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Retour aux forêts naturelles ?

Retour aux forêts naturelles ?

Alors que le débat bat son plein sur la question des forêts ayant brûlé cet été, le Parlement européen se prononce cette semaine sur deux textes à impact majeur pour les forêts du monde : la lutte contre la déforestation mondiale et la catégorisation ou non du bois brûlé parmi les renouvelables. Par Marie Toussaint, députée européenne au sein du parti Europe Ecologie – Les Verts.

 Une contribution qui n’est pas sans intérêt mais comme souvent chez les écolos d’Europe Ecologie les Verts une sorte de patchwork qui mélange l’approche écologique et l’approche économique avec la problématique de la croissance, des droits de la forêt et des droits humains. Une vision un peu utopique sur la  régénération spontanée des forêts naturelles et les conséquences économiques . Par ailleurs , beaucoup d’écologues soutiennent la thèse selon laquelle une forêt primaire ayant subi un déboisement anarchique a peu de chance de se régénérer naturellement. En effet la repousse des végétaux après coupe ou incendie d’une forêt primaire donne une forêt secondaire. NDLR

 

Tribune

« Si nous voulons des forêts vivantes et une planète accueillante pour l’Humanité, il nous faut d’urgence rompre avec l’idéologie de la croissance infinie et de la supériorité humaine sur les écosystèmes », estime Marie Toussaint. (Crédits : © European Union 2019 – Source : EP)

L’avenir des forêts se joue peut-être ce mardi au Parlement européen. L’heure est grave. Pas moins de 737.083 hectares ont brûlé dans l’Union européenne depuis le début de l’année 2022, dont plus de 60.000 en France. Le désastre environnemental se poursuit en Amazonie brésilienne avec de nouveaux records de feux principalement d’origine humaine, aussi bien qu’en Indonésie, à travers l’accaparement de milliers d’hectares au profit de plantations et d’activités minières. Quant à la forêt du bassin du Congo, ses tourbières, véritables puits de carbone, sont menacées par l’ouverture prochaine de l’extraction pétro-gazière.

Nous aurions tort de considérer séparément toutes ces tensions qui s’abattent sur les forêts du monde. Elles relèvent de la même logique. Partout, acteurs politiques et économiques considèrent les forêts comme des choses, appropriables et manipulables à l’envi. Partout, elles sont accaparées, exploitées et asservies au nom de la croissance. Partout, les populations qui y vivent sont menacées, humiliées, déplacées et parfois tuées -sacrifiées sur l’autel du profit. Si nous voulons des forêts vivantes et une planète accueillante pour l’Humanité, il nous faut d’urgence rompre avec l’idéologie de la croissance infinie et de la supériorité humaine sur les écosystèmes. Il nous faut ériger une nouvelle règle pour les forêts françaises, européennes et du monde et reconnaître leur droit à se régénérer.

 

Si la forêt de la Teste-de-Buch reste soumise à des règles antérieures au mouvement d’enclosure, et est encore aujourd’hui appréhendée comme un commun, les forêts européennes sont aujourd’hui largement soumises aux lois du marché et accaparées par des firmes privées. Quant aux forêts publiques, elles font elles aussi l’objet d’une industrialisation croissante. Toutes sont menacées par le dérèglement climatique et la perte de biodiversité, aussi bien que par les pratiques prédatrices qui s’y déploient.

Grâce à la mobilisation des scientifiques comme des associations, nous savons désormais avec certitude que les mono-plantations, notamment celles de pins ou d’eucalyptus, sont un véritable danger pour le vivant. Que certaines pratiques comme les coupes rases -déjà interdites ou strictement encadrées en Slovénie, en Autriche, ou en Lettonie- constituent, elles aussi, de véritables menaces pour l’intégrité forestière.

Une nouvelle menace est venue s’ajouter aux pressions déjà insoutenables pesant sur les forêts : les tensions sur l’énergie causées par la terrible guerre que Poutine mène à l’Ukraine pourraient bien aboutir à une production accrue d’énergie à partir du bois. Or, au sein de l’Union, la filière bois-énergie est aujourd’hui estampillée comme « renouvelable », quelles que soient les méthodes utilisées. Une aberration lorsque l’on sait que, dans certains cas, l’exploitation du bois émet plus de gaz à effet de serre que le charbon. La commission environnement du Parlement européen propose donc aujourd’hui d’exclure la biomasse primaire des énergies classifiées comme « renouvelables », une impérieuse nécessité si nous voulons faire cesser les pressions sur les forêts européennes et du monde. Seuls les produits issus de la transformation du bois seront ainsi considérés comme renouvelables, et plus aucune subvention ne devrait être versée pour la destruction des forêts.

Le Parlement européen a appelé à reconnaître les forêts anciennes et primaires comme des communs naturels mondiaux, dont les écosystèmes doivent se voir accorder un statut juridique. Une réponse à l’appel de Christopher Stone qui, en 1972 et dans un article désormais célèbre, soulevait déjà cette question cruciale : « Et si les arbres pouvaient plaider ? ». Il y constatait que la défense des stricts intérêts humains était inapte à garantir l’intégrité des écosystèmes et in fine, la persistance de la vie humaine sur Terre. Il est temps de nous saisir du défi qu’il nous a lancé voilà 50 ans et faire des droits des écosystèmes forestiers à la régénération naturelle la boussole de notre politique forestière -en particulier en ce qui concerne les forêts qui ont brûlé cet été et dont il nous faut aujourd’hui décider du sort.

 

Reconnaître la valeur intrinsèque des forêts, leur valeur en soi, suppose de tenir responsables celles et ceux qui leur portent atteinte. Concrètement, nous devons reconnaître et condamner les crimes contre la nature, et le plus graves d’entre eux, le crime d’écocide, mais nous devons aussi faire en sorte que nul ne puisse plus engranger de profits à travers la déforestation.

C’est là l’objet du texte qui devra être adopté au Parlement européen cette semaine, s’adressant frontalement à la question de la responsabilité des entreprises. La proposition de directive, qui reconnait la part croissante de l’Union européenne dans la déforestation mondiale (jusqu’à 16% selon le WWF) devrait établir un devoir de vigilance pour toutes les entreprises, européennes ou non, qui commercialisent des produits issus de la déforestation sur le marché européen. Elle garantirait à chaque personne qui fait ses courses qu’elle ne contribue pas à la déforestation ou à la violation des droits humains.

Le texte concernerait les filières du bœuf, du soja, du maïs ou encore du cuir. Si les entreprises du cacao soutiennent elles aussi cette évolution réglementaire, les lobbies d’autres secteurs d’activité font aujourd’hui pression pour réduire l’ambition du texte : soit en réduisant le nombre de produits concernés par les nouvelles obligations de vigilance, soit en restreignant les territoires concernés aux seules forêts boisées (laissant ainsi hors champs les vastes mangroves ou les savanes comme le Cerrado brésilien), soit encore en dispensant les acteurs financiers de toute obligation en la matière. BNP Paribas est pourtant l’un des plus grands acteurs de la déforestation dans le monde (selon l’ONG Global Witness, elle a soutenu des activités responsables de déforestation à hauteur de 5 milliards de dollars entre 2016 et 2020). Les tourbières du Bassin du Congo, elles, ne seront pas protégées : ni les tourbières ni les énergies fossiles ne sont à ce stade concernés par la législation européenne en cours de négociation.

Les votes de cette première session plénière du Parlement européen sont déterminants pour les forêts d’Europe et du monde. Une étape majeure pour leur protection avant – qui sait ? -  que les accords internationaux sur la biodiversité ne reconnaissent enfin leurs droits.

