie, en Roumanie, en Ukraine, en Croatie et désormais en Italie, sans oublier d’établir la relation transatlantique (avec Lockheed Martin sur le F-35, avec Textron sur la compétition Lynx et en achetant le constructeur Loc Performance Products). La toile tissée par Rheinmetall en Europe est une véritable coalition contre les positions françaises.

Le même coup de faux se prépare avec l’accord germano-britannique de Trinity House qui, même s’il ne réalisera pas toute ses prétentions faute de compétences et de moyens, érige un axe concurrent durable et redoutable dans des domaines clés pour la France : le nucléaire, les systèmes de missile à longue portée, les drones d’accompagnement des avions de combat de future génération, la robotique terrestre, la patrouille maritime.

Fidèles serviteurs de l’OTAN et de Washington, animés d’un désir de mettre la France en position d’infériorité militaire et industrielle, les coalisés se sont partagés l’Europe : à l’Allemagne, la défense du flanc Nord de l’OTAN ; à l’Italie, la défense du flanc Sud joignant théâtre de la Méditerranée orientale à l’Asie-Pacifique ; au Royaume-Uni, la Turquie, la Pologne et les pays baltes en liaison avec l’Allemagne. Les contrats industriels suivent les diplomates, avec une moisson gigantesque de chars de combat Leopard, de véhicules blindés Boxer, de l’artillerie RCH-155, de véhicules blindés de combat d’infanterie Lynx et de chars Panther et de systèmes sol-air (22 pays membres de l’initiative allemande ESSI).

Au bilan, la France est nulle part dans cette Europe qu’elle prétend pourtant bâtir ; elle n’a pas eu le courage politique de s’opposer aux dérives illégales de la Commission européenne en pratiquant la politique de la chaise vide ; son gouvernement est un mélange instable de fédéralisme affirmé, d’atlantisme assumé et de gaullisme à éclipses : comment pourrait-il mener une autre politique que celle « du chien crevé au fil de l’eau » (De Gaulle) consistant à se couler avec facilité et confort dans le mainstream institutionnel otanien au nom de l’Ukraine ? Comme lors de la IVème République, ses partis politiques sont occupés à la tambouille politicienne et ne pensent plus le monde selon les intérêts nationaux mais selon les intérêts de l’OTAN, de l’Ukraine et d’Israël.

Alors que la France s’épuise en débats stériles politiciens dans un régime devenu instable (les deux vont de pair), ses positions stratégiques en Europe se dégradent :

  • La cohérence de son système de défense reposant sur la souveraineté nationale et la défense des intérêts nationaux, au profit d’un fédéralisme européen sous tutelle américaine décrété urgent par la guerre en Ukraine et la menace russe ;
  • Sa dissuasion nucléaire, au profit d’un projet de missile conventionnel à très longue portée et d’une défense anti-missile germano-américano-israélienne à vocation européenne, deux projets promus, comme par hasard, par l’Allemagne ;
  • Son modèle d’industries nationales, monopolistiques, seules capables de concevoir, développer, produire et maintenir des systèmes d’armes souverains, au profit de fusions industrielles européennes qui placeront les armées et l’industrie françaises en position de dépendance complète des deux Bruxelles (OTAN et Union européenne) ;
  • La conduite de ses programmes d’armement, réalisée par ses ingénieurs de l’armement dont c’est le métier et la vocation, au profit de bureaucrates européens ne connaissant rien aux domaines de l’armement mais ayant le pouvoir juridique et financier ;
  • Sa liberté souveraine d’exporter de l’armement à qui elle l’entend et sans frein autre que ses intérêts et sa morale à elle, au profit de règlements européens, spécialement édictés pour la restreindre, autre projet porté par l’Allemagne.

Le pire est que ces développements ont été portés par la classe politique elle-même qui les a encouragés à coup de proposition de « dialogue sur la dissuasion »« d’autonomie stratégique européenne » ou de programmes en coopération mal négociés, en mettant de côté les aspects gênants comme les divergences de doctrine, de niveau technologique et d’analyses sur les exportations.

Le pire est également que ces développements se profilent au moment même où la France, faute de limiter son gouvernement aux seuls domaines régaliens et de créer la richesse au lieu de la taxer et de la décourager, n’a plus les moyens de sa défense : comment celle-ci pourrait-elle en effet continuer de résister à la dérive des finances publiques, à la sous-estimation systématique de tous ses besoins (des capacités négligées aux infrastructures délaissées en passant par les surcoûts conjoncturels prévisibles mais ignorés) et à la mauvaise gestion de ses finances propres (comme en témoigne le montant faramineux des reports de charges) ?

Si la LPM est officiellement maintenue en apparence, ses fondements financiers, déjà minés dès sa conception par un sous-financement général, apparaissent pour ce qu’ils sont : insuffisants à porter le réarmement national de manière durable et soutenu. Faudra-t-il comme Louis XIV vendre l’argenterie royale ? Faudra-t-il vendre des biens nationaux comme la Révolution le fit dans son incurie ? Ou lui faudra-t-il écraser d’impôts les Français comme le Premier Empire s’y est résigné pour éviter l’emprunt ?

La rupture avec les deux Bruxelles est la double condition de la renaissance nationale. Face à l’Europe coalisée contre son système de défense, la France n’aura pas d’autre choix qu’un sursaut passant par une révision fondamentale du rôle de l’État, c’est-à-dire la réduction drastique de ses interventions sociales et économiques ruineuses et inefficaces, et d’une révision complète de son cadre d’alliances, afin que celles-ci la fortifient au lieu de l’atrophier.

La guerre froide n’a pas empêché ni la politique de la chaise vide ni le retrait du commandement intégré de l’OTAN, c’est-à-dire de quitter les deux Bruxelles au profit d’une politique du grand large, et pourtant le général de Gaulle qui a pris ces deux décisions majeures, n’était ni irresponsable ni irréfléchi. Les fruits de la grande politique qu’il a voulue, sont connus : un rayonnement considérable de sa diplomatie et de ses exportations d’armement.

L’indispensable soutien à l’industrie

L’indispensable soutien à l’industrie

 

L’industrie française a besoin de choix politiques forts et courageux afin d’affronter les transformations nécessaires à la transition écologique et à la nouvelle donne internationale, souligne Vincent Vicard ,Economiste, dans une tribune au « Monde ». 

 

Comment réindustrialiser la France ? La question n’est pas nouvelle mais le contexte actuel oblige à réinterroger les politiques mises en œuvre. Car il ne s’agit pas seulement de soutenir le timide mouvement de réindustrialisation – les indicateurs restent ambivalents sur le sujet –, mais surtout de soutenir une industrie confrontée à l’intensification de la concurrence internationale et à des ruptures dans les technologies, les politiques climatiques et les relations internationales.

A cela s’ajoute le contexte budgétaire contraint, dans lequel on voit mal comment les efforts pourraient épargner les entreprises. Jusqu’à récemment, dans le sillage de la politique de l’offre, les politiques publiques en faveur de l’industrie ont pris la forme de mesures budgétaires non ciblées, qui ont participé au déficit public puisqu’un certain nombre des baisses d’impôts et de cotisations ont explicitement une visée de réindustrialisation ou de compétitivité. Avec l’idée que les baisses d’impôts se financeraient par un surcroît d’activité.

Aujourd’hui, ces politiques non ciblées peuvent difficilement rester l’alpha et l’oméga de la politique industrielle. Le contexte amène à les interroger et à cibler les interventions en lien avec les spécificités des activités industrielles. C’est ce tournant qu’ont pris les Etats-Unis, en 2022, avec l’Inflation Reduction Act et le Chips Act, qui subventionnent les secteurs verts et celui des microprocesseurs. C’est aussi ce qu’a fait la loi industrie verte en France. Le relâchement des règles sur les aides d’Etat au sein de l’Union européenne donne de nouvelles marges de manœuvre pour cela.

Dans ce nouveau contexte, deux enjeux apparaissent fondamentaux pour l’industrie : la nécessaire bifurcation écologique et l’adaptation à un environnement international plus conflictuel.

 

 

Ne pas sacrifier l’industrie

Ne pas sacrifier l’industrie

Vincent Moulin Wright, directeur général de France Industrie, dans la « Tribune » évoque les inquiétudes de son secteur dans un cadre budgétaire public  davantage contraignant

Dans le cadre de la loi Industrie verte, promulguée en octobre 2023, deux décrets d’application viennent d’entrer en vigueur. Tous deux ont pour principal objectif l’accélération et la simplification des procédures d’implantations d’usines. Une étape majeure, selon France Industrie, l’organisation représentative qui rassemble plus de 80 membres dont une trentaine de fédérations sectorielles.

 En octobre 2023 a eu lieu la promulgation de la loi Industrie verte. Quel bilan faites-vous un an après ?

VINCENT MOULIN WRIGHT – L’essentiel de cette loi porte sur l’accélération des délais nécessaires pour réaliser des études préalables à l’implantation d’usines. L’objectif est de les diviser par deux, de 18 mois aujourd’hui à neuf mois demain. Tous les décrets ont été pris fin juin. C’est donc encore un peu tôt pour dresser un bilan. Nous y verrons plus clair en début d’année prochaine.

Concernant le Crédit d’Impôt pour les Investissements dans l’Industrie Verte (entré en vigueur en mars 2024 avec pour objectif d’encourager les entreprises à investir dans quatre secteurs stratégiques de la transition énergétique, ndlr), les premiers chiffres vont être publiés dans les mois à venir. Mais il semblerait que cet instrument de soutien soit bien parti.

