Les nouvelles révolutions technologiques à venir
Nous n’avons encore rien vu… Tout va s’accélérer. Que d’opportunités ! Par Xavier Dalloz, Président de XD Consulting (*)
Xavier Dalloz dans La Tribune
Les nouvelles zones de disruption technologique bousculent aujourd’hui les modèles établis et ouvrent la voie à une transformation profonde de notre économie et de notre quotidien. De l’intelligence artificielle à l’exploration spatiale, voici un panorama des leviers majeurs à surveiller et à maîtriser pour rester à la pointe de l’innovation.
En concentrant ses efforts sur ces domaines, la France pourra non seulement anticiper les ruptures à venir, mais aussi inventer de nouveaux services et industries, plaçant l’innovation au cœur de notre compétitivité et de notre qualité de vie.
Voici quelques exemples d’innovations majeures :
Agents intelligents
Un agent intelligent est un programme autonome capable de percevoir son environnement, d’interpréter l’intention de l’utilisateur et d’agir via IA et apprentissage automatique. Il adapte ses réponses au contexte (profil, historique, localisation) et automatise tâches pour guider l’utilisateur.
Internet des objets couplés à la 5G et à l’IA
Le déploiement massif de l’IoT, couplé à la connectivité 5G, permet de relier et de piloter des milliards d’objets en temps réel. Des capteurs de nouvelle génération et des dispositifs intelligents collectent et échangent des données en continu, ouvrant la porte à des applications allant des villes « smart » à la maintenance prédictive dans l’industrie.
Blockchain et registres distribués
Au-delà du Bitcoin, la blockchain et les technologies de registre distribué renforcent la sécurité et la transparence des transactions. Elles donnent naissance à des applications décentralisées (d’apps) pour la traçabilité des chaînes logistiques, la gestion de l’identité numérique ou encore la tokenisation d’actifs physiques.
Réalité virtuelle, réalité augmentée, métavers
La VR et l’AR se perfectionnent pour offrir des immersions hyperréalistes, utilisées en formation, en divertissement et en commerce. Parallèlement, le Web 3.0 et le métavers annoncent un internet plus immersif et décentralisé, où l’on crée de nouvelles communautés et économies digitales basées sur la propriété numérique.
Hyperpersonnalisation et big data
Grâce à l’analyse en temps réel de gigantesques volumes de données, couplée à l’IA, les services deviennent ultra-personnalisés. Les recommandations de contenus, produits ou parcours utilisateur s’ajustent en continu, tandis que le marketing cible ses audiences avec une précision inédite.
Robotique et automatisation avancée
Les robots collaboratifs (cobots) se font plus intelligents et sûrs pour travailler aux côtés de l’homme. Ils automatisent les tâches répétitives et parfois dangereuses dans la logistique, la santé ou la production, et redéfinissent les compétences nécessaires sur le marché du travail.
Bioinformatique et biotechnologies
Les avancées en séquençage génomique, en thérapies ciblées et en biologie synthétique donnent naissance à une médecine personnalisée, à de nouveaux diagnostics et à des traitements innovants. Les biotechnologies deviennent un levier majeur pour la santé de demain.
Énergies propres et durabilité
Le solaire et les batteries progressent rapidement : les coûts chutent, les rendements s’améliorent, et de nouveaux matériaux (silicium, pérovskites, films minces) émergent. L’objectif est de déployer à grande échelle une économie énergétique décarbonée et résiliente face aux changements climatiques.
Exploration spatiale et technologie quantique
Le spatial se démocratise, porté par de nouveaux acteurs et des technologies quantiques qui amélioreront la communication, la navigation et le calcul. De la mise en orbite de satellites à la recherche fondamentale, ces domaines repoussent les frontières du possible.
Lumière et nouveaux matériaux
Les applications innovantes de la lumière — lasers, biophotonique, imagerie térahertz — s’ajoutent aux matériaux révolutionnaires (graphène, nanotubes, métamatériaux, alliages à mémoire de forme) pour créer des dispositifs plus performants, plus légers et plus durables, de l’électronique à la construction.