Après incendie, Une autre politique de régénération des forêts

Après  incendie, Une autre politique de régénération des forêts

 

Replanter des arbres, surtout d’une même espèce ou faiblement diversifiés, n’est pas toujours le choix le plus avisé, explique dans une tribune au « Monde » Sylvain Angerand, ingénieur forestier et coordinateur de l’association Canopée, qui appelle à une remise à plat de la filière bois.

 

Avec plus de 60 000 hectares de forêts partis en fumée, cet été a marqué le retour des grands incendies en France. Un risque qui ne va faire que croître avec les changements climatiques et qui devrait nous inciter à repenser en profondeur notre politique forestière. Pourtant, l’annonce d’un grand chantier national de reboisement pourrait produire l’effet inverse et affaiblir encore davantage nos forêts en cédant au lobbying d’une partie de la filière.

L’empressement à vouloir planter des arbres est, avant tout, une stratégie de communication destinée à rassurer l’opinion publique en donnant l’illusion d’une maîtrise de la situation et d’un retour rapide à la normale. Mais c’est aussi l’aveu d’une profonde incompréhension de la part de la puissance publique des enjeux forestiers, car planter des arbres n’est pas toujours le choix le plus avisé. Surtout après un incendie, il est le plus souvent préférable de laisser la forêt se régénérer naturellement. Une option plus efficace et moins coûteuse dans de nombreuses situations.

De plus, les plantations d’arbres sont encore trop souvent monospécifiques ou très faiblement diversifiées, ce qui est pourtant indispensable pour renforcer la résistance et la résilience des peuplements face à de nombreux aléas comme les sécheresses, les tempêtes, les maladies ou encore les incendies. Même sur des sols très pauvres comme dans les Landes, où il est difficile de se passer du pin maritime, il est toujours possible d’introduire, en mélange, des feuillus comme le chêne-liège ou le chêne tauzin pour renforcer les peuplements.

L’intérêt du mélange est solidement étayé scientifiquement et, pourtant, il peine à s’imposer comme une condition aux aides publiques ou comme une règle à respecter dans les plans de gestion. Après la tempête de 2009 dans les Landes, la quasi-totalité du massif appartenant à des propriétaires privés a été replantée en monoculture avec l’aide de l’argent public.

Le constat est similaire pour les aides plus récentes du plan de relance qui, faute d’écoconditions suffisantes, ont été détournées par une partie des acteurs pour planter des monocultures, parfois en remplacement de forêts en bonne santé mais jugées peu rentables économiquement (rapport « Planté ! Le bilan caché du plan de relance forestier », Canopée, mars 2022).

Ces dérives ne sont pas le fruit du hasard, mais le résultat de l’abandon des pouvoirs publics à construire une politique forestière intégrant l’ensemble des enjeux. Tiraillée entre quatre ministères, la forêt ne bénéficie pas d’un portage politique fort capable de défendre et de trancher en faveur de l’intérêt général. Elle est laissée au seul jeu d’influence des acteurs, la règle au sein de la filière étant de ne surtout pas pointer du doigt les dérives de certains.

Feux de forêts : deux fois plus qu’il y a 20 ans

Feux de forêts :  deux fois plus  qu’il y a 20 ans

La surface forestière brûlée est aujourd’hui deux fois plus importante qu’il y a 20 ans, selon les résultats d’une étude publiée mercredi et les données conjointes du Global Forest Watch, le Watch Resources Institute et l’université du Maryland. Le réchauffement climatique est l’une des explications à la fréquence et l’ampleur du phénomène.(la Tribune)

 

Les incendies spectaculaires qui ravagent aujourd’hui les forêts de nombreux pays, notamment européens, relèvent d’un phénomène croissant. Aujourd’hui, 2 fois plus de forêts partent en fumée qu’il y a 20 ans, selon une enquête publiée mercredi par Global Forest Watch. 5 hectares en moyenne ont brûlé chaque année dans la période récente. C’est 3 millions de plus qu’en 2001, soit l’équivalent de la superficie de la Belgique. Au total, de 2001 à 2021, 119 millions d’hectares de forêts ont été dévorés par les flammes, selon Global Forest Watch, sur une superficie totale de 4 milliards d’hectares de forêts. Une situation qui risque d’empirer. « 2022 est déjà une année record », souligne à l’AFP Jesus San Miguel, coordinateur de l’EFFIS (European Forest Fire Information System), alors même que la saison des feux n’est pas terminée. Au 15 août, les incendies avaient ravagé quasiment 663.000 hectares de forêts dans l’Union européenne, selon l’EFFIS.

Ce qui est inédit dans le phénomène actuel est la fréquence et l’ampleur de ces incendies. Aujourd’hui, ils s’attaquent même de plus en plus aux forêts tropicales, où sont historiquement plutôt atypiques. Selon les chercheurs, le réchauffement climatique, avec les vagues de sécheresse et de chaleur extrême qui en découlent, explique « probablement » en grande partie cette nouvelle tendance.

Or les incendies sont aussi responsables d’importantes émissions de gaz à effet de serre, qui renforcent le changement climatique. Plus précisément, non seulement ces feux de forêt par la combustion libèrent du dioxyde de carbone et d’autres polluants qui endommagent les écosystèmes forestiers. Mais ils libèrent aussi le CO2 enfoui dans les sols. En effet, comme les océans, les forêts constituent des puits de carbone majeurs :  les arbres absorbent une partie du carbone de l’atmosphère qui finit stocké dans l’arbre lui-même, mais aussi dans le sol. « Le CO2 s’est accumulé dans le sol pendant des centaines d’années et a été protégé par une couche humide sur le dessus. Ces incendies brûlent cette couche supérieure et libèrent ce CO2 », explique l’analyste de Global Forest Watch à l’AFP, James Mc Carthy.

Autrement dit, c’est un cercle vicieux : les incendies causés en grande partie par le réchauffement climatique le renforce. Lutter contre l’un revient donc à lutter contre l’autre.

Si les feux semblent être un danger majeur pour les forêts, ils ne sont ni le seul ni le plus important. Loin de là. Entre 2001 et 2021, les incendies ont été responsables à 21% du recul de la forêt. La sylviculture, l’ensemble des activités d’entretien et de gestion de la forêt, est responsable d’un peu moins de 30% des pertes en forêts dans le monde. L’agriculture itinérante, qui consiste à défricher un terrain, souvent par le feu, pour le cultiver un temps puis le laisser en jachère pour gagner d’autres terrains, compte, elle, pour 20%. Enfin, un autre facteur est la déforestation induite par la culture de produits de base, responsable de 20% aussi de la déforestation mondiale.

Certains pays ont pris la mesure de l’importance de ces autres facteurs. Ainsi, 141 Etats se sont engagés collectivement à « arrêter et à inverser la déforestation et la dégradation des sols d’ici 2030 » au cours de la déclaration des leaders de Glasgow sur les forêts et l’utilisation des sols en 2021.

Mais malgré tout, la forêt s’étend dans beaucoup de pays depuis au moins le milieu du XXe siècle, relvèvent les chercheurs de l’Université d’Oxford Hannah Ritchie and Max Rose, dans leur article Deforestation and Forest Loss, publié en 2021. En Amérique du Nord et en Europe, la surface des forêts a augmenté, et ce de manière générale dans les pays dits développés. En France, par exemple, de 14 millions d’hectares en 1985, la surface de forêt est passée à 17 millions en 2018.

