Encore un changement de cap et toujours des contradictions
La commission a délibérément choisi la prospective en définissant des orientations à 20 et 40 ans. Jusque-là on s’était satisfait de perspectives pour les 10 ans à venir. Le choix de ces échéances lointaines mérite quelques commentaires. Il est clair que les transformations structurelle du secteur ne s’inscrivent que dans la durée compte tenu en particulier du rôle des infrastructures existantes, du poids des investissements et de la rigidité des organisations ; une politique des transports innovante ne peut se mettre en place en quelques années. Cette échéance lointaine n’est sans doute pas neutre car précédemment sur des périodes de 10ans, l’Europe n’a guère démontré son efficacité ; En repoussant ainsi l’horizon temporel, l’Europe se met à l’abri d’une évaluation prématurée de sa politique. Si l’échéance d’une vingtaine d’années paraît raisonnable pour se donner le temps et les moyens d’influer réellement et significativement sur organisation aussi complexe que cela des transports par contre décider de l’avenir à échéance de 40 ans relève d’un exercice assez aléatoire dans le transport comme pour l’ensemble de l’économie voire même pour l’ensemble de la société.
Si l’on se réfère aux quarante ans passé, force est de reconnaître que les événements majeurs de nos sociétés n’ont pas été prévus par exemple les catastrophes nucléaires, les crises sanitaires (vache folle, grippe tec), dérèglements climatiques, chute du mur de Berlin, mai 68, les crises financières ou encore l’extraordinaire, l’émergence des pays en développement explosion des technologies ou encore l’explosion des technologies téléinformatiques. Autant d’évènements qui ont considérablement modifié notre environnement y compris celui du transport. Notre époque est caractérisée par une évolution sans précédant de la nature et du rythme des mutations, dès lors quel crédit peut-on réellement apporter à des prévisions aussi lointaines que celles prévues dans le transport. Deux seuls préoccupations majeurs sont retenus par L’Europe, d’une part la raréfaction des ressources fossiles, d’autre part la protection de l’environnement. Ces préoccupations ne sont pas nouvelles même elles demeurent fondamentales mis elles sont sans doute un peu limitative par rapport au champ des évolutions possibles par ailleurs difficilement prévisibles.
Des changements de cap
En 2006 lors de la révision des objectifs transports, il s’agissait, contrairement au livre blanc de 2001de favoriser un haut niveau de mobilité. visant à faire de l’Union « »l’économie de connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde » Le concept d’intermodalité était remplacé par celui de comodalité dans les priorités. Une comodalité qui signifie la nécessité d’optimiser chaque mode et ce n’est que le cas échéant qu’il était envisagé d’obtenir des reports de trafics vers des modes de transport plus respectueux de l’environnement en particulier sur les longues distances, les zones urbaines et les zones saturées. La comodalité visait à recourir de manière efficace à chaque mode de transport pris isolément (ou éventuellement en combinaison). La protection de l’environnement était également évoquée comme objectif mais on reconnaissait en même temps que la pollution relative à l’air n’a toujours pas trouvé de solution. Dans le contexte actuel de crise, les objectifs visent désormais à réduire les déficits publics tout en prônant des réformes structurelles. La nouvelle stratégie doit développer une croissance « intelligente, durable et inclusive » s’appuyant sur une plus grande coordination entre les politiques nationales et européennes. Le projet Europe 2020 évoque « une économie sociale de marché durable ». Pour 2050, on observe donc un nouveau changement avec la recherche d’une mobilité plus rationnelle.
Les nouveaux objectifs pour 2050
Les mesures les plus spectaculaires concernent la disparition en 2050 des véhicules à carburant traditionnel dans les ville ( réduction de 50% en 2030), la mise en place d’une logistique urbaine sans CO2 dans les grands centre urbains en 2030, le transfert de 50% du fret à plus de 300 kms sur le fer et la navigation intérieure en 2050 ((30% en 2030), la réalisation d’un réseau RTE-T multimodal, la connexion des modes et le financement par « les pollueurs et utilisateurs » des futures infrastructures. Il s’agit donc de mesures très volontaristes surtout pour les 20 ans qui viennent qui tranchent encore une fois avec les précédentes orientations de 2006 qui mettaient de coté intermodalité. La crise pétrolière, la plus grande sensibilité à l’environnement sont passés par là. Dix objectifs pour un système de transport compétitif et économe en Ressources: points de repère pour atteindre l’objectif de réduction de 60 % des Émissions de gaz à effet de serre.
