Archive pour le Tag 'travail'

Arrêts de travail : «un jour de carence d’ordre public» ?

Arrêts de travail :  «un jour de carence d’ordre public» ?

Le rapporteur général du budget de la Sécu, Yannick Neuder (LR), appelle à faire des économies sur les arrêts maladie en instituant un «jour de carence d’ordre public», plutôt qu’en abaissant le plafond des indemnités, comme le prévoit à ce stade le gouvernement.

 

Aujourd’hui, l’Assurance maladie indemnise les arrêts maladie à compter du quatrième jour (sauf dans certains cas, comme les affections longue durée). La majorité des grandes entreprises prennent, elles, en charge les trois premiers jours d’arrêt. Un jour de carence d’ordre public «responsabilise les assurés, libère du temps médical, allège les dépenses de la Sécurité sociale, et n’augmente ni celles des employeurs, ni celles des complémentaires», a argué Yannick Neuder.

La fin du travail avec l’intelligence artificielle ?

La fin du travail avec l’intelligence artificielle ?

 

 

La montée en puissance de l’intelligence artificielle entraîne des révolutions technologiques qui donnent le tournis en Californie, à ses meilleurs élèves : les salariés de la tech, constate Corine Lesnes, dans sa chronique au « Monde » 

Au tournant des années 2010, l’avènement de la voiture sans chauffeur faisait les gros titres. Le phénomène était imminent. « Une réalité », annonçait le New York Times en mai 2012. Les sociologues prédisaient la « fin du travail » tel que la civilisation occidentale le concevait depuis la révolution industrielle, à la suite de l’économiste Jeremy Rifkin dont le livre de 1995, La Fin du travail (La Découverte, 1997), explorait les conséquences de l’automatisation sur le marché de l’emploi.

Rien d’aussi spectaculaire n’a immédiatement suivi. Pendant deux décennies, la voiture sans chauffeur est restée au stade d’expérimentation, pour ne pas dire de mirage. Le taux de chômage n’a pas explosé, au contraire. Nous nous sommes habitués aux effets de manche des ploutocrates de la tech : coloniser Mars, occuper le métavers… Au risque de se retrouver blasés, et de négliger de prendre acte des révolutions, bien réelles, qui sont désormais parmi nous.

Aujourd’hui, les taxis autonomes circulent dans cinq villes américaines, sans anicroche ni accident (mais pas encore par tous les temps). A San Francisco, les Waymo (voiture sans conducteur) de Google sont devenues une attraction touristique au même titre que les cable cars de la fin du XIXe siècle. Et chaque trajet urbain conduit par un chauffeur fantôme suscite le même ébahissement : « wow », comme disent les Américains.

Quant à la « fin du travail » traditionnel, celle-ci n’est plus une vue de l’esprit, mais un phénomène en voie de banalisation du fait de la fulgurante accélération de l’intelligence artificielle (IA). Faut-il s’en plaindre ? Les « techies » sont en première ligne, cette fois, de la « disruption » causée par leurs propres inventions. Depuis trois ans, les charrettes se succèdent dans le secteur des technologies : 165 000 licenciements en 2022 ; 264 000 en 2023, un record ; 141 000 encore cette année, entre janvier et le 11 octobre, émanant de 468 entreprises.

Crise financière: Le travail ou les impôts

Crise financière: Le travail ou les impôts

C’est l’éléphant dans la pièce. Alors que va s’ouvrir le débat budgétaire au Parlement, la question de la réduction de la dette publique est au cœur des problématiques actuelles. S’il existe plusieurs façons d’aboutir à ce résultat, toutes n’ont le même impact sur l’emploi et la croissance. Mieux vaut promouvoir les mesures en faveur du travail qu’augmenter les impôts et les taxes. Lors de la dernière Loi de finances votée en 2023, le gouvernement d’alors s’était engagé à boucler son budget de 2024 avec un déficit d’un montant équivalant à 4,4 % du PIB. Dans ce contexte, l’étude du Cepremap 2024-02 indiquait qu’une réduction des dépenses nettes de 20 milliards d’euros par an serait nécessaire pour stopper la hausse de la dette de l’État français, entamée au début des années 80, puis la réduire. Un tel infléchissement de la dynamique de dette publique permettait d’attester qu’elle reste sous contrôle et donc soutenable, car elle pourrait ainsi bénéficier de taux d’intérêt faibles. Finalement, le déficit budgétaire de 2024 sera proche de 6 %. Comme la dette augmente encore et encore, la crédibilité de la capacité de remboursement de sa dette par l’État français se réduit. Cette hausse du risque de défaut se voit sur les marchés : alors que l’État français pouvait emprunter en 2021 à un taux inférieur de 0,5 point à celui prévalant pour le Portugal, il doit aujourd’hui à un taux supérieur de 0,15 point). Avec cette hausse du déficit, si l’État français souhaite restaurer sa crédibilité et donc contenir la hausse de la charge des intérêts sur sa dette, ce n’est plus 20 milliards d’euros par an qu’il faut trouver, mais plutôt 30 milliards par an.

 

par 

Professeur d’économie, Directeur de l’Observatoire Macro du CEPREMAP, Le Mans Université dans The Conversation

Le nouveau gouvernement doit donc définir une trajectoire budgétaire définissant comment économiser les premiers 20 milliards annuels, ce qu’aurait dû faire l’ancien gouvernement, mais aussi déterminer comment faire cet effort budgétaire additionnel. Évidemment, la meilleure stratégie pour redresser les finances d’un pays consiste à favoriser les mesures qui encouragent l’activité et donc à terme les recettes de l’État, en particulier le travail. C’est ce que montre l’étude du Cepremap dont les principes sont repris ici, mais appliqués à la nouvelle réalité budgétaire de la France.

 

Avec l’objectif de réduire de 5 points le ratio dette sur PIB à l’horizon de 2027 sans entraver la croissance ni accroître les inégalités, le modèle du Cepremap indique que la réduction de milliards annuels des dépenses nettes doit résulter d’une baisse des transferts indexés sur les revenus (retraite et assurance chômage) de 50 milliards par an partiellement compensée par une hausse des transferts non indexés sur les revenus (santé, pauvreté…) de 20 milliards par an. Bien entendu, si l’objectif n’est « que » de réduire le ratio dette sur PIB de 2 points à l’horizon 2027, une réduction de 24 milliards d’euros par an est nécessaire si elle résulte d’une baisse des transferts indexés sur les revenus de 43 milliards par an partiellement compensée par une hausse des transferts non indexés sur les revenus de 19 milliards d’euros par an.

Cette stratégie stimulerait le PIB car elle conduirait à une hausse des heures travaillées et de la demande de consommation des plus défavorisés. Elle a un coup politique, celui du refus de la non-indexation des retraites pendant plusieurs années. Toutefois, comme le revenu mensuel disponible par tête des retraités était, en 2019, de 2 132 euros, contre 2 099 pour les actifs (voir COR (2023)) et que leur taux d’épargne des personnes âgées de plus de 70 ans est de 26 % contre 10 % pour les 40-49 ans (voir Insee (2020)), cette politique contribuerait à restaurer l’équité intergénérationnelle.

Comme les cotisations versées ne couvrent que 80 % des dépenses de retraite (voir Beaufret (2023)), réduire les pensions reviendrait à réduire les divers transferts actuels de l’État vers les retraités, et non à ponctionner des « droits » qui n’ont, en fait, pas été complètement « acquis ». Enfin, alors que l’âge moyen de départ en retraite est 63 ans en France, il est à 65 ans en Allemagne : reculer de deux années l’âge de départ en retraite représente une économie de 22 milliards d’euros an pour les finances publiques, sachant que les déficits actuels et passés des caisses de retraite expliquent la moitié de la hausse de la dette publique, comme l’a montré Jean-Pascal Beaufret. Aux antipodes des demandes d’abrogation de la dernière réforme des retraites, il serait plutôt nécessaire de préparer la prochaine pour qu’elle permette un véritable rééquilibrage des finances publiques.

Face à une potentielle difficulté politique qui pourtant ne consiste qu’à restaurer une partie de la valeur du travail, une hausse de certaines taxes a été envisagée, par certains comme, par exemple, le gouverneur de la Banque de France. Le fardeau de l’ajustement budgétaire ne reposerait plus alors uniquement sur ceux qui ne travaillent pas ou plus, mais aussi sur les actifs. Mais, si le gouvernement accroît de 5 milliards par an ses recettes via une hausse des prélèvements, cela lui permet mécaniquement de moins réduire ses dépenses. Cela risque de réduire aussi le taux de croissance du PIB en réduisant les créations d’emploi. En effet, accroître les prélèvements obligatoires sans désinciter les entrepreneurs à participer à la création de richesse et sans exclure les travailleurs les plus fragiles est quasiment impossible.

La « justice fiscale », c.-à-d., une meilleure répartition d’une richesse plus importante, ne doit pas s’opérer via une hausse de la fiscalité mais par un rééquilibrage des transferts en faveur de ceux qui ne sont pas indexés sur les revenus, comme le montre l’étude du Cepremap. Ne pas accroître la pression fiscale n’est pas un « dogme », mais une recommandation basée sur des évaluations de politique publique qui montrent qu’une politique visant à réduire la dette sans entraver la croissance ni accroître les inégalités doit se baser sur des mesures revalorisant le travail, donc favorisant l’activité économique… et permettant à terme d’accroître les recettes de l’État via la croissance.

Associer les salariés aux décisions sur le travail

Associer les salariés aux décisions sur le travail

Le directeur général de la MAIF, Pascal Demurger, répond aux propositions des deux économistes Thomas Coutrot et Coralie Perez pour améliorer le travail en redonnant aux salariés le pouvoir de s’exprimer sur leur travail.( dans Le Monde)

Dans le cadre du projet de médiation scientifique « Que sait-on du travail ? » du Laboratoire d’évaluation des politiques publiques de Sciences Po (Liepp), des chercheurs ont analysé les maux du travail et leurs origines dans une série de textes publiés par Le Monde tout au long de l’année. Pour « travailler mieux », ces mêmes chercheurs ont avancé quelques pistes d’actions. Dans une deuxième série « Que fait-on du travail ? », qui décryptera sur plusieurs mois ce qui est fait du travail, Le Monde  a interrogé des dirigeants d’entreprise sur ce qu’ils pensent des propositions des chercheurs et s’ils les appliqueraient. Cet entretien ouvre le premier épisode de la série.

Le premier sujet abordé est celui de la perte de sens au travail, ses liens avec le management, en particulier avec la non-participation des salariés aux décisions qui concernent leur travail, analysé par les économistes Thomas Coutrot et Coralie Perez. Leurs recommandations ? Redonner aux salariés le pouvoir d’agir sur leur travail en faisant de leur parole un levier de transformation.

En tant que directeur général de la MAIF et coprésident du Mouvement Impact France, Pascal Demurger, qu’en pensez-vous ?

Sur la question du sens au travail, je suis 100 % d’accord avec ces chercheurs. Redonner la parole aux salariés comme levier de transformation pour redonner du sens au travail est essentiel. Le sujet du travail est un angle mort du débat public. On parle rarement des modalités du travail. Or, il y a vraiment du sens autour de l’objet même du travail et ça peut aller au-delà si l’entreprise propose une mission plus large de nature plutôt sociétale.

Déficit public : la réduction passe par une augmentation du taux de travail

Déficit public : la réduction passe par une augmentation du taux de travail
Le Premier ministre, Gabriel Attal, a annoncé   »une réforme de l’assurance-chômage cette année ». L’opinion publique est rarement unanime sur les questions budgétaires. Mais quelle perception les travailleurs et les retraités ont de la situation des demandeurs d’emploi ? . L’opinion publique est rarement unanime sur les questions budgétaires. Mais quelle perception les travailleurs et les retraités ont de la situation des demandeurs d’emploi ? Le point de vue de Jean Viard sociologue sur France Info.
Que pensent les travailleurs et les retraités de ces annonces de réforme de l’assurance-chômage, parce que c’est là-dessus que ces débats se jouent ?

Jean Viard : Alors il faut dire une chose : on passe d’une culture du chômage qu’on a eue depuis 30 ans à une culture de l’inflation. On a pris des habitudes, des cultures, mis en place des règles qui ont effectivement défini une certaine façon de faire.

Qu’est-ce qu’une culture du chômage ?

Une culture du chômage, c’est le fait qu’on a donné des droits plus longs. On a, par exemple, dit que les travailleurs d’un certain âge pouvaient avoir une plus longue période de chômage, qui pouvait aussi servir de préretraite. En gros, on a essayé de protéger au maximum les gens quand on manquait vraiment d’emploi. Et quand on regarde autour de nous, par exemple, la durée moyenne du chômage en Europe, c’est 12 mois. Ce ne sont pas des régimes épouvantables. C’est pour dire que la question de la longueur, par exemple de l’indemnisation, elle est liée en fait à l’espérance ou pas de trouver du travail. Donc il y a tous ces éléments qui jouent.

Il faut dire aussi que dans les chômeurs, pour une bonne partie, il y a un lien entre chômage et formation. Mais il y a aussi un lien entre chômage et acceptation de changer de métier, parce que 50% des Français considèrent, et c’est plus qu’il y a quelques années, que les chômeurs, en fait, ne cherchent pas vraiment du travail. Et il y en a que 45% qui pensent que c’est la faute des entreprises, s’il y a des chômeurs.

Mais qui a raison ?

Si vous voulez, les deux, parce que la vérité, c’est que souvent, quand on est chômeur, on ne commence pas tout de suite à chercher. On se dit bon, j’ai un an, un an et demi en plus, c’est toujours un choc d’arriver au chômage. Donc vous avez tendance à ça. Je ne suis pas là pour porter le gant d’un côté ou de l’autre. Je suis là à dire : l’époque change, on manque de salariés dans plein de secteurs et il faut dire aussi que les deux tiers des salariés rêvent de changer de métier.

Donc il y a tous ceux qui changent – à peu près le quart – il y a tout ceux qui rêvent de le faire et ceux-là, ils ont un peu le sentiment que les chômeurs, ils n’ont qu’à aussi changer de boulot. Et ils ont un boulot qui n’existe plus, ou ils avaient un boulot bien payé, c’est malheureux, mais bon. Est-ce que l’Etat est là pour réguler, par exemple, le fait que vous passez d’un salaire de 2200 à 1800 euros. Ou que vous deviez aller travailler un peu plus loin, et même déménager. Je pense qu’il ne faut pas être trop caricatural, parce que dans les chômeurs, il y a autant d’hommes que de femmes.

Dans les femmes, il y a beaucoup de femmes seules avec enfants, elles n’ont pas du tout les mêmes capacités, ni de se former, ni d’être mobiles, d’ailleurs souvent, elles n’ont pas le permis de conduire. Donc, c’est tout un maelstrom le travail. Mais c’est vrai qu’après, il y a des malheureux qui cherchent du travail désespérément mais qui n’en trouvent pas, ou des gens qui n’ont pas de formation, qu’il faudrait remettre en formation. Il n’y a pas de moyenne quoi.

Mais ce qui est vrai, c’est que quand on est dans une crise financière, comme celle que l’on connaît, la seule façon de remplir les caisses, c’est qu’il y ait plus d’actifs, plus de cotisations à la sécu, plus de gens qui payent des pensions, qui payent des impôts, etc.