Ce phénomène a été observé, indiquent les deux auteurs, par le chercheur Alexander Mather qui l’a nommé le « Forest Transition Model ». En effet, dans les années 1990, il constate que les forêts refont surface dans beaucoup de pays industrialisés où elles avaient fortement reculé. De ces constats empiriques naît un modèle : une courbe en U qui lie les stades de développement d’un pays à la surface qu’y occupe sa forêt. Selon ses observations, aux premiers stades de développement, les pays rognent sur leur surface forestière, jusqu’à atteindre un seuil plancher (le bas du U). Puis vient le temps de la reforestation : les forêts regagnent du terrain pour revenir au niveau de forêt initial, voire le dépasser. Reste aujourd’hui à savoir jusqu’où le U remontera à l’échelle mondiale.

Sarah Wihane-Marc

Environnement et Forêts: Pour des coupes raisonnables

Environnement et Forêts: Pour des coupes raisonnables

L’abandon total de ces coupes, fustigées par certaines associations environnementales, pourrait réduire notablement la richesse spécifique de certains massifs forestiers. Par Amélie Castro, ingénieur au Centre National de la Propriété Forestière Nouvelle Aquitaine.( la Tribune)

 

Les Français s’intéressent à la conservation des forêts et s’interrogent sur leur avenir dans un contexte climatique qui évolue. Une opération forestière, la « coupe rase », focalise les craintes et suscite des critiques parfois véhémentes. La façon dont certaines associations les présentent peut laisser penser que la forêt sera « rasée de façon définitive » et que le phénomène s’aggrave. Le parallèle avec le déboisement des forêts tropicales est constant. Mais qu’en est-il vraiment ?

Cette coupe, où l’on prélève tous les arbres d’une parcelle lorsqu’ils sont suffisamment âgés, existe depuis longtemps pour certains types de boisements. C’est une étape incontournable pour le renouvellement des taillis et une technique adaptée pour les forêts d’essences qui ont besoin de beaucoup de lumière pour pousser, comme les pins, les peupliers, les bouleaux…

Quand la forêt est attaquée par une maladie ou un insecte et que les arbres dépérissent, en l’absence de traitement sanitaire, la coupe rase est le seul moyen pour enrayer la propagation en supprimant les parcelles atteintes.

L’Inventaire Forestier National suit l’évolution des forêts depuis 1958 et évalue la durabilité de leur gestion tous les cinq ans depuis 1990. Il fournit des statistiques sur les coupes, dont les coupes rases. Chaque année, moins de 1% de la surface forestière est concernée et la taille moyenne est faible (inférieure à 4 ha en général ; 5 à 6 ha dans les forêts de pin maritime des Landes de Gascogne). Ces chiffres sont restés stables et on ne détecte pas de tendance à l’augmentation de la taille des coupes décidées par le forestier. La très grande majorité des coupes de bois faites en France (hors catastrophes naturelles) ne sont donc pas des coupes rases mais des coupes partielles.

La suppression des arbres est souvent présentée comme défavorable pour les espèces forestières. C’est vrai pour celles qui ont besoin d’ombre et d’humidité. Mais, en supprimant transitoirement le couvert des arbres, la coupe crée une ouverture temporaire favorable à de nombreuses espèces, avides de lumière et de chaleur. Ces espèces occuperont cette ouverture pendant plusieurs années après la coupe et jusqu’à son occupation par la nouvelle génération d’arbres. Parmi elles, il y a des espèces rares et protégées : insectes, reptiles et oiseaux. L’un des plus connus est l’engoulevent d’Europe, assez fréquent dans la forêt des Landes de Gascogne.

Les ouvertures faites par les coupes rases créent une mosaïque diversifiée au sein des forêts, surtout dans les grands massifs : les jeunes boisements succèdent aux coupes, à côté de boisements plus âgés voire très vieux. La forêt française a doublé de surface en deux siècles. Sur les anciens terroirs agricoles devenus forestiers, la mosaïque des coupes permet la cohabitation des espèces héritées des anciens usages et des espèces recherchant la protection des arbres. D’autres espèces encore utilisent, à un moment de leur cycle, les ouvertures du couvert. Ainsi certains rapaces font leur nid dans les grands arbres et chassent dans les coupes qui hébergent reptiles et rongeurs. Entre une coupe et un boisement plus vieux, on trouve une lisière temporaire. A la frontière de la lumière et de l’ombre, poussent des plantes et des arbustes appréciant ce contraste. Ces zones de nourrissage très riches en biodiversité appelées écotones attirent insectes et oiseaux.

Comme pour toutes les interventions, il y a des risques associés aux coupes rases. Même si leurs effets sont localisés et en général fugaces, faire une coupe avec des pratiques ou du matériel inadaptés peut avoir des conséquences importantes, notamment sur le sol.
Lorsque la coupe se justifie dans la gestion forestière, on peut limiter certains risques environnementaux en prenant des précautions : bien choisir la dimension, la période d’intervention, le matériel, délimiter les parcours des engins pour limiter les impacts sur les sols sensibles, maintenir certains éléments structurants pour la protection des sols ou de la biodiversité… Les impacts paysagers peuvent être limités en adaptant la forme des coupes, lorsque c’est possible. Maintenir des bosquets peut favoriser l’intégration de l’opération dans la mosaïque paysagère : garder les boisements en bord de cours d’eau, par exemple. Ces bonnes pratiques existent et doivent être encouragées. Une étude multipartenariale menée par le Groupement d’Intérêt Public ECOFOR a entamé un bilan des connaissances sur le sujet.

Le bois est un biomatériau qui concentre beaucoup d’avantages : peu coûteux en énergie, renouvelable, contribuant au stockage de carbone. Il est intégré dans les stratégies de lutte contre le changement climatique. L’engouement pour son utilisation est forte. Paradoxalement, les critiques sur les coupes forestières augmentent, omettant qu’il faut accepter de couper des arbres pour avoir du bois.

A l’interface, les forestiers français gèrent une grande variété d’écosystèmes, intégrant des enjeux complexes : conservation de la biodiversité, production de biomatériaux, prise en compte des risques, etc. Ils utilisent toutes les solutions de gestion possibles en les adaptant au contexte et sont les premiers acteurs de la sauvegarde des forêts.

 

Protéger les forêts depuis l’espace

Protéger les  forêts depuis l’espace

Partout dans le monde, les forêts montrent des signes forts de diminution de leurs capacités en tant que puits de carbone. La forêt amazonienne, poumon de la Terre, pourrait se transformer en savane dans les prochaines décennies. À l’occasion de la journée internationale des forêts ce lundi, Tara O’Shea, directrice des programmes pour les forêts et l’utilisation des terres chez Planet, explique qu’une surveillance depuis l’espace est une aide précieuse pour protéger et restaurer les forêts.( la Tribune)

« Les nouvelles technologies d’observation de la Terre s’appuyant sur le cloud et l’apprentissage automatique, ainsi que l’analyse de données satellites alimentée par l’IA permettent de surveiller en quasi-temps réel les forêts » (Tara O’Shea, directrice des programmes pour les forêts et l’utilisation des terres chez Planet) (Crédits : Planet)

Depuis 1990, 1,3 million de km2 de forêts, soit une superficie supérieure à celle de l’Afrique du Sud, ont disparu. Cette déforestation est principalement due aux catastrophes naturelles, responsables de feux de forêts et de maladies, à l’utilisation par l’homme de terres forestières pour l’agriculture intensive, au surpâturage lié au développement de l’exploitation minière et des infrastructures, etc. Elle a des répercussions directes sur le réchauffement climatique. La forêt amazonienne brésilienne a relâché sur la dernière décennie 20% de plus de de gaz à effet de serre (GES) qu’elle n’en a absorbé.

