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Social grand âge: « Bien vieillir » : une loi bâclée

Social grand âge: « Bien vieillir » : une loi bâclée

Le gouvernement et la majorité ne cessent de repousser sans cesse le grand débat concernant le financement de la dépendance liée à l’âge. Du coup pour faire semblant de combler le vide, on a en toute hâte bâcler l’adoption d’une loi intitulée « bien vieillir ». En fait, une disposition réglementaire sur des mesures très accessoires qui portent sur la lutte contre l’isolement des personnes âgées et un dispositif pour signaler les cas de maltraitance.

Seuls les groupes PCF et LFI ont voté contre, LR ne participant pas au vote. Dans ses explications de vote, la députée LFI Martine Étienne a dénoncé une loi qui se résume à une « succession de mesurettes, de fausses bonnes idées et d’effets d’annonce » masquant « l’inaction [du gouvernement] sur la question de l’autonomie ».

Pour LR, Ian Boucart a dit ne vouloir voter ni pour ni contre une loi « sympathique » et avec même quelques « petites avancées », mais qui « se contente à ce stade de bonnes intentions », loin du grand texte promis au début de son premier quinquennat par Emmanuel Macron. Il a rappelé que l’examen de la loi avait été interrompu en avril, pour ne reprendre que sept mois plus tard, ce qui « en dit beaucoup sur la priorité qu’accorde la majorité à cette question ».

Mathématiques à l’école : dès le plus jeune âge

Mathématiques à l’école : dès le plus jeune âge

Compte tenu du niveau global particulièrement décevant actuellement la coordinatrice du Collectif Maths&Sciences, Mélanie Guenais, estime nécessaire de renforcer la formation en sciences dès le plus jeune âge.(Dans une interview du Figaro)

Coordinatrice du Collectif Maths&Sciences et vice-présidente de la Société Mathématique de France, Mélanie Guenais est maîtresse de conférences en mathématiques.

Le ministère de l’Éducation nationale a annoncé dimanche le retour d’un enseignement des mathématiques «obligatoire » à la rentrée 2023 pour tous les lycéens de la filière générale dès la classe de première, soldant l’une des mesures les plus controversées de la réforme Blanquer. Selon vous, est-ce suffisant pour enrayer le déclin du niveau des élèves en maths?

Mélanie GUENAIS. – Les évaluations qui montrent une baisse de niveau des élèves (Timss 2019 par exemple) concernent les classes de CM2 et de 4e. Par conséquent, une action sur le lycée n’a pas d’incidence sur le niveau d’élèves plus jeunes. Donc, s’il y a une influence, c’est avec beaucoup de décalage, parce que la formation en première pourra impacter le niveau de compétences des futurs enseignants de l’école et du collège, mais dans au moins sept ans. De plus, seuls les professeurs d’école seront concernés parce que les futurs profs de maths seront parmi ceux qui garderont la spécialité maths, enfin, je l’espère.

Pour les futurs profs d’école, il y a actuellement environ deux tiers des enseignants qui ont eu un bac S ou ES, avec un fort enseignement de maths au lycée (trois ou quatre heures en 1e et entre quatre et huit heures en terminale). Nous voyons bien qu’une heure et demie de math en première ne compense pas du tout ce qu’il y avait avant comme formation pour ces enseignants. Même les élèves de L avaient deux heures de maths jusqu’en terminale jusqu’en 2010. Donc actuellement, très peu d’enseignants n’ont pas fait de maths depuis la seconde: ce sont seulement ceux qui ont eu un bac L, et qui ont moins de 30 ans.


D’après le rapport du comité de consultation sur la place des maths au lycée du 21 mars 2022, les maths seront intégrées dans l’enseignement scientifique. Quel regard portez-vous sur ce choix? Risque-t-on de perdre l’ensemble des dimensions de la discipline?

La question de ce que sont les mathématiques est complexe. Les mathématiques sont en effet un outil indispensable pour la pratique des sciences qui sont très nombreuses et en lien avec les problèmes de la vie quotidienne: les sciences physiques et la technologie bien sûr, l’informatique et la gestion des données, les problèmes de l’intelligence artificielle, mais aussi tout ce qui concerne la modélisation et les statistiques: modèle de climat, gestion des ressources liées à l’écologie et aux géosciences, modèles d’épidémie ou de dynamique de population liés à la santé et la biodiversité, des statistiques liées à l’économie et la sociologie, la psychologie, les sciences du sport. Ce ne sont que des exemples parmi les multitudes de sujets que nous avons à traiter. En ce sens, voir qu’il y a des mathématiques dans un enseignement scientifique est intéressant. En revanche, les exemples cités nécessitent une bonne maîtrise des mathématiques, ils sont de haut niveau. Il est possible d’en donner des idées générales, une sorte de culture scientifique qui montre des liens mais pas vraiment de travailler les savoir-faire. C’est un autre objectif. Il sera difficile de faire pratiquer aux élèves de manière efficace les mathématiques dans ces contextes. Il n’est donc pas évident dans ce cadre de pouvoir garder une cohérence avec l’enjeu de la consolidation des automatismes en mathématiques.

