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Dérive sanitaire-Tabac , Alcool, et substance psychoactive en hausse chez les ados

 Dérive sanitaire-Tabac , Alcool, et substance psychoactive en hausse chez les ados
La consommation d’alcool et de cigarettes électroniques chez les 11-15 ans est «alarmante» et requiert une action «urgente» des pouvoirs publics, estime la branche européenne de l’OMS dans un rapport rendu public jeudi 25 avril. «L’utilisation généralisée de substances nocives chez les enfants dans de nombreux pays de la région européenne – et au-delà – constitue une grave menace pour la santé publique », alerte le directeur régional de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) Hans Kluge.

Après des années de recul de l’usage des substances psychoactives, «certaines données suggèrent que la pandémie de Covid-19 a provoqué une nouvelle augmentation de la consommation», selon le rapport, qui rassemble les données de 280.000 jeunes en Europe, en Asie centrale et au Canada. Les mesures de confinement ont en effet modifié les habitudes des 11-15 ans qui ont été plus présents en ligne et exposés à des publicités numériques.

«Adopter des comportements à risque pendant l’adolescence peut influer sur le comportement à l’âge adulte, la consommation de substances psychoactives à un âge précoce étant liée à un risque plus élevé d’accoutumance», selon l’OMS. «Les décideurs politiques ne peuvent pas se permettre d’ignorer ces résultats alarmants», ajoute l’organisation.

 

L’alcool reste la substance la plus fréquemment consommée par les adolescents : 57% des jeunes de 15 ans en ont bu au moins une fois et près de quatre sur dix en ont consommé au cours des 30 derniers jours. «Ces résultats soulignent à quel point l’alcool est disponible et normalisé et montrent qu’il est urgent de prendre de meilleures mesures politiques pour protéger les enfants et les jeunes de (ses) méfaits», insiste l’organisation, qui rassemble 53 pays et s’étend jusqu’à l’Asie centrale.

L’OMS s’inquiète en parallèle de la consommation de cigarettes électroniques qui a augmenté en particulier chez les adolescents. «La transition vers les e-cigarettes en tant que choix plus populaire que les cigarettes conventionnelles appelle des interventions ciblées», écrit-elle, préconisant de viser «le placement de produits nocifs dans les jeux vidéo, les programmes de divertissement et d’autres contenus destinés aux jeunes via des plateformes multimédias».

Réalisée tous les quatre ans sous l’égide du bureau Europe de l’OMS, l’enquête HBSC (Health behaviour in school-aged children) décrit les comportements de santé des élèves de 11, 13 et 15 ans. Elle comporte différents volets dont celui consacré à l’usage de substances psychoactives.

Le danger sanitaire des polluants éternels

Le danger sanitaire des polluants éternels

Les polluants éternel (PFAS) concernent plusieurs milliers de substances chimiques : les perfluoroalkylés et polyfluoroalkylés (anciennement perfluorés et polyfluorés). Il s’agit de composés artificiels, synthétisés par l’homme à partir d’hydrocarbures, composés à base d’atomes de carbone et de fluor, reliés par des liaisons chimiques particulièrement stables. Les PFAS comportent une chaîne plus ou moins longue d’atomes de carbone liés à des atomes de fluor. Cette liaison carbone-fluor, très stable, est difficile à casser. Ces composés se dégradent donc très lentement. Un article de l’association « que choisir » fait le point sur leur nature.

Les PFAS présentent de nombreuses qualités intéressantes : antiadhésifs, imperméabilisants, antitaches, résistants aux chaleurs extrêmes et aux agents chimiques et biologiques, isolants, etc. Depuis les années 1950, ils sont largement utilisés dans de nombreux produits du quotidien : cuirs et textiles imperméables ou déperlants, emballages alimentaires, revêtements antiadhésifs des poêles et casseroles en Téflon, semelles de fer à repasser, cosmétiques, mousses anti-incendie, isolants de fils électriques, certains implants médicaux, peintures, détergents, pesticides (lire l’encadré), et jusque dans les fils dentaires et les cordes de guitare !

Utilisés pour leurs qualités antiadhésives, imperméabilisantes ou encore de résistance aux fortes chaleurs, les PFAS se retrouvent dans d’innombrables objets du quotidien.

Les liaisons chimiques entre les atomes de carbone et de fluor sont très stables, difficiles à casser. Ces substances se dégradent donc très lentement : sur des siècles, voire des millénaires pour certains. Conséquence, les PFAS se diffusent dans l’eau, les sols, l’air, jusqu’aux fonds océaniques et aux régions arctiques, et contaminent les organismes vivants, dont l’être humain. Ils font partie de la vaste catégorie des « polluants organiques persistants (POP) ».
Hélas, oui. Les PFAS se retrouvent dans l’environnement via les rejets industriels et domestiques, les déchets pas ou mal recyclés, ou encore les lieux de grands feux (usines, forêts, etc.) contre lesquels ont été utilisées des mousses anti-incendie. Une enquête menée par le quotidien Le Monde et 17 autres médias, dans le cadre du « Forever Pollution Project », a révélé début 2023 l’ampleur de cette pollution en Europe. Les journalistes ont identifié plus de 17 000 sites contaminés à des niveaux inquiétants, dont plus de 2 100 hot spots de contamination pollués à « des niveaux jugés dangereux pour la santé par les experts interrogés », explique Le Monde. Mais aucune cartographie officielle de la part des pouvoirs publics n’existe.

 

En France, la quasi-totalité du territoire métropolitain est concernée, à des taux plus ou moins élevés selon la proximité d’activités industrielles émettrices de PFAS. Cette contamination est « plus marquée » pour les nappes de la Limagne et d’Alsace, puis celles de la région rhodanienne, du Nord, de la vallée de la Seine, de la Meuse et de la Moselle et de leurs affluents, de Bretagne et de la Côte méditerranéenne. L’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd) constate plus globalement « une contamination générale modérée des eaux souterraines françaises » et ce, bien que « seuls quelques PFAS [soient] suivis », dans un rapport publié en avril 2023.

Parmi les alertes récentes, citons :

La pollution de nappes d’eau souterraines par les rejets du site industriel Arkema de Pierre-Bénite, au sud de Lyon (Rhône) ; l’Igedd établit que les rejets s’élevaient à 3,5 tonnes par an, « une situation préoccupante », admet-elle.
En Haute-Savoie, c’est l’agglomération d’Annecy qui a décidé de mettre à l’arrêt tous les captages de la principale nappe phréatique de l’agglomération en mars 2023, en raison de sa contamination.
Dans ce même département, la commune de Rumilly a annoncé que les poissons pêchés sur son territoire étaient impropres à la consommation.

L’ensemble de la population est contaminé, essentiellement par ingestion via l’eau et les aliments, ou par inhalation. L’étude nationale de santé Esteban (1) de 2014-2016 a détecté des PFAS chez 100 % de la population suivie, enfants comme adultes. En 2019, Que Choisir a effectué des prélèvements de poussière dans 53 maisons et appartements en France : 93 % étaient pollués par le PFOS.

L’organisme les éliminant lentement, ces substances s’accumulent dans le corps. Or, les effets délétères sur la santé sont multiples, et potentiellement graves : certains PFAS sont toxiques pour le foie et le rein, soupçonnés d’être cancérogène, neurotoxiques, reprotoxiques et perturbateurs endocriniens, ou favoriseraient l’obésité et le diabète de type 2… Certains sont particulièrement inquiétants, à l’instar du PFOA (reconnu « cancérogène pour les humains » par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) le 30 novembre 2023), du PFOS (reconnu « cancérogène possible »), du PFNA et du PFHxS (2). Et on sait désormais que certains de leurs métabolites (composés issus de leur dégradation) sont encore plus toxiques que les molécules initiales.

 

 

 

Santé-La qualité sanitaire d’ eaux minérales en cause

La qualité sanitaire d’ eaux minérales en cause

Des bactéries, des micropolluants et des contrôles insuffisants : la qualité sanitaire des eaux du groupe Nestlé (propriétaire des marques Contrex, Hépar, Perrier ou Vittel, n’est pas garantie, selon une note de l’Anses remise au ministère de la Santé en octobre dernier et révélée ce jeudi 4 avril par Franceinfo et Le Monde .

L’analyse, conduite par le laboratoire d’hydrologie de Nancy à la demande des ARS Grand Est et Occitanie, où sont situées des sources et points de captage de Nestlé, a relevé «un niveau de confiance insuffisant concernant l’évaluation de la qualité des ressources notamment en ce qui concerne la variabilité des contaminations et leur vulnérabilité microbiologique et chimique».

Les experts évoquent de «multiples constats de contaminations d’origine fécale», avec des bactéries coliformes, Escherichia coli ou entérocoques dans les eaux brutes, mais aussi la «présence chronique notable de micropolluants». Ils ont notamment trouvé dans ces eaux en bouteille des PFAS, dits «polluants éternels», qui dépassaient sur certaines sources le seuil de 0,1 microgramme par litre autorisé pour l’eau minérale naturelle.

 

Mis en cause , Nestlé tente de rassurer. Le géant de l’agroalimentaire, propriétaire des eaux en bouteille Vittel, Perrier, Contrex et Hépar, a affirmé vendredi à l’AFP avoir « intensifié la surveillance » de ses forages français « sous le contrôle des autorités » pour garantir la qualité sanitaire de ses produits.

« On a intensifié la surveillance des forages sous le contrôle des autorités » et « chaque bouteille qui sort de nos sites peut être bue par les consommateurs en toute sécurité », a déclaré la présidente de Nestlé France, Muriel Lienau, dans un entretien avec l’AFP.

La qualité sanitaire d’ eaux minérales en cause

La qualité sanitaire d’ eaux minérales en cause

Des bactéries, des micropolluants et des contrôles insuffisants : la qualité sanitaire des eaux du groupe Nestlé (propriétaire des marques Contrex, Hépar, Perrier ou Vittel, n’est pas garantie, selon une note de l’Anses remise au ministère de la Santé en octobre dernier et révélée ce jeudi 4 avril par Franceinfo et Le Monde .

L’analyse, conduite par le laboratoire d’hydrologie de Nancy à la demande des ARS Grand Est et Occitanie, où sont situées des sources et points de captage de Nestlé, a relevé «un niveau de confiance insuffisant concernant l’évaluation de la qualité des ressources notamment en ce qui concerne la variabilité des contaminations et leur vulnérabilité microbiologique et chimique».

Les experts évoquent de «multiples constats de contaminations d’origine fécale», avec des bactéries coliformes, Escherichia coli ou entérocoques dans les eaux brutes, mais aussi la «présence chronique notable de micropolluants». Ils ont notamment trouvé dans ces eaux en bouteille des PFAS, dits «polluants éternels», qui dépassaient sur certaines sources le seuil de 0,1 microgramme par litre autorisé pour l’eau minérale naturelle.

Politique -L’enjeu sanitaire et sociétal de l’accès aux soins (Cynthia Fleury)

Politique -L’enjeu sanitaire et sociétal de l’accès aux soins (Cynthia Fleury)

Cynthia Fleury, la philosophe pour La Tribune, l revient dans un long entretien sur ce qui pourrait être une réconciliation entre la santé et le soin.

Cynthia Fleury, professeur titulaire de la Chaire Humanités et Santé du Conservatoire national des arts et métiers, titulaire de la Chaire de Philosophie du GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences


En quoi le soin – l’accès, la qualité – est-il un marqueur singulier des inégalités au sein de la population française ?

CYNTHIA FLEURY- Le soin est un marqueur des inégalités d’abord dans le phénomène de conscientisation et d’autorisation d’accès aux soins. Les êtres humains n’appréhendent pas le soin de la même façon. Cette approche peut avoir différentes influences : a-t-on fait l’objet de soins (ou pas) ? se considère-t-on (ou pas) soi-même comme l’objet ou le sujet d’un soin ? la généalogie et la culture auxquelles on est lié encouragent-elles (ou pas) au droit de prendre soin de son corps ? les histoires personnelles dont on est l’enfant, conditionnent-elles (ou pas) à accéder au soin ? etc. Les niveaux de conscientisation composent une grande variété de configurations.

D’autre part, la réalité très « basique » des territoires exerce un impact sur ces inégalités. Le soin n’est pas qu’une affaire individuelle, il est aussi une affaire collective, insérée dans des politiques publiques locales ou nationales. Les études sociologiques, démographiques le démontrent, et la traduction politique et électorale de ce biais incontestable en est une illustration supplémentaire : que l’on vive au cœur d’une grande métropole ou dans un hameau du centre de la France ne donne pas le même accès aux soins. Or, rien n’est plus structurel que le soin, puisque du soin dépend notre existence même. Il est un besoin vital, et donc les inégalités qui lui sont corrélées sont particulièrement aiguës.

Alors justement, de tous les domaines dans lesquels s’expriment les inégalités, peut-on, d’un point de vue philosophique, considérer celui du soin comme le plus insupportable – si l’on s’accorde sur le fait que notre exposition à la santé est à la fois la plus essentielle et la plus aléatoire ?

Question délicate. Il est difficile de hiérarchiser les besoins fondamentaux. Il y a bien sûr des truismes ; sans accès à l’eau ou à la nourriture, point de vie. Personne ne peut mettre en doute que le soin est un besoin vital, non négociable, personne ne peut contester que l’inégalité d’accès aux soins provoque une situation de stigmatisation et de discrimination inadmissible, personne ne doit ignorer que cette inégalité non seulement met en danger le sujet mais, en plus, irradie son environnement familial. Pour autant, faut-il considérer cet accès aux soins comme une essentialité supérieure à l’accès à l’éducation ? Cela peut sembler évident, mais cela ne l’est pas. Car finalement, que l’on parle d’accès inégal aux soins ou à la connaissance, à la culture, à l’éveil, tout cela fait partie d’une même matrice d’injustice, et dans les mêmes proportions l’onde de choc dépasse le sujet pour affecter le collectif auquel il est lié. Fondamentalement, l’éducation et le soin sont des items très connexes. Dans la définition très politisée que j’en fais, le soin signifie « rendre capacitaire un corps » ; or rendre capacitaire un corps, c’est le rendre accessible à tous les régimes d’attention, qu’il s’agisse de soins, d’idées, de savoirs, de créativité.