Pour lutter contre la déforestation, de belles promesses ont pourtant été faites, mais peu ont été tenues. Au final, d’infimes versements ont été consentis aux pays en voie de développement, ayant renoncé aux recettes fiscales provenant de la production de matières premières, pour réduire les émissions de GES dues à la déforestation. Les entreprises peinent à « autoréguler » la déforestation dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. L’objectif visé par la déclaration de New York, signée en 2014, de réduire de moitié la disparition des forêts naturelles dans le monde d’ici à 2020 n’a pas été atteint. Pour preuve, en 2019 au Cambodge, Prey Lang, la plus grande forêt de plaine à feuillage, a perdu 7.511 hectares, soit 73 % de plus que l’année précédente, selon l’Université du Maryland.

Toutefois, la déclaration de Glasgow, qui doit mettre un terme à la déforestation et à la dégradation des terres d’ici à 2030, va dans le bon sens. Cette fois, il y a plus de pays engagés (une centaine) et plus d’argent sur la table. L’espoir est réel. En effet, les gouvernements et les institutions financières se rendent compte des risques sécuritaires et financiers que pose une utilisation non contrôlée et non durable des sols. Et, ils ont désormais la capacité technologique d’y faire face.

Surveiller les forêts depuis l’espace

Comment suivre et comparer l’état de la déforestation ? Comment évaluer la performance des stratégies dédiées à nos forêts ? Sans disposer de données précises et fiables, il est impossible de mesurer ce que l’on ne peut voir. Les nouvelles technologies d’observation de la Terre s’appuyant sur le cloud et l’apprentissage automatique, ainsi que l’analyse de données satellites alimentée par l’IA permettent de surveiller en quasi-temps réel les forêts. Grâce à ces nouvelles données provenant de l’espace (souvent à une fraction du coût de la télédétection traditionnelle), les changements survenus deviennent visibles, sans avoir à déployer d’importants moyens humains sur le terrain. Il est ainsi possible de déterminer la quantité et la qualité de la forêt, les espèces d’arbres qui y poussent, leur taille, leur diamètre…

Les technologies spatiales sont essentielles pour l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi des politiques en matière de lutte contre la déforestation. C’est particulièrement le cas pour le nouveau projet de réglementation de la Commission européenne sur la déforestation importée. Celui-ci impose que les produits importés soient produits sur des terres qui n’ont pas été déboisées ou dégradées depuis 2020. Cette exigence est facilement vérifiable avec les technologies actuelles d’observation de la Terre et d’analyse des données satellites.

Cette capacité de surveillance sans précédent aide notamment les gouvernements des pays tropicaux à respecter leurs engagements en matière de climat et leurs politiques d’utilisation durable des terres.

Depuis octobre 2020, l’Initiative internationale sur le climat et les forêts (NICFI) de Norvège opère une surveillance par satellites haute résolution des forêts tropicales du monde entier afin de contribuer à réduire et à inverser leur perte, en partenariat avec Kongsberg Satellite Services, Planet et Airbus Defence and Space. Ce programme de données satellites est accessible aux parties prenantes des gouvernements, des ONG, des universités et du secteur privé. Plus de 10.000 utilisateurs de 132 pays à travers le monde utilisent les données satellites de NICFI, qui sont désormais accessibles dans le moteur Google Earth. Ainsi, tout utilisateur peut facilement réaliser des puissantes analyses uniquement à partir d’un navigateur web.

Le Fonds national de développement durable du Mozambique utilise ces données satellites pour valider les informations utiles à son suivi annuel de la déforestation. L’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime peut identifier, grâce à ces données, des activités illicites comme l’orpaillage illégal, causant la déforestation et la dégradation des forêts. Enfin, Forests of the World est en mesure, avec ces données satellites, de déterminer les clairières à restaurer après l’extraction du bois ou les incendies de forêt, dans le territoire indigène de Monte Verde en Bolivie.

L’observation de la Terre offre donc des capacités uniques que les données in-situ ne peuvent tout simplement pas fournir. Sa fréquence de revisite élevée et sa couverture de zones étendues permettent de réaliser des analyses automatisées à grande échelle. Contrairement à ce qui se passait il y a dix ans, nous disposons aujourd’hui des moyens technologiques nécessaires pour nous aider à mettre en pratique une gestion durable de nos forêts et de nos terres.

INCENDIES DE FORÊTS: une stratégie européenne commune ?

INCENDIES DE FORÊTS: une stratégie européenne commune ?

les feux concernent presque tous les pays européens -cette année, ils ravagent surtout la Grèce et l’Italie- et  l’idée d’une flotte commune prend de l’ampleur. Non seulement elle permettrait de mutualiser les forces mais aussi de lisser les prix d’achat entre les Etats-membres alors que le prix d’un Canadair se chiffre en millions d’euros et que le coût horaire du vol dépasse les 15.000 euros.

« En 2050, la moitié des surfaces boisées métropolitaines pourrait être concernée par un niveau élevé d’aléa feux de forêt. Les sécheresses seraient plus intenses, plus fréquentes et concerneraient davantage de territoires, favorisant directement les incendies et apportant une extension géographique du risque vers l’ouest et le nord de la France », rappelait récemment le ministère de l’Intérieur, lors du lancement de la campagne de prévention des incendies.

 

Environnement–Pour protéger les forêts, il faut un avantage fiscal

Environnement–Pour protéger les forêts, il faut un avantage fiscal

Dans un entretien à La Tribune, Alain Karsenty, économiste au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), qui a participé au rapport de l’OIBT, explique le fonctionnement de cet avantage fiscal.

On sait que, dans de nombreux pays tropicaux, les grandes plantations agricoles sont privilégiées car elles offrent de meilleurs et plus rapides retours sur investissement, au détriment d’une gestion durable des forêts. Comment les Etats concernés peuvent-il y remédier ?

ALAIN KARSENTY - Afin de s’attaquer à ce problème, il faudrait que les Etats sortent de la logique de séparation entre instruments privés et politiques publiques de protection des forêts, pour que ces dernières s’appuient sur des labels indépendants en la matière. Car aujourd’hui, il existe bien des certifications de gestion vertueuse des espaces boisés dont l’efficacité est reconnue, comme le PEFC (Programme de reconnaissance des certifications forestières) ou le FSC (Forest Stewardship Council), qui garantit une exploitation durable et les droits des travailleurs. On peut aussi citer d’autres outils qui se sont développés pour se conformer à la pénalisation en 2013 par l’Union européenne d’importation de bois illégal, comme Bureau Veritas et la certification OLB (Origine et Légalité des bois).

Mais tous ceux-ci s’appliquent à un champ limité – souvent les entreprises -, s’inscrivent dans une démarche volontaire du producteur, et ne vont pas toucher à la gouvernance des pays. Sans compter qu’ils font face à deux difficultés essentielles : le manque de traçabilité et de contrôle. L’idée serait donc de faire en sorte que les Etats utilisent ces instruments privés de certification pour mettre en place une fiscalité forestière sur le bois commercialisé, en fonction de ces certifications, de manière à atteindre leurs objectifs en matière de lutte contre la déforestation.

Comment cette fiscalité sur la forêt fonctionnerait-elle concrètement ?

On peut imaginer un mécanisme de « bonus-malus » selon lequel un taux de taxe plus faible serait appliqué aux opérations certifiées (le bonus). Lequel serait financé, au moins en partie, par un taux plus élevé sur les produits non certifiés (le malus). Ainsi, il s’agirait simplement de donner un avantage fiscal au bois certifié « durable ». Pour chaque entreprise, les taux de fiscalité forestière devaient donc être modulés selon l’obtention de telle certification.

