Archive mensuelle de mai 2021

Quelle intégration des musulmans dans la République ?

Quelle intégration des musulmans dans la République ?

« Nous devons tout faire pour que nos concitoyens, musulmans ou pas, comprennent la dimension culturelle de l’islam, sa part dans l’histoire de notre pays, et ainsi surmonter la dimension politique portée par un islam dévoyé »explique dans l’Opinion Sadek Beloucif est candidat à la présidence de la Fondation de l’islam de France.

 

 

Candidat à la présidence de la Fondation de l’islam de France (FIF), Sadek Beloucif a été reçu récemment par le Bureau central des cultes du ministère de l’Intérieur pour présenter sa vision. Chef du service d’anesthésie-réanimation à l’hôpital Avicenne de Bobigny et président du Syndicat national des médecins, chirurgiens, spécialistes et biologistes des hôpitaux publics (Snam-HP), cet ancien membre du Conseil consultatif national d’éthique se confie sur le sens de sa candidature.

Pourquoi vous portez-vous candidat à la FIF dont vous dirigez le conseil d’orientation ?

Jean-Pierre Chevènement a porté ce projet sur ses fonts baptismaux. Les objectifs sont excellents : éducation sociale, aide à la recherche pour des doctorants, formation profane des imams, promotion de la laïcité et de la culture musulmane… La FIF est toutefois ensablée. Elle connaît un déficit de notoriété et de moyens financiers pour accomplir ses missions. Il faut combler ces lacunes avec autant d’humilité que de détermination. La FIF est un formidable outil qui, bien utilisé, peut servir la France et l’islam.

Que proposez-vous?

Les lettrés connaissent la FIF mais une grande partie de nos concitoyens n’en ont jamais entendu parler. La FIF doit être populaire. Elle doit parler aux Français non musulmans qui ne connaissent pas vraiment cette religion. Il faut s’adresser aussi aux Français musulmans, ceux de la majorité silencieuse, qui sont paisibles et qui ont une forte volonté d’intégration dans la communauté nationale. Certains, une petite minorité, sont tentés par un séparatisme. Sa réalisation marquerait la fin du projet d’intégration. Notre pays n’est pas communautariste mais a vocation à être universaliste. La religion relève du domaine privé, celui de l’intime. Lorsque Jean-Pierre Chevènement m’a demandé de prendre la tête du conseil d’orientation de la FIF, j’ai plaidé avec succès pour que des personnalités non musulmanes, fines connaisseuses de la culture d’islam, y entrent. Il est important que l’islam soit compris non seulement comme une foi mais aussi comme une question culturelle.

Quelle place doit avoir la FIF dans la structuration de l’islam de France ?

La FIF, par son expertise culturelle, va aider une telle structuration. L’islam de France doit comporter d’abord une instance « ordinale » (comme l’Ordre des avocats ou des médecins), ce que voulait représenter le Conseil français du culte musulman (CFCM). Celle-ci doit inclure des pouvoirs de « police du culte », même s’il n’y a pas, en islam sunnite, de clergé au sens hiérarchique du terme. Nous n’aurons pas l’équivalent d’un pape ou d’un grand rabbin. Mais nous aurons un Conseil des imams et nous avons une charte des principes pour l’islam de France, essentielle, car elle reprend les principes éthiques et républicains devant être approuvés par tous. Enfin, il faut aussi une instance de financement des fidèles pour le financement des aspects cultuels, un peu comme le denier du culte. Au sein de cet ensemble, la FIF a vocation à utiliser la culture pour promouvoir le dialogue au sein de la communauté nationale entre la République et les citoyens de culture musulmane, au bénéfice de tous les Français.

«La FIF doit être financée par une nouvelle génération de citoyens engagés acceptant de donner lors de leur déclaration de revenus à des organismes d’intérêt général et de bénéficier ainsi d’une part de réduction fiscale»

Les mécènes sont rares. Comment remédier à ce problème de financement?

D’abord faire appel à la générosité publique pour résoudre ce manque de notoriété et de moyens. D’autres fondations d’utilité publique aident à la lutte contre la pauvreté, la protection de l’enfance, la recherche médicale. La FIF doit être financée par une nouvelle génération de citoyens engagés acceptant de donner lors de leur déclaration de revenus à des organismes d’intérêt général et de bénéficier ainsi d’une part de réduction fiscale. Il faut aussi frapper aux portes des entreprises. Total est en train d’investir 17 milliards de dollars au Mozambique, pour un projet de grande ampleur, actuellement troublé par une minorité intégriste agissante. Nos champions de l’industrie ont tout intérêt à mieux connaître cette religion. Louis Vuitton possède plusieurs magasins à Singapour. Un tel développement mondial a forcément été réalisé en comprenant la culture locale… D’autres opportunités existent en sollicitant nos Grandes écoles de commerce et d’ingénieurs, les chambres de commerce, les conseils régionaux…

L’Association musulmane pour l’Islam de France (Amif) est destinée à mobiliser les ressources pour le financement du culte…

Son président, Hakim El Karoui, est un homme talentueux. Je l’ai invité l’année dernière au CFCM pour que l’on travaille ensemble à la réalisation d’un modèle de mobilisation des ressources financières (N.D.L.R. : taxes sur le pèlerinage et le halal notamment) pour financer le culte musulman. Nous sommes encore dans les discussions pour arriver à monter cette instance unifiée, commune pour tous les musulmans.

La peur de l’islam est instrumentalisée politiquement. Que faire?

Il faut que la France puisse résoudre cette nouvelle « question d’Orient » en interne pour pouvoir avancer. Plusieurs éléments montrent que nous sommes en train d’y arriver. Le modèle anglais est plus communautariste. La France, c’est une communauté de destins, une citoyenneté. Quand j’étais petit à l’école, on m’apprenait que le soleil ne se couche jamais sur l’Empire. La France est un condensé du monde. Pour être présente et influente dans les domaines politique, économique, culturel et sociétal, elle doit comprendre ses différentes racines. La marche des Beurs en 1983 a montré la volonté d’une génération montante d’être des Français à part entière. L’intégration de la communauté musulmane dans la République est un vecteur de « faire ensemble », plus difficile à réaliser que le simple « vivre ensemble ». Pour y contribuer, nous devons tout faire pour que nos concitoyens, musulmans ou pas, comprennent la dimension culturelle de l’islam, sa part dans l’histoire de notre pays et de notre civilisation, et ainsi parviennent à surmonter la dimension politique portée par un islam dévoyé.

Vous revendiquez votre appartenance à un humanisme éclairé?

Je ne sais pas si je suis un musulman éclairé. Je suis dans l’islam des familles. Je n’étale pas mon appartenance religieuse, mais je ne tais pas ma foi. On dit en islam : « ​Il ne faut pas que l’ignorant garde son ignorance et il ne faut pas que le savant garde pour lui seul sa science ​». Tout homme a un impératif de perfectionnement, d’apprentissage des cultures, de partage. C’est la raison d’être de l’association L’Islam au XXIe siècle que je préside. La situation est trop difficile pour que l’on ne fasse pas « ​société ensemble ​» quand on voit le traumatisme provoqué par les attentats. La FIF doit expliquer l’importance d’une citoyenneté commune, d’une part aux Français qui en ont parfois peur et d’autre part aux musulmans de France pour un islam pleinement inséré dans la République.

Comment jugez-vous le bilan du président actuel de la FIF, Ghaleb Bencheikh ?

C’est un homme de qualité, doté d’une finesse d’esprit, mais il est affaibli. La FIF a du mal à avancer, pâtit d’un déficit de notoriété et ne dispose pas des ressources financières suffisantes pour mener à bien ses projets. Elle manque d’indépendance et son président a voulu composer en attirant des financements de la Ligue islamique mondiale (N.D.L.R. : sous tutelle de l’Arabie saoudite)

Cryptomonnaies : Retour au Far-West de la finance

 Cryptomonnaies : Retour au Far-West de la finance

Par James MackintoshDans le Wall Street Journal

Pour comprendre les points faibles des stablecoins tels que Tether, il faut suivre une rapide leçon d’histoire sur la finance américaine d’avant la Guerre de Sécession

 

 

Les adeptes des cryptomonnaies affirment que le bitcoin et ses homologues vont supplanter les monnaies « fiduciaires » émises par les gouvernements, alors que l’objectif du système innovant de la blockchain, sur laquelle elles reposent, est de surmonter ce que Satoshi Nakamoto — le pseudonyme de l’inventeur du bitcoin — appelait « les faiblesses inhérentes au modèle basé sur la confiance ».