D’un point de vue politique, le soin n’est donc pas plus cardinal que d’autres domaines régaliens (éducation, justice, travail) pour mieux faire société ensemble…

Exactement. Reste toutefois une singularité : il est plus matriciel que tous les autres, car d’un point de vue généalogique il se situe en amont. Sans accès aux savoirs ou à la culture on est très peu ; mais si en amont on est sans accès aux soins, on n’est rien. Et entre les deux, il y a un accès charnière : celui aux soins des toutes premières années. Il est charnière car de sa qualité dépend la disposition aux autres fondamentaux (précités) que, graduellement dans le temps, l’être humain va rencontrer.

Chaque pilier de la société est en permanence questionné sur son rapport à l’économie marchande. Le néolibéralisme hégémonique depuis trois décennies a entraîné un tsunami de privatisations qui n’épargne pas le monde du soin. Pour du bon et surtout pour le pire ? S’il est établi qu’elle est un bien commun, comment la santé peut-elle s’accommoder d’un modèle de plus en plus privé – le scandale Orpea, coté en Bourse, a mis cruellement en lumière cette dérive ?

Pour un peu de bon et en effet, surtout pour le pire – à ce titre aussi, le parallèle avec l’éducation est criant. Depuis une trentaine d’années, le mécanisme de marchandisation et de privatisation des biens communs fondamentaux fait son œuvre. Et c’est invariable : à un moment s’impose une bascule dans quelque chose de nature entropique, par la faute de laquelle le désordre prend des proportions délétères. Une privatisation partielle, contrôlée, régulée du soin est possible, elle peut même être souhaitable dans certaines circonstances ; mais lorsqu’elle devient dominante, lorsqu’elle devient la règle, c’est l’entièreté du système de soins qu’elle met en péril.


Le système de soins et, au-delà, la civilisation elle-même ? Les pays anglo-saxons ont fait le choix d’un modèle ultralibéral et délibérément inégalitaire, un modèle parfaitement assumé dans sa philosophie politique. « Ce » que ces nations ont fait de leur système de soins, et en filigrane « ce » que ces sociétés humaines sont devenues aujourd’hui – avec une « traduction politique » dont l’avènement de Donald Trump et le Brexit sont les symptômes paroxystiques -, prophétise-t-il des nations et des sociétés en déclin d’un point de vue civilisationnel ?

Selon moi, une société, une culture qui fait le choix de marchandiser à outrance le soin et l’éducation – je ne dissocie pas les deux sujets – se prépare à des lendemains de guerre, à des fractures frontales délirantes, à des zones de non-État de droit, puisque l’incurie ne peut que surgir d’une telle configuration. Une situation donc propice à un recul civilisationnel. L’incurie mêlée à l’inculture – au sens de la « non-éducation » -, que provoque-t-elle en effet ? Misère, ségrégation, violence, barbarie. Et au final, le fracas. À quelle situation cette conception binaire, manichéenne de la société ainsi cultivée par les États-Unis expose-t-elle ? À une confrontation, séparée par une longue mais fragile frontière, opposant d’un côté des populations extrêmement aisées, protégées, dans un rapport fructueux au corps et à l’éducation, de l’autre des populations de plus en plus démunies, précaires, abandonnées, et donc prêtes, très logiquement, à en découdre.

L’économie de la santé et la philosophie du soin ne font pas spontanément « bon ménage ». Ne font plus, est-on tenté de préciser. Du vaste éventail des secteurs d’activité, la santé est-il le plus sensible à dégager une ligne de crête éthique vers laquelle convergent les deux approches ?

Cette ligne de crête, on peut la définir par les « humanités médicales ». Que désigne-t-on par ce terme ? Une éthique appliquée, qui s’emploie à maintenir l’approche centrée sur la personne malade et pas seulement sur la maladie. Or que constate-t-on ? L’insuffisance de ces humanités médicales dans les parcours de soins s’accompagne d’un enchérissement considérable du coût économique. Les négliger, c’est prendre l’initiative que le coût de la prévention, celui de la rééducation, celui des maladies chroniques, celui du burn out des personnels soignants, celui des risques psychosociaux, vont grever substantiellement l’économie du secteur. Faire l’économie d’une stratégie en faveur des humanités médicales se solde par une aggravation considérable du coût économique de la filière. Ce que l’on pense gagner d’un côté, on le fait payer plus lourdement à toute la société…

… preuve que la santé est un enjeu de démocratie. Mais a-t-on oublié que le soin lui-même l’est ?

Autrefois, santé et soin partageaient un même sens. Ils se sont dissociés au fur et à mesure que le syndrome scientiste a pris le pouvoir : une approche hypertechniciste, centrée sur le fameux cure (guérir) et l’objectivation de la maladie, s’est imposée. Elle est utile, mais elle ne suffit pas. Prenons l’exemple d’une femme atteinte d’un cancer du sein. L’objectivation du diagnostic l’oriente vers un protocole précis (chimiothérapie, chirurgie, etc.) à l’issue duquel elle guérit. Mais qui se préoccupe des dégâts physiques, psychiques, émotionnels qui, eux, vont perdurer ? Qui prend en considération, dans la durée et au-delà de la guérison, des stigmates collatéraux : épuisement du traitement, usure du combat, séquelles irréversibles, possiblement dépression, voire divorce ou perte d’emploi ? En France, l’enjeu du recovery (rétablissement) est très faiblement investi. La santé n’est pas circonscrite aux seuls buts médicaux, elle réclame une approche extensive (avant et après autant que pendant) qui, alors, devient soin. Cessons d’opposer des moments en réalité indissociables les uns des autres, et travaillons à les complémentariser. Ne peut-on pas croire qu’être attentif à l’après est déterminant pour appréhender du mieux possible l’épreuve du traitement ? Le rétablissement démarre le jour J. Dans la spécialité de l’oncologie, cette évidence s’impose de mieux en mieux, les parcours de soins sont réinventés, et ce progrès doit beaucoup aux remontées des « expertises patients ».


Les médecins généralistes réclament le doublement de leurs honoraires – figés à 25 €. Ce débat est le symbole d’un questionnement central : la société en général et les pouvoirs publics en particulier ne reconnaissent pas le soin à sa « juste valeur » et donc les soignants à leur juste valeur. Quelle interprétation philosophique et politique peut-on en faire ? Comment déterminer la « juste valeur » d’un soin ?

Sujet récurrent, toujours éminemment sensible. Et que l’on peut d’ailleurs appliquer à d’autres domaines ; lorsque j’étais chercheuse au laboratoire Conservation des espèces, restauration et suivi des populations (au muséum national d’Histoire naturelle), combien de fois s’était-on interrogé sur ce qui distingue les valeurs intrinsèque et instrumentale de la nature, sur l’opportunité de lui affecter (ou non) une valeur économique, sur les conditions de sa possible monétarisation ! Le soin questionne des ressorts similaires. A priori, il est un sujet indivisible, qui n’a pas de prix – tout comme l’éducation, la culture, etc. Mais « en même temps » nous évoluons dans des régimes de contrainte, de rareté de la ressource, dans une économie de marché qui, de fait, établit une valeur et donc un prix. L’enjeu est que la traduction pécuniaire de cette obligation s’effectue de la manière la plus démocratique, la plus raisonnable, la plus collégiale qui soit, en d’autres termes, la plus respectueuse de la valeur, inquantifiable, du soin que l’on apporte à un être humain. Et ce prix est nécessairement variable.

Je suis favorable à ce que les participants des humanités médicales abordent la dimension économique – et ses déclinaisons écosystémiques : le modèle du temps, la formation, etc. Ce n’est pas dans leur culture, mais éluder le sujet revient à mal le traiter, et à laisser les arbitrages à des mains qui ne sont pas les plus bienveillantes. Par exemple, la tarification à l’acte a délibérément démonétarisé la question, centrale, du temps qui est dévolu à l’accueil, à l’écoute, au diagnostic, au partage collégial. Or, ces temps sont absolument indispensables. Ne faut-il pas mettre en débat la nécessité de monétariser le temps institutionnel auquel sont liés les soignants ? le temps des explications que le médecin doit au patient ? Cela peut sembler très indélicat ; mais indexer une valeur économique à ces temps si essentiels et si malmenés, est peut-être le seul moyen de reconnaître et, dans nombre de circonstances, de ressusciter le temps du soin, sans lequel il n’y a pas de santé de qualité.

Vous avez été commissaire en 2022 d’une grande exposition, Ville, architecture et soin – présentée au Pavillon de l’Arsenal. Dans l’histoire des villes et des sociétés urbaines, le soin a toujours exercé un rôle cardinal. Est-ce encore le cas ?

Ce rôle demeure très prégnant. Les sociétés occidentales ne sont pas seulement des États de droit, elles sont des États sociaux de droit. Or tout État social de droit sollicite la matérialisation d’un droit, laquelle prend souvent la forme du soin. En effet, les disciplines du soin – tout comme l’école – participent à la sectorisation d’une ville. Exemples ? La psychiatrie de secteur, au nom de laquelle chaque quartier dispose d’un accès à un CMP (centre médico-psychologique). Mais aussi le grand âge – l’allongement de l’espérance de vie et la dépendance convoquent la transformation des habitats – et le développement des soins à domicile. L’enjeu, nouveau, de la déstigmatisation entraîne la création de care commons, des communs du soin. Ces tiers lieux se multiplient, en particulier en psychiatrie adolescente car il est moins stigmatisant de s’y rendre que dans un établissement traditionnel. Voilà quelques leviers de réorganisation de la ville à partir du soin ; elle se manifeste en son cœur comme en périphérie, au profit de tous les âges et de toutes sortes de pathologies – or la transformation de nos conditions d’existence provoque une augmentation des troubles comportementaux qui nécessite de telles structures. Enfin, n’oublions pas que le soin constitue la « première porte d’entrée » de la politique d’accueil des villes en faveur des personnes immigrées ou déplacées.

Un bémol, toutefois. L’histoire met en exergue l’ambivalence, la face cachée du soin : il signifie aussi la surveillance. Ce que je dénomme la « biensurveillance » est à opposer à la tentation d’organiser le soin au profit d’un contrôle de l’ordre. Preuve que la tension du biopouvoir est omniprésente dans le domaine de la santé publique.

Les dysfonctionnements de l’organisation de la santé et les inégalités d’accès aux soins mettent en lumière les immenses disparités géographiques, les déficits accumulés en matière d’aménagement et d’équilibre des territoires, mais aussi les écarts selon les habitats. Habite-t-on son corps, et habite-t-on son corps malade selon les conditions dans lesquelles on habite son lieu de vie ? De vivre dans le silence ou dans le bruit, dans un quartier résidentiel ou dans une cité, près ou loin de son travail, au cœur d’une métropole ou dans un village, y a-t-il un impact mesurable sur la manière dont nous habitons notre corps ?

Voilà des situations d’inégalité déterminantes. La manière dont nous habitons notre corps est d’ordre culturel. Or, le constat est que nous habitons encore assez peu notre corps, plus exactement nous l’habitons selon le silence ou le réveil des organes. Nous peinons à habiter notre corps en dehors de l’expérience de la maladie. Notre rapport au corps s’améliore, mais il reste encore assez abstrait, et la marge de progrès est importante.

C’est une réalité : l’individu habite son corps malade d’autant plus difficilement que le milieu auquel il est lié n’est pas soutenant – d’un point de vue économique, social, culturel. Un corps malade est d’autant plus vulnérable qu’il est totalement poreux à son environnement. Voilà pourquoi aujourd’hui les humanités médicales travaillent sur l’ensemble des « enveloppes » de l’individu : l’enveloppe corporelle bien sûr, mais aussi les autres déterminants (milieu architectural, design, mobilité, paysage, accès aux éveils, etc.), car c’est de ce continuum de « tous les habitats » que dépendent les leviers d’aide et donc la capacité d’un corps de se rétablir.

Comment exercer le soin – et non pas la « simple » santé – lorsque les conditions de travail (rémunération, organisation du travail, reconnaissance) sont à ce point difficiles ? Comment pratiquer un soin humain lorsque ces conditions sont jugées par beaucoup déshumanisées ?

Les soignants trouvent les ressorts, parfois héroïques, dans l’ethos de leur métier, c’est-à-dire dans le sens, le fait d’être utile. Or justement, c’est ce vocationnel et l’exercice éthique du métier que les défaillances du système frappent en premier lieu, et elles provoquent une immense souffrance. Dans les ateliers dédiés au burn out, le nombre de soignants venus consulter pour se soigner et retrouver les forces pour « repartir au combat » ne cesse de progresser. Comment s’étonner alors du nombre de démissions et de la grande complexité des recrutements ? Les institutions ont commencé à se saisir du problème, elles admettent que l’attractivité de ces métiers passe par une requalification à la fois salariale et symbolique – par exemple, cesser de considérer les soignants comme des pions remplaçables. C’est un enjeu – et un choix – de politique publique. Mais ce problème n’est pas propre au soin ; regardez l’état social de l’université…

Le système de soins souffre de l’emprise très excessive du pouvoir administratif. La montée en puissance de cette expertise fut une nécessité de gestion – d’autant plus cruciale que l’administration d’un établissement de soins est devenue extraordinairement complexe -, mais elle s’est faite au détriment de l’expertise des soignants, aujourd’hui reléguée. Et cela participe au chaos humain qu’éprouve le système hospitalier. La santé est-elle la démonstration paroxystique de la technocratie qui enkyste la France ?