1- Réduire de moitié l’usage des voitures utilisant des carburants traditionnels dans les Transports urbains d’ici à 2030; les faire progressivement disparaître des villes pour 2050; mettre en place une logistique urbaine essentiellement dépourvue de CO2 pour 2030 dans les grands centres urbains.
L’objectif est clair plus de voitures classiques (essence ou diesel) dans les zones urbaines en 2050 avec objectif intermédiaire d’en réduire l’utilisation de moitié d’ici 2030. Une perspective apparemment très volontariste. Il suppose le développement des transports collectifs peu ou on polluants, donc une utilisation plus intensive et vraisemblablement le remplacement des véhicules à moteur thermique (essence, diesel et autres carburants polluants) par. Des véhicules électriques. La crédibilité, donc aussi le caractère volontariste de cette mesure dépend de plusieurs facteurs : des avancées technologiques en particulier du rendement des batteries, des infrastructures d’accompagnement de ces véhicules, de la politique fiscale sur les carburants, de la réglementation et des normes, du rapport culturel à la voiture. On peut s’étonner que le véhicule électrique ait jusque là connu aussi peu de succès. Pourtant la technologie n’est pas nouvelle puisque le premier véhicule de ce type est né en 1880 en même temps que le véhicule à moteur thermique. Plusieurs raisons à ce désintérêt : le poids des lobbys des constructeurs, des pétroliers et les recettes fiscales provenant du carburant. Par ailleurs le pétrole a été pendant très longtemps relativement bon marché et n’incitait guère à rechercher d’autres modes de propulsion. Les avancées technologiques relatives essentiellement au rendement des batteries est relativement récent, elles sont loin d’être terminées mais dores et déjà l’autonomie est suffisante puisque 90% des utilisateurs effectuent moins de 100 kms par jour. D’ici 2030, l’autonomie et l’économie générale du véhicule électrique se seront grandement améliorés. L’automobile électrique pouvant facilement devenir compétitive si on en construit des millions et non comme aujourd’hui quelques milliers ; la fiscalité peut de ce point de vue jouer un très grand rôle puisque les taxes sur le carburant représentent en moyenne de l’ordre de 75% du prix à la consommation. Il est difficile de e fier aux travaux de prospective, tellement l’hypothèse sont éloignées. Plusieurs études notamment américaines et de la Deustch Bank considèrent que les ventes de véhicules électriques pourront représenter jusqu’à 80% des ventes de voitures neuves en 2030. Qu’à cette époque, les couts entre véhicules électriques et véhicule à moteur thermique seront comparables (de l’ordre de 0.20 cmes du KM). En France le parc représente environ 30 millions de véhicules, ce parc pourrait être entièrement renouvelé en une quinzaine d’années (actuellement 2 millions environ de véhicules neufs en France).Si l’on intègre les inévitables progrès technologiques et les gains de productivité liés aux économies d’échelle le pari pour 2050 n’est pas si volontariste que cela. La décarbonisation en zone urbaine est donc très faisable mais on devra toutefois intégrer les émissions dues à la fabrication des batteries : actuellement 25 g de cO2 par km pour électricité nucléaire, 0 g pour une éolienne, 100g pour un centrale à charbon chinoise alors qu’aujourd’hui la pollution moyenne pour une automobile à moteur termine se situe entre 100 et 125G. Encore une fois, il s’agit de calculs fondés sur les technologies actuelles qi n’intègrent donc pas les évolutions à venir. Enfin, un des facteurs explicatif du succès de la voiture en ville tient au rapport culturel qu’entretiennent encore beaucoup d’automobilistes à leur véhicule personnel sinon on comprendrait mal pourquoi autant de véhicules complètement inadaptés circulent en zone dense. La tendance vers l’achat de voitures plus économes traduit sans doute une préoccupation économique chez les utilisateurs mais aussi un changement de mentalités. Des évolutions majeures dans ce domaine sont encore à venir. Concernant la gestion des flux marchandises en ville avec une organisation logistique sans émissions polluantes, l’objectif de 2030 est réalisable tant pour le transport pour compte propre que pour le transport pour compte d’autrui. Les technologies en zone urbaine sont disponibles mais comme pour l’automobile ; elles deviendront compétitives avec les progrès de la recherche, la croissance des ventes de véhicules industriels et l’évolution de la fiscalité. L’essentiel est de laisser le temps aux acteurs économiques de s’organiser afin de rationaliser la gestion des flux. De ce point de vue le livre blanc est beaucoup plus réaliste que les orientations sur la qualité de l’air qui fixe à 2012 les restrictions à l’utilisation du camion classique.