Ceux voulant autant de sciences qu’avant en 1e S doivent avoir trois choix de sciences: maths et deux sciences. En terminale on en abandonne une, d’où le problème pour ceux briguant les filières avec des sciences, dont les maths.

Par ailleurs, les mathématiques ne sont pas seulement des outils, elles sont aussi travaillées pour elles-mêmes, c’est cela qui leur donne leur transversalité: un même objet mathématique peut apparaître dans des contextes très différents, et a priori sans rapport si nous ne connaissons pas le «modèle mathématique». Par exemple, au début on n’écrivait pas de la même manière les nombres selon qu’on parlait d’une quantité de grains ou de bétail. Utiliser la même écriture indépendamment des objets, c’est déjà penser les nombres comme une abstraction mathématique et on peut travailler dessus sans lien avec le concret. Il est donc nécessaire de travailler les mathématiques aussi en dehors d’un contexte appliqué aux sciences: sous d’autres formes qui peuvent être concrètes ou non, qui peuvent se traduire par des jeux, avec une réflexion sur la stratégie et un travail sur le raisonnement, ou par des liens avec des disciplines artistiques comme le dessin, l’origami, l’architecture, la poésie. Pour résumer, je dirais que si l’enseignement des maths est intégré dans l’enseignement scientifique, alors nous risquons d’arriver à des contenus qui, ou bien ne donneront qu’une vision partielle de ce que sont les maths, ou bien manqueront de cohérence d’ensemble.

L’option maths complémentaires, actuellement réservée aux élèves ayant suivi la spécialité maths, va s’ouvrir à tous. Quelles conséquences pour les élèves à profils scientifiques polyvalents?

Aujourd’hui, les élèves choisissent trois spécialités en première, et ceux qui veulent avoir autant de sciences qu’avant en 1e S doivent avoir trois choix de sciences: maths et deux sciences, souvent physique et SVT, ou physique et NSI. Mais en terminale il faut abandonner l’une des trois, et cela pose un problème pour les élèves qui veulent aller dans les filières dans lesquelles vont être travaillées plusieurs sciences, dont les maths: c’est le cas des géosciences par exemple, ou de la santé ou de la biologie qui allient SVT, physique et maths. Nous conseillons donc à ces élèves d’abandonner la spécialité maths et de choisir l’option maths de trois heures, qui est la seule solution pour garder ces trois disciplines. C’est le même problème avec les profils d’élèves qui souhaitent aller en économie et gestion: souvent, ils souhaitent avoir SES, maths et HGGSP ou anglais, et donc ils abandonnent la spécialité maths pour suivre MC. Pour résumer, cette option est présentée pour accéder à des formations scientifiques même si le volume de formation est faible pour être à l’aise dans certaines formations. Je pense aux classes préparatoires BCPST par exemple.

Mais si cette option est accessible pour tous les élèves qui ne suivent qu’une heure et demie de maths, alors ceux-ci risquent de se mettre en difficulté avec cet enseignement destiné aux élèves qui avaient fait spécialité maths en 1e. Donc il y a un risque de voir les contenus et les attendus diminuer, et dans ce cas, ce sera contradictoire avec l’idée qu’il s’agit d’un enseignement pour poursuivre des études scientifiques. Nous risquons de mettre tout le monde en difficulté dans cette option: soit c’est trop difficile pour ceux qui n’ont fait qu’une heure et demie en première, soit ceux qui vont en sciences l’année d’après seront en difficulté dans leurs études supérieures parce qu’ils n’auront pas assez approfondi les prérequis mathématiques pour l’accès aux formations.

Faire une épreuve anticipée en fin de première, et proposer deux niveaux de cours éviterait l’abandon précoce des mathématiques, ce qui donnerait une bonne visibilité pour les dossiers Parcoursup pour l’accès au supérieur.