On dispose désormais d’enquêtes fouillées sur ce que l’on nomme le malaise institutionnel, voire la maltraitance institutionnelle. Et parmi les critères figurent en effet la bureaucratie, la technocratie, le rationalisme gestionnaire, le « temps volé » – lire Excel m’a tuer, l’hôpital fracassé, de Bernard Granger (Odile Jacob, 2022). Le mal est là, et il faut absolument l’arrêter. Il ne s’agit pas de dénoncer la possibilité d’évaluation ou l’utilité des gestionnaires ; simplement il faut cesser de prendre les soignants pour des abrutis et les enfermer dans un carcan technocratique absolument délétère, qui nuit à l’exercice de leur expertise et au final pénalise le soin, et donc les patients. Des expériences de binômes médecins-administratifs se développent, les premiers pesant très fortement sur la gouvernance des fonds. Les premiers retours sont intéressants.

Comptabiliser, quantifier, normer, noter, comparer, évaluer quadrillent notre quotidien, et donc celui des professionnels de la santé. La dictature du chiffre est un facteur clé de déshumanisation. La pratique du soin peut-elle encore s’en émanciper ?

Rien de sain ne peut s’accommoder d’une dictature, quelle qu’elle soit ; le principe même d’un système est de défendre l’indivisibilité des objectifs et non pas l’hyperdivisibilité, voire l’exclusivité d’un seul objectif. Dès lors qu’un unique objectif est fixé, par exemple le profit, la gestion de la rareté, que sais-je, le système s’expose à une tyrannie dudit objectif. C’est valable dans tout domaine, pas seulement celui du soin. Et je constate que sous la pression climato-environnementale, de la raison d’être, des objectifs de RSE, et pour être en phase avec l’obligation de transition (écologique, énergétique), les entreprises révisent leurs normes comptables, et donc réévaluent leur rapport au contrat social. Voilà pourquoi il faut trouver un terrain d’entente, et ce terrain d’entente doit replacer les humanités médicales au cœur et non plus en périphérie des enjeux.

Autre sujet riche d’espérance et d’inquiétudes : la technologisation exponentielle du soin. Espérance parce qu’elle laisse entrevoir d’immenses progrès techniques, inquiétudes que la machine relègue l’intervention humaine et, là encore, déshumanise le soin. À quelles conditions le progrès de l’un peut-il ne pas provoquer le déclin de l’autre ?

La règle est que l’outil doit avoir pour objectif de toujours renforcer les capacités des humains, patients, aidants et soignants. Pour les premiers, cela signifie qu’il ne doit pas générer de fractures, de sentiment d’exclusion ; de manière plus générale, l’outil numérique ne doit pas renforcer le liberticide ou l’hyper-normatif ; il doit s’accommoder à la singularité de l’humain et ce dernier ne doit pas se sentir « machinisé ». En d’autres termes, l’outil doit être configuré pour être human friendly. Le monitoring de la santé, connecté à la data, est un excellent exemple de cette ambivalence : il permet d’avoir des approches personnalisées, il peut aussi motiver des approches profondément normalisantes, voire qui sanctionnent si la surveillance des observances le « justifie ». L’hypersurveillance et l’hypernormalisation de l’individu constituent un vrai danger.

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Société-L’enjeu sanitaire et sociétal de l’accès aux soins (Cynthia Fleury)

Société-L’enjeu sanitaire et sociétal de l’accès aux soins (Cynthia Fleury)

Cynthia Fleury, la philosophe pour La Tribune, l revient dans un long entretien sur ce qui pourrait être une réconciliation entre la santé et le soin.

Cynthia Fleury, professeur titulaire de la Chaire Humanités et Santé du Conservatoire national des arts et métiers, titulaire de la Chaire de Philosophie du GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences


En quoi le soin – l’accès, la qualité – est-il un marqueur singulier des inégalités au sein de la population française ?

CYNTHIA FLEURY- Le soin est un marqueur des inégalités d’abord dans le phénomène de conscientisation et d’autorisation d’accès aux soins. Les êtres humains n’appréhendent pas le soin de la même façon. Cette approche peut avoir différentes influences : a-t-on fait l’objet de soins (ou pas) ? se considère-t-on (ou pas) soi-même comme l’objet ou le sujet d’un soin ? la généalogie et la culture auxquelles on est lié encouragent-elles (ou pas) au droit de prendre soin de son corps ? les histoires personnelles dont on est l’enfant, conditionnent-elles (ou pas) à accéder au soin ? etc. Les niveaux de conscientisation composent une grande variété de configurations.

D’autre part, la réalité très « basique » des territoires exerce un impact sur ces inégalités. Le soin n’est pas qu’une affaire individuelle, il est aussi une affaire collective, insérée dans des politiques publiques locales ou nationales. Les études sociologiques, démographiques le démontrent, et la traduction politique et électorale de ce biais incontestable en est une illustration supplémentaire : que l’on vive au cœur d’une grande métropole ou dans un hameau du centre de la France ne donne pas le même accès aux soins. Or, rien n’est plus structurel que le soin, puisque du soin dépend notre existence même. Il est un besoin vital, et donc les inégalités qui lui sont corrélées sont particulièrement aiguës.

Alors justement, de tous les domaines dans lesquels s’expriment les inégalités, peut-on, d’un point de vue philosophique, considérer celui du soin comme le plus insupportable – si l’on s’accorde sur le fait que notre exposition à la santé est à la fois la plus essentielle et la plus aléatoire ?

Question délicate. Il est difficile de hiérarchiser les besoins fondamentaux. Il y a bien sûr des truismes ; sans accès à l’eau ou à la nourriture, point de vie. Personne ne peut mettre en doute que le soin est un besoin vital, non négociable, personne ne peut contester que l’inégalité d’accès aux soins provoque une situation de stigmatisation et de discrimination inadmissible, personne ne doit ignorer que cette inégalité non seulement met en danger le sujet mais, en plus, irradie son environnement familial. Pour autant, faut-il considérer cet accès aux soins comme une essentialité supérieure à l’accès à l’éducation ? Cela peut sembler évident, mais cela ne l’est pas. Car finalement, que l’on parle d’accès inégal aux soins ou à la connaissance, à la culture, à l’éveil, tout cela fait partie d’une même matrice d’injustice, et dans les mêmes proportions l’onde de choc dépasse le sujet pour affecter le collectif auquel il est lié. Fondamentalement, l’éducation et le soin sont des items très connexes. Dans la définition très politisée que j’en fais, le soin signifie « rendre capacitaire un corps » ; or rendre capacitaire un corps, c’est le rendre accessible à tous les régimes d’attention, qu’il s’agisse de soins, d’idées, de savoirs, de créativité.

D’un point de vue politique, le soin n’est donc pas plus cardinal que d’autres domaines régaliens (éducation, justice, travail) pour mieux faire société ensemble…

Exactement. Reste toutefois une singularité : il est plus matriciel que tous les autres, car d’un point de vue généalogique il se situe en amont. Sans accès aux savoirs ou à la culture on est très peu ; mais si en amont on est sans accès aux soins, on n’est rien. Et entre les deux, il y a un accès charnière : celui aux soins des toutes premières années. Il est charnière car de sa qualité dépend la disposition aux autres fondamentaux (précités) que, graduellement dans le temps, l’être humain va rencontrer.

Chaque pilier de la société est en permanence questionné sur son rapport à l’économie marchande. Le néolibéralisme hégémonique depuis trois décennies a entraîné un tsunami de privatisations qui n’épargne pas le monde du soin. Pour du bon et surtout pour le pire ? S’il est établi qu’elle est un bien commun, comment la santé peut-elle s’accommoder d’un modèle de plus en plus privé – le scandale Orpea, coté en Bourse, a mis cruellement en lumière cette dérive ?

Pour un peu de bon et en effet, surtout pour le pire – à ce titre aussi, le parallèle avec l’éducation est criant. Depuis une trentaine d’années, le mécanisme de marchandisation et de privatisation des biens communs fondamentaux fait son œuvre. Et c’est invariable : à un moment s’impose une bascule dans quelque chose de nature entropique, par la faute de laquelle le désordre prend des proportions délétères. Une privatisation partielle, contrôlée, régulée du soin est possible, elle peut même être souhaitable dans certaines circonstances ; mais lorsqu’elle devient dominante, lorsqu’elle devient la règle, c’est l’entièreté du système de soins qu’elle met en péril.


Le système de soins et, au-delà, la civilisation elle-même ? Les pays anglo-saxons ont fait le choix d’un modèle ultralibéral et délibérément inégalitaire, un modèle parfaitement assumé dans sa philosophie politique. « Ce » que ces nations ont fait de leur système de soins, et en filigrane « ce » que ces sociétés humaines sont devenues aujourd’hui – avec une « traduction politique » dont l’avènement de Donald Trump et le Brexit sont les symptômes paroxystiques -, prophétise-t-il des nations et des sociétés en déclin d’un point de vue civilisationnel ?

Selon moi, une société, une culture qui fait le choix de marchandiser à outrance le soin et l’éducation – je ne dissocie pas les deux sujets – se prépare à des lendemains de guerre, à des fractures frontales délirantes, à des zones de non-État de droit, puisque l’incurie ne peut que surgir d’une telle configuration. Une situation donc propice à un recul civilisationnel. L’incurie mêlée à l’inculture – au sens de la « non-éducation » -, que provoque-t-elle en effet ? Misère, ségrégation, violence, barbarie. Et au final, le fracas. À quelle situation cette conception binaire, manichéenne de la société ainsi cultivée par les États-Unis expose-t-elle ? À une confrontation, séparée par une longue mais fragile frontière, opposant d’un côté des populations extrêmement aisées, protégées, dans un rapport fructueux au corps et à l’éducation, de l’autre des populations de plus en plus démunies, précaires, abandonnées, et donc prêtes, très logiquement, à en découdre.

L’économie de la santé et la philosophie du soin ne font pas spontanément « bon ménage ». Ne font plus, est-on tenté de préciser. Du vaste éventail des secteurs d’activité, la santé est-il le plus sensible à dégager une ligne de crête éthique vers laquelle convergent les deux approches ?

Cette ligne de crête, on peut la définir par les « humanités médicales ». Que désigne-t-on par ce terme ? Une éthique appliquée, qui s’emploie à maintenir l’approche centrée sur la personne malade et pas seulement sur la maladie. Or que constate-t-on ? L’insuffisance de ces humanités médicales dans les parcours de soins s’accompagne d’un enchérissement considérable du coût économique. Les négliger, c’est prendre l’initiative que le coût de la prévention, celui de la rééducation, celui des maladies chroniques, celui du burn out des personnels soignants, celui des risques psychosociaux, vont grever substantiellement l’économie du secteur. Faire l’économie d’une stratégie en faveur des humanités médicales se solde par une aggravation considérable du coût économique de la filière. Ce que l’on pense gagner d’un côté, on le fait payer plus lourdement à toute la société…

… preuve que la santé est un enjeu de démocratie. Mais a-t-on oublié que le soin lui-même l’est ?

Autrefois, santé et soin partageaient un même sens. Ils se sont dissociés au fur et à mesure que le syndrome scientiste a pris le pouvoir : une approche hypertechniciste, centrée sur le fameux cure (guérir) et l’objectivation de la maladie, s’est imposée. Elle est utile, mais elle ne suffit pas. Prenons l’exemple d’une femme atteinte d’un cancer du sein. L’objectivation du diagnostic l’oriente vers un protocole précis (chimiothérapie, chirurgie, etc.) à l’issue duquel elle guérit. Mais qui se préoccupe des dégâts physiques, psychiques, émotionnels qui, eux, vont perdurer ? Qui prend en considération, dans la durée et au-delà de la guérison, des stigmates collatéraux : épuisement du traitement, usure du combat, séquelles irréversibles, possiblement dépression, voire divorce ou perte d’emploi ? En France, l’enjeu du recovery (rétablissement) est très faiblement investi. La santé n’est pas circonscrite aux seuls buts médicaux, elle réclame une approche extensive (avant et après autant que pendant) qui, alors, devient soin. Cessons d’opposer des moments en réalité indissociables les uns des autres, et travaillons à les complémentariser. Ne peut-on pas croire qu’être attentif à l’après est déterminant pour appréhender du mieux possible l’épreuve du traitement ? Le rétablissement démarre le jour J. Dans la spécialité de l’oncologie, cette évidence s’impose de mieux en mieux, les parcours de soins sont réinventés, et ce progrès doit beaucoup aux remontées des « expertises patients ».


Les médecins généralistes réclament le doublement de leurs honoraires – figés à 25 €. Ce débat est le symbole d’un questionnement central : la société en général et les pouvoirs publics en particulier ne reconnaissent pas le soin à sa « juste valeur » et donc les soignants à leur juste valeur. Quelle interprétation philosophique et politique peut-on en faire ? Comment déterminer la « juste valeur » d’un soin ?

Sujet récurrent, toujours éminemment sensible. Et que l’on peut d’ailleurs appliquer à d’autres domaines ; lorsque j’étais chercheuse au laboratoire Conservation des espèces, restauration et suivi des populations (au muséum national d’Histoire naturelle), combien de fois s’était-on interrogé sur ce qui distingue les valeurs intrinsèque et instrumentale de la nature, sur l’opportunité de lui affecter (ou non) une valeur économique, sur les conditions de sa possible monétarisation ! Le soin questionne des ressorts similaires. A priori, il est un sujet indivisible, qui n’a pas de prix – tout comme l’éducation, la culture, etc. Mais « en même temps » nous évoluons dans des régimes de contrainte, de rareté de la ressource, dans une économie de marché qui, de fait, établit une valeur et donc un prix. L’enjeu est que la traduction pécuniaire de cette obligation s’effectue de la manière la plus démocratique, la plus raisonnable, la plus collégiale qui soit, en d’autres termes, la plus respectueuse de la valeur, inquantifiable, du soin que l’on apporte à un être humain. Et ce prix est nécessairement variable.

Je suis favorable à ce que les participants des humanités médicales abordent la dimension économique – et ses déclinaisons écosystémiques : le modèle du temps, la formation, etc. Ce n’est pas dans leur culture, mais éluder le sujet revient à mal le traiter, et à laisser les arbitrages à des mains qui ne sont pas les plus bienveillantes. Par exemple, la tarification à l’acte a délibérément démonétarisé la question, centrale, du temps qui est dévolu à l’accueil, à l’écoute, au diagnostic, au partage collégial. Or, ces temps sont absolument indispensables. Ne faut-il pas mettre en débat la nécessité de monétariser le temps institutionnel auquel sont liés les soignants ? le temps des explications que le médecin doit au patient ? Cela peut sembler très indélicat ; mais indexer une valeur économique à ces temps si essentiels et si malmenés, est peut-être le seul moyen de reconnaître et, dans nombre de circonstances, de ressusciter le temps du soin, sans lequel il n’y a pas de santé de qualité.