2-Porter à 40 % la part des carburants durables à faible teneur en carbone dans L’aviation d’ici à 2050; réduire de 40% (si possible 50 %11) les émissions de CO2 de l’UE provenant des combustibles de soute dans le transport maritime, pour 2050 également.
En l’état actuel des technologies, l’aviation comme le transport maritime vont demeure très dépendants des énergies fossiles et il est difficile d’imaginer des carburants de substitution autres que les biocarburants. Or il n’est pas certain que le bilan environnemental soit très positif avec l’utilisation de la bio masse d’une part en raison des conditions de sa production, d’autre part surtout en raison des phénomènes de substitution dune part aux cultures destinées à l’alimentation d’autre part. A titre indicatif un plein de carburant pour un véhicule 4*4 nécessiterait en bio carburant autant que l’alimentation annuelle en maïs pour un individu dans un pays en voie de développement. Les surfaces nécessaires seraient considérables, exemple en France pour couvrir tous les besoins transport en éthanol à partir du colza, il faudrait couvrir la France entière de cette plante. Outre les retombées négatives en matière de pollution il fauta donc surtout prendre en compte les effets sur les crises alimentaires. C’est sas doute dans d’autres directions qu’il conviendra de s’orienter. 3- En ce qui concerne les transports routiers de marchandises sur des distances supérieures à 300 km, faire passer 30 % du fret vers d’autres modes de transport tels que le chemin de fer ou la navigation d’ici à 2030, et plus de 50 % d’ici à 2050, avec l’aide de corridors de fret efficaces et respectueux de l’environnement. Pour atteindre cet objectif, il faudra également mettre en place les infrastructures requises.
Volontaristes ou utopique ? Sans doute les deux à la fois pour ces orientations qui cette fois ne parlent plus de parts modales globales pour les modes non routiers mais de parts sur plus de 300 kms ce qui en réduit considérablement l’impact. Sans doute tient-on compte désormais de certaines réalités ; En France par exemple plus de la moitié du trafic routier s’effectue sur moins de 50 kms, 75% du fret routier s’effectuent sur moins de 150 KMS. Le parcours moyen du fer est de 600Kms pour le transport combiné, de 300kms pour les trains entiers et de 400 kms pour le wagon isolé. Globalement en Europe la part du fer est inférieure à 80%. En France en chiffre d’affaires, la route détient 90% du marché.des objectifs complètement irréalistes avaient été fixés pour le fer (et la voie d’eau) par exemple le Grenelle de l’environnement prévoyait 25% de parts de marché pour les modes non routiers en 2012 ! Plus sérieux le schéma de service de 2002 dans un scénario de forte contraintes (super et gas-oil à 2 euros, augmentation des charges du routier de 18%), diminution des prix du fer de 10%) prévoyait seulement une stabilisation des parts de marché, donc un maintien à un faible niveau du fer. En montant la barre à plus de300kms pour les évolutions futures de parts de marché, les chiffres de 30 et 50% perdent beaucoup de leur caractère volontariste et c’est seulement une progression de l’ordre de 5% en plus de parts de marché en chiffre d’affaires qui sont visés en 20 ou 40ans (il faudra aussi tenir compte de la structure des flux futurs : nature, volume, poids, parcours moyens. En réalité l’objectif est déjà bien modeste, par ailleurs la politique d’ultra libéralisation dans le domaine routier (cabotage généralisé) risque fortement de rendre caduque cette perspective. C’est là une grande contradiction de l’Europe qui d’un coté souhaite un recours plus substantiel aux modes moins polluants et par ailleurs favorise le low cost routier.