Nous pouvons aussi souligner le soutien à des filières nouvelles comme les matières premières critiques que la France ne produit pas, ou pas assez. Plusieurs projets vont s’implanter dans l’Hexagone pour la production (ouverture de mines…) et la transformation (mise en service d’usines de valorisation et de recyclage) de ces métaux. De quoi être moins tributaire des importations provenant souvent de fournisseurs situés en Chine et Afrique.

Trois décrets d’application de la loi Industrie verte en juillet dernier sont dans le viseur d’associations, notamment Notre affaire à tous et Zero Waste France qui ont déposé le 6 septembre dernier des recours gracieux demandant l’annulation de ces trois décrets qui représentent selon elles un « détricotage massif et systématique du droit de l’environnement industriel » et par conséquent une augmentation des risques de catastrophes industrielles. Une réaction ?

VINCENT MOULIN WRIGHT – La loi ne prévoit aucun recul environnemental. Elle prévoit juste une optimisation des délais dans le respect des obligations environnementales qui sont bien maintenues. Au lieu de mettre en place les uns après les autres les études et concertations préalables et les dossiers d’autorisations environnementales, cette loi propose de les faire en parallèle pour gagner du temps. La loi recherche clairement la simplification.

Il faut se réjouir de l’augmentation du nombre d’industries en France, et cette loi va accélérer l’implantation de nouveaux sites. En effet, plus nous aurons d’industries de production sur le territoire, moins nous serons dépendants des importations de produits fabriqués à l’étranger, ce qui contribuera à réduire notre empreinte carbone. Il s’agit donc d’un véritable enjeu écologique.

La réindustrialisation connaît une baisse de régime au premier semestre. De janvier à juin, Trendeo a recensé 61 annonces de fermetures d’usines ou d’ateliers de plus de 10 salariés, souvent au cours de liquidations judiciaires. Peut-on craindre une accélération de cette tendance ?

VINCENT MOULIN WRIGHT -

La vitesse de réindustrialisation semble marquer un pallier avec une dynamique un peu moins soutenue depuis un an. Notons que les mesures les plus fortes ont été lancées entre 2017 et 2022. Il faudrait donc poursuivre ce soutien avec de nouvelles mesures, tout du moins pas de mesures adverses. Mais il est vrai que le contexte économique s’est retourné. S’il y a des secteurs qui se portent bien (la Défense, le luxe, l’aéronautique…), d’autres (la chimie, l’automobile, la construction) sont en revanche en difficulté.

Depuis 2017, 300 sites industriels ont été créés mais 600 avaient fermé depuis 1990. Si le solde reste encore négatif sur le stock, le progrès est important. Il ne faut pas que cette tendance se poursuive sinon cela va devenir problématique.

Vous évoquez la nécessité de nouvelles mesures. Pouvez-vous expliquer ?

VINCENT MOULIN WRIGHT – Chacun doit s’accorder à ne surtout à ne surtout pas détricoter la politique de soutien à l’industrie, avec la poursuite de France 2030 et la sauvegarde du CIR (crédit impôt recherche), notamment. Des outils qui portent leurs fruits. L’industrie est devenue une grande cause nationale, elle ne mérite pas de devenir une variable d’ajustement budgétaire.

A ce propos, alors que le déficit public risque de dépasser les 6% cette année, le nouveau gouvernement cherche à faire des économies sur tous les plans. France 2030 est-il sous la menace de coupes budgétaires ?

VINCENT MOULIN WRIGHT – Je ne sais pas. Il faut attendre le discours de politique générale de Michel Barnier et la publication de la première ébauche du budget 2025 (qui devrait être présenté le 10 octobre en Conseil des ministres, ndlr). Pour l’heure, le gouvernement fait des esquisses et prend des orientations.

Donc, aucune raison de s’inquiéter ?

VINCENT MOULIN WRIGHT -

Au contraire. France Industrie a clairement établi une ligne rouge concernant les dispositifs de soutien les plus cruciaux. En ce qui concerne le prix de l’électricité, il est impératif que l’État et EDF parviennent à mettre en oeuvre l’accord conclu à la fin de l’année dernière sur les contrats d’approvisionnement à long terme en électricité. Il faut donc redémarrer cette négociation, aujourd’hui au point mort. Par ailleurs, il est crucial de continuer à baisser les impôts de production pesant sur l’industrie. De même, il faut revenir sur l’écrêtement des allègements de charges sur les salaires médian car ils pénalisent l’industrie. Enfin, les dispositifs de soutien efficaces comme le crédit d’impôt recherche doivent absolument être maintenus.

Le nouveau gouvernement cherche à faire des économies sur tous les plans. Le crédit impôt recherche, qui coûte chaque année 7,7 milliards d’euros à l’État, est justement l’un des dispositifs en ligne de mire. Où faut-il réaliser des économies ?

VINCENT MOULIN WRIGHT – Le gouvernement doit s’atteler à réduire les dépenses publiques, alors que les recettes de l’État n’ont cessé d’augmenter au cours des dix dernières années. La pression fiscale sur les entreprises et les ménages a déjà atteint son paroxysme. Augmenter les impôts des entreprises risque de pénaliser l’attractivité et la compétitivité. La solution est d’opérer à la fois des coupes budgétaires et de travailler sur l’efficacité des dépenses publiques, que ce soit dans la sphère sociale, ou dans les dépenses de fonctionnement de l’État.

Si l’État décide d’augmenter la fiscalité sur les entreprises, cela va-t-il freiner les ambitions d’investissements des industriels français ?

VINCENT MOULIN WRIGHT – Cela dépendra de quelle façon mais ce serait un signal négatif pour les investisseurs. Il y a deux risques majeurs : affaiblir le tissu des PME et ETI, et fragiliser l’attractivité de la France.

 

L’industrialisation de la France en panne ?

L’industrialisation de la France en panne ?

Même si les investissements continuent de progresser, les sites industriels diminuent d’après une récente étude. Sans doute aussi la conséquence d’un affaiblissement très net de la croissance que subissent surtout et d’abord les PME en sous- traitance . Selon l’étude dévoilée ce dimanche soir par le cabinet Trendeo qui se concentre sur le premier semestre 2024 le nombre d’ouvertures d’usines baisse, tandis que les fermetures augmentent par rapport à l’année précédente. La  dynamique est négative depuis le mois d’avril. Entre le mois de la fête de Pâques et août, le solde net de l’indicateur de Trendeo se situe à -10 et donc une tendance à la destruction de sites industriels sur l’ensemble de la France plutôt que la création.

Selon les auteurs, la France a créé exactement 9.597 emplois dans la « production industrielle » sur les huit premiers mois de l’année 2024. Cela peut sembler une bonne performance dans un contexte d’incertitudes politiques qui a provoqué un certain attentisme chez les chefs d’entreprises. Seulement, c’est le plus faible solde net entre créations et destructions d’emplois industriels en France depuis la crise sanitaire de la Covid-19 (plus de 15.000 destructions d’emplois cette année-là). À titre de comparaison, l’année 2021 avait permis de créer plus de 17.000 emplois industriels en France, puis près de 27.000 l’année suivante et enfin quasiment 21.000 en 2023.

Mais heureusement, l’investissement n’a été aussi élevé depuis 2009 à en croire Trendeo, qui signale que les montants injectés dans l’économie avoisinent les 50 milliards d’euros sur les huit premiers mois de l’année 2024.

« Ces évolutions en sens contraire s’expliquent par une hausse continue de l’investissement moyen par projet. Cette hausse de l’investissement moyen est principalement un effet de la réindustrialisation. L’industrie, plus capitalistique, représente une part croissante des montants investis : en tendance on passe de 25% de l’ensemble de l’investissement en 2009, année de crise, à près de 50% en 2024 », analyse le cabinet.

 

Quelques jours après la publication du rapport Draghi sur la compétitivité européenne, cette nouvelle étude du cabinet Trendeo démontre encore une fois que les investissements pour refaire de la France une puissance industrielle devront être bien plus importants.

« Nous sommes certes dans une phase de croissance de l’industrie en volume, mais celle-ci est globalement équivalente au reste de notre économie et surtout largement moindre que celle de nos pairs européens. C’est très bien d’avoir, comme l’Europe et comme le souligne la Rapport Draghi, deux piliers « classique » : une politique d’accompagnement de la décarbonation (et plus généralement de la transition écologique) et une politique d’innovation de rupture (…) En sus, nous avons besoin d’un troisième pilier, un pilier qui nous manque et qui réponde à notre singularité : une politique de densification notre tissu productif, pour accompagner tous les projets des PMI et des ETI ancrées dans les territoires », partageait vendredi soir, sur le réseau social Linkedin, Olivier LLuansi, auteur tout récemment du livre « Réindustrialiser, le défi d’une génération », aux éditions Les Déviations.

 

La France doit Retrouver une compétitivité industrielle au plan européen

 La France doit Retrouver une compétitivité industrielle au plan européen

L’expert en industrie Olivier Lluansi, Enseignant à l’Ecole des mines et à l’ESCP Business School ,  pose dans une tribune au « Monde » la question de la bonne échelle à suivre pour les politiques industrielles menées par le gouvernement : la France ou bien l’Europe.

