Archive pour la Catégorie 'actu-économie politique'

Budget France : un pays ingouvernable

Budget France : un pays ingouvernable
Vraisemblablement le cirque va continuer de se produire au sein de l’Assemblée nationale concernant le projet de budget. En effet la question n’est pas de traiter les finances du pays mais de se positionner dans la perspective des élections prochaines : municipales, législatives et présidentielles. Du coup, chaque parti affiche son programme démagogique , irresponsable et contradictoire. De toute façon, cet exercice fallacieux n’aboutira à rien et le budget initial sera appliqué par ordonnance faute de majorité ou alors c’est l’ancien budget de 2025 qui sera mis en œuvre par 12e. L’assemblée nationale n’aura servi strictement à rien sinon qu’à afficher des postures électoralistes.
La première responsabilité de ce chaos incombe donc aux organisations politiques qui pourtant ne représentent pas grand-chose dans le pays. La plupart ne sont que des groupuscules d’écuries de présidentiables composés de responsables, de courtisans et d’aspirants à la candidature. La plupart des chiffres relatifs au nombre d’adhérents sont complètement erronées : quelques milliers au plus dans chaque parti. Et les élections au sein de chaque organisation sont toutes bidonnées. À ce manque de représentativité s’ajoutent l’incompétence et le manque de courage. Signalons aussi le décalage complet de cette classe politique sur le plan sociologique. La plupart des élus politiques actuellement sont presque tous issus de milieux de la petite bourgeoisie voire de la grande : très peu de représentants du monde de la production, beaucoup d’anciens fonctionnaires et assimilés, de professionnels de la politique passés dans des instituts politiques. Peu de vrais experts en particulier en matière économique.
Au lieu de se pencher prioritairement sur la question fondamentale de l’ampleur des dépenses, l’Assemblée nationale s’est focalisée sur les recettes en organisant un vaste concours Lépine fiscal alors que le pays détient évidemment déjà le record mondial de prélèvements obligatoires; or le budget ne pourra réellement et durablement être rééquilibré qu’après une réduction drastique de la dépense devenue complètement incontrôlable à tous les étages administratifs et politiques. Il y a notamment le montant que représente la masse salariale des fonctionnaires mais il faudrait y ajouter le coût des équipements qui leur sont nécessaires ainsi que le coût qu’il génère vis-à-vis du monde de la production et de la croissance.
Pour éviter d’avoir à se livrer à cet exercice de rigueur, on jette du brouillard sur les dépenses alors qu’il conviendrait d’effectuer partout une évaluation de l’action publique même dans les secteurs les plus sensibles. Partout en effet des économies sont possibles avec d’autres organisations, d’autres affectations, aussi le transfert au privé d’activités qui n’ont rien de régalien. Ainsi ces véritables armées de jardiniers recrutés massivement par une immense majorité de collectivités locales. Mais on pourrait multiplier les exemples -dans le champ national comme local – d’activités inutiles ou douteuses qui se reproduisent elles-mêmes avec des budgets toujours en hausse. La France compte en moyenne à population comparable 1 million de fonctionnaires en plus par rapport à la moyenne européenne et 2 millions en plus par rapport à l’Allemagne. La France compte un nombre d’étagères administratives inutiles qui complexifient la vie réelle et affecte aussi bien le budget que la compétitivité.
Si ces dérives se produisent elles sont aussi le fruit d’une grave méconnaissance de la problématique économique et financière de la part des responsables mais aussi des citoyens. D’une certaine manière, le citoyen français a le système et les responsables politiques qu’il mérite. En France, le débat se réduit le plus souvent à une approche marxiste face à une approche ultra libérale. Bref une caricature de confrontation démocratique moderne. La plupart des politiques sont des guignols qui récitent leur catéchisme idéologique mais qui une fois au pouvoir font à peu près le contraire ou pire rien du tout. Ainsi la France va payer encore longtemps la démagogie de Mitterrand avec la retraite à 60 ans et celle de Jospin Aubry avec les 35 heures. Elle paiera encore longtemps les dépenses incontrôlées des gouvernements qui ont pratiquement tous laissés filer le budget. Cela vaut aussi pour la droite.
La vérité c’est que le train de vie de la France dérive grâce à la compensation avec l’Allemagne. L’euro assure le pouvoir d’achat des Français mais c’est l’Allemagne qui soutient sa valeur grâce à sa productivité, à sa compétitivité et à ses exportations. Sans l’euro, la France aurait sans doute dévalué sa monnaie au moins deux fois dans une proportion de 20 à 30 % si l’on s’en tient aux fondamentaux qui rendent compte de la valeur réelle d’une économie et de sa représentation monétaire. Des dévaluations qui auraient entraîné automatiquement de fortes inflations et des pertes de pouvoir d’achat.
Faute de compétence, de lucidité du courage la France restera encore ingouvernable pendant des années.

cour des comptes

« La fonction publique française – comprenant l’État, les collectivités territoriales et les établissements hospitaliers – emploie aujourd’hui 5,8 millions d’agents. Entre 2017 et 2025, les effectifs ont augmenté de 278 000 agents (hors contrats aidés), une croissance qui pèse mécaniquement sur les finances publiques. En 2024, les rémunérations versées aux agents publics sont estimées à 357 milliards d’euros, un niveau comparable aux dépenses de retraite. Selon l’OCDE, l’emploi dans les administrations publiques représente en 2023 22 % de l’emploi total en France, contre 16 % au Royaume-Uni, 13 % en Italie et 11 % en Allemagne, pour une moyenne de 18 % dans l’ensemble des pays membres. Si la France alignait sa fonction publique sur cette moyenne, cela représenterait près d’un million d’agents en moins. Dans cette perspective, et afin de fonder les réformes nécessaires sur des données rigoureuses, Contribuables Associés appelle la Cour des comptes à mener une analyse approfondie de la masse salariale, du temps de travail – marqué par de fortes disparités – et de la productivité dans les trois versants de la fonction publique. »

France Finances publiques : encore dégradée mais pas encore mortelle !

France Finances publiques : encore dégradée mais pas encore mortelle !

L’agence de notation Fitch a décidé d’une nouvelle dégradation de la dette publique de la France qui passe ainsi de A+ à A. Conséquence directe une augmentation des taux d’intérêt comme les taux à 10 ans par exemple. Ces taux d’intérêts tournent autour de 3,50 % et passent au-dessus de ceux de l’Italie pourtant davantage endettée mais en net redressement.