En tout cas, qu’il s’agisse de gens qui peinent à retrouver un emploi ou de gens qui prennent leur temps, le regard que ceux qui ne sont pas concernés portent sur eux change, du fait de la crise économique et de l’inflation que nous connaissons tous aujourd’hui ?

Mais bien sûr, parce qu’il y a une époque, on était tous assez d’accord pour dire que la France manquait énormément d’emplois. C’est toujours vrai, mais c’est beaucoup moins vrai. Donc ça signifie que les emplois qui ne sont pas occupés sont peut-être aussi des emplois un peu plus pénibles. Par exemple, prenez le soir dans les restaurants, vous prenez les chauffeurs de camion longue durée, vous prenez un certain nombre de métiers, où après la grande pandémie, on a moins envie de les faire, parce qu’on s’est rendu compte que ça contraignait la vie de famille, la qualité de vie, etc.

Les deux critères des gens pour changer de boulot, c’est le revenu et la qualité de vie. Et parfois, la qualité de vie passe avant le revenu, c’est-à-dire le fait d’avoir des moments avec ses enfants, le fait de ne pas travailler la nuit, etc. Il y a tous ces enjeux, donc il y a du boulot à faire pour améliorer certains emplois, c’est incontestable. Mais ne faisons pas comme si tout le monde était dans le même train.

On fait des moyennes, on a 7% de chômage. C’est vrai, mais disons qu’il ne faut pas mettre dans le même sac celui qui a du mal à trouver de l’emploi dans une zone où il n’y a pas d’emploi. Pour d’autres, prenez Cherbourg, il va y avoir 4000 emplois créés dans le nucléaire. Là, on a un autre problème, c’est qu’on n’a pas de logement. Vous voyez, le modèle n’est pas unique. Et je pense qu’on pourrait se dire une chose tous ensemble, essayons au moins d’avoir des règles uniques en Europe, puisqu’en gros, c’est quand même un marché extrêmement interconnecté.

Semaine en 4 jours : déclin de la valeur travail….et de la compétitivité ?

Semaine en 4 jours : déclin de    la valeur travail….et de la compétitivité   ? 

 À juste titre le président de la CPME Paris s’interroge sur la dérive de la valeur travail surtout avec la proposition de la semaine en quatre jours. Déjà les 35 heures avaient constitué un énorme choc de compétitivité mais aussi avait engagé un processus de délitement de la valeur travail y compris chez les cadres. Or globalement la France accuse un retard considérable concernant la proportion d’actifs potentiels réellement au travail. Un handicap de productivité et de compétitivité. Alors que perdurent les difficultés de recrutement, le Président de la CPME Paris Bernard Cohen-Hadad et fondateur du think tank Etienne Marcel donne la priorité à la valeur travail.( dans la Tribune)

Alors que perdurent les difficultés de recrutement, la question de la qualité de vie et des conditions de travail revient au cœur du débat. Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre Gabriel Attal a demandé à ses ministres d’expérimenter au sein de leurs administrations la semaine « en » 4 jours, à salaire et temps de travail constants, afin de renforcer l’attractivité et la fidélisation de la fonction publique, et d’offrir un meilleur équilibre de vie aux agents.

Dans la fonction publique, l’intérêt d’une carrière linéaire et statutaire compense en effet de moins en moins, pour les jeunes diplômés, le manque de reconnaissance salariale et sociale. La semaine en 4 jours pourrait aussi permettre d’allonger l’amplitude horaire d’ouverture des services publics aux usagers.

Et si cette quantité accrue s’accompagnait d’une qualité de service renforcée, elle pourrait véritablement améliorer la satisfaction des usagers.

Mais les risques sont nombreux, pour la fonction publique comme pour l’entreprise privée du reste. L’expérimentation augure d’abord mal d’une volonté d’agir de l’exécutif dans le domaine de la réforme de la fonction publique, pourtant indispensable pour contribuer à réduire la dette publique et à restaurer notre souveraineté financière. Elle pourrait également réduire les jours ouvrés de service des administrations.

Avec 1h50 de plus par jour, le nouveau rythme de travail risque d’augmenter la pénibilité du travail, altérant non seulement la qualité de vie au travail, mais aussi la qualité de service des administrations et des entreprises. Ce rythme risque encore de compliquer l’exercice des responsabilités familiales. L’expérimentation n’a d’ailleurs pas rencontré le succès chez les agents des Urssaf de Picardie où elle était testée pour la première fois pendant un an…

La semaine de travail en 4 jours revient à accorder 47 jours de temps libre supplémentaires par an. C’est reléguer un peu plus le travail dans l’organisation de la semaine et de l’année. C’est apporter de l’eau au moulin des chantres de la remise en cause de la valeur travail, qu’ils annoncent la fin du travail ou dénoncent les bullshit jobs.

Depuis l’humanisme des Lumières, le travail a pourtant toujours occupé un rôle structurant pour l’homme dans la société. Et plus que toute autre organisation économique, les TPE-PME accordent une grande valeur au travail. Car c’est par les statuts individuels et collectifs que les individus reçoivent considération et reconnaissance. Valoriser le travail permet ainsi de faire société au double sens économique, de l’entreprise, et citoyen, de la collectivité.

Expérimenter la semaine en 4 jours, c’est finalement ne pas travailler moins pour risquer de ne pas travailler mieux ! En tout état de cause, l’expérimentation ne saurait aboutir à l’élaboration d’une norme générale. Dans la fonction publique comme dans l’entreprise privée, il faut du cas par cas, sur la base du volontariat ou des recommandations de branches.

Alors que près de deux entrepreneurs de TPE-PME sur trois renoncent encore à des marchés ou réduisent leur activité en raison des difficultés de recrutement, de trop nombreux candidats à l’emploi continuent de décliner des offres, parfois à la moindre contrainte. C’est pourquoi la priorité des priorités doit être de redonner le goût et la fierté du travail « bien fait » à ceux qui s’en détournent, parfois pour lui préférer des revenus sociaux. Dans cette perspective, la « valeur travail » doit redevenir une valeur plus consensuelle au sein de la société, à droite, à gauche et ailleurs.

À cette fin, il est nécessaire de réfléchir, de se positionner et d’agir sur le nouveau sens du travail et le nouvel engagement au travail dans une société, tout à la fois de plus en plus complexe et éduquée, où « l’individu citoyen » ne se contente plus de satisfaire ses besoins élémentaires au travail mais veut satisfaire, et à raison, son besoin de s’accomplir pleinement.

Semaine en 4 jours : quid de la valeur travail….et de la compétitivité ?

Semaine en 4 jours : quid de   la valeur travail….et de la compétitivité   ? 

 À juste titre le président de la CPME Paris s’interroge sur la dérive de la valeur travail surtout avec la proposition de la semaine en quatre jours. Déjà les 35 heures avaient constitué un énorme choc de compétitivité mais aussi avait engagé un processus de délitement de la valeur travail y compris chez les cadres. Or globalement la France accuse un retard considérable concernant la proportion d’actifs potentiels réellement au travail. Un handicap de productivité et de compétitivité. Alors que perdurent les difficultés de recrutement, le Président de la CPME Paris Bernard Cohen-Hadad et fondateur du think tank Etienne Marcel donne la priorité à la valeur travail.( dans la Tribune)

Alors que perdurent les difficultés de recrutement, la question de la qualité de vie et des conditions de travail revient au cœur du débat. Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre Gabriel Attal a demandé à ses ministres d’expérimenter au sein de leurs administrations la semaine « en » 4 jours, à salaire et temps de travail constants, afin de renforcer l’attractivité et la fidélisation de la fonction publique, et d’offrir un meilleur équilibre de vie aux agents.

Dans la fonction publique, l’intérêt d’une carrière linéaire et statutaire compense en effet de moins en moins, pour les jeunes diplômés, le manque de reconnaissance salariale et sociale. La semaine en 4 jours pourrait aussi permettre d’allonger l’amplitude horaire d’ouverture des services publics aux usagers.

Et si cette quantité accrue s’accompagnait d’une qualité de service renforcée, elle pourrait véritablement améliorer la satisfaction des usagers.

Mais les risques sont nombreux, pour la fonction publique comme pour l’entreprise privée du reste. L’expérimentation augure d’abord mal d’une volonté d’agir de l’exécutif dans le domaine de la réforme de la fonction publique, pourtant indispensable pour contribuer à réduire la dette publique et à restaurer notre souveraineté financière. Elle pourrait également réduire les jours ouvrés de service des administrations.

Avec 1h50 de plus par jour, le nouveau rythme de travail risque d’augmenter la pénibilité du travail, altérant non seulement la qualité de vie au travail, mais aussi la qualité de service des administrations et des entreprises. Ce rythme risque encore de compliquer l’exercice des responsabilités familiales. L’expérimentation n’a d’ailleurs pas rencontré le succès chez les agents des Urssaf de Picardie où elle était testée pour la première fois pendant un an…

La semaine de travail en 4 jours revient à accorder 47 jours de temps libre supplémentaires par an. C’est reléguer un peu plus le travail dans l’organisation de la semaine et de l’année. C’est apporter de l’eau au moulin des chantres de la remise en cause de la valeur travail, qu’ils annoncent la fin du travail ou dénoncent les bullshit jobs.

Depuis l’humanisme des Lumières, le travail a pourtant toujours occupé un rôle structurant pour l’homme dans la société. Et plus que toute autre organisation économique, les TPE-PME accordent une grande valeur au travail. Car c’est par les statuts individuels et collectifs que les individus reçoivent considération et reconnaissance. Valoriser le travail permet ainsi de faire société au double sens économique, de l’entreprise, et citoyen, de la collectivité.

Expérimenter la semaine en 4 jours, c’est finalement ne pas travailler moins pour risquer de ne pas travailler mieux ! En tout état de cause, l’expérimentation ne saurait aboutir à l’élaboration d’une norme générale. Dans la fonction publique comme dans l’entreprise privée, il faut du cas par cas, sur la base du volontariat ou des recommandations de branches.

Alors que près de deux entrepreneurs de TPE-PME sur trois renoncent encore à des marchés ou réduisent leur activité en raison des difficultés de recrutement, de trop nombreux candidats à l’emploi continuent de décliner des offres, parfois à la moindre contrainte. C’est pourquoi la priorité des priorités doit être de redonner le goût et la fierté du travail « bien fait » à ceux qui s’en détournent, parfois pour lui préférer des revenus sociaux. Dans cette perspective, la « valeur travail » doit redevenir une valeur plus consensuelle au sein de la société, à droite, à gauche et ailleurs.

À cette fin, il est nécessaire de réfléchir, de se positionner et d’agir sur le nouveau sens du travail et le nouvel engagement au travail dans une société, tout à la fois de plus en plus complexe et éduquée, où « l’individu citoyen » ne se contente plus de satisfaire ses besoins élémentaires au travail mais veut satisfaire, et à raison, son besoin de s’accomplir pleinement.

Semaine en 4 jours : quid de la valeur travail….et de la compétitivité ?

Semaine en 4 jours : quid de   la valeur travail….et de la compétitivité   ? 

 À juste titre le président de la CPME Paris s’interroge sur la dérive de la valeur travail surtout avec la proposition de la semaine en quatre jours. Déjà les 35 heures avaient constitué un énorme choc de compétitivité mais aussi avait engagé un processus de délitement de la valeur travail y compris chez les cadres. Or globalement la France accuse un retard considérable concernant la proportion d’actifs potentiels réellement au travail. Un handicap de productivité et de compétitivité. Alors que perdurent les difficultés de recrutement, le Président de la CPME Paris Bernard Cohen-Hadad et fondateur du think tank Etienne Marcel donne la priorité à la valeur travail.( dans la Tribune)

Alors que perdurent les difficultés de recrutement, la question de la qualité de vie et des conditions de travail revient au cœur du débat. Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre Gabriel Attal a demandé à ses ministres d’expérimenter au sein de leurs administrations la semaine « en » 4 jours, à salaire et temps de travail constants, afin de renforcer l’attractivité et la fidélisation de la fonction publique, et d’offrir un meilleur équilibre de vie aux agents.

Dans la fonction publique, l’intérêt d’une carrière linéaire et statutaire compense en effet de moins en moins, pour les jeunes diplômés, le manque de reconnaissance salariale et sociale. La semaine en 4 jours pourrait aussi permettre d’allonger l’amplitude horaire d’ouverture des services publics aux usagers.

Et si cette quantité accrue s’accompagnait d’une qualité de service renforcée, elle pourrait véritablement améliorer la satisfaction des usagers.

Mais les risques sont nombreux, pour la fonction publique comme pour l’entreprise privée du reste. L’expérimentation augure d’abord mal d’une volonté d’agir de l’exécutif dans le domaine de la réforme de la fonction publique, pourtant indispensable pour contribuer à réduire la dette publique et à restaurer notre souveraineté financière. Elle pourrait également réduire les jours ouvrés de service des administrations.

Avec 1h50 de plus par jour, le nouveau rythme de travail risque d’augmenter la pénibilité du travail, altérant non seulement la qualité de vie au travail, mais aussi la qualité de service des administrations et des entreprises. Ce rythme risque encore de compliquer l’exercice des responsabilités familiales. L’expérimentation n’a d’ailleurs pas rencontré le succès chez les agents des Urssaf de Picardie où elle était testée pour la première fois pendant un an…

La semaine de travail en 4 jours revient à accorder 47 jours de temps libre supplémentaires par an. C’est reléguer un peu plus le travail dans l’organisation de la semaine et de l’année. C’est apporter de l’eau au moulin des chantres de la remise en cause de la valeur travail, qu’ils annoncent la fin du travail ou dénoncent les bullshit jobs.

Depuis l’humanisme des Lumières, le travail a pourtant toujours occupé un rôle structurant pour l’homme dans la société. Et plus que toute autre organisation économique, les TPE-PME accordent une grande valeur au travail. Car c’est par les statuts individuels et collectifs que les individus reçoivent considération et reconnaissance. Valoriser le travail permet ainsi de faire société au double sens économique, de l’entreprise, et citoyen, de la collectivité.

Expérimenter la semaine en 4 jours, c’est finalement ne pas travailler moins pour risquer de ne pas travailler mieux ! En tout état de cause, l’expérimentation ne saurait aboutir à l’élaboration d’une norme générale. Dans la fonction publique comme dans l’entreprise privée, il faut du cas par cas, sur la base du volontariat ou des recommandations de branches.

Alors que près de deux entrepreneurs de TPE-PME sur trois renoncent encore à des marchés ou réduisent leur activité en raison des difficultés de recrutement, de trop nombreux candidats à l’emploi continuent de décliner des offres, parfois à la moindre contrainte. C’est pourquoi la priorité des priorités doit être de redonner le goût et la fierté du travail « bien fait » à ceux qui s’en détournent, parfois pour lui préférer des revenus sociaux. Dans cette perspective, la « valeur travail » doit redevenir une valeur plus consensuelle au sein de la société, à droite, à gauche et ailleurs.

À cette fin, il est nécessaire de réfléchir, de se positionner et d’agir sur le nouveau sens du travail et le nouvel engagement au travail dans une société, tout à la fois de plus en plus complexe et éduquée, où « l’individu citoyen » ne se contente plus de satisfaire ses besoins élémentaires au travail mais veut satisfaire, et à raison, son besoin de s’accomplir pleinement.

Semaine en 4 jours : et la valeur travail ?