 

En ces temps de campagne électorale, nous débattons sur le rôle de l’Europe. Pour certains, l’Europe est la cause principale de notre désindustrialisation. Pour d’autres, il n’existe pas de solution à notre renaissance industrielle en dehors d’elle.

Commençons par les faits : aujourd’hui la France industrielle est tristement singulière en Europe. Grande dans notre imaginaire collectif, avec les centrales nucléaires, le TGV, les Airbus et Ariane, etc., notre industrie manufacturière ne pèse en fait que 10 % de notre création de richesse, très loin derrière la moyenne européenne de 15 %, sans mentionner les 16 % de l’Italie, les 12 % de la Belgique ou de l’Espagne, les 18 % de la Suisse (hors EU) et les 19 % de l’Allemagne. Depuis l’impasse d’une vision de l’« industrie sans usine », nous sommes en queue du peloton, au même niveau que la Grèce, et ne devançant en Europe que Malte, Chypre et le Luxembourg.

Si la France s’est grandement désindustrialisée, ce n’est pas le cas de toute l’Europe. Cette singularité porte, en elle, une première conséquence. Puisque tous les pays de l’Union européenne (UE), grands ou moyens, et même certains « petits », disposent d’une part manufacturière dans leur création de richesse au moins 20 % supérieure à la nôtre, il est vain de blâmer le cadre européen.

Rétablir une compétition « loyale »

En termes directs, la France doit « balayer devant sa porte » et commencer par remettre à l’endroit ce que quarante ans de désindustrialisation en France ont « mis à l’envers ». Si la France souhaite peser, qu’il s’agisse de souveraineté économique, d’industrie verte ou d’équilibre commercial, elle doit assumer une ambition industrielle nationale et une compétitivité intra-européenne. Nous n’avons pas d’autre choix.

Réindustrialisation et compétitivité : c’est pas gagné

Réindustrialisation et compétitivité : c’est pas gagné

 

Si les « gros » investissements sont au rendez-vous depuis quelques années, il n’y a pas globalement de forte hausse des investissements directs étrangers vers la France. Des projets qui restent par ailleurs peu créateurs d’emplois d’après un papier de BFM. 

 
Un millésime record. 15 milliards d’euros d’annonces d’investissements de la part de grands groupes étrangers, et des patrons de multinationales toujours plus nombreux à se presser à Versailles pour le sommet Choose France. Pour l’exécutif, ces bons chiffres sont le fruit d’une politique pro-business qui n’a pas varié d’un iota depuis 2017.

 

Emmanuel Macron y voit ainsi « la reconnaissance du travail mené depuis sept ans basé sur la valorisation de nos savoir-faire, le maintien de notre énergie décarbonée, la création d’un cadre normatif favorable et la stabilité fiscale. »
Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire de son côté se félicitait ce matin que « la nation de consommateurs [redevenait] une nation de producteurs. »

Ces chiffres flatteurs suivent de quelques jours le rapport annuel du cabinet EY qui plaçait début mai la France en tête du classement de l’attractivité en Europe et ce pour la cinquième année consécutive. Avec 1194 projets d’implantation ou d’extension de sites, l’Hexagone fait mieux que le Royaume-Uni (985) et l’Allemagne (733).

Dans une Europe prise en étau entre les États-Unis et leurs généreuses subventions et la Chine prête à redécoller, la France semble faire figure d’exception.

Les facteurs d’attractivité sont nombreux. Position géographique centrale en Europe, qualité des infrastructures routières et de transports, formations d’excellence dans les domaines des mathématique et de l’ingénierie, énergie disponible, décarbonée et relativement peu coûteuse grâce au nucléaire… Ce sont les éléments mis en avant par les grands patrons de passage à Versailles.

La politique favorable aux entreprises depuis sept ans y a aussi contribué. Avec la baisse des impôts de production, la réduction du taux d’impôt sur les sociétés ou encore la création de la « flat-tax » sur la fiscalité du capital.

« Des efforts ont été faits, qui ont mis la France sur le devant de la scène, ça vaut donc la peine de les poursuivre, estime Ted Pick, le patron de la banque américaine Morgan Stanley. La France met beaucoup de sérieux et d’attention à être considérée comme un acteur mondial fiable et solide. C’est important. »
Évidemment, pour s’attirer les bonnes grâces des investisseurs internationaux, la France déroule le tapis rouge et n’hésite pas à sortir le chéquier. Pour convaincre par exemple le fabricant de batteries ProLogium d’installer son usine à Dunkerque, une subvention publique de 1,5 milliard d’euros a été proposée au groupe taïwanais. Mais c’est ce que font tous les États désireux d’attirer d’importants investissements. L’Allemagne a ainsi subventionné à hauteur de 10 milliards d’euros la future méga-usine d’Intel de Magdebourg.

Il faut néanmoins relativiser ces bons chiffres de l’attractivité française. D’abord parce que ces investissements restent peu créateurs d’emplois. Les 15 milliards d’euros de Choose France devraient créer en moyenne 179 emplois par projet (10.000 emplois annoncés pour l’ensemble des 56 projets). L’année dernière, les investissements n’étaient « que » de 13 milliards mais les emplois plus nombreux: 285 par projet (8.000 emplois annoncés pour 28 projets).

De son côté, l’étude EY (qui porte sur un autre périmètre) recence 35 emplois créés en moyenne par investissement étranger en France contre 49 en Allemagne, 61 au Royaume-Uni ou encore 299 en Espagne.

Coût du travail qui reste plus élevé que la moyenne européenne, peu de main d’oeuvre disponible, droit du travail plus contraignant… La question de l’emploi reste préoccupante en France.
Mais plus globalement, certains économistes estiment que ces annonces sont un peu l’arbre qui cache la forêt. Derrière ces annonces spectaculaires et bienvenues, l’attractivité de la France ne serait pas sur une pente aussi ascensionnelle que ça.

« L’évolution des IDE (investissements directs à l’étranger) entrants et sortants évolue en dents de scie, indique Sylvain Bersinger, du cabinet Asteres. Dans l’ensemble, il ne semble pas y avoir eu de hausse régulière de flux d’IDE entrants depuis une dizaine d’années. Au vu de la variation des flux d’IDE, il semblerait que l’attractivité du pays ait globalement stagné. »

Ainsi si les investissements étrangers se sont élevés à 34,6 milliards d’euros en 2022 en France, indique l’Insee, le montant du flux était supérieur à 35 milliards en 2018 et avait même frôlé les 40 milliards en 2015.

Concernant l’industrie, s’il y a bien un sursaut dans le pays depuis quelques années avec notamment plus de 100.000 emplois recréés, la production a elle tendance à stagner.

« En mars 2024, le volume de production industrielle était identique à ce qu’il était en janvier 2010, constate Sylvain Bersinger. [...] cela signifie que la productivité moyenne des emplois industriels diminue, ce qui peut être un signe inquiétant quant au niveau de gamme de l’industrie française si la tendance s’avérait durable. »
Si les signaux envoyés par Chose France sont positifs, le chemin vers la réindustrialisation est encore très long.

Quelle réindustrialisation en France

Quelle réindustrialisation en France

En 40 ans, la France a, collectivement, sacrifié son industrie. Dévalorisé par rapport aux services, le secteur industriel français a régressé au fil des décennies, passant de 26 % des emplois en 1980 (5,3 millions de travailleurs) à seulement 13,3 % (3,2 millions) aujourd’hui. La conséquence est bien connue : un décrochage de la France, qui avait pourtant à son actif des réussites industrielles de premier plan, vis-à-vis de ses voisins européens, à commencer par l’Allemagne.

par le cercle des économistes

Cependant, une lueur d’optimisme commence à poindre. La France semble enfin prendre conscience de l’importance de produire localement et proprement. La preuve : elle a créé plus de 100 000 emplois industriels au cours des dernières années. Pour réaliser un véritable rebond industriel, il est essentiel de s’appuyer sur la transition écologique et énergétique et de surmonter les obstacles persistants.

Parmi ces obstacles, citons des délais administratifs trop longs, une image qui peine encore à attirer les jeunes générations, un investissement insuffisant dans la recherche et développement et une formation insuffisante des jeunes aux métiers industriels.

Introduction
« Nous avons, chacun de nous, notre responsabilité dans cette affaire », concluait le haut fonctionnaire Louis Gallois dans l’ouvrage de Nicolas Dufourcq sur la désindustrialisation de la France. En quarante ans, le secteur industriel, qui employait 5,3 millions de Français en 1980 (26 % des emplois du pays), ne représente aujourd’hui plus que 13,3 % de l’emploi pour 3,2 millions de travailleurs. C’est le triste résultat de notre manque d’attachement collectif à l’égard de notre industrie depuis la fin du dernier siècle. Le courant Fabless, longtemps influent, pensait que l’Hexagone pouvait se passer de ses usines et de ses métiers, jugés dégradants et peu valorisés car physiques et manuels, et rêvait d’une société intégralement tournée vers les activités de services et de loisir, intellectuelles et épanouissantes. Cet abandon d’une ambition industrielle, après les réussites éclatantes de l’après-guerre (nucléaire, lignes à grande vitesse, Concorde), explique pourquoi la France est aujourd’hui considérée comme un pays désindustrialisé. Un décrochage particulièrement marqué, lorsque l’on compare la France à ses voisins européens, à commencer par l’Allemagne. Aveuglés par ce concept d’un pays qui n’aurait pas besoin d’usines, nous redécouvrons que l’écosystème industriel est semblable à une poupée russe : derrière chaque produit fini, il y a en amont une série de fournisseurs et prestataires qui apportent des matériaux, des outils, des machines, de nouvelles pièces. Le bien que nous achetons dans un magasin ou sur internet est le produit du travail de toute cette chaine de valeur. Une fois détruite, cette chaine est bien difficile à reconstruire, car il faut rebâtir chacun de ses maillons. Qu’un seul fournisseur du processus industriel manque à l’appel, et c’est tout un écosystème qui demeure bloqué.

