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Placement financier : Protéger le consommateur contre lui-même ?

Placement financier : Protéger le consommateur contre lui-même ?

 Jusqu’où faut-il aller pour protéger le consommateur en finance, quand on sait combien ses comportements peuvent être irrationnels ? C’est la question que se sont posée les régulateurs européens des services financiers et leurs homologues nationaux au cours d’un séminaire dont le compte-rendu vient d’être publié. Protéger veut-il dire les contrôler ? Par Charles Cuvelliez, Université de Bruxelles (Ecole Polytechnique de Bruxelles), Belfius Banque et Anne-Laure Ferron, Belfius Banque (dans La Tribune)

En matière d’assurance, c’est le risque qu’on sous-estime : une inondation catastrophique peut-elle vraiment se produire demain à ses portes ? Dans un futur lointain, oui peut-être. Ce court-termisme dans notre réflexion nous incite à retarder nos décisions. Avec les assurances santé et accidents, même si elles nous préoccupent, ce n’est pas demain non plus qu’un accroc nous arrivera, se dit-on. Pour l’EIOPA, l’autorité de régulation des assurances, l’intuition ou les raccourcis cognitifs ont trop souvent le dessus, comme ne considérer que les résultats antérieurs d’un produit financier en imaginant qu’ils vont continuer. C’est la socio-démographie du client qui décidera s’il prend une assurance, et pas le risque encouru : revenus, région où l’on vit, type d’habitation ou expertise des assurances. Si l’État intervient s’il y a eu de mauvaises expériences avec les assureurs, cela jouera aussi. La notion de risque est bien loin.

Attention, dit L’EIOPA aux dark patterns, quand on achète une assurance e ligne. C’est tout ce qui vous influencera dans la présentation du produit : la pression sociale, comme les témoignages des autres clients, certaines options déjà cochées, la pression du temps (offre limitée dans le temps), un sentiment de culpabilité de ne pas bien se protéger, bref, jouer avec les émotions.
Pour l’ESMA, l’autorité de régulation des marchés financiers, investir est soumis à plusieurs biais, l’excès de confiance et un optimisme débridé. Les investisseurs n’évaluent pas la situation en termes de probabilité. Ils se reposent aussi sur leur croyance antérieure, même face à de nouvelles informations (susceptibles de les contredire). Les probabilités d’évolution financière récemment observées sont surestimées parce qu’encore fort présentes dans leur mémoire.

Tout est pensé, si on n’y fait pas attention pour éviter les regrets, pour ne pas avoir à se reprocher ses décisions en cas de mauvaises performances. À l’aversion au regret se couple l’aversion à la perte : on préfère ne pas perdre d’argent plutôt que d’en gagner plus, un biais qui amène à l’inertie. Qui de nous ne s’est jamais dit que ne pas vendre des actions qui perdent de leur valeur, attendre, c’est ne pas acter sa perte pour se refaire ?

Les biais peuvent rendre Mifid moins efficace (Markets in Financial Instruments Directive). Avec elle, chaque client doit se voir proposer des produits financiers adéquats, pour ses besoins et par rapport à ce qu’il maitrise. Il faut évaluer vos connaissances financières et vos besoins. Il s’agit de questionnaires dont la formulation peut être subjective et mener à des biais comportementaux (fonte de caractères utilisée, mise en page, présentation des réponses en cas de choix multiples) : il ne faut pas essayer, dit l’ESMA, via une question d’en savoir le plus possible sur toute une série d’éléments ou laisser la possibilité de ne pas répondre trop fréquemment. Comment formuler des questions qui révèlent et les véritables besoins du client et sa compréhension de la matière. Laisser trop de latitude, en appliquant Mifid, au client à s’autoévaluer provoquera un biais d’optimisme et de confiance. Mifid ne tient pas compte que l’investisseur va aussi sur les médias sociaux pour s’informer, avec le risque de gamification. L’investissement n’est pas un jeu, ce qui favorise, en plus, le court-termisme. Et quid de Mifid pour le monde des cryptos ?

Car n’oublions pas ce qu’est Mifid, sans équivalent ailleurs. Il faut tout dévoiler, les frais encourus, comment la banque voit le client, en termes de connaissance, de produit à lui proposer. Imaginerait-on d’être ainsi bordé pour tout autre achat ? Ce serait top.
L’autorité néerlandaise des marchés s’est intéressée aux investisseurs qui ne veulent pas de conseils et ne font que passer des ordres (environnement, execution-only). Être livré à soi-même, c’est préjudiciable : 30% de ces investisseurs font trop de transactions sans les diversifier. S’agit-il du biais de sur-optimise ou le syndrome FOMO (Fear of Missing Out, la peur de rater quelque chose) ou, bien, la plate-forme d’investissement qui l’influence. Mieux vaut aussi n’offrir la possibilité d’investir que l’argent vraiment transféré, sans accepter les cartes de crédit pour ce faire. Comment la performance rapportée a également un impact sur le comportement de l’investisseur (performance annuelle, mensuelle, depuis le début de la relation commerciale).

Au fur et à mesure que se numérise la finance, le comportement de l’investisseur comptera de plus en plus. C’est différent de présenter un produit financier directement de conseiller à client, en face-à-face, ce qui ne dépend que de sa compétence et sa présentation sous forme numérique, ce qui comporte de nombreuses subtilités susceptibles d’affecter la réaction du client. Cela peut aller dans les deux sens, exacerber les biais ou mieux découvrir le vrai besoin du client. Mais y a-t-il de « bonne » ou « mauvaise » décisions d’investissement ? N’y a-t-il pas aussi la capacité individuelle à assumer ses choix éclairés. Il y a aussi les biais propres à chaque individu que rien ne corrigera (s’il faut les corriger) : il y aura toujours des investisseurs prêts à acheter quand l’action est au plus haut et d’autres qui ne voudront acheter que des actions en pleine dégringolade sans certitude que c’est fini.

Urgence Ukraine: protéger le ciel des missiles russes

Urgence Ukraine:  protéger le ciel des missiles russes

 

Un collectif d’intellectuels et de militaires, parmi lesquels Jonathan Littell et le général Michel Yakovleff, estime, dans une tribune au « Monde », que la France et l’Union européenne doivent aider Kiev à se protéger des attaques aériennes de la Russie mais aussi faire évoluer leur doctrine militaire.

Depuis le début de l’année, plus de 4 000 drones à longue portée et presque autant de missiles balistiques ou de croisière ont frappé la population, les bâtiments civils (hôpitaux, écoles, universités, immeubles d’habitation) et les infrastructures économiques et énergétiques de l’Ukraine. Ces bombardements destructeurs ne ciblent pas les positions militaires ukrainiennes. La Russie cherche, avant tout, à terroriser la population, à désintégrer le tissu social et à provoquer l’effondrement économique de l’Ukraine, en menaçant et désorganisant chaque instant de la vie quotidienne, en interrompant la distribution de l’eau et de l’énergie, en rasant les équipements hospitaliers et éducatifs, en dévastant les installations industrielles du pays.Pour ne prendre que l’exemple du réseau électrique, plus de 60 % des capacités de production d’électricité ont été détruites depuis le début de l’invasion. En un mois, cela représente une perte de 6 gigawatts, soit la consommation de 12 % de la population. L’objectif de Vladimir Poutine est évidemment la paralysie totale du système énergétique ukrainien lorsque viendra l’hiver 2024-2025. La tactique russe de bombardement montre également un raffinement dans la terreur imposée aux civils, puisqu’une seconde frappe intervient quelques minutes après la première, afin de viser les équipes de secours. Ces pratiques terroristes ont pour objectif d’obliger l’Ukraine à la capitulation, en tâchant de convaincre ses alliés de sa défaite inéluctable, avec l’aide des relais du Kremlin en Europe et aux Etats-Unis.

A l’obsession de Poutine, nous devons opposer fermeté et détermination, pour nous montrer à la hauteur des enjeux existentiels de cette guerre. Nous n’avons que trop tardé à livrer l’armement dont les combattants ukrainiens ont besoin, en particulier celui qui permettrait à l’Ukraine de protéger les civils des attaques aériennes meurtrières. Nous avons tous à l’esprit le récent échec de l’attaque aérienne d’Israël par l’Iran, qui a utilisé en une nuit quatre fois plus de vecteurs que la Russie ne le fait par jour.

Malgré la différence de taille des territoires à couvrir, si la protection du ciel est techniquement possible au Proche-Orient, elle pourrait l’être en Ukraine. Elle demande avant tout la détermination politique de nos gouvernements. Au moment où le front ukrainien est à court d’obus, l’arrière, c’est-à-dire les villes et les implantations industrielles, manque, lui, cruellement de moyens de défense antiaérienne.

Une loi pour protéger les consommateurs des arnaques énergétiques

Une loi pour protéger les consommateurs des arnaques énergétiques Annonce le ministre de l’énergie et de l’industrie.

Interview dans la tribune

 

Question à Roland Lescure ministre de l’énergie et de l’industrie: À propos des pompes à chaleur, les arnaques à l’installation se multiplient. Que comptez-vous faire pour protéger les consommateurs ?

Il est hors de question que quelques individus mettent à bas cette stratégie ambitieuse au prétexte de s’enrichir. Nous serons intraitables, et l’ensemble des ministères concernés y travaille. Des annonces devraient être faites prochainement, notamment pour renforcer les contrôles. Chez les fournisseurs d’énergie aussi, il y a eu des comportements de voyous. L’État [par l'intermédiaire de la Commission de régulation de l'énergie, la CRE] a donc engagé trois enquêtes sur trois fournisseurs. Nous allons tout faire pour sanctionner les comportements déviants. La loi viendra par ailleurs renforcer le pouvoir de contrôle de l’Etat, pour mettre un terme à ces comportements.

Ces mesures devaient constituer un des volets du projet de loi relatif à la souveraineté énergétique, qui n’est plus à l’agenda. Il y a aura donc un nouveau projet de loi ?