Le gouvernement a aussi annoncé des objectifs chiffrés pour le taux de filles en maths et en sciences au lycée. Faut-il y voir une forme de discrimination positive? Est-ce une bonne manière de pousser les filles à se tourner vers les sciences?

Je pense que ces objectifs chiffrés ne sont pas du tout réalistes car ils ne reposent sur aucune proposition concrète qui permette de remonter le taux de filles de manière significative dans les classes de maths ou les parcours scientifiques pour les prochaines années. De la discrimination positive serait totalement contreproductive vu le système de choix. Imposer quoi que ce soit me semble douteux, c’est ce que dit le ministre aussi, heureusement. Certains dispositifs pourraient avoir un impact, et pas que pour les filles, parce que les milieux défavorisés socialement ou au niveau des territoires sont aussi concernés par ce problème: le principal résiderait dans une formation massive des équipes encadrantes aux stéréotypes de genre et sociaux. Mais c’est un dispositif de long terme, c’est-à-dire sur plus de dix ans. Les autres dispositifs, comme les rôles modèles ne font pas l’unanimité sur leur efficacité, et mobilisent de toute manière de nouveau les femmes scientifiques, minoritaires dans leur métier, sur leur temps de travail ou de leur vie privée. Cela suppose que ces actions doivent être financées et compensées à la hauteur de l’engagement que ces personnes devraient fournir pour avoir un impact. Il faut rappeler qu’une personne cadre scientifique dans le privé ou dans l’académique n’a pas de raison de travailler gratuitement pour pallier les effets pervers d’une réforme dont tous les acteurs de terrain avaient dénoncé les problèmes. Même les lycéens avaient manifesté leur opposition, c’était juste avant le Covid.

Pour résumer, en l’état actuel du système, il n’y a aucune chance d’obtenir la parité dans quatre ans dans les classes de maths. En terminale, le ministère de l’Éducation nationale dit que les filles sont 38 % en 2022, ce qui est encore une baisse par rapport à 2021 (39,6 %), et c’est absolument catastrophique. Sans changement radical de l’organisation, il n’y aura aucun effet permettant de retrouver rapidement le niveau des TS, où elles étaient arrivées à 47,5 %. Rappelons que les filles scientifiques de TS étaient 94.000 en 2019, elles ne sont plus que 36.000 avec des mathématiques en spécialité en 2021, et peut-être encore moins en 2022.


Que préconisez-vous pour améliorer l’enseignement en maths en France?

Vaste question. Nous pouvons distinguer cependant deux types de leviers à court terme ou à long terme. Ceux qui permettent des changements à court terme sur un ou deux ans sont les changements de structure, qui changent l’organisation du lycée. Il n’y en a aucun autre d’aussi rapide. C’est bien ce que nous avons vu avec les grands changements depuis la réforme. Dans ce cadre, pour faire remonter significativement la part des filles en maths et annuler l’abandon massif en première, une possibilité serait de traiter les maths et le français de la même manière. Nous pourrions alors faire une épreuve anticipée en fin de première, et proposer deux niveaux de cours pour ne pas décourager les élèves en difficulté et prendre du temps avec eux. Cela éviterait l’abandon précoce qui commence même dès le collège puisqu’il n’y a pas de note au bac. Cela donnerait une bonne visibilité pour les dossiers Parcoursup pour l’accès au supérieur. Il y aurait plus de filles dans les cours de maths de niveau avancé, qui pourrait être l’analogue de l’actuelle spécialité maths, car nous constatons actuellement un détournement de nombreuses filles qui ont pourtant un très bon niveau en seconde, peut-être parce qu’elles ont plus de choix et ont envie de voir de nouvelles choses. Un autre effet à court terme pourrait être de pouvoir garder les trois spécialités en terminale, même en imaginant deux majeures et une mineure, pour pouvoir choisir sa mineure. De cette manière, il y aurait moins d’abandon des maths en terminale, et plus de filles car les filières concernées sont très largement féminisées.

Il est aussi nécessaire d’agir sur le long terme pour pouvoir remonter le niveau des élèves et lutter contre les inégalités qui sont très fortes dans notre système scolaire. Pour cela, des actions de formation aux stéréotypes sont indispensables, l’amélioration de la transparence de l’impact des choix sur l’orientation et des réflexions importantes sur la formation initiale et continue de tous les enseignants, y compris les contractuels doivent être mises en place. Certains dispositifs ont déjà été lancés lors des dernières années par le ministère de l’Éducation nationale. Ils semblent aller dans la bonne direction, mais il semble important de les évaluer pour mesurer leur efficacité. Cela permettrait de les améliorer et les soutenir dans le temps.

