ENR: Un plaidoyer très peu scientifique
Un plaidoyer très peu scientifique en faveur des ENR. Un article publié dans la très intéressante revue « The Conversation » mais dans certains papiers relèvent davantage d’une démarche militante que d’une analyse scientifique. Exemple quand l’auteur critique la mise en question de l’efficacité énergétique des EnR. Notons en outre que le papier fait l’impasse sur le nucléaire qui fournit pourtant 70 % de l’énergie.
Par fabrice Raffin Maître de Conférence à l’Université de Picardie Jules Verne et chercheur au laboratoire Habiter le Monde, Université de Picardie Jules Verne (UPJV) dans The Conversation
Les arguments des opposants aux projets d’implantation d’infrastructures d’énergies renouvelables (ENR) renvoient de plus en plus systématiquement à la perception de l’environnement, qu’elle soit sensible ou esthétique.
C’est du moins le constat de l’enquête que je mène depuis 2021 au laboratoire Habiter le Monde (Université de Picardie), à travers l’analyse de près de 1500 questionnaires et l’observation de réunions publiques dans six villes qui connaissent des projets d’implantation d’ENR en Hauts-de-France, Touraine et Alsace.
Nous avons ainsi noté que l’argumentation des opposants se cristallise autour d’une notion en particulier : le paysage, et cela, d’une façon qui vient l’esthétiser. L’atteinte au paysage apparaît ainsi comme le premier argument brandi par les opposants aux projets éoliens, de méthanisation ou photovoltaïques.
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La dimension esthétique, renvoyant à des nuisances visuelles, olfactives ou sonores, est souvent la première nommée, citée par plus de 90 % des répondants. Elle arrive bien avant les questions économiques (prix du foncier, finances de la commune), avant les enjeux de production et d’approvisionnement énergétique et même avant les problématiques écologiques.
À y regarder de plus près, ce phénomène révèle, en creux, une conception de l’environnement spécifiques à nos sociétés, mais aussi, l’importance des valeurs hygiénistes, et, enfin, une conception de la technologie et un rapport au politique fondé sur la défiance.
Une « nature » sacralisée et des paysages à préserver
Les opposants aux projets ENR affirment qu’il faut préserver le paysage local en l’état. Celui-ci, considéré comme « beau », révèle un rapport singulier à l’environnement. En effet, cette façon de penser le paysage tend à réduire l’environnement à la seule notion de « nature ».
Ils perçoivent cette nature ainsi conçue comme un ensemble d’écosystèmes harmonieux et pacifiés dans lequel, en plus d’être « beaux », la faune, la flore et les éléments coopéreraient dans un équilibre parfait, et où l’être humain est conçu comme une menace.
Au cœur de cette conception, on retrouve l’idée d’un paysage sacralisé et immuable, comme si les écosystèmes étaient eux-mêmes éternels.
Pour quelque naïve et simpliste que cette perception puisse paraître, elle est majoritaire parmi les réponses que nous recueillons. La défense du paysage rejoint sur ce point l’argument écologique de préservation de la biodiversité. Défendre le premier revient à défendre la seconde, assimilée à la « nature ». Les porteurs de ce discours, très souvent néoruraux, sont également opposés à la chasse et bien souvent en conflit avec les agriculteurs.
Sur cette base, on comprend que les projets d’ENR viennent perturber l’harmonie perçue de la “nature”. En portant atteinte aux paysages, ils créent ce que Daniel Céfaï appelle une situation problématique.
On ne pourra que noter le paradoxe et l’écart entre d’un côté la dénonciation d’une anthropisation jamais atteinte dans l’histoire et la création d’une perception locale de l’environnement comme un havre harmonieux, immaculé à préserver, comme si l’être humain n’était pas déjà producteur de ces mêmes paysages.
Cette esthétisation de l’argumentation des opposants aux projets ENR renvoie également à une valeur croissante des sociétés occidentales depuis le XVIIIe siècle : l’hygiène. Le paysage n’est pas seulement considéré comme un havre de biodiversité en équilibre intemporel, mais aussi comme propre, ne devant pas être sali.
La problématique du propre et du sale est surtout perceptible dans les oppositions aux unités de méthanisation et concerne moins les parcs photovoltaïques ou les éoliennes.
Pour les méthaniseurs, dans la perspective hygiénico-esthétique, ce sont surtout les odeurs qui sont dénoncées par les opposants. Les odeurs et toutes les représentations du sale qui naissent de la comparaison systématique des unités de méthanisation avec des estomacs de vache. Gaz, fermentation dans la cuve et stockage des matières premières, souvent des déchets organiques, les boues issues des cuves, le « digestat » : Cet ensemble nourrit la définition du sale associé à ce mode de production énergétique qui vient alors souiller le paysage local.
Par-delà, la problématique de la souillure et des odeurs, ce sont également les infrastructures de la méthanisation qui, bien que moins hautes ou étendues que l’éolien ou le photovoltaïque, sont dénoncées pour leur laideur.
Enfin, cette opposition esthétisée révèle, globalement, une défiance profonde vis-à-vis du monde politique ainsi qu’une ignorance des techniques de production d’énergie. Pour nombre d’opposants, derrière l’interrupteur électrique se cacheraient les décisions d’un pouvoir politique tout puissant.
Les risques de pénurie de l’année 2022 n’étaient pour eux qu’une mise en scène manipulatrice de l’opinion pour cacher les « vrais » problèmes. D’autant que selon ce type d’opposants, la France est vue comme autonome grâce à son parc nucléaire.
Ignorance et conception magico lyrique de la production d’énergie se croisent ici pour alimenter un discours de protection des paysages.
Dans cette logique, la plupart des opposants nient aux ENR toute efficacité énergétique. Sur cette base d’inefficience technique, est mobilisé un soupçon généralisé à l’ensemble des projets engagés par les élus.
D’un côté, les ENR ne seraient pas du tout écologiques et/ou produiraient peu d’énergie
De l’autre, la véritable raison d’être des projets serait l’enrichissement des élus, de l’agriculteur sur les terres duquel le projet prendra place, ou encore de l’entreprise exploitante qui touche des subventions.
Dans ces conditions, ils ne considèrent pas les projets ENR comme d’intérêt public, ni même d’intérêt écologique.
Enfin, comme nous avons pu l’écrire ailleurs, la contradiction de l’intérêt public des projets, la mise en cause de leur efficacité énergétique mobilise également tout un discours pseudoscientifique qui vient appuyer les soupçons.
Ces trois niveaux d’argumentation sont plus ou moins intriqués chez les répondants de notre enquête. Leur entrecroisement dessine des profils d’opposants plus ou moins radicaux. La convergence des trois niveaux d’argumentation est néanmoins corrélée – et d’autant plus radicale – que la trajectoire sociospatiale des individus est urbaine.
Pour tous, les enjeux de production d’énergie, d’approvisionnement sont subordonnés à leur rapport au paysage, à la préservation de leur environnement, loin derrière un quelconque intérêt général. Les ENR sont bien sûr loin d’être la panacée en matière de production d’énergie. Comme tout mode de production, elles portent des limites techniques et des nuisances diverses.
Mais à l’heure où le monde et la France, loin d’être entrée dans une quelconque transition énergétique, consomme toujours plus d’électricité et en consommeront encore plus dans les années à venir, à l’heure où les effets du changement climatique commencent seulement à se faire sentir, des compromis esthétiques raisonnés ne seraient-ils pas un prix à payer pour produire une énergie, si ce n’est totalement décarbonée, tout au moins locale ?