Nous allons évaluer les chemins. Cette année, nous avons déjà adopté l’extension du TRV [tarif réglementé de ventes] d’électricité à toutes les très petites entreprises via une proposition de loi votée à l’unanimité. L’objectif est de faire adopter les mesures souhaitées, mais pas forcément au même moment. Celles-ci concernent la protection des consommateurs, la régulation du marché de l’électricité, les grandes orientations de production et nos barrages.

Selon Les Échos, la facture des six futurs réacteurs nucléaires EPR2 aurait déjà grimpé de 30 % pour s’établir à 67,4 milliards d’euros, contre les 51,7 milliards annoncés initialement par EDF. Comment expliquer un tel dérapage, et faut-il en redouter d’autres ?

Le chantier n’a pas encore démarré donc on ne peut pas parler de dérapage. En revanche, ces vingt dernières années, l’industrie nucléaire n’a pas brillé par sa capacité à livrer dans les temps et en respectant les budgets. Mais le management a évolué, les relations avec les industriels aussi, et j’ai confiance en EDF. Pour autant, faisons-nous un chèque en blanc ? Non. Nous avons organisé une gouvernance au sein de l’État pour surveiller de très près tous les projets, avec la mise en place d’un Conseil de politique nucléaire et d’une délégation interministérielle au nouveau nucléaire, qui va challenger tous les chiffrages et la conduite des opérations. J’entends que les estimations d’EDF sont réévaluées. Mais elles n’ont été ni validées, ni échelonnées dans le temps, ni financées. Or, le coût du financement et la durée de construction joueront énormément. Par ailleurs, l’entreprise s’est engagée dans un programme d’optimisation du projet et de ses coûts. Tout cela sera évalué en temps et en heure lorsque nous aurons des projets suffisamment finalisés. Nous ne signerons pas de chèque sans avoir eu de devis détaillé.

Des bactéries pour protéger du vieillissement

Des bactéries pour protéger du vieillissement


C’est notamment grâce à une petite bactérie ultra-résistante capable de « revenir à la vie » après des attaques extrêmement nocives, que les théories existantes sur la chimie du vieillissement sont en train d’être rebattues.

par Miroslav Radman est fondateur et directeur scientifique de l’Institut Méditerranéen des Sciences de la Vie (MedILS) dans The Conversation

Il s’agit de Deinococcus radiodurans, une des bactéries les plus résistantes connues à ce jour, qui vit dans des environnements arides comme le sable du désert. Elle survit dans les conserves de viande après le traitement de « choc » que constitue une stérilisation par rayonnement gamma. Elle peut également survivre à une dose d’irradiation 5000 fois plus importante que la dose mortelle pour les humains.

Les études ont montré que cette bactérie survit même si son ADN est endommagé et brisé en plusieurs centaines de fragments à cause d’un stress violent. En seulement quelques heures, elle reconstitue entièrement son patrimoine génétique et revient à la vie. Son ADN n’est pas plus résistant, il est simplement réparé immédiatement par des protéines indestructibles face à cette radiation extrême.

Ainsi, le secret de la robustesse de cette bactérie extrêmophile dépend de la robustesse de son « protéome » – l’ensemble de ces protéines – et notamment de ses protéines de réparation de l’ADN.

Ceci suggère un nouveau paradigme : pour augmenter la longévité, et notamment celle des humains, c’est le protéome – plus que l’ADN – qu’il nous faut protéger.

En effet, la survie de l’organisme dépend de l’activité de ses protéines. Si on agit contre l’altération du protéome, qui est à l’origine du vieillissement, on intervient simultanément sur l’ensemble de ses conséquences : par exemple la survie et le fonctionnement cellulaire ; et on évite les mutations induites par les radiations.

Le vieillissement se caractérise par l’accumulation d’évènements qui détériorent les fonctions de nos organes, et par une augmentation exponentielle des risques de décès et des maladies au fil du temps.

De nombreux modèles ont été proposés pour expliquer la base moléculaire du vieillissement, tels que la théorie de la sénescence cellulaire, la diminution de la capacité de réparation de l’ADN, le raccourcissement des télomères, le dysfonctionnement mitochondrial et le stress oxydant ou encore l’inflammation chronique.

Ces différents modèles s’attachent tous à tenter de comprendre les conséquences du vieillissement, et non les causes. Le dogme central « ADN -> ARN -> protéines », qui désigne les relations entre l’ADN, l’ARN et les protéines et qui renvoie à l’idée que cette relation est unidirectionnelle (c’est-à-dire que de l’ADN vers les protéines en passant par l’ARN), mérite aujourd’hui d’être reconsidéré.

En effet, si plutôt que de s’intéresser d’abord à notre ADN et de rechercher à le protéger pour freiner notre vieillissement, nous protégions notre protéome ?

Le terme « protéome » désigne l’ensemble des protéines présentes dans une cellule ou dans un organisme. Les protéines – du grec protos qui signifie « premier » – représentent le second principal constituant du corps humain, après l’eau, soit environ 20 % de sa masse.

Le terme « protéome » a été construit par analogie avec le génome : le protéome étant aux protéines ce que le génome est aux gènes, c’est-à-dire l’ensemble des gènes/protéines d’un individu – cet ensemble protéique variant en fonction de l’activité des gènes.

En effet, le protéome est une entité dynamique, qui s’adapte en permanence aux besoins de la cellule face à son environnement. Les protéines sont des molécules essentielles à la construction et au fonctionnement de tous les organismes vivants. Environ 650 000 réseaux interactifs protéine-protéine ont été identifiés dans divers organismes, dont environ 250 000 chez l’humain.

Les protéines exécutent une grande variété de fonctions :

Un rôle structurel : de nombreuses protéines assurent la structure de chaque cellule, et le maintien et la cohésion de nos tissus. Par exemple, l’actine et la tubuline participent à l’architecture de la cellule. La kératine à celle de notre épiderme, de nos cheveux et de nos ongles. Le collagène est une protéine qui joue un rôle important dans la structure des os, des cartilages et de la peau.

Un rôle fonctionnel : enzymatique (par exemple, les protéases participent au nettoyage des protéines dysfonctionnelles et à la desquamation), hormonal (par exemple, l’insuline régule la glycémie), de transport (par exemple, les aquaporines transportent l’eau dans les différentes couches de la peau) ou de défense (par exemple, les immunoglobulines participent à la réponse immunitaire). Ainsi, l’ensemble des fonctions vitales est assuré par l’activité des protéines.

La « carbonylation », première cause d’altération irréparable de notre protéome
L’équilibre entre la synthèse de nouvelles protéines et leur dégradation s’appelle la protéostasie. Celle-ci est nécessaire au fonctionnement de notre organisme.

Mais cet état d’équilibre est sensible. Il est même constamment menacé, car la synthèse et la dégradation des protéines dépendent… de protéines. Avec le temps et les agressions extérieures, le protéome est soumis à diverses altérations, dont la plus redoutable est la « carbonylation », dommage irréversible lié à l’oxydation des protéines.

Les protéines carbonylées sont modifiées de façon permanente. Elles ne peuvent plus assurer correctement leurs fonctions biologiques ; et acquièrent même parfois des fonctions toxiques sous forme de petits agrégats.

Lorsqu’elles sont endommagées de façon irréparable, les protéines doivent être recyclées ou éliminées. Avec l’âge, cette élimination se fait plus difficilement, ce qui peut causer leur accumulation sous forme d’agrégats toxiques qui entravent la physiologie cellulaire et accélèrent le vieillissement. Au-delà d’un certain seuil, ces agrégats sont néfastes pour l’organisme : un état de protéotoxicité s’installe alors.

La perte de la protéostasie, c’est-à-dire l’équilibre entre la synthèse de nouvelles protéines et leur dégradation, due à l’accumulation d’agrégats protéiques, constitue la cause centrale dans le vieillissement et les maladies dégénératives. Ces agrégats de protéines carbonylées se retrouvent dans la plupart des maladies liées à l’âge, ainsi que dans les principaux signes de vieillissement de la peau.

Ainsi, alors que notre vision du vieillissement était jusqu’à présent centrée sur le génome, les recherches récentes sur le protéome introduisent l’importance de l’accumulation des protéines endommagées comme un facteur-clef du processus de vieillissement dans son ensemble.

Les molécules chaperonnes antioxydantes, pour agir sur les causes du vieillissement
Pour se replier correctement, la plupart des protéines ont besoin de l’aide de protéines spécialisées appelées « chaperonnes ». Les molécules chaperonnes sont de petites protéines qui aident et assistent au repliement normal des protéines après leur synthèse par les ribosomes, ou à leur bon repliement après un stress, tel un stress thermique.

Le terme de molécule chaperonne – d’origine française bien que proposé par John Ellis et Sean Hemmingsen – a été adopté car leur rôle est d’empêcher les interactions indésirables et de rompre les liaisons incorrectes qui peuvent se former, à l’instar d’un chaperon humain. Bref, les chaperonnes (protéiques ou chimiques) sont les médecins des protéines mal-formées !

Revenons à la bactérie Deinococcus radiodurans, chez elle, les chaperonnes jouent un rôle clé dans la protection des protéines contre la carbonylation, en évitant que leurs acides aminés ne soient exposés aux radicaux libres ou ROS. Ainsi, elles réduisent leur susceptibilité aux altérations et limitent la formation d’agrégats. En parallèle, leur efficacité antioxydante neutralise les causes de la carbonylation.

Ces protéines chaperonnes antioxydantes constituent donc un moyen efficace de protéger le protéome, en apportant à la fois une protection physique de la structure fonctionnelle des protéines, et un bouclier antioxydant lié aux protéines qui protège contre les dommages tels que la carbonylation.