4- Pour 2050, achever un réseau ferroviaire à grande vitesse européen. Tripler la longueur du réseau ferroviaire à grande vitesse actuel d’ici à 2030 et maintenir un réseau ferroviaire dense dans tous les Etats membres. Pour 2050, la majeure partie du transport de passagers à moyenne distance devrait s’effectuer par train.Le triplement du réseau ferroviaire à grande vitesse d’ici 2030 paraît particulièrement utopique en raison du rythme de construction habituel et surtout du coût financier que cela représente. A titre indicatif, les besoins totaux pour toutes les infrastructures de l’union économique d’ci 2020 représentent 1500 milliards. Pour la France par exemple, on construit une ligne tous les dix ans. Les lignes à grande vitesse s’inscrivent dans le Le réseau de transport transeuropéen (RTE-T) qui est un programme de développement des équipements. arrêté. Il a pour ambitions de faciliter notamment par l’interopérabilité le développement des échanges, en complétant les différents réseaux constitutifs, et permettre ainsi la création d’un véritable marché unique, d’augmenter la part modale des différents modes les moins agressifs vis-à-vis de l’environnement et d’accélérer l’intégration des nouveaux pays membres.En 1996 les premières orientations du programme ont été adoptées en puis ont été révisées à plusieurs reprises. La liste de 30 projets prioritaires a été arrêtée en 2004. Ces projets représentent vont nécessiter un besoin de financement global à l’échéance de 2020 de 225 milliards d’euros (à comparer aux 1500 milliards nécessaires pour toutes les infrastructures transport). Ils peuvent bénéficier de financements européens à hauteur maximum de 20 %. En l’état actuel des finances de la plupart des pays européens, on voit mal comment mobiliser les financements de ce programme et encore moins comment tripler le réseau ferroviaire grand vitesse. Les objectifs fixés par le livre blanc paraissent par ailleurs ambigus, on parle en effet de réseau à grande vitesse sans préciser s’il s’agit de lignes TGV (ou équivalent étranger), de trains pendulaire sou simplement de trains circulant autour de 200km-heure.de la même manière le maintien d’un réseau dense est un concept assez flou faute de définition précise. Il en est de même quand on indique que « la majeure partie du transport de passagers à moyenne distance s’effectuera par train.
5- Mettre en place un «réseau de base» RTE-T multimodal totalement fonctionnel et d’envergure européenne pour 2030, avec un réseau de haute qualité et de grande capacité pour 2050, ainsi que les services d’information associés.
Là encore l’objectif paraît assez flou même s’il est évident que la perspective est fondamentale puisque vraisemblablemenet en raison de la structure des flux le transport combiné paraît le support à privilégier pour une reconquête du fret pour le fer. 6-Pour 2050, connecter tous les aéroports du réseau de base au réseau ferroviaire, de préférence à grande vitesse; veiller à ce que tous les ports maritimes de base soient reliés de manière suffisante au système de transport ferroviaire de marchandises et, selon les possibilités, au système de navigation intérieure.
Cette connexion intermodale tant en transport de personnes qu’en fret constitue une mesure fondamentale pour rationaliser l’utilisation des différents modes ; l’échéance est assez lointaine pour que l’objectif puisse être atteint ; il aurait sans doute été souhaitable de déterminer une étape intermédiaire crédible.
7-Déployer l’infrastructure modernisée de gestion du trafic aérien (SESAR12) en Europe d’ici à 2020 et achever l’espace aérien européen commun. Déployer des Systèmes de gestion équivalents pour les transports terrestres et par voie navigable (ERTMS13, ITS14, SSN et LRIT15, RIS16). Déployer le système européen de navigation par satellite (Galileo).
Le système SESAR doit remplacer les systèmes de radio et de radars existants. Il s’agit d’un système de régulation par satellite devant permettre la transmission de messages numériques. Il doit permettre de réduire notablement les allongements de parcours dont le coût en carburant est estimé à 4 milliards d’euros. IL s’agit d’un système technologique du programme Ciel Unique ou SES (Single European Sky). Il vise à doter l’Europe d’une infrastructure ATC (Air Traffic Control) performante pour les 30 années à venir. Le projet SESAR a pour objet de remédier à l’approche fragmentée de la gestion de l’ATC par les différents pays de l’UE et de synchroniser les plans d’actions des différents intervenants et optimiser les ressources nécessaires en les coordonnant au niveau européen. Il est clair que des systèmes équivalents pour les autres modes seront de nature à mieux gérer la congestion, à réduire les coûts d’exploitation notamment en personnel et carburant.
8- Pour 2020, établir le cadre d’un système européen d’information, de gestion et de paiement pour le transport multimodal.
On peut comprendre ce que pourrait être un système d’information, il est plus difficile D’imaginer une forme de gestion commune et encore bien davantage de système de paiement ; cela supposerait un très gros effet d’intégration des organisations actuelles voire même d’une organisation unique.