La conséquence directe pour les entreprises comme pour les consommateurs sera une évolution en hausse du coût de l’argent. Notons cependant que ces taux n’ont pas encore contaminé l’inflation et qu’il convient d’en relativiser les effets immédiats. L’inflation se maintient pour l’instant en dessous de 1 %. En cause, la modeste croissance de 0,8 % sur un an qui traduit en particulier le tassement de la consommation et des investissements. Cette dégradation n’est pas évidemment une bonne nouvelle pour la France, elle traduit la dérive de la gestion financière de l’État depuis 40 à 50 ans. La vérité sans doute c’est que la puissance publique -au plan national comme local -ne maîtrise plus grand-chose.

La banqueroute est encore lointaine mais sur la tendance elle pourrait bien venir avec notamment les déficits du budget de l’État et de la sécurité sociale mais aussi le gonflement des dépenses du millefeuille administratif local ( communes, communes regroupées, communauté de communes, départements, régions et bien sûres État). La situation n’est donc pas dramatique mais elle deviendra à échéance d’une vingtaine d’années. Pour l’instant les déséquilibres sont à relativiser compte tenu de la richesse réelle de la France. En effet l’épargne des Français est considérable et il convient aussi de la mettre en regard des déficits publics. L’épargne totale des Français est de 6300 milliards. Le taux d’épargne des Français est de 18,2 % de leurs revenus disponibles en moyenne selon l’INSEE. Un taux qui ne cesse d’augmenter ( pour ceux qui évidemment peuvent épargner, c’est-à-dire près de 50 % de la population) du fait des incertitudes actuelles.

Le plus grave dans cette affaire c’est le sentiment de déclassement de la France même s’il n’est pas toujours justifié. Ainsi le tassement des investissements de capacité mais surtout d’innovation constitue une hypothèque pour le devenir du pays. Cela d’autant plus que nous souffrons d’un déficit déjà de production et de compétitivité. Pour parler simple, on ne produit pas assez (notamment parce qu’on ne travaille pas assez) et la France est en retard technologique global) Elle doit parallèlement revoir son rapport au travail et le contenu de sa formation

Bayrou avait raison de tirer la sonnette d’alarme surtout sur les conséquences très néfastes pour les générations à venir. Cependant il a eu tort de dramatiser et surtout de faire tout seul sa petite tambouille personnelle avec quelques conseillers sachant que la stratégie impose d’impliquer dès le départ- y compris celui de l’analyse- les acteurs économiques et organisations intermédiaires. On ne peut mobiliser sans une analyse partagée. Mais l’objectif n’était pas là pour Bayrou, il s’agissait pour lui de tenter de partir dignement avant d’être mis à la porte. Une situation que pourrait bien connaître le nouveau premier ministre Lecornu s’il ne change pas réellement sur le fond et la forme et s’en tient à des éléments de langage flous.

France- déficit commercial : toujours plus

France- déficit commercial : toujours plus


Le solde des échanges commerciaux de la France avec les autres pays constituent un véritable thermomètre d’une compétitivité qui malheureusement se dégrade encore. Ainsi Le solde se porte à moins 43 milliards d’euros au premier semestre. Et les droits de douane américains n’ont pas encore produit leurs effets néfastes.

Le solde s’est dégradé, nous montrent les derniers chiffres publiés par les douanes ce jeudi. Il se détériore de 2,8 milliards au deuxième trimestre 2025, après une baisse équivalente au premier. Ce qui porte le déficit à 43 milliards d’euros sur le semestre, soit une dégradation de 8 % par rapport à la même période en 2024. En cumul sur douze mois, notre déficit commercial, pour les marchandises, atteint 81,6 milliards d’euros.

France – Impact de droits de douane américains faible ?

France – Impact de droits de douane américains faible ?


L’appréciation de l’euro a un effet similaire à un droit de douane. Entre 2001 et 2005, l’euro s’est apprécié d’environ 50 % par rapport au dollar, une évolution qui a mécaniquement renchéri le prix des produits européens aux États-Unis. Les droits de douane de 15 % imposés par le président Trump agissent d’une manière similaire sur la compétitivité-prix des produits européens sur le marché américain (mais ils n’ont pas d’effet direct sur la compétitivité des produits américains en Europe). Ainsi, en termes de compétitivité-prix sur le marché américain, l’appréciation de l’euro au début des années 2000 a eu un effet environ trois fois plus fort que les droits de douane imposés par Donald Trump.

Par Sylvain Bersinger, économiste, fondateur du cabinet Bersingéco dans La Tribune

Les exportations européennes ont résisté à l’appréciation de l’euro
Les exportations européennes vers les États-Unis ont légèrement progressé entre 2001 et 2005, malgré l’effet défavorable du taux de change. Le taux de change n’est évidemment pas le seul déterminant des exportations, la croissance poussive des États-Unis sur cette période a également pu peser sur les ventes européennes (et, entre autres, expliquer l’appréciation de l’euro). Par exemple, la crise des subprimes de 2008-2009 a conduit à une baisse marquée des exportations européennes du fait d’une chute de la consommation américaine. Si l’on s’en réfère à l’expérience des années 2001-2005, il est peu probable que des droits de douane de 15 % conduisent à une baisse sensible des exportations européennes vers les États-Unis.

Les exportations françaises vers les États-Unis ont baissé de 13 % entre 2001 et 2005, soit la période pendant laquelle l’appréciation de l’euro a pénalisé la compétitivité des produits tricolores. La baisse a cependant été plus marquée lors de la crise des subprimes, ce qui indique que, plus que leur compétitivité prix, c’est la vigueur de la demande aux États-Unis qui impacte les flux commerciaux. Des droits de douane de 15 % devraient donc rogner les exportations françaises d’environ 4 % si l’on se base sur une proportionnalité entre l’effet change de 2001-2005 et la situation actuelle (estimation maximale puisque l’aéronautique est exempté de droits de douane). Avec des exportations françaises vers les États-Unis de 47 milliards d’euros en 20241, la perte ne serait que d’environ 2 milliards d’euros, soit moins de 0,1 point de PIB.

Une analyse détaillée par secteur montre que, parmi les principaux produits exportés par la France aux États-Unis, ce sont les ventes de machines2et d’aéronautique qui ont le plus souffert au début des années 2000. L’aéronautique étant exempté de droits de douane, ce secteur ne sera pas pénalisé par la guerre commerciale en cours. La maroquinerie, les vins et spiritueux ou les cosmétiques ne semblent pas avoir été pénalisés par l’appréciation de l’euro entre 2001 et 2005, probablement parce que les consommateurs de ces produits sont peu sensibles au prix. L’expérience du début des années 2000 laisse prévoir que ce sont surtout les exportations de machines qui souffriraient des droits de douane.