Semaine en 4 jours : et  la valeur travail  ? 

 À juste titre le président de la CPME Paris s’interroge sur la dérive de la valeur travail surtout avec la proposition de la semaine en quatre jours. Déjà les 35 heures avaient constitué un énorme choc de compétitivité mais aussi avait engagé un processus de délitement de la valeur travail y compris chez les cadres. Or globalement la France accuse un retard considérable concernant la proportion d’actifs potentiels réellement au travail. Un handicap de productivité et de compétitivité. Alors que perdurent les difficultés de recrutement, le Président de la CPME Paris Bernard Cohen-Hadad et fondateur du think tank Etienne Marcel donne la priorité à la valeur travail.( dans la Tribune)

Alors que perdurent les difficultés de recrutement, la question de la qualité de vie et des conditions de travail revient au cœur du débat. Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre Gabriel Attal a demandé à ses ministres d’expérimenter au sein de leurs administrations la semaine « en » 4 jours, à salaire et temps de travail constants, afin de renforcer l’attractivité et la fidélisation de la fonction publique, et d’offrir un meilleur équilibre de vie aux agents.

Dans la fonction publique, l’intérêt d’une carrière linéaire et statutaire compense en effet de moins en moins, pour les jeunes diplômés, le manque de reconnaissance salariale et sociale. La semaine en 4 jours pourrait aussi permettre d’allonger l’amplitude horaire d’ouverture des services publics aux usagers.

Et si cette quantité accrue s’accompagnait d’une qualité de service renforcée, elle pourrait véritablement améliorer la satisfaction des usagers.

Mais les risques sont nombreux, pour la fonction publique comme pour l’entreprise privée du reste. L’expérimentation augure d’abord mal d’une volonté d’agir de l’exécutif dans le domaine de la réforme de la fonction publique, pourtant indispensable pour contribuer à réduire la dette publique et à restaurer notre souveraineté financière. Elle pourrait également réduire les jours ouvrés de service des administrations.

Avec 1h50 de plus par jour, le nouveau rythme de travail risque d’augmenter la pénibilité du travail, altérant non seulement la qualité de vie au travail, mais aussi la qualité de service des administrations et des entreprises. Ce rythme risque encore de compliquer l’exercice des responsabilités familiales. L’expérimentation n’a d’ailleurs pas rencontré le succès chez les agents des Urssaf de Picardie où elle était testée pour la première fois pendant un an…

La semaine de travail en 4 jours revient à accorder 47 jours de temps libre supplémentaires par an. C’est reléguer un peu plus le travail dans l’organisation de la semaine et de l’année. C’est apporter de l’eau au moulin des chantres de la remise en cause de la valeur travail, qu’ils annoncent la fin du travail ou dénoncent les bullshit jobs.

Depuis l’humanisme des Lumières, le travail a pourtant toujours occupé un rôle structurant pour l’homme dans la société. Et plus que toute autre organisation économique, les TPE-PME accordent une grande valeur au travail. Car c’est par les statuts individuels et collectifs que les individus reçoivent considération et reconnaissance. Valoriser le travail permet ainsi de faire société au double sens économique, de l’entreprise, et citoyen, de la collectivité.

Expérimenter la semaine en 4 jours, c’est finalement ne pas travailler moins pour risquer de ne pas travailler mieux ! En tout état de cause, l’expérimentation ne saurait aboutir à l’élaboration d’une norme générale. Dans la fonction publique comme dans l’entreprise privée, il faut du cas par cas, sur la base du volontariat ou des recommandations de branches.

Alors que près de deux entrepreneurs de TPE-PME sur trois renoncent encore à des marchés ou réduisent leur activité en raison des difficultés de recrutement, de trop nombreux candidats à l’emploi continuent de décliner des offres, parfois à la moindre contrainte. C’est pourquoi la priorité des priorités doit être de redonner le goût et la fierté du travail « bien fait » à ceux qui s’en détournent, parfois pour lui préférer des revenus sociaux. Dans cette perspective, la « valeur travail » doit redevenir une valeur plus consensuelle au sein de la société, à droite, à gauche et ailleurs.

À cette fin, il est nécessaire de réfléchir, de se positionner et d’agir sur le nouveau sens du travail et le nouvel engagement au travail dans une société, tout à la fois de plus en plus complexe et éduquée, où « l’individu citoyen » ne se contente plus de satisfaire ses besoins élémentaires au travail mais veut satisfaire, et à raison, son besoin de s’accomplir pleinement.

Attal: Priorité au travail

Attal: Priorité au travail

En peu de mots et en profitant de la cérémonie de passation de pouvoir avec Élisabeth Borne, Attal a résumé l’axe politique central de son action comme premier ministre. « Travailler doit toujours être mieux valorisé que ne pas travailler », a-t-il insisté, rappelant néanmoins le poids de l’inflation sur le portefeuille des Français. Vient ensuite, « l’acte deux de la libération de notre économie, notamment avec la simplification drastique de la vie de nos entreprises et de nos entrepreneurs ».

Il a également annoncé se fixer l’objectif de « garder le contrôle de notre destin et libérer notre potentiel français » et qu’il réunira les « forces vives du pays dès cette semaine ».

Encore une fois il a fallu peu de mots et peu de temps au nouveau premier ministre pour préciser son orientation générale tout centrée sur la réhabilitation du travail. Un discours aussi en direction des couches moyennes. Une allusion aussi à l’inflation sujet aujourd’hui complètement marginalisé au plan politique voire syndical. Attal évoque aussi la nécessité de la simplification administrative pour libérer les énergies.

Enfin et peut-être surtout sa première démarche politique consiste à réunir les acteurs économiques et sociaux. Une étape souvent oubliée voir méprisée par le président.

Pour l’avenir ce sera sans doute la grande différence avec Macon : une grande économie de mots avec une grande pertinence sémantique et une simplicité de ton. Bref le contraire d’une démarche jupitérienne.

Le nouveau Premier ministre est en tout cas une personnalité appréciée des Français. En témoigne la première place ravie à l’ancien Premier ministre, Edouard Philippe (qui l’occupait depuis son départ de Matignon) au baromètre mensuel des personnalités politiques réalisé par Ipsos-Le Point en décembre dernier.

Economie et Société- Le déclin de la valeur travail en France

Economie et Société- Le déclin de la valeur travail en France

Les Français sont ambivalents dans leur nouveau rapport au travail. Ils peuvent l’aimer, mais de plus loin, être moins motivés, rester impliqués, selon une enquête de l’Ifop pour la Fondation Jean-Jaurès ( extrait)


« L’Opinion » publie en exclusivité une étude de l’Ifop pour la Fondation Jean-Jaurès sur le monde du travail vu par les salariés
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L’Ifop n’en finit pas de sonder la vie au travail, terrain de doutes et d’interrogations depuis la crise sanitaire. Après sa note pour la Fondation Jean-Jaurès, « Plus rien ne sera jamais comme avant dans sa vie au travail », en juillet 2022, voici « Je t’aime, moi non plus : les ambivalences du nouveau rapport au travail », toujours pour la Fondation. Les deux auteurs, Flora Baumlin et Romain Bendavid, respectivement directrice d’études et directeur de l’expertise corporate et work experience de l’Ifop, partent de cette hypothèse : le travail occupe une place moins centrale dans nos vies. Ils affinent ce constat tout en le nourrissant d’explications.

La crise sanitaire a modifié nos modes de vivre, de consommer et de travailler, mais a aussi accru la valorisation du temps libre et de la sphère privée. Plus précisément, quel est son impact sur la motivation et le rapport à l’effort des individus ? Une enquête d’opinion menée en partenariat avec l’Ifop, et dont les résultats sont analysés par Jérôme Fourquet et Jérémie Peltier, permet de faire le point.

Chacun le voit bien avec l’apparition d’un certain nombre de sujets dans le débat public depuis ce moment inédit : la Covid-19 et les confinements ont accéléré et modifié nos modes de vie et nos façons de consommer, ont impacté en profondeur notre rapport au travail et nos liens familiaux, mais ont aussi accru la valorisation du temps libre et de la sphère privée.
Un élément est néanmoins assez peu traité, bien que transversal et au cœur des phénomènes cités ci-dessus : l’impact de la Covid-19 sur la motivation et l’état psychologique des individus, ainsi que sur leur capacité à effectuer un effort mental et physique et à résister aux aléas de la vie.
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Une perte de motivation qui affecte près d’un Français sur trois

Depuis la crise sanitaire, 30% des sondés déclarent être moins motivés qu’avant. Si près de six de nos concitoyens sur dix ne semblent pas avoir été affectés psychologiquement par cette épreuve, la balance est nettement négative, puisque seuls 12% des sondés se disent plus motivés qu’avant dans ce qu’ils font au quotidien, contre donc près d’un sur trois qui l’est moins.

C’est encore plus vrai chez les plus jeunes, avec 40% des 25-34 ans indiquant être moins motivés qu’avant (contre seulement 21% des plus de soixante-cinq ans).
Si cette baisse de motivation affecte avec la même intensité toutes les classes sociales, deux éléments semblent importants à mentionner. D’une part, les personnes résidant en région parisienne, pour qui les conditions matérielles du confinement ont été particulièrement pesantes et dont on sait qu’elles ont vécu plus que la moyenne des actifs français la vie en télétravail durant et après la pandémie, semblent plus touchées : 41% des habitants de région parisienne disent être moins motivés qu’avant dans leur vie quotidienne, contre 29% des personnes qui habitent dans les communes urbaines de province et 22% des habitants de zone rurale. D’autre part, la baisse de motivation ne frappe pas de manière homogène les différentes familles politiques. Ainsi, quand 44% des sympathisants de La France insoumise disent être moins motivés qu’avant, ce n’est le cas que de 23% des sympathisants de la majorité présidentielle et de 27% des sympathisants des Républicains.
L’effet de traîne de la Covid-19 : quatre individus sur dix se sentent plus fatigués qu’avant la pandémie

Cette perte de motivation n’est sans doute pas sans lien avec la fatigue accumulée à l’occasion des épreuves occasionnées par la pandémie. En effet, d’après notre enquête, 41% des Français se sentent plus fatigués qu’avant la crise liée à la Covid-19 après un effort physique, contre 54% qui ne ressentent pas de changement et seulement 5% qui ont la sensation d’être moins fatigués qu’avant suite à un effort physique.

La sensation d’une fatigue plus importante qu’avant la Covid-19 à l’occasion d’un effort physique affecte aussi bien les hommes (41%) que les femmes (40%) et semble assez homogènement répandue dans les différents milieux sociaux, classes d’âge et territoires. Nous sommes donc en présence d’un phénomène transversal. Cet effet de traîne de la Covid-19 influe sur le moral de la population. Ainsi, 70% des personnes qui se sentent moins motivées qu’avant la Covid-19 se disent plus fatiguées, contre 41% en moyenne de la population.

On notera par ailleurs que 28% des 18-24 ans indiquent faire moins de sport et d’activités physiques par rapport à ce qu’ils faisaient avant la crise sanitaire.

Les problèmes physiques de la population et de la jeune génération sont régulièrement documentés depuis plusieurs années maintenant. Ainsi, lorsqu’on compare les résultats à certains tests physiques passés par les adolescents des années 1990 avec ceux passés par les adolescents d’aujourd’hui, on s’aperçoit que ces derniers ont perdu, par exemple, un quart de leur capacité pulmonaire en raison du développement de la sédentarité, alimentée notamment par les écrans4. Conséquence : les jeunes de 2022 mettraient 90 secondes de plus à courir 1 600 mètres qu’il y a trente ans5. Par ailleurs, selon une étude du Crédoc, un jeune sur quatre entre seize et vingt-cinq ans déclare faire peu d’activités physiques ou sportives (moins de trois fois par mois), voire aucune6. Consciente de cette dégradation de l’état physique général de la jeunesse, Santé publique France a lancé en septembre dernier une nouvelle campagne de communication intitulée : « Faire bouger les ados, c’est pas évident. Mais les encourager c’est important ». De son côté, l’Armée de Terre a décidé de faire évoluer le contrôle de la condition physique générale de ses soldats, qui ne compte plus que trois épreuves au lieu de quatre précédemment.

Ce qui est intéressant, et témoigne d’un mouvement profond qui touche la société, notamment la jeune génération, c’est que ces derniers invoquent le « manque de temps » comme motif principal de leur absence de pratique sportive (45% des 16-25 ans citent le manque de temps devant la surcharge de travail, 37%, dans une enquête récente du Crédoc10), nous révélant de fait leur difficulté à se motiver à « prendre du temps » pour réaliser une quelconque activité dès que celle-ci s’avère éloignée de leur zone de confort.

Au travail , on constate cette instabilité émotionnelle. Le nombre d’arrêts maladie en France en 2022 a explosé, 42% des salariés s’étant vus prescrire un arrêt maladie cette année (un chiffre plus important qu’avant la Covid-19). Plus intéressant pour notre sujet, les troubles psychologiques et l’épuisement professionnel, principaux motifs des arrêts longs, sont désormais à l’origine de 20% des arrêts maladie, dépassant pour la première fois les troubles musculo-squelettiques (16%).

D’une façon générale, notre enquête corrobore l’hypothèse d’une fragilisation psychologique et mentale accrue depuis la crise sanitaire, et plus particulièrement une perte de résistance psychologique et mentale dans la jeune génération pour faire face aux événements et aux aléas de la vie. En effet, si 31% des Français disent ne pas se sentir suffisamment solides mentalement pour tout affronter dans leur vie quotidienne, c’est le cas de 40% des 25-34 ans. Cette fragilisation psychologique depuis la crise sanitaire semble par ailleurs (au moins en déclaratif) toucher davantage les femmes que les hommes : quand 24% des hommes disent ne pas se sentir suffisamment solides mentalement pour faire face aux événements dans leur vie quotidienne, c’est le cas de 37% des femmes.
On retrouve ce phénomène de fragilisation quant à l’« envie de pleurer » exprimée par la jeune génération (parfois appelée « génération snowflake », en référence au flocon de neige qui fond à la première chaleur). Si 14% des Français disent avoir durant la journée davantage envie de pleurer depuis la crise sanitaire, c’est le cas de 20% des 25-34 ans. Ici aussi, une différence femmes-hommes s’observe : quand 11% des hommes disent avoir davantage envie de pleurer durant leur journée depuis la crise liée à la Covid-19, c’est le cas de 17% des femmes.

Un autre ressort de cette plus grande vulnérabilité des individus depuis la crise sanitaire est à chercher selon nous du côté du rapport que la société entretient à la frustration. La crise sanitaire ayant renforcé la société du sur-mesure et de l’immédiateté dans laquelle le citoyen est d’abord perçu comme un client (le boom des livraisons à domicile incarnées par Deliveroo et Uber durant cette période en est l’une des illustrations, comme nous le verrons plus bas), le seuil de patience des individus s’est considérablement abaissé durant cette période, ces derniers ayant de plus en plus de mal à gérer leur frustration. Dans notre enquête, 44% des Français disent avoir de plus en plus de mal à patienter avant d’obtenir quelque chose, dont 53% des 25-34 ans.
Cette moindre appétence à sortir de chez soi a évidemment des conséquences sur des secteurs qui reposent d’abord et avant tout sur l’accueil du public. Bien que l’industrie du cinéma, déjà mal en point avant même l’arrivée de la Covid-19, semble beaucoup insister ces derniers temps sur l’« effet prix » comme explication de la désertion du public18, avec, d’après le CNC, une baisse de 34% de nombre de tickets vendus en septembre dernier par rapport à septembre 2019 (avant Covid-19 donc), l’impact de cette épidémie de flemme ne doit pas, à notre sens, être négligé pour expliquer la difficulté à remplir actuellement les salles. En effet, le cinéma a de plus en plus de mal à lutter contre la flemme de sortir de chez soi, concurrencé par l’arrivée de nouveaux produits comme les vidéoprojecteurs, équipement dont les ventes croissent d’environ 50% par an depuis deux ans maintenant et qui s’était vendu à 50 000 exemplaires au premier semestre 202119. Au-delà des vidéoprojecteurs, l’arrivée des plateformes a par ailleurs alimenté cette propension des individus à adopter l’art de la flemme.