Chez Deinococcus radiodurans, grâce à une protection efficace de son protéome contre les dommages oxydatifs par les molécules chaperonnes chimiques, plutôt que de son génome, son protéome intact est alors capable de réparer les dommages causés à son génome et in fine de lui permettre de ressusciter en quelques heures.

Au-delà du génome, la protection de notre protéome, c’est-à-dire de nos protéines, peut être considérée aujourd’hui comme la clé de notre santé et de notre longévité. Toute autre théorie du vieillissement est compatible avec cette théorie, et se laisse interpréter par celle-ci.

Société- comment protéger les enseignants ?

Société- comment protéger les enseignants ?

Trois ans après la mort de Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie tué à la sortie de son collège à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), l’assassinat ce vendredi 13 octobre 2023 de Dominique Bernard, professeur de français de la cité scolaire Gambetta-Carnot d’Arras ouvre à nouveau la question des protections à assurer dans les établissements scolaires, en particulier pour les professeurs qui peuvent subir des agressions venant de l’extérieur mais doivent aussi faire face à des mises en cause inadmissibles en interne, en particulier pour ce qui concerne les enseignements en EPS, SVT ou histoire.

Claude Lelièvre
Enseignant-chercheur en histoire de l’éducation, professeur honoraire à Paris-Descartes, Université Paris Cité dans The Conversation

Peut-on vraiment « sanctuariser » les établissements et les enseignements ? Un certain nombre d’annonces qui ont été faites dans le passé apparaissent difficilement applicables ou laissent dans l’ombre certains aspects du problème pourtant bien réels.

Pour sécuriser l’entrée des établissements scolaires, on songe immédiatement aux annonces concernant la mise en place de portiques, évoquée depuis une quinzaine d’années. En mai 2009, en visite au collège de Fenouillet en Haute-Garonne où une enseignante avait été poignardée par un élève de cinquième après son refus de lui retirer une punition, le ministre de l’Éducation Xavier Darcos avait ainsi déclaré envisager l’installation de dispositifs de détection de métaux devant certains établissements.

Un mois plus tôt, à la suite de l’intrusion d’une bande armée dans un lycée professionnel de Gagny en Seine-Saint-Denis se soldant par une dizaine de blessés, Xavier Darcos s’était déjà prononcé pour l’implantation de caméras de surveillance dans les collèges et lycées. Cependant, ces nouveaux dispositifs sont à la charge des départements et des régions, et peu d’entre eux s’engagent alors dans cette voie.

À la suite des attentats du 13 novembre 2015 à Paris, lors de la campagne des élections régionales, Valérie Pécresse et Laurent Wauquiez, futurs présidents des régions Île-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes, avaient demandé l’installation de portiques de sécurité à l’entrée de tous les lycées. Le plus engagé dans cette voie était Laurent Wauquiez qui avait annoncé que sa région doterait ses 320 lycées de portiques tels qu’on peut en trouver dans les aéroports, afin de contrer le « terrorisme, l’intrusion d’armes à feu et le trafic de drogues ».

Le nouveau président du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes avait décidé d’expérimenter cette mesure dans quinze établissements pilotes. Mais six mois après l’annonce, la région a dû faire marche arrière et a opté pour de simples tourniquets avec badge. Les conseils d’administration des établissements concernés ne se sont en effet pas prononcés pour les portiques mais plutôt pour des remises aux normes des clôtures, des réparations des grillages ou des caméras de surveillance. En mars 2017, alors que la fusillade dans un lycée de Grasse relance le débat, sur France Inter, Philippe Tournier, le secrétaire général du SNPDEN, syndicat majoritaire des chefs d’établissement rappelle les écueils logistiques à ce type de dispositifs :

« Le calcul a été fait par nos collègues, notamment dans la région Auvergne-Rhône-Alpes où le projet a existé. Pour un lycée d’un millier d’élèves, il fallait qu’ils arrivent une heure en avance pour passer les contrôles de sécurité alors qu’on lutte déjà pour que les élèves arrivent à l’heure normale. Ce n’est techniquement pas sérieux. »

Mais Philippe Tournier revendique non moins nettement que les établissements scolaires soient dotés d’agents de sécurité : « cela existe dans les hôpitaux, dans les centres commerciaux, dans les mairies et même au ministère de l’Éducation nationale mais toujours pas dans les établissements scolaires. Nous ne demandons pas des gardes armés devant les établissements. Ce n’est absolument pas notre demande. Mais on dit que la sécurité est un métier ». Des équipes mobiles de sécurité sont alors chargées de lutter contre la violence scolaire mais elles ne représentent que 500 personnes pour 60 000 établissements. Le ministre de l’Éducation nationale. En octobre 2023, Gabiel Attal vient d’annoncer « le déploiement de 1 000 personnels de sécurité » dans les établissements scolaires.

Les menaces qui pèsent sur les enseignants ne sont pas seulement extérieures, les mises en cause peuvent tout à fait venir de l’intérieur des établissements scolaires. Et, de ce point de vue, on doit prendre en compte le constat déjà alarmant dressé il y a une vingtaine d’années par l’inspecteur général Jean-Pierre Obin.

En juin 2004, ce rapport de l’Inspection générale de l’Éducation nationale, rédigé donc par Jean-Pierre Obin à l’issue d’inspections menées dans une soixantaine d’établissements scolaires dits « sensibles », est remis au ministre de l’Éducation nationale François Fillon. Son intitulé : Les signes et manifestations d’appartenances religieuses dans les établissements scolaires. La question du port du voile y est présentée dans ce rapport comme « l’arbre qui cache la forêt » des détériorations de la vie scolaire et des contestations de certains enseignements, notamment en éducation physique et sportive, en sciences de la vie et de la Terre et en histoire. À l’évidence, ce qui est le plus alarmant était laissé dans l’ombre alors qu’on se focalise généralement sur des « signes extérieurs » tels que le port du voile.

Le rapport n’est pas rendu public par le ministère. Et pour cause : le ministre de l’Éducation nationale François Fillon ne rompt pas avec la tentation de mettre en avant ce qui est le plus visible. Il revendique ostensiblement d’avoir été moteur dans l’interdiction du port du voile par les élèves dans les établissements scolaires tout en se prononçant pour l’extension de cette interdiction à l’université. Près d’un an plus tard, en mars 2005, peu après sa publication sur le site de la Ligue de l’enseignement, le rapport est discrètement placé sur le site du ministère, sans qu’aucune autre initiative ne soit prise par le ministre François Fillon.

Les contestations des enseignements pointées par le rapport « Obin » n’ont pas cessé depuis, tant s’en faut. C’est ce qui explique sans doute qu’une proposition de loi« visant à instaurer un délit d’entrave à la liberté d’enseigner dans le cadre des programmes édictés par l’Éducation nationale et à protéger les enseignants et personnels éducatifs » a été déposée fin octobre 2020. Elle tient en un article unique : insérer après le deuxième alinéa de l’article 131-1 du code pénal, un nouvel alinéa disant que

« Le fait de tenter d’entraver ou d’entraver par des pressions, menaces, insultes ou intimidations, l’exercice de la liberté d’enseigner selon les objectifs pédagogiques de l’Éducation nationale, déterminés par le Conseil supérieur des programmes, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »

Cette proposition a été faite par le sénateur de l’Oise, Olivier Paccaud, professeur agrégé d’histoire-géographie, en compagnie d’une cinquantaine de sénateurs appartenant pour la plupart au groupe Les Républicains. Elle n’a pas abouti.

Elle avait pourtant eu un précédent il y a déjà plus d’un siècle. Fin janvier 1914, la Chambre des députés avait en effet voté u ne série de dispositions afin d’« assurer la défense de l’école laïque ». Il était acté que quiconque exerçant sur les parents une pression matérielle ou morale, les aurait déterminés à retirer leur enfant de l’école ou à empêcher celui-ci de participer aux exercices réglementaires de l’école, sera puni d’un emprisonnement de six jours à un mois et d’une amende de seize francs à deux cents francs or. Enfin, quiconque aurait entravé ou tenté d’entraver le fonctionnement régulier d’une école publique sera frappé des mêmes peines, lesquelles seront sensiblement aggravées s’il y a eu violence, injures ou menaces.

Il avait fallu cinq ans pour que la loi de 1914 soit votée. De 1910 à 1913, de nombreux projets de « défense laïque » s’étaient succédé mais n’étaient pas allés jusqu’au bout. La IIIe République avait elle aussi connu des tergiversations avant le passage à l’acte…

Il ne saurait pourtant être question d’occulter que certaines mises en cause effectives de certains enseignements ne sauraient être tolérées, même si cela arrive moins souvent que certains le pensent. Mais cela existe, et ce qui est intolérable ne doit pas être toléré. Cela appelle la possibilité de mesures coercitives effectives, afin notamment que ceux qui font front se sentent effectivement soutenus lorsque la limite est dépassée. Cela appelle une « défense laïque » renouvelée des enseignements et des enseignants.

Espace: protéger les intérêts de l’Europe

Espace: protéger les intérêts de l’Europe

L’Europe est confrontée à une grave dégradation de son espace de sécurité, avec le retour de la guerre sur notre continent et l’intensification des menaces qui pèsent sur nos sociétés démocratiques. De plus en plus, l’avenir de nos infrastructures critiques dépend de ce qui se passe dans le domaine cyber et dans l’espace. L’Europe doit être en mesure de protéger ses intérêts. Par le Haut représentant de l’Union pour les Affaires Étrangères et la Politique de Sécurité et Vice-président de la Commission européenne (HR/VP) Josep Borrell et le Commissaire au marché intérieur Thierry Breton dans la Tribune.