9- Pour 2050, se rapprocher de l’objectif «zéro décès» dans les transports routiers. Dans cette perspective, l’UE a pour objectif de réduire de moitié le nombre d’accidents mortels sur les routes d’ici à 2020. Veiller à ce que l’UE soit le chef de file mondial en matière de sûreté et de sécurité des transports pour tous les modes de transport.
Cet objectif est très volontariste mais nécessaire ; on peut imaginer que là aussi des systèmes d’information et de régulation contribueront à faire presque disparaître totalement l’insécurité routière.
10-Progresser vers la pleine application des principes de «l’utilisateur payeur» et du «pollueur payeur» et impliquer le secteur privé afin d’éliminer les distorsions, y compris les subventions préjudiciables, de produire des recettes et d’assurer le financement de futurs investissements dans les transports.
L’internalisation des coûts externes dans la tarification est bien entamée, on peut cependant s’interroger sur l’efficacité de ce principe qui vise sans doute à davantage augmenter les ressources fiscales qu’à réduire réellement les effets néfastes de la mobilité., le principe du « utilisateur payeur » est encore plus complexe ; en effet dans la fiscalité et autres redevances, l’utilisateur de la route globalement paye bien au dessus de ses coûts. La fiscalité sur le carburant et autres taxes constitue depuis longtemps une ressource essentielle pour les budgets des différents états de l’Europe. En réalité la fiscalité sur la mobilité n’est pas à inventer mais plutôt à clarifier en particulier pour que les différents produits servent effectivement au développement et au progrès maîtrisé du transport.
Annexe :
Analyse critique faite sur les précédentes orientations européennes de 2006 (com 2006)
La commission a adressé au conseil et au parlement une communication pour faire le point sur l’avancée du livre blanc de 2001 ( COM 2006) ; bien qu’elle s’en défende, cette communication opère un changement de politique en matière de transport ; ce qui n’empêche la commission de considérer que les objectifs des livres blancs de 1992 et de 2001 demeurent valables ! En réalité les objectifs changent puisqu’il ne s’agit plus de freiner la mobilité ou encore de favoriser l’intermodalité.
Les nouveaux objectifs
Les objectifs consistent, contrairement au livre blanc de 2001, à favoriser un haut niveau de mobilité. La protection de l’environnement est également évoquée comme objectif mais on reconnaît en même temps que la pollution relative à l’air n’a toujours pas trouvé de solution. En fait la politique des transports est recentrée dans le cadre de la stratégie de Lisbonne qui vise à favoriser la croissance et l’emploi, objectifs qui deviennent prioritaires par rapport à la protection de l’environnement. Alors que précédemment on se proposait de découpler la mobilité de la croissance, en clair de ralentir les échanges, on estime maintenant qu’il faut dissocier la mobilité de ses effets néfastes dits secondaires. En fait comme indiqué plus loin, il faut favoriser la mobilité. Le concept d’intermodalité est remplacé par celui de comodalité dans les priorités. Une comodalité qui signifie la nécessité d’optimiser chaque mode et ce n’est que le cas échéant qu’il conviendra d’obtenir des reports de trafics vers des modes de transport plus respectueux de l’environnement en particulier sur les longues distances, les zones urbaines et les zones saturées. La comodalité consiste à recourir de manière efficace à chaque mode de transport pris isolément (ou éventuellement en combinaison).
Un nouveau contexte
Le changement d’orientations tient compte du changement de contexte ; un contexte marqué par l’élargissement à 25 puis à 27, par la mondialisation des échanges mai aussi les engagements du protocole de Tokyo relatifs à la protection de l’environnement ; Ces deux objectifs, accroissement du champ géographique des échanges et protection de l’environnement ne paraissent toutefois pas bénéficier de la même priorité. Cela d’autant plus qu’au-delà de l’Europe à 27, L’Europe s’apprête à développer une politique des transports visant à une expansion progressive du marché intérieur vers les autres pays candidats mais aussi vers les autres pays voisins ! Cela confirme évidemment les orientations générales développées dans la première partie de ce rapport visant à faire, quoi qu’il en coûte, une Europe la plus large possible. La commission considère que le cadre juridique du marché intérieur est à présent bien établi même si en fait beaucoup dépend de sa mise en œuvre. Autant reconnaître que sur le papier la politique existe mais que sur le terrain, c’est autre chose surtout avec l’élargissement permanent.