Une étude de l’Ifop montrait récemment que Netflix, Amazon, Prime Video ou encore Disney + avaient une incidence sur la fréquentation des salles de cinéma20 : depuis qu’elles se sont abonnées à une offre de vidéo à la demande, 29% des personnes interrogées déclarent « aller moins souvent au cinéma » et 12% « ne plus y aller du tout », soit quatre utilisateurs sur dix qui y vont moins ou n’y vont plus depuis l’épidémie de flemme.

Parallèlement à Netflix et consorts, la console de jeux, activité se pratiquant également à domicile, constitue un autre concurrent redoutable au cinéma, notamment parmi les adolescents et les jeunes adultes. Avec 2,4 millions de consoles et près de 1 million de PC Gaming vendus en 2021, l’industrie du jeu vidéo – dont la première console, l’Odyssey de Magnavox, sortait il y a cinquante ans – a enregistré une nouvelle performance record, avec un chiffre d’affaires de 5,6 milliards d’euros, soit une progression de +1,6% par rapport à 2020, qui avait déjà été une année exceptionnelle. En deux ans, le marché a évolué de 13,5%, ce qui fait dire à Julie Chalmette, présidente du Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (SELL), que « le jeu vidéo continue de progresser vers de nouveaux sommets. L’année 2020 avait été extraordinaire, mais particulière en raison du contexte. Cette croissance confirmée en 2021 s’inscrit comme une véritable tendance de fond. Les Français n’ont jamais autant joué. Ils sont 73% à jouer occasionnellement et 58% régulièrement, soit une progression de 6 points par rapport à 202021. » Preuve de la place prise par l’industrie du jeu vidéo, celui-ci aura d’ailleurs droit pour la première fois cette année à son festival de Cannes (le Cannes Gaming Festival) du 24 au 26 février prochains, qui proposera une cérémonie de remise de prix à l’identique de celle qui existe pour le septième art.

Enfin, élément notable, cet attrait pour les jeux vidéo touche toutes les classes d’âge. Si un enfant sur deux joue tous les jours (52% des enfants), c’est également le cas d’un adulte sur trois (35%), selon le même syndicat. Nous sommes donc en présence d’une pratique massivement répandue.

L’appel du canapé semble ainsi très puissant. On le voit d’ailleurs dans notre enquête. Invités à donner leur opinion face à un certain nombre de mots, 74% des Français ont une image positive du « lit », dont 85% des 25-34 ans. Il en est de même pour le canapé : quand 59% indiquent avoir une image positive de ce mot, c’est le cas de 72% des 25-34 ans. Signe des temps, Le Petit Robert a annoncé que le terme « chiller » (de l’anglais « to chill » : prendre du bon temps à ne rien faire) fera son apparition dans son édition 2023.

En outre, la crainte d’un hiver rigoureux sur fond d’un chauffage réglé à 19 degrés pour limiter la consommation d’électricité et de gaz conforte et accélère le marché de la flemme : les Français se ruent ces derniers temps sur les plaids, objets symboliques de cette « civilisation du cocon », privilégiant les longs week-ends sur le canapé (civilisation très bien analysée par Vincent Cocquebert22). Chez Monoprix, par exemple, les équipes ont récemment anticipé une plus forte demande en plaids ces prochaines semaines, afin de permettre aux consommateurs de passer l’hiver au mieux23. De la même façon, les spas et jacuzzis, nouveaux équipements indispensables développés par la « civilisation du cocon », se vendent comme des petits pains depuis plusieurs années. La tendance à « chiller », comme l’épidémie de flemme, a généré de nombreuses opportunités de marché bien comprises par les enseignes. Ainsi, la marque de viande Charal lançait au lendemain du premier confinement une publicité pour ses burgers préparés à faire réchauffer au micro-ondes avec le slogan : « Le soir vous avez la flemme, nous on a la flamme ».

S’il y a un marché de la flemme, sa structuration et sa montée en puissance se sont accélérées durant la crise sanitaire, comme en témoignent par exemple les excellents chiffres des plateformes comme Deliveroo, Uber Eats ou Amazon tout au long de la pandémie et au-delà24. Une enquête de l’Ifop de 2021 indiquait ainsi que 52% des Français avaient eu recours à la livraison de repas à domicile au moins une fois dans l’année, dont 23% au moins une fois par mois. Signe que les habitudes sont en train de s’ancrer en la matière, si seulement 25% des soixante-cinq ans et plus se font livrer au moins une fois par an un repas à domicile, cette proportion atteint 60% parmi les 35-49 ans, et 78% auprès des moins de trente-cinq ans (dont près d’un sur deux commande un repas à domicile au moins une fois par mois). Tout se passe comme si des barrières psychologiques et morales subsistaient parmi les générations les plus âgées, qui rechigneraient à se faire servir à domicile par des « domestiques 2.0 », réticences ayant manifestement disparu dans les jeunes générations, qui ont baigné depuis leur enfance dans la société du « client-roi ». La publicité des acteurs se positionnant sur ce marché vise d’ailleurs à abattre ces obstacles culturels et moraux et à décomplexer totalement le consommateur, comme l’illustre par exemple un des slogans de Gopuff, start-up de livraison à domicile : « Lendemain de soirée [difficile] ? On arrive. » Plus récemment encore, la plateforme Uber Eats décidait d’axer sa dernière campagne de publicité autour d’un slogan on ne peut plus explicite : « Embrace the art of doing less » (Adopter l’art d’en faire moins).

On aurait tort de penser que ce phénomène ne concerne que les grandes métropoles. Le maire de Châteauroux nous confiait ainsi récemment que sa ville comptait 90 livreurs Uber Eats. Dans les zones rurales non desservies par ces plateformes, les consommateurs en quête d’un repas prêt à consommer peuvent, quant à eux, utiliser les distributeurs automatiques de pizzas qui sont apparus dans de très nombreux villages ces dernières années, le leader du secteur, Adial, en comptant plus de 80025.
D’ailleurs, quand une enquête récente du Crédoc26 demande aux Françaises et aux Français quel serait pour eux un vendredi soir idéal, l’élément qui arrive en tête est un plateau-repas devant la télévision : pour 37% des sondés, un vendredi soir idéal, c’est un plateau-télé, score deux fois plus élevé qu’une sortie entre amis (15%). Et pour ce qui est des repas de la semaine, il semblerait que l’engouement pour le fait-maison, observé durant les confinements, ne soit plus autant de saison. Sous l’effet d’une dégradation sensible du pouvoir d’achat, mais aussi également sans doute de cette moindre motivation générale, les achats des sandwichs ou des Pastabox de la marque Sodebo se portent très bien et les usines du groupe vendéen tournent à plein régime.
Enfin, dernier exemple s’il en fallait, le secteur des transports de voyageurs à la demande surfe lui aussi sur la tendance à la flemme, en témoigne la campagne de publicité de la plateforme Heetch que l’on pouvait retrouver dans les tunnels du métro parisien en octobre dernier : « Vous avez la flemme ? On a le VTC. »


Un autre secteur semble également subir de plein fouet cette perte de motivation et cette fatigue au long cours : le monde du travail.

Avec « grande pénurie », l’expression que l’on a le plus entendue depuis cette rentrée et durant tout l’été est « grande démission », à savoir la grande démission des salariés français de leur entreprise. Le magazine Society en a fait sa une en se demandant « Et si on ne retournait pas au travail ? », comme Le Figaro, quand le magazine Usbek & Rica s’est demandé si nous ne sommes qu’au début du phénomène : « Grande démission : et si c’était que le début ? ».
On a également vu apparaître cette grande démission, au cours des derniers mois sur TikTok, notamment aux États-Unis, à travers des vidéos de jeunes gens se filmant en train d’annoncer leur démission en direct avec l’hashtag #quitmyjob27. Ces nombreuses démissions se constatent aussi dans les chiffres. C’était le cas aux États-Unis juste après la Covid-19. Entre mars et mai 2021, 11 millions d’Américains ont démissionné de leur poste. C’est désormais également le cas en France, où l’on observe des taux de démission qui n’avaient jamais été atteints depuis quatorze ans. Entre fin 2021 et début 2022, on a enregistré près de 520 000 démissions par trimestre, dont 470 000 démissions de CDI. Le record précédent datait du premier trimestre 2008, avec 510 000 démissions dont 400 000 pour les seuls CDI.

Pourquoi ces nombreuses démissions, et notamment en France ? Elles s’expliquent d’abord par un effet de rattrapage, les mouvements ayant été gelés ou très fortement ralentis durant les confinements. Le dynamisme du marché du travail actuel, avec un assez faible taux de chômage, favorise également les démissions. En effet, en période de reprise, les postes à pourvoir sont plus nombreux, donc de nouvelles opportunités d’emploi apparaissent, ce qui incite à démissionner pour négocier de meilleures conditions de travail, de meilleurs salaires, un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Ces nombreuses démissions sont aussi le reflet d’un état de mal-être parmi les salariés français, qui disent plus que la moyenne des actifs européens être en manque de reconnaissance depuis plusieurs années déjà28.
Mais selon nous, cette vague de démissions dit aussi beaucoup de l’accélération de la modification du rapport au travail des Français, la crise sanitaire étant venue booster une tendance déjà à l’œuvre préalablement. Durant la pandémie, près de 11 millions de salariés ont été mis en chômage partiel, période au cours de laquelle beaucoup se sont interrogés sur le sens de leur travail. Dans les secteurs peu rémunérés, où les contraintes horaires sont pesantes (travail en soirée, le week-end, en horaires décalés…) et où la pénibilité des tâches ou de l’environnement de travail est importante, toute une partie des salariés n’ont pas repris leur poste, entraînant des pénuries de main-d’œuvre dans l’hôtellerie-restauration, les services à la personne, ou bien encore le transport routier et le gardiennage.

La Covid-19 s’est également soldée par l’irruption du télétravail (près d’un quart des salariés français sont actuellement en télétravail à hauteur de trois jours ou plus par semaine), ce qui constitue un autre facteur de modification du rapport au travail, soit une proportion élevée.
Ce contexte explique sans doute en partie pourquoi notre enquête montre que les actifs français sont moins enclins à se donner corps et âme au travail et qu’une forte minorité a clairement perdu en motivation. Depuis la crise sanitaire, si la majorité des actifs (51%) affichent une motivation inchangée, 37% se disent en effet moins motivés qu’avant dans leur travail.

Cette proportion d’actifs en baisse de régime au travail correspond à peu de chose près aux 42% d’actifs se déclarant plus fatigués qu’avant la pandémie après un effort physique et aux 35% d’actifs qui, d’une manière générale, sont moins motivés qu’avant dans leur quotidien. Au fil des questions, on voit donc émerger un bloc de 35% à 40% d’individus, dont le moral ou la condition physique ont été affectés depuis la pandémie.
La perte de motivation au travail touche davantage les jeunes actifs (46% des 25-34 ans), mais aussi les cadres (44%) et les professions intermédiaires (43%), contre 34% « seulement » parmi les employés et ouvriers, catégories dont on notera qu’elles sont moins concernées par le télétravail.
Les contrastes se font également jour en termes d’affiliation partisane. Quand 61% des électeurs de Jean-Luc Mélenchon au premier tour de la présidentielle disent être moins motivés qu’avant au travail, ce n’est le cas que pour 28% des électeurs d’Emmanuel Macron, 30% des électorats Zemmour et Pécresse et 34% des lepénistes. Ces résultats sont intéressants, car ils permettent d’éclairer le débat sur la « valeur travail » lancé par Fabien Roussel à la rentrée et les raisons pour lesquelles une partie de la gauche est mal à l’aise, voire critique, à son égard. Sandrine Rousseau a ainsi, par exemple, revendiqué le droit à la paresse cher à Paul Lafargue. Dans le même ordre d’idées, une autre enquête récente de l’Ifop29 indique d’ailleurs que près de quatre sympathisants La France insoumise ou Europe Écologie-Les Verts sur dix se définissent comme « peu ou pas travailleurs », cette proportion ne s’établissant qu’à environ un quart des sondés dans les autres familles politiques.

… s’inscrivant dans un phénomène plus global et ancien d’une perte de centralité du travail
D’une façon générale, une partie des actifs, et notamment les plus jeunes, se sont petit à petit désengagés de leur travail, un peu comme s’ils étaient entrés dans une forme de résistance silencieuse et passive à l’image de Bartleby, héros de la nouvelle éponyme d’Herman Melville, scribe de profession, qui repousse toutes les demandes qu’on lui fait – à commencer par celles de son patron – par la phrase restée célèbre « I would prefer not to » : je préférerais ne pas le faire.
Un phénomène illustre cela : le « Quiet quitting » (« démission silencieuse »), phénomène qui consiste à en faire le moins possible au travail sans se faire licencier. Certains se filment même – le nombre de vues sur TikTok a dépassé les 40 millions. Il ne s’agit pas d’une démission véritable, mais d’une démission mentale, d’une sorte de démission silencieuse ou clandestine.
Si cette soudaine démotivation est intéressante à analyser, c’est que le travail représentait historiquement dans la vie des Français quelque chose de particulier et avait une dimension statutaire très importante. Or, si les Français demeurent attachés à leur travail, celui-ci occupe une place beaucoup moins centrale dans leur vie qu’au début des années 1990, la Covid-19 n’ayant fait qu’accroître cette perte de centralité, comme l’a montré Romain Bendavid30. En 1990, 60% des sondés répondaient que le travail était « très important » dans leur vie. Ils ne sont plus aujourd’hui que 24% à faire cette réponse, soit un recul spectaculaire de 36 points en trente ans. Si la religion ou la famille ont également vu leur caractère très important dans la vie de nos concitoyens perdre du terrain, la chute, de l’ordre de 10 points, est sans commune mesure avec ce que l’on observe pour ce qui est du travail. Dans le même temps, la centralité des loisirs dans la vie des Français s’est renforcée de 10 points, cette progression produisant une inversion des normes. Alors qu’en 1990, deux fois plus de sondés considéraient comme « très important » le travail (60%) par rapport aux loisirs (31%), cette hiérarchie est aujourd’hui renversée : 41% pour les loisirs versus 24% seulement pour le travail.
Évolution entre 1990 et 2021 du caractère « très important dans sa vie » de différents éléments

D’autres données d’enquête accréditent cette évolution au long cours du rapport au travail et de l’équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle. En mai 2008, soit au début du quinquennat de Nicolas Sarkozy, dont un des mantras était le fameux « Travailler plus pour gagner plus », 62% des salariés souhaitaient, s’ils en avaient le choix, « gagner plus d’argent, mais avoir moins de temps libre » contre 38% qui désiraient « gagner moins d’argent pour avoir plus de temps libre ». Le rapport de force entre ces deux modalités est aujourd’hui totalement inversé. Selon un sondage Ifop pour Solutions solidaires31, 61% des salariés souhaiteraient désormais « gagner moins d’argent pour avoir plus de temps libre », contre seulement 39% qui préféreraient « gagner plus d’argent mais avoir moins de temps libre ».