Lire aussi2 mnAmazonie: 94% de la déforestation est illégale et Bolsonaro laisse faire, fustigent WWF et ONG

C’est une forme de fiscalité écologique, dans le sens où l’objectif n’est pas que les taxes augmentent in fine de manière à accroître les recettes de l’Etat, mais que la part de bois certifié grossisse pour arriver à une meilleure gestion globale des forêts, afin de protéger l’environnement. Car la taxe a vocation à s’éteindre : au fur et à mesure, si le système fonctionne, de plus en plus d’entreprises se certifieront, donc ne paieront plus de pénalités.

Mais ce phénomène réduira les recettes de l’Etat, qui a besoin de ressources pour favoriser fiscalement le bois « durable ». C’est pourquoi le système devrait être dynamique, ou progressif : année après année, en fonction du niveau précédent, il faudrait augmenter le montant des taxes sur le bois non certifié, afin de continuer de pouvoir offrir des bonus aux producteurs les plus vertueux. Et ce, jusqu’à un certain point, quand la plupart d’entre eux auront obtenu le label.

C’est un changement de paradigme, car jusqu’ici, on a eu tendance à penser qu’il valait mieux jouer sur des incitations directes, en appliquant une fiscalité sur la matière première, c’est-à-dire taxer le bois à l’entrée de l’usine plutôt que de taxer le sillage à sa sortie. Mais on s’est rendu compte que cela n’a pas été très efficace : il fallait prendre en compte trop de facteurs différents, en amont même de la production.

Dans le mécanisme que vous proposez, comment s’assurer que les certifications privées sur lesquelles s’appuierait l’Etat permettent bien la gestion durable des forêts ?

Le gouvernement devrait accréditer ces certifications, en fonction des critères qu’elles retiennent. En second lieu, l’Etat ou une autre institution publique, comme la Commission européenne par exemple, pourrait les suivre afin de s’assurer qu’elles fonctionnent bien sur le terrain, si des plaintes ont été relevées. Mais ce ne serait qu’en dernier recours : leur fonctionnement devrait d’abord être vérifié par une instance privée indépendante – comme c’est le cas aujourd’hui -, puis éventuellement contrôlé par le biais d’enquêtes, en envoyant des chercheurs indépendants sur place.

Ce système a-t-il déjà été mis en place dans certains pays ?

Le système retenu par le Gabon en milieu d’année 2020 s’en approche, et est particulièrement intéressant. En effet, le pays affiche une politique volontariste en la matière, après avoir été entaché par un scandale de trafic de bois illégal à grande échelle en 2019 (la découverte de près de 5.000 mètres cubes de kévazingo, un bois rare dont l’exploitation est interdite, dans deux sites d’entrepôt chinois de la capitale Libreville, ndlr). Concrètement, pour sauvegarder ses forêts, – qui s’étendent sur près de 90% du territoire -, le gouvernement gabonais distingue désormais trois taux pour la taxe de surface : 1) le taux le plus favorable concernant les concessions dont la gestion forestière a obtenu la certification FSC ; 2) un taux intermédiaire, pour les concessions dotées d’un certificat de légalité ; et 3) le taux le plus élevé, pour les concessions dépourvues de toute certification. Avant de rendre obligatoire la certification FSC d’ici à 2025. On voit qu’il y a une prise de conscience réelle, même s’il y a aussi beaucoup de corruption et de personnes qui ont intérêt à ce que rien ne change.

On peut aussi citer la Côte d’Ivoire, où l’exploitation de cacao est l’un des moteurs principaux de déforestation. Pour y remédier, la Banque mondiale a proposé au gouvernement un système de bonus malus à deux niveaux, via une taxe à l’exportation, qui s’appuierait sur une certification intégrant des clauses « zéro déforestation ». Celle-ci augmenterait sur une période de sept ans, pour générer des recettes et favoriser le cacao certifié. Ainsi, les exportateurs payant la taxe seront incités à se tourner vers des coopératives, des fournisseurs ou des producteurs qui leur livrent du cacao certifié « zéro déforestation ».

Cela pourrait-il aussi permettre aux gouvernements consommateurs de bois tropicaux de lutter contre la déforestation importée ?

Oui, car il est possible d’appliquer ce système de « bonus-malus » non seulement aux pays producteurs, mais aussi au niveau des tarifs douaniers à l’importation, en Europe par exemple. Pour les cinq produits à risque de déforestation (soja, huile de palme, cacao, pâte à papier, bois d’oeuvre, ndlr), on peut ainsi utiliser de tels systèmes de label et de traçabilité. Là encore, l’idée est faire en sorte de donner des avantages aux produits labellisés, certifiés et tracés avec des clauses « zéro déforestation », et que ne rentrent peu à peu sur le territoire que ceux qui bénéficient de cette certification. La Suisse vient d’ailleurs de le faire via un accord avec l’Indonésie, en baissant les tarifs douaniers de 20%, puis 40% l’année suivante pour l’huile de palme certifiée qui bénéficie d’une traçabilité particulière.

Mais ce sera plus compliqué pour l’Union européenne. C’est une grosse machine, soumise aux règles de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) qui peuvent à certains égards constituer un frein. D’autant que les ripostes commerciales de la part des pays exportateurs peuvent être fortes : on sait que la Malaisie, par exemple, est très agressive lorsque l’on touche à l’huile de palme. C’est pourquoi la proposition de certaines ONG d’interdire tout simplement les importations des produits à risque, par exemple venant du Brésil, ne tient pas : non seulement cela ne sera pas compatible avec l’OMC, mais il y a un risque élevé de représailles. Par ailleurs, il est intéressant de privilégier un système qui aide les pays producteurs à lutter contre la déforestation, plutôt que de couper les échanges. Cette question figure parmi les priorités de l’agenda de la Commission européenne, et rejoint celle de la mise en place prochaine d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.


Mais la question va au-delà de celle du simple rôle de puits carbone des espaces boisés. Si cette fonction de captation est essentielle pour le climat, les forêts sont également les écosystèmes terrestres qui abritent le plus de biodiversité. Plus elles sont denses, comme les forêts tropicales, plus leur faune et leur flore sont importantes et remarquables. Pour les protéger, il est donc nécessaire de jouer sur les deux tableaux : les pratiques des producteurs liées à la déforestation, et le commerce avec les pays importateurs. Et au-delà de l’outil fiscal, nous devons fournir des réponses en terme de développement, de lutte contre la pauvreté et d’accompagnement des agriculteurs. Il y a un travail profondément structurel de réforme à mener dans les pays tropicaux, pour modifier les pratiques environnementales et réussir à produire sans avoir besoin de déboiser toujours plus.

La disparition des forêts tropicales

 La disparition des forêts tropicales

 

 

 

Alors que les Nations unies lancent, le 5 juin, la décennie de la restauration des écosystèmes, l’écologue Plinio Sist a, dans une tribune au « Monde », attire l’attention sur la disparition des forêts tropicales

Tribune.

 

Les forêts tropicales disparaissent à un rythme alarmant depuis plus de trente ans. Une récente étude publiée dans Science Advances estime que 220 millions d’hectares de forêts humides ont été perdus ces trente dernières années. Si l’on considère les forêts tropicales dans leur ensemble, ce chiffre, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), grimpe à plus de 400 millions d’hectares.

Converties en terres agricoles, en pâturages ou en plantations industrielles, les forêts tropicales, au cours de ces trente dernières années, ont disparu à un rythme moyen d’environ 13 millions d’hectares par an. La dégradation forestière constitue une autre menace tout aussi importante que la déforestation.


En effet, ce phénomène touche dans certaines régions comme l’Amazonie des surfaces similaires voire plus importantes que la déforestation. De plus, les forêts dégradées se montrent moins résilientes face aux changements climatiques et plus vulnérables aux incendies qui s’intensifient au cours des saisons sèches de plus en plus longues.