Pourtant, les stablecoins et notamment le plus important d’entre eux, Tether, sont en plein essor. Avec 60 milliards de dollars en circulation, ce dernier se positionne à la troisième place sur le marché des cryptomonnaies, derrière le bitcoin et l’ethereum. Il en existe aussi des dizaines d’autres, et le Libra de Facebook, rebaptisé Diem l’année dernière, d’intégrer ce groupe en lançant des stablecoins couvrant plusieurs devises.

Les stablecoins sont des cryptomonnaies ayant une parité unitaire avec le dollar, ou avec une autre monnaie traditionnelle, dont la valeur repose sur la confiance accordée à leur émetteur.

Les stablecoins sont l’incarnation même du « free banking », le système peu réglementé et marqué par de nombreuses fraudes, qui comptait nombre de petits émetteurs de billets de banque en dollars et dominait la finance américaine jusqu’à l’intervention du gouvernement après la Guerre de Sécession

Ils sont également devenus un élément central de l’infrastructure financière des cryptomonnaies. Selon le fournisseur de données Crypto Compare, il y a plus de trading entre le tether et le bitcoin qu’entre le bitcoin et l’ensemble des monnaies fiduciaires. Au moins pour les traders en cryptomonnaies, les stablecoins sont un outil essentiel, en raison de la rapidité avec laquelle ils peuvent être utilisés pour transférer de l’argent d’une bourse d’échange de cryptomonnaies à une autre, et parce qu’ils offrent un moyen pratique de placer temporairement des liquidités dans ce qui est, au fond, censé être des dollars.

Mais cette situation constitue une vulnérabilité majeure pour les cryptomonnaies. Au lieu de construire un nouveau système financier imperméable aux problèmes de l’ancien, ces stablecoins font réapparaître des dysfonctionnements atténués depuis longtemps par les régulateurs de la finance traditionnelle.

Pour bien comprendre cette faiblesse, une rapide leçon d’histoire s’impose. Les stablecoins sont l’incarnation même du « free banking », le système peu réglementé et marqué par de nombreuses fraudes, qui comptait nombre de petits émetteurs de billets de banque en dollars et dominait la finance américaine jusqu’à l’intervention du gouvernement après la Guerre de Sécession. Le papier-monnaie était alors adossé aux actifs de ces banques, et la confiance en ces actifs déterminait l’éventualité et l’ampleur de la décote à appliquer à la valeur faciale d’un billet de banque donné. Parallèlement aux banques réglementées, des milliers d’émissions de reconnaissances de dette de faible montant, comme par exemple celle provenant d’un barbier du Michigan, étaient utilisées comme monnaie dans les villes frontalières à court de liquide.

Mais ce n’est pas un hasard si ces stablecoins d’antan ont fini par disparaître. Les utilisateurs de monnaie — c’est-à-dire à peu près tout le monde — devaient se tenir informés de la situation, ou du sentiment général, de dizaines d’émetteurs de billets de banque pour éviter de se retrouver floués lors de transactions. Les coûts engendrés par cette seule contrainte étaient incalculables, sans compter les défaillances et les fraudes à grande échelle.

Les deux dangers qui menacent les dizaines de stablecoins récemment créés sont les mêmes que ceux qui planaient sur ces titres convertibles avant la Guerre de Sécession : ces actifs peuvent se révéler avoir moins de valeur que prévu ou les gens peuvent finir par croire que tel est le cas, ce qui est susceptible de déclencher des mouvements de panique.

Les plus grands stablecoins — ceux de Tether, Circle et Paxos — publient des rapports comptables attestant que leurs actifs correspondent au montant de leurs émissions, dans le but de maintenir la confiance. Jusqu’à présent, tous trois ont réussi leur monnaie restant remarquablement stable autour d’un dollar.

Jeter un coup d’œil sur l’époque du free banking devrait rappeler aux traders les risques qu’ils encourent. Dans les années 1830, les banques trompaient les commissaires aux comptes en envoyant les mêmes coffres de pièces d’une banque à l’autre afin qu’ils soient comptabilisés plusieurs fois, ou recouvrant d’une couche d’argent la surface d’un baril en réalité rempli de clous, comme le raconte Joshua Greenberg dans son passionnant livre sur cette époque, Bank Notes and Shinplasters.

Le parallèle est évident à la lecture des détails de l’accord à 18,5 millions de dollars conclu entre Tether et le procureur général de New York en février. Ce dernier assurait que Tether mentait en affirmant disposer d’assez d’actifs pour garantir la totalité de ses émissions. Lorsque Tether a tenté de faire taire les rumeurs sur sa situation financière en ayant recours à un commissaire aux comptes pour certifier ses actifs, l’argent n’a été versé sur son nouveau compte que le jour de l’expertise. Tether a également prêté 475 millions de dollars à Bitfinex pour l’aider à surmonter une crise de liquidités, cette fois le lendemain de la présentation du solde d’un nouveau compte bancaire aux Bahamas. C’est, en somme, la version moderne des coffres d’argent itinérants.

Stuart Hoegner, conseiller juridique de Tether, assure que l’entreprise « prend des mesures pour faire établir des audits sur plusieurs exercices » et qu’elle les publiera. « Pour être clair, ces types de transferts ne se produisent pas », a-t-il répondu par e-mail lorsqu’on lui a demandé si des actifs étaient déplacés juste avant ou après une expertise.

Tether n’a pas d’activité aux Etats-Unis, à quelques exceptions près, et a accepté dans son règlement de février de ne pas accepter de clients à New York. Circle dispose, lui, d’une « BitLicense » délivrée par l’Etat de New York, tandis que Paxos est soumis au régime des trusts dans cette ville, afin de renforcer la confiance. Etant donné qu’il s’agit de cryptomonnaies, il existe bien sûr aussi un stablecoin entièrement en cryptomonnaies, appelé Dai, qui donne à chaque utilisateur un « coffre-fort » pour stocker des nantissements ; ceux-ci seront liquidés par les « gardiens » si leur valeur tombe trop bas pour soutenir le dai émis en contrepartie de ces garanties.

Mais je crains qu’il ne suffise pas d’être réglementé, transparent et solvable, comme l’ont montré les vagues de panique sur les fonds du marché monétaire en 2008 et l’année dernière. En fin de compte, rien ne vaut l’accès aux prêts de la Réserve fédérale lorsqu’un grand nombre de déposants demandent à récupérer leur argent. Contrairement aux banques et aux fonds, il n’y a aucune chance que la Fed vienne en aide aux stablecoins en cas de crise. Cela signifie que les actifs qu’ils détiennent sont vitaux, de même que leurs caractéristiques. La certification des comptables de Paxos montre que la société détient des liquidités et des bons du Trésor sur des comptes ouverts dans des banques américaines non mentionnées, tandis que Circle affirme disposer « de liquidités, d’équivalents de trésorerie et d’actifs de qualité à court terme ».

D’une certaine manière, Tether est mieux protégé contre un mouvement de panique qu’une banque ordinaire en cas de problème : ses statuts lui permettent de suspendre les paiements ou de rembourser ses clients avec une partie de ses actifs plutôt que directement avec des dollars

Dans le cadre de son arrangement avec la justice, Tether a donné plus de détails sur ses actifs, montrant une forte exposition aux billets de trésorerie, une catégorie de prêts à court terme aux entreprises. M. Hoegner assure que la société emploie des traders en interne pour investir dans les billets de trésorerie, « en s’assurant toujours que nous disposons d’un montant adéquat de liquidités pour faire face à d’éventuelles demandes de retrait ».

Josh Younger, stratège taux d’intérêt chez JPMorgan, souligne que la taille de Tether le place aux côtés des plus grands fonds monétaires et entreprises en tant que grand détenteur de billets de trésorerie.

D’une certaine manière, Tether est mieux protégé contre un mouvement de panique qu’une banque ordinaire en cas de problème : ses statuts lui permettent de suspendre les paiements ou de rembourser ses clients avec une partie de ses actifs plutôt que directement avec des dollars. Mais il est peu probable que de telles dispositions rassurent les utilisateurs.

Je suis surpris que Tether connaisse une telle popularité compte tenu des révélations tirées du dossier new-yorkais, de la facilité avec laquelle il peut suspendre les paiements et de l’inquiétude des régulateurs, y compris la Fed, au sujet des stablecoins. Mais il existe une différence essentielle par rapport à l’époque précédente, qui leur permet d’éviter les dépréciations dont pâtissaient les billets de banque du Far West.