Parallèlement à la perte du sens du travail du fait du poids croissant des « process » et de l’impératif financier, les nouvelles conditions de travail devenues parfois la norme depuis ces cinq dernières années pour certains salariés de bureau contraints d’exercer dans des open spaces ou autres flex offices, créés sous couvert de gains de convivialité, ont sans aucun doute joué un rôle non négligeable dans la perte d’appétence à se rendre au travail chaque matin et dans le sentiment de ne plus « s’y retrouver » quand les salariés effectuent la balance coûts/avantages. Ainsi, d’après une enquête Ifop pour la Fondation Jean-Jaurès et Selkis réalisée en 202133, 21% de l’ensemble des salariés français travaillent aujourd’hui en open space, ce qui représente 35% des salariés travaillant dans un bureau, et 10% en flex office, soit 16% des salariés travaillant dans un bureau. Et parmi ces derniers, 36% considèrent que la configuration de leur espace de travail a un impact négatif sur leur santé, alors que cette proportion est deux fois moindre (17%) parmi les salariés qui ne sont pas en flex office, et qui ont donc une place attitrée.

L’évolution des conditions et de l’organisation du travail n’est pas le seul paramètre qui a fait perdre au travail sa centralité. Si ce dernier a perdu de son importance dans la vie des Français, c’est également parce que le pays a été le théâtre d’un processus au long cours de diminution de la durée annuelle effective de travail. De manière assez mécanique, au fur et à mesure que les actifs ont passé moins de temps au travail, son importance et sa centralité dans leur vie ont reculé. Comme on l’a vu précédemment, la part de Français qui considéraient que le travail était « très important » dans leur vie est passée de 60% en 1990 à 24% cette année. Ce recul spectaculaire est à mettre en regard avec l’évolution de la durée annuelle effective de travail, qui, sur la même période, est passée de 1 814 heures à environ 1 600 heures – nous avons pris les chiffres d’avant 2020-2021, années affectées par les confinements et l’arrêt du travail pour cause de pandémie. Si l’on se base sur une durée hebdomadaire de travail de trente-cinq heures, cette baisse de 214 heures correspond à six semaines de congé gagnées en trente ans.

Comme le montre le graphique suivant, la baisse du temps annuel de travail est un processus historique. Du fait du vote de la cinquième semaine de congés payés et du passage à la semaine des trente-neuf heures au début du premier septennat de François Mitterrand, cette durée annuelle est passée de 1 894 heures en 1981 à 1 816 heures en 1983. Ce mouvement s’est ensuite poursuivi avec, au début des années 1990, des abattements de charges qui ont incité à des embauches à temps partiel, puis avec la loi Robien sur la réduction du travail (1996) et surtout les lois Aubry qui ont abouti à la mise en place des trente-cinq heures. Entre 1997 et 2002, la durée annuelle moyenne de travail a reculé de 1 732 à 1 655 heures. Depuis, la tendance à la baisse s’était considérablement ralentie, mais la crise liée à la Covid-19 a violemment percuté l’organisation du travail et a éloigné, contraints et forcés, les actifs de leur emploi pendant de longues périodes.

Le passage aux trente-cinq heures au début des années 2000 a constitué un tournant important et a modifié en profondeur les référentiels. Des termes et des habitudes nouvelles se sont ancrés dans le paysage. C’est à partir de ce moment que les salariés ont appris à « poser » ou à « prendre » une « RTT ». Le cadre traditionnel de la semaine de travail allant du lundi au vendredi s’en est trouvé altéré, avec des week-ends commençant désormais souvent le jeudi soir ou le vendredi midi, faisant dire à certains dirigeants de grandes entreprises que « le vendredi a été supprimé » depuis la Covid-19. Ce changement sociétal n’a pas échappé à la sagacité des travailleurs indépendants qui ont, eux, continué de pratiquer la semaine traditionnelle, comme nous l’exprimait avec malice un agriculteur breton : « Le vendredi après-midi quand je laboure mes champs, je vois mes voisins qui tondent leur pelouse. »

La filière touristique, qui s’était historiquement structurée et développée en France avec l’instauration des congés payés, a connu un nouvel essor durant cette période, marquée par une augmentation du temps disponible pour toute une partie de la population. Les offres de courts séjours se sont multipliées, y compris hors saison, et l’optimisation ou le prolongement des ponts via des journées RTT, pour se constituer de longs week-ends, devient un sport national. L’univers du temps libre, qui était historiquement cantonné aux vacances, et particulièrement aux mois de juillet et d’août, se dilate et prend une place de plus en plus importante dans la vie des Français. Des acteurs comme la SNCF, les compagnies aériennes low cost ou bien encore les sites de réservation en ligne accompagnent ce mouvement historique et le développement d’une société de loisirs. Si Go Voyages et Lastminute.com apparaissent respectivement en 1997 et 1999, suivis en 2001 par Opodo, c’est certes du fait du développement fulgurant d’internet à cette période, mais ces dates de création correspondent également à l’avènement des RTT. En 1981, lors de la précédente étape de réduction du temps de travail, le gouvernement socialiste de l’époque avait créé un ministère du Temps libre, ayant pour mission « de conduire par l’éducation populaire une action de promotion du loisir vrai et créateur et de maîtrise de son temps », création qui s’était accompagnée de celle de l’Agence nationale pour les chèques-vacances. Le gouvernement Jospin n’a pas accompagné le passage aux trente-cinq heures par la mise en place d’une structure publique qui aurait eu vocation à proposer des activités culturelles et récréatives et c’est le marché qui s’est engouffré dans la brèche en créant de nouvelles offres de loisirs pour occuper le temps ainsi libéré.

La crise liée à la Covid-19 et le développement massif du télétravail vont constituer une nouvelle étape dans la perte de centralité du travail dans la vie de nombreux Français. Le cadre habituel de la semaine de travail allant du lundi au vendredi avait déjà été remis en cause par l’apparition des RTT. Mais l’adoption du télétravail par un tiers des salariés – qui télétravaillent au moins un jour par semaine – a entraîné une modification encore plus radicale. Les vendredis, et dans une moindre mesure les lundis, sont massivement télétravaillés. D’après une étude récente menée par la RATP sur les déplacements en Île-de-France34, la fréquentation des transports en commun est ainsi inférieure de 18% en moyenne les vendredis par rapport aux mardis. Les opérateurs des réseaux de transports, qui avaient appris à gérer les heures de pointe, doivent aujourd’hui intégrer dans leur modèle une autre notion qui est celle des « jours de pointe » que sont les mardis et jeudis, journées les moins télétravaillées et où les flux de passagers sont les plus massifs. De la même manière, la vie des entreprises intègre progressivement cette nouvelle organisation de la semaine avec des réunions en présentiel concentrées les mardis et jeudis pour pouvoir toucher le plus grand nombre de collaborateurs. Dans les collectifs de travail où le télétravail est pratiqué, les lundis et vendredis se voient ainsi progressivement dotés d’un autre statut. Ils constituent certes des journées de travail, mais de moindre intensité, comme une sorte de sas entre les « journées sur site » (mardi, jeudi et mercredi dans une certaine mesure) et le week-end.

Renouvellement générationnel et nouveau rapport à l’effort

L’essor et le développement de cette société de loisirs au cours des dernières décennies n’ont pas que fait relativiser la place du travail dans la vie de nos concitoyens. Ils ont plus globalement introduit une dévaluation de la valeur de l’effort. La dimension « sacrificielle » du travail et de l’effort qu’avaient en partage et le catholicisme (« Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front ») et toute une partie du monde ouvrier, qui s’est battu pour instaurer la fête du Travail le 1er mai, ne fait plus autant recette aujourd’hui. L’assertion selon laquelle « il faut souffrir pour réussir » coupe ainsi le pays en deux avec 51% d’adhésion et 49% de désapprobation. Sur ce sujet, le clivage n’est ni éducatif (52% d’adhésion parmi les diplômés du second ou troisième cycle, contre 50% chez les titulaires du bac et 53% parmi ceux qui ne l’ont pas), ni sociologique (45% d’adhésion parmi les cadres et les professions intellectuelles versus 47% chez les professions intermédiaires et 48% auprès des catégories populaires). Le « no pain, no gain » des Anglais semble en revanche nettement plus clivant selon l’âge, comme le montre le graphique ci-dessous.

Quand 62% des soixante-cinq ans et plus, qui ont grandi et ont été éduqués dans la France des années 1950-1960, adhèrent à cette maxime, la même proportion des 18-24 ans la rejette. Cette assertion recueille 43% d’adhésion parmi les 25-34 ans et devient tout juste majoritaire parmi les 35-64 ans. Le fait que l’approbation à cette maxime diminue assez linéairement avec l’âge nous met sur la piste d’un changement de référentiel et de philosophie qui est en train de s’opérer sous nos yeux au gré du renouvellement générationnel.

La sphère professionnelle n’est d’ailleurs pas l’unique témoin de ce changement de rapport à l’effort au cours des dernières années. Dans le journal Le Point, un professeur de sciences de la vie et de la terre au lycée Thibaut-de-Champagne à Provins (Seine-et-Marne) témoignait : « Chaque année, je fais remplir un questionnaire aux élèves sur leur temps de travail quotidien à la maison. En terminale, il y a quinze ans, la moyenne était d’une heure et demie à deux heures. Aujourd’hui, ils me répondent de trente minutes à une heure, et ils trouvent que c’est beaucoup ! Si j’avais maintenu la même exigence qu’en début de carrière, on aurait perdu deux points de moyenne35. »

Toujours en matière scolaire, l’ancien ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, mettait en place en 2017 le dispositif « Devoirs faits », un temps d’étude accompagnée gratuit proposé en dehors des heures de classe aux collégiens pour faire leurs devoirs au sein de leur établissement sur des horaires appropriés. Si le dispositif a souvent été présenté dans le but de contribuer à la réduction des inégalités qui peuvent exister selon le niveau d’aide que les familles sont à même d’apporter aux enfants, le site internet du ministère insiste néanmoins sur le fait que ce dispositif permet aussi de « favoriser une forme de sérénité à la maison sur ces sujets36 », comme si le travail et la difficulté à s’y mettre devenaient désormais source de conflits pour une grande partie des familles. Une société privée de soutien scolaire avait d’ailleurs lancé une campagne d’affichage à destination des familles dont le slogan était : « Vous avez mieux à faire que de vous occuper des devoirs », visant à décomplexer les parents de sous-traiter et de déléguer cette « corvée ».

Pour finir, et en guise d’illustration, le Cedre (Cycle des évaluations disciplinaires réalisées sur échantillon), qui réalise des évaluations tous les six ans en fin d’école et en fin de collège, a récemment montré que plus d’un tiers des élèves de troisième se sentaient découragés d’avance à l’idée de lire un texte d’une page. Ainsi, à l’affirmation « Quand on me demande de lire un texte d’une page, je suis découragé(e) d’avance », 37,5% des élèves se déclarent « plutôt d’accord » ou « tout à fait d’accord »37.

Si la mystique de l’effort fait de moins en moins recette dans les tranches d’âge les plus jeunes, on constate en revanche que ces dernières semblent beaucoup plus décomplexées que leurs aînés sur la question de l’ambition, qui est revendiquée par près de deux tiers des moins de trente-cinq ans, alors que moins d’une personne sur deux âgée de plus de 50 ans se définit comme tel. Les 35-49 ans, tranche d’âge intermédiaire, affichent une proportion d’ambitieux de 56%, taux se situant à égale distance des scores observés aux deux extrémités de la pyramide des âges.

Cet étagement des résultats constitue un indice supplémentaire d’une modification du système de valeurs évoquée plus haut. La sacralisation du travail et de l’effort s’est effacée avec la dislocation terminale de la matrice catholique et la disparition des mondes ouvrier et paysan, univers qui l’avaient placée au cœur de leurs systèmes de valeurs respectifs. Ces systèmes de valeurs traditionnels ne faisaient par ailleurs guère l’éloge et la promotion de l’ambition. Dans cette France d’avant, l’ambition était mal vue. Chez les paysans catholiques comme chez les ouvriers déchristianisés, on n’aimait pas celui qui « s’affichait » ou qui « la ramenait ». La modestie, l’humilité et le souci de « rester à sa place » étaient des lignes de conduite très majoritairement partagées. L’ambiance et le référentiel de valeurs ont profondément changé à partir des années 1980 et 1990. C’est à cette époque que la société de consommation et des loisirs a arasé les derniers vestiges de la société traditionnelle.

Les générations âgées de plus de soixante-cinq ans et une partie des 50-64 ans, qui ont grandi dans le système de valeurs forgé dans la France d’avant, demeurent majoritairement acquises à l’idée du « no pain, no gain ». Cet éloge de l’effort teinté de dolorisme s’accompagne d’une moindre valorisation de l’ambition, qui reste assez taboue ou honteuse dans cette tranche d’âge. Parmi les 35-49 ans, dont la période d’élaboration de leur référentiel correspond à la période de bascule, ce système de valeurs est minoritaire. Pour les moins de trente-cinq ans, qui, eux, sont nés dans cette France d’après la grande bascule, la sacralisation de l’effort n’est plus dans l’air du temps, quand l’ambition est, en revanche, clairement assumée et valorisée. Et ce n’est pas un hasard si les influenceurs des réseaux sociaux et de la téléréalité sont très populaires dans la jeune génération, puisqu’ils incarnent pleinement cette aspiration majoritaire à la réussite matérielle et sociale, mais sans forcer.

Social France travail : Une nouvelle usine à gaz

Social France travail : Une nouvelle usine à gaz

Les institutions qui traitent du chômage subissent réforme sur réforme sans pour autant obtenir davantage de résultats. Ainsi on avait supprimé l’ANPE et l’ASSEDIC pour les regrouper au sein de pôle emploi qui n’a pas non plus atteint ses objectifs. Et du coup maintenant pour masquer l’échec on va créer une nouvelle cathédrale intitulée France travail qui aurait pour objectif le plein-emploi. Le problème c’est qu’on n’a jamais été capable de savoir si ces organismes traitaient prioritairement l’emploi ou la question du chômage. Dernière interrogation : comment des fonctionnaires pourraient être compétents pour orienter des demandeurs d’emploi sur le marché du travail du privé ?

A priori on pourrait penser que c’est la même problématique seulement il y a une grande différence entre la dynamique consistant à rechercher toutes les conditions de l’insertion ou de la réinsertion dans le travail et la question de l’indemnisation financière du chômage. Finalement en mélangeant les deux on traite mal les deux questions. On n’en reviendrait au traitement séparé avec comme précédemment l’ASSEDIC d’un côté et l’ANPE de l’autre.