Les conséquences de la déforestation et de la dégradation forestière sont parfaitement connues et régulièrement publiées par les scientifiques, notamment dans les rapports du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) : émissions de CO2 (12 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre), perte de la biodiversité terrestre dont 80 % est abritée dans les forêts, notamment tropicales, enfin, dérèglement climatique local. Les conséquences sont aussi sociales et économiques puisque, par exemple, les 2 milliards d’hectares de terres dégradées issues de la déforestation dans le monde compromettent le bien-être de plus de 3 milliards de personnes.

Face à ces pertes, la restauration apparaît comme une des solutions visant à reconstituer une partie du couvert forestier perdu au cours des précédentes décennies. Ainsi, depuis 2011, dans le cadre du Bonn Challenge, les engagements de nombreux pays à entreprendre des programmes ambitieux de restauration se sont multipliés, mais, sur le terrain, ils tardent encore à se concrétiser. Les Nations unies lanceront officiellement, le 5 juin, la décennie de la restauration des écosystèmes.

Conserver la naturalité des forêts

 Conserver la naturalité des forêts 

 

Les écologues François Ramade et Annik Schnitzler dressent, dans une tribune au « Monde », un portrait accablant de la gestion des bois et forêts périurbains par l’Office national des forêts, qui privilégie une productivité à court terme au détriment de la biodiversité.

Tribune.

 

En dépit des déclarations répétées de l’Office national des forêts (ONF) sur sa prise en compte des impératifs de préservation des écosystèmes forestiers, force est de noter que cet organisme public n’a pas changé de stratégie depuis des décennies. Les constats effectués dans les habitats forestiers français, en particulier dans les bois et forêts périurbains comme ceux d’Île-de-France, démontrent que l’ONF persiste dans une gestion « productiviste » et à courte vue des forêts, fondée sur la seule exploitation des ressources en bois commercialisable (vente de bois d’ameublement, de construction et de chauffe).

Pour répondre aux demandes de l’Etat et aux objectifs financiers qui lui sont fixés par les ministères de l’agriculture et des finances, il continue à considérer les forêts comme des champs d’arbres, à l’image des champs de maïs. Il persévère dans la recherche exclusive des rendements maximum à l’hectare, quels qu’en soient les conséquences biologiques et les effets à long terme – la responsabilité de l’Etat se trouvant ainsi engagée.


Les bois et forêts périurbains, poumons vitaux des villes, qui permettent des échappées de plus en plus nécessaires aux citadins, tant sur le plan des loisirs que sanitaire, sont le signe peut-être le plus alarmant du désastre en cours. Pour prendre un exemple, si les coupes rases d’arbres dans la forêt domaniale de la Malmaison/bois de Saint-Cucufa (Hauts-de-Seine), sous l’égide de l’ONF, peuvent être jugées peu significatives en raison de leur surface encore limitée (3 ha, sur 6 annoncés), elles soulèvent en fait des problèmes majeurs. En effet, des chênes parfois centenaires, en parfaite santé, y sont abattus au prétexte que certains châtaigniers sont atteints par la maladie de l’encre, et d’énormes engins, qui tassent les sols de façon irréversible, rasent sur leur passage tous types de troncs.

Ces abattages qui ignorent les obligations mises par le législateur à un développement durable (en particulier la loi 1086 de 2016) et sont effectués discrètement, à grande vitesse (parfois sous-traités à des sociétés non professionnelles de droit étranger), peuvent légitimement conduire les Franciliens et futurs habitants du Grand Paris à s’alarmer.

Durant des décennies, l’ONF a pratiqué le remplacement quasi systématique d’arbres feuillus par des résineux. Ont été ainsi détruits de magnifiques boisements au profit de conifères dont la croissance est rapide et donc la productivité nettement plus élevée à l’hectare. Ces résineux, qui ne sont pas à leur place du point de vue écologique, sont fragiles, sensibles aux attaques parasitaires, et leur litière est facilement inflammable, acidifiée, tandis que sa faune est moins diverse que celle des forêts feuillues originelles.

 

Environnement biodiversité: Conserver la naturalité des forêts

Environnement biodiversité: Conserver la naturalité des forêts 

 

Les écologues François Ramade et Annik Schnitzler dressent, dans une tribune au « Monde », un portrait accablant de la gestion des bois et forêts périurbains par l’Office national des forêts, qui privilégie une productivité à court terme au détriment de la biodiversité.

Tribune.

 

En dépit des déclarations répétées de l’Office national des forêts (ONF) sur sa prise en compte des impératifs de préservation des écosystèmes forestiers, force est de noter que cet organisme public n’a pas changé de stratégie depuis des décennies. Les constats effectués dans les habitats forestiers français, en particulier dans les bois et forêts périurbains comme ceux d’Île-de-France, démontrent que l’ONF persiste dans une gestion « productiviste » et à courte vue des forêts, fondée sur la seule exploitation des ressources en bois commercialisable (vente de bois d’ameublement, de construction et de chauffe).

Pour répondre aux demandes de l’Etat et aux objectifs financiers qui lui sont fixés par les ministères de l’agriculture et des finances, il continue à considérer les forêts comme des champs d’arbres, à l’image des champs de maïs. Il persévère dans la recherche exclusive des rendements maximum à l’hectare, quels qu’en soient les conséquences biologiques et les effets à long terme – la responsabilité de l’Etat se trouvant ainsi engagée.


Les bois et forêts périurbains, poumons vitaux des villes, qui permettent des échappées de plus en plus nécessaires aux citadins, tant sur le plan des loisirs que sanitaire, sont le signe peut-être le plus alarmant du désastre en cours. Pour prendre un exemple, si les coupes rases d’arbres dans la forêt domaniale de la Malmaison/bois de Saint-Cucufa (Hauts-de-Seine), sous l’égide de l’ONF, peuvent être jugées peu significatives en raison de leur surface encore limitée (3 ha, sur 6 annoncés), elles soulèvent en fait des problèmes majeurs. En effet, des chênes parfois centenaires, en parfaite santé, y sont abattus au prétexte que certains châtaigniers sont atteints par la maladie de l’encre, et d’énormes engins, qui tassent les sols de façon irréversible, rasent sur leur passage tous types de troncs.

Ces abattages qui ignorent les obligations mises par le législateur à un développement durable (en particulier la loi 1086 de 2016) et sont effectués discrètement, à grande vitesse (parfois sous-traités à des sociétés non professionnelles de droit étranger), peuvent légitimement conduire les Franciliens et futurs habitants du Grand Paris à s’alarmer.

Durant des décennies, l’ONF a pratiqué le remplacement quasi systématique d’arbres feuillus par des résineux. Ont été ainsi détruits de magnifiques boisements au profit de conifères dont la croissance est rapide et donc la productivité nettement plus élevée à l’hectare. Ces résineux, qui ne sont pas à leur place du point de vue écologique, sont fragiles, sensibles aux attaques parasitaires, et leur litière est facilement inflammable, acidifiée, tandis que sa faune est moins diverse que celle des forêts feuillues originelles.

 

« Conserver la naturalité des forêts »

« Conserver la naturalité des forêts »

Les écologues François Ramade et Annik Schnitzler dressent, dans une tribune au « Monde », un portrait accablant de la gestion des bois et forêts périurbains par l’Office national des forêts, qui privilégie une productivité à court terme au détriment de la biodiversité.

Tribune.