À mesure que l’espace devient un domaine de compétition géopolitique, il est de plus en plus encombré et contesté. Prenons, par exemple, la décision de la Russie, en novembre 2021, de tester un missile antisatellite, générant des débris spatiaux qui persisteront pendant des décennies. Depuis, la Russie a menacé d’attaquer d’autres satellites. En outre, la nuit précédant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, une cyberattaque a mis hors service une partie du réseau de télécommunications par satellite Viasat, affectant de nombreux États membres de l’UE. Plus généralement, nous savons que nos concurrents testent et déploient divers moyens d’interdire l’accès aux systèmes et services spatiaux : armes antisatellites, usurpation et brouillage des signaux satellites, cyberattaques, prises de contrôle hostiles d’entreprises spatiales, etc…

En bref, notre sécurité dans l’espace est en danger, ce qui signifie que notre sécurité sur terre l’est tout autant. Les services spatiaux sont en effet essentiels pour notre économie, la vie quotidienne de nos citoyens et notre sécurité. Peu importe que ces services soient fournis par des systèmes spatiaux de l’UE tels que Galileo (pour le positionnement, la navigation et la synchronisation), Copernicus (pour l’observation de la Terre) ou IRIS (pour les communications sécurisées) ou par d’autres acteurs spatiaux publics et privés opérant en Europe. Dans tous les cas, la privation de services spatiaux essentiels aurait des conséquences dramatiques.

L’Europe doit donc défendre ses intérêts dans l’espace et protéger son accès à l’espace. C’est ce que préconise la boussole stratégique de l’UE. C’est pourquoi nous avons présenté le mois dernier la toute première Stratégie Européenne de l’Espace pour la Sécurité et la Défense. La nouvelle stratégie marque un changement de paradigme, et ce à plusieurs égards.

Premièrement, elle nous donnera les moyens de mieux comprendre les actions hostiles de nos concurrents. En soutenant les capacités nationales, en encourageant le partage d’informations et en faisant appel à la communauté du renseignement de nos États membres, nous améliorerons notre compréhension commune des menaces spatiales et renforcerons notre connaissance du domaine spatial afin de détecter rapidement les comportements irresponsables et hostiles.

Deuxièmement, nous veillerons à ce que les services spatiaux essentiels soient plus solides et plus résistants, notamment grâce à une nouvelle législation européenne sur l’espace qui définira des règles communes en matière de sûreté, de sécurité et de durabilité dans l’espace. Ce nouveau cadre juridique favorisera l’échange d’informations sur les incidents de sécurité ainsi que la coordination et la coopération transfrontalières. L’objectif est que tous les États membres disposent d’un niveau minimum commun de résilience pour les services spatiaux critiques ou élaborent des plans nationaux coordonnés de préparation et de résilience ainsi que des protocoles d’urgence.

Nous réduirons également nos dépendances stratégiques en protégeant nos chaînes d’approvisionnement dans le secteur spatial et en développant des technologies spatiales essentielles. Pour ce faire, nous stimulerons notre industrie spatiale, en nous appuyant sur notre base industrielle établie, ainsi que sur les entreprises dites du « New Space ».

Troisièmement, nous organiserons notre capacité à réagir lorsque nos intérêts de sécurité sont en danger. Alors qu’à l’heure actuelle, l’UE a la responsabilité de réagir aux menaces spatiales uniquement lorsqu’elles affectent les éléments des programmes spatiaux de l’UE, notre ambition est d’étendre le mécanisme de réaction de l’UE aux menaces qui pèsent sur tout service ou infrastructure spatiale affectant la sécurité de l’UE et de ses États membres.

En outre, à l’instar de la boîte à outils de cyberdiplomatie pour les cyberattaques, nous renforcerons les mécanismes et les cadres qui, sur la base de preuves solides, nous permettront de réagir et de prendre des mesures de réponse proportionnées et opportunes au niveau de l’UE, qu’elles soient techniques, diplomatiques, économiques ou militaires. Des exercices réguliers dans le domaine spatial nous aideront également à tester et à améliorer nos mécanismes de réponse.

Quatrièmement, nous tirerons le meilleur parti de nos infrastructures spatiales pour soutenir la défense et la sécurité. L’imagerie satellitaire a largement contribué à aider l’Ukraine à résister à l’attaque de la Russie. IRIS, notre nouveau programme de connectivité sécurisée, assurera la sécurité des communications gouvernementales, y compris pour les applications de défense. Nous développerons également de nouveaux services spatiaux dans le domaine de l’observation de la Terre, tout en renforçant la capacité unique d’analyse du renseignement géospatial du Centre satellitaire de l’UE.

Nous prendrons des mesures pour garantir à long terme l’accès autonome de l’UE à l’espace, ce qui est essentiel pour pouvoir réagir rapidement à tout incident dans l’espace. Nous soutiendrons le développement de solutions de lancement innovantes et réactives, telles que les micro-lanceurs et les lanceurs réutilisables, qui répondront aux besoins des acteurs de la défense.

Enfin, nous savons que la coopération avec les partenaires est indispensable. Nous pouvons compter sur nos partenaires et nos alliés au sein de l’OTAN avec lesquels nous continuerons à développer des dialogues sur la sécurité et la défense de l’espace.

L’UE redoublera également d’efforts pour promouvoir des comportements responsables dans l’espace et prévenir toute course aux armements par le biais de normes et de règles multilatérales. La diplomatie reste notre première ligne de défense. À titre d’exemple concret, nous saluons et soutenons l’interdiction des essais de missiles antisatellites destructeurs récemment proposée par les États-Unis et à laquelle certains États membres de l’UE ont déjà adhéré, conformément à la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies de 2022 sur ce sujet.

Face à l’évolution et à l’intensification des menaces, l’UE adapte son approche de l’espace en y intégrant pleinement les enjeux pour notre sécurité et notre défense. Tout cela fait partie de la construction de l’Europe géopolitique que nos citoyens attendent.

Protéger les océans : une urgence

Protéger les océans : une urgence

Alors que les gouvernements négocient à l’ONU un nouveau traité sur la haute mer, une cinquantaine d’artistes et d’intellectuels européens et américains, parmi lesquels Jane Fonda, Javier Bardem, Alec Baldwin, Joanna Lumley ou Susan Sarandon, lancent, à l’initiative de Greenpeace, un appel dans « Le Monde » pour protéger ces espaces vitaux pour la planète.

L’avenir des océans se joue cette semaine aux Nations unies (à New York), où les gouvernements négocient un nouveau traité sur la haute mer. Le résultat déterminera le sort de notre Planète bleue pour les siècles à venir.

Nous avons besoin de nos océans. Ils maintiennent notre planète habitable. Ils fournissent de la nourriture et des moyens de subsistance à des milliards de personnes et abritent une grande

Mais ils sont en crise. De la pêche industrielle à l’exploitation minière en fond marin, les océans sont confrontés à de nombreuses menaces. Heureusement, plus de cent gouvernements ont rejoint les scientifiques, afin de soutenir une solution : protéger au moins 30 % des océans d’ici à 2030, l’objectif baptisé « 30×30 », afin de leur donner l’espace nécessaire pour se reconstituer.

Cet objectif est impossible à atteindre sans un accord solide.

Actuellement, les gouvernements n’ont aucun moyen de protéger la haute mer, c’est-à-dire les eaux situées en dehors des juridictions nationales. Un traité solide remédierait à cette situation en permettant la création de vastes sanctuaires marins, interdits aux activités humaines destructrices.

Agir est urgent. Les gouvernements ont commencé à discuter d’un nouveau traité il y a près de vingt ans. Alors qu’ils discutaient, la crise des océans s’est aggravée. D’innombrables espèces et habitats ont été détruits et même perdus.

Protéger l’Ukraine c’est protéger l’Occident

Protéger l’Ukraine c’est protéger l’Occident

 

Dans une tribune au « Monde », le chef de l’administration présidentielle ukrainienne Andriy Yermak  demande aux Occidentaux des engagements de sécurité juridiquement contraignants, après le fiasco du mémorandum de Budapest de 1994 garantissant l’intégrité des frontières de l’Ukraine et violé par la Russie.

 

En novembre 1994, Boris Eltsine écrivait à son homologue américain Bill Clinton. L’ancien président de la Fédération de Russie exhortait les Etats-Unis et l’Occident à soutenir « un traité historique russo-ukrainien d’amitié, de coopération et de partenariat ». Un mois après la missive d’Eltsine à Clinton, les dirigeants se sont réunis à Budapest. En échange de l’abandon par l’Ukraine du troisième plus grand arsenal nucléaire du monde, les Etats-Unis, la Russie et le Royaume-Uni se sont engagés à « respecter l’indépendance, la souveraineté ainsi que les frontières existantes de l’Ukraine » et de « s’abstenir de recourir à la menace ou l’usage de la force » contre le pays.

Tragiquement pour l’Ukraine, le mémorandum de Budapest n’a pas résisté à l’épreuve du temps.

Tout d’abord, Kyiv a été manipulé par d’habiles juristes qui ont insisté pour que les engagements de sécurité pris à l’égard de l’Ukraine passent de « garanties » à « assurances ». Cette formulation nous hante encore. Ensuite, l’Occident a eu une confiance démesurée en la capacité d’Eltsine à mener la Russie sur la voie de la démocratie libérale. Les Occidentaux ont en effet oublié la présence des puissants anciens chefs des services secrets soviétiques, enragés par l’effondrement de leur ancien empire. Ces derniers, bien que cachés dans l’ombre, demeuraient très proches du président russe.

 

La Russie a enfreint le mémorandum de Budapest une première fois en 2003 lorsqu’elle a menacé de s’emparer par la force de l’île ukrainienne de Touzla, dans la mer d’Azov. Ensuite, est apparu le chantage constant sur l’approvisionnement en gaz. Et, en 2014, les troupes russes ont annexé la Crimée et ont pénétré dans l’est de l’Ukraine. Cette agression sanglante s’est ensuite transformée en une invasion militaire à grande échelle au début de cette année.

 

La Russie a conscience d’une notion que beaucoup d’Occidentaux ont oubliée : un pays qui souhaite préserver sa souveraineté ne peut y parvenir que si on le sait prêt à faire usage de la force.