En outre surtout le nouvel objectif du plein-emploi va se heurter à la dégradation notable de la conjoncture économique dans tous les pays et pour plusieurs années. En France comme ailleurs on s’oriente doucement vers la stagnation ce qui mécaniquement fait augmenter le chômage et ce sera pire en 2024 puisque c’est l’économie mondiale qui va nettement ralentir en particulier en Chine moteur de l’économie internationale.

L’objectif de cette mutation : mieux coordonner les innombrables acteurs de la formation, de l’emploi et de l’insertion, comme les missions locales, les maisons de l’emploi, l’Apec pour les cadres, etc., et impulser une nouvelle dynamique.

France Travail comporte une nouveauté de taille : tous les demandeurs devront s’inscrire, y compris les plus éloignés du marché de l’emploi, comme les 1,8 million de bénéficiaires du RSA. Sachant que moins d’un allocataire sur deux est comptabilisé à Pôle emploi, près de 1 million de personnes pourraient donc venir grossir les registres administratifs des demandeurs d’emploi.

Les partenaires sociaux, eux, sont remontés. Sur fond de réforme de l’assurance chômage, les syndicats dénoncent une énième stigmatisation des plus précaires.

Le patronat, lui, s’inquiète d’une nouvelle usine à gaz. Patrick Martin, le président du Medef, craint que les entreprises ne passent à la caisse alors que le budget 2024 prévoit déjà un crédit de 350 millions d’euros supplémentaires pour le nouvel opérateur. Sur trois ans, ce sera plus de 1 milliard et demi. Sans compter que l’État accompagnera aussi les autres partenaires de l’emploi, comme les collectivités à hauteur de près de 4 milliards d’euros, les quatre prochaines années. Le patronat table plutôt sur une dizaine de milliards d’euros pour créer France Travail. « France Travail, c’est avant tout un pari, mais pas une recette magique », résume Franck Morel, ancien conseiller social d’Édouard Philippe à Matignon.

France travail : Une nouvelle usine à gaz ?

France travail : Une nouvelle usine à gaz

Les institutions qui traitent du chômage subissent réforme sur réforme sans pour autant obtenir davantage de résultats. Ainsi on avait supprimé l’ANPE et l’ASSEDIC pour les regrouper au sein de pôle emploi qui n’a pas non plus atteint ses objectifs. Et du coup maintenant pour masquer l’échec on va créer une nouvelle cathédrale intitulée France travail qui aurait pour objectif le plein-emploi. Le problème c’est qu’on n’a jamais été capable de savoir si ces organismes traitaient prioritairement l’emploi ou la question du chômage.

A priori on pourrait penser que c’est la même problématique seulement il y a une grande différence entre la dynamique consistant à rechercher toutes les conditions de l’insertion ou de la réinsertion dans le travail et la question de l’indemnisation financière du chômage. Finalement en mélangeant les deux on traite mal les deux questions. On n’en reviendrait au traitement séparé avec comme précédemment l’ASSEDIC d’un côté et l’ANPE de l’autre.

En outre surtout le nouvel objectif du plein-emploi va se heurter à la dégradation notable de la conjoncture économique dans tous les pays et pour plusieurs années. En France comme ailleurs on s’oriente doucement vers la stagnation ce qui mécaniquement fait augmenter le chômage et ce sera pire en 2024 puisque c’est l’économie mondiale qui va nettement ralentir en particulier en Chine moteur de l’économie internationale.

L’objectif de cette mutation : mieux coordonner les innombrables acteurs de la formation, de l’emploi et de l’insertion, comme les missions locales, les maisons de l’emploi, l’Apec pour les cadres, etc., et impulser une nouvelle dynamique.

France Travail comporte une nouveauté de taille : tous les demandeurs devront s’inscrire, y compris les plus éloignés du marché de l’emploi, comme les 1,8 million de bénéficiaires du RSA. Sachant que moins d’un allocataire sur deux est comptabilisé à Pôle emploi, près de 1 million de personnes pourraient donc venir grossir les registres administratifs des demandeurs d’emploi.

Les partenaires sociaux, eux, sont remontés. Sur fond de réforme de l’assurance chômage, les syndicats dénoncent une énième stigmatisation des plus précaires.

Le patronat, lui, s’inquiète d’une nouvelle usine à gaz. Patrick Martin, le président du Medef, craint que les entreprises ne passent à la caisse alors que le budget 2024 prévoit déjà un crédit de 350 millions d’euros supplémentaires pour le nouvel opérateur. Sur trois ans, ce sera plus de 1 milliard et demi. Sans compter que l’État accompagnera aussi les autres partenaires de l’emploi, comme les collectivités à hauteur de près de 4 milliards d’euros, les quatre prochaines années. Le patronat table plutôt sur une dizaine de milliards d’euros pour créer France Travail. « France Travail, c’est avant tout un pari, mais pas une recette magique », résume Franck Morel, ancien conseiller social d’Édouard Philippe à Matignon.

Le déclin du concept de travail en France

Le déclin du concept de travail en France

Les Français sont ambivalents dans leur nouveau rapport au travail. Ils peuvent l’aimer, mais de plus loin, être moins motivés, rester impliqués, selon une enquête de l’Ifop pour la Fondation Jean-Jaurès ( extrait)


« L’Opinion » publie en exclusivité une étude de l’Ifop pour la Fondation Jean-Jaurès sur le monde du travail vu par les salariés
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L’Ifop n’en finit pas de sonder la vie au travail, terrain de doutes et d’interrogations depuis la crise sanitaire. Après sa note pour la Fondation Jean-Jaurès, « Plus rien ne sera jamais comme avant dans sa vie au travail », en juillet 2022, voici « Je t’aime, moi non plus : les ambivalences du nouveau rapport au travail », toujours pour la Fondation. Les deux auteurs, Flora Baumlin et Romain Bendavid, respectivement directrice d’études et directeur de l’expertise corporate et work experience de l’Ifop, partent de cette hypothèse : le travail occupe une place moins centrale dans nos vies. Ils affinent ce constat tout en le nourrissant d’explications.

La crise sanitaire a modifié nos modes de vivre, de consommer et de travailler, mais a aussi accru la valorisation du temps libre et de la sphère privée. Plus précisément, quel est son impact sur la motivation et le rapport à l’effort des individus ? Une enquête d’opinion menée en partenariat avec l’Ifop, et dont les résultats sont analysés par Jérôme Fourquet et Jérémie Peltier, permet de faire le point.

Chacun le voit bien avec l’apparition d’un certain nombre de sujets dans le débat public depuis ce moment inédit : la Covid-19 et les confinements ont accéléré et modifié nos modes de vie et nos façons de consommer, ont impacté en profondeur notre rapport au travail et nos liens familiaux, mais ont aussi accru la valorisation du temps libre et de la sphère privée.
Un élément est néanmoins assez peu traité, bien que transversal et au cœur des phénomènes cités ci-dessus : l’impact de la Covid-19 sur la motivation et l’état psychologique des individus, ainsi que sur leur capacité à effectuer un effort mental et physique et à résister aux aléas de la vie.
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Une perte de motivation qui affecte près d’un Français sur trois

Depuis la crise sanitaire, 30% des sondés déclarent être moins motivés qu’avant. Si près de six de nos concitoyens sur dix ne semblent pas avoir été affectés psychologiquement par cette épreuve, la balance est nettement négative, puisque seuls 12% des sondés se disent plus motivés qu’avant dans ce qu’ils font au quotidien, contre donc près d’un sur trois qui l’est moins.

C’est encore plus vrai chez les plus jeunes, avec 40% des 25-34 ans indiquant être moins motivés qu’avant (contre seulement 21% des plus de soixante-cinq ans).
Si cette baisse de motivation affecte avec la même intensité toutes les classes sociales, deux éléments semblent importants à mentionner. D’une part, les personnes résidant en région parisienne, pour qui les conditions matérielles du confinement ont été particulièrement pesantes et dont on sait qu’elles ont vécu plus que la moyenne des actifs français la vie en télétravail durant et après la pandémie, semblent plus touchées : 41% des habitants de région parisienne disent être moins motivés qu’avant dans leur vie quotidienne, contre 29% des personnes qui habitent dans les communes urbaines de province et 22% des habitants de zone rurale. D’autre part, la baisse de motivation ne frappe pas de manière homogène les différentes familles politiques. Ainsi, quand 44% des sympathisants de La France insoumise disent être moins motivés qu’avant, ce n’est le cas que de 23% des sympathisants de la majorité présidentielle et de 27% des sympathisants des Républicains.
L’effet de traîne de la Covid-19 : quatre individus sur dix se sentent plus fatigués qu’avant la pandémie

Cette perte de motivation n’est sans doute pas sans lien avec la fatigue accumulée à l’occasion des épreuves occasionnées par la pandémie. En effet, d’après notre enquête, 41% des Français se sentent plus fatigués qu’avant la crise liée à la Covid-19 après un effort physique, contre 54% qui ne ressentent pas de changement et seulement 5% qui ont la sensation d’être moins fatigués qu’avant suite à un effort physique.

La sensation d’une fatigue plus importante qu’avant la Covid-19 à l’occasion d’un effort physique affecte aussi bien les hommes (41%) que les femmes (40%) et semble assez homogènement répandue dans les différents milieux sociaux, classes d’âge et territoires. Nous sommes donc en présence d’un phénomène transversal. Cet effet de traîne de la Covid-19 influe sur le moral de la population. Ainsi, 70% des personnes qui se sentent moins motivées qu’avant la Covid-19 se disent plus fatiguées, contre 41% en moyenne de la population.

On notera par ailleurs que 28% des 18-24 ans indiquent faire moins de sport et d’activités physiques par rapport à ce qu’ils faisaient avant la crise sanitaire.

Les problèmes physiques de la population et de la jeune génération sont régulièrement documentés depuis plusieurs années maintenant. Ainsi, lorsqu’on compare les résultats à certains tests physiques passés par les adolescents des années 1990 avec ceux passés par les adolescents d’aujourd’hui, on s’aperçoit que ces derniers ont perdu, par exemple, un quart de leur capacité pulmonaire en raison du développement de la sédentarité, alimentée notamment par les écrans4. Conséquence : les jeunes de 2022 mettraient 90 secondes de plus à courir 1 600 mètres qu’il y a trente ans5. Par ailleurs, selon une étude du Crédoc, un jeune sur quatre entre seize et vingt-cinq ans déclare faire peu d’activités physiques ou sportives (moins de trois fois par mois), voire aucune6. Consciente de cette dégradation de l’état physique général de la jeunesse, Santé publique France a lancé en septembre dernier une nouvelle campagne de communication intitulée : « Faire bouger les ados, c’est pas évident. Mais les encourager c’est important ». De son côté, l’Armée de Terre a décidé de faire évoluer le contrôle de la condition physique générale de ses soldats, qui ne compte plus que trois épreuves au lieu de quatre précédemment.

Ce qui est intéressant, et témoigne d’un mouvement profond qui touche la société, notamment la jeune génération, c’est que ces derniers invoquent le « manque de temps » comme motif principal de leur absence de pratique sportive (45% des 16-25 ans citent le manque de temps devant la surcharge de travail, 37%, dans une enquête récente du Crédoc10), nous révélant de fait leur difficulté à se motiver à « prendre du temps » pour réaliser une quelconque activité dès que celle-ci s’avère éloignée de leur zone de confort.

Au travail , on constate cette instabilité émotionnelle. Le nombre d’arrêts maladie en France en 2022 a explosé, 42% des salariés s’étant vus prescrire un arrêt maladie cette année (un chiffre plus important qu’avant la Covid-19). Plus intéressant pour notre sujet, les troubles psychologiques et l’épuisement professionnel, principaux motifs des arrêts longs, sont désormais à l’origine de 20% des arrêts maladie, dépassant pour la première fois les troubles musculo-squelettiques (16%).

D’une façon générale, notre enquête corrobore l’hypothèse d’une fragilisation psychologique et mentale accrue depuis la crise sanitaire, et plus particulièrement une perte de résistance psychologique et mentale dans la jeune génération pour faire face aux événements et aux aléas de la vie. En effet, si 31% des Français disent ne pas se sentir suffisamment solides mentalement pour tout affronter dans leur vie quotidienne, c’est le cas de 40% des 25-34 ans. Cette fragilisation psychologique depuis la crise sanitaire semble par ailleurs (au moins en déclaratif) toucher davantage les femmes que les hommes : quand 24% des hommes disent ne pas se sentir suffisamment solides mentalement pour faire face aux événements dans leur vie quotidienne, c’est le cas de 37% des femmes.
On retrouve ce phénomène de fragilisation quant à l’« envie de pleurer » exprimée par la jeune génération (parfois appelée « génération snowflake », en référence au flocon de neige qui fond à la première chaleur). Si 14% des Français disent avoir durant la journée davantage envie de pleurer depuis la crise sanitaire, c’est le cas de 20% des 25-34 ans. Ici aussi, une différence femmes-hommes s’observe : quand 11% des hommes disent avoir davantage envie de pleurer durant leur journée depuis la crise liée à la Covid-19, c’est le cas de 17% des femmes.

Un autre ressort de cette plus grande vulnérabilité des individus depuis la crise sanitaire est à chercher selon nous du côté du rapport que la société entretient à la frustration. La crise sanitaire ayant renforcé la société du sur-mesure et de l’immédiateté dans laquelle le citoyen est d’abord perçu comme un client (le boom des livraisons à domicile incarnées par Deliveroo et Uber durant cette période en est l’une des illustrations, comme nous le verrons plus bas), le seuil de patience des individus s’est considérablement abaissé durant cette période, ces derniers ayant de plus en plus de mal à gérer leur frustration. Dans notre enquête, 44% des Français disent avoir de plus en plus de mal à patienter avant d’obtenir quelque chose, dont 53% des 25-34 ans.
Cette moindre appétence à sortir de chez soi a évidemment des conséquences sur des secteurs qui reposent d’abord et avant tout sur l’accueil du public. Bien que l’industrie du cinéma, déjà mal en point avant même l’arrivée de la Covid-19, semble beaucoup insister ces derniers temps sur l’« effet prix » comme explication de la désertion du public18, avec, d’après le CNC, une baisse de 34% de nombre de tickets vendus en septembre dernier par rapport à septembre 2019 (avant Covid-19 donc), l’impact de cette épidémie de flemme ne doit pas, à notre sens, être négligé pour expliquer la difficulté à remplir actuellement les salles. En effet, le cinéma a de plus en plus de mal à lutter contre la flemme de sortir de chez soi, concurrencé par l’arrivée de nouveaux produits comme les vidéoprojecteurs, équipement dont les ventes croissent d’environ 50% par an depuis deux ans maintenant et qui s’était vendu à 50 000 exemplaires au premier semestre 202119. Au-delà des vidéoprojecteurs, l’arrivée des plateformes a par ailleurs alimenté cette propension des individus à adopter l’art de la flemme.

Une étude de l’Ifop montrait récemment que Netflix, Amazon, Prime Video ou encore Disney + avaient une incidence sur la fréquentation des salles de cinéma20 : depuis qu’elles se sont abonnées à une offre de vidéo à la demande, 29% des personnes interrogées déclarent « aller moins souvent au cinéma » et 12% « ne plus y aller du tout », soit quatre utilisateurs sur dix qui y vont moins ou n’y vont plus depuis l’épidémie de flemme.