Ère post-smartphone et intégration corporelle
La prochaine génération de terminaux se portera, s’intégrera au vêtement ou même au corps. On passe d’un monde centré sur le « pocket computing » à une ère où les interfaces naturelles (voix, gestes, haptique) et la réalité augmentée seront présentes en permanence.
Tokenisation et finance décentralisée
La blockchain permet de fractionner et d’échanger des actifs physiques (immobilier, œuvres d’art) grâce à des tokens. Cette « tokenisation » ouvre l’accès à de nouveaux investisseurs et crée des modèles de propriété partagée, tout en offrant des usages tels que les NFT utilitaires pour l’identité ou les titres d’accès inviolables.
Les nouvelles batteries
Les batteries au sodium, comme la Naxtra de CATL, offrent une alternative prometteuse aux batteries lithium-ion. Moins coûteuses et plus sûres, elles affichent une densité énergétique de 175 Wh/kg et conservent 90 % de leur capacité même à -40 °C. Idéales pour les véhicules électriques urbains, elles devraient être produites en série dès fin 2025.
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(*) Xavier Dalloz dirige depuis plus de 30 ans le cabinet Xavier Dalloz Consulting (XDC), spécialisé dans le conseil stratégique sur l’intégration des nouvelles technologies dans les entreprises. Il enseigne également à l’ICN Business School, partageant son expertise avec les futurs leaders du numérique. Parmi ses engagements récents, il a co-organisé le World Electronics Forum (WEF) à Angers en 2017, Grenoble en 2022 et Rabat en 2024. Il a également introduit et animé le WEF lors du CES 2023 à Las Vegas, à la demande de la CTA.
Sciences: Comment le cerveau a-t-il évolué ?
Sciences: Comment le cerveau a-t-il évolué ?
La nature singulière et les capacités exceptionnelles du cerveau humain ne cessent de nous surprendre. Sa forme arrondie, son organisation complexe et sa longue maturation le distinguent du cerveau des autres primates actuels, et plus particulièrement des grands singes auxquels nous sommes directement apparentés. À quoi doit-on ses spécificités ? Puisque le cerveau ne fossilise pas, il faut chercher la réponse dans les os du crâne retrouvés sur les sites paléontologiques pour remonter le cours de l’histoire. La boîte crânienne renferme des empreintes du cerveau qui constituent de précieuses données sur les 7 millions d’années d’évolution de notre cerveau qui nous séparent de notre plus vieil ancêtre connu : Toumaï (Sahelanthropus tchadensis).
par Amélie Beaudet, Paléoanthropologue (CNRS), Université de Poitiers dans The Conversation
Pendant la croissance, le cerveau et son contenant, le crâne, entretiennent un lien étroit et, par un processus de modelage et remodelage, l’os enregistre la position des sillons à la surface du cerveau qui délimitent les lobes et les aires cérébrales. À partir de ces empreintes, les paléoneurologues cherchent à reconstituer l’histoire évolutive de notre cerveau (par exemple, quand et comment les spécificités cérébrales humaines sont apparues ?), mais également à élaborer des hypothèses sur les capacités cognitives de nos ancêtres (par exemple, quand ont-il commencé à fabriquer des outils ?).
L’Afrique du Sud a joué un rôle central dans la recherche et la découverte d’indices sur les grandes étapes de l’évolution de notre cerveau. Les sites paléontologiques situés dans le « Berceau de l’Humanité », classé au patrimoine mondial par l’Unesco, sont particulièrement riches en fossiles piégés dans d’anciennes grottes dont les dépôts sont aujourd’hui exposés à la surface.