A l’époque, la complexité pour se rendre dans une agence bancaire afin d’échanger ses billets contre des dollars en argent massif rendait difficile l’arbitrage concernant les décotes, en particulier pour les billets émis par des banques lointaines. Dans le monde numérique, il n’est pas très compliqué d’encaisser un stablecoin, de sorte que toute dépréciation se volatilise rapidement.

Du moins tant que l’émetteur du stablecoin a l’argent pour rembourser les créances réclamées par ses clients.

(Traduit à partir de la version originale en anglais par Grégoire Arnould)

Risque de bulle financière après l’argent gratuit ?

Risque de bulle financière après l’argent gratuit ?

 

Le plan d’aide budgétaire et monétaire sans précédent de la Réserve fédérale alimente une nouvelle euphorie chez les investisseurs. S’agit-il d’une nouvelle bulle ? Risque-t-elle d’exploser ? Un article du Wall Street Journal

 

Pour les vieux connaisseurs des bulles financières, l’actualité a une résonance extrêmement familière. Les actions ne s’étaient plus aussi bien portées depuis la bulle Internet de 2000. Les prix de l’immobilier ont retrouvé leurs sommets d’avant la crise financière. Les entreprises fragiles peuvent emprunter à des taux qui n’ont jamais été aussi bas. L’argent des investisseurs particuliers coule à flots dans les secteurs de l’énergie verte et des cryptomonnaies.

Cette flambée a des explications logiques, qui vont des progrès du commerce en ligne à une croissance qui a bénéficié d’un coup de pouce budgétaire qui n’avait probablement plus été aussi fort depuis 1983.

Mais une force domine toutes les autres : celle de la Réserve fédérale américaine. Les flambées financières ont régulièrement été alimentées par des politiques monétaires accommodantes, et c’est tout particulièrement le cas en ce moment. La Fed a laissé les taux d’intérêt proches de zéro au cours de l’année écoulée et signalé qu’elle n’envisageait pas de les relever avant au moins deux ans. Et elle achète pour des centaines de milliards de dollars d’obligations. En conséquence, le taux des bons du Trésor américain à 10 ans se situe bien en dessous de l’inflation (en d’autres termes, les rendements réels sont profondément négatifs) pour la seconde fois seulement en 40 ans.

« Il ne fait aucun doute que la Fed donne l’impression de déployer tous les efforts possibles pour dire : “Tout va très bien, nous ne sommes pas pressés d’augmenter les taux.” Mais si je ne pense pas que nous nous dirigions vers une inflation élevée et durable, il est tout à fait possible que nous voyions plusieurs trimestres de flambée des prix à la consommation »

Une telle baisse des taux ne doit rien au hasard. La Fed a réagi à une pandémie qui, au moment de son apogée, menaçait de faire davantage de dégâts que la crise financière de 2007-2009. Pourtant, en grande partie grâce à elle et au Congrès, qui a voté un plan de relance budgétaire de quelque 5 000 milliards de dollars, cette reprise semble bien plus saine que la précédente. Ce qui pourrait saper la pertinence d’une telle faiblesse des taux et menacer les fondements des valorisations boursières.

« Les marchés actions au minimum sont valorisés pour la perfection en se basant sur l’hypothèse que les taux resteront bas pendant longtemps » explique l’économiste de l’université de Harvard Jeremy Stein, ancien gouverneur de la Fed aux côtés de Jerome Powell, président actuel du conseil des gouverneurs. « Et il ne fait aucun doute que la Fed donne l’impression de déployer tous les efforts possibles pour dire : “Tout va très bien, nous ne sommes pas pressés d’augmenter les taux.” Mais si je ne pense pas que nous nous dirigions vers une inflation élevée et durable, il est tout à fait possible que nous voyions plusieurs trimestres de flambée des prix à la consommation. »

Comme les valorisations ne sont justifiées que si les taux d’intérêt restent extrêmement bas, comment évolueront-elles si la Fed doit resserrer la politique monétaire pour lutter contre l’inflation et que les rendements obligataires augmentent de 1 à 1,5 point de pourcentage, demande-t-il. « On pourrait se retrouver avec une correction conséquente des prix des actifs. »

« Légère effervescence »

C’est une situation que la Fed a déjà connue. À la fin des années 1990, sa volonté d’abaisser les taux d’intérêt en réaction à la crise financière asiatique et au quasi-effondrement du hedge fund Long-Term Capital Management a été vue par certains comme un filet de sécurité implicite pour protéger le marché, mais qui n’a fait que gonfler la bulle Internet qui a suivi. L’augmentation des prix de l’immobilier a ensuite été imputée à sa politique de taux bas dans le sillage de l’éclatement de cette bulle. A chaque fois, les responsables de la Fed ont défendu leur politique, avançant qu’augmenter les taux (ou ne pas les réduire) simplement pour éviter les bulles compromettrait leurs principaux objectifs de faiblesse du chômage et de l’inflation, et serait plus nuisible que de laisser la bulle se dégonfler toute seule.

Pour revenir à cette année, la banque centrale a averti dans un rapport publié cette semaine que « la valorisation des actifs est généralement élevée » et « susceptible de déclins significatifs pour peu que l’appétit des investisseurs pour le risque chute, que les progrès pour contenir le virus ne soient pas à la hauteur ou que la reprise ne cale ». Le 28 avril, M. Powell a reconnu que le marché avait l’air « légèrement effervescent » et que la Fed pouvait y être pour quelque chose : « Je ne dirais pas que ça n’a rien à voir avec la politique monétaire, mais cela a énormément à voir avec la vaccination et la réouverture du pays ». Il n’a pourtant pas laissé entendre que la Fed s’apprêtait à réfréner sa politique de relance : « L’économie est encore loin d’avoir atteint nos objectifs ». Un rapport du département américain du Travail publié vendredi, montrant que la création d’emplois en avril avait été bien inférieure que prévue par Wall Street, vient étayer ses propos.

Les choix de la Fed sont lourdement influencés par la crise financière. En ramenant les taux près de zéro et en achetant des obligations, elle luttait contre de forts vents contraires tandis que les ménages, les banques et les gouvernements cherchaient à réduire leur dette. Cela a freiné les dépenses et poussé l’inflation sous la barre des 2 % visée par la Fed. Des forces encore plus profondément enracinées, comme le vieillissement de la population, ont également freiné la croissance et les taux d’intérêt, situation que certains ont surnommée « stagnation séculaire ».

La Fed a commencé à acheter des obligations en mars 2020 pour contrebalancer la situation chaotique des marchés financiers. A la fin de l’été, alors que les marchés fonctionnaient normalement, elle a étendu son programme et justifié son action en avançant qu’il s’agissait de pérenniser la faiblesse des rendements obligataires

La fermeture de l’économie due à la pandémie il y a un an a porté un coup à l’activité économique qui, au départ, s’est retrouvée dans une situation plus critique que celle du monde financier. Mais au bout de deux mois, elle a repris alors que les restrictions se relâchaient et que les entreprises s’adaptaient aux mesures de distanciation physique. La Fed a lancé de nouveaux programmes de prêts et le Congrès voté la loi CARES allouant 2 200 milliards de dollars. Les vaccins sont arrivés plus tôt que prévu. L’économie américaine va sans doute retrouver sa forme d’avant la pandémie au cours de ce trimestre, soit deux années plus vite qu’après la crise financière.

Et pourtant, alors même que les perspectives se sont améliorées, les robinets budgétaires et monétaires restent grand ouverts. Les démocrates ont d’abord proposé 3 000 milliards de dollars de plan de relance supplémentaires en mai dernier lorsqu’on estimait que le PIB allait baisser de 6 % dans l’année. En réalité, la baisse n’a été que de moins de la moitié, mais les démocrates, après avoir remporté et la Maison Blanche et le Congrès, ont continué de défendre ce même plan de relance.

La Fed a commencé à acheter des obligations en mars 2020 pour contrebalancer la situation chaotique des marchés financiers. A la fin de l’été, alors que les marchés fonctionnaient normalement, elle a étendu son programme et justifié son action en avançant qu’il s’agissait de pérenniser la faiblesse des rendements obligataires.

Au même moment, elle a dévoilé un nouveau mode de fonctionnement : après des années à viser une inflation à moins de 2 %, elle allait se donner pour but de ramener l’inflation non seulement à 2 % mais même plus haut, afin qu’avec le temps, les taux d’inflation moyenne et anticipée se stabilisent tous deux à 2 %. Pour y parvenir, elle a promis de ne pas augmenter ses taux jusqu’au retour du plein-emploi et jusqu’à ce que l’inflation atteigne 2 % et soit sur une courbe ascendante. Les responsables ont prédit que cela ne se produirait pas avant 2024 et ils n’en démordent pas, malgré des perspectives qui s’améliorent de façon significative.