Absence d’auto-critique
La commission, qui a toujours autant de mal à faire son autocritique, sait par contre se féliciter des orientations positives comme l’ouverture du fret ferroviaire à la concurrence, la création du ciel unique européen, la définition des 30 projets prioritaires européens, la directive sur les péages routiers, le programme Marco Polo sur l’intermodal et le programme Galiléo en matière d’innovation. Elle considère que la « vaste consultation » organisée en 2005 a mis en évidence le rôle central joué par les transports dans la croissance économique et qu’en conséquence la présente communication, intitulée « Pour une Europe en mouvement, mobilité durable pour notre continent », s’inscrit bien dans les objectifs définis depuis la relance de la politique des transports en 1992 ; objectifs dont la plupart ont été mis en œuvre. Encore une fois, la commission ne craint ni les contradictions ni les critiques que suscite pourtant sa politique puisque quelques lignes plus loin, elle admet que les effets négatifs de la croissance des transports sur l’environnement n’ont pas été contenus mais que la mobilité demeure le but ultime de la politique des transports. Sans doute pour tenter de surmonter cette contradiction fondamentale, la commission annonce qu’elle devra disposer « à l’avenir » d’une panoplie plus vaste et plus souple d’ instruments d’action comme par exemple l’application uniforme de règlements européens en passant par une approche géographique différenciée, une plus grande coopération et une intégration technologique. Pour répondre à l’insuffisance démocratique dénoncée partout en Europe, la commission veut s’appuyer sur la consultation des citoyens mais on ne dit pas comment !
L’évolution des transports
Sur la période 1995-2004, la croissance n’a été que de 2,3% en moyenne pour l’UE alors que le transport de marchandise a progressé de 2,8% par an. Sur la période, le fret routier a augmenté de 35% (18% pour les passagers) ; Le transport aérien augmente de 50%, le fret ferroviaire seulement de 6%. La route est largement dominante : plus de 70% pour le fret en transports terrestre et 85% pour les passagers ; d’ici 2020, le transport de fret augmenterait de 50%, le transport de passagers de 35%. En 2020, la part du fret routier aura encore augmenté tandis que celle du rail aura reculé. Non seulement en 2020 les tendances actuelles ne seront pas inversées mais elles seront accentuées puisque la part de la route va encore augmenter tandis que celle du rail va diminuer. La part de la voiture va croître tandis que celle des transports en commun (bus, car, train, tram, métro) va régresser. On envisage seulement que l’équilibre modal se stabilisera à long terme, sans doute au-delà de 2020 (grâce à la congestion ?). Les conséquences pour l’environnement vont donc mécaniquement s’aggraver pendant 15 ou 20 ans (voire au-delà). Les transports intérieurs déjà responsables de 21% des émissions de gaz à effets de serre (Plus 23 % depuis 1990 à 2000) sont donc en contradiction avec les objectifs de Kyoto ; Entre 1990 et 2020, les émissions de Co2 de la route auront plus que doublé ! Une conséquence évidemment directe de la mobilité où la voiture occupe la place dominante, plus évidemment le recours accru aux pavillons routiers des nouveaux entrants dans l’UE. Ce recours à des pavillons économiques va déstabiliser encore un peu plus le contexte concurrentiel et l’environnement intermodal. La seule « action » envisagée est significative à cet égard puisqu’il est seulement prévu d’organiser « un vaste débat » à un horizon temporel de 20 à 40 ans.
Les télécoms comme modèle !
La commission estime que la libéralisation du marché intérieur stimule l’innovation et l’investissement et que le transport doit prendre exemple sur les télécoms afin de fournir le meilleur service au moindre coût. La comparaison semble quelque peu osée et bien peu pertinente ; On sait en effet que l’évolution des technologies en matière de communication ne cesse de permettre d’énormes gains de productivité, ce qui n’est pas le cas en transport. Par ailleurs, les télécommunications n’ont pratiquement aucun impact sur la qualité de l’environnement. A travers cette comparaison, on décèle clairement le contenu de la politique européenne des transports. La baisse des prix doit être le ressort essentiel du développement des transports. D’une manière générale, ce raisonnement ne saurait être contesté d’un point de vue économique mais appliqué aussi mécaniquement aux transports, il fait l’impasse sur l’une des spécificités de cette activité dont une grande partie des coûts est déterminée par la fiscalité, le social ou encore le prix de l’énergie. L’autre spécificité du transport étant de s’exercer dans l’espace public avec ses retombées sur l’environnement et la sécurité.