(1) D’après l’ITC
(2) Intitulé exact dans les données ITC: « Nuclear reactors, boilers, machinery and mechanical appliances; parts thereof »

Droits de douane US: 50 % pour l’Inde

Droits de douane US: 50 % pour l’Inde

Pour punir les achats indiens de produits pétroliers à la Russie, les États-Unis ajoutent une taxe supplémentaire ou 25 % déjà décidés. Soit en tout 50 %. Les pénalités supplémentaires de 25 % constituent des représailles vis-à-vis de l’achat de pétrole russe

En 2024, les exportations indiennes vers l’Amérique ont atteint 87,4 milliards de dollars, creusant un déficit de près de 46 milliards pour les biens américains, en hausse de 5 % sur un an.

Croissance États-Unis: vers la stagnation ?

Croissance États-Unis: vers la stagnation ?


Difficile aujourd’hui de mesurer déjà les effets de la hausse générale des droits de douane sur l’activité aux États-Unis. Cela d’autant plus que nombres d’entreprises ont constitué d’énormes stocks avant l’application des nouveaux tarifs douaniers. D’ici quelques semaines et quelques mois la première traduction concrète devrait être une hausse de l’inflation. La consommation des ménages et des entreprises sera affecté par l’envolée des prix des imports. L’emploi déjà semble relativement stagner et le licenciement de la responsable des statistiques emplois par Trump n’y changera rien. L’activité dans les services semble nettement ralentir en juillet et se diriger vers la stagnation. Si la tendance devait se confirmer pendant plusieurs mois cela pourrait contraindre le président américain à revoir à la baisse sa stratégie de taxes douanières néfastes pour les États-Unis mais au-delà pour le monde entier.

Selon l’enquête mensuelle de la fédération professionnelle ISM, l’indice mesurant l’activité dans les services aux États-Unis s’est établi à 50,1% en juillet, contre 50,8% au mois de juin, flirtant avec la limite des 50% qui marque une contraction de l’activité.

«L’indice continue de refléter une croissance faible» et les répondants continuent de s’inquiéter de «l’impact lié aux droits de douane, avec une hausse notable des prix des matières premières», selon l’organisation.

Une mauvaise nouvelle pour les investisseurs qui scrutent depuis plusieurs mois les signes du ralentissement de la première économie mondiale, en raison de la politique de droits de douane de Donald Trump.

Trump: une vision impériale de l’économie

Trump: une vision impériale de l’économie


Ce dimanche, Ursula Von der Leyen et Donald Trump ont annoncé la signature d’un accord imposant 15 % de taxes sur la plupart des produits européens importés aux États-Unis. Cet accord, qui a suscité de vives protestations en France, correspond à la vision du monde du locataire de la Maison Blanche — une vision où l’idéologie semble, en l’occurrence, prendre le pas sur les considérations purement économiques. Nous vous invitions aujourd’hui à redécouvrir cette analyse rédigée après la première proclamation par Donald Trump d’une salve de tarifs douaniers visant de nombreux pays du monde…

par
Jérôme Viala-Gaudefroy
Spécialiste de la politique américaine, Sciences Po dans The Conversation

Depuis son retour à la Maison Blanche, Donald Trump a lancé une nouvelle salve de droits de douane sans précédent aussi bien par leur ampleur que par leurs cibles. Alliés traditionnels et rivaux stratégiques sont désormais logés à la même enseigne, dans ce qui constitue un tournant radical de la politique commerciale états-unienne. Ce durcissement n’est cependant pas une rupture totale : il prolonge les orientations de son premier mandat en les amplifiant et en affichant une volonté de toute-puissance sans limites.

Comme en 2017, quand il parlait du « carnage américain », Trump brosse un portrait apocalyptique des États-Unis, réduits selon lui à une nation « pillée, saccagée, violée et spoliée ». À ce récit dramatique s’oppose une double promesse : celle d’une « libération » et d’un « âge d’or » restauré.

Les droits de douane deviennent ainsi les armes d’une croisade nationaliste où chaque importation est une atteinte à la souveraineté, et chaque exportation un acte de reconquête.

Une vision autoritaire du commerce international

Cette doctrine commerciale de Trump s’inscrit dans une stratégie plus large caractérisée par la confrontation, la centralisation du pouvoir exécutif et une conception néo-impériale de l’économie mondiale. Loin de viser uniquement la protection de l’industrie nationale, ses mesures tarifaires cherchent à refaçonner l’ordre global selon sa propre grille de lecture des intérêts de son pays. Ce deuxième acte de la révolution trumpiste est moins une répétition qu’une accélération : celle d’un projet autoritaire fondé sur le rejet du multilatéralisme – comme en témoigne le mépris total de l’administration actuelle à l’égard de l’Organisation mondiale du commerce – et la glorification d’une souveraineté brute.

Les justifications chiffrées de ces politiques semblent à la fois fantaisistes et révélatrices. Les méthodes de calcul avancées – la division du déficit commercial bilatéral par le volume des importations – servent d’abord à frapper les pays avec lesquels les États-Unis ont un déficit commercial. Officiellement, trois objectifs sont visés : réduire ces déficits, relocaliser la production et accroître les recettes fédérales.

Mais cette trilogie économique masque une visée politique plus profonde : renforcer l’autorité présidentielle et imposer un ordre international fondé sur la domination plutôt que sur la coopération.

L’expérience du premier mandat de Trump a montré les limites de cette stratégie. La guerre commerciale contre la Chine, en particulier, a provoqué une hausse des prix pour les consommateurs, désorganisé les chaînes d’approvisionnement et lourdement pénalisé les exportateurs agricoles. Une étude a estimé que ce sont les consommateurs états-uniens qui ont absorbé la majorité de ces coûts, avec une augmentation moyenne de 1 % des prix des biens manufacturés.

Trump n’est pas un chef d’État dont l’action s’inscrit dans le cadre du multilatéralisme. Il agit en seigneur solitaire, distribuant récompenses et sanctions au gré de ses intérêts politiques, voire personnels. Les droits de douane deviennent alors autant des messages médiatiques que des outils économiques. Présentés comme des « tarifs réciproques », ils construisent une narration simplifiée et percutante : celle d’un justicier qui redresse les torts infligés à des citoyens trahis par le libre-échange.

Ce récit est particulièrement populaire chez les ouvriers du secteur industriel, comme l’automobile. Il permet de désigner des coupables comme la Chine, l’Europe, ainsi que les élites nationales qui ont soutenu le libre-échange. Il transforme de fait le commerce en affrontement moral. Il ne s’agit plus de négocier mais de punir. Dans cette logique, la hausse spectaculaire des tarifs douaniers ne relève plus de l’économie, mais devient une question de souveraineté voire de puissance symbolique.