Vous avez été commissaire en 2022 d’une grande exposition, Ville, architecture et soin – présentée au Pavillon de l’Arsenal. Dans l’histoire des villes et des sociétés urbaines, le soin a toujours exercé un rôle cardinal. Est-ce encore le cas ?

Ce rôle demeure très prégnant. Les sociétés occidentales ne sont pas seulement des États de droit, elles sont des États sociaux de droit. Or tout État social de droit sollicite la matérialisation d’un droit, laquelle prend souvent la forme du soin. En effet, les disciplines du soin – tout comme l’école – participent à la sectorisation d’une ville. Exemples ? La psychiatrie de secteur, au nom de laquelle chaque quartier dispose d’un accès à un CMP (centre médico-psychologique). Mais aussi le grand âge – l’allongement de l’espérance de vie et la dépendance convoquent la transformation des habitats – et le développement des soins à domicile. L’enjeu, nouveau, de la déstigmatisation entraîne la création de care commons, des communs du soin. Ces tiers lieux se multiplient, en particulier en psychiatrie adolescente car il est moins stigmatisant de s’y rendre que dans un établissement traditionnel. Voilà quelques leviers de réorganisation de la ville à partir du soin ; elle se manifeste en son cœur comme en périphérie, au profit de tous les âges et de toutes sortes de pathologies – or la transformation de nos conditions d’existence provoque une augmentation des troubles comportementaux qui nécessite de telles structures. Enfin, n’oublions pas que le soin constitue la « première porte d’entrée » de la politique d’accueil des villes en faveur des personnes immigrées ou déplacées.

Un bémol, toutefois. L’histoire met en exergue l’ambivalence, la face cachée du soin : il signifie aussi la surveillance. Ce que je dénomme la « biensurveillance » est à opposer à la tentation d’organiser le soin au profit d’un contrôle de l’ordre. Preuve que la tension du biopouvoir est omniprésente dans le domaine de la santé publique.

Les dysfonctionnements de l’organisation de la santé et les inégalités d’accès aux soins mettent en lumière les immenses disparités géographiques, les déficits accumulés en matière d’aménagement et d’équilibre des territoires, mais aussi les écarts selon les habitats. Habite-t-on son corps, et habite-t-on son corps malade selon les conditions dans lesquelles on habite son lieu de vie ? De vivre dans le silence ou dans le bruit, dans un quartier résidentiel ou dans une cité, près ou loin de son travail, au cœur d’une métropole ou dans un village, y a-t-il un impact mesurable sur la manière dont nous habitons notre corps ?

Voilà des situations d’inégalité déterminantes. La manière dont nous habitons notre corps est d’ordre culturel. Or, le constat est que nous habitons encore assez peu notre corps, plus exactement nous l’habitons selon le silence ou le réveil des organes. Nous peinons à habiter notre corps en dehors de l’expérience de la maladie. Notre rapport au corps s’améliore, mais il reste encore assez abstrait, et la marge de progrès est importante.

C’est une réalité : l’individu habite son corps malade d’autant plus difficilement que le milieu auquel il est lié n’est pas soutenant – d’un point de vue économique, social, culturel. Un corps malade est d’autant plus vulnérable qu’il est totalement poreux à son environnement. Voilà pourquoi aujourd’hui les humanités médicales travaillent sur l’ensemble des « enveloppes » de l’individu : l’enveloppe corporelle bien sûr, mais aussi les autres déterminants (milieu architectural, design, mobilité, paysage, accès aux éveils, etc.), car c’est de ce continuum de « tous les habitats » que dépendent les leviers d’aide et donc la capacité d’un corps de se rétablir.

Comment exercer le soin – et non pas la « simple » santé – lorsque les conditions de travail (rémunération, organisation du travail, reconnaissance) sont à ce point difficiles ? Comment pratiquer un soin humain lorsque ces conditions sont jugées par beaucoup déshumanisées ?

Les soignants trouvent les ressorts, parfois héroïques, dans l’ethos de leur métier, c’est-à-dire dans le sens, le fait d’être utile. Or justement, c’est ce vocationnel et l’exercice éthique du métier que les défaillances du système frappent en premier lieu, et elles provoquent une immense souffrance. Dans les ateliers dédiés au burn out, le nombre de soignants venus consulter pour se soigner et retrouver les forces pour « repartir au combat » ne cesse de progresser. Comment s’étonner alors du nombre de démissions et de la grande complexité des recrutements ? Les institutions ont commencé à se saisir du problème, elles admettent que l’attractivité de ces métiers passe par une requalification à la fois salariale et symbolique – par exemple, cesser de considérer les soignants comme des pions remplaçables. C’est un enjeu – et un choix – de politique publique. Mais ce problème n’est pas propre au soin ; regardez l’état social de l’université…

Le système de soins souffre de l’emprise très excessive du pouvoir administratif. La montée en puissance de cette expertise fut une nécessité de gestion – d’autant plus cruciale que l’administration d’un établissement de soins est devenue extraordinairement complexe -, mais elle s’est faite au détriment de l’expertise des soignants, aujourd’hui reléguée. Et cela participe au chaos humain qu’éprouve le système hospitalier. La santé est-elle la démonstration paroxystique de la technocratie qui enkyste la France ?

On dispose désormais d’enquêtes fouillées sur ce que l’on nomme le malaise institutionnel, voire la maltraitance institutionnelle. Et parmi les critères figurent en effet la bureaucratie, la technocratie, le rationalisme gestionnaire, le « temps volé » – lire Excel m’a tuer, l’hôpital fracassé, de Bernard Granger (Odile Jacob, 2022). Le mal est là, et il faut absolument l’arrêter. Il ne s’agit pas de dénoncer la possibilité d’évaluation ou l’utilité des gestionnaires ; simplement il faut cesser de prendre les soignants pour des abrutis et les enfermer dans un carcan technocratique absolument délétère, qui nuit à l’exercice de leur expertise et au final pénalise le soin, et donc les patients. Des expériences de binômes médecins-administratifs se développent, les premiers pesant très fortement sur la gouvernance des fonds. Les premiers retours sont intéressants.

Comptabiliser, quantifier, normer, noter, comparer, évaluer quadrillent notre quotidien, et donc celui des professionnels de la santé. La dictature du chiffre est un facteur clé de déshumanisation. La pratique du soin peut-elle encore s’en émanciper ?

Rien de sain ne peut s’accommoder d’une dictature, quelle qu’elle soit ; le principe même d’un système est de défendre l’indivisibilité des objectifs et non pas l’hyperdivisibilité, voire l’exclusivité d’un seul objectif. Dès lors qu’un unique objectif est fixé, par exemple le profit, la gestion de la rareté, que sais-je, le système s’expose à une tyrannie dudit objectif. C’est valable dans tout domaine, pas seulement celui du soin. Et je constate que sous la pression climato-environnementale, de la raison d’être, des objectifs de RSE, et pour être en phase avec l’obligation de transition (écologique, énergétique), les entreprises révisent leurs normes comptables, et donc réévaluent leur rapport au contrat social. Voilà pourquoi il faut trouver un terrain d’entente, et ce terrain d’entente doit replacer les humanités médicales au cœur et non plus en périphérie des enjeux.

Autre sujet riche d’espérance et d’inquiétudes : la technologisation exponentielle du soin. Espérance parce qu’elle laisse entrevoir d’immenses progrès techniques, inquiétudes que la machine relègue l’intervention humaine et, là encore, déshumanise le soin. À quelles conditions le progrès de l’un peut-il ne pas provoquer le déclin de l’autre ?

La règle est que l’outil doit avoir pour objectif de toujours renforcer les capacités des humains, patients, aidants et soignants. Pour les premiers, cela signifie qu’il ne doit pas générer de fractures, de sentiment d’exclusion ; de manière plus générale, l’outil numérique ne doit pas renforcer le liberticide ou l’hyper-normatif ; il doit s’accommoder à la singularité de l’humain et ce dernier ne doit pas se sentir « machinisé ». En d’autres termes, l’outil doit être configuré pour être human friendly. Le monitoring de la santé, connecté à la data, est un excellent exemple de cette ambivalence : il permet d’avoir des approches personnalisées, il peut aussi motiver des approches profondément normalisantes, voire qui sanctionnent si la surveillance des observances le « justifie ». L’hypersurveillance et l’hypernormalisation de l’individu constituent un vrai danger.

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Santé-L’enjeu sanitaire et sociétal de l’accès aux soins (Cynthia Fleury)

Santé-L’enjeu sanitaire et sociétal de l’accès aux soins (Cynthia Fleury)

Cynthia Fleury, la philosophe pour La Tribune, l revient dans un long entretien sur ce qui pourrait être une réconciliation entre la santé et le soin.

Cynthia Fleury, professeur titulaire de la Chaire Humanités et Santé du Conservatoire national des arts et métiers, titulaire de la Chaire de Philosophie du GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences


En quoi le soin – l’accès, la qualité – est-il un marqueur singulier des inégalités au sein de la population française ?

CYNTHIA FLEURY- Le soin est un marqueur des inégalités d’abord dans le phénomène de conscientisation et d’autorisation d’accès aux soins. Les êtres humains n’appréhendent pas le soin de la même façon. Cette approche peut avoir différentes influences : a-t-on fait l’objet de soins (ou pas) ? se considère-t-on (ou pas) soi-même comme l’objet ou le sujet d’un soin ? la généalogie et la culture auxquelles on est lié encouragent-elles (ou pas) au droit de prendre soin de son corps ? les histoires personnelles dont on est l’enfant, conditionnent-elles (ou pas) à accéder au soin ? etc. Les niveaux de conscientisation composent une grande variété de configurations.

D’autre part, la réalité très « basique » des territoires exerce un impact sur ces inégalités. Le soin n’est pas qu’une affaire individuelle, il est aussi une affaire collective, insérée dans des politiques publiques locales ou nationales. Les études sociologiques, démographiques le démontrent, et la traduction politique et électorale de ce biais incontestable en est une illustration supplémentaire : que l’on vive au cœur d’une grande métropole ou dans un hameau du centre de la France ne donne pas le même accès aux soins. Or, rien n’est plus structurel que le soin, puisque du soin dépend notre existence même. Il est un besoin vital, et donc les inégalités qui lui sont corrélées sont particulièrement aiguës.

Alors justement, de tous les domaines dans lesquels s’expriment les inégalités, peut-on, d’un point de vue philosophique, considérer celui du soin comme le plus insupportable – si l’on s’accorde sur le fait que notre exposition à la santé est à la fois la plus essentielle et la plus aléatoire ?

Question délicate. Il est difficile de hiérarchiser les besoins fondamentaux. Il y a bien sûr des truismes ; sans accès à l’eau ou à la nourriture, point de vie. Personne ne peut mettre en doute que le soin est un besoin vital, non négociable, personne ne peut contester que l’inégalité d’accès aux soins provoque une situation de stigmatisation et de discrimination inadmissible, personne ne doit ignorer que cette inégalité non seulement met en danger le sujet mais, en plus, irradie son environnement familial. Pour autant, faut-il considérer cet accès aux soins comme une essentialité supérieure à l’accès à l’éducation ? Cela peut sembler évident, mais cela ne l’est pas. Car finalement, que l’on parle d’accès inégal aux soins ou à la connaissance, à la culture, à l’éveil, tout cela fait partie d’une même matrice d’injustice, et dans les mêmes proportions l’onde de choc dépasse le sujet pour affecter le collectif auquel il est lié. Fondamentalement, l’éducation et le soin sont des items très connexes. Dans la définition très politisée que j’en fais, le soin signifie « rendre capacitaire un corps » ; or rendre capacitaire un corps, c’est le rendre accessible à tous les régimes d’attention, qu’il s’agisse de soins, d’idées, de savoirs, de créativité.

D’un point de vue politique, le soin n’est donc pas plus cardinal que d’autres domaines régaliens (éducation, justice, travail) pour mieux faire société ensemble…

Exactement. Reste toutefois une singularité : il est plus matriciel que tous les autres, car d’un point de vue généalogique il se situe en amont. Sans accès aux savoirs ou à la culture on est très peu ; mais si en amont on est sans accès aux soins, on n’est rien. Et entre les deux, il y a un accès charnière : celui aux soins des toutes premières années. Il est charnière car de sa qualité dépend la disposition aux autres fondamentaux (précités) que, graduellement dans le temps, l’être humain va rencontrer.

Chaque pilier de la société est en permanence questionné sur son rapport à l’économie marchande. Le néolibéralisme hégémonique depuis trois décennies a entraîné un tsunami de privatisations qui n’épargne pas le monde du soin. Pour du bon et surtout pour le pire ? S’il est établi qu’elle est un bien commun, comment la santé peut-elle s’accommoder d’un modèle de plus en plus privé – le scandale Orpea, coté en Bourse, a mis cruellement en lumière cette dérive ?

Pour un peu de bon et en effet, surtout pour le pire – à ce titre aussi, le parallèle avec l’éducation est criant. Depuis une trentaine d’années, le mécanisme de marchandisation et de privatisation des biens communs fondamentaux fait son œuvre. Et c’est invariable : à un moment s’impose une bascule dans quelque chose de nature entropique, par la faute de laquelle le désordre prend des proportions délétères. Une privatisation partielle, contrôlée, régulée du soin est possible, elle peut même être souhaitable dans certaines circonstances ; mais lorsqu’elle devient dominante, lorsqu’elle devient la règle, c’est l’entièreté du système de soins qu’elle met en péril.