Un grand optimisme

Cette stimulation monétaire et fiscale sans précédent dans une économie déjà en plein rebond grâce aux vaccins explique pourquoi les stratèges de Wall Street n’avaient plus été aussi optimistes pour les marchés actions depuis avant la dernière crise financière, selon une enquête menée par Bank of America Corp. Si les prévisions de bénéfice ont connu une brusque hausse, les actions ont bondi de façon encore plus marquée. Selon FactSet, l’indice S&P 500 se négocie désormais à 22 fois les bénéfices attendus pour l’an prochain, un niveau qui n’a été dépassé que lors du pic de la flambée internet de 2000.

D’autres marchés d’actifs sont tout aussi tendus. Les investisseurs sont prêts à acheter des junk bonds à des taux de rendement les plus bas depuis au moins 1995 et au spread le plus étroit par rapport aux obligations d’Etat depuis 2007, selon les données fournies par Bloomberg Barclays. Les prix de l’immobilier résidentiel et commercial, corrigés de l’inflation, tournent autour des pics atteints en 2006.

La valorisation des actions et des biens immobiliers est plus justifiable aujourd’hui qu’en 2000 ou en 2006 puisque les rendements des bons du Trésor, sans risque, sont bien inférieurs. Dans ce sens, les politiques de la Fed fonctionnent exactement comme prévu : elles améliorent à la fois les perspectives économiques, ce qui est favorable aux profits, la demande immobilière et la solvabilité des entreprises, ainsi que l’appétence pour le risque.

Quoi qu’il en soit, des taux bas ne suffisent plus à justifier certaines valorisations d’actifs. Pour les «  bulls  » (investisseurs optimistes), il s’agit plutôt des indicateurs alternatifs.

Bank of America a récemment remarqué que les entreprises aux émissions de carbone relativement basses et qui utilisaient l’eau de manière plus efficace affichaient des valorisations boursières plus élevées. Ces dernières ne sont pas le résultat de meilleurs flux de trésorerie ou de perspectives de profits plus radieuses, mais de l’essor des fonds investis selon des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, les critères ESG.

La valorisation conventionnelle est également inutile pour les cryptomonnaies qui ne génèrent pas d’intérêts ou de dividendes. Leurs promoteurs assurent qu’elles vont supplanter les monnaies fiduciaires générées par les banques centrales en tant que moyen de transaction et réserve de valeur. « La cryptomonnaie a le même potentiel révolutionnaire qu’Internet et pourrait être tout aussi largement acceptée » clame la brochure d’introduction en Bourse de la plateforme d’échange de cryptomonnaie Coinbase Global, dans une langue qui rappelle des IPO liées au monde d’Internet datant de plus de vingt ans. Le 7 mai, les cryptomonnaies représentaient 2 400 milliards de dollars, selon le site d’actualités CoinDesk, soit plus que tous les dollars américains en circulation.

Il faut également compter avec les innovations, comme au cours des dernières flambées financières. L’assurance de portefeuille, stratégie visant à se protéger des pertes dues aux fluctuations du marché, a amplifié les ventes lors du krach boursier de 1987. Dans les années 1990, les courtiers en ligne ont dopé les valeurs technologiques et dans les années 2000, les subprimes ont contribué au financement de l’immobilier. L’équivalent aujourd’hui sont des courtiers à zéro commission comme Robinhood Markets, la propriété partagée et les réseaux sociaux, qui ont tous donné davantage de moyens aux investisseurs particuliers.

Ce type d’investisseurs influencent de plus en plus la direction générale du marché, à en croire un récent rapport de la Banque des règlements internationaux, un consortium des banques centrales du monde entier. Il révèle par exemple que depuis 2017, le volume d’échanges de fonds négociés en bourse (ETF) qui reproduit le S&P 500, un chouchou des investisseurs institutionnels, s’est aplati tandis que le volume des valeurs qui le composent, favorisées par les boursicoteurs, a augmenté. Le rapport souligne que les particuliers sont plus susceptibles d’acheter les actions d’une entreprise pour des raisons indépendantes de ses activités mais, par exemple, parce que son nom ressemble à celui d’une autre action qui a le vent en poupe.

Si c’est généralement à la Fed qu’est reproché ce genre de spéculation, il n’est pas si simple d’établir un lien direct. Ce qui n’est pas le cas avec le plan de relance fiscal. Jim Bianco, directeur de l’agence de recherches financières Bianco Research, explique que les flux d’ETF et de fonds communs ont bondi en mars lorsque le Trésor a distribué des chèques de relance de 1 400 dollars. « La première chose que vous faites en recevant votre chèque c’est le déposer sur votre compte, et en 2021, c’est sur un compte de courtage » explique M. Bianco.

Le monde d’après

Impossible de savoir comment ou quand tout cela va se terminer. Ce n’est d’ailleurs pas une obligation : les actions chères pourraient finir par fournir les rendements nécessaires pour justifier leur valorisation, surtout compte tenu de la dynamique économique actuelle. En attendant, des poches de spéculation plus extrêmes pourraient bien s’écrouler sous leur propre poids si les profits n’étaient pas au rendez-vous ou que des rivalités s’installaient.

Il fut un temps où le Bitcoin avait menacé de supplanter le dollar ; aujourd’hui, de nombreux concurrents sont sur les rangs pour faire la même chose. Autrefois, Tesla était quasiment le seul titre disponible si vous vouliez parier sur les véhicules électriques ; aujourd’hui il y a le chinois NIO, Nikola et Fisker, sans oublier des fabricants bien établis comme Volkswagen et General Motors qui produisent toujours plus de modèles électriques.

Mais pour que tous les titres chutent, il faudrait un événement macroéconomique, comme une récession, une crise financière ou de l’inflation.

Une inflation légèrement plus haute inciterait la Fed à augmenter également un tantinet ses taux d’intérêt à court terme, ce qui n’est pas nécessairement dommageable pour les valorisations d’actifs. Plus inquiétant : les rendements obligataires à long terme, cruciaux pour les valeurs des actifs, pourraient augmenter de façon bien plus significative

Le rapport de la Fed de la semaine passée affirme que le virus reste la plus grande menace à laquelle l’économie, et par conséquent le système financier, sont confrontés. La déception du taux de chômage du mois d’avril est un rappel de l’incertitude des perspectives économiques. Pourtant, avec le recul du virus, une récession semble désormais peu probable. Une crise financière liée à quelque fragilité cachée ne peut être totalement exclue. Ceci dit, les banques ont tant de capitaux et les crédits hypothécaire sont si surveillés que la perspective de quelque chose de comparable à la crise financière de 2007-2009, qui a commencé avec des défauts de paiements hypothécaires, est assez peu probable. Si les junk bonds, les cryptomonnaies ou les valeurs technologiques étaient achetés principalement avec de l’argent emprunté, une chute de leur valeur pourrait précipiter une vague de ventes forcées, et potentiellement, une crise. Mais cela ne semble pas s’être produit. Le récent effondrement d’Archegos Capital Management à la suite des opérations sur produits dérivés a infligé des pertes à ses créanciers. Mais il n’a pas menacé leur survie ni provoqué de contagion dans d’autres sociétés du même genre.

« Où est le deuxième Archegos ? », demande M. Bianco. « On l’attend toujours. »

Ce qui laisse l’inflation. La peur de l’inflation est très répandue aujourd’hui, compte tenu de la pénurie de semi-conducteurs, de bois et de main-d’œuvre qui impose une pression haussière sur les prix et les coûts. La plupart des prévisionnistes et la Fed estiment que ces pressions vont s’alléger lorsque l’économie sera rouverte et que les dépenses auront repris leur rythme normal. Quoi qu’il en soit, la différence de rendement entre obligations traditionnelles et obligations indexées sur l’inflation suggère que les investisseurs s’attendent à ce que l’inflation atteigne en moyenne 2,5 % lors des prochaines années. Pas franchement une redite des années 1970, ce qui est en outre compatible avec le nouvel objectif de la Fed visant une inflation moyenne de 2 % sur le long terme. Quoi qu’il en soit, il s’agirait d’une rupture nette avec les chiffres à moins de 2 % des dix dernières années.