D’une obsession personnelle à une doctrine d’État

Ce protectionnisme n’a rien d’improvisé : il s’inscrit dans une obsession de longue date chez Donald Trump. En 1987, il dénonçait déjà les excédents commerciaux avec le Japon et appelait à imposer des droits de douane significatifs à Tokyo. Il parlait d’escroquerie et exprimait une forme de paranoïa face à l’idée que les États-Unis puissent être humiliés ou lésés. Cette attitude révèle sa volonté tenace de reprendre l’avantage, de « gagner » dans un monde qu’il perçoit comme fondamentalement conflictuel et hostile. C’est l’une des rares constantes chez Trump, qui n’est pas un idéologue, et qui, sur bien d’autres sujets, n’hésite pas à opérer des revirements spectaculaires.

Désormais, tout devient enjeu de souveraineté : terres rares, minerais stratégiques, données, routes maritimes. Cette vision rappelle le tournant impérialiste de la fin du XIXe siècle, notamment la présidence McKinley (1897-1901), que Trump a d’ailleurs célébrée lors de son discours d’investiture.

C’est dans cette logique qu’il faut comprendre certaines initiatives provocatrices : volonté d’acheter le Groenland, pressions sur le Canada pour accéder à ses ressources, ou encore intérêts miniers en Ukraine. Une idée implicite s’impose : les ressources sont limitées, et il faut s’assurer une part maximale du gâteau avant qu’il ne disparaisse. Dans cet univers concurrentiel perçu comme un jeu à somme nulle — quand il y a un gagnant, c’est qu’il y a forcément un perdant —, la domination remplace la coopération.

Vers un mercantilisme techno-nationaliste

Dans cette logique, la concurrence devient une menace à neutraliser plutôt qu’un moteur de progrès. L’objectif n’est pas d’élever la compétitivité des États-Unis, mais d’étouffer celle des rivaux. La vision qui préside à cette politique n’est plus celle d’un État démocratique jouant plus ou moins selon les règles du marché mondial, du moins dans le discours, mais celle d’une entreprise cherchant ostensiblement à imposer son monopole.

Ce virage autoritaire trouve un écho dans l’univers intellectuel trumpiste. Peter Thiel, mentor du vice-président J. D. Vance, affirme par exemple que « le capitalisme et la concurrence sont opposés », plaidant pour la suprématie des monopoles. Ainsi, les coupes drastiques dans l’appareil d’État fédéral et les dérégulations ne sont pas justifiées par une foi dans le libre marché, mais par un désir de contrôle et d’hégémonie.

L’objectif n’est plus d’intégrer les flux mondiaux, mais de les contourner. Il s’agit de construire une forme d’autarcie impériale, où l’Amérique dominerait une sphère d’influence fermée, protégée de la concurrence. Ce mercantilisme contemporain ne parle plus d’or ou d’argent, mais de données, d’infrastructures, de dollars et de cryptomonnaie. Il troque la coopération contre la coercition.

Vers un ordre international autoritaire ou un désastre politique ?

L’annonce du 2 avril 2025 ne peut être réduite à une mesure économique. Elle constitue un acte politique majeur, un jalon dans l’édification d’un nouvel ordre mondial fondé sur la force et la loyauté, au détriment du droit et de la coopération.

La continuité avec le premier mandat est claire. Mais l’ampleur, la radicalité et la centralisation du pouvoir marquent une rupture nette. D’ailleurs, Trump considère plus que jamais l’État comme sa propriété (ou son entreprise) personnelle, une forme de patrimonialisme. Le président impose un modèle autoritaire, où le commerce est une arme dans une guerre froide mondiale, nourrie par la peur du déclin et l’obsession du contrôle. Dans ce contexte, la prospérité cesse d’être un horizon collectif pour devenir un privilège réservé aux puissants.

Une telle dynamique pourrait se révéler politiquement explosive selon la résistance de Donald Trump à la chute des marchés financiers et à une probable inflation qui risquent de fragiliser le pouvoir exécutif.

Si, à l’issue de la période de 90 jours de suspension des droits de douane à laquelle il s’est résolue le 9 avril, il persiste dans son intransigeance malgré une baisse déjà sensible de sa popularité, les élus républicains au Congrès pourraient, sous la pression de leur base et de leurs donateurs, reprendre leur rôle de contre-pouvoir. Déjà, les premières critiques internes émergent, tandis que monte une colère populaire encore diffuse, mais palpable, contre le pouvoir.

Marché automobile européen : Une triple crise

Marché automobile européen : Une triple crise

Une grave crise se confirme dans l’industrie automobile européenne avec un nouveau recul de 8 % en juillet sur un an. En cause peut-être d’abord la concurrence chinoise très compétitive dans le secteur de l’électrique. Précisément un domaine qui n’a été investi que tardivement par les constructeurs européens par ailleurs trop dépendant des technologies chinoises. L’Europe est également victime de ses propres normes avec l’échéance illusoire de 2035 pour la fin des voitures thermiques : un vrai cadeau pour la Chine. Enfin Trump avec ses taxes douanières vient de donner un coup de grâce à l’industrie notamment allemande qui devrait cependant résister car elle s’adresse à des couches moyennement aisées aux Etats-Unis.

Les immatriculations de voitures neuves ont encore reculé de 7,7% en juillet par rapport au même mois l’année dernière, selon les chiffres de la Plate Forme Automobile, qui regroupe constructeurs et équipementiers. Une baisse continue depuis le début de l’année, avec une diminution de 34% de voitures neuves à moteur essence depuis le début de l’année et moins 41% pour les voitures diesel.

Le marché français est désormais dominé par les modèles hybrides, avec 53% des ventes totales le mois dernier, contre seulement 17% pour l’électrique, qui patine toujours malgré le lancement de nombreux nouveaux modèles récemment, et en attendant le retour de l’opération de leasing social en septembre qui devrait alors booster le marché. La voiture électrique la plus vendue ces derniers mois reste la R5 mais elle n’occupe que la 13e place du classement total des ventes, toujours dominé par la Renault Clio, la Peugeot 208 et la Dacia Sandero.

États-Unis: baisse de la croissance des emplois

États-Unis: baisse de la croissance des emplois

Une baisse de la croissance de l’emploi aux États-Unis : peut-être le premier effet de la politique douanière du président américain ; lequel a décidé de licencier la responsable des statistiques ! Avant sans doute de licencier aussi le responsable de la banque centrale américaine dont la politique monétaire est également contestée par Trump.

La première économie mondiale a créé seulement73.000 emplois en juillet, selon le document publié par le ministère du Travail.