Nombreux sont ceux qui pensent que le système occidental fondé sur des règles internationales – aujourd’hui menacé par la Russie – est né à la fin de la première guerre mondiale avec la politique d’« autodétermination ». A cette époque, le président américain Woodrow Wilson annonçait que « les aspirations nationales [devaient] être respectées » et que « les peuples ne [pouvaient] désormais plus être dominés et gouvernés que par leur propre consentement », ajoutant que « l’autodétermination n’est pas une simple expression ; c’est un principe d’action impératif ».

Mieux se protéger collectivement des attaques cyber-criminelles

Mieux se protéger collectivement des attaques cyber-criminelles

OPINION. Les évolutions en matière de partage de renseignements ont été exceptionnelles ces dernières années, notamment sous l’impulsion de l’ANSSI, mais nous pouvons aller encore un peu plus loin en invitant les entreprises à collaborer encore plus entre elles via la création de CERT (Centre d’alertes sur les attaques informatiques / également appelés CSIRT) par secteurs d’activités. Par François Deruty, Directeur des Opérations de SEKOIA. ( la Tribune)

 

Face à une cybercriminalité devenue mondiale, la réponse collective devrait être la collaboration. Faisons nôtre l’adage :

« Partager plus pour être mieux protégés collectivement ! »

La prise de conscience des entreprises en matière de cybersécurité a énormément progressé ces dernières années. Plus une entreprise, ou presque, n’ignore que les cyberattaques sont une réalité, qu’elles peuvent cibler tout le monde, sans distinction de taille, d’activité et de secteur, et surtout générer d’énormes dégâts financiers, réputationnels, etc.

Face à cette menace devenue globale et d’une ampleur sans précédent, le partage de renseignement permet de comprendre collectivement les menaces qui nous ciblent et ainsi de mieux s’en prémunir. Faisant fi de tous leurs clivages concurrentiels, les entreprises doivent accélérer le partage d’informations sur les cybermenaces entre elles. Tout simplement car les cyberattaques ne ciblent pas souvent qu’un seul acteur isolé, et parce qu’aider à protéger son écosystème c’est protéger en premier lieu son activité.

La bonne nouvelle est que nous avons atteint un niveau de maturité sur la cybersécurité qui rend ce partage aujourd’hui possible.

Sous l’impulsion de l’ANSSI, la France a considérablement progressé sur le plan de la cybersécurité et du partage de renseignements. L’ANSSI via son CERT-FR (Centre gouvernemental de veille, d’alerte et de réponse aux attaques informatiques) partage beaucoup d’informations précieuses sur les cybermenaces avec les entreprises (en direct ou publiquement sur le site du CERT-FR[1]). Dans le cadre du plan France Relances, l’Agence a également initié un maillage vertical en créant des CERT régionaux (7 premiers CERT/CSIRT sont déjà lancés) qui ont en premier lieu vocation à aider les entreprises locales à répondre opérationnellement aux cyberattaques mais aussi à créer et entretenir une base d’informations sur les vulnérabilités.

Toujours grâce à l’ANSSI, nous avons pu voir émerger des structures plus transverses comme un CERT Santé rattaché au ministère de la Santé, ou encore le CCTA (Conseil pour la Cybersécurité du Transport Aérien) qui est transverse entre les ministères, les industriels et les compagnies de transport rattachés à l’aérien.

Le Campus Cyber, « le lieu totem de la cybersécurité française », initié par le Président de la République, et qui a été opérationnellement lancé cette année, est aussi un nouveau lieu fort de cette nouvelle ère de la collaboration. Le Campus Cyber vient de lancer avec ses membres de divers horizons (éditeurs, sociétés de services cyber, entreprises du CAC 40, organismes publics) une plateforme de renseignements partagés, ouverte et gratuite pour les entreprises, sur les cybermenaces liées à la guerre en Ukraine.

Au niveau européen également des avancées majeures en matière de partage de renseignements sont en cours. La Directive NIS 2 qui vient d’être validée par les Etats membres va  »contribuer à accroître le partage d’informations et la coopération en matière de gestion des cybercrises au niveau européen ».

Il existe aujourd’hui de nombreux CERT, privés, commerciaux, ou à compétence gouvernementale ou nationale (comme le CERT-FR). Ils sont amenés à échanger continuellement des informations et des retours d’expérience entre partenaires de confiance. L’association InterCERT France, qui regroupe déjà un nombre important de CERTs français depuis plusieurs années avec succès, est en pleine évolution afin d’animer cet écosystème et favoriser notamment le partage d’information au sein de celui-ci.

Pour aller plus loin dans la collaboration, l’étape ultime serait de créer un maillage vertical en invitant les entreprises à créer des CERT communs destinés à partager du renseignement sur les menaces - des attaques de phishing, d’ingénierie sociale, de malware-ransomware, accompagné d’analyses techniques, des bonnes pratiques, des scénarios de résilience, etc. - dans leur secteur d’activités.

Les acteurs d’un même secteur (banque-assurance, énergie, automobile, spatial, grande distribution alimentaire, etc.) gagneraient ainsi en efficacité en ciblant plus exactement les usages et les moyens particuliers qui les concernent. En effet, la limite des connaissances pour un CERT national est l’impact concret qu’une menace peut avoir sur tel ou tel métier.

Prenons un exemple : dans le secteur audiovisuel, au-delà de protéger les postes bureautiques contre des malwares, la priorité pourrait être d’éviter qu’un ransomware n’empêche la diffusion de contenus. Pour résoudre un tel enjeu, les médias échangent beaucoup entre eux mais sans structure « formalisée » ni objectifs communs.

A la différence des CERT actuels qui centralisent et surtout répondent aux attaques, les CERT sectoriels pourraient se concentrer sur la mise en commun et au partage d’informations. En effet, pour être efficaces et jouer pleinement leur rôle de partage entre acteurs, ces CERT ne devraient pas avoir pour objectif de générer des profits.

À l’échelle internationale, on parle plus exactement d’ISAC - Information Sharing and Analysing Centers. Il existe un Aviation ISAC pour les compagnies aériennes, ou encore un Financial Services ISAC pour les banques. Considérant qu’une victime de cyberattaque sert systématiquement d’étalon aux malfaiteurs pour menacer toutes les autres entités semblables, les ISAC se sont bâtis sur l’idée que des concurrents avaient tout intérêt à additionner leurs forces pour mieux se prémunir contre des risques communs. Cette coopération structure notamment une répartition des tâches afin de gagner en efficacité.

Prenons l’exemple du secteur de la défense : Il s’agit évidemment d’un secteur critique, mais bien qu’étant concurrents, les acteurs sont amenés à coopérer sur de nombreux projets. Le partage d’informations et la sensibilisation y sont donc particulièrement indispensables et les entreprises ont déjà pris l’habitude de partager de nombreuses informations sur les menaces, bien conscientes qu’une attaque pourrait impacter tout leur écosystème.

Enfin, une attaque informatique contre une entreprise en particulier ne va pas se contenter d’impacter le système d’information. Elle va aussi entacher la réputation de tout un secteur d’activité. Une banque ou un établissement hospitalier qui se fait voler des données concernant ses clients ou ses patients jette une forme de doute sur tout le secteur lorsque cela devient public.

Certaines entreprises travaillent aussi sur des projets communs (le projet du Grand Paris pour les acteurs du BTP par exemple) et ont ainsi tout intérêt à protéger leur écosystème global pour protéger in fine leur propre activité… Mais cela pourrait aussi valoir pour un grand événement tel que les Jeux Olympiques 2024.

Bâtir un CERT transverse ou sectoriel commence tout simplement par deux entreprises du même domaine d’activité qui échangent sur leurs questions de cybersécurité, qui se trouvent des objectifs communs, qui partagent des bonnes pratiques. Sur ces bases, ils définissent un mode de travail : comment communiquer, à quel rythme ? Puis ils évaluent leur collaboration en se demandant régulièrement quels bénéfices ils tirent de leurs échanges ou si, au final, ils perdent leur temps. S’ils se basent sur une feuille de route pragmatique tout en étant ambitieuse, cette dynamique entraînera rapidement d’autres entreprises du même secteur.

Ces initiatives ne concernent pas que les grands groupes : les structures de taille plus modeste du même secteur n’ont pas à être inquiètes de leur capacité à contribuer. Dans mon expérience, je peux témoigner que, parfois, même une personne seule apporte toujours quelque chose si elle est concernée par le sujet. Pour lever les freins, il suffit juste de se fixer des objectifs communs réalisables.

Répétons-le : la connaissance des menaces de cybersécurité qui pèsent sur un secteur, celle des bonnes pratiques pour s’en défendre, ainsi que la vigilance nécessaire ne pourront s’obtenir que par la coopération des acteurs de ce secteur. Parce qu’ils sont tous concernés par les mêmes pratiques et les mêmes enjeux. Les pays anglo-saxons ont montré une voie possible mais il existe d’autres initiatives dont nous pourrions tout à fait nous inspirer tout en les adaptant à notre propre culture. Dépassons nos clivages concurrentiels et nous renforcerons non seulement la sécurité de nos activités, mais aussi leur prospérité.

Guerre en Ukraine : Protéger surtout les plus faibles en Europe

Guerre en Ukraine : Protéger surtout les plus faibles en Europe

Afin de renforcer le budget européen sur fond de conflit en Ukraine, les eurodéputés socialistes Sylvie Guillaume et Pedro Marques, dans une tribune au « Monde », proposent d’instaurer une taxe sur les transactions financières et une autre sur les bénéfices exceptionnels des grandes multinationales.

 

La guerre russe contre l’Ukraine entraînera inévitablement un choc économique sévère d’une ampleur incertaine dans l’Union européenne (UE). La hausse rapide des prix des denrées alimentaires et de l’énergie touche les Européens les plus vulnérables, aggravant la pauvreté énergétique et dégradant les conditions de vie.