Une inflation légèrement plus haute inciterait la Fed à augmenter également un tantinet ses taux d’intérêt à court terme, ce qui n’est pas nécessairement dommageable pour les valorisations d’actifs. Plus inquiétant : les rendements obligataires à long terme, cruciaux pour les valeurs des actifs, pourraient augmenter de façon bien plus significative. Depuis la fin des années 1990, les cours des actions et des obligations ont tendance à évoluer dans des directions différentes. La raison en est que lorsque l’inflation n’est pas un sujet d’inquiétude, les chocs économiques poussent généralement à la fois les rendements obligataires (qui vont dans le sens opposé des prix) et le cours des actions vers le bas. Par conséquent, les obligations jouent le rôle de police d’assurance contre les pertes sur les actions, pour lesquelles les investisseurs sont prêts à accepter des rendements moindres. Si l’inflation redevient un problème, alors les obligations perdent cette valeur d’assurance et voient leur rendement augmenter. Ces derniers mois, cette corrélation obligations-actions, en place depuis plusieurs dizaines d’années, a commencé à disparaître, affirme Brian Sack, ancien économiste de la Fed travaillant désormais pour le hedge fund D.E. Shaw & Co. Selon lui, ce phénomène est en partie imputable aux inquiétudes face à l’inflation.

Les nombreuses années écoulées depuis l’époque où l’inflation dominait le paysage financier ont conduit les investisseurs à valoriser les actifs comme si l’inflation ne devait plus jamais avoir ce type d’influence. Peut-être ont-ils raison. Mais si l’association inédite de plans de relance budgétaire et monétaire parvient à faire sortir l’économie du schéma de la dernière décennie, cette autosatisfaction pourrait s’avérer fort coûteuse.

(Traduit à partir de la version originale en anglais par Bérengère Viennot)

Le recul de l’industrie pharmaceutique française

Le recul de l’industrie pharmaceutique française

Par Jérôme Batout et Michel Guilbaud .  Jérôme Batout et Michel Guilbaud sont fondateurs du cabinet BG Group.

« Il y a bien un problème structurel dont souffre aujourd’hui l’innovation thérapeutique en France, dans une industrie où nous sommes passés de leader européen à la quatrième place en une quinzaine d’années »

A ce jour, la France est le seul membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU à avoir échoué à développer un vaccin anti-Covid. Il faut prendre ce signe très au sérieux sur nos capacités en matière d’innovation thérapeutique – en plus des déconvenues sur les masques et sur les tests. 2020 n’est pas un accident de parcours : il y a bien un problème structurel dont souffre aujourd’hui l’innovation thérapeutique en France, dans une industrie où nous sommes passés de leader européen à la quatrième place en une quinzaine d’années.

L’exécutif n’a pas tardé à se saisir de ce problème. Dès l’été dernier, des économistes éminents, sollicités par le président de la République, dont Philippe Aghion et Elie Cohen, ont mené une analyse de notre désindustrialisation et de notre déficit d’innovation, en particulier dans la santé. En janvier dernier les notes très nettes du Conseil d’analyse économique, rédigées par Anne Perrot et Margaret Kyle, ont analysé parfaitement les retards de l’innovation pharmaceutique française. L’Institut Montaigne a multiplié les propositions sur le sujet depuis cinq ans.

Vision partagée. A présent il faut agir et réformer. Les médias ont été critiques envers un gouvernement peu proactif dans sa lutte contre l’épidémie ou dans sa réponse aux manques de moyens de l’hôpital. Mais en coulisse, et depuis plus d’un an, se prépare ce qui pourrait être un Ségur de l’innovation thérapeutique : le Conseil stratégique des industries de santé, ou CSIS. Il s’agit d’un format qui vise à élaborer une vision partagée, en rassemblant tous les deux ans autour de l’exécutif l’ensemble des acteurs de l’industrie de santé française. Sa prochaine édition se tiendra fin juin et ne visera pas moins que regagner notre place dans l’innovation.

Le CSIS a été créé en 2004, à l’initiative de Jean-Luc Bélingard, alors PDG d’IPSEN et qui a ensuite donné tout son développement à Biomérieux, et Jean-François Dehecq, l’emblématique fondateur de Sanofi. Si ces deux dirigeants souhaitent alors donner de la visibilité à un secteur aussi régulé que l’industrie de santé, c’est justement pour éviter que la régulation ne freine l’innovation. Or l’inverse se produit depuis deux décennies, même si le CSIS de 2018 avait au contraire fixé des objectifs ambitieux qui commencent à se concrétiser.

Alors que le gouvernement travaille à un nouveau volet de la relance, il serait malheureux que l’industrie dont on a vu la déficience avec la pandémie ne soit pas celle qui en bénéficie

Reste que cet événement qui s’attaque à la racine des problèmes révélés par le covid-19 est bien moins spectaculaire que la lutte contre celui-ci. Emmanuel Macron a rappelé l’existence des CSIS et l’importance qu’il y attache, lors de son déplacement en avril à l’usine Delpharm où est sous-traitée une petite partie de la production du vaccin Pfizer-BioNTech. Le décor illustre bien les retards de la France dans le secteur : bien loin d’un centre de R&D, c’est une simple usine d’embouteillage du produit germano-américain, et pas de production de ses principes actifs.

Campagne vaccinale. Même si cette préparation s’effectue dans l’ombre, loin de l’attention portée sur la campagne vaccinale, elle n’en n’est pas moins déterminante. Ce CSIS doit être le moment de la concrétisation des réformes que tout le secteur sait nécessaires mais qui ont été pendant trop longtemps repoussées. Alors que le gouvernement travaille à un nouveau volet de la relance, il serait malheureux que l’industrie dont on a vu la déficience avec la pandémie ne soit pas celle qui en bénéficie.

Soyons optimistes, puisque la prise de conscience est réelle de la part de l’exécutif depuis le début de l’année. Le gouvernement s’est notamment penché de près sur un nouvel accord-cadre, signé en mars en présence d’Olivier Véran et d’Agnès Pannier-Runacher, qui pilotent aussi le CSIS, entre les entreprises pharmaceutiques et l’administration de santé sur la procédure de fixation du prix des médicaments. Il comporte désormais une série de mesures pour renforcer la R&D, favoriser les investissements de production et de digitalisation.

Tous les acteurs de la santé confirment que les ambitions de l’Elysée pour le CSIS sont à la hauteur du problème, d’où un suivi attentif de sa préparation. Le calendrier est resserré, le format retenu est innovant : plutôt que les administrations, ce sont cinq personnalités qualifiées qui coordonnent cette édition en s’intéressant à la santé dans son ensemble. Les expertes Lyse Santoro et Agnès Audier composent ce groupe avec les professeurs Jean-Charles Soria et José-Alain Sahel, et Muriel Dahan, membre de l’IGAS.

Aujourd’hui, la France n’est pas une destination privilégiée pour implanter l’innovation thérapeutique

Pour la première fois, France Biotech est associé à l’élaboration des propositions. La dynamique de préparation est appuyée par un constat partagé par tous les acteurs de la filière, industriels, chercheurs, entrepreneurs, administration et patients. Sans financement adéquat, sans écosystème entre industries et universités, l’innovation française disparaît avant son développement. En somme, elle a besoin d’une BARDA, l’agence américaine qui finance et accompagne la recherche biomédicale, pour sécuriser sa croissance.

Mais au-delà des préoccupations du développement de l’innovation, l’enjeu aval de sa régulation doit aussi être une priorité du CSIS. Les délais d’accès à l’innovation en France sont particulièrement longs et incertains à cause d’une procédure complexe. Or c’est la perception de l’environnement industriel et du marché français qui décidera les laboratoires pharmaceutiques à développer ou non leur implantation sur le territoire.

Le gouvernement souhaite que les recommandations soient finalisées d’ici au 28 juin, afin de synchroniser les annonces avec l’événement Choose France à cette date. Aujourd’hui, la France n’est pas une destination privilégiée pour implanter l’innovation thérapeutique. Il sera intéressant de voir si en juin, alors que tous les acteurs concernés le souhaitent, le CSIS pourra recréer un dialogue constructif entre les industriels et l’État, pour refaire de la régulation en matière de santé un atout et remettre la France sur la route de l’innovation de demain.

Jérôme Batout et Michel Guilbaud sont fondateurs du cabinet BG Group.

Mozambique: la France toujours prête intervenir

Mozambique: la France toujours prête intervenir

 

La France n’est même pas sorti du bourbier malien avec sa force barkhane qu’elle est déjà prête à s’engager au Mozambique.