Surtout, le nombre d’emplois censés avoir été créés pendant les mois de mai et de juin a été fortement révisé à la baisse. Les chiffres corrigés (19.000 en mai et 14.000 en juin) s’affichent ainsi au plus bas depuis la pandémie de Covid-19. Les corrections sont «bien supérieures à la normale», est-il relevé dans le rapport. Ce sont 258.000 créations d’emplois qui se sont évaporées des statistiques sur ces deux mois. Le taux de chômage a légèrement progressé à 4,2%, contre 4,1% en juin.

La Chine, le vrai danger

La Chine, le vrai danger

À travers la 5G, l’intelligence artificielle, les semi-conducteurs, ou encore la diplomatie des infrastructures, la Chine tisse une toile d’influence globale. Ce basculement géopolitique, discret mais profond, pourrait marquer l’avènement d’un « siècle chinois ». Face à cette dynamique, l’Europe doit réagir stratégiquement pour ne pas perdre pied dans le nouvel ordre mondial. Par Xavier Dalloz, Président de XD Consulting (*) dans la Tribune
Xavier Dalloz

La Chine n’est plus simplement une puissance émergente. Elle devient progressivement le cœur d’un nouvel ordre mondial, fondé sur l’innovation technologique, la projection économique globale et une vision stratégique de long terme. Tandis que l’Occident s’essouffle à défendre un ordre hérité de l’après-guerre, Pékin, lui, avance méthodiquement, sans fracas, mais avec constance, construisant les conditions d’une domination structurelle. Pour les dirigeants économiques, ignorer ce basculement serait une faute stratégique majeure.

L’expression de « siècle chinois » incarne plus qu’un slogan géopolitique : elle suggère l’avènement d’un XXIe siècle où la Chine, forte de son potentiel économique, technologique et diplomatique, dépasse les États-Unis et redessine les équilibres globaux.

Ce repositionnement chinois s’est opéré discrètement mais profondément. Plutôt que de réagir frontalement à la guerre commerciale lancée par Washington, Pékin a choisi la voie de la consolidation stratégique.

Alors que les tensions douanières entre les États-Unis et la Chine monopolisaient l’attention médiatique, Pékin poursuivait en réalité un agenda stratégique beaucoup plus ambitieux. Loin des projecteurs, la Chine consolidait ses positions sur plusieurs fronts technologiques, industriels et diplomatiques essentiels à sa montée en puissance globale.

Premier front : le déploiement de la 5G. Alors que les discussions publiques étaient dominées par les taxes à l’importation, la Chine installait silencieusement l’infrastructure numérique de demain. Grâce à des géants comme Huawei et ZTE, elle a rapidement pris l’ascendant sur ses concurrents en déployant des réseaux 5G sur l’ensemble de son territoire, mais aussi à l’étranger, notamment en Afrique et en Asie. Ce contrôle sur l’ossature des communications numériques mondiales lui offre un levier stratégique décisif, à la fois économique et sécuritaire.

Deuxième front : l’intelligence artificielle. Pékin a fait de l’IA une priorité nationale. Avec son plan « China AI 2030″, la Chine investit massivement dans la recherche, les infrastructures de calcul, et l’application de l’intelligence artificielle dans tous les domaines – de la santé à la sécurité, en passant par les services publics. En combinant une immense quantité de données, une politique centralisée d’investissement et une absence relative de contraintes éthiques, elle se positionne en véritable concurrent des États-Unis pour la suprématie algorithmique mondiale.

Troisième front : les semi-conducteurs. Consciente de sa dépendance vis-à-vis des technologies américaines et taïwanaises, la Chine a engagé une course à l’autonomie dans la production de puces électroniques. En investissant des centaines de milliards de yuans et en soutenant des acteurs nationaux comme SMIC, Pékin cherche à maîtriser cette brique technologique essentielle à tous les secteurs d’avenir : intelligence artificielle, défense, télécommunications, automobile.

Quatrième front : la diplomatie des infrastructures. À travers son projet phare des « Nouvelles Routes de la Soie » (Belt and Road Initiative), la Chine redessine les flux économiques mondiaux. En finançant et construisant des ports, des chemins de fer, des autoroutes, mais aussi des réseaux numériques dans des dizaines de pays, elle tisse un réseau d’interdépendances profondes. Cette stratégie ne repose pas sur la conquête militaire, mais sur l’investissement et la logistique.

Cinquième front : la constitution d’un nouvel ordre économique. La Chine ne se contente plus de jouer dans le système établi par l’Occident – elle s’efforce d’en créer un autre. En s’associant avec les BRICS, en menant le plus grand accord commercial du monde (RCEP), en multipliant les partenariats stratégiques en Afrique et en Amérique latine, elle bâtit une sphère d’influence alternative.

Ainsi, pendant que les États-Unis et l’Europe débattaient de droits de douane et de déficits commerciaux, la Chine avançait avec méthode sur les véritables terrains de la puissance structurelle. Cette progression n’a rien de spectaculaire ni de tapageur. Elle est patiente, méthodique, silencieuse — mais potentiellement irréversible.

Ce basculement géopolitique n’a rien de spectaculaire. Il s’opère sans fracas, de manière discrète mais irrémédiable. Il prend forme à travers des investissements stratégiques massifs en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Il se manifeste par la création d’institutions financières alternatives au FMI et à la Banque mondiale, par l’internationalisation progressive du yuan, et par le déploiement d’un écosystème technologique complet, pensé pour échapper aux dépendances occidentales.

Face à cette dynamique, les initiatives d’innovation portées par l’Europe doivent impérativement produire un avantage concurrentiel durable. Cela ne pourra se faire uniquement par des aides publiques ou des subventions ponctuelles. Elles doivent s’appuyer sur une véritable planification technologique stratégique, cohérente et visionnaire. Cette planification devra atteindre un niveau de sophistication supérieur à celui de la Chine, intégrant la maîtrise des chaînes de valeur, l’anticipation des ruptures scientifiques et la capacité à structurer des écosystèmes d’innovation pérennes.

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(*) Xavier Dalloz dirige depuis plus de 30 ans le cabinet Xavier Dalloz Consulting (XDC), spécialisé dans le conseil stratégique sur l’intégration des nouvelles technologies dans les entreprises. Il enseigne également à l’ICN Business School, partageant son expertise avec les futurs leaders du numérique. Parmi ses engagements récents, il a co-organisé le World Electronics Forum (WEF) à Angers en 2017, Grenoble en 2022 et Rabat en 2024. Il a également introduit et animé le WEF lors du CES 2023 à Las Vegas, à la demande de la CTA.