La régulation
La commission estime que le cadre du marché intérieur routier est bien établi et que le transport national est bien protégé ; en conséquence, le cabotage sera ouvert pour tous les Etats membres d’ici 2009 ; Seul le carburant pourra faire l’objet d’une réduction des écarts excessifs. Pour le fret ferroviaire, le cadre juridique de la libéralisation sera terminé d’ici 2007 et le troisième paquet législatif ouvrira aussi le transport international de voyageurs. Parallèlement l’UE s’attaquera aux derniers obstacles techniques comme l’interopérabilité, la reconnaissance mutuelle du matériel roulant, la coordination des infrastructures et des systèmes informatiques. Comme pour la nouvelle tarification routière, l’UE mettra au point une tarification d’usage des infrastructures. Les projets prioritaires dans le cadre des réseaux transeuropéen seront soutenus financièrement. La commission étudiera par ailleurs la possibilité d’un réseau de fret ferroviaire. Pour le transport aérien, on compte sur la création en cours du ciel unique pour accroître l’efficacité de ce mode ainsi que sur la gestion du trafic tout en mettant au point des mesures pour limiter les conséquences sur l’environnement. Pour le maritime, il s’agit d’élaborer une stratégie pour la création d’un espace maritime européen (ce que ne permettent pas actuellement les réglementations internationales) accompagnée d’une politique portuaire de coopération et de spécialisation, le transport à courte distance et les autoroutes de la mer seront aussi soutenues. Pour la voie d’eau, l’UE mettra en œuvre le plan d’action « Naïades » pour la promotion de ce mode.
Emplois et conditions de travail
Les transports et surtout le transport routier constituent un gisement très important d’emplois (environ 10 millions pour les services transports, l’équipement et les infrastructures) mais on constate des pénuries de personnel qualifié ; LUE encouragera la formation et soutiendra les incitations à entrer dans les métiers du transport. La commission constate bien les variations considérables dans les coûts de main d’œuvre, variations liées aux salaires, charges et conditions de travail. Des variations qui perturbent les conditions de concurrence entre modes et à l’intérieur du mode routier. Elle se borne cependant à envisager d’éventuelles adaptations sans autre précision, renvoyant par ailleurs les problèmes au dialogue entre partenaires dans un cadre transfrontalier.
Transports urbains
La commission constate que 80% des européens vivent en milieu urbain et que les transports y génèrent 40% des émissions de CO2, 70% des autres polluants et 33% de la mortalité routière. Dans ce domaine, ce sont les villes elles-mêmes qui ont surtout pris des initiatives mais la commission va promouvoir l’échange des guides bonnes pratiques et, à travers la législation en cours sur les services de transport public, fournira un cadre juridique clair. Un livre vert sera publié pour étudier la valeur ajoutée de l’UE dans ce domaine.
Enérgie
Les transports absorbent 70% du pétrole consommé dans l’UE (60% sont consommés par le transport routier). La commission présentera d’ici fin 2006 un plan d’action sur l’efficacité énergétique notamment pour encourager le recours à d’autres combustibles (biocarburants, gaz naturel, hydrogène, électricité etc.). Un projet de conception de poids lourd respectueux de l’environnement serait étudié. Un vaste programme d’avenir sur les véhicules à propulsion propre serait lancé.
Infrastructures
Les RTE doivent offrir les infrastructures nécessaires au marché intérieur mais la commission reconnaît que certaines régions du centre-ouest, autour des montagnes et dans les zones urbaines sont victimes de congestion et de pollution. La commission compte sur une mobilité intelligente, une gestion judicieuse de la demande, les investissements dans les infrastructures nouvelles et l’amélioration d’infrastructures intelligentes existantes. Le développement des nouveaux équipements sera toutefois limité par les capacités de financement. Les RTE répertoriés en 2004 représentent des coûts de 250 milliards d’euros mais les niveaux d’investissements des membres de L’UE ont chuté. Ces investissements représentent actuellement moins de 1% du PIB. Par ailleurs, les nouvelles perspectives financières pour l’Union sur la période 2007-2013 ne prévoient qu’un accroissement limité du budget pour les RTE. De nouveaux modèles d’ingénierie financière devront donc être élaborés (notamment Partenariats publics-privés) et les redevances d’usage davantage sollicitées pour les réseaux commercialement les plus rentables. L’UE pourrait permettre de débloquer 20 milliards d’emprunts bancaires grâce à la provision d’une réserve de liquidités de 1 milliard.