Une forme d’optimisme est toutefois aujourd’hui de mise. La France, depuis quelques années, semble avoir pris profondément conscience de cette désindustrialisation latente et de son intérêt – si ce n’est sa sécurité – à produire localement, de façon propre et en renforçant son indépendance économique. Le solde de création d’emploi industriel s’élève désormais à plus de 100 000 emplois sur les six dernières années. Cette dynamique est bien marginale lorsqu’on la compare aux quelque 2 millions d’emplois manufacturiers perdus depuis 1980. Mais elle est certainement le signe qu’un rebond industriel est possible, à la condition de s’appuyer sur (i) une dynamique favorable portée par la transition écologique et énergétique et de (ii) corriger les obstacles auxquels se heurte encore l’industriel français.

Le constat d’une dynamique favorable à un rebond industriel
La crise de la Covid-19 a souligné la criticité pour les puissances européennes de sécuriser leurs approvisionnements, en les diversifiant, et de s’appuyer sur des chaines de valeur locales, ou à minima proches géographiquement. Ce concept de nearshoring, qui a parfaitement fonctionné durant la pandémie, mérite d’être approfondi. Il n’est en effet pas souhaitable que l’obstruction du canal de Suez par un cargo en panne, ou encore une inondation des usines thaïlandaises de batteries, puissent temporairement bloquer des pans entiers de l’économie tricolore du fait de notre incapacité à produire certains types de pièces ou de composants. Se rendre totalement dépendant de sous-traitants étrangers opérant dans des pays aux conditions de droits humains discutables, plutôt que de fabriquer en France, pouvait déjà être questionné, au moins sur le plan social. Désormais, le risque est également géopolitique, dans un monde de plus en plus instable, avec la poursuite de la guerre en Ukraine, le conflit israélo-palestinien, l’attaque de l’Azerbaïdjan dans le Haut-Karabagh, une opposition de plus en plus systématique entre le bloc chinois et la sphère américaine, ou encore les situations politiques dégradées dans certains pays africains.

Se réindustrialiser est donc synonyme de liberté vis-à-vis des affaires du monde, et cela d’autant plus à l’heure de la transition écologique et énergétique, qui sera synonyme de raréfaction des ressources. Le rapport annuel 2023 de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), publié il y a quelques jours, rappelle que la demande mondiale en énergie devra se réduire dans les prochaines années afin de tenir l’objectif d’un réchauffement de la planète autour des 1,5°C. Cette transformation posera irrémédiablement des conflits d’usages énergétiques, avec des conséquences déjà concrètes pour les entreprises. Celles-ci évoluent dans un contexte d’inflation des prix de l’énergie (le prix du baril de pétrole, actuellement autour des 90€, est largement supérieur à ce qu’il devrait être étant donné le ralentissement de l’économie mondiale). Elles font aussi face à des obligations réglementaires accrues au niveau européen. Le prix de la tonne de CO2, longtemps resté modéré autour des 20€, a récemment explosé et se retrouve désormais proche des 100€ la tonne. Le nombre de quotas carbone émis commençant à se rapprocher du volume nécessaire à l’activité économique, certaines entreprises se trouvent contraintes d’acheter davantage de droits à polluer, accroissant logiquement les prix. La tonne de CO2 devient une ressource rare et donc chère. Afin de lutter de façon équitable avec le reste du monde, préserver un level playing field et ne pas risquer de pénaliser son industrie, l’Union européenne n’aura probablement pas d’autre choix que mettre en place un nouveau mécanisme de taxe carbone aux frontières. Dans ce contexte, le renchérissement de la production soit délocalisée à l’autre bout de la planète soit intense en carbone, sera un levier puissant en faveur de la production proche et propre. L’industrie aura besoin de se (re)localiser là où l’énergie est décarbonée et à un prix relativement maîtrisé. L’Europe et la France ont ici une carte à jouer.

La transition écologique et énergétique requiert des investissements locaux très importants. La Stratégie nationale bas carbone évalue à 36 Mds€ par an les investissements à réaliser sur la période 2024-2028 pour le seul secteur des Transports, 18 Mds€ par an pour le bâtiment, 10 Mds€ par an pour l’énergie et réseaux. Le rapport Pisani-Ferry-Mahfouz apprécie dans un même ordre de grandeur les dépenses supplémentaires nécessaires à la transition écologique, autour de deux points de PIB par an d’ici 2030 (soit environ 60 Mds€ par an). Les pouvoirs publics, endettés aujourd’hui à plus de 110 % du PIB, ne seront pas en mesure de faire face à ces montants. La bonne nouvelle est que ces besoins, massifs, peuvent être financés par l’épargne des ménages français. L’épargne longue représente près de 3 200 Mds€ en considérant l’assurance-vie (1 870 Mds€), l’épargne réglementée (860 Mds€) et l’actionnariat en actifs cotés (420 Mds€). Un stock d’épargne qui ne cesse d’augmenter, la collecte nette annuelle étant en croissance et supérieure à 110 Mds€ depuis la pandémie. L’épargne française a donc les moyens et les ressources pour financer la transition énergétique et écologique de l’industrie. La réindustrialisation de la France devient dès lors une formidable opportunité de renforcer la cohésion économique et sociale française autour d’un projet fédérateur : financer la décarbonation de notre économie, grâce à une industrie locale propre, en recourant à une épargne et un actionnariat populaires.

Longtemps délaissée, l’industrie française bénéficie d’une fenêtre d’opportunité et d’un regain d’intérêt. Il appartient à la puissance publique d’accompagner cet élan en réduisant les obstacles persistants qui entravent ce rebond entrepreneurial et industriel.

Les verrous à débloquer pour permettre un rebond industriel
Si le pari lancé par le Président de la République en janvier 2022 d’ouvrir « 100 nouveaux sites industriels par an dans le pays » d’ici 2025 est en passe d’être tenu, les barrières du mille-feuille administratif français demeurent. En témoigne, l’écart entre le délai théorique de la procédure d’autorisation environnementale (9 mois) et le délai réel d’implantation d’une usine (17 mois). Ces retards presque systématiques présentent des surcoûts non négligeables pour un entrepreneur : la Caisse des dépôts et consignations évalue à 700 000 € l’impact négatif d’un décalage de 8 mois d’un projet d’implantation pour une PME de 10 m€ d’euros de chiffre d’affaires. Il est plus que temps de s’engager à mettre fin aux retards administratifs devenus la norme, et de réduire le calendrier théorique de la procédure d’autorisation environnementale. En Allemagne, pour la même mission, les délais théoriques s’élèvent à huit mois (et sont respectés !). En Suède, ils se situent entre six et huit mois, en Pologne autour des cinq mois. Ce désavantage français s’explique en grande partie par la conditionnalité de l’enquête publique à l’instruction administrative et l’avis porté par l’autorité environnementale sur l’étude d’impact. En clair, le public est invité à exprimer ses remarques à un stade tardif de la procédure. La demande sociale de participation, insuffisamment satisfaite, ainsi que le long calendrier administratif portent préjudice aussi bien aux parties prenantes qu’aux entreprises. Une parallélisation des procédures, afin d’éliminer les retards intercalaires, accélérerait l’instruction tout en renforçant le rôle du public, consulté plus tôt et qui pourrait irriguer l’enquête de ses observations. Le projet de loi « Industries vertes », promulgué le 23 octobre 2023, va dans la bonne direction, avec la volonté de diviser par deux les délais de délivrance des autorisations environnementales. Par ailleurs, la promesse de créer « 50 sites clés en main » est également un signal favorable envoyé aux industriels. Elle démontre que réindustrialisation et l’objectif de « zéro artificialisation nette des sols » à horizon 2050 sont compatibles, à condition de faire converger temps administratif et temps industriel.

Le renouveau industriel de la France passera également par un changement de paradigme autour de son image dans l’imaginaire collectif, à commencer par celui du politique. Trop longtemps (et encore) associée aux romans d’Emile Zola, la figure de l’ouvrier travaillant de longues heures à l’usine est restée prégnante au sein de la société française, à tort. Car un emploi industriel est justement un « emploi riche » : il crée en moyenne 1,5 emploi indirect et 3 emplois induits dans le reste de l’économie. Alors que la baisse du taux de chômage semble se ralentir, la reprise industrielle devient une solution efficace. L’industrie se démarque également par la qualité du narratif qu’elle partage avec ses collaborateurs : elle propose des travaux valorisants, avec des résultats visibles. On participe à construire des voitures électriques, des avions décarbonés, des turbines pour des barrages, des trains à hydrogène, des vélos du quotidien, ou même des chaussures : en bref, des produits qui contribuent à l’utilité sociale. Rappelons que 83% des salariés français pensent qu’il est important de travailler pour une entreprise qui partage leurs valeurs. A l’heure où un nombre croissant d’étudiants issus de grandes écoles refusent des carrières prestigieuses au motif qu’ils n’arrivent pas à donner un sens à leur travail, l’industrie propose des métiers opérationnels, concrets et locaux. Les plus de 800 000 contrats d’apprentissage signés au cours de l’année 2022, dont 14 % dans le secteur industriel, sont à ce titre encourageants et témoignent d’un regain d’intérêt des jeunes générations pour découvrir de façon « active » et opérationnelle des métiers bénéfiques à la société. Le Groupe ADP peut en témoigner, avec des dizaines de contrats en apprentissage dans ses aéroports, au plus près de ses besoins en métiers industriels, bien payés et valorisants.