Les prévisions économiques présentées par la Commission européenne illustrent clairement l’impact négatif de la guerre sur notre économie – la croissance ralentit considérablement et l’inflation atteint des niveaux jamais vus depuis l’introduction de la monnaie unique.

Ce sombre tableau exige une action immédiate. Nous, les socialistes et démocrates, qui luttons depuis longtemps pour une Europe plus juste, sommes déterminés à prendre la tête des efforts visant à protéger les citoyens européens, en particulier les personnes les plus vulnérables, contre les ondes de choc de la guerre.

Nous le devons aux Ukrainiens. Si nous ne restons pas forts et unis, nous ne serons pas en mesure de les aider. Nous le devons à nos citoyens, car nous leur avons promis de défendre nos valeurs. L’absence de réponse européenne aux récentes crises financière et migratoire nous a enseigné une leçon douloureuse : seuls les populistes et les forces destructrices profitent de l’inaction de l’UE.

Jusqu’à présent, la Commission a choisi de parler des sanctions et de la reconstruction de l’Ukraine. Ce sont des priorités très importantes, mais, pour conserver le soutien des Européens, mener à bien ces priorités et empêcher la montée du populisme, nous devons aussi protéger les citoyens des répercussions de la guerre ; c’est le sens de la résolution du Parlement européen adoptée au mois de mai, avec plusieurs objectifs et idées concrets. Nous demandons à la Commission européenne et aux Etats membres de l’UE de les prendre en compte immédiatement et d’en faire une priorité claire.

La première chose à faire est de conserver un maximum de flexibilité dans les règles budgétaires européennes aussi longtemps que nécessaire pour permettre une réponse efficace à l’évolution de la situation économique. Cela est possible grâce à la « clause de sauvegarde générale », qui permet de déroger transitoirement aux règles budgétaires européennes en cas de récession économique majeure.

L’UE a introduit cette clause avec la réforme budgétaire de 2011 en réponse à la crise financière, mais elle ne l’a activée qu’en mars 2020 afin de permettre aux gouvernements de réagir à la pandémie de Covid-19.

Société: Protéger les cerveaux des nouvelles technologies

 

Société: Protéger les cerveaux des nouvelles technologies

Pour la première fois, la Constitution d’un pays, le Chili, instaure des « neurodroits », destinés à protéger les cerveaux humains des dérives de la technologie. Par Philippe Boyer, directeur relations institutionnelles et innovation à Covivio.( la « Tribune »)

Pas sûr qu’Elon Musk soit le bienvenu à Santiago. L’emblématique patron de Tesla, et depuis peu de Twitter, est également le créateur de la société Neuralink(1) qui a pour objet d’élaborer une connexion directe entre le cerveau de l’Homme et des ordinateurs, et cela, grâce à des implants placés dans le cortex. D’abord à usage médical, pour soigner des troubles neurologiques graves, Elon Musk ne cache pas qu’il a également pour ambition d’implanter des puces dans des cerveaux humains afin de doter l’organisme d’un supplément de capacités digne d’un ordinateur.

Pour l’heure, seule la truie Gertrude(2) eut « l’honneur » d’expérimenter cette interface cerveau-machine (ICM), digne d’un passable ouvrage de science-fiction. Grâce à la puce de 8 millimètres insérée dans son cerveau, les scientifiques ont pu observer l’activité neuronale de l’animal selon que Gertrude se nourrissait, se déplaçait ou encore dormait. Fort de ces premiers essais pratiqués sur des cobayes animaux, le fondateur de Neuralink rêve déjà à l’étape suivante : obtenir les autorisations pour implanter des puces dans les cerveaux d’humains volontaires. Une fois ceci réalisé, ceux-ci pourraient alors « utiliser un smartphone avec leur esprit plus rapidement qu’avec leurs pouces(3) ». Nul besoin de préciser que les conséquences de cette idée de connexion « Hommes-machines » percutent nos convictions éthiques, philosophiques et morales les plus profondes, à commencer par le simple énoncé de ces quelques questions de bon sens : à qui appartiendront les données issues de nos cerveaux, de nos pensées, voire de nos rêves ? A quelles fins pourraient-être utilisées ces technologies ? Et puis, quelles nouvelles inégalités pourraient-elles créer ? Abyssales interrogations…

Modification de l’article 19 de la Constitution du Chili

C’est dans ce contexte, où la techno-réalité dépasse la science-fiction, que l’ex-président de la République chilienne, Sebastian Piñera (les récentes élections de mars 2022 l’ont, depuis, démis de ses fonctions) prit l’initiative de proposer et faire voter une loi, puis de modifier la Constitution de son pays en légiférant sur les «neurodroits» (neuroderechos) ou droits du cerveau. La modification constitutionnelle fut promulguée le 14 octobre dernier et l’ajout d’un nouvel alinéa de quelques lignes à l’article 19(4) suffit à faire du Chili le pionnier dans la protection des « droits du cerveau » en inscrivant que « le développement scientifique et technologique est au service des personnes et doit se faire dans le respect de la vie et de l’intégrité physique et mentale. La loi réglemente les exigences, les conditions et les restrictions de son utilisation chez les personnes, et doit notamment protéger l’activité cérébrale, ainsi que les informations qui en proviennent(5)».

Se prémunir contre le « brain hacking »

Dans ses travaux préparatoires, le Sénat chilien détailla ce qu’il faut entendre par « neurodroits inaliénables ». En l’occurrence, il s’est employé à établir et détailler trois conditions de préservation des individus qui auraient été soumis à un éventuel « piratage de cerveau » (brain hacking) dès lors qu’une machine aurait été connectée, consciemment ou pas, à leurs cerveaux : 1/ affirmer la préservation des données de l’esprit humain afin d’éviter leur trafic, 2/ encadrer le rôle des « neuroalgorithmes » et 3/ limiter les capacités d’écriture dans le cerveau(6). On croirait lire le script du film du réalisateur Christopher Nolan, « Inception », qui met en scène la capacité à lire dans les rêves et à graver des idées dans le cerveau de personnes.

Cerveau connecté : mythe ou réalité ?

Face à Elon Musk qui n’hésite pas à surenchérir en proclamant que nous serions proches d’une sorte de singularité couplant Hommes et machines, il faut se méfier des annonces tonitruantes promptes, d’une part, à faire naître des attentes démesurées chez des patients atteints de pathologies neurologiques et, d’autre part, d’entretenir le mythe d’une machine connectée à notre cerveau capable de sonder notre tréfonds cérébral. La lecture de la littérature scientifique sur ce sujet remet quelque peu les pendules à l’heure(7).

En 2014, des scientifiques européens publièrent une lettre ouverte(8) à l’Union européenne demandant une réorientation urgente du projet « Human Brain Project(9) » qui vise, d’ici à 2024, à simuler le fonctionnement du cerveau humain grâce à un superordinateur qui fournirait des informations capables d’aider à développer de nouvelles thérapies médicales pour soigner les maladies neurologiques. Pour ces scientifiques, il faudra bien plus qu’une machine, aussi puissante soit elle, pour simuler le comportement d’un cerveau entier. Rien que pour le cortex (la partie supérieure du cerveau), ce sont des milliards de neurones, pouvant chacun se connecter à 10.000 autres par le biais de quatre à dix messages chimiques différents. Et, en plus du cortex, il faut ajouter les autres zones du cerveau (cervelet, système limbique…) qui, elles aussi, interagissent les unes avec les autres. Cette lettre ouverte des scientifiques porta ses fruits puisque le projet « Human Brain Project » fut remodelé et l’utopie d’un futur humain connecté passa au second plan au profit de la recherche neurologique.

Éthique des neurotechnologies

En Europe, aux Etats-Unis ou en Asie, de nombreux programmes de recherche en neurosciences sont en cours et drainent des budgets très importants. Du fait de leurs objets qui, parfois, frisent avec la manipulation mentale et la prise de contrôle du cerveau, la seule limite à se fixer est celle de l’éthique.

Pour l’heure, il n’existe pas (encore) de charte mondiale que les Etats s’engageraient à respecter, à l’instar de nombreux traités internationaux sur la non-prolifération d’armes nucléaires.

Les futures grandes règles éthiques à respecter sont néanmoins connues : d’abord, la confidentialité et le consentement des données collectées. Ensuite, la préservation de l’identité et, en cela, la non-altération de notre capacité à choisir nos actions (ce principe renvoi à l’idée que des implants neuronaux pourraient influencer nos effets cognitifs, émotionnels, voire notre personnalité même).

Et enfin, la maîtrise du domaine problématique de l’augmentation cognitive. Ici, il s’agirait de borner ce que les neurotechnologies pourraient apporter en matière d’amélioration des performances cognitives afin d’aboutir à cet humain artificiellement « augmenté ».

Autant de garde-fous éminemment éthiques destinés à éviter qu’un docteur Folamour n’ouvre un jour la boîte de Pandore et qu’un « neuro-charlatanisme » ne devienne la norme. Si tel était le cas, il ne nous resterait alors qu’à traverser l’Atlantique, direction Santiago.