 

 En dépit des déclarations répétées de l’Office national des forêts (ONF) sur sa prise en compte des impératifs de préservation des écosystèmes forestiers, force est de noter que cet organisme public n’a pas changé de stratégie depuis des décennies. Les constats effectués dans les habitats forestiers français, en particulier dans les bois et forêts périurbains comme ceux d’Île-de-France, démontrent que l’ONF persiste dans une gestion « productiviste » et à courte vue des forêts, fondée sur la seule exploitation des ressources en bois commercialisable (vente de bois d’ameublement, de construction et de chauffe).

Pour répondre aux demandes de l’Etat et aux objectifs financiers qui lui sont fixés par les ministères de l’agriculture et des finances, il continue à considérer les forêts comme des champs d’arbres, à l’image des champs de maïs. Il persévère dans la recherche exclusive des rendements maximum à l’hectare, quels qu’en soient les conséquences biologiques et les effets à long terme – la responsabilité de l’Etat se trouvant ainsi engagée.


Les bois et forêts périurbains, poumons vitaux des villes, qui permettent des échappées de plus en plus nécessaires aux citadins, tant sur le plan des loisirs que sanitaire, sont le signe peut-être le plus alarmant du désastre en cours. Pour prendre un exemple, si les coupes rases d’arbres dans la forêt domaniale de la Malmaison/bois de Saint-Cucufa (Hauts-de-Seine), sous l’égide de l’ONF, peuvent être jugées peu significatives en raison de leur surface encore limitée (3 ha, sur 6 annoncés), elles soulèvent en fait des problèmes majeurs. En effet, des chênes parfois centenaires, en parfaite santé, y sont abattus au prétexte que certains châtaigniers sont atteints par la maladie de l’encre, et d’énormes engins, qui tassent les sols de façon irréversible, rasent sur leur passage tous types de troncs.

Abattages à grande vitesse

Ces abattages qui ignorent les obligations mises par le législateur à un développement durable (en particulier la loi 1086 de 2016) et sont effectués discrètement, à grande vitesse (parfois sous-traités à des sociétés non professionnelles de droit étranger), peuvent légitimement conduire les Franciliens et futurs habitants du Grand Paris à s’alarmer.

Durant des décennies, l’ONF a pratiqué le remplacement quasi systématique d’arbres feuillus par des résineux. Ont été ainsi détruits de magnifiques boisements au profit de conifères dont la croissance est rapide et donc la productivité nettement plus élevée à l’hectare. Ces résineux, qui ne sont pas à leur place du point de vue écologique, sont fragiles, sensibles aux attaques parasitaires, et leur litière est facilement inflammable, acidifiée, tandis que sa faune est moins diverse que celle des forêts feuillues originelles.

 

« Il faut davantage de diversification dans les forêts françaises »

« Il faut davantage de diversification  dans les forêts françaises »

Alors que la filière forêt-bois s’apprête à recevoir 200 millions d’euros du plan de relance, un collectif d’une quarantaine de chercheurs estime, dans une tribune au « Monde », que les arbitrages doivent s’appuyer sur la science. Il insiste sur la nécessité de valoriser la diversité des plantations.

Al’instar de la forêt amazonienne, qualifiée par Emmanuel Macron de « bien commun pour l’humanité » devant être protégé, la forêt française métropolitaine suscite le débat entre enjeux carbone, maintien de la biodiversité et menace du changement climatique.

Pour tenir les engagements de l’accord de Paris, c’est-à-dire limiter l’augmentation de la température moyenne annuelle à un maximum de 2 °C, le Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a récemment rappelé qu’il nous reste seulement dix ans pour agir. Au-delà, les « points de bascule » écologiques pourraient ouvrir la voie à un emballement climatique irréversible.

Parce qu’elle fixe environ 20 % de nos émissions annuelles de carbone, la forêt française contribue à limiter le changement climatique. Cependant, les dépérissements d’arbres en Europe sont alarmants et questionnent la pérennité du puits de carbone forestier.

Mais comment préserver les forêts de ces changements tout en favorisant leur rôle de puits de carbone ? Alors que les réflexions avancent à l’échelle européenne, en particulier avec le Green Deal 2020, deux mesures principales sont prioritairement discutées en France : d’une part l’augmentation forte des coupes et la promotion du bois énergie, d’autre part le recours massif aux plantations.

Ces mesures sont supposées augmenter la fixation de carbone dans les forêts et les « produits bois » qui en sont extraits, et éviter l’émission de carbone d’origine fossile en remplaçant charbon, pétrole ou gaz par du bois. Pourtant, de tels choix ne font pas l’objet d’un consensus scientifique, voire sont en désaccord avec les résultats les plus récents.

En tant que chercheurs étudiant la réponse des forêts au changement climatique, nous voudrions rappeler certains points essentiels sur les connaissances actuelles, en espérant qu’ils éclairent les décisions à venir.

Est-ce que couper et planter plus pour stocker plus (de carbone) est compatible avec l’accord de Paris ? Les choses ne sont en fait pas si simples. En effet, d’après plusieurs études et rapports récents qui ont comparé l’effet de différents scénarios de gestion forestière sur le bilan de carbone forestier français métropolitain, intensifier fortement les coupes réduit la fixation de carbone du secteur forêt-bois dans les prochaines décennies.

De plus, pendant les années voire les décennies qui suivent les coupes à blanc, les forêts sont émettrices nettes de carbone, du fait du relargage de carbone du sol. Un argument pourtant souvent avancé est qu’une forêt « jeune » fixerait plus de carbone qu’une forêt « âgée ». Or, les études scientifiques récentes ont montré que des forêts matures continuent de fixer du carbone à des taux similaires ou supérieurs à ceux des forêts très jeunes.

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Défendre aussi les forêts de plantations

Défendre aussi les forêts de plantations

D’après Hervé Jactel, directeur de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, les forêts créées et gérées par l’homme ne sont pas aussi riches en biodiversité que les forêts primaires, mais seront toujours plus propices au maintien des espèces sauvages qu’un champ cultivé, explique Hervé Jactel, docteur en écologie forestière.

 

Tribune.

 

Autant je suis très admiratif des travaux du botaniste Francis Hallé sur l’architecture des arbres, autant je ne comprends ni ne partage sa diatribe contre les forêts de plantations, publiée dans le journal Le Monde du 16 août (« Ne prenons plus les plantations d’arbres pour des forêts »), car la plupart de ses affirmations vont à l’encontre des derniers travaux scientifiques.

Certes, les forêts de plantations sont créées et gérées par l’homme, mais elles possèdent la plupart des attributs des forêts dites naturelles, avec une forte diversité génétique entre les arbres qui les composent (en France, seules les peupleraies peuvent être des plantations monoclonales), une disparité de leur forme et de leur hauteur qui permet un étagement de mousses, plantes herbacées et arbustes en sous-bois, ainsi que des interactions riches et complexes avec la faune et la flore.

Certes, les forêts de plantations ne sont pas aussi riches en biodiversité que les forêts primaires, mais elles sont loin d’être des déserts biologiques et resteront toujours plus propices au maintien des espèces sauvages qu’un champ de maïs ou de betteraves.

Pour ne reprendre que l’exemple des forêts de plantations de pin maritime dans les Landes, cité par Francis Hallé, plus de trois cents espèces de coléoptères se développant dans le bois y ont été recensées (soit environ 10 % de la faune française et 50 % de plus que dans les forêts boréales).

Certes les forêts de plantations bénéficient d’intrants pour améliorer leur productivité, mais ce sont essentiellement des engrais (la quasi-totalité des herbicides et pesticides de synthèse sont interdits d’usage dans les forêts françaises, y compris dans les plantations).

Ces engrais ne sont épandus qu’une seule fois, au moment de l’installation des plants, soit tous les quarante à quatre-vingts ans selon les essences de production, donc bien moins souvent que les applications annuelles après labour dans les plaines agricoles (ou les dizaines de traitements insecticides et fongicides appliqués chaque année dans les vergers de pommiers).