Les pouvoirs publics, en plus de redorer l’image de l’industrie, doivent également jouer sur les montants alloués à la recherche et développement. La France est en retard dans ce domaine. L’effort en R&D représentait près de 3 % du PIB tricolore dans les années 1970. Il s’est depuis effrité jusqu’à atteindre un peu plus de 2 % dans les années 2000. L’Etat, conscient de l’importance de cet indicateur dans la production de la richesse nationale, a depuis tenté de le relancer (via le CICE notamment). Mais ces dépenses demeurent encore trop faibles, stagnant autour de 2,2 % du PIB. A titre de comparaison, l’Allemagne, les Etats Unis ou les pays nordiques consacrent environ 3 % de leur richesse nationale à la R&D, et ce ratio atteint même 5 % en Corée du Sud. Cet investissement dans l’innovation, à commencer par celui des pouvoirs publics dans la recherche fondamentale, est pourtant vital, quand l’avantage concurrentiel des entreprises se joue sur leur spécialisation sur les segments à forte valeur ajoutée, et donc intensifs en capital. Investir, ce n’est d’ailleurs pas seulement préparer l’industrie de demain, investir est un acte du quotidien nécessaire pour se maintenir au plus haut niveau technologique et améliorer chaque jour ses façons de produire. La R&D prend tout son sens alors que la productivité des travailleurs français a reculé d’environ 3 % depuis 2019.

Conclusion
La France doit donc renouer avec son audace, qui a inspiré le monde. Le Concorde, le nucléaire, le TGV sont autant de prouesses qui ont démontré son savoir-faire industriel, mais aussi fédéré la société. Aujourd’hui, un défi vertigineux s’ouvre devant nous : celui de la transition écologique et énergétique. La prise de risque des investisseurs sera nécessaire pour y parvenir, afin d’engager des flux financiers considérables vers des activités ayant des taux de rentabilité inférieurs aux standards actuels. Si l’on doit n’en retirer qu’une leçon, c’est que cette transformation passera par la recherche et par l’innovation, mais avant tout par l’éducation. Il est de notre responsabilité de former et d’entrainer les jeunes générations vers les métiers industriels, encore trop peu valorisés malgré une utilité sociale et des bénéfices environnementaux indéniables.

Industrie : Un choc anti normes en Europe

Industrie : Un choc anti normes en Europe

Trois pays , la France l’Allemagne et l’Italie, sont convenus de favoriser un choc anti norme en Europe. Notons quand même que ce sont ces mêmes pays-sauf l’Italie- qui ont largement complexifier les procédures qu’ils souhaitent  maintenant alléger.

 
Il faut « éliminer les charges administratives inutiles », font désormais valoir les trois premières économies de l’UE, l’Allemagne, l’Italie et la France. Et « simplifier » le mille-feuille de réglementations qui s’impose aux entreprises du territoire, en premier lieu les PME.

 

Dans la déclaration commune des trois pays, on affirme que « la simplification et l’accélération des procédures administratives de l’UE », y compris « pour l’octroi de permis et l’accès aux programmes de financement européens et aux aides d’État ». Et ce, en invitant la Commission à « mettre en œuvre un programme de simplification ambitieux » éliminant les « chevauchements de réglementation ». L’idée serait ainsi de « supprimer » les règles « obsolètes ou non pertinentes » et lancer des « tests de réalité » au niveau européen dans des domaines prédéterminés afin « d’identifier » la « bureaucratie superflue ».

Concrètement, il s’agirait par exemple de « réduire les obligations de déclaration » pour les PME. En effet, en mars 2023, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, avait annoncé une réduction de 25% des obligations de déclaration pour les PME, afin d’alléger les exigences administratives. Mais selon les trois ministres, il faudrait aller « bien au-delà » de ce seuil.

Par ailleurs sur la question de la compétitivité internationale les trois pays évoqués sont encore loin d’être d’accord. La France souhaitant davantage de régulation et l’Allemagne étend beaucoup plus réticente. Le ministre  français de l’économie constate que « Le déficit commercial entre la Chine et l’Europe a été multiplié par 3 en 10 ans, en passant de 100 à 300 milliards d’euros, il faut donc, à mon sens, savoir s’il ne faut pas réserver les marchés publics à des produits made in Europe, ou avoir un contenu européen dans les appels d’offres, de 40, 50 ou 60%, ou imposer des normes de qualité ou des normes environnementales les plus strictes sur les produits dans les marchés publics », a-t-il fait savoir.

« Le débat sur la préférence européenne doit être poursuivi. Bruno Le Maire a exprimé le souhait de la voir généralisée dans un certain nombre de secteurs, et qu’elle soit portée comme une référence commune dans l’édification des textes », ajoute-t-on dans son cabinet, admettant que « côté allemand, l’enthousiasme est moins élevé ».

 

Réindustrialisation : il faudra des années

Réindustrialisation : il faudra des années

Dans une interview à BFM Business, le directeur général de Bpifrance s’est dit ce lundi « toujours confiant » sur la réindustrialisation en cours de la France, reconnaissant toutefois que cela « va prendre des années ». Pour y arriver, Nicolas Dufourcq préconise plus de foncier, de capitaux, mais aussi davantage d’ingénieurs et d’intelligence artificielle. 
« On a toujours été lucides (…), on n’a jamais dit que ça serait facile, ça va prendre des années », a-t-il déclaré ce lundi sur BFM Business, s’affichant néanmoins « toujours confiant ».
Selon lui, depuis 2017, l’industrie a créé « à peu près 100.000 emplois », mais il en faudrait « 600.000 de plus » pour parvenir à l’objectif d’une industrie pesant 12% du PIB après 2035, a-t-il observé. « C’est considérable » et il va « falloir redresser un peu la tendance », a-t-il ajouté. « Là, on est grosso modo à plus 1,5% par an. Il faut qu’on monte à plus 3,5% par an », a-t-il constaté, ce qui signifie « plus d’ouverture d’usines ».

« On ouvre beaucoup d’usines innovantes, a-t-il souligné, (mais) des usines pas innovantes continuent de fermer, l’industrie, c’est comme ça, c’est plastique », a-t-il estimé.

Pour atteindre cet objectif, Nicolas Dufourcq a indiqué qu’il faut « plus de tout ». À savoir « plus de foncier, plus de jeunes qui deviennent ingénieurs, de filles ingénieures, d’ingénieurs dans l’industrie, parce que deux tiers des ingénieurs ne vont pas dans l’industrie, plus de techniciens sortis des BTS, d’intelligence artificielle, de capitaux », a-t-il énuméré, appelant le monde financier à « aller vers une sorte de prise de risque un peu rugissante à l’américaine sur des nouveaux projets industriels ».

Nicolas Dufourcq s’est en outre félicité de la tenue à Paris du salon Global Industrie, qui a démarré ce lundi 25 mars et doit se clore ce jeudi. Au programme : 500 intervenants et 2.300 exposants présentant 3.000 machines. « Une occasion en or d’incarner les choses », selon le directeur général de Bpifrance. « On ne peut pas avoir une industrie fière d’elle-même si on n’a pas un très grand salon », a-t-il observé, soulignant que les Allemands « ont un salon extraordinaire, à Hanovre, qui est à chaque fois une démonstration de puissance ». La « Hanover Messe » (ou « Foire d’Hanovre ») aura, elle, lieu du 22 au 26 avril prochain.

 

Reste que, comme l’a rappelé fin janvier l’Académie des Technologies, la réindustrialisation doit se faire « avec les citoyens »« Il faut une démarche participative, de l’empathie, de l’écoute pour viser une acceptabilité et transformer les inquiétudes en projets adaptés », a déclaré son président, Patrick Peleta, ex-directeur général délégué de Renault. Selon cet organisme, la France a perdu 3 millions d’emplois industriels en 40 ans entre 1975 et 2014 et se situe aujourd’hui à la 22e place sur 27 en taux d’emploi industriel au sein de l’UE.

 

Réindustrialisation : former aussi une main-d’œuvre qualifiée

Réindustrialisation : former aussi une main-d’œuvre qualifiée

 
Il y a près d’un an, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, annonçait : « Pour la première fois depuis plusieurs décennies, on ouvre plus d’usines qu’on en ferme. » Ce constat appelle immédiatement une question : a-t-on la main-d’œuvre nécessaire pour poursuivre l’ambitieuse politique de réindustrialisation de notre pays ?

 

Avec 60 000 emplois industriels vacants, la pénurie de compétences est généralisée et constitue un frein puissant à notre renouveau productif, alerte, dans une tribune au « Monde », Martial Martin, président de l’assemblée des directeurs d’instituts universitaires de technologie.

 

Cette interrogation est déjà au cœur des préoccupations des industriels, qui peinent à pourvoir tous les postes offerts. Entre 2017 et 2022, le nombre d’emplois industriels vacants a été multiplié par trois, pour atteindre 60 000. La pénurie de compétences est généralisée, et elle constitue un frein puissant à notre renouveau productif.