Le système de soins et, au-delà, la civilisation elle-même ? Les pays anglo-saxons ont fait le choix d’un modèle ultralibéral et délibérément inégalitaire, un modèle parfaitement assumé dans sa philosophie politique. « Ce » que ces nations ont fait de leur système de soins, et en filigrane « ce » que ces sociétés humaines sont devenues aujourd’hui – avec une « traduction politique » dont l’avènement de Donald Trump et le Brexit sont les symptômes paroxystiques -, prophétise-t-il des nations et des sociétés en déclin d’un point de vue civilisationnel ?

Selon moi, une société, une culture qui fait le choix de marchandiser à outrance le soin et l’éducation – je ne dissocie pas les deux sujets – se prépare à des lendemains de guerre, à des fractures frontales délirantes, à des zones de non-État de droit, puisque l’incurie ne peut que surgir d’une telle configuration. Une situation donc propice à un recul civilisationnel. L’incurie mêlée à l’inculture – au sens de la « non-éducation » -, que provoque-t-elle en effet ? Misère, ségrégation, violence, barbarie. Et au final, le fracas. À quelle situation cette conception binaire, manichéenne de la société ainsi cultivée par les États-Unis expose-t-elle ? À une confrontation, séparée par une longue mais fragile frontière, opposant d’un côté des populations extrêmement aisées, protégées, dans un rapport fructueux au corps et à l’éducation, de l’autre des populations de plus en plus démunies, précaires, abandonnées, et donc prêtes, très logiquement, à en découdre.

L’économie de la santé et la philosophie du soin ne font pas spontanément « bon ménage ». Ne font plus, est-on tenté de préciser. Du vaste éventail des secteurs d’activité, la santé est-il le plus sensible à dégager une ligne de crête éthique vers laquelle convergent les deux approches ?

Cette ligne de crête, on peut la définir par les « humanités médicales ». Que désigne-t-on par ce terme ? Une éthique appliquée, qui s’emploie à maintenir l’approche centrée sur la personne malade et pas seulement sur la maladie. Or que constate-t-on ? L’insuffisance de ces humanités médicales dans les parcours de soins s’accompagne d’un enchérissement considérable du coût économique. Les négliger, c’est prendre l’initiative que le coût de la prévention, celui de la rééducation, celui des maladies chroniques, celui du burn out des personnels soignants, celui des risques psychosociaux, vont grever substantiellement l’économie du secteur. Faire l’économie d’une stratégie en faveur des humanités médicales se solde par une aggravation considérable du coût économique de la filière. Ce que l’on pense gagner d’un côté, on le fait payer plus lourdement à toute la société…

… preuve que la santé est un enjeu de démocratie. Mais a-t-on oublié que le soin lui-même l’est ?

Autrefois, santé et soin partageaient un même sens. Ils se sont dissociés au fur et à mesure que le syndrome scientiste a pris le pouvoir : une approche hypertechniciste, centrée sur le fameux cure (guérir) et l’objectivation de la maladie, s’est imposée. Elle est utile, mais elle ne suffit pas. Prenons l’exemple d’une femme atteinte d’un cancer du sein. L’objectivation du diagnostic l’oriente vers un protocole précis (chimiothérapie, chirurgie, etc.) à l’issue duquel elle guérit. Mais qui se préoccupe des dégâts physiques, psychiques, émotionnels qui, eux, vont perdurer ? Qui prend en considération, dans la durée et au-delà de la guérison, des stigmates collatéraux : épuisement du traitement, usure du combat, séquelles irréversibles, possiblement dépression, voire divorce ou perte d’emploi ? En France, l’enjeu du recovery (rétablissement) est très faiblement investi. La santé n’est pas circonscrite aux seuls buts médicaux, elle réclame une approche extensive (avant et après autant que pendant) qui, alors, devient soin. Cessons d’opposer des moments en réalité indissociables les uns des autres, et travaillons à les complémentariser. Ne peut-on pas croire qu’être attentif à l’après est déterminant pour appréhender du mieux possible l’épreuve du traitement ? Le rétablissement démarre le jour J. Dans la spécialité de l’oncologie, cette évidence s’impose de mieux en mieux, les parcours de soins sont réinventés, et ce progrès doit beaucoup aux remontées des « expertises patients ».


Les médecins généralistes réclament le doublement de leurs honoraires – figés à 25 €. Ce débat est le symbole d’un questionnement central : la société en général et les pouvoirs publics en particulier ne reconnaissent pas le soin à sa « juste valeur » et donc les soignants à leur juste valeur. Quelle interprétation philosophique et politique peut-on en faire ? Comment déterminer la « juste valeur » d’un soin ?

Sujet récurrent, toujours éminemment sensible. Et que l’on peut d’ailleurs appliquer à d’autres domaines ; lorsque j’étais chercheuse au laboratoire Conservation des espèces, restauration et suivi des populations (au muséum national d’Histoire naturelle), combien de fois s’était-on interrogé sur ce qui distingue les valeurs intrinsèque et instrumentale de la nature, sur l’opportunité de lui affecter (ou non) une valeur économique, sur les conditions de sa possible monétarisation ! Le soin questionne des ressorts similaires. A priori, il est un sujet indivisible, qui n’a pas de prix – tout comme l’éducation, la culture, etc. Mais « en même temps » nous évoluons dans des régimes de contrainte, de rareté de la ressource, dans une économie de marché qui, de fait, établit une valeur et donc un prix. L’enjeu est que la traduction pécuniaire de cette obligation s’effectue de la manière la plus démocratique, la plus raisonnable, la plus collégiale qui soit, en d’autres termes, la plus respectueuse de la valeur, inquantifiable, du soin que l’on apporte à un être humain. Et ce prix est nécessairement variable.

Je suis favorable à ce que les participants des humanités médicales abordent la dimension économique – et ses déclinaisons écosystémiques : le modèle du temps, la formation, etc. Ce n’est pas dans leur culture, mais éluder le sujet revient à mal le traiter, et à laisser les arbitrages à des mains qui ne sont pas les plus bienveillantes. Par exemple, la tarification à l’acte a délibérément démonétarisé la question, centrale, du temps qui est dévolu à l’accueil, à l’écoute, au diagnostic, au partage collégial. Or, ces temps sont absolument indispensables. Ne faut-il pas mettre en débat la nécessité de monétariser le temps institutionnel auquel sont liés les soignants ? le temps des explications que le médecin doit au patient ? Cela peut sembler très indélicat ; mais indexer une valeur économique à ces temps si essentiels et si malmenés, est peut-être le seul moyen de reconnaître et, dans nombre de circonstances, de ressusciter le temps du soin, sans lequel il n’y a pas de santé de qualité.

Vous avez été commissaire en 2022 d’une grande exposition, Ville, architecture et soin – présentée au Pavillon de l’Arsenal. Dans l’histoire des villes et des sociétés urbaines, le soin a toujours exercé un rôle cardinal. Est-ce encore le cas ?

Ce rôle demeure très prégnant. Les sociétés occidentales ne sont pas seulement des États de droit, elles sont des États sociaux de droit. Or tout État social de droit sollicite la matérialisation d’un droit, laquelle prend souvent la forme du soin. En effet, les disciplines du soin – tout comme l’école – participent à la sectorisation d’une ville. Exemples ? La psychiatrie de secteur, au nom de laquelle chaque quartier dispose d’un accès à un CMP (centre médico-psychologique). Mais aussi le grand âge – l’allongement de l’espérance de vie et la dépendance convoquent la transformation des habitats – et le développement des soins à domicile. L’enjeu, nouveau, de la déstigmatisation entraîne la création de care commons, des communs du soin. Ces tiers lieux se multiplient, en particulier en psychiatrie adolescente car il est moins stigmatisant de s’y rendre que dans un établissement traditionnel. Voilà quelques leviers de réorganisation de la ville à partir du soin ; elle se manifeste en son cœur comme en périphérie, au profit de tous les âges et de toutes sortes de pathologies – or la transformation de nos conditions d’existence provoque une augmentation des troubles comportementaux qui nécessite de telles structures. Enfin, n’oublions pas que le soin constitue la « première porte d’entrée » de la politique d’accueil des villes en faveur des personnes immigrées ou déplacées.

Un bémol, toutefois. L’histoire met en exergue l’ambivalence, la face cachée du soin : il signifie aussi la surveillance. Ce que je dénomme la « biensurveillance » est à opposer à la tentation d’organiser le soin au profit d’un contrôle de l’ordre. Preuve que la tension du biopouvoir est omniprésente dans le domaine de la santé publique.

Les dysfonctionnements de l’organisation de la santé et les inégalités d’accès aux soins mettent en lumière les immenses disparités géographiques, les déficits accumulés en matière d’aménagement et d’équilibre des territoires, mais aussi les écarts selon les habitats. Habite-t-on son corps, et habite-t-on son corps malade selon les conditions dans lesquelles on habite son lieu de vie ? De vivre dans le silence ou dans le bruit, dans un quartier résidentiel ou dans une cité, près ou loin de son travail, au cœur d’une métropole ou dans un village, y a-t-il un impact mesurable sur la manière dont nous habitons notre corps ?

Voilà des situations d’inégalité déterminantes. La manière dont nous habitons notre corps est d’ordre culturel. Or, le constat est que nous habitons encore assez peu notre corps, plus exactement nous l’habitons selon le silence ou le réveil des organes. Nous peinons à habiter notre corps en dehors de l’expérience de la maladie. Notre rapport au corps s’améliore, mais il reste encore assez abstrait, et la marge de progrès est importante.

C’est une réalité : l’individu habite son corps malade d’autant plus difficilement que le milieu auquel il est lié n’est pas soutenant – d’un point de vue économique, social, culturel. Un corps malade est d’autant plus vulnérable qu’il est totalement poreux à son environnement. Voilà pourquoi aujourd’hui les humanités médicales travaillent sur l’ensemble des « enveloppes » de l’individu : l’enveloppe corporelle bien sûr, mais aussi les autres déterminants (milieu architectural, design, mobilité, paysage, accès aux éveils, etc.), car c’est de ce continuum de « tous les habitats » que dépendent les leviers d’aide et donc la capacité d’un corps de se rétablir.

Comment exercer le soin – et non pas la « simple » santé – lorsque les conditions de travail (rémunération, organisation du travail, reconnaissance) sont à ce point difficiles ? Comment pratiquer un soin humain lorsque ces conditions sont jugées par beaucoup déshumanisées ?

Les soignants trouvent les ressorts, parfois héroïques, dans l’ethos de leur métier, c’est-à-dire dans le sens, le fait d’être utile. Or justement, c’est ce vocationnel et l’exercice éthique du métier que les défaillances du système frappent en premier lieu, et elles provoquent une immense souffrance. Dans les ateliers dédiés au burn out, le nombre de soignants venus consulter pour se soigner et retrouver les forces pour « repartir au combat » ne cesse de progresser. Comment s’étonner alors du nombre de démissions et de la grande complexité des recrutements ? Les institutions ont commencé à se saisir du problème, elles admettent que l’attractivité de ces métiers passe par une requalification à la fois salariale et symbolique – par exemple, cesser de considérer les soignants comme des pions remplaçables. C’est un enjeu – et un choix – de politique publique. Mais ce problème n’est pas propre au soin ; regardez l’état social de l’université…

Le système de soins souffre de l’emprise très excessive du pouvoir administratif. La montée en puissance de cette expertise fut une nécessité de gestion – d’autant plus cruciale que l’administration d’un établissement de soins est devenue extraordinairement complexe -, mais elle s’est faite au détriment de l’expertise des soignants, aujourd’hui reléguée. Et cela participe au chaos humain qu’éprouve le système hospitalier. La santé est-elle la démonstration paroxystique de la technocratie qui enkyste la France ?

On dispose désormais d’enquêtes fouillées sur ce que l’on nomme le malaise institutionnel, voire la maltraitance institutionnelle. Et parmi les critères figurent en effet la bureaucratie, la technocratie, le rationalisme gestionnaire, le « temps volé » – lire Excel m’a tuer, l’hôpital fracassé, de Bernard Granger (Odile Jacob, 2022). Le mal est là, et il faut absolument l’arrêter. Il ne s’agit pas de dénoncer la possibilité d’évaluation ou l’utilité des gestionnaires ; simplement il faut cesser de prendre les soignants pour des abrutis et les enfermer dans un carcan technocratique absolument délétère, qui nuit à l’exercice de leur expertise et au final pénalise le soin, et donc les patients. Des expériences de binômes médecins-administratifs se développent, les premiers pesant très fortement sur la gouvernance des fonds. Les premiers retours sont intéressants.

Comptabiliser, quantifier, normer, noter, comparer, évaluer quadrillent notre quotidien, et donc celui des professionnels de la santé. La dictature du chiffre est un facteur clé de déshumanisation. La pratique du soin peut-elle encore s’en émanciper ?

Rien de sain ne peut s’accommoder d’une dictature, quelle qu’elle soit ; le principe même d’un système est de défendre l’indivisibilité des objectifs et non pas l’hyperdivisibilité, voire l’exclusivité d’un seul objectif. Dès lors qu’un unique objectif est fixé, par exemple le profit, la gestion de la rareté, que sais-je, le système s’expose à une tyrannie dudit objectif. C’est valable dans tout domaine, pas seulement celui du soin. Et je constate que sous la pression climato-environnementale, de la raison d’être, des objectifs de RSE, et pour être en phase avec l’obligation de transition (écologique, énergétique), les entreprises révisent leurs normes comptables, et donc réévaluent leur rapport au contrat social. Voilà pourquoi il faut trouver un terrain d’entente, et ce terrain d’entente doit replacer les humanités médicales au cœur et non plus en périphérie des enjeux.

Autre sujet riche d’espérance et d’inquiétudes : la technologisation exponentielle du soin. Espérance parce qu’elle laisse entrevoir d’immenses progrès techniques, inquiétudes que la machine relègue l’intervention humaine et, là encore, déshumanise le soin. À quelles conditions le progrès de l’un peut-il ne pas provoquer le déclin de l’autre ?