Xavier Dalloz

Droits de douane : la France isolée

Droits de douane : la France isolée

Un papier du journal l’Opinion du 21 juillet soulignait le caractère chimérique de l’opposition de la France à Trump du fait de nos propres faiblesses internes

Chaque jour qui nous sépare du 1er août voit s’accroître l’inquiétude des entreprises françaises. À cette date, en effet, la menace de Donald Trump d’assommer l’Europe de droits de douane s’appliquera unilatéralement, si aucun accord n’a été trouvé d’ici-là avec le géant américain. Or, cela fait des semaines que le débat européen tourne en rond : faut-il négocier, comme l’ont fait plusieurs pays dans le monde, ou menacer ? Faut-il signer ou résister ?

Dans ce dossier essentiel pour notre avenir, le sentiment se renforce que la France est isolée. Comme ce fut le cas en 2018, lors du premier mandat de Donald Trump, avec l’imposition de droits de douane sur l’acier et l’aluminium, l’Allemagne et plus encore l’Italie sont favorables à une négociation. La Commission européenne elle-même paraît encline à chercher un compromis, l’essentiel étant d’éviter à tout prix la sanction-massue que représenterait une hausse brutale de 30 % des tarifs douaniers.

Ce n’est pas la position d’Emmanuel Macron, qui défend l’idée de représailles et semble vouloir aller au bras-de-fer avec l’administration des Etats-Unis.

Tout se passe comme si le président de la République, en bombant le torse face à Trump, avait décidé de faire de ce dossier le symbole de sa vision d’une Europe puissance. Comme s’il avait choisi la posture politique plutôt que le réalisme économique, son image plutôt que le destin des entreprises européennes. Mais que vaut le concept d’autonomie stratégique européenne, si cher à Emmanuel Macron, sans la solidité et la puissance de notre industrie et de nos services ? A quoi servirait une victoire personnelle du chef de l’Etat si elle s’accompagnait d’un affaiblissement mortel de plusieurs secteurs économiques en Europe ? Etre le plus ancien leader européen du Continent ne suffira pas à avoir raison seul contre tous.

Relativiser les droits de douane

Relativiser les droits de douane

Le président américain a récemment obtenu des conditions très avantageuses pour commercer avec le Royaume-Uni, le Japon, mais aussi l’Union européenne. Les conséquences pour ces économies sont toutefois à relativiser d’après l’économiste Philippe Barbet . sur Franceinfo.

Donald Trump enchaîne les accords commerciaux. Après avoir brandi la menace de droits de douane exorbitants à compter du vendredi 1er août, le président américain a réussi à sceller d’importants « deals » avec de nombreuses puissances économiques. Le dernier en date, dimanche : celui avec l’Union européenne, premier partenaire économique des Etats-Unis. Il acte une surtaxe de 15% pour un grand nombre de produits que les Vingt-Sept exportent outre-Atlantique. En parallèle, l’UE s’est aussi engagée à passer d’énormes commandes d’énergie et d’armement à Washington, comme s’en est félicité le dirigeant républicain.

« Enorme » pour Donald Trump, « un jour sombre » selon la France : ce que l’on sait de l’accord sur les droits de douane entre les Etats-Unis et l’UE

Grâce à sa méthode musclée, le président américain est-il en passe de dicter ses conditions aux autres Etats ?

Il « a bien joué son coup », constate l’économiste Philippe Barbet, interrogé par franceinfo. Toutefois, le chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et professeur émérite à l’université Sorbonne-Paris-Nord, nuance la réussite du milliardaire à l’échelle planétaire, en soulignant que « toute l’économie mondiale ne repose pas sur les Américains. »

Après la série d’accords signés avec le Royaume-Uni, le Japon, et l’Union européenne, peut-on dire que Donald Trump a déjà gagné sa guerre commerciale ?

Philippe Barbet : Il a remporté une partie de la bataille, et a surtout imposé ses règles face à des partenaires qu’il accusait depuis longtemps d’être « déloyaux ». D’abord, il a fixé les droits de douane à 10% pour tous les pays du monde, ce qui a permis d’augmenter les recettes fiscales et donc de baisser les impôts des Américains, sans trop gêner les importations. Ensuite, il a annoncé, tableau à l’appui, toute une série de droits de douane beaucoup plus élevés selon les pays, avec des calculs parfois absurdes et totalement arbitraires. Tout cela pour pousser à des négociations bilatérales, même avec des partenaires historiques. Enfin, il a tapé encore plus fort avec la Chine ou le Brésil par exemple, pour des raisons plus stratégiques ou politiques.

Sa méthode, faite de menaces et d’ultimatums, peut-elle fonctionner peu importe le pays qui se trouve en face ?

Certains Etats ne négocient pas, mais leur situation peut être différente. Des pays isolés, comme le Cambodge, n’ont pas d’autre choix que d’accepter ces conditions. L’Australie a accepté sans négocier, car elle n’exporte pas beaucoup aux Etats-Unis. D’ailleurs, si la France était toute seule, sans l’Union européenne, ces droits de douane n’auraient pas trop affecté notre économie. Mais ce n’est pas le cas de l’Allemagne ou de l’Italie, qui sont plus dépendantes. Et l’Union européenne, que l’on décrit comme un poids lourd, a accepté l’inacceptable, car c’est 15% pour ses produits, mais 0% pour les importations américaines… La Chine, elle, tient tête, et veut prolonger la trêve commerciale [c'est le thème des pourparlers en cours depuis lundi à Oslo, en Norvège].

Donald Trump semble très attaché aux contreparties. Le « deal » qu’il a obtenu pour l’économie américaine est-il aussi bon qu’annoncé ?

Il y a la question des retombées économiques, qui passe surtout par la fiscalité. Donald Trump affirme par ailleurs que tout le monde se bouscule pour exporter aux Etats-Unis, que les autres pays sont prêts à tout pour cela, y compris à payer des droits de douane. En plus, il obtient en contrepartie des investissements, et promet des usines, des emplois… Politiquement, c’est important pour lui, notamment avec les élections de mi-mandat en 2026. Mais il ne faut se leurrer : ce sont bien les consommateurs américains qui paieront la hausse des droits de douane, car elle se répercutera en bonne partie sur les prix de vente.

Oui, Donald Trump a bien joué son coup, mais les Etats-Unis ne sont pas notre seul débouché pour les exports, et toute l’économie mondiale ne repose pas sur les Américains. Il s’agit de la plus grosse économie du monde, mais il y a environ 80% du commerce mondial qui ne concerne pas les Etats-Unis. C’est vers ces zones que l’Europe devrait se tourner, le temps que les choses se calment. Les Etats-Unis ne veulent pas jouer le jeu, tant pis. Je pense qu’ils finiront par revenir. Mais en attendant, c’est vers des partenaires comme le Canada, le Mexique, l’Indonésie, le Japon qu’il faut aller pour reconstruire quelque chose qui ressemble à du commerce loyal.