La tarification
Une tarification dite intelligente des infrastructures sera mise en œuvre pour optimiser le trafic et mieux respecter l’environnement. En application de la directive sur la tarification routière, la commission présentera au plus tard en Juin 2008, un modèle universel, transparent et compréhensible pour l’évaluation des coûts externes et leur intégration dans le calcul de la tarification. Une réflexion plus vaste englobera plus tard les autres modes de transport (on se demande pourquoi la réflexion n’est pas menée conjointement mais comme l’intermodalité est abandonnée, il y a une certaine cohérence dans l’incohérence). La commission admet qu’il conviendra toutefois tenir compte de la charge globale qui pèse sur les particuliers et les entreprises. Il s’agit là d’une préoccupation toute nouvelle dont on ne peut que se réjouir dans la mesure où c’est bien la pression fiscale (et sociale) qui plombe la compétitivité et handicape particulièrement le pavillon français. Reste à savoir comment il en sera tenu compte et dans quelle proportion. Dans la pratique force est de constater, que les Etats et notamment la France s’appuient sur ces orientations européennes pour augmenter la fiscalité du transport routier notamment des péages ; En fait l’Europe faute de pouvoir favoriser l’intermodalité, l’UE s’investit dans l’ingénierie fiscale routière. Une politique qui ne changera pas évidemment la répartition modale mais qui permettra de disposer encore de nouvelles ressources pour les Etats budgétivores de la vielle Europe.
La mobilité intelligente
La commission compte beaucoup sur les systèmes intelligents (navigation, communication, automatisation, suivi des flux s’appuyant notamment sur Galiléo, opératoire à partir de 2010). Un cadre stratégique pour la logistique intelligente du fret sera élaboré après une large consultation. De même on encouragera le projet de la voiture intelligente et le développement des infrastructures intelligentes également. Le qualificatif « intelligent » revient à de très nombreuses reprises dans le document de la commission et est associé au matériel, aux infrastructures, aux systèmes ou encore à la tarification. Les libertés de la sémantique européenne qui permettent d’attribuer de l’intelligence à tout auraient pu concerner d’abord la politique des transports, ceux qui l’orientent et ceux qui la dirigent. En effet, dans sa grande naïveté, la commission persévère dans sa conception de l’Europe y compris dans le domaine des transports, comme si cette conception était comprise, pertinente et démocratiquement validée. Comme si la régulation avait un contenu opérationnel réel. La commission estime que ce cadre est pourtant bien réel puisqu’elle envisage d’en étendre le contenu aux pays candidats à l’adhésion, aux pays engagés dans le processus de stabilisation et d’association, aux partenaires de la politique européenne de voisinage et à la Russie. On constate que la commission fait peu de cas des objections actuelles sur la nature de la politique européenne et son mode d’élaboration. Même si dans la conclusion apparaît quand même la nécessité d’impliquer les citoyens et les entreprises dans le cadre d’un « large dialogue » avec les parties concernées.
Un net changement de cap
Bien que la commission affirme que les orientations des livres blancs de 1992 et 2001 demeures valables, en réalité cette communication opère un virage assez net en matière de politique de transport en privilégiant le tout routier, la recours aux pavillons des nouveaux entrants dans l’UE au détriment du développement durable puisque par exemple les émissions de CO2 auront plu que doublé de 1990 à 2020. Les questions environnementales sont renvoyées à 2040. Après avoir péché par utopie vis à vis des perspectives réelles intermodales et vis à vis de la réduction de la mobilité, la commission pèche maintenant par laisser- faire, considérant-non sans raison-que la croissance devient la priorité pour l’Europe. On ne peut évidemment reprocher à L’Europe de vouloir soutenir une croissance devenue trop molle. Il y va de l’avenir des emplois et de la richesse de l’UE. On aurait quand même souhaité davantage de capacité d’autocritique de la part de la commission et aussi davantage d’intelligence car le problème majeur des transports réside dans l’extrême faiblesse des marges financières de la plupart des modes (quand elles existent !). Un meilleur équilibre devrait être trouvé entre la nécessité de la compétitivité globale, la santé financière du secteur et la préservation de l’environnement. Cela suppose vraisemblablement une remise à plat d’une régulation qui tient peu compte de ces deux derniers objectifs.
Source : commission européenne