La règle est que l’outil doit avoir pour objectif de toujours renforcer les capacités des humains, patients, aidants et soignants. Pour les premiers, cela signifie qu’il ne doit pas générer de fractures, de sentiment d’exclusion ; de manière plus générale, l’outil numérique ne doit pas renforcer le liberticide ou l’hyper-normatif ; il doit s’accommoder à la singularité de l’humain et ce dernier ne doit pas se sentir « machinisé ». En d’autres termes, l’outil doit être configuré pour être human friendly. Le monitoring de la santé, connecté à la data, est un excellent exemple de cette ambivalence : il permet d’avoir des approches personnalisées, il peut aussi motiver des approches profondément normalisantes, voire qui sanctionnent si la surveillance des observances le « justifie ». L’hypersurveillance et l’hypernormalisation de l’individu constituent un vrai danger.

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L’enjeu sanitaire et sociétal de l’accès aux soins (Cynthia Fleury)

L’enjeu sanitaire et sociétal de l’accès aux soins (Cynthia Fleury)

Cynthia Fleury, la philosophe pour La Tribune, l revient dans un long entretien sur ce qui pourrait être une réconciliation entre la santé et le soin.

Cynthia Fleury, professeur titulaire de la Chaire Humanités et Santé du Conservatoire national des arts et métiers, titulaire de la Chaire de Philosophie du GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences


En quoi le soin – l’accès, la qualité – est-il un marqueur singulier des inégalités au sein de la population française ?

CYNTHIA FLEURY- Le soin est un marqueur des inégalités d’abord dans le phénomène de conscientisation et d’autorisation d’accès aux soins. Les êtres humains n’appréhendent pas le soin de la même façon. Cette approche peut avoir différentes influences : a-t-on fait l’objet de soins (ou pas) ? se considère-t-on (ou pas) soi-même comme l’objet ou le sujet d’un soin ? la généalogie et la culture auxquelles on est lié encouragent-elles (ou pas) au droit de prendre soin de son corps ? les histoires personnelles dont on est l’enfant, conditionnent-elles (ou pas) à accéder au soin ? etc. Les niveaux de conscientisation composent une grande variété de configurations.

D’autre part, la réalité très « basique » des territoires exerce un impact sur ces inégalités. Le soin n’est pas qu’une affaire individuelle, il est aussi une affaire collective, insérée dans des politiques publiques locales ou nationales. Les études sociologiques, démographiques le démontrent, et la traduction politique et électorale de ce biais incontestable en est une illustration supplémentaire : que l’on vive au cœur d’une grande métropole ou dans un hameau du centre de la France ne donne pas le même accès aux soins. Or, rien n’est plus structurel que le soin, puisque du soin dépend notre existence même. Il est un besoin vital, et donc les inégalités qui lui sont corrélées sont particulièrement aiguës.

Alors justement, de tous les domaines dans lesquels s’expriment les inégalités, peut-on, d’un point de vue philosophique, considérer celui du soin comme le plus insupportable – si l’on s’accorde sur le fait que notre exposition à la santé est à la fois la plus essentielle et la plus aléatoire ?

Question délicate. Il est difficile de hiérarchiser les besoins fondamentaux. Il y a bien sûr des truismes ; sans accès à l’eau ou à la nourriture, point de vie. Personne ne peut mettre en doute que le soin est un besoin vital, non négociable, personne ne peut contester que l’inégalité d’accès aux soins provoque une situation de stigmatisation et de discrimination inadmissible, personne ne doit ignorer que cette inégalité non seulement met en danger le sujet mais, en plus, irradie son environnement familial. Pour autant, faut-il considérer cet accès aux soins comme une essentialité supérieure à l’accès à l’éducation ? Cela peut sembler évident, mais cela ne l’est pas. Car finalement, que l’on parle d’accès inégal aux soins ou à la connaissance, à la culture, à l’éveil, tout cela fait partie d’une même matrice d’injustice, et dans les mêmes proportions l’onde de choc dépasse le sujet pour affecter le collectif auquel il est lié. Fondamentalement, l’éducation et le soin sont des items très connexes. Dans la définition très politisée que j’en fais, le soin signifie « rendre capacitaire un corps » ; or rendre capacitaire un corps, c’est le rendre accessible à tous les régimes d’attention, qu’il s’agisse de soins, d’idées, de savoirs, de créativité.

D’un point de vue politique, le soin n’est donc pas plus cardinal que d’autres domaines régaliens (éducation, justice, travail) pour mieux faire société ensemble…

Exactement. Reste toutefois une singularité : il est plus matriciel que tous les autres, car d’un point de vue généalogique il se situe en amont. Sans accès aux savoirs ou à la culture on est très peu ; mais si en amont on est sans accès aux soins, on n’est rien. Et entre les deux, il y a un accès charnière : celui aux soins des toutes premières années. Il est charnière car de sa qualité dépend la disposition aux autres fondamentaux (précités) que, graduellement dans le temps, l’être humain va rencontrer.

Chaque pilier de la société est en permanence questionné sur son rapport à l’économie marchande. Le néolibéralisme hégémonique depuis trois décennies a entraîné un tsunami de privatisations qui n’épargne pas le monde du soin. Pour du bon et surtout pour le pire ? S’il est établi qu’elle est un bien commun, comment la santé peut-elle s’accommoder d’un modèle de plus en plus privé – le scandale Orpea, coté en Bourse, a mis cruellement en lumière cette dérive ?

Pour un peu de bon et en effet, surtout pour le pire – à ce titre aussi, le parallèle avec l’éducation est criant. Depuis une trentaine d’années, le mécanisme de marchandisation et de privatisation des biens communs fondamentaux fait son œuvre. Et c’est invariable : à un moment s’impose une bascule dans quelque chose de nature entropique, par la faute de laquelle le désordre prend des proportions délétères. Une privatisation partielle, contrôlée, régulée du soin est possible, elle peut même être souhaitable dans certaines circonstances ; mais lorsqu’elle devient dominante, lorsqu’elle devient la règle, c’est l’entièreté du système de soins qu’elle met en péril.


Le système de soins et, au-delà, la civilisation elle-même ? Les pays anglo-saxons ont fait le choix d’un modèle ultralibéral et délibérément inégalitaire, un modèle parfaitement assumé dans sa philosophie politique. « Ce » que ces nations ont fait de leur système de soins, et en filigrane « ce » que ces sociétés humaines sont devenues aujourd’hui – avec une « traduction politique » dont l’avènement de Donald Trump et le Brexit sont les symptômes paroxystiques -, prophétise-t-il des nations et des sociétés en déclin d’un point de vue civilisationnel ?

Selon moi, une société, une culture qui fait le choix de marchandiser à outrance le soin et l’éducation – je ne dissocie pas les deux sujets – se prépare à des lendemains de guerre, à des fractures frontales délirantes, à des zones de non-État de droit, puisque l’incurie ne peut que surgir d’une telle configuration. Une situation donc propice à un recul civilisationnel. L’incurie mêlée à l’inculture – au sens de la « non-éducation » -, que provoque-t-elle en effet ? Misère, ségrégation, violence, barbarie. Et au final, le fracas. À quelle situation cette conception binaire, manichéenne de la société ainsi cultivée par les États-Unis expose-t-elle ? À une confrontation, séparée par une longue mais fragile frontière, opposant d’un côté des populations extrêmement aisées, protégées, dans un rapport fructueux au corps et à l’éducation, de l’autre des populations de plus en plus démunies, précaires, abandonnées, et donc prêtes, très logiquement, à en découdre.

L’économie de la santé et la philosophie du soin ne font pas spontanément « bon ménage ». Ne font plus, est-on tenté de préciser. Du vaste éventail des secteurs d’activité, la santé est-il le plus sensible à dégager une ligne de crête éthique vers laquelle convergent les deux approches ?

Cette ligne de crête, on peut la définir par les « humanités médicales ». Que désigne-t-on par ce terme ? Une éthique appliquée, qui s’emploie à maintenir l’approche centrée sur la personne malade et pas seulement sur la maladie. Or que constate-t-on ? L’insuffisance de ces humanités médicales dans les parcours de soins s’accompagne d’un enchérissement considérable du coût économique. Les négliger, c’est prendre l’initiative que le coût de la prévention, celui de la rééducation, celui des maladies chroniques, celui du burn out des personnels soignants, celui des risques psychosociaux, vont grever substantiellement l’économie du secteur. Faire l’économie d’une stratégie en faveur des humanités médicales se solde par une aggravation considérable du coût économique de la filière. Ce que l’on pense gagner d’un côté, on le fait payer plus lourdement à toute la société…

… preuve que la santé est un enjeu de démocratie. Mais a-t-on oublié que le soin lui-même l’est ?

Autrefois, santé et soin partageaient un même sens. Ils se sont dissociés au fur et à mesure que le syndrome scientiste a pris le pouvoir : une approche hypertechniciste, centrée sur le fameux cure (guérir) et l’objectivation de la maladie, s’est imposée. Elle est utile, mais elle ne suffit pas. Prenons l’exemple d’une femme atteinte d’un cancer du sein. L’objectivation du diagnostic l’oriente vers un protocole précis (chimiothérapie, chirurgie, etc.) à l’issue duquel elle guérit. Mais qui se préoccupe des dégâts physiques, psychiques, émotionnels qui, eux, vont perdurer ? Qui prend en considération, dans la durée et au-delà de la guérison, des stigmates collatéraux : épuisement du traitement, usure du combat, séquelles irréversibles, possiblement dépression, voire divorce ou perte d’emploi ? En France, l’enjeu du recovery (rétablissement) est très faiblement investi. La santé n’est pas circonscrite aux seuls buts médicaux, elle réclame une approche extensive (avant et après autant que pendant) qui, alors, devient soin. Cessons d’opposer des moments en réalité indissociables les uns des autres, et travaillons à les complémentariser. Ne peut-on pas croire qu’être attentif à l’après est déterminant pour appréhender du mieux possible l’épreuve du traitement ? Le rétablissement démarre le jour J. Dans la spécialité de l’oncologie, cette évidence s’impose de mieux en mieux, les parcours de soins sont réinventés, et ce progrès doit beaucoup aux remontées des « expertises patients ».


Les médecins généralistes réclament le doublement de leurs honoraires – figés à 25 €. Ce débat est le symbole d’un questionnement central : la société en général et les pouvoirs publics en particulier ne reconnaissent pas le soin à sa « juste valeur » et donc les soignants à leur juste valeur. Quelle interprétation philosophique et politique peut-on en faire ? Comment déterminer la « juste valeur » d’un soin ?

Sujet récurrent, toujours éminemment sensible. Et que l’on peut d’ailleurs appliquer à d’autres domaines ; lorsque j’étais chercheuse au laboratoire Conservation des espèces, restauration et suivi des populations (au muséum national d’Histoire naturelle), combien de fois s’était-on interrogé sur ce qui distingue les valeurs intrinsèque et instrumentale de la nature, sur l’opportunité de lui affecter (ou non) une valeur économique, sur les conditions de sa possible monétarisation ! Le soin questionne des ressorts similaires. A priori, il est un sujet indivisible, qui n’a pas de prix – tout comme l’éducation, la culture, etc. Mais « en même temps » nous évoluons dans des régimes de contrainte, de rareté de la ressource, dans une économie de marché qui, de fait, établit une valeur et donc un prix. L’enjeu est que la traduction pécuniaire de cette obligation s’effectue de la manière la plus démocratique, la plus raisonnable, la plus collégiale qui soit, en d’autres termes, la plus respectueuse de la valeur, inquantifiable, du soin que l’on apporte à un être humain. Et ce prix est nécessairement variable.

Je suis favorable à ce que les participants des humanités médicales abordent la dimension économique – et ses déclinaisons écosystémiques : le modèle du temps, la formation, etc. Ce n’est pas dans leur culture, mais éluder le sujet revient à mal le traiter, et à laisser les arbitrages à des mains qui ne sont pas les plus bienveillantes. Par exemple, la tarification à l’acte a délibérément démonétarisé la question, centrale, du temps qui est dévolu à l’accueil, à l’écoute, au diagnostic, au partage collégial. Or, ces temps sont absolument indispensables. Ne faut-il pas mettre en débat la nécessité de monétariser le temps institutionnel auquel sont liés les soignants ? le temps des explications que le médecin doit au patient ? Cela peut sembler très indélicat ; mais indexer une valeur économique à ces temps si essentiels et si malmenés, est peut-être le seul moyen de reconnaître et, dans nombre de circonstances, de ressusciter le temps du soin, sans lequel il n’y a pas de santé de qualité.

Vous avez été commissaire en 2022 d’une grande exposition, Ville, architecture et soin – présentée au Pavillon de l’Arsenal. Dans l’histoire des villes et des sociétés urbaines, le soin a toujours exercé un rôle cardinal. Est-ce encore le cas ?

Ce rôle demeure très prégnant. Les sociétés occidentales ne sont pas seulement des États de droit, elles sont des États sociaux de droit. Or tout État social de droit sollicite la matérialisation d’un droit, laquelle prend souvent la forme du soin. En effet, les disciplines du soin – tout comme l’école – participent à la sectorisation d’une ville. Exemples ? La psychiatrie de secteur, au nom de laquelle chaque quartier dispose d’un accès à un CMP (centre médico-psychologique). Mais aussi le grand âge – l’allongement de l’espérance de vie et la dépendance convoquent la transformation des habitats – et le développement des soins à domicile. L’enjeu, nouveau, de la déstigmatisation entraîne la création de care commons, des communs du soin. Ces tiers lieux se multiplient, en particulier en psychiatrie adolescente car il est moins stigmatisant de s’y rendre que dans un établissement traditionnel. Voilà quelques leviers de réorganisation de la ville à partir du soin ; elle se manifeste en son cœur comme en périphérie, au profit de tous les âges et de toutes sortes de pathologies – or la transformation de nos conditions d’existence provoque une augmentation des troubles comportementaux qui nécessite de telles structures. Enfin, n’oublions pas que le soin constitue la « première porte d’entrée » de la politique d’accueil des villes en faveur des personnes immigrées ou déplacées.