Parallèlement à Netflix et consorts, la console de jeux, activité se pratiquant également à domicile, constitue un autre concurrent redoutable au cinéma, notamment parmi les adolescents et les jeunes adultes. Avec 2,4 millions de consoles et près de 1 million de PC Gaming vendus en 2021, l’industrie du jeu vidéo – dont la première console, l’Odyssey de Magnavox, sortait il y a cinquante ans – a enregistré une nouvelle performance record, avec un chiffre d’affaires de 5,6 milliards d’euros, soit une progression de +1,6% par rapport à 2020, qui avait déjà été une année exceptionnelle. En deux ans, le marché a évolué de 13,5%, ce qui fait dire à Julie Chalmette, présidente du Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (SELL), que « le jeu vidéo continue de progresser vers de nouveaux sommets. L’année 2020 avait été extraordinaire, mais particulière en raison du contexte. Cette croissance confirmée en 2021 s’inscrit comme une véritable tendance de fond. Les Français n’ont jamais autant joué. Ils sont 73% à jouer occasionnellement et 58% régulièrement, soit une progression de 6 points par rapport à 202021. » Preuve de la place prise par l’industrie du jeu vidéo, celui-ci aura d’ailleurs droit pour la première fois cette année à son festival de Cannes (le Cannes Gaming Festival) du 24 au 26 février prochains, qui proposera une cérémonie de remise de prix à l’identique de celle qui existe pour le septième art.

Enfin, élément notable, cet attrait pour les jeux vidéo touche toutes les classes d’âge. Si un enfant sur deux joue tous les jours (52% des enfants), c’est également le cas d’un adulte sur trois (35%), selon le même syndicat. Nous sommes donc en présence d’une pratique massivement répandue.

L’appel du canapé semble ainsi très puissant. On le voit d’ailleurs dans notre enquête. Invités à donner leur opinion face à un certain nombre de mots, 74% des Français ont une image positive du « lit », dont 85% des 25-34 ans. Il en est de même pour le canapé : quand 59% indiquent avoir une image positive de ce mot, c’est le cas de 72% des 25-34 ans. Signe des temps, Le Petit Robert a annoncé que le terme « chiller » (de l’anglais « to chill » : prendre du bon temps à ne rien faire) fera son apparition dans son édition 2023.

En outre, la crainte d’un hiver rigoureux sur fond d’un chauffage réglé à 19 degrés pour limiter la consommation d’électricité et de gaz conforte et accélère le marché de la flemme : les Français se ruent ces derniers temps sur les plaids, objets symboliques de cette « civilisation du cocon », privilégiant les longs week-ends sur le canapé (civilisation très bien analysée par Vincent Cocquebert22). Chez Monoprix, par exemple, les équipes ont récemment anticipé une plus forte demande en plaids ces prochaines semaines, afin de permettre aux consommateurs de passer l’hiver au mieux23. De la même façon, les spas et jacuzzis, nouveaux équipements indispensables développés par la « civilisation du cocon », se vendent comme des petits pains depuis plusieurs années. La tendance à « chiller », comme l’épidémie de flemme, a généré de nombreuses opportunités de marché bien comprises par les enseignes. Ainsi, la marque de viande Charal lançait au lendemain du premier confinement une publicité pour ses burgers préparés à faire réchauffer au micro-ondes avec le slogan : « Le soir vous avez la flemme, nous on a la flamme ».

S’il y a un marché de la flemme, sa structuration et sa montée en puissance se sont accélérées durant la crise sanitaire, comme en témoignent par exemple les excellents chiffres des plateformes comme Deliveroo, Uber Eats ou Amazon tout au long de la pandémie et au-delà24. Une enquête de l’Ifop de 2021 indiquait ainsi que 52% des Français avaient eu recours à la livraison de repas à domicile au moins une fois dans l’année, dont 23% au moins une fois par mois. Signe que les habitudes sont en train de s’ancrer en la matière, si seulement 25% des soixante-cinq ans et plus se font livrer au moins une fois par an un repas à domicile, cette proportion atteint 60% parmi les 35-49 ans, et 78% auprès des moins de trente-cinq ans (dont près d’un sur deux commande un repas à domicile au moins une fois par mois). Tout se passe comme si des barrières psychologiques et morales subsistaient parmi les générations les plus âgées, qui rechigneraient à se faire servir à domicile par des « domestiques 2.0 », réticences ayant manifestement disparu dans les jeunes générations, qui ont baigné depuis leur enfance dans la société du « client-roi ». La publicité des acteurs se positionnant sur ce marché vise d’ailleurs à abattre ces obstacles culturels et moraux et à décomplexer totalement le consommateur, comme l’illustre par exemple un des slogans de Gopuff, start-up de livraison à domicile : « Lendemain de soirée [difficile] ? On arrive. » Plus récemment encore, la plateforme Uber Eats décidait d’axer sa dernière campagne de publicité autour d’un slogan on ne peut plus explicite : « Embrace the art of doing less » (Adopter l’art d’en faire moins).

On aurait tort de penser que ce phénomène ne concerne que les grandes métropoles. Le maire de Châteauroux nous confiait ainsi récemment que sa ville comptait 90 livreurs Uber Eats. Dans les zones rurales non desservies par ces plateformes, les consommateurs en quête d’un repas prêt à consommer peuvent, quant à eux, utiliser les distributeurs automatiques de pizzas qui sont apparus dans de très nombreux villages ces dernières années, le leader du secteur, Adial, en comptant plus de 80025.
D’ailleurs, quand une enquête récente du Crédoc26 demande aux Françaises et aux Français quel serait pour eux un vendredi soir idéal, l’élément qui arrive en tête est un plateau-repas devant la télévision : pour 37% des sondés, un vendredi soir idéal, c’est un plateau-télé, score deux fois plus élevé qu’une sortie entre amis (15%). Et pour ce qui est des repas de la semaine, il semblerait que l’engouement pour le fait-maison, observé durant les confinements, ne soit plus autant de saison. Sous l’effet d’une dégradation sensible du pouvoir d’achat, mais aussi également sans doute de cette moindre motivation générale, les achats des sandwichs ou des Pastabox de la marque Sodebo se portent très bien et les usines du groupe vendéen tournent à plein régime.
Enfin, dernier exemple s’il en fallait, le secteur des transports de voyageurs à la demande surfe lui aussi sur la tendance à la flemme, en témoigne la campagne de publicité de la plateforme Heetch que l’on pouvait retrouver dans les tunnels du métro parisien en octobre dernier : « Vous avez la flemme ? On a le VTC. »


Un autre secteur semble également subir de plein fouet cette perte de motivation et cette fatigue au long cours : le monde du travail.

Avec « grande pénurie », l’expression que l’on a le plus entendue depuis cette rentrée et durant tout l’été est « grande démission », à savoir la grande démission des salariés français de leur entreprise. Le magazine Society en a fait sa une en se demandant « Et si on ne retournait pas au travail ? », comme Le Figaro, quand le magazine Usbek & Rica s’est demandé si nous ne sommes qu’au début du phénomène : « Grande démission : et si c’était que le début ? ».
On a également vu apparaître cette grande démission, au cours des derniers mois sur TikTok, notamment aux États-Unis, à travers des vidéos de jeunes gens se filmant en train d’annoncer leur démission en direct avec l’hashtag #quitmyjob27. Ces nombreuses démissions se constatent aussi dans les chiffres. C’était le cas aux États-Unis juste après la Covid-19. Entre mars et mai 2021, 11 millions d’Américains ont démissionné de leur poste. C’est désormais également le cas en France, où l’on observe des taux de démission qui n’avaient jamais été atteints depuis quatorze ans. Entre fin 2021 et début 2022, on a enregistré près de 520 000 démissions par trimestre, dont 470 000 démissions de CDI. Le record précédent datait du premier trimestre 2008, avec 510 000 démissions dont 400 000 pour les seuls CDI.

Pourquoi ces nombreuses démissions, et notamment en France ? Elles s’expliquent d’abord par un effet de rattrapage, les mouvements ayant été gelés ou très fortement ralentis durant les confinements. Le dynamisme du marché du travail actuel, avec un assez faible taux de chômage, favorise également les démissions. En effet, en période de reprise, les postes à pourvoir sont plus nombreux, donc de nouvelles opportunités d’emploi apparaissent, ce qui incite à démissionner pour négocier de meilleures conditions de travail, de meilleurs salaires, un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Ces nombreuses démissions sont aussi le reflet d’un état de mal-être parmi les salariés français, qui disent plus que la moyenne des actifs européens être en manque de reconnaissance depuis plusieurs années déjà28.
Mais selon nous, cette vague de démissions dit aussi beaucoup de l’accélération de la modification du rapport au travail des Français, la crise sanitaire étant venue booster une tendance déjà à l’œuvre préalablement. Durant la pandémie, près de 11 millions de salariés ont été mis en chômage partiel, période au cours de laquelle beaucoup se sont interrogés sur le sens de leur travail. Dans les secteurs peu rémunérés, où les contraintes horaires sont pesantes (travail en soirée, le week-end, en horaires décalés…) et où la pénibilité des tâches ou de l’environnement de travail est importante, toute une partie des salariés n’ont pas repris leur poste, entraînant des pénuries de main-d’œuvre dans l’hôtellerie-restauration, les services à la personne, ou bien encore le transport routier et le gardiennage.

La Covid-19 s’est également soldée par l’irruption du télétravail (près d’un quart des salariés français sont actuellement en télétravail à hauteur de trois jours ou plus par semaine), ce qui constitue un autre facteur de modification du rapport au travail, soit une proportion élevée.
Ce contexte explique sans doute en partie pourquoi notre enquête montre que les actifs français sont moins enclins à se donner corps et âme au travail et qu’une forte minorité a clairement perdu en motivation. Depuis la crise sanitaire, si la majorité des actifs (51%) affichent une motivation inchangée, 37% se disent en effet moins motivés qu’avant dans leur travail.

Cette proportion d’actifs en baisse de régime au travail correspond à peu de chose près aux 42% d’actifs se déclarant plus fatigués qu’avant la pandémie après un effort physique et aux 35% d’actifs qui, d’une manière générale, sont moins motivés qu’avant dans leur quotidien. Au fil des questions, on voit donc émerger un bloc de 35% à 40% d’individus, dont le moral ou la condition physique ont été affectés depuis la pandémie.
La perte de motivation au travail touche davantage les jeunes actifs (46% des 25-34 ans), mais aussi les cadres (44%) et les professions intermédiaires (43%), contre 34% « seulement » parmi les employés et ouvriers, catégories dont on notera qu’elles sont moins concernées par le télétravail.
Les contrastes se font également jour en termes d’affiliation partisane. Quand 61% des électeurs de Jean-Luc Mélenchon au premier tour de la présidentielle disent être moins motivés qu’avant au travail, ce n’est le cas que pour 28% des électeurs d’Emmanuel Macron, 30% des électorats Zemmour et Pécresse et 34% des lepénistes. Ces résultats sont intéressants, car ils permettent d’éclairer le débat sur la « valeur travail » lancé par Fabien Roussel à la rentrée et les raisons pour lesquelles une partie de la gauche est mal à l’aise, voire critique, à son égard. Sandrine Rousseau a ainsi, par exemple, revendiqué le droit à la paresse cher à Paul Lafargue. Dans le même ordre d’idées, une autre enquête récente de l’Ifop29 indique d’ailleurs que près de quatre sympathisants La France insoumise ou Europe Écologie-Les Verts sur dix se définissent comme « peu ou pas travailleurs », cette proportion ne s’établissant qu’à environ un quart des sondés dans les autres familles politiques.

… s’inscrivant dans un phénomène plus global et ancien d’une perte de centralité du travail
D’une façon générale, une partie des actifs, et notamment les plus jeunes, se sont petit à petit désengagés de leur travail, un peu comme s’ils étaient entrés dans une forme de résistance silencieuse et passive à l’image de Bartleby, héros de la nouvelle éponyme d’Herman Melville, scribe de profession, qui repousse toutes les demandes qu’on lui fait – à commencer par celles de son patron – par la phrase restée célèbre « I would prefer not to » : je préférerais ne pas le faire.
Un phénomène illustre cela : le « Quiet quitting » (« démission silencieuse »), phénomène qui consiste à en faire le moins possible au travail sans se faire licencier. Certains se filment même – le nombre de vues sur TikTok a dépassé les 40 millions. Il ne s’agit pas d’une démission véritable, mais d’une démission mentale, d’une sorte de démission silencieuse ou clandestine.
Si cette soudaine démotivation est intéressante à analyser, c’est que le travail représentait historiquement dans la vie des Français quelque chose de particulier et avait une dimension statutaire très importante. Or, si les Français demeurent attachés à leur travail, celui-ci occupe une place beaucoup moins centrale dans leur vie qu’au début des années 1990, la Covid-19 n’ayant fait qu’accroître cette perte de centralité, comme l’a montré Romain Bendavid30. En 1990, 60% des sondés répondaient que le travail était « très important » dans leur vie. Ils ne sont plus aujourd’hui que 24% à faire cette réponse, soit un recul spectaculaire de 36 points en trente ans. Si la religion ou la famille ont également vu leur caractère très important dans la vie de nos concitoyens perdre du terrain, la chute, de l’ordre de 10 points, est sans commune mesure avec ce que l’on observe pour ce qui est du travail. Dans le même temps, la centralité des loisirs dans la vie des Français s’est renforcée de 10 points, cette progression produisant une inversion des normes. Alors qu’en 1990, deux fois plus de sondés considéraient comme « très important » le travail (60%) par rapport aux loisirs (31%), cette hiérarchie est aujourd’hui renversée : 41% pour les loisirs versus 24% seulement pour le travail.
Évolution entre 1990 et 2021 du caractère « très important dans sa vie » de différents éléments

D’autres données d’enquête accréditent cette évolution au long cours du rapport au travail et de l’équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle. En mai 2008, soit au début du quinquennat de Nicolas Sarkozy, dont un des mantras était le fameux « Travailler plus pour gagner plus », 62% des salariés souhaitaient, s’ils en avaient le choix, « gagner plus d’argent, mais avoir moins de temps libre » contre 38% qui désiraient « gagner moins d’argent pour avoir plus de temps libre ». Le rapport de force entre ces deux modalités est aujourd’hui totalement inversé. Selon un sondage Ifop pour Solutions solidaires31, 61% des salariés souhaiteraient désormais « gagner moins d’argent pour avoir plus de temps libre », contre seulement 39% qui préféreraient « gagner plus d’argent mais avoir moins de temps libre ».

Parallèlement à la perte du sens du travail du fait du poids croissant des « process » et de l’impératif financier, les nouvelles conditions de travail devenues parfois la norme depuis ces cinq dernières années pour certains salariés de bureau contraints d’exercer dans des open spaces ou autres flex offices, créés sous couvert de gains de convivialité, ont sans aucun doute joué un rôle non négligeable dans la perte d’appétence à se rendre au travail chaque matin et dans le sentiment de ne plus « s’y retrouver » quand les salariés effectuent la balance coûts/avantages. Ainsi, d’après une enquête Ifop pour la Fondation Jean-Jaurès et Selkis réalisée en 202133, 21% de l’ensemble des salariés français travaillent aujourd’hui en open space, ce qui représente 35% des salariés travaillant dans un bureau, et 10% en flex office, soit 16% des salariés travaillant dans un bureau. Et parmi ces derniers, 36% considèrent que la configuration de leur espace de travail a un impact négatif sur leur santé, alors que cette proportion est deux fois moindre (17%) parmi les salariés qui ne sont pas en flex office, et qui ont donc une place attitrée.

