Climat et enjeux technologiques
À l’heure où les effets du changement climatique se font déjà sentir, l’adaptation technologique s’impose comme une priorité incontournable. Par Clarisse Angelier, DG ANRT, Olivier Appert, Denis Randet, Richard Lavergne, Présidents GT Transition Énergétique et Antoine Belleguie, Coordinateur GT Transition énergétique ( dans la Tribune)
Les travaux du Groupe de Travail (GT) Transition énergétique de l’Association nationale de la Recherche et de la Technologie (ANRT) en 2024 ont exploré cette question complexe, en identifiant les technologies clés pour renforcer la résilience de notre économie et de nos infrastructures. L’adaptation ne consiste pas seulement à répondre aux crises actuelles, mais à préparer les systèmes humains et naturels à un monde où les vagues de chaleur, les sécheresses et les inondations seront plus intenses et fréquentes. Les secteurs de l’eau, de l’énergie et de l’agriculture figurent en première ligne, tant pour leur vulnérabilité que pour leur rôle stratégique dans la résilience globale.
Cette synergie est essentielle à plus d’un titre, ne serait-ce que pour l’optimisation des investissements qui permet de produire des solutions clés pour plusieurs secteurs simultanément. L’approche systémique est également utile pour réduire les coûts et éviter les effets de rebond ou les impacts négatifs non intentionnels. Enfin, appuyons-nous sur les interactions entre différents secteurs pour déployer une gestion intégrée des risques climatiques et ainsi mieux garantir la résilience des infrastructures critiques.
Certaines technologies sont déjà disponibles, mais nécessitent une montée en puissance rapide. C’est le cas des « smart grids », qui rendent les réseaux électriques plus résilients face aux aléas climatiques, ou encore des stations de transfert d’énergie par pompage (STEP), essentielles pour équilibrer les fluctuations des énergies renouvelables.
D’autres innovations, comme les systèmes de refroidissement à air pour les centrales thermiques, qui permettent de réduire la dépendance à l’eau dans les processus de refroidissement, sont particulièrement adaptées dans un contexte de stress hydrique croissant. Toutefois, leur mise en œuvre à grande échelle reste confrontée à des défis économiques et techniques, notamment en termes de coûts d’installation et d’efficacité énergétique par rapport aux systèmes traditionnels. Dans l’agriculture des technologies éprouvées telles que la sélection variétale pour des cultures résistantes à la sécheresse et l’adoption de pratiques agroécologiques sont déjà disponibles et doivent être déployées à grande échelle.
Ces approches constituent des priorités stratégiques pour garantir la sécurité alimentaire face à des régimes climatiques de plus en plus instables. Dans le secteur énergétique, les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) jouent un rôle clé en stockant l’énergie excédentaire produite par des sources renouvelables pour la restituer en période de forte demande, renforçant ainsi la résilience des réseaux. Dans l’industrie, la réutilisation des eaux usées pour les processus industriels réduit la pression sur les ressources en eau douce, tandis que la modernisation des chaînes de production grâce à la numérisation et à l’intégration de capteurs intelligents optimise la gestion des ressources et renforce la résilience face aux aléas climatiques.
Le rapport souligne l’urgence de moderniser les infrastructures critiques. En matière énergétique, l’enfouissement des lignes électriques et le renforcement des digues autour des centrales nucléaires sont des exemples d’adaptations nécessaires pour prévenir des interruptions catastrophiques de service.
Dans les villes, les îlots de chaleur urbains, aggravés par la densité des constructions et le manque de végétation, appellent à repenser l’urbanisme : ingénierie systémique des bâtiments, visant à garantir leur habitabilité en cas de chaleurs ou de pluies extrêmes, n’est plus une option, mais une nécessité.
Les technologies spatiales apportent un appui essentiel dans la planification et l’adaptation des infrastructures. Les satellites fournissent des données en temps réel sur les phénomènes climatiques majeurs, comme la montée des eaux, les zones inondables ou les évolutions de la biodiversité, permettant ainsi d’anticiper les vulnérabilités des infrastructures critiques et d’orienter les priorités d’adaptation.
Ces transformations exigent une gouvernance cohérente et une mobilisation massive des financements publics et privés. Le Plan national d’Adaptation au Changement climatique (PNACC) identifie des investissements prioritaires, mais le défi est immense. Chaque euro investi aujourd’hui en adaptation permettra d’économiser des sommes bien plus conséquentes demain, en évitant les coûts liés aux catastrophes climatiques.
Cependant, le financement seul ne suffit pas. Il est crucial de privilégier la recherche d’une cohérence systémique entre les stratégies, plans, règles et normes. Cette cohérence doit être fondée sur des bases argumentées et des objectifs clairement définis, afin de garantir une mise en œuvre efficace et alignée des solutions. Le rapport souligne également l’importance de la transversalité comme levier central, car aucune technologie ne peut réussir isolément.
Face à l’accélération du changement climatique, il est impératif d’agir dès maintenant pour adapter nos systèmes technologiques et organisationnels. L’innovation ne doit pas être perçue comme un luxe, mais comme un outil incontournable pour adapter nos économies.
Par Clarisse Angelier, Olivier Appert, Denis Randet, Richard Lavergne et Antoine Belleguie