 

 

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NOTES

1 https://neuralink.com/

2 https://siecledigital.fr/2020/09/02/neuralink-teste-son-implant-neuronal-sur-des-porcs/

3 https://medium.com/geekculture/how-elon-musks-neuralink-could-disrupt-the-smartphone-industry-1b18d4a583d2

4 https://www.senado.cl/proteccion-de-los-neuroderechos-a-un-paso-de-pasar-a-segundo-tramite

5https://www.bcn.cl/leychile/navegar?idNorma=1166983&idParte=10278855&idVersion=2021-10-25

6 Bruno Patino Tempête dans le bocal, Ed Grasset 2022

7 A lire : Les nouvelles frontières du cerveau, Hors Série Le Point

8 https://www.science.org/content/article/updated-european-neuroscientists-revolt-against-eus-human-brain-project

9 https://www.humanbrainproject.eu/en/

Protéger nos cerveaux des nouvelles technologies

Protéger nos cerveaux des nouvelles technologies

Pour la première fois, la Constitution d’un pays, le Chili, instaure des « neurodroits », destinés à protéger les cerveaux humains des dérives de la technologie. Par Philippe Boyer, directeur relations institutionnelles et innovation à Covivio.( la « Tribune »)

Pas sûr qu’Elon Musk soit le bienvenu à Santiago. L’emblématique patron de Tesla, et depuis peu de Twitter, est également le créateur de la société Neuralink(1) qui a pour objet d’élaborer une connexion directe entre le cerveau de l’Homme et des ordinateurs, et cela, grâce à des implants placés dans le cortex. D’abord à usage médical, pour soigner des troubles neurologiques graves, Elon Musk ne cache pas qu’il a également pour ambition d’implanter des puces dans des cerveaux humains afin de doter l’organisme d’un supplément de capacités digne d’un ordinateur.

Connecteriez-vous votre cerveau ?

Pour l’heure, seule la truie Gertrude(2) eut « l’honneur » d’expérimenter cette interface cerveau-machine (ICM), digne d’un passable ouvrage de science-fiction. Grâce à la puce de 8 millimètres insérée dans son cerveau, les scientifiques ont pu observer l’activité neuronale de l’animal selon que Gertrude se nourrissait, se déplaçait ou encore dormait. Fort de ces premiers essais pratiqués sur des cobayes animaux, le fondateur de Neuralink rêve déjà à l’étape suivante : obtenir les autorisations pour implanter des puces dans les cerveaux d’humains volontaires. Une fois ceci réalisé, ceux-ci pourraient alors « utiliser un smartphone avec leur esprit plus rapidement qu’avec leurs pouces(3) ». Nul besoin de préciser que les conséquences de cette idée de connexion « Hommes-machines » percutent nos convictions éthiques, philosophiques et morales les plus profondes, à commencer par le simple énoncé de ces quelques questions de bon sens : à qui appartiendront les données issues de nos cerveaux, de nos pensées, voire de nos rêves ? A quelles fins pourraient-être utilisées ces technologies ? Et puis, quelles nouvelles inégalités pourraient-elles créer ? Abyssales interrogations…

Modification de l’article 19 de la Constitution du Chili

C’est dans ce contexte, où la techno-réalité dépasse la science-fiction, que l’ex-président de la République chilienne, Sebastian Piñera (les récentes élections de mars 2022 l’ont, depuis, démis de ses fonctions) prit l’initiative de proposer et faire voter une loi, puis de modifier la Constitution de son pays en légiférant sur les «neurodroits» (neuroderechos) ou droits du cerveau. La modification constitutionnelle fut promulguée le 14 octobre dernier et l’ajout d’un nouvel alinéa de quelques lignes à l’article 19(4) suffit à faire du Chili le pionnier dans la protection des « droits du cerveau » en inscrivant que « le développement scientifique et technologique est au service des personnes et doit se faire dans le respect de la vie et de l’intégrité physique et mentale. La loi réglemente les exigences, les conditions et les restrictions de son utilisation chez les personnes, et doit notamment protéger l’activité cérébrale, ainsi que les informations qui en proviennent(5)».

Se prémunir contre le « brain hacking »

Dans ses travaux préparatoires, le Sénat chilien détailla ce qu’il faut entendre par « neurodroits inaliénables ». En l’occurrence, il s’est employé à établir et détailler trois conditions de préservation des individus qui auraient été soumis à un éventuel « piratage de cerveau » (brain hacking) dès lors qu’une machine aurait été connectée, consciemment ou pas, à leurs cerveaux : 1/ affirmer la préservation des données de l’esprit humain afin d’éviter leur trafic, 2/ encadrer le rôle des « neuroalgorithmes » et 3/ limiter les capacités d’écriture dans le cerveau(6). On croirait lire le script du film du réalisateur Christopher Nolan, « Inception », qui met en scène la capacité à lire dans les rêves et à graver des idées dans le cerveau de personnes.

Cerveau connecté : mythe ou réalité ?

Face à Elon Musk qui n’hésite pas à surenchérir en proclamant que nous serions proches d’une sorte de singularité couplant Hommes et machines, il faut se méfier des annonces tonitruantes promptes, d’une part, à faire naître des attentes démesurées chez des patients atteints de pathologies neurologiques et, d’autre part, d’entretenir le mythe d’une machine connectée à notre cerveau capable de sonder notre tréfonds cérébral. La lecture de la littérature scientifique sur ce sujet remet quelque peu les pendules à l’heure(7).

En 2014, des scientifiques européens publièrent une lettre ouverte(8) à l’Union européenne demandant une réorientation urgente du projet « Human Brain Project(9) » qui vise, d’ici à 2024, à simuler le fonctionnement du cerveau humain grâce à un superordinateur qui fournirait des informations capables d’aider à développer de nouvelles thérapies médicales pour soigner les maladies neurologiques. Pour ces scientifiques, il faudra bien plus qu’une machine, aussi puissante soit elle, pour simuler le comportement d’un cerveau entier. Rien que pour le cortex (la partie supérieure du cerveau), ce sont des milliards de neurones, pouvant chacun se connecter à 10.000 autres par le biais de quatre à dix messages chimiques différents. Et, en plus du cortex, il faut ajouter les autres zones du cerveau (cervelet, système limbique…) qui, elles aussi, interagissent les unes avec les autres. Cette lettre ouverte des scientifiques porta ses fruits puisque le projet « Human Brain Project » fut remodelé et l’utopie d’un futur humain connecté passa au second plan au profit de la recherche neurologique.

Éthique des neurotechnologies

En Europe, aux Etats-Unis ou en Asie, de nombreux programmes de recherche en neurosciences sont en cours et drainent des budgets très importants. Du fait de leurs objets qui, parfois, frisent avec la manipulation mentale et la prise de contrôle du cerveau, la seule limite à se fixer est celle de l’éthique.

Pour l’heure, il n’existe pas (encore) de charte mondiale que les Etats s’engageraient à respecter, à l’instar de nombreux traités internationaux sur la non-prolifération d’armes nucléaires.

Les futures grandes règles éthiques à respecter sont néanmoins connues : d’abord, la confidentialité et le consentement des données collectées. Ensuite, la préservation de l’identité et, en cela, la non-altération de notre capacité à choisir nos actions (ce principe renvoi à l’idée que des implants neuronaux pourraient influencer nos effets cognitifs, émotionnels, voire notre personnalité même).

Et enfin, la maîtrise du domaine problématique de l’augmentation cognitive. Ici, il s’agirait de borner ce que les neurotechnologies pourraient apporter en matière d’amélioration des performances cognitives afin d’aboutir à cet humain artificiellement « augmenté ».

Autant de garde-fous éminemment éthiques destinés à éviter qu’un docteur Folamour n’ouvre un jour la boîte de Pandore et qu’un « neuro-charlatanisme » ne devienne la norme. Si tel était le cas, il ne nous resterait alors qu’à traverser l’Atlantique, direction Santiago.

 

 

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NOTES

1 https://neuralink.com/

2 https://siecledigital.fr/2020/09/02/neuralink-teste-son-implant-neuronal-sur-des-porcs/

3 https://medium.com/geekculture/how-elon-musks-neuralink-could-disrupt-the-smartphone-industry-1b18d4a583d2

4 https://www.senado.cl/proteccion-de-los-neuroderechos-a-un-paso-de-pasar-a-segundo-tramite

5https://www.bcn.cl/leychile/navegar?idNorma=1166983&idParte=10278855&idVersion=2021-10-25

6 Bruno Patino Tempête dans le bocal, Ed Grasset 2022

7 A lire : Les nouvelles frontières du cerveau, Hors Série Le Point

8 https://www.science.org/content/article/updated-european-neuroscientists-revolt-against-eus-human-brain-project

9 https://www.humanbrainproject.eu/en/

Protéger les forêts depuis l’espace

Protéger les  forêts depuis l’espace

Partout dans le monde, les forêts montrent des signes forts de diminution de leurs capacités en tant que puits de carbone. La forêt amazonienne, poumon de la Terre, pourrait se transformer en savane dans les prochaines décennies. À l’occasion de la journée internationale des forêts ce lundi, Tara O’Shea, directrice des programmes pour les forêts et l’utilisation des terres chez Planet, explique qu’une surveillance depuis l’espace est une aide précieuse pour protéger et restaurer les forêts.( la Tribune)

« Les nouvelles technologies d’observation de la Terre s’appuyant sur le cloud et l’apprentissage automatique, ainsi que l’analyse de données satellites alimentée par l’IA permettent de surveiller en quasi-temps réel les forêts » (Tara O’Shea, directrice des programmes pour les forêts et l’utilisation des terres chez Planet) (Crédits : Planet)

Depuis 1990, 1,3 million de km2 de forêts, soit une superficie supérieure à celle de l’Afrique du Sud, ont disparu. Cette déforestation est principalement due aux catastrophes naturelles, responsables de feux de forêts et de maladies, à l’utilisation par l’homme de terres forestières pour l’agriculture intensive, au surpâturage lié au développement de l’exploitation minière et des infrastructures, etc. Elle a des répercussions directes sur le réchauffement climatique. La forêt amazonienne brésilienne a relâché sur la dernière décennie 20% de plus de de gaz à effet de serre (GES) qu’elle n’en a absorbé.