Un bémol, toutefois. L’histoire met en exergue l’ambivalence, la face cachée du soin : il signifie aussi la surveillance. Ce que je dénomme la « biensurveillance » est à opposer à la tentation d’organiser le soin au profit d’un contrôle de l’ordre. Preuve que la tension du biopouvoir est omniprésente dans le domaine de la santé publique.

Les dysfonctionnements de l’organisation de la santé et les inégalités d’accès aux soins mettent en lumière les immenses disparités géographiques, les déficits accumulés en matière d’aménagement et d’équilibre des territoires, mais aussi les écarts selon les habitats. Habite-t-on son corps, et habite-t-on son corps malade selon les conditions dans lesquelles on habite son lieu de vie ? De vivre dans le silence ou dans le bruit, dans un quartier résidentiel ou dans une cité, près ou loin de son travail, au cœur d’une métropole ou dans un village, y a-t-il un impact mesurable sur la manière dont nous habitons notre corps ?

Voilà des situations d’inégalité déterminantes. La manière dont nous habitons notre corps est d’ordre culturel. Or, le constat est que nous habitons encore assez peu notre corps, plus exactement nous l’habitons selon le silence ou le réveil des organes. Nous peinons à habiter notre corps en dehors de l’expérience de la maladie. Notre rapport au corps s’améliore, mais il reste encore assez abstrait, et la marge de progrès est importante.

C’est une réalité : l’individu habite son corps malade d’autant plus difficilement que le milieu auquel il est lié n’est pas soutenant – d’un point de vue économique, social, culturel. Un corps malade est d’autant plus vulnérable qu’il est totalement poreux à son environnement. Voilà pourquoi aujourd’hui les humanités médicales travaillent sur l’ensemble des « enveloppes » de l’individu : l’enveloppe corporelle bien sûr, mais aussi les autres déterminants (milieu architectural, design, mobilité, paysage, accès aux éveils, etc.), car c’est de ce continuum de « tous les habitats » que dépendent les leviers d’aide et donc la capacité d’un corps de se rétablir.

Comment exercer le soin – et non pas la « simple » santé – lorsque les conditions de travail (rémunération, organisation du travail, reconnaissance) sont à ce point difficiles ? Comment pratiquer un soin humain lorsque ces conditions sont jugées par beaucoup déshumanisées ?

Les soignants trouvent les ressorts, parfois héroïques, dans l’ethos de leur métier, c’est-à-dire dans le sens, le fait d’être utile. Or justement, c’est ce vocationnel et l’exercice éthique du métier que les défaillances du système frappent en premier lieu, et elles provoquent une immense souffrance. Dans les ateliers dédiés au burn out, le nombre de soignants venus consulter pour se soigner et retrouver les forces pour « repartir au combat » ne cesse de progresser. Comment s’étonner alors du nombre de démissions et de la grande complexité des recrutements ? Les institutions ont commencé à se saisir du problème, elles admettent que l’attractivité de ces métiers passe par une requalification à la fois salariale et symbolique – par exemple, cesser de considérer les soignants comme des pions remplaçables. C’est un enjeu – et un choix – de politique publique. Mais ce problème n’est pas propre au soin ; regardez l’état social de l’université…

Le système de soins souffre de l’emprise très excessive du pouvoir administratif. La montée en puissance de cette expertise fut une nécessité de gestion – d’autant plus cruciale que l’administration d’un établissement de soins est devenue extraordinairement complexe -, mais elle s’est faite au détriment de l’expertise des soignants, aujourd’hui reléguée. Et cela participe au chaos humain qu’éprouve le système hospitalier. La santé est-elle la démonstration paroxystique de la technocratie qui enkyste la France ?

On dispose désormais d’enquêtes fouillées sur ce que l’on nomme le malaise institutionnel, voire la maltraitance institutionnelle. Et parmi les critères figurent en effet la bureaucratie, la technocratie, le rationalisme gestionnaire, le « temps volé » – lire Excel m’a tuer, l’hôpital fracassé, de Bernard Granger (Odile Jacob, 2022). Le mal est là, et il faut absolument l’arrêter. Il ne s’agit pas de dénoncer la possibilité d’évaluation ou l’utilité des gestionnaires ; simplement il faut cesser de prendre les soignants pour des abrutis et les enfermer dans un carcan technocratique absolument délétère, qui nuit à l’exercice de leur expertise et au final pénalise le soin, et donc les patients. Des expériences de binômes médecins-administratifs se développent, les premiers pesant très fortement sur la gouvernance des fonds. Les premiers retours sont intéressants.

Comptabiliser, quantifier, normer, noter, comparer, évaluer quadrillent notre quotidien, et donc celui des professionnels de la santé. La dictature du chiffre est un facteur clé de déshumanisation. La pratique du soin peut-elle encore s’en émanciper ?

Rien de sain ne peut s’accommoder d’une dictature, quelle qu’elle soit ; le principe même d’un système est de défendre l’indivisibilité des objectifs et non pas l’hyperdivisibilité, voire l’exclusivité d’un seul objectif. Dès lors qu’un unique objectif est fixé, par exemple le profit, la gestion de la rareté, que sais-je, le système s’expose à une tyrannie dudit objectif. C’est valable dans tout domaine, pas seulement celui du soin. Et je constate que sous la pression climato-environnementale, de la raison d’être, des objectifs de RSE, et pour être en phase avec l’obligation de transition (écologique, énergétique), les entreprises révisent leurs normes comptables, et donc réévaluent leur rapport au contrat social. Voilà pourquoi il faut trouver un terrain d’entente, et ce terrain d’entente doit replacer les humanités médicales au cœur et non plus en périphérie des enjeux.

Autre sujet riche d’espérance et d’inquiétudes : la technologisation exponentielle du soin. Espérance parce qu’elle laisse entrevoir d’immenses progrès techniques, inquiétudes que la machine relègue l’intervention humaine et, là encore, déshumanise le soin. À quelles conditions le progrès de l’un peut-il ne pas provoquer le déclin de l’autre ?

La règle est que l’outil doit avoir pour objectif de toujours renforcer les capacités des humains, patients, aidants et soignants. Pour les premiers, cela signifie qu’il ne doit pas générer de fractures, de sentiment d’exclusion ; de manière plus générale, l’outil numérique ne doit pas renforcer le liberticide ou l’hyper-normatif ; il doit s’accommoder à la singularité de l’humain et ce dernier ne doit pas se sentir « machinisé ». En d’autres termes, l’outil doit être configuré pour être human friendly. Le monitoring de la santé, connecté à la data, est un excellent exemple de cette ambivalence : il permet d’avoir des approches personnalisées, il peut aussi motiver des approches profondément normalisantes, voire qui sanctionnent si la surveillance des observances le « justifie ». L’hypersurveillance et l’hypernormalisation de l’individu constituent un vrai danger.

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Le risque sanitaire et social demeure en Afrique

Le risque sanitaire et social demeure en Afrique

Mo Ibrahim, entrepreneur et philanthrope anglo-soudanais à la tête d’une Fondation éponyme, ne ménage pas ses efforts depuis l’arrivée du SARS-CoV-2 et appréhende les risques socio-économiques de la pandémie sur le continent. ( dans la Tribune)

La Covid-19 a fait relativement peu de victimes en Afrique à ce jour, pourtant la pandémie a fait les titres des journaux du monde entier. N’y a-t-il pas eu une hystérisation des débats dans les médias, alors que la malaria ou la faim tuent beaucoup plus chaque année sur le continent ?

En effet, s’il est important de ne pas minimiser la létalité de ce virus invisible, il convient de conserver une vision globale de la situation. Pour 47 % des membres récemment interrogés du « Now Generation Network » de la Fondation, le Coronavirus n’est pas le principal enjeu sanitaire auquel est confronté leur pays. Le paludisme, la malnutrition et les problèmes de santé mentale sont considérés comme des enjeux inquiétants, voire plus inquiétants. Cependant, il nous faut garder à l’esprit que la progression du Coronavirus est en pleine escalade. L’OMS prévoit même un véritable tsunami à l’automne. Nous devons rester prudents, car nous manquons de données fiables, en raison de la faiblesse des services d’enregistrement des décès dans de nombreux pays, mais aussi du fait d’approches différentes. Du reste, en Afrique, tous ceux qui toussent ne vont pas chez le médecin, et tous ceux qui suffoquent ne rentrent pas à l’hôpital…

Comment concilier intérêts économiques et enjeux sanitaires quand on sait que certains laboratoires stoppent des productions jugées économiquement peu rentables ?

Il serait impardonnable de sacrifier des vies sur l’autel du profit. Accorder aux profits davantage d’importance qu’aux personnes n’est pas envisageable. Nous devons être mus par des valeurs partagées, et non pas seulement par le cours de l’action. Voilà pourquoi je suis membre de « The B Team », une organisation mondiale à but non lucratif qui réunit des chefs de grandes entreprises, pour mettre au premier plan le bien-être des populations et de la planète. Voilà également pourquoi je suis signataire de l’ « Appel pour que le vaccin contre le COVID soit déclaré bien commun mondial », lancé par Muhammad Yunus [économiste du Bangladesh et fondateur de « Grameen Bank », la première institution de micro-crédit, Prix Nobel de la Paix en 2006, ndlr].

7 mars: « CATASTROPHE ÉCOLOGIQUE, AGRICOLE, SANITAIRE » pour Véran et même le déluge ?

7 mars: « CATASTROPHE ÉCOLOGIQUE, AGRICOLE, SANITAIRE » ( Véran) . et même le déluge ?

Évoquant tour à tour la sécheresse, la vaccination contre le papillomavirus et le réseau ferroviaire, Véran a jugé que « mettre la France à l’arrêt » reviendrait à « prendre le risque d’une catastrophe écologique, agricole, sanitaire », à négliger « la santé de nos enfants » ou encore à « rater le train du futur ».

« Et pourquoi pas la défaite en Coupe du monde? »

Ce ton, pour le moins très alarmiste, n’a pas manqué de faire réagir ses opposants politiques et syndicaux.
« La sécheresse, c’est la faute des syndicats? La crise sanitaire, idem? Et pourquoi pas la défaite en Coupe du monde? », a ironisé Laurent Berger, patron de la CFDT.

Le leader syndical estime ainsi qu’il s’agit de « tentatives pour déstabiliser une mobilisation sans précédent contre les 64 ans » qu’il qualifie de « grossières ».

Pour Matthieu Croissandeau, éditorialiste politique sur BFMTV, si « Olivier Véran croit ce qu’il raconte », alors il « serait bien inspiré de s’interroger ». En effet, « si les Français qui manifestent étaient prêts à faire courir tous ces risques », il y aurait « manifestement un très gros problème avec cette réforme ». Dès lors, avec un tel scénario, « le plus prudent » aurait été « de renégocier pour ne pas précipiter la France dans l’abîme », analyse l’éditorialiste.

Crise sanitaire Chine : une catastrophe avec des risques mondiaux

Crise sanitaire Chine : une catastrophe avec des risques mondiaux

Le président chinois a été contraint en quelque sorte de s’exprimer sur la crise covid sans pour autant d’ailleurs apporter de solutions à la hauteur de l’enjeu. Pour preuve son énigmatique déclaration :«Nous devons mener une campagne de santé patriotique plus ciblée [...] et bâtir un rempart solide contre l’épidémie» . La vérité c’est que la Chine est perdue car la stratégie du zéro Covid décidée par le parti communiste constitue une erreur fondamentale ; désormais les Chinois libérés des contraintes de mobilité constituent une cible de choix pour le développement exponentiel du virus avec des risques d’expansion de nouveaux variants dans le monde entier.

On sait que toutes les statistiques ont un contenu très politique en Chine qu’il s’agisse de problèmes économiques, sociaux ou sanitaires; Mais il y aurait aujourd’hui des millions deux Chinois contaminés par jour.

Récemment devant la protestation des Chinois, le parti communiste a dû reculer élever la plupart des restrictions à la mobilité. Le problème c’est que la politique zéro Covid a fortement dégradé les résistances potentielles au virus. Du coup ,nombre de chimois préfèrent volontairement rester chez eux . Ce qui constitue un coup dur pour l’économie.L »autre problème c’est que la gravité de la crise sanitaire chinoise facilitant la multiplication des variants qui pourraient alors contaminer d’autres pays.

Officiellement depuis ce changement de stratégie alors que l’épidémie explose, les chiffres officiels font apparaître un nombre de 7 morts est de 5000 contaminations par jour. La vérité c’est qu’il y a plusieurs millions de cas par jour. Notons par Comparaison qu’il y a actuellement autour de 50 000 à 60 000 contaminations par jour en France. La vérité donc c’est que les contaminations se comptent par millions en Chine. La catastrophe n’est pas impossible faute de capacité de résistance des Chinois auxquels on a refusé pendant longtemps toute vaccination.

Le géant asiatique avait brusquement fait volte-face début décembre à cause d’une vague de contestation sans précédent dans le pays, contre la politique «zéro covid» menée par l’État depuis presque trois ans. Depuis la levée des restrictions, l’épidémie de Covid-19 a explosé en Chine. Son ampleur est «impossible» à déterminer, de l’aveu même des autorités, les tests de dépistage n’étant désormais plus obligatoires. Les autorités tentent de rassurer sur le caractère bénin du virus malgré sa contagiosité – à rebours du discours officiel depuis le début de la pandémie. Dans plusieurs provinces du pays, les Chinois sont même autorisés à retourner au travail, même avec des symptômes.

L’OMS s’est dite «très préoccupée» par l’explosion du nombre des cas de Covid-19 en Chine le mercredi 21 décembre. Elle a donc appelé le géant chinois à accélérer la vaccination des populations les plus vulnérables et lui a demandé des informations plus détaillées sur la gravité de l’épidémie.Une épidémie qui pourrait multiplier l’émergence de nouveaux variants venant alors aussi contaminer les autres pays.

Covid Chine : une catastrophe sanitaire avec des risques mondiaux

Covid Chine : une catastrophe sanitaire avec des risques mondiaux

On sait que toutes les statistiques ont un contenu très politique en Chine qu’il s’agisse de problèmes économiques, sociaux ou sanitaires.