Caricature manichéenne

Certes, les forêts de plantations sont exploitées assez jeunes (mais là encore rarement avant quarante ou cinquante ans) et leurs arbres coupés, mais c’est pour produire le bois de construction des maisons (et au passage permettre la reconstruction de la charpente de Notre-Dame de Paris), ou le papier dont on a besoin pour imprimer les livres et les journaux (dont, en tant que lecteur quotidien du Monde, j’aurais bien du mal à me passer).

«Sauver d’urgence nos forêts».

«Sauver d’urgence nos forêts».

David Caillouel président du Syndicat des exploitants de la filière bois (SEFB) attire l’attention sur le danger de mort d’une partie de la forêt française menacée par un coléoptère xylophage.

« Alors que la France se trouve confrontée à la pandémie du Covid, les forêts françaises voient se propager de manière galopante, sous l’effet du réchauffement climatique, une épidémie de scolytes, un coléoptère xylophage qui, en s’attaquant à l’écorce des épicéas, empêche la circulation de la sève et entraîne leur mort. Dévastant, de manière alarmante, nos massifs sylvestres et entraînant la disparition de pans entiers. Commencé, il y a deux ans, dans le Grand Est et la Bourgogne-Franche Comté, ce drame sanitaire touchait fin juin 25 000 hectares et faisait passer, en six mois, les bois contaminés de 5 millions à 9 millions de m3.

En l’absence de traitement prophylactique efficace, l’abattage des bois dévorés par ces insectes mortifères puis leur évacuation des sous-bois constituent la seule façon de préserver les bois encore sains et de freiner la contamination. La capacité d’absorption par les transformateurs français (fabricants de panneaux agglomérés ou de pellets, papetiers, etc.) des résineux malades se limitant actuellement à 6 500 000 m3, l’exportation hors d’Europe en container du surplus d’épicéas scolytés reste le seul débouché. Avant tout pragmatiques, les Allemands ont, avec l’aide financière de leur gouvernement, expédié, depuis le 1er janvier, 2 258 000 m3 en Asie (contre 155 000 pour la France).

Pour avoir contribué, après les tempêtes Lothar et Martin en 1999 et Klaus en 2009, au renouvellement de nos forêts en évacuant et en exportant hors d’Europe les chablis, les exploitants forestiers sont aujourd’hui les mieux placés pour agir.

« L’Anses a autorisé depuis décembre 2019 une solution chimique pour laquelle le Ministère de l’Agriculture refuse toujours la délivrance de certificats phytosanitaires, sans donner d’explications crédibles »

Sens des responsabilités. Alors que les autorités chinoises acceptent un traitement phytosanitaire chimique, les autorités françaises imposent pour l’export un traitement thermique au prix exorbitant de 15 euros le m3, le plus souvent supérieur au coût d’achat des épicéas abattus. Pourtant, l’Anses, l’autorité en charge de l’évaluation des produits phytosanitaires, a autorisé depuis décembre 2019 une solution chimique (le Forester par brumisation en container et en zone portuaire protégée) pour laquelle le Ministère de l’Agriculture refuse toujours la délivrance de certificats phytosanitaires, sans donner d’explications crédibles. En divisant par cinq les frais phytosanitaires (de 3 euros par m3), le recours à ce traitement non-CMR (cancérogène, mutagène, reprotoxique) et non-toxique rendrait pourtant l’exportation de nos épicéas malades compétitive, endiguerait la progression géométrique galopante des scolytes et assurerait aux propriétaires privés les revenus nécessaires au reboisement, tout en permettant de réduire d’autant les aides étatiques.

Plus grave, alors que les exploitants forestiers sont le principal rempart contre la propagation du scolyte, le SEFB, leur syndicat majoritaire, est actuellement écarté par le Ministère de l’Agriculture de la cellule de crise chargée de gérer cette pandémie, dont il a pourtant été le premier a demandé la création.

On ne peut à la fois vouloir s’opposer à un fléau sanitaire dramatique et refuser de se donner les moyens d’y mettre fin. A l’instar de la mobilisation générale contre le Covid et du sens des responsabilités prôné par le Président de la République, l’avenir de nos forêts et de la filière bois nécessite de faire appel au bon sens et à la raison et, pour ce faire, d’intégrer d’urgence tous les acteurs de l’amont de la filière bois dans une cellule de crise interministérielle (à commencer par les exploitants forestiers et les experts forestiers qui en sont exclus) et de mettre en œuvre toutes les réponses (y compris phytosanitaires) susceptibles d’endiguer cette épidémie dévastatrice. Au nouveau Ministre de l’Agriculture, M. Julien Denormandie, qui a été saisi de ces graves dysfonctionnements, de prendre ses responsabilités.

Jean-François Guégan : « En supprimant les forêts primaires, nous sommes en train de débusquer des monstres »

Jean-François Guégan : « En supprimant les forêts primaires, nous sommes en train de débusquer des monstres »

Le directeur de recherche à l’Inrae travaille sur les relations entre santé et environnement. Dans un entretien au « Monde », il estime que l’épidémie de Covid-19 doit nous obliger à repenser notre relation au monde vivant.

Ancien membre du Haut Conseil de la santé publique (HCSP), Jean-François Guégan a fait partie du comité d’experts qui a conseillé la ministre de la santé Roselyne Bachelot lors de l’épidémie de grippe A(H1N1), en 2009. Directeur de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et professeur à l’Ecole des hautes études en santé publique, il estime que l’épidémie de Covid-19 doit nous obliger à repenser notre relation aux systèmes naturels, car l’émergence de nouvelles maladies infectieuses est étroitement liée à l’impact des sociétés humaines sur l’environnement et la biodiversité.

Vous avez fait partie des experts qui ont conseillé d’acheter des masques et des vaccins en grand nombre lors de la pandémie provoquée par le virus H1N1. Comment analysez-vous la situation en France, dix ans plus tard ?

Comme beaucoup de mes collègues, j’ai été très surpris de l’état d’impréparation de la France à l’épidémie de Covid-19. Les expériences passées avaient pourtant mis en évidence la nécessité d’anticiper et de préparer l’arrivée de pandémies. Au sein du HCSP, nous avions préconisé l’achat des fameux vaccins, mais aussi la constitution d’une réserve de près de 1 milliard de masques, pour protéger la population française en cas de risque majeur, à renouveler régulièrement car ils se périment vite. Nous avions alors réussi à sensibiliser les décideurs de plusieurs ministères sur cette nécessaire anticipation. Je pensais que nous étions prêts. Au ministère de la santé, Xavier Bertrand a reconduit l’achat des masques, mais, ensuite, il y a eu un changement de stratégie. Il semble que l’économétrie ait prévalu sur la santé publique.

Comment expliquer cette difficulté à cultiver, sur le long terme, une approche préventive ?

Les départements affectés aux maladies infectieuses ont été, ces dernières années, désinvestis, car beaucoup, y compris dans le milieu médical, estimaient que ces maladies étaient vaincues. Et c’est vrai que le nombre de décès qu’elles occasionnent a diminué dans les sociétés développées. En revanche, elles sont toujours responsables de plus de 40 % des décès dans les pays les plus démunis, et on observe aussi une augmentation de la fréquence des épidémies ces trente dernières années.

Nous n’avons cessé d’alerter sur leur retour en force depuis quinze ans, sans succès. On a vu les crédits attribués à la médecine tropicale s’effondrer, des connaissances se perdre, faute d’être enseignées, même si elles perdurent encore chez les médecins du service de santé des armées, dans les services d’infectiologie et les grandes ONG humanitaires.

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