Ce problème est en partie dû à notre appareil de formation. Dans une note récente, la plate-forme de réflexion La Fabrique de l’industrie affirme que ce dernier est théoriquement en mesure de fournir la main-d’œuvre nécessaire aux besoins de recrutement dans l’industrie. Mais environ la moitié des cohortes formées « s’évaporent », fuyant ainsi les métiers industriels pour se diriger vers d’autres horizons professionnels, en particulier vers le titre d’ingénieur. Il faut impérativement combler ce déficit mais pas seulement.

Il faut aussi s’assurer de former au bon niveau de qualification. L’attention se porte principalement sur la pénurie d’ingénieurs. Mais on ne prend pas pleinement conscience de l’impérieuse nécessité de former aussi des techniciens et des cadres techniques. Dans une usine, ces cadres sont à l’interface entre des opérateurs et des ingénieurs à qui ils apportent leurs connaissances des procédés et des installations.

Ils sont les piliers du dispositif industriel. Mais la France n’en forme pas assez, alors que de nombreux secteurs économiques auront besoin de techniciens qualifiés, par exemple pour la maintenance dans le bâtiment et l’énergie, ou l’industrie militaire. Le flux actuel de 50 000 techniciens diplômés par an devrait certainement être triplé.

La réalité des chiffres est brutale. Comme le souligne l’Académie des technologies, cette carence risque d’obérer toute politique de réindustrialisation et de transition énergétique. Aujourd’hui, seulement un quart des bacheliers technologiques sont diplômés des sections orientées vers la production : sciences et technologies de l’industrie et du développement durable (STI2D) et sciences et technologies de laboratoire (STL). Seule la moitié d’entre eux se dirige vers un institut universitaire de technologie (IUT) ou une section de techniciens supérieurs (STS), ce qui est largement insuffisant pour nourrir les formations de techniciens en production.

 

La réindustrialisation de la France prend du retard

La réindustrialisation de la France prend du retard

 

 

Le débat autour de la place et de la dynamique de l’industrie au sein de l’Union européenne (UE) n’est pas aisé, tant il est phagocyté par des considérations nationales, entre des pays dotés d’un secteur manufacturier puissant, comme l’Allemagne, et d’autres aux prises avec un déclin amorcé il y a plusieurs décennies, comme la France. Au-delà de cette hétérogénéité au sein de l’UE, le décrochage de cette dernière en matière d’investissements dans les secteurs stratégiques (notamment pour la transition écologique) est inquiétant.

 

par Thomas Grjebine, Économiste, Responsable du programme Macroéconomie et finance internationales, CEPII

et Jérôme Héricourt, Professeur d’économie, conseiller scientifique au CEPII, Université d’Evry – Université Paris-Saclay dans The Conversation

Sur la période 2016-2023, l’Union européenne n’a en effet représenté que 6,5 % des investissements industriels annoncés dans le monde, là où les États-Unis en captaient 17 %, la Chine 19 % et l’ensemble de l’Asie 55 %, selon les chiffres du cabinet d’études Trendeo. L’écart est encore plus important pour les méga-investissements industriels – plus de 5 milliards de dollars – annoncés dans le monde, où la part de l’UE tombe à 2 % sur la période.

Si les entreprises européennes ont une capacité d’investissement forte (et proche de celle des entreprises américaines), elle est surtout employée hors de l’UE : les entreprises européennes investissent davantage à l’étranger, si bien que l’UE ne reçoit que l’équivalent d’un peu plus de la moitié de leur capacité d’investissement (et les investissements étrangers en Europe ne permettent pas de compenser).

Le tableau ne s’améliore guère du côté de la production, notamment dans le secteur clé de l’automobile électrique : l’Europe produit certes 25 % des voitures électriques, contre 10 % aux États-Unis, mais la Chine plus de la moitié. S’agissant des batteries, la Chine produit plus de 75 % des batteries issues de la technologie dominante, contre 7 % tant pour l’Europe que pour les États-Unis.
Le retard pris par les pays de l’UE est donc substantiel. Une politique vigoureuse d’investissement apparaît comme un moyen nécessaire, parmi d’autres, pour y remédier.La comparaison des stratégies américaines et européennes en la matière ne plaide pas en faveur de l’Europe. Les moyens avancés par les États-Unis sont bien supérieurs à ceux mis en œuvre par l’UE. Pour les premiers, l’Inflation Reduction Act (IRA), dont le coût sur dix ans était estimé à 385 milliards de dollars, pourrait représenter plus de 1 000 milliards d’argent public : la plupart des mesures ne sont en effet pas plafonnées, que ce soit en volume ou en valeur, et le coût total dépendra du degré d’utilisation des crédits d’impôt, qui s’est révélé jusqu’à présent beaucoup plus élevé que prévu.

Du côté européen, si le caractère disparate des différents dispositifs, additionnant financements publics (européens ou nationaux) et privés, financements directs et crédits (par exemple, de la Banque européenne d’investissement), rend délicates les comparaisons, les montants publics mobilisés semblent néanmoins bien plus limités.

Un des plans phares, le Net Zero Industrial Act (NZIA), destiné à soutenir la production de technologies propres au sein de l’UE, affiche par exemple un montant de 92 milliards d’euros pour la période 2023-2030. Mais il s’agit d’un montant reposant sur un effet de levier substantiel : ces investissements de 92 milliards reposeraient sur seulement 16 à 18 milliards d’euros de soutiens publics directs.

L’écart entre les deux rives de l’Atlantique est encore plus flagrant lorsque l’on compare les aides, non pas d’un point de vue macroéconomique, mais à l’échelle des projets. Par exemple, le soutien américain pour les producteurs de batteries serait en moyenne plus de 3 fois supérieur aux aides européennes.

Ce retard à l’allumage de l’Europe n’est pas surprenant. La Commission européenne a longtemps rejeté l’idée même de politique industrielle : jusqu’à récemment, elle estimait que celle-ci devait idéalement reposer sur la politique de concurrence au niveau du marché unique, le libre-échange et une politique de recherche et développement, sans que les contours de cette dernière soient réellement précisés.
Il faut cependant souligner deux inflexions significatives dans le logiciel européen. Tout d’abord, la création du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), entré en vigueur dans sa phase transitoire le 1er octobre 2023, a pu être interprétée comme marquant l’émergence d’une forme de protectionnisme vert européen.

nt des productions de l’UE vers des pays ayant des politiques climatiques moins exigeantes et leur remplacement par des importations carbonées. Pour cela, les importateurs européens de certains produits, comme l’acier ou l’aluminium, devront payer le même prix pour le carbone contenu dans les produits importés que celui payé par les producteurs européens.

Si le MACF marque une inflexion très nette du logiciel européen, il souffre à l’heure actuelle de deux failles. D’une part, il pourrait pénaliser la compétitivité à l’exportation des industriels européens, d’abord car les exportateurs européens vont payer leurs intrants plus cher du fait du MACF, et deuxièmement car ils devront progressivement, lorsqu’ils produisent en Europe, s’acquitter de quotas carbone (jusqu’alors gratuits pour les sites les plus intensifs en énergie) alors que leurs concurrents sur les marchés à l’exportation n’ont pas à s’acquitter d’un tel coût.

D’autre part, le dispositif actuel ne couvre que quelques grands intrants industriels et non les produits finis ni la majorité des semi-finis. Il existe donc un risque de « délocalisation » de l’aval des chaines de production : un produit fini ou semi-fini à base d’acier ou d’aluminium mais transformé hors de l’UE échappe au MACF, ce qui peut inciter les producteurs à délocaliser pour réimporter ensuite au sein des Vingt-Sept.

 

 

Par ailleurs, la montée en puissance des projets importants d’intérêt européen commun (PIEEC) constitue une deuxième inflexion significative aux règles de libre concurrence de l’UE : ils visent à promouvoir l’innovation dans des domaines industriels stratégiques et d’avenir, au travers de projets européens transnationaux. Leur particularité est de ne pas reposer sur des financements de l’UE, mais sur les budgets nationaux, pour des montants allant au-delà des limites habituellement fixées par la réglementation européenne en matière d’aides d’État.

Le plan France 2030 s’inscrit dans ce cadre : plus de la moitié de l’enveloppe de 54 milliards prévue dans ce plan a été engagée en deux ans. En tenant compte de l’effet de levier sur les financements privés, cela représente plus de 40 milliards d’euros engagés depuis 2021, et plus de 85 milliards d’euros qui devraient être investis sur cinq ans dans des projets visant à stimuler l’innovation dans des secteurs stratégiques (véhicules électriques, hydrogène, spatial, quantique, etc.), des montants très importants à l’échelle française.
L’assouplissement des règles permis par le cadre des PIIEC pose néanmoins la question de l’hétérogénéité des marges de manœuvre budgétaires nationales et du risque de fragmentation. La monnaie unique a, en effet, accentué les divergences réelles au sein de la zone euro : comme l’avait anticipé le prix « Nobel » d’économie Paul Krugman, dans un contexte de forte mobilité des facteurs de production, une intégration accrue entre pays aboutit à un renforcement de leurs spécialisations.