Paris fait feu de tout bois contre le djihadisme. La France est prête à apporter un soutien militaire aux pays d’Afrique australe s’ils décidaient d’intervenir contre les groupes djihadistes au Mozambique, a déclaré Emmanuel Macron, vendredi 29 mai, pendant une visite en Afrique du Sud.

Des djihadistes liés au groupe Etat islamique ont multiplié les attaques dans le nord du Mozambique ces dernières années, notamment dans la région de Cabo Delgado riche en gaz naturel, contraignant notamment Total à annoncer le retrait de son personnel le mois dernier.

La France, qui craint aussi une contagion de la rébellion islamiste aux Comores, voisines du département de Mayotte, de l’autre côté du canal du Mozambique, observe avec attention l’évolution de la situation sur le terrain, confiait récemment le ministère des Armées à Reuters.

« Nous sommes à disposition pour aider, mais dans le cadre d’une solution politique qui sera d’abord demandée par le Mozambique et ensuite structurée par la SADC (Communauté de développement de l’Afrique australe) », a précisé Emmanuel Macron au côté de son homologue Cyril Ramaphosa. Dans ce cas-là, « la France est disponible pour prendre part à des opérations sur la partie maritime », a déclaré le chef de l’Etat.

Les principaux pays de la SADC se sont réunis jeudi pour étudier les besoins du Mozambique et les options disponibles pour rétablir la stabilité, mais aussi apporter une aide économique à l’un des pays les plus pauvres du continent, a indiqué le président sud-africain.

L’option d’une intervention militaire n’a pas été retenue pour le moment, le président mozambicain Filipe Nyusi et ses voisins privilégiant, au nom de la souveraineté du Mozambique, un renforcement des forces de sécurité locales.

Le Portugal, ancienne puissance coloniale au Mozambique, pousse de son côté pour que l’Union européenne mette en place dans les prochains mois une mission de formation de l’armée mozambicaine, même si peu de pays européens semblent prêts à y participer.

Délinquance: Des moyens supplémentaires pour la police….aux États-Unis

Délinquance:  Des moyens supplémentaires pour la police….aux États-Unis

Un article deZusha Elinson, Dan Frosch et Joshua Jamerson dans le Wall Street Journal

 

 

Il y a un an, le mouvement « Defund the police » militait pour une réduction des fonds alloués aux forces de l’ordre. Mais après avoir effectivement modifié leur budget, beaucoup de villes américaines font aujourd’hui marche arrière et veulent rétablir (voire augmenter) leurs moyens.

Le maire de New York, Bill de Blasio, a ainsi relancé le projet de nouveau commissariat, un projet à 92 millions de dollars qui avait été abandonné l’été dernier. Son homologue de Baltimore, qui avait obtenu l’an passé une baisse de 22 millions de dollars du budget de la police, a récemment proposé une hausse de 27 millions de dollars.

Après une série d’attaques contre des habitants d’origine asiatique et une flambée des homicides à Oakland, en Californie, le conseil municipal est revenu sur une partie des coupes budgétaires imposées aux forces de l’ordre (3,3 millions sur 29 millions de dollars) et envisage désormais d’augmenter l’enveloppe allouée à la police de 24 millions de dollars. De son côté, le maire de Los Angeles a proposé une augmentation d’environ 50 millions de dollars du budget de la police, amputé de 150 millions de dollars l’an passé.

Dans les 20 plus grands services de police des Etats-Unis, les élus locaux veulent donner plus de moyens à neuf des douze départements pour lesquels les budgets de l’année prochaine ont déjà été dévoilés, les hausses demandées oscillant entre 1 % et près de 6 %.

Confrontées à une envolée de la criminalité (dans certaines villes, les meurtres ont bondi de plus de 10 %), les municipalités ont finalement eu du mal à réduire le budget de la police

De nombreuses villes américaines sont dirigées par des démocrates qui ont soutenu « Defund the police », un mouvement porté par Black Lives Matter et d’autres groupes au lendemain de l’assassinat de George Floyd par un officier de police à Minneapolis. La formule a été utilisée par les manifestants pour décrire des revendications allant d’une réduction pure et simple du budget des forces de police à une réallocation des fonds en faveur des services sociaux.

Mais, confrontées à une envolée de la criminalité (dans certaines villes, les meurtres ont bondi de plus de 10 %), les municipalités ont finalement eu du mal à réduire le budget de la police. Au quatrième trimestre 2020, les homicides ont ainsi augmenté de 32,2 % dans les villes de plus d’un million d’habitants, selon le rapport trimestriel du FBI sur le sujet. Pour les forces de l’ordre et les criminologues, le stress généré par la pandémie et la mise en retrait de la police ont probablement joué un rôle.

« Difficile de parler sérieusement de réduction du budget de la police quand la délinquance augmente », résume Michael Nutter, ancien maire démocrate de Philadelphie.

L’an passé, le mouvement « Defund the police » a coïncidé avec une baisse des recettes fiscales liée aux confinements. Mais la pandémie de Covid-19 se terminant peu à peu, l’économie repart et les collectivités locales bénéficient aussi de subventions fédérales. Des élus locaux et représentants des forces de l’ordre soulignent également que les réformes envisagées, notamment une meilleure formation des policiers, peuvent s’avérer très coûteuses. Et, dans certains quartiers, les habitants s’inquiètent d’une baisse des effectifs alors que la criminalité a augmenté.

L’été dernier, près de la moitié des 258 services de police interrogés par Police Executive Research Forum, un think tank de Washington, ont déclaré que leur budget avait été réduit ou le serait probablement. Selon cette enquête, ce sont les achats d’équipement qui ont le plus pâti des coupes budgétaires, suivis par la formation, le recrutement et les heures supplémentaires.

D’après Interrupting Criminalization, une initiative du Barnard Center for Research on Women qui milite pour une réduction du budget de la police, les militants ont réussi à obtenir une baisse de 840 millions de dollars à l’échelle nationale, et 160 millions de dollars de réallocation à des programmes sociaux. Le centre ajoute que les villes ont aussi annulé pour 35 millions de dollars de contrats de surveillance des écoles par les services de police.

Mais ces décisions ne représentent qu’une infime partie des quelque 100 milliards de dollars que les Etats-Unis dépensent chaque année pour leurs 18 000 services de police.

Surveillance rapprochée

De Baltimore à Minneapolis et Louisville, les villes épinglées par le département de la Justice pour le comportement de leur police ont besoin d’argent pour financer les changements exigés, notamment la formation des officiers de police ou l’achat de caméras-piéton.

« Pour changer la police, il faut recruter des agents, il faut les former autrement et il faut engager leur responsabilité, explique Chuck Wexler, directeur exécutif du Police Executive Research Forum. Penser qu’en enlevant des ressources à la police, on la rendra meilleure, c’est ridicule. »

A Minneapolis, ville où George Floyd a été tué, le budget de police a été amputé de 8 millions de l’an passé, puis relevé de 6,4 millions de dollars. Devant des départs en retraite en série et une augmentation de la délinquance, il a fallu recruter.

A Baltimore, Brandon Scott a été élu maire en décembre dernier après avoir fait campagne sur une refonte des services de police. L’an passé, alors président du conseil municipal, il avait (avec succès) milité pour une baisse de 22,4 millions de dollars du budget de la police, une somme qu’il voulait transférer aux services sociaux.

Dans les premiers mois de son nouveau mandat, il a proposé 27 millions de dollars… de hausse. Lors d’un entretien, il a déclaré que ce changement de cap s’expliquait par une augmentation des pensions de retraite et de l’assurance-maladie des policiers. Pour lui, l’obligation de réformer la police de Baltimore et de former les policiers (ainsi que le prévoit l’accord conclu en 2017 avec le département de la Justice après la mort de Freddie Gray, décédé après une rupture des cervicales pendant une garde à vue) complique également la mise en place de coupes budgétaires.

China Terrell, habitante de Baltimore, raconte son effroi quand, mercredi matin, son mari a été attaqué en pleine rue. Les voleurs sont partis avec son Apple Watch et son iPhone. Directrice exécutive d’une organisation locale à but non lucratif, elle souligne qu’elle n’avait jamais ressenti d’aussi près la hausse de la criminalité dont elle entendait parler.