Pour lutter contre la déforestation, de belles promesses ont pourtant été faites, mais peu ont été tenues. Au final, d’infimes versements ont été consentis aux pays en voie de développement, ayant renoncé aux recettes fiscales provenant de la production de matières premières, pour réduire les émissions de GES dues à la déforestation. Les entreprises peinent à « autoréguler » la déforestation dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. L’objectif visé par la déclaration de New York, signée en 2014, de réduire de moitié la disparition des forêts naturelles dans le monde d’ici à 2020 n’a pas été atteint. Pour preuve, en 2019 au Cambodge, Prey Lang, la plus grande forêt de plaine à feuillage, a perdu 7.511 hectares, soit 73 % de plus que l’année précédente, selon l’Université du Maryland.

Toutefois, la déclaration de Glasgow, qui doit mettre un terme à la déforestation et à la dégradation des terres d’ici à 2030, va dans le bon sens. Cette fois, il y a plus de pays engagés (une centaine) et plus d’argent sur la table. L’espoir est réel. En effet, les gouvernements et les institutions financières se rendent compte des risques sécuritaires et financiers que pose une utilisation non contrôlée et non durable des sols. Et, ils ont désormais la capacité technologique d’y faire face.

Surveiller les forêts depuis l’espace

Comment suivre et comparer l’état de la déforestation ? Comment évaluer la performance des stratégies dédiées à nos forêts ? Sans disposer de données précises et fiables, il est impossible de mesurer ce que l’on ne peut voir. Les nouvelles technologies d’observation de la Terre s’appuyant sur le cloud et l’apprentissage automatique, ainsi que l’analyse de données satellites alimentée par l’IA permettent de surveiller en quasi-temps réel les forêts. Grâce à ces nouvelles données provenant de l’espace (souvent à une fraction du coût de la télédétection traditionnelle), les changements survenus deviennent visibles, sans avoir à déployer d’importants moyens humains sur le terrain. Il est ainsi possible de déterminer la quantité et la qualité de la forêt, les espèces d’arbres qui y poussent, leur taille, leur diamètre…

Les technologies spatiales sont essentielles pour l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi des politiques en matière de lutte contre la déforestation. C’est particulièrement le cas pour le nouveau projet de réglementation de la Commission européenne sur la déforestation importée. Celui-ci impose que les produits importés soient produits sur des terres qui n’ont pas été déboisées ou dégradées depuis 2020. Cette exigence est facilement vérifiable avec les technologies actuelles d’observation de la Terre et d’analyse des données satellites.

Cette capacité de surveillance sans précédent aide notamment les gouvernements des pays tropicaux à respecter leurs engagements en matière de climat et leurs politiques d’utilisation durable des terres.

Depuis octobre 2020, l’Initiative internationale sur le climat et les forêts (NICFI) de Norvège opère une surveillance par satellites haute résolution des forêts tropicales du monde entier afin de contribuer à réduire et à inverser leur perte, en partenariat avec Kongsberg Satellite Services, Planet et Airbus Defence and Space. Ce programme de données satellites est accessible aux parties prenantes des gouvernements, des ONG, des universités et du secteur privé. Plus de 10.000 utilisateurs de 132 pays à travers le monde utilisent les données satellites de NICFI, qui sont désormais accessibles dans le moteur Google Earth. Ainsi, tout utilisateur peut facilement réaliser des puissantes analyses uniquement à partir d’un navigateur web.

Le Fonds national de développement durable du Mozambique utilise ces données satellites pour valider les informations utiles à son suivi annuel de la déforestation. L’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime peut identifier, grâce à ces données, des activités illicites comme l’orpaillage illégal, causant la déforestation et la dégradation des forêts. Enfin, Forests of the World est en mesure, avec ces données satellites, de déterminer les clairières à restaurer après l’extraction du bois ou les incendies de forêt, dans le territoire indigène de Monte Verde en Bolivie.

L’observation de la Terre offre donc des capacités uniques que les données in-situ ne peuvent tout simplement pas fournir. Sa fréquence de revisite élevée et sa couverture de zones étendues permettent de réaliser des analyses automatisées à grande échelle. Contrairement à ce qui se passait il y a dix ans, nous disposons aujourd’hui des moyens technologiques nécessaires pour nous aider à mettre en pratique une gestion durable de nos forêts et de nos terres.

Mieux protéger le travail indépendant

Mieux protéger le travail indépendant 

 

 

Le spécialiste des mutations du marché du travail Charly Gaillard, Fondateur et PDG de Beager, cabinet de recrutement,  appelle, dans une tribune au « Monde », à une clarification des rapports entre entreprises et travailleurs indépendants et à protéger ces derniers en garantissant un socle universel de droits.( Le Monde)

 

Tribune.

 

Le marché du travail français répond à une organisation propre : dans les usages comme dans l’imaginaire collectif, le contrat à durée indéterminée (CDI) est la norme. Le « freelancing » (travail indépendant) n’y est pas envisagé de la même manière qu’ailleurs. Or, nous constatons à la fois une pénurie de profils experts sur le marché et un mouvement de fond qui attire ces mêmes talents vers le statut d’indépendant.

Le freelancing a augmenté de 92 % depuis 2009, selon Eurostat, et l’année 2020 a battu tous les records avec presque un million d’entreprises créées, malgré une crise sanitaire inédite. Si l’essor de l’autoentrepreneuriat a largement contribué à ce résultat, la situation reste floue tant dans le positionnement des acteurs (entreprises et indépendants) que par rapport au cadre réglementaire, qui doit être clarifié de façon urgente. Un sujet devenu essentiel pour l’élection présidentielle : comment protéger les travailleurs sans entraver la liberté d’entreprendre ?

Les travailleurs dits « des plates-formes » n’ont pas d’autre choix que de créer leur propre structure pour pouvoir travailler. L’existence d’un lien de subordination est évidente puisque les tarifs sont fixes et non négociables, la prestation notée, les horaires contrôlés et que la plate-forme dispose d’un pouvoir de sanction. C’est ce que les Américains appellent la « gig economy », c’est-à-dire l’économie des petits boulots.

Cette indépendance, souvent subie, est délétère pour les travailleurs, qui bénéficient d’une faible protection sociale, et profite surtout aux plates-formes en leur permettant de flexibiliser leurs charges à l’extrême. Face à cette situation, l’Europe a décidé de légiférer et réfléchit à une disposition visant à considérer ces travailleurs comme présumés salariés, sauf preuve contraire apportée par la plate-forme.

Mais il existe également une autre population croissante de travailleurs, très qualifiés ou experts, dont les compétences sont recherchées, et ceux-ci se lancent dans le travail indépendant par choix (neuf sur dix ne souhaitant plus redevenir salariés par la suite). Les avantages ? Amélioration du train de vie, rythme de travail flexible permettant d’autres activités, choix des projets et des clients. C’est la « talent economy ». Et pour eux aussi, toujours plus nombreux, il devient urgent d’agir.

Les grands groupes souffrent généralement d’un cloisonnement qui les conduit à des objectifs antinomiques entre dirigeants opérationnels, ressources humaines (RH) et achats. Les opérationnels ne peuvent délivrer la valeur attendue qu’en bénéficiant d’expertises pointues à chaque fois que cela est nécessaire.

Protéger les lanceurs d’alerte, un enjeu démocratique

Protéger les lanceurs d’alerte, un  enjeu démocratique

 

Dans une tribune au « Monde », un collectif de lanceurs d’alerte, dont Antoine Deltour et Irène Frachon, craint que le Sénat n’affaiblisse la proposition de loi Waserman qu’ils voient comme une vraie avancée pour leur protection.

 

Tribune.

 

Nous, lanceurs d’alerte, payons un prix élevé pour avoir osé dire la vérité. Représailles, licenciement, perte d’employabilité, procédures judiciaires interminables, campagnes de dénigrement, ces embûches s’accompagnent généralement d’un préjudice financier voire de difficultés familiales et relationnelles. Cette réalité n’est pas acceptable, car elle est très dissuasive pour tous les futurs ladnceurs d’alerte. Or, pour chaque lanceur d’alerte qui baisse les bras, c’est un dysfonctionnement grave qui perdure. Au bout du compte, c’est l’information du public, nécessaire à toute société démocratique, qui en pâtit.

La loi Sapin 2, adoptée en 2016, avait jeté les bases d’un cadre relativement protecteur. En particulier, sa définition large uniformisait plusieurs dispositifs incohérents et devait couvrir la plupart des situations : « Un lanceur d’alerte révèle ou signale une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général. » Malheureusement, certains d’entre nous n’ont pas pu bénéficier de cette loi, notamment parce qu’elle impose un parcours complexe.

Elle prévoit un premier palier de l’alerte consistant à adresser le signalement en interne, auprès d’une hiérarchie qui, mise en cause, risque de déclencher des représailles ou de dissimuler des preuves. Par ailleurs, le soutien financier initialement prévu dans la loi Sapin 2 n’avait pas résisté à la censure du Conseil constitutionnel, pour une raison purement juridique. Pour de nombreux lanceurs d’alerte, ce soutien financier constitue pourtant une aide cruciale.

Le droit européen offre maintenant à la France l’occasion de combler ces lacunes. Convaincue de la nécessité de sécuriser les alertes, une coalition d’associations, de syndicats et de quelques eurodéputés progressistes a obtenu de haute lutte une directive adoptée en 2019 pour améliorer très significativement la protection des lanceurs d’alerte partout en Europe. Si le délai officiel est déjà dépassé, le processus de transposition dans le droit français est déjà bien engagé. Ses débuts étaient même très encourageants : la proposition de loi du député (MoDem) Sylvain Waserman introduisait des avancées significatives et a été adoptée à l’unanimité le 17 novembre 2021 par l’Assemblée nationale.

Le vote du texte au Sénat le 19 janvier nous préoccupe cependant. Les travaux en commission des lois le 15 décembre 2021 ont en effet conduit à des reculs qui dépassent l’entendement. De nombreux progrès issus de la proposition de loi disparaissent. Il en va ainsi de la protection accordée aux « facilitateurs personnes morales », c’est-à-dire à toutes les associations susceptibles de nous assister dans l’alerte et qui s’exposent elles-mêmes à diverses représailles.

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