À cet égard, l’assouplissement des PIIEC risque de réserver les investissements massifs aux pays budgétairement « vertueux », qui sont très souvent déjà ceux disposant d’un secteur industriel puissant. Maintenir une base industrielle forte permet en effet de générer de la richesse à long terme, et d’avoir ainsi moins recours à l’endettement pour stimuler l’activité économique. Ces facteurs contribuent à ce que les pays les plus industrialisés aient les marges de manœuvre budgétaires les plus fortes, ce qui représente un autre facteur puissant de divergence au sein de la zone euro.

Une augmentation de l’endettement au niveau européen permettrait de répondre à ce risque de fragmentation accrue. Ceci réclamerait un engagement de plusieurs centaines de milliards de dollars, qui pourraient être financé selon des modalités proches de celles retenues dans le cadre du plan de relance européen Next Generation EU initié en 2020 (750 milliards d’euros financés par un emprunt au niveau de l’UE), à condition de parvenir à un nouvel accord politique en ce sens.

L’Europe dispose d’un atout qui pourrait être davantage mobilisé : un mix énergétique moins carboné. Le développement de clauses de conditionnalité environnementale – sur le modèle du nouveau bonus français sur les voitures électriques – apparaît ainsi comme une voie prometteuse pour favoriser la production européenne, tout en respectant le cadre légal de l’UE.

Ces clauses permettent d’atteindre des objectifs proches des clauses de contenu local, en contournant l’interdiction de ces dernières : aucun modèle de voiture électrique produit en Asie, et particulièrement en Chine, n’a ainsi été éligible au bonus écologique français en 2024. S’appuyer sur des clauses de conditionnalité environnementale est aussi une façon de réorienter la commande publique vers la production française et européenne.

Il s’agit d’un enjeu de taille : la commande publique représente de 10 % à 20 % du PIB des pays membres de l’UE. La loi française « Industrie verte », adoptée en octobre 2023, fait un premier pas en ce sens, avec la création d’un label permettant d’intégrer les critères environnementaux dans la commande publique.

Réindustrialisation : du retard

Réindustrialisation : du retard

 

Le débat autour de la place et de la dynamique de l’industrie au sein de l’Union européenne (UE) n’est pas aisé, tant il est phagocyté par des considérations nationales, entre des pays dotés d’un secteur manufacturier puissant, comme l’Allemagne, et d’autres aux prises avec un déclin amorcé il y a plusieurs décennies, comme la France. Au-delà de cette hétérogénéité au sein de l’UE, le décrochage de cette dernière en matière d’investissements dans les secteurs stratégiques (notamment pour la transition écologique) est inquiétant.

 

par , Économiste, Responsable du programme Macroéconomie et finance internationales, CEPII

 et , Professeur d’économie, conseiller scientifique au CEPII, Université d’Evry – Université Paris-Saclay dans The Conversation 

Sur la période 2016-2023, l’Union européenne n’a en effet représenté que 6,5 % des investissements industriels annoncés dans le monde, là où les États-Unis en captaient 17 %, la Chine 19 % et l’ensemble de l’Asie 55 %, selon les chiffres du cabinet d’études Trendeo. L’écart est encore plus important pour les méga-investissements industriels – plus de 5 milliards de dollars – annoncés dans le monde, où la part de l’UE tombe à 2 % sur la période.

Si les entreprises européennes ont une capacité d’investissement forte (et proche de celle des entreprises américaines), elle est surtout employée hors de l’UE : les entreprises européennes investissent davantage à l’étranger, si bien que l’UE ne reçoit que l’équivalent d’un peu plus de la moitié de leur capacité d’investissement (et les investissements étrangers en Europe ne permettent pas de compenser).

Le tableau ne s’améliore guère du côté de la production, notamment dans le secteur clé de l’automobile électrique : l’Europe produit certes 25 % des voitures électriques, contre 10 % aux États-Unis, mais la Chine plus de la moitié. S’agissant des batteries, la Chine produit plus de 75 % des batteries issues de la technologie dominante, contre 7 % tant pour l’Europe que pour les États-Unis.

Le retard pris par les pays de l’UE est donc substantiel. Une politique vigoureuse d’investissement apparaît comme un moyen nécessaire, parmi d’autres, pour y remédier.La comparaison des stratégies américaines et européennes en la matière ne plaide pas en faveur de l’Europe. Les moyens avancés par les États-Unis sont bien supérieurs à ceux mis en œuvre par l’UE. Pour les premiers, l’Inflation Reduction Act (IRA), dont le coût sur dix ans était estimé à 385 milliards de dollars, pourrait représenter plus de 1 000 milliards d’argent public : la plupart des mesures ne sont en effet pas plafonnées, que ce soit en volume ou en valeur, et le coût total dépendra du degré d’utilisation des crédits d’impôt, qui s’est révélé jusqu’à présent beaucoup plus élevé que prévu.

Du côté européen, si le caractère disparate des différents dispositifs, additionnant financements publics (européens ou nationaux) et privés, financements directs et crédits (par exemple, de la Banque européenne d’investissement), rend délicates les comparaisons, les montants publics mobilisés semblent néanmoins bien plus limités.

Un des plans phares, le Net Zero Industrial Act (NZIA), destiné à soutenir la production de technologies propres au sein de l’UE, affiche par exemple un montant de 92 milliards d’euros pour la période 2023-2030. Mais il s’agit d’un montant reposant sur un effet de levier substantiel : ces investissements de 92 milliards reposeraient sur seulement 16 à 18 milliards d’euros de soutiens publics directs.

L’écart entre les deux rives de l’Atlantique est encore plus flagrant lorsque l’on compare les aides, non pas d’un point de vue macroéconomique, mais à l’échelle des projets. Par exemple, le soutien américain pour les producteurs de batteries serait en moyenne plus de 3 fois supérieur aux aides européennes.

Ce retard à l’allumage de l’Europe n’est pas surprenant. La Commission européenne a longtemps rejeté l’idée même de politique industrielle : jusqu’à récemment, elle estimait que celle-ci devait idéalement reposer sur la politique de concurrence au niveau du marché unique, le libre-échange et une politique de recherche et développement, sans que les contours de cette dernière soient réellement précisés.

Il faut cependant souligner deux inflexions significatives dans le logiciel européen. Tout d’abord, la création du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), entré en vigueur dans sa phase transitoire le 1er octobre 2023, a pu être interprétée comme marquant l’émergence d’une forme de protectionnisme vert européen.

nt des productions de l’UE vers des pays ayant des politiques climatiques moins exigeantes et leur remplacement par des importations carbonées. Pour cela, les importateurs européens de certains produits, comme l’acier ou l’aluminium, devront payer le même prix pour le carbone contenu dans les produits importés que celui payé par les producteurs européens.

Si le MACF marque une inflexion très nette du logiciel européen, il souffre à l’heure actuelle de deux failles. D’une part, il pourrait pénaliser la compétitivité à l’exportation des industriels européens, d’abord car les exportateurs européens vont payer leurs intrants plus cher du fait du MACF, et deuxièmement car ils devront progressivement, lorsqu’ils produisent en Europe, s’acquitter de quotas carbone (jusqu’alors gratuits pour les sites les plus intensifs en énergie) alors que leurs concurrents sur les marchés à l’exportation n’ont pas à s’acquitter d’un tel coût.

D’autre part, le dispositif actuel ne couvre que quelques grands intrants industriels et non les produits finis ni la majorité des semi-finis. Il existe donc un risque de « délocalisation » de l’aval des chaines de production : un produit fini ou semi-fini à base d’acier ou d’aluminium mais transformé hors de l’UE échappe au MACF, ce qui peut inciter les producteurs à délocaliser pour réimporter ensuite au sein des Vingt-Sept.

 

 

Par ailleurs, la montée en puissance des projets importants d’intérêt européen commun (PIEEC) constitue une deuxième inflexion significative aux règles de libre concurrence de l’UE : ils visent à promouvoir l’innovation dans des domaines industriels stratégiques et d’avenir, au travers de projets européens transnationaux. Leur particularité est de ne pas reposer sur des financements de l’UE, mais sur les budgets nationaux, pour des montants allant au-delà des limites habituellement fixées par la réglementation européenne en matière d’aides d’État.

Le plan France 2030 s’inscrit dans ce cadre : plus de la moitié de l’enveloppe de 54 milliards prévue dans ce plan a été engagée en deux ans. En tenant compte de l’effet de levier sur les financements privés, cela représente plus de 40 milliards d’euros engagés depuis 2021, et plus de 85 milliards d’euros qui devraient être investis sur cinq ans dans des projets visant à stimuler l’innovation dans des secteurs stratégiques (véhicules électriques, hydrogène, spatial, quantique, etc.), des montants très importants à l’échelle française.

L’assouplissement des règles permis par le cadre des PIIEC pose néanmoins la question de l’hétérogénéité des marges de manœuvre budgétaires nationales et du risque de fragmentation. La monnaie unique a, en effet, accentué les divergences réelles au sein de la zone euro : comme l’avait anticipé le prix « Nobel » d’économie Paul Krugman, dans un contexte de forte mobilité des facteurs de production, une intégration accrue entre pays aboutit à un renforcement de leurs spécialisations.

À cet égard, l’assouplissement des PIIEC risque de réserver les investissements massifs aux pays budgétairement « vertueux », qui sont très souvent déjà ceux disposant d’un secteur industriel puissant. Maintenir une base industrielle forte permet en effet de générer de la richesse à long terme, et d’avoir ainsi moins recours à l’endettement pour stimuler l’activité économique. Ces facteurs contribuent à ce que les pays les plus industrialisés aient les marges de manœuvre budgétaires les plus fortes, ce qui représente un autre facteur puissant de divergence au sein de la zone euro.