Droits de douane US: le silence coupable de Macron

Droits de douane US: le silence coupable de Macron

Le bavard président cette fois se montre particulièrement discret après la catastrophe historique des droits de douane imposée unilatéralement par l’Amérique à l’Union européenne. La responsabilité de Macron est immense. D’abord sa gestion depuis 2017 a provoqué le déraillement des finances publiques avec une augmentation de l’ordre de mille milliards et un taux de 114 % du PIB.

Cette détérioration des équilibres financiers a considérablement affaibli la voix de la France au sein de l’Europe et plus généralement au plan mondial. Pour obtenir cependant la bienveillance des autorités européennes Macron a sacrifié Thierry Breton commissaire européen à la demande de l’incompétente présidente Von der Leyen. Une présidente qui au contraire de Thierry Breton s’est laissée séduire par les sirènes fiscales américaines. En dépit de finances publiques catastrophiques, la France a pu limiter les critiques et les sanctions de l’Europe.

En compensation Macron a renouvelé son soutien à Von der Leyen et sacrifié Thierry Breton le commissaire européen le plus compétent et le plus combatif. L’affaiblissement de la France sur le plan économique, financier mais aussi politique a discrédité la voix du pays. Trump affirme non sans raison que ce que dit Macron ne compte pas. Sa voix ne compte plus au plan intérieur car ses soutiens se limitent à autour de 20 %. Elle ne compte pas davantage au plan international où ses gesticulations tant en Ukraine qu’au Moyen-Orient ne peuvent que créer que désillusions.

On peut cependant imaginer que l’intéressé va vouloir meubler et dissimuler sa responsabilité avec une nouvelle proposition bidon type moulin-à-vent ou Convention européenne de quelque chose et surtout de rien. Exemple un vaste emprunt européen pour lancer l’économie européenne mais en réalité surtout pour boucher les trous financiers du pays ou une pseudo réforme de l’Europe.

Droits de douane américain : par un accord , un dictat très flou

Droits de douane américain : par un accord , un dictat très flou

Officiellement l’union européenne et les États-Unis se réjouissent d’un accord qui n’en est pas un. D’abord parce que les Européens ont du se soumettre au droit de douane à 15 % ; ce qui est considérable si on tient compte par ailleurs de la dévaluation du dollar de l’ordre de 12,5 %. C’est contraint et forcé que l’Europe accepte ce dictat après avoir été menacée de 25 %. À noter que l’acier et l’aluminium supporte toujours des taxes à 50 %.

Pour le reste des discussions doivent encore intervenir pour préciser les orientations définitives. Quant à la promesse d’investissement vers les États-Unis c’est surtout une annonce à usage interne pour les partisans de Trump; même chose pour les promesses d’achat de matières premières énergétiques. Dans ces deux domaines la décision appartient aux entreprises et non aux Etats. Bref de promesses très floues. L’Europe a du plier sous la pression des États-Unis d’une part et sous le poids de ses propres contradictions internes d’autre part sans parler de la faiblesse personnelle de la présidente de la commission européenne qui ne pèse pas lourd en politique.

C’est évidemment à l’usage qu’on mesura les conséquences d’un pseudo accord et notamment son effet sur l’inflation et la croissance aux États-Unis et les conséquences sur l’économie mondiale et sur celle de l’Europe. Le risque est grand que ce type de décision soit néfaste aussi bien pour les États-Unis que pour les pays qui commercent avec eux. En dernier ressort ce sont les marchés financiers qui pourraient bien arbitrer notamment si le déficit américain continue d’enfler sous le poids d’une baisse de croissance et d’augmentation du déficit budgétaire. D’ores et déjà on constate un fort désengagement à bas bruit par les étrangers des obligations américaines.

Economie- Pour une souveraineté agricole

Economie- Pour une souveraineté agricole

La moisson 2025 est abondante, avec plus de 33 millions de tonnes de blé. Pourtant, les céréaliers français peinent à célébrer. Les cours s’effondrent, les coûts explosent, et la rentabilité s’effrite. Derrière des silos pleins, c’est un modèle agricole à bout de souffle.
Collectif dans La Tribune(*)

La moisson 2025 s’annonce généreuse. Après une campagne 2024 désastreuse, la France renoue avec des rendements honorables. La récolte de blé devrait dépasser les 33 millions de tonnes. Et pourtant, les agriculteurs n’ont pas le cœur à la fête. (1)

Le contrat blé sur Euronext est passé sous la barre des 200 euros/tonne. En un an, ce sont plus de 45 euros/t qui ont été perdus. L’euro s’est fortement apprécié face au dollar, laminant la compétitivité des exportations. La Russie et la Roumanie inondent les marchés. L’Ukraine reste présente malgré les quotas. L’Algérie, jadis premier débouché du blé français hors Union européenne, achète désormais russe. (2)

Les coûts, eux, ne baissent pas. Les engrais azotés, toujours chers, pèsent lourdement sur la rentabilité. Le prix de la solution azotée à Rouen a bondi de 280 euros/t à 330 euros/t en un mois. L’instabilité géopolitique, l’incertitude logistique au Moyen-Orient, les taxes européennes sur les engrais russes… tout cela entretient une tension chronique. (3)

Résultat : des volumes récoltés, mais une équation économique intenable. Même avec des rendements satisfaisants, les prix de vente restent inférieurs aux coûts de production. Le modèle craque.

Face à ce constat, il ne suffit plus de « demander des aides » ou de « réformer la PAC ». Il faut penser plus large, plus stratégique. Voici une série de propositions concrètes, articulées autour d’un objectif : reconquérir notre souveraineté agricole, énergétique et industrielle.

La France consomme chaque année environ 3 millions de tonnes d’engrais azotés (urée, ammonitrate, solution azotée). Aujourd’hui, elle dépend quasi intégralement de l’étranger pour ces intrants agricoles essentiels. Dans un monde instable, c’est une vulnérabilité. (4)

Nous proposons de créer une filière nationale d’ammoniac et d’engrais azoté, décarbonée, compétitive et tournée vers l’exportation.