« Pour moi, il faut repenser et revoir la façon dont on imagine la police, et pour mettre en place ce qu’on estime être des améliorations, il faudra plus d’argent, pas moins. C’est une réalité qui ne reflète pas du tout “Defund the police” »

Candidate démocrate aux élections législatives de l’Etat, elle estime que la réduction du budget décidée par Brandon Scott n’est pas responsable de l’agression de son mari. Pour lutter contre la délinquance, il faut selon elle réduire les inégalités et le nombre de terrains vagues dans les quartiers, mais pas le budget de la police. Avec davantage de moyens, poursuit-elle, la police pourrait améliorer ses procédures de recrutement et de formation pour que les officiers de police soient plus justes et plus impliqués dans la vie locale.

« Pour moi, il faut repenser et revoir la façon dont on imagine la police, et pour mettre en place ce qu’on estime être des améliorations, il faudra plus d’argent, pas moins, affirme cette femme de 43 ans. C’est une réalité qui ne reflète pas du tout “Defund the police”. »

Toby Ditz a 70 ans. Cette enseignante à la retraite de Baltimore raconte qu’elle a été déçue de savoir que Brandon Scott voulait augmenter le budget de la police alors qu’il s’était présenté comme un réformateur pendant la campagne. Elle comprend les coûts liés aux pensions de retraite et à l’assurance-maladie, mais estime qu’ils auraient pu être compensés par des économies à d’autres niveaux. « Le minimum, ç’aurait quand même été de ne pas augmenter le budget », soupire-t-elle.

Brandon Scott souligne qu’il est favorable à une diminution à terme du budget de la police, mais qu’il redoute que des coupes hâtives n’alimentent les critiques.

« Je pense que les habitants de Baltimore attendent de moi que je fasse les bonnes choses, mais surtout les bonnes choses au bon moment », souligne-t-il.

L’été dernier, Oakland a prélevé 14 millions de dollars sur le budget de sa police pour financer un nouveau programme grâce auquel des spécialistes de la santé gèrent certaines crises à la place de la police ; certaines fonctions ont aussi été transférées à d’autres départements. En décembre, à court d’argent, Libby Schaaf a demandé 15 millions de dollars d’économies supplémentaires.

LeRonne Armstrong, le chef de la police, raconte que son service a décidé de réduire le nombre de policiers à pied, qui patrouillaient dans les quartiers pour empêcher les règlements de comptes entre les gangs, et les effectifs de l’équipe chargée d’empêcher les rodéos urbains.

Mi-avril, 41 homicides avaient été commis : 13 de plus que l’an passé, lorsqu’un confinement strict était en place. Les sideshows s’étaient multipliés, y compris près de la maison de Libby Schaaf. Et plusieurs personnes avaient été agressées dans le quartier chinois d’Oakland, où la police de proximité avait auparavant l’habitude de se rendre.

« Ce que ce mouvement de coupes budgétaires ne prend pas en compte, c’est l’explosion de la criminalité dans notre ville », déplore LeRonne Armstrong.

John Jones III, animateur à East Oakland, quartier où les homicides sont les plus nombreux, explique que les habitants ne veulent pas moins de policiers : ils veulent de meilleurs policiers.

« Un, ils veulent que les policiers arrêtent de nous tuer et de nous faire du mal et deux, ils veulent qu’ils fassent leur boulot. Quand vous entendez les tirs depuis votre salon ou que vous vous faites cambrioler, vous voulez que quelqu’un vienne et fasse quelque chose », souligne-t-il.

Le 12 avril, après un engagement du chef de la police et des plaintes des habitants, le conseil municipal a voté à l’unanimité pour l’annulation d’une partie des coupes budgétaires.

Nikki Fortunato Bas, présidente du conseil municipal, faisait partie des militants qui voulaient à tout prix réduire le budget de la police. Elle a voté en faveur de l’annulation. Le conseil municipal « a tenté de réagir à des problèmes de sécurité bien réels », résume-t-elle.

Services sociaux

A New York, Bill de Blasio et le conseil municipal avaient dans un premier réduit le budget opérationnel de la police de 5,6 à 5,2 milliards de dollars après les manifestations. Une partie des économies réalisées avaient été allouées aux programmes pour les jeunes et aux services sociaux.

Mais entre le 1er janvier et le 23 mai 2021, 531 fusillades ont eu lieu, contre 295 lors de la même période l’an passé. Pour le prochain exercice, le maire veut revenir sur la moitié des coupes budgétaires.

En avril, lors d’une conférence de presse, il a expliqué que les premières coupes budgétaires étaient le résultat « du contexte de l’époque » et de la volonté de la mairie de transférer des fonds vers les populations locales, mais aussi des tensions financières provoquées par la pandémie. Il a précisé que, grâce au plan de relance fédéral, la ville possédait désormais davantage de moyens.

Parmi les coupes les plus emblématiques sur lesquelles la mairie est revenue figure la construction du 116e commissariat du Queens, un projet défendu par les responsables locaux. Les fonds alloués à ce projet proviennent d’une autre ligne budgétaire de la police.

Roberto Williamson, propriétaire du Breezes Island Grill Restaurant and Lounge, un restaurant américano-caribéen dans le Queens, trouve le nouveau commissariat « formidable ».

Ceux qui avaient porté le mouvement « Defund the police » sont déçus, mais soulignent que leurs efforts ont produit d’autres résultats

Il n’avait pas remarqué d’augmentation de la criminalité, mais se dit favorable à un meilleur accès aux services de police dans le quartier. Le plus important, selon lui, c’est d’améliorer les relations entre les habitants et les policiers.

« Le commissariat dont on dépendait était vraiment très loin, donc ce sera forcément bien d’en avoir un plus près, explique-t-il. Je ne suis pas favorable à une baisse du budget de la police si elle fait ce qu’elle doit faire pour la communauté et les gens qui s’en occupent. »

Ceux qui avaient porté le mouvement « Defund the police » sont déçus, mais soulignent que leurs efforts ont produit d’autres résultats. Chivona Newsome, cofondatrice de l’antenne de Black Lives Matter pour l’agglomération new-yorkaise, évoque ainsi une mesure prise en mars par le conseil municipal : la fin de l’immunité accordée aux policiers poursuivis pour violation des droits civiques, immunité qui protégeait les policiers lors de l’essentiel de leurs interventions. « Je sais que [Defund the police] est une formule controversée, mais elle a changé la façon dont les gens considèrent la police », affirme-t-elle.

L’an passé, en raison de l’impact économique de la pandémie, la ville de Denver a réduit le budget de sa police de près de 25 millions de dollars. Un programme pilote lancé l’été dernier prévoyait l’envoi de travailleurs sociaux et d’infirmiers à la place des officiers de police quand les appels au commissariat ne semblaient pas être liés à des problèmes de violence. Le programme STAR a reçu une première enveloppe de 208 000 dollars provenant de recettes fiscales votées en 2018. Il devrait être étendu à toute la ville, pour un coût total de 3 millions de dollars l’an prochain, des fonds issus du budget global de la ville et d’autres sources, mais pas du budget de la police.

Selon un rapport municipal, 68 % des 243 personnes que les travailleurs sociaux ont rencontrées suite à des appels étaient sans abri. Aucune de leurs interventions n’a nécessité l’aide de la police de Denver. D’après les conclusions du rapport, le programme pourrait permettre de réduire de 2,8 % les appels à la police pour des demandes d’aide.

Les finances étant plus stables cette année, Denver pourrait aussi restaurer le budget de la police, a indiqué le porte-parole du maire Michael Hancock, qui ne soutient pas de réduction.

Paul Pazen, le chef de la police de Denver, explique que le programme Star est un excellent exemple de l’approche « holistique » indispensable pour réformer la police et que les coupes budgétaires mineront ces efforts.

« Il est assez rare que quelque chose fonctionne mieux avec moins d’argent », résume-t-il.

Katie Honan a contribué à cet article

(Traduit à partir de la version originale par Marion Issard)

L’Afghanistan livré aux talibans

L’Afghanistan livré aux talibans

En actant un retrait inconditionnel des troupes américaines d’Afghanistan, le président Joe Biden prend un risque énorme, analyse cet expert pakistanais. Les liens entre les insurgés et Al-Qaida constituent une menace à long terme, dit-il dans un entretien accordé au « Monde ».

 

 

Ahmed Rashid est un journaliste et essayiste pakistanais, expert du mouvement taliban. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont Le Retour des talibans (Delavilla, 2009), dans lequel il invitait notamment les Etats-Unis à revoir leur stratégie, sous peine de perdre la guerre. 

Pourquoi aura-t-il fallu vingt ans de guerre en Afghanistan pour que Washington, sous la présidence de Donald Trump, accepte de signer un accord avec les talibans, à Doha, le 29 février 2020 ?