L’évolution des conditions et de l’organisation du travail n’est pas le seul paramètre qui a fait perdre au travail sa centralité. Si ce dernier a perdu de son importance dans la vie des Français, c’est également parce que le pays a été le théâtre d’un processus au long cours de diminution de la durée annuelle effective de travail. De manière assez mécanique, au fur et à mesure que les actifs ont passé moins de temps au travail, son importance et sa centralité dans leur vie ont reculé. Comme on l’a vu précédemment, la part de Français qui considéraient que le travail était « très important » dans leur vie est passée de 60% en 1990 à 24% cette année. Ce recul spectaculaire est à mettre en regard avec l’évolution de la durée annuelle effective de travail, qui, sur la même période, est passée de 1 814 heures à environ 1 600 heures – nous avons pris les chiffres d’avant 2020-2021, années affectées par les confinements et l’arrêt du travail pour cause de pandémie. Si l’on se base sur une durée hebdomadaire de travail de trente-cinq heures, cette baisse de 214 heures correspond à six semaines de congé gagnées en trente ans.

Comme le montre le graphique suivant, la baisse du temps annuel de travail est un processus historique. Du fait du vote de la cinquième semaine de congés payés et du passage à la semaine des trente-neuf heures au début du premier septennat de François Mitterrand, cette durée annuelle est passée de 1 894 heures en 1981 à 1 816 heures en 1983. Ce mouvement s’est ensuite poursuivi avec, au début des années 1990, des abattements de charges qui ont incité à des embauches à temps partiel, puis avec la loi Robien sur la réduction du travail (1996) et surtout les lois Aubry qui ont abouti à la mise en place des trente-cinq heures. Entre 1997 et 2002, la durée annuelle moyenne de travail a reculé de 1 732 à 1 655 heures. Depuis, la tendance à la baisse s’était considérablement ralentie, mais la crise liée à la Covid-19 a violemment percuté l’organisation du travail et a éloigné, contraints et forcés, les actifs de leur emploi pendant de longues périodes.

Le passage aux trente-cinq heures au début des années 2000 a constitué un tournant important et a modifié en profondeur les référentiels. Des termes et des habitudes nouvelles se sont ancrés dans le paysage. C’est à partir de ce moment que les salariés ont appris à « poser » ou à « prendre » une « RTT ». Le cadre traditionnel de la semaine de travail allant du lundi au vendredi s’en est trouvé altéré, avec des week-ends commençant désormais souvent le jeudi soir ou le vendredi midi, faisant dire à certains dirigeants de grandes entreprises que « le vendredi a été supprimé » depuis la Covid-19. Ce changement sociétal n’a pas échappé à la sagacité des travailleurs indépendants qui ont, eux, continué de pratiquer la semaine traditionnelle, comme nous l’exprimait avec malice un agriculteur breton : « Le vendredi après-midi quand je laboure mes champs, je vois mes voisins qui tondent leur pelouse. »

La filière touristique, qui s’était historiquement structurée et développée en France avec l’instauration des congés payés, a connu un nouvel essor durant cette période, marquée par une augmentation du temps disponible pour toute une partie de la population. Les offres de courts séjours se sont multipliées, y compris hors saison, et l’optimisation ou le prolongement des ponts via des journées RTT, pour se constituer de longs week-ends, devient un sport national. L’univers du temps libre, qui était historiquement cantonné aux vacances, et particulièrement aux mois de juillet et d’août, se dilate et prend une place de plus en plus importante dans la vie des Français. Des acteurs comme la SNCF, les compagnies aériennes low cost ou bien encore les sites de réservation en ligne accompagnent ce mouvement historique et le développement d’une société de loisirs. Si Go Voyages et Lastminute.com apparaissent respectivement en 1997 et 1999, suivis en 2001 par Opodo, c’est certes du fait du développement fulgurant d’internet à cette période, mais ces dates de création correspondent également à l’avènement des RTT. En 1981, lors de la précédente étape de réduction du temps de travail, le gouvernement socialiste de l’époque avait créé un ministère du Temps libre, ayant pour mission « de conduire par l’éducation populaire une action de promotion du loisir vrai et créateur et de maîtrise de son temps », création qui s’était accompagnée de celle de l’Agence nationale pour les chèques-vacances. Le gouvernement Jospin n’a pas accompagné le passage aux trente-cinq heures par la mise en place d’une structure publique qui aurait eu vocation à proposer des activités culturelles et récréatives et c’est le marché qui s’est engouffré dans la brèche en créant de nouvelles offres de loisirs pour occuper le temps ainsi libéré.

La crise liée à la Covid-19 et le développement massif du télétravail vont constituer une nouvelle étape dans la perte de centralité du travail dans la vie de nombreux Français. Le cadre habituel de la semaine de travail allant du lundi au vendredi avait déjà été remis en cause par l’apparition des RTT. Mais l’adoption du télétravail par un tiers des salariés – qui télétravaillent au moins un jour par semaine – a entraîné une modification encore plus radicale. Les vendredis, et dans une moindre mesure les lundis, sont massivement télétravaillés. D’après une étude récente menée par la RATP sur les déplacements en Île-de-France34, la fréquentation des transports en commun est ainsi inférieure de 18% en moyenne les vendredis par rapport aux mardis. Les opérateurs des réseaux de transports, qui avaient appris à gérer les heures de pointe, doivent aujourd’hui intégrer dans leur modèle une autre notion qui est celle des « jours de pointe » que sont les mardis et jeudis, journées les moins télétravaillées et où les flux de passagers sont les plus massifs. De la même manière, la vie des entreprises intègre progressivement cette nouvelle organisation de la semaine avec des réunions en présentiel concentrées les mardis et jeudis pour pouvoir toucher le plus grand nombre de collaborateurs. Dans les collectifs de travail où le télétravail est pratiqué, les lundis et vendredis se voient ainsi progressivement dotés d’un autre statut. Ils constituent certes des journées de travail, mais de moindre intensité, comme une sorte de sas entre les « journées sur site » (mardi, jeudi et mercredi dans une certaine mesure) et le week-end.

Renouvellement générationnel et nouveau rapport à l’effort

L’essor et le développement de cette société de loisirs au cours des dernières décennies n’ont pas que fait relativiser la place du travail dans la vie de nos concitoyens. Ils ont plus globalement introduit une dévaluation de la valeur de l’effort. La dimension « sacrificielle » du travail et de l’effort qu’avaient en partage et le catholicisme (« Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front ») et toute une partie du monde ouvrier, qui s’est battu pour instaurer la fête du Travail le 1er mai, ne fait plus autant recette aujourd’hui. L’assertion selon laquelle « il faut souffrir pour réussir » coupe ainsi le pays en deux avec 51% d’adhésion et 49% de désapprobation. Sur ce sujet, le clivage n’est ni éducatif (52% d’adhésion parmi les diplômés du second ou troisième cycle, contre 50% chez les titulaires du bac et 53% parmi ceux qui ne l’ont pas), ni sociologique (45% d’adhésion parmi les cadres et les professions intellectuelles versus 47% chez les professions intermédiaires et 48% auprès des catégories populaires). Le « no pain, no gain » des Anglais semble en revanche nettement plus clivant selon l’âge, comme le montre le graphique ci-dessous.

Quand 62% des soixante-cinq ans et plus, qui ont grandi et ont été éduqués dans la France des années 1950-1960, adhèrent à cette maxime, la même proportion des 18-24 ans la rejette. Cette assertion recueille 43% d’adhésion parmi les 25-34 ans et devient tout juste majoritaire parmi les 35-64 ans. Le fait que l’approbation à cette maxime diminue assez linéairement avec l’âge nous met sur la piste d’un changement de référentiel et de philosophie qui est en train de s’opérer sous nos yeux au gré du renouvellement générationnel.

La sphère professionnelle n’est d’ailleurs pas l’unique témoin de ce changement de rapport à l’effort au cours des dernières années. Dans le journal Le Point, un professeur de sciences de la vie et de la terre au lycée Thibaut-de-Champagne à Provins (Seine-et-Marne) témoignait : « Chaque année, je fais remplir un questionnaire aux élèves sur leur temps de travail quotidien à la maison. En terminale, il y a quinze ans, la moyenne était d’une heure et demie à deux heures. Aujourd’hui, ils me répondent de trente minutes à une heure, et ils trouvent que c’est beaucoup ! Si j’avais maintenu la même exigence qu’en début de carrière, on aurait perdu deux points de moyenne35. »

Toujours en matière scolaire, l’ancien ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, mettait en place en 2017 le dispositif « Devoirs faits », un temps d’étude accompagnée gratuit proposé en dehors des heures de classe aux collégiens pour faire leurs devoirs au sein de leur établissement sur des horaires appropriés. Si le dispositif a souvent été présenté dans le but de contribuer à la réduction des inégalités qui peuvent exister selon le niveau d’aide que les familles sont à même d’apporter aux enfants, le site internet du ministère insiste néanmoins sur le fait que ce dispositif permet aussi de « favoriser une forme de sérénité à la maison sur ces sujets36 », comme si le travail et la difficulté à s’y mettre devenaient désormais source de conflits pour une grande partie des familles. Une société privée de soutien scolaire avait d’ailleurs lancé une campagne d’affichage à destination des familles dont le slogan était : « Vous avez mieux à faire que de vous occuper des devoirs », visant à décomplexer les parents de sous-traiter et de déléguer cette « corvée ».

Pour finir, et en guise d’illustration, le Cedre (Cycle des évaluations disciplinaires réalisées sur échantillon), qui réalise des évaluations tous les six ans en fin d’école et en fin de collège, a récemment montré que plus d’un tiers des élèves de troisième se sentaient découragés d’avance à l’idée de lire un texte d’une page. Ainsi, à l’affirmation « Quand on me demande de lire un texte d’une page, je suis découragé(e) d’avance », 37,5% des élèves se déclarent « plutôt d’accord » ou « tout à fait d’accord »37.

Si la mystique de l’effort fait de moins en moins recette dans les tranches d’âge les plus jeunes, on constate en revanche que ces dernières semblent beaucoup plus décomplexées que leurs aînés sur la question de l’ambition, qui est revendiquée par près de deux tiers des moins de trente-cinq ans, alors que moins d’une personne sur deux âgée de plus de 50 ans se définit comme tel. Les 35-49 ans, tranche d’âge intermédiaire, affichent une proportion d’ambitieux de 56%, taux se situant à égale distance des scores observés aux deux extrémités de la pyramide des âges.

Cet étagement des résultats constitue un indice supplémentaire d’une modification du système de valeurs évoquée plus haut. La sacralisation du travail et de l’effort s’est effacée avec la dislocation terminale de la matrice catholique et la disparition des mondes ouvrier et paysan, univers qui l’avaient placée au cœur de leurs systèmes de valeurs respectifs. Ces systèmes de valeurs traditionnels ne faisaient par ailleurs guère l’éloge et la promotion de l’ambition. Dans cette France d’avant, l’ambition était mal vue. Chez les paysans catholiques comme chez les ouvriers déchristianisés, on n’aimait pas celui qui « s’affichait » ou qui « la ramenait ». La modestie, l’humilité et le souci de « rester à sa place » étaient des lignes de conduite très majoritairement partagées. L’ambiance et le référentiel de valeurs ont profondément changé à partir des années 1980 et 1990. C’est à cette époque que la société de consommation et des loisirs a arasé les derniers vestiges de la société traditionnelle.

Les générations âgées de plus de soixante-cinq ans et une partie des 50-64 ans, qui ont grandi dans le système de valeurs forgé dans la France d’avant, demeurent majoritairement acquises à l’idée du « no pain, no gain ». Cet éloge de l’effort teinté de dolorisme s’accompagne d’une moindre valorisation de l’ambition, qui reste assez taboue ou honteuse dans cette tranche d’âge. Parmi les 35-49 ans, dont la période d’élaboration de leur référentiel correspond à la période de bascule, ce système de valeurs est minoritaire. Pour les moins de trente-cinq ans, qui, eux, sont nés dans cette France d’après la grande bascule, la sacralisation de l’effort n’est plus dans l’air du temps, quand l’ambition est, en revanche, clairement assumée et valorisée. Et ce n’est pas un hasard si les influenceurs des réseaux sociaux et de la téléréalité sont très populaires dans la jeune génération, puisqu’ils incarnent pleinement cette aspiration majoritaire à la réussite matérielle et sociale, mais sans forcer.

Economie- Remettre certains Français au travail

Economie- Remettre certains Français au travail


En termes technocratiques , le gouvernement affirme qu’il veut libéraliser le marché du travail pour atteindre le plein emploi et soutenir l’économie. La vérité est plus crue, il s’agit pour les pouvoirs publics de remettre au travail certains actifs dont beaucoup se satisfont des différentes aides sociales. À la décharge de certains chômeurs, le fait que le travail est souvent mal rémunéré. Ainsi le bas des grilles de salaires est assez souvent inférieur au SMIC. Du coup, il est plus avantageux de toucher des aides sociales que de faire face aux dépenses nécessaires pour se rendre au travail. Et certains s’installent dans une forme d’assistance sociale.

Nombre de secteurs, pour ne pas dire presque tous les secteurs, souffrent d’un manque de qualification mais surtout de la baisse de la valeur travail. Officiellement il y a autour de 3 millions de chômeurs et du coup dans nombre de tâches un peu difficile, la France compte à la place sur des centaines de milliers d’immigrés. Le phénomène s’est encore aggravé évidemment depuis les 35 heures qui non seulement ont diminué la productivité mais ont installé une ambiance RTT chez de nombreux salariés y compris les cadres. Du coup, nombre d’activités ont été délocalisées pour cette raison mais pour d’autres aussi liés au maquis administratif et fiscal.

Ces dernières semaines, le ministre de l’Economie n’a pas caché l’offensive qui est la sienne de s’attaquer au marché du travail, et à l’Assurance chômage, beaucoup trop rigides à son goût. Si le locataire de Bercy cherche à se positionner sur ces sujets, c’est qu’il est convaincu qu’ils constituent les principales voies pour faire baisser le chômage dans l’Hexagone, alors que celui-ci commence à montrer des signes préoccupants avec une légère remontée ces derniers mois et que l’activité économique fait du surplace.

Le plein emploi est la priorité affichée du gouvernement pour 2024. Elisabeth Borne a ainsi demandé à certains ministres de lui faire remonter des propositions. Mais le problème n’est pas seulement économique ou sociale mais aussi culturel. C’est l’ensemble du rapport à la formation et au travail qu’il faut remettre sur le tapis mais en concertation avec les partenaires sociaux et non de manière technocratique, morceau par morceau ; ce qui conduit nécessairement à des contradictions. Exemple les séniors dont on règle la question des retraites avant d’étudier leurs conditions d’emploi.

Les inactifs ne sont pas responsables cependant de cette insuffisance de qualification. C’est le système scolaire lui-même qui a voulu pousser à peu près tous les jeunes vers des études supérieures générales au détriment des qualifications techniques et professionnelles.

Les syndicats sortir de leur zone de confort et de la seule posture de défense des acquis pour co construire une stratégie économique et sociale cohérente, partagée et à la hauteur des handicaps du pays en particulier en matière de compétitivité et de taux d’activité.

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