Produire une tonne d’engrais azoté par électrolyse (hydrogène vert) nécessite environ 6 à 9 MWh d’électricité. Pour produire 5 millions de tonnes par an (3 Mt pour la consommation française, 2 Mt pour l’export), il faudrait entre 30 et 45 TWh d’électricité par an — soit 6 à 9 % de la production électrique nationale. (5)

Ce chiffre peut sembler élevé… mais il ne l’est pas. La consommation électrique française a baissé de 15 % depuis 2005 du fait de la désindustrialisation (soit environ 60 TWh en moins). Nous disposons donc d’un gisement de consommation disponible pour produire localement ce que nous importons à prix fort. (6)

Avec de l’électricité à bas coût (20 €/MWh ou moins, comme c’est souvent le cas lors des pics de production renouvelable), le coût de production d’une tonne d’engrais azoté décarboné est estimé entre 150 et 250 €, incluant amortissement et fonctionnement des installations. Ce prix est compétitif avec les niveaux actuels du marché (330 à 450 €/t selon le type et l’origine). (7)

Dans un premier temps, cette nouvelle filière pourrait s’appuyer sur : nos gisements de gaz de houille (anciens bassins miniers du Nord et de Lorraine), nos gisements d’hydrogène natif, récemment redécouverts dans plusieurs régions (Massif central, Pyrénées), nos installations solaires et éoliennes existantes, souvent implantées en milieu rural, dont la production intermittente est peu valorisée. (8)

Il ne s’agit pas de construire des éoliennes supplémentaires. Il s’agit de donner une utilité agricole et stratégique à celles qui sont déjà là, en les connectant à des électrolyseurs capables de produire de l’hydrogène quand l’électricité est excédentaire.

Ce serait un juste retour pour les campagnes françaises, qui ont accepté ces installations, mais n’en retirent souvent que peu de bénéfices directs.

Nous proposons de créer un compte d’épargne d’exploitation agricole : Lors des bonnes années, l’agriculteur pourrait y verser une partie de son bénéfice, en tant que charge déductible. Lors des années difficiles, il pourrait retirer les sommes, requalifiées en produit d’exploitation.

Ce mécanisme, simple, responsabilisant, permettrait aux agriculteurs de lisser leur revenu sur plusieurs années, sans dépendre des aides ponctuelles.

Aujourd’hui, l’amortissement est linéaire et rigide. Il faut permettre aux exploitants d’amortir davantage lors des bonnes années, et moins en période difficile.

Cette souplesse fiscale donnerait plus d’autonomie à l’agriculture, sans coûter un euro de plus à l’État.

Nous proposons de (re) bâtir une diplomatie du blé. Depuis 25 ans, c’est un effet de nos propres embargos, la Russie a bâti une diplomatie du blé. Elle vend du blé… mais aussi du lien politique, du crédit diplomatique, du levier stratégique. Aujourd’hui, c’est la Russie qui nourrit l’Algérie. Pas la France. (10)

L’agriculture est un instrument de puissance. Il est temps que la France se dote d’une stratégie céréalière à l’international. Nos relations avec le Maghreb, l’Afrique de l’Ouest, le Proche-Orient devraient intégrer une logique d’approvisionnement et de coopération agricole à long terme.

La souveraineté alimentaire ne s’arrête pas à la moisson. Elle doit se poursuivre jusqu’à l’assiette.

Aujourd’hui, une part significative de notre production est transformée à l’étranger. Les céréales, les pommes, la viande, le lait… quittent nos fermes pour être découpés, emballés, reconditionnés ailleurs. (11)

Il faut réimplanter des unités de transformation en France : conserveries, meuneries, laiteries, légumeries, usines de protéines végétales. Cela créera de l’emploi, de la valeur ajoutée, de l’autonomie. Cela se fera, d’une part, en baissant le coût du travail par un basculant vers l’impôt des charges sociales non contributives qui sont actuellement payées par les travailleurs et les employeurs, d’autre part en faisant des économies drastiques dans le fonctionnement de l’État [cf programme general de Nouvelle-Energie]

Nous souhaitons plus de bons sens dans les décisions nationales. Aujourd’hui, un agriculteur peut obtenir un revenu garanti pendant vingt ans en installant des panneaux photovoltaïques sur ses terres, ou des éoliennes. Mais s’il veut produire du blé, on lui explique qu’il n’y a pas de solution face à la volatilité des marchés. (12)

Ce système est absurde. Il encourage la rente au détriment de la production, l’artificialisation au détriment du vivant, l’importation alimentaire au détriment de la souveraineté.

Il est temps d’inverser la logique.

Relocalisons la production d’engrais azotés, transformons nos matières premières sur notre sol, valorisons nos surplus d’électricité, stabilisons les revenus agricoles, menons une diplomatie du blé : c’est le programme que nous proposons.

Un programme de bon sens. Un programme de production. Un programme de souveraineté.

Une France agricole, énergétique, industrielle. Voilà ce que nous devons reconstruire.

Références :

(1) Chiffres de récolte de blé : FranceAgriMer, « Bilan de la récolte 2025′, juillet 2025.
(2) Prix du contrat blé sur Euronext : Argus Media, Note de conjoncture des marchés, juillet 2025.
(3) Prix de la solution azotée : Argus Media, idem.
(4) Données de consommation d’engrais azotés en France : Ministère de l’Agriculture, Agreste, « Utilisation des fertilisants », édition 2023.
(5) Énergie nécessaire à la production d’engrais par électrolyse : IEA, « Ammonia Technology Roadmap », 2021 ; Fertilizers Europe, « Carbon Footprint of Fertilizers », 2021.
(6) Consommation électrique française et baisse depuis 2005 : RTE, « Bilan électrique 2023′, janvier 2024.
(7) Prix de l’électricité en période de surproduction : EPEX SPOT, données marché France 2023-2024.
(8) Gisements de gaz de houille : BRGM, « Ressources énergétiques du sous-sol français », 2020.
(9) Hydrogène natif en France : IFPEN et Engie, « Hydrogène naturel : potentiel français », 2023.
(10) Diplomatie du blé russe : FAO, « Wheat Trade and Geopolitics », 2022.
(11) Transformation agricole hors de France : INSEE, Agreste, « Commerce agroalimentaire et transformation », 2022.
(12) Rentabilité des panneaux photovoltaïques agricoles : CRE, « Rémunération des installations photovoltaïques », 2024.

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(*) Signataires :

Angélique Delahaye, maraichère, ancienne députée européenne.
Thierry Moisy, agriculteur, Conseiller municipal à Saint-Paterne-Racan (Indre-et-Loire). Président d’une organisation de producteurs de pommes et de poires.
Arthur Portier, agriculteur dans l’Oise. Consultant sur les marchés de matières premières.
Thomas Danrée, ingénieur agronome.
Yves d’Amécourt, ingénieur de l’école des mines d’Alès, viticulteur, ancien élu local de Gironde (conseiller général, maire, Président d’EPCI, conseiller régional). Référent agriculture, forêt, pêche, ruralité, de Nouvelle-Energie et Porte-Voix de Nouvelle-Energie, le parti présidé par David Lisnard.
Théo Legrand, consultant et auteur.

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