Parmi ces fossiles, on compte des spécimens emblématiques comme « l’enfant de Taung » (3-2,6 millions d’années), le tout premier fossile de la lignée humaine découvert sur le continent africain qui sera à l’origine du genre Australopithecus, ou « Little Foot » (3,7 millions d’années), le squelette le plus complet d’Australopithecus jamais mis au jour (50 % plus complet que celui de « Lucy » découvert en Éthiopie et daté à 3,2 millions d’années). Ces sites exceptionnels ont ainsi mené à la découverte de crânes relativement complets (par exemple « Mrs Ples » datée à 3,5-3,4 millions d’années), ainsi que de moulages internes naturels de crânes (par exemple celui de « l’enfant de Taung »), préservant des traces du cerveau de ces individus fossilisés qui ont été étudiés par des experts et ont servi de référence depuis des décennies.
Malgré la relative abondance et la préservation remarquable des spécimens fossiles sud-africains relativement aux sites contemporains est-africains, l’étude des empreintes cérébrales qu’ils conservent est limitée par la difficulté à déchiffrer et interpréter ces traces.
Devant ce constat, notre équipe constituée de paléontologues et de neuroscientifiques a cherché dans un premier temps à intégrer, dans l’étude des spécimens fossiles, les compétences techniques développées en imagerie et en informatique.
Nous avons alors mis en place le projet EndoMap, développé autour de la collaboration entre des équipes de recherche françaises et sud-africaines, dans le but de pousser plus loin l’exploration du cerveau en y associant des méthodes de visualisation et d’analyses virtuelles.
À partir de modèles numériques 3D de spécimens fossiles du « Berceau de l’Humanité » et d’un référentiel digital de crânes de primates actuels, nous avons développé et mis à disposition une base de données unique de cartographies pour localiser les principales différences et similitudes entre le cerveau de nos ancêtres et le nôtre. Ces cartographies reposent sur le principe d’atlas traditionnellement utilisé en neuroscience et ont permis à la fois une meilleure connaissance de la variabilité dans la distribution spatiale des sillons du cerveau humain actuel et l’identification des caractéristiques cérébrales chez les fossiles. En effet, certains désaccords scientifiques majeurs dans la discipline sont la conséquence de notre méconnaissance de la variation inter-individuelle, qui entraîne une surinterprétation des différences entre les spécimens fossiles.
Cependant, EndoMap fait face à un défi majeur dans l’étude des restes fossiles, comment analyser des spécimens incomplets ou pour lesquels certaines empreintes cérébrales sont absentes ou illisibles ? Ce problème de données manquantes, bien connu en informatique et commun à de nombreuses disciplines scientifiques, est un frein à la progression de notre recherche sur l’évolution du cerveau.
Le bond technologique réalisé récemment dans les domaines de l’intelligence artificielle permet d’entrevoir une solution. En particulier, devant le nombre limité de spécimens fossiles et leur caractère unique, les méthodes d’augmentation artificielle des échantillons pourront pallier le problème d’effectif réduit en paléontologie. Par ailleurs, le recours à l’apprentissage profond à l’aide d’échantillons actuels plus complets constitue une piste prometteuse pour la mise au point de modèles capables d’estimer les parties manquantes des spécimens incomplets.
Nous avons alors invité à Johannesburg en 2023 des paléontologues, géoarchéologues, neuroscientifiques et informaticiens de l’Université du Witwatersrand et de l’Université de Cape Town (Afrique du Sud), de l’Université de Cambridge (Royaume-Uni), de l’Université de Toulouse, du Muséum national d’histoire naturelle de Paris et de l’Université de Poitiers à alimenter notre réflexion sur le futur de notre discipline au sein du colloque « BrAIn Evolution : Palaeosciences, Neuroscience and Artificial Intelligence ».
Cette discussion est à l’origine du numéro spécial de la revue de l’IFAS-Recherche, Lesedi, qui vient de paraître en ligne et qui résume les résultats de ces échanges interdisciplinaires. À la suite de cette rencontre, le projet a reçu le soutien financier de la Mission pour les initiatives transverses et interdisciplinaires (MITI) du CNRS dans le cadre l’appel d’offres « Jumeaux numériques : nouvelles frontières et futurs développements » pour intégrer l’IA à la paléoneurologie.