Récemment devant la protestation des Chinois, le parti communiste a dû reculer élever la plupart des restrictions à la mobilité. Le problème c’est que la politique zéro Covid a fortement dégradé les résistances potentielles au virus. Du coup ,nombre de chimois préfèrent volontairement rester chez eux . Ce qui constitue un coup dur pour l’économie.L »autre problème c’est que la gravité de la crise sanitaire chinoise facilitant la multiplication des variants qui pourraient alors contaminer d’autres pays.

Officiellement depuis ce changement de stratégie alors que l’épidémie explose, les chiffres officiels font apparaître un nombre de 7 morts est de 5000 contaminations par jour. La vérité c’est qu’il y a plusieurs millions de cas par jour. Notons par Comparaison qu’il y a actuellement autour de 50 000 à 60 000 contaminations par jour en France. La vérité donc c’est que les contaminations se comptent par millions en Chine. La catastrophe n’est pas impossible faute de capacité de résistance des Chinois auxquels on a refusé pendant longtemps toute vaccination.

Le géant asiatique avait brusquement fait volte-face début décembre à cause d’une vague de contestation sans précédent dans le pays, contre la politique «zéro covid» menée par l’État depuis presque trois ans. Depuis la levée des restrictions, l’épidémie de Covid-19 a explosé en Chine. Son ampleur est «impossible» à déterminer, de l’aveu même des autorités, les tests de dépistage n’étant désormais plus obligatoires. Les autorités tentent de rassurer sur le caractère bénin du virus malgré sa contagiosité – à rebours du discours officiel depuis le début de la pandémie. Dans plusieurs provinces du pays, les Chinois sont même autorisés à retourner au travail, même avec des symptômes.

L’OMS s’est dite «très préoccupée» par l’explosion du nombre des cas de Covid-19 en Chine le mercredi 21 décembre. Elle a donc appelé le géant chinois à accélérer la vaccination des populations les plus vulnérables et lui a demandé des informations plus détaillées sur la gravité de l’épidémie.Une épidémie qui pourrait multiplier l’émergence de nouveaux variants venant alors aussi contaminer les autres pays.

Santé-Crise Covid: une catastrophe sanitaire possible en Chine avec des risques mondiaux

Santé-Crise Covid: une catastrophe sanitaire possible en Chine avec des risques mondiaux

On sait que toutes les statistiques ont un contenu très politique en Chine qu’il s’agisse de problèmes économiques, sociaux ou sanitaires.

Récemment devant la protestation des Chinois, le parti communiste a dû reculer élever la plupart des restrictions à la mobilité. Le problème c’est que la politique zéro Covid a fortement dégradé les résistances potentielles au virus. Du coup ,nombre de chimois préfèrent volontairement rester chez eux . Ce qui constitue un coup dur pour l’économie.L »autre problème c’est que la gravité de la crise sanitaire chinoise facilitant la multiplication des variants qui pourraient alors contaminer d’autres pays.

Officiellement depuis ce changement de stratégie alors que l’épidémie explose, les chiffres officiels font apparaître un nombre de 7 morts est de 5000 contaminations par jour. Notons par exemple qu’il y a actuellement autour de 50 000 à 60 000 contaminations par jour en France. La vérité sans doute c’est que les contaminations se comptent par millions en Chine. La catastrophe n’est pas impossible faute de capacité de résistance des Chinois auxquels on a refusé pendant longtemps toute vaccination.

Le géant asiatique avait brusquement fait volte-face début décembre à cause d’une vague de contestation sans précédent dans le pays, contre la politique «zéro covid» menée par l’État depuis presque trois ans. Depuis la levée des restrictions, l’épidémie de Covid-19 a explosé en Chine. Son ampleur est «impossible» à déterminer, de l’aveu même des autorités, les tests de dépistage n’étant désormais plus obligatoires. Les autorités tentent de rassurer sur le caractère bénin du virus malgré sa contagiosité – à rebours du discours officiel depuis le début de la pandémie. Dans plusieurs provinces du pays, les Chinois sont même autorisés à retourner au travail, même avec des symptômes.

L’OMS s’est dite «très préoccupée» par l’explosion du nombre des cas de Covid-19 en Chine le mercredi 21 décembre. Elle a donc appelé le géant chinois à accélérer la vaccination des populations les plus vulnérables et lui a demandé des informations plus détaillées sur la gravité de l’épidémie.Une épidémie qui pourrait multiplier l’émergence de nouveaux variants venant alors aussi contaminer les autres pays.

«L’OMS est très préoccupée par l’évolution de la situation en Chine (…). Afin de procéder à une évaluation complète des risques», l’OMS juge nécessaire d’obtenir des «informations plus détaillées sur la gravité de la maladie, les admissions hospitalières et les besoins en matière d’unités de soins intensifs», a déclaré Tedros Adhanom Ghebreyesus, au cours de sa conférence de presse hebdomadaire.

Washington appelle la Chine à partager les informations sur sa nouvelle épidémie de Covid. Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a appelé jeudi la Chine à partager ses informations sur la nouvelle vague de Covid-19 que connait le pays, et a proposé à nouveau une aide sous la forme de vaccins.
«Il est très important que tous les pays, y compris la Chine, s’attachent à ce que les gens soient vaccinés, que les tests et les traitements soient disponibles, et plus encore, à ce que l’information sur ce qu’ils vivent soit partagée avec le monde – parce que cela a des implications non seulement pour la Chine mais pour le monde entier», a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse.

En effet, malgré la vague épidémique, la Chine ne communique que très peu sur la situation des hôpitaux. Elle n’a, par exemple, rapporté aucun nouveau décès lié au Covid-19 le mercredi 21 décembre.
Les autorités ont précisé mardi 20 décembre que seules les personnes décédées directement d’une insuffisance respiratoire liée au Covid-19 étaient comptabilisées dans les statistiques. Cette méthodologie «scientifique», selon les autorités, dresse cependant un tableau plus réduit de la situation. «Après une infection par le variant Omicron, la principale cause de décès (des patients) sont des maladies sous-jacentes», s’est défendu mardi Wang Guiqiang, un responsable de la Santé de la ville de Pékin. «Seul un petit nombre meurt directement d’une insuffisance respiratoire causée par le Covid», a-t-il insisté.

Crise Covid: la catastrophe sanitaire possible en Chine… et ailleurs

Crise Covid: la catastrophe sanitaire possible en Chine… et ailleurs

On sait que toutes les statistiques ont un contenu très politique en Chine qu’il s’agisse de problèmes économiques, sociaux ou sanitaires.

Récemment devant la protestation des Chinois, le parti communiste a dû reculer élever la plupart des restrictions à la mobilité. Le problème c’est que la politique zéro Covid a fortement dégradé les résistances potentielles au virus. Du coup ,nombre de chimois préfèrent volontairement rester chez eux . Ce qui constitue un coup dur pour l’économie.L »autre problème c’est que la gravité de la crise sanitaire chinoise pourrait aussi aboutir à la multiplication des variants qui pourrait alors contaminer d’autres pays.

Officiellement depuis ce changement de stratégie alors que l’épidémie explose, les chiffres officiels font apparaître un nombre de 7 morts est de 5000 contaminations par jour. Notons par exemple qu’il y a actuellement autour de 50 000 à 60 000 contaminations en France. La vérité sans doute c’est que les contaminations se comptent par millions en Chine. La catastrophe n’est pas impossible faute de capacité de résistance des Chinois auxquels on a refusé pendant longtemps toute vaccination.

Le géant asiatique avait brusquement fait volte-face début décembre à cause d’une vague de contestation sans précédent dans le pays, contre la politique «zéro covid» menée par l’État depuis presque trois ans. Depuis la levée des restrictions, l’épidémie de Covid-19 a explosé en Chine. Son ampleur est «impossible» à déterminer, de l’aveu même des autorités, les tests de dépistage n’étant désormais plus obligatoires. Les autorités tentent de rassurer sur le caractère bénin du virus malgré sa contagiosité – à rebours du discours officiel depuis le début de la pandémie. Dans plusieurs provinces du pays, les Chinois sont même autorisés à retourner au travail, même avec des symptômes.

L’OMS s’est dite «très préoccupée» par l’explosion du nombre des cas de Covid-19 en Chine le mercredi 21 décembre. Elle a donc appelé le géant chinois à accélérer la vaccination des populations les plus vulnérables et lui a demandé des informations plus détaillées sur la gravité de l’épidémie.Une épidémie qui pourrait multiplier l’émergence de nouveaux variants venant alors aussi contaminer les autres pays.

«L’OMS est très préoccupée par l’évolution de la situation en Chine (…). Afin de procéder à une évaluation complète des risques», l’OMS juge nécessaire d’obtenir des «informations plus détaillées sur la gravité de la maladie, les admissions hospitalières et les besoins en matière d’unités de soins intensifs», a déclaré Tedros Adhanom Ghebreyesus, au cours de sa conférence de presse hebdomadaire.

Washington appelle la Chine à partager les informations sur sa nouvelle épidémie de Covid. Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a appelé jeudi la Chine à partager ses informations sur la nouvelle vague de Covid-19 que connait le pays, et a proposé à nouveau une aide sous la forme de vaccins.
«Il est très important que tous les pays, y compris la Chine, s’attachent à ce que les gens soient vaccinés, que les tests et les traitements soient disponibles, et plus encore, à ce que l’information sur ce qu’ils vivent soit partagée avec le monde – parce que cela a des implications non seulement pour la Chine mais pour le monde entier», a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse.

En effet, malgré la vague épidémique, la Chine ne communique que très peu sur la situation des hôpitaux. Elle n’a, par exemple, rapporté aucun nouveau décès lié au Covid-19 le mercredi 21 décembre.
Les autorités ont précisé mardi 20 décembre que seules les personnes décédées directement d’une insuffisance respiratoire liée au Covid-19 étaient comptabilisées dans les statistiques. Cette méthodologie «scientifique», selon les autorités, dresse cependant un tableau plus réduit de la situation. «Après une infection par le variant Omicron, la principale cause de décès (des patients) sont des maladies sous-jacentes», s’est défendu mardi Wang Guiqiang, un responsable de la Santé de la ville de Pékin. «Seul un petit nombre meurt directement d’une insuffisance respiratoire causée par le Covid», a-t-il insisté.

Covid: catastrophe sanitaire possible en Chine… et ailleurs

Covid: catastrophe sanitaire possible en Chine… et ailleurs

On sait que toutes les statistiques ont un contenu très politique en Chine qu’il s’agisse de problèmes économiques sociaux sanitaires.

Récemment devant la protestation des Chinois, le parti communiste a dû reculer élever la plupart des restrictions à la mobilité. Le problème c’est que la politique zéro Covid a fortement dégradé les résistances potentielles au virus. Du coup ,nombre de chimois préfèrent volontairement rester chez eux . Ce qui constitue un coup dur pour l’économie.

Officiellement depuis ce changement de stratégie alors que l’épidémie explose, les chiffres officiels font apparaître un nombre de 7 morts est de 5000 contaminations par jour. Notons par exemple qu’il y a actuellement autour de 50 000 à 60 000 contaminations en France. La vérité sans doute c’est que les contaminations se comptent par millions en Chine. La catastrophe n’est pas impossible faute de capacité de résistance des Chinois auxquels on a refusé pendant longtemps toute vaccination.

Le géant asiatique avait brusquement fait volte-face début décembre à cause d’une vague de contestation sans précédent dans le pays, contre la politique «zéro covid» menée par l’État depuis presque trois ans. Depuis la levée des restrictions, l’épidémie de Covid-19 a explosé en Chine. Son ampleur est «impossible» à déterminer, de l’aveu même des autorités, les tests de dépistage n’étant désormais plus obligatoires. Les autorités tentent de rassurer sur le caractère bénin du virus malgré sa contagiosité – à rebours du discours officiel depuis le début de la pandémie. Dans plusieurs provinces du pays, les Chinois sont même autorisés à retourner au travail, même avec des symptômes.

L’OMS s’est dite «très préoccupée» par l’explosion du nombre des cas de Covid-19 en Chine le mercredi 21 décembre. Elle a donc appelé le géant chinois à accélérer la vaccination des populations les plus vulnérables et lui a demandé des informations plus détaillées sur la gravité de l’épidémie.Une épidémie qui pourrait multiplier l’émergence de nouveaux variants venant alors aussi contaminer les autres pays.

«L’OMS est très préoccupée par l’évolution de la situation en Chine (…). Afin de procéder à une évaluation complète des risques», l’OMS juge nécessaire d’obtenir des «informations plus détaillées sur la gravité de la maladie, les admissions hospitalières et les besoins en matière d’unités de soins intensifs», a déclaré Tedros Adhanom Ghebreyesus, au cours de sa conférence de presse hebdomadaire.

Washington appelle la Chine à partager les informations sur sa nouvelle épidémie de Covid. Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a appelé jeudi la Chine à partager ses informations sur la nouvelle vague de Covid-19 que connait le pays, et a proposé à nouveau une aide sous la forme de vaccins.
«Il est très important que tous les pays, y compris la Chine, s’attachent à ce que les gens soient vaccinés, que les tests et les traitements soient disponibles, et plus encore, à ce que l’information sur ce qu’ils vivent soit partagée avec le monde – parce que cela a des implications non seulement pour la Chine mais pour le monde entier», a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse.

En effet, malgré la vague épidémique, la Chine ne communique que très peu sur la situation des hôpitaux. Elle n’a, par exemple, rapporté aucun nouveau décès lié au Covid-19 le mercredi 21 décembre.
Les autorités ont précisé mardi 20 décembre que seules les personnes décédées directement d’une insuffisance respiratoire liée au Covid-19 étaient comptabilisées dans les statistiques. Cette méthodologie «scientifique», selon les autorités, dresse cependant un tableau plus réduit de la situation. «Après une infection par le variant Omicron, la principale cause de décès (des patients) sont des maladies sous-jacentes», s’est défendu mardi Wang Guiqiang, un responsable de la Santé de la ville de Pékin. «Seul un petit nombre meurt directement d’une insuffisance respiratoire causée par le Covid», a-t-il insisté.

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