Une augmentation de l’endettement au niveau européen permettrait de répondre à ce risque de fragmentation accrue. Ceci réclamerait un engagement de plusieurs centaines de milliards de dollars, qui pourraient être financé selon des modalités proches de celles retenues dans le cadre du plan de relance européen Next Generation EU initié en 2020 (750 milliards d’euros financés par un emprunt au niveau de l’UE), à condition de parvenir à un nouvel accord politique en ce sens.

L’Europe dispose d’un atout qui pourrait être davantage mobilisé : un mix énergétique moins carboné. Le développement de clauses de conditionnalité environnementale – sur le modèle du nouveau bonus français sur les voitures électriques – apparaît ainsi comme une voie prometteuse pour favoriser la production européenne, tout en respectant le cadre légal de l’UE.

Ces clauses permettent d’atteindre des objectifs proches des clauses de contenu local, en contournant l’interdiction de ces dernières : aucun modèle de voiture électrique produit en Asie, et particulièrement en Chine, n’a ainsi été éligible au bonus écologique français en 2024. S’appuyer sur des clauses de conditionnalité environnementale est aussi une façon de réorienter la commande publique vers la production française et européenne.

Il s’agit d’un enjeu de taille : la commande publique représente de 10 % à 20 % du PIB des pays membres de l’UE. La loi française « Industrie verte », adoptée en octobre 2023, fait un premier pas en ce sens, avec la création d’un label permettant d’intégrer les critères environnementaux dans la commande publique.

Industrie : les risques d’une délocalisation qui pourrait continuer

Industrie : les risques d’une délocalisation qui pourrait continuer

Le président de France Industrie, Alexandre Saubot, évoque dans « La Tribune » de sombres perspectives pour l’industrie qui pourrait encore délocaliser des usines, alerte le dirigeant.

Comment l’industrie française a encaissé le choc de la guerre en Ukraine deux ans après le déclenchement du conflit ?
ALEXANDRE SAUBOT- L’industrie a, à la fois, montré sa résilience et sa fragilité face à cette guerre. Les chaînes d’approvisionnement se sont reconstituées assez vite, des routes alternatives ont été trouvées. Les conséquences structurelles sur les chaînes de valeur ont été, à ce stade, très limitées. Le prix du gaz est revenu à un niveau proche de la période d’avant-guerre.

 

En revanche, le choc a engendré des explosions de prix du gaz et de l’électricité particulièrement difficiles pour certains secteurs. C’est une hausse inconnue aux Etats-Unis ou en Chine. Certains industriels dans le textile, la mécanique, la fonderie, la chimie ou l’agroalimentaire ont dû faire face à cette hausse des coûts de l’énergie.

Les débats sur les prix ont rappelé la nécessité de proposer aux industries énergo-intensives une énergie à un prix compétitif. Cette guerre a aussi souligné l’importance du prix de l’énergie dans une économie décarbonée.

 

Comment les industriels ont-ils adapté leur consommation d’énergie ces deux dernières années ?

Les industriels n’ont pas attendu la guerre en Ukraine pour se préoccuper de leur consommation d’énergie. Sur l’électricité et le gaz, certains industriels ont eu peur de manquer. Des entreprises sont passées sur des logiques de rationnement. Cette guerre a suscité de vastes questions : comment les entreprises peuvent-elles arrêter leur production ? Comment peuvent-elles gérer une éventuelle interruption de l’approvisionnement ?

Face à l’envolée des prix, beaucoup de projets d’investissements liés aux économies d’énergie ont retrouvé de la rentabilité. Ces dossiers sont remontés sur le dessus de la pile. Cette montée des prix a conduit à une baisse structurelle de la consommation. La hausse des tarifs a poussé les entreprises à développer des outils de flexibilité pour être des partenaires majeurs des énergéticiens, notamment pour gérer des pics de demande ou des problèmes d’approvisionnement.

La guerre a également entraîné des bouleversements sur l’organisation du travail. Comment l’industrie a-t-elle limité les dégâts ?

Certaines entreprises ont eu recours à plusieurs outils : le chômage partiel, la réorganisation de la production, l’augmentation de la flexibilité. Ces outils ont permis d’éviter de mettre beaucoup d’entreprises en difficulté. Les industriels ont dû gérer des aléas beaucoup plus grands et une instabilité des chaînes d’approvisionnement. Les industriels ont dû faire face à différentes pénuries pendant cette période.

Beaucoup de matières et de composants n’arrivaient plus, des fournisseurs de référence étaient dans des logiques de rationnement. Les entrepreneurs ont dû gérer la production en fonction de la disponibilité des approvisionnements et non plus en fonction de la demande. L’industrie automobile et l’industrie aéronautique ont eu des difficultés à repartir.

Où en est l’industrie tricolore deux ans après le conflit ?

En termes d’emplois ou d’implantations, la courbe de réindustrialisation est restée positive. Mais beaucoup de décisions ont été prises avant 2022. S’agissant de la production, l’industrie n’est pas revenue au niveau d’avant-guerre, ni au niveau d’avant-Covid.

L’intensification de la concurrence chinoise a accru les difficultés de l’industrie française. Le déficit commercial s’est certes réduit, mais il n’est pas revenu au niveau de 2019. Dans plusieurs secteurs, il y a des baisses d’activité. En revanche, beaucoup de besoins sont aujourd’hui satisfaits avec des productions réalisées en dehors de la France et de l’Europe.

Quelles sont les perspectives de l’industrie dans l’Hexagone ?

Le premier enjeu est la conjoncture mondiale. La croissance économique planétaire ralentit. Cela affecte l’Europe. La Chine a du mal à repartir. Et les perspectives ne sont pas favorables, même si le FMI a révisé légèrement à la hausse ses chiffres. Le second enjeu concerne les tarifs de l’énergie. Ils ont certes baissé ces derniers temps, mais la visibilité n’est pas encore de mise. Au prochain aléa géopolitique, les prix risquent de remonter. Ces inquiétudes demeurent.

 

Beaucoup de sujets liés aux réglementations européennes et françaises inquiètent les industriels. Sur le plan général, les objectifs de préservation de la biodiversité, de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de protection de la planète sont partagés par un grand nombre de dirigeants. Mais à un moment donné, il faut s’assurer de la cohérence des objectifs assignés avec la faisabilité technologique et financière des demandes qui nous sont faites.

L’Europe ne peut pas imposer des réglementations plus complexes et onéreuse que celles de la Chine et des États-Unis. Le « faire mieux » risque de se traduire par du « faire ailleurs », ce qui ne profite pas à la protection de l’environnement. La mise en œuvre de ces réglementations va nécessiter de trouver le bon point d’équilibre. La guerre en Ukraine a soulevé des enjeux sur l’industrie de la défense. Il serait utile de s’assurer que la France et l’Europe soient encore capables de fabriquer l’armement dont elles ont besoin pour assurer leur défense et celle de leurs alliés.

Que vous inspire la crise agricole survenue ces dernières semaines ?

La crise agricole a fait beaucoup de bruit. Mais les problématiques sont finalement assez proches de celles de l’industrie. Le niveau de réglementation amène l’industrie à être moins compétitive.

L’Europe est dans l’incapacité d’imposer aux produits qui rentrent des exigences équivalentes à celles qu’elle impose aux producteurs européens. Tous les débats sur le devoir de vigilance ont montré que les entreprises sont parfois incapables d’appliquer ces réglementations. Le risque est de délocaliser en dehors de l’Europe des centres de décision ou des activités.

Economie- Réindustrialisation : pour un livret A industrie durable

Réindustrialisation : pour un livret A industrie durable

Trois députés – Thomas Gassilloud (Renaissance), Christophe Plassard (Horizon) et Jean-Louis Thiériot (Les Républicains) – ont à nouveau déposé un amendement qui propose d’assigner « l’épargne des Livrets A et de développement durable et solidaire aux entreprises, notamment petites et moyennes sur les technologies de défense. Mais le problème se pose pour l’ensemble de l’industrie ( Notons que la proposition a encore été balayée pour les questions constitutionnelles

Le problème du financement de l’industrie dépasse celui du seul secteur de la défense. Par ailleurs se pose la question de l’utilisation effective des livrets d’épargne réglementée. Or sur cette question,, c’est le grand flou. Théoriquement l’essentiel des livrets d’épargne devrait être laissé vers le logement. Dans la pratique, c’est loin d’être le cas compte tenu de l’opacité sur ce sujet des banques qui collectent une grande partie des ressources

Par ailleurs, les travaux du rapporteur spécial des programmes 144 et 146 pour ce projet de loi de finances ont démontré que, depuis 2008, les banques contournent l’obligation qui est la leur de rendre public annuellement un rapport présentant l’emploi des ressources collectées au titre de ces deux livrets et non centralisées, en faisant figurer dans ce rapport l’ensemble de leurs fonds investis, et pas seulement les ressources collectées dans les livrets réglementés.

L’amendement propose donc « de préciser, clairement, que cette obligation faite aux établissements bancaires ne concerne que ces ressources collectées au titre des livrets, et pas les autres ».

Il serait temps et même urgent de créer un livret d’épargne a dessiné à l’industrie durable dans le cadre de la réindustrialisation du pays.

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