Le seul objectif de M. Trump était de pouvoir annoncer le retrait des troupes lors de la campagne présidentielle américaine de 2020. Il n’a tenu compte ni des intérêts américains, ni des intérêts afghans, et n’a fixé aucune stratégie. Les Etats-Unis avaient déjà plusieurs fois essayé de faire la paix. En 2009, Barack Obama avait ainsi nommé comme représentant spécial pour l’Afghanistan et le Pakistan Richard Holbrooke [brutalement décédé en décembre 2010], qui a dépensé beaucoup d’énergie pour faire avancer la paix. Mais il était trop isolé au sein de l’administration américaine.

Aujourd’hui, Joe Biden prend un risque énorme en accélérant le retrait total des troupes. Il parie sur une sortie négociée avec les talibans. Or, celle-ci n’est que pure hypothèse : depuis l’été 2018, les insurgés n’ont jamais montré la volonté d’aboutir à la paix. Ils ont obtenu beaucoup, sans rien apporter en échange. On ignore ce qu’ils veulent en matière de système politique, d’éducation, de santé, de relations extérieures et quelle sera la place des femmes dans la société. C’est très inquiétant.

 

 

Comment les Américains avaient-ils été accueillis par la population afghane en 2001 ?

Leur arrivée et celle des ONG avaient suscité un immense espoir de paix. Après cinq ans de règne, les talibans ne pouvaient plus compter sur le soutien populaire. Les Afghans aspiraient, dans leur ensemble, à être libérés de leur joug. Quant aux groupes non pachtouns, ils n’avaient jamais cessé de résister. Depuis 1993, l’Afghanistan était d’ailleurs devenu le théâtre d’une guerre ethnique opposant les Pachtouns d’une part, aux Tadjiks, Ouzbeks et Hazara d’autre part, avec des soutiens logistique et politique de pays étrangers dans chaque camp. Cela explique, avec la supériorité militaire américaine, pourquoi les talibans ont perdu si vite, fin 2001.

 

 

Washington aurait-il dû convier les talibans dès la fin 2001 à participer à l’accord de Bonn censé préparer la transition démocratique ?

A l’époque, la participation des talibans au travail de refondation du pays était inenvisageable pour les Etats-Unis. Ils refusèrent même la proposition de certains leaders talibans d’une reddition auprès du nouveau maître de Kaboul, Hamid Karzaï [désigné, à Bonn, chef de l’autorité intérimaire]. Selon Washington, les talibans étaient vaincus et devaient se rendre aux Américains, pour être emprisonnés ou condamnés à mort.

Covid : déficit budgétaire record

Covid : déficit budgétaire record

 

Olivier Dussopt a annoncé samedi une révision massive à la hausse de la prévision de déficit budgétaire de l’Etat pour l’année en cours : celui-ci est désormais attendu à « environ 220 milliards d’euros », soit 47 milliards de plus que ce qui était prévu dans le budget initial pour 2021, selon les propos à l’AFP du ministre délégué chargé des Comptes publics.

Cette dérive des comptes de l’Etat, si elle se confirmait en fin d’année, serait sans précédent. En 2020, l’exécutif avait pourtant atteint un pic jamais vu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale , qui paraissait difficile à surpasser : le déficit budgétaire s’était établi à 182 milliards d’euros, deux fois plus élevé que celui de 2019 et à un niveau supérieur de 30 milliards à celui atteint en 2010 après la crise financière.Les experts y compris la banque de France considèrent que ce déficit record qui va imposer de nouveaux emprunts coûte moins cher que précédemment à la France compte tenu de l’extrême faiblesse des taux. Une analyse qui fait l’impasse sur la reprise de l’inflation largement prévisible qui entraînera nécessairement un relèvement aussi des taux d’intérêt.

Foot -D1 féminine : Paris va sans doute détrôner Lyon

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le PSG enfin vers le premier titre de champion de France de son histoire. Les Parisiennes ont fait un grand pas vers le sacre en obtenant le match nul sur la pelouse de l’Olympique Lyonnais dimanche 30 mai au Groupama Stadium (0-0). Le PSG peut mettre fin à une série de 14 titres consécutifs de Lyon s’il s’impose contre Dijon vendredi prochain, lors de la dernière journée de championnat.Une occasion supplémentaire pour le grincheux président Aulas de Lyon d’accuser les arbitres, les joueurs et l’entraîneur.

COVID France : en dessous de la barre des 3000 soins intensifs

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Le nombre de malades du Covid-19 recensés dans les services de réanimation continue de reculer, passant sous la barre des 3000 personnes ce dimanche, selon les derniers chiffres de Santé publique France. Une première depuis le 24 janvier dernier.

2993 personnes se trouvent actuellement en soins critiques, contre 3028 malades samedi et 3104 vendredi. Ces services ont admis 43 nouveaux patients en raison du Covid-19 ces dernières 24 heures.

Actuellement 16.775 patients atteints du coronavirus sont accueillis dans les hôpitaux français, contre 16.847 samedi et 17.272 vendredi. 199 personnes ont été hospitalisées au cours des dernières 24 heures.

Entre samedi et dimanche, 44 personnes sont, par ailleurs, mortes du Covid-19 à l’hôpital.

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Un plan prématuré pour réduire les aides aux entreprises

Un plan prématuré pour réduire les aides aux entreprises

l’économie est à peine relancée que déjà Bercy envisage un plan pour réduire les aides aux entreprises. En effet au premier trimestre, l’activité économique a ainsi de nouveau légèrement ralenti (- 0,1 %, selon les dernières estimations de l’Insee, après - 1,5 % entre octobre et décembre). Elle reste près de 5 points en dessous de son niveau d’avant-crise. Une annonce sans doute un peu prématurée dans la mesure où l’objectif central devrait être de contribuer au redressement de la confiance. Or si des investissements reprennent par contre les ménages demeurent relativement prudents avec une toute petite progression de 0,1 % de la consommation au premier trimestre.

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L’annonce de la suppression des aides est pour le moins prématurée car la France est loin d’être sortie de l’auberge en matière de croissance et de toute manière nous somme encore cinq points en retard par rapport au niveau économique de 2019. Il faudra bien sûr gérer les nombreuses défaillances qui vont intervenir au second semestre 2021 et au premier semestre 2022. On ferait mieux de réfléchir encore à un meilleur étalement des prêts garantis par l’État aux entreprises

Climat : un nouvel appel dans le désert des dirigeants mondiaux

Climat : un nouvel appel dans le désert des dirigeants mondiaux 

Un nouvel appel en faveur du climat de la part des dirigeants mondiaux lancés en Corée. Un appel qui ne mange pas de pain mais qui sans doute ne changera pas grand-chose tellement les déclarations sont éloignées des politiques réelles.. De quoi sourire un peu face aux déclarations du fantasque Boris Johnson qui a rarement tenu ses promesses dans ce domaine comme ailleurs :

«C’est un bon début, mais ne nous tapons pas dans le dos pour l’instant parce que notre planète et notre peuple ont besoin de plus», a-t-il déclaré. «Nous avons besoin de gouvernements qui ne feront pas seulement des promesses sur le climat et la nature, mais joignent le geste à la parole».

 

Reste que beaucoup de pays en développement préfèrent privilégier la croissance pour lutter contre la misère ce que constate le secrétaire général de l’ONU. «Ce n’est pas un partenariat mondial si certains luttent pour survivre», a ajouté le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. «Lutter de front contre le changement climatique aidera à protéger les personnes les plus vulnérables de la prochaine crise tout en soutenant une reprise riche en emplois après la pandémie», a-t-il déclaré.

 

Bref encore de belles déclarations, de belles intentions mais qui laisse à chaque pays le soin de faire ce qu’il veut. La régulation mondiale de la lutte contre le climat reste encore à inventer.

 

Un projet UDI en 2022 pour faire peur à Macron !

Un projet UDI en 2022 pour faire peur à Macron

Le mini parti de l’UDI menace de présenter une candidature aux présidentielles de 2022. En fait, c’est le résultat du mépris de Macron pour ses partenaires de la majorité qu’il s’agisse de l’UDI ou encore des centristes de Bayrou. Après avoir utilisé les intéressés Macron a plutôt tendance à les considérer comme quantité négligeable. D’où la rebellions de l’UDI qui n’ira sans doute pas loin mais qui est aussi fait vraisemblablement pour ménager le nombre de députés futurs après les présidentielles. «Nous avons porté notre projet européen en 2019. Il n’y a aucune raison que nous ne portions pas notre projet national en 2022

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