Enfin, il y a une réflexion générale à mener sur la place des sciences dans notre société, dont on dit partout qu’elles sont de plus en plus indispensables pour comprendre notre monde en pleine transformation. Mais alors, quel message notre lycée envoie-t-il aux élèves lorsque le socle minimum de sciences ne représente que 12% de la formation en première et 7% en terminale ? Est-ce cela le véritable poids des sciences dans la société ? Il est essentiel de réfléchir à l’image des sciences que le système actuel du lycée envoie vers ses élèves, en pleine contradiction avec nos besoins pour l’avenir. Alors que trop peu d’élèves s’orientent vers les études scientifiques, cette image est un frein majeur à la valorisation des sciences. Il est indispensable et urgent d’y remédier.

Toujours dans l’attente du plan grand âge

Toujours dans l’attente du plan grand âge

Le gouvernement ne semble pas avoir pris la mesure du défi que représente l’explosion à venir du nombre de personnes âgées de plus de 75 ans, estime Luc Broussy, responsable du cercle de réflexion Matières grises, dans une tribune au « Monde ». Il prône des investissements massifs.

« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs », s’exclamait Jacques Chirac au Sommet de la Terre à Johannesburg, en 2002. Vingt ans plus tard, il serait tout aussi légitime d’ajouter : « Notre maison vieillit et nous regardons ailleurs », tant la certitude du réchauffement climatique n’a d’égale que l’inéluctabilité du vieillissement de la population.

S’il est impossible de prévoir le niveau des taux d’intérêt à six mois ou la météo à huit jours, on connaît en revanche à la virgule près le nombre de personnes qui seront âgées de 85 ans et plus en 2050. Et pour cause : les baby-boomeurs nés entre 1945 et 1965 sont potentiellement les nonagénaires des années 2035-2055.

Mais tous les « vieux » ne le seront pas au même moment et dans les mêmes conditions. Alors que le nombre de « 85 ans et plus » stagne peu ou prou entre 2020 et 2030, il succédera à cette étape de plaine une véritable « Alpe-d’Huez » démographique, puisque les « 85 ans et plus » passeront brutalement entre 2030 et 2050 de 2,5 millions à 4,8 millions – soit une hausse de + 85 % en vingt ans. Du jamais-vu dans l’histoire humaine !

D’autant que durant l’actuelle décennie 2020-2030, un autre défi se joue : celui de l’explosion des « 75-84 ans », dont le nombre va croître de 4 millions à 6 millions d’ici à 2030 (+ 50 %). Là encore, un phénomène tout à fait inédit dans son ampleur.

A ces deux périodes – avant et après 2030 – et à ces deux phénomènes démographiques – explosion du nombre des « 75-84 ans », puis des « 85 ans et plus » – correspondent deux types de politiques publiques.

Horizon 2030

La première consiste à permettre aux « 75-84 ans » de conserver le plus longtemps possible leur autonomie en bénéficiant d’un logement adapté (10 000 seniors meurent chaque année de chutes domestiques, d’où la bonne nouvelle du lancement en janvier 2024 de MaPrimeAdapt’), en sauvegardant des liens sociaux (500 000 personnes âgées vivent dans une situation d’isolement et de « mort sociale »), en évoluant dans un environnement urbain bienveillant (transports et mobilier urbain adaptés, voirie sécurisée, accès aux commerces, aux résidences seniors ou à un habitat inclusif…).

La seconde nécessite d’anticiper à l’horizon 2030 les solutions permettant de faire face aux défis de la dépendance : création d’établissements et de services, embauche de personnels supplémentaires, meilleure solvabilisation des bénéficiaires et des aidants… Dans ce domaine, une loi de programmation – que le député (Parti socialiste) Jérôme Guedj a proposée récemment à.

Quel rapport entre âge de la retraite et santé


Quel rapport entre âge de la retraite et santé

En attendant l’examen des amendements portant sur le recul de l’âge légal de 62 à 64 ans, les députés d’opposition ont fait échec à la proposition gouvernementale de création d’un index senior, au grand dam des ministres en charge du dossier. L’idée était d’obliger les entreprises à publier leurs statistiques d’embauche de salariés en fin de carrière pour les inciter à embaucher ou garder en emploi des salariés plus âgés, sans toutefois les y contraindre, en réponse à des craintes pour l’emploi des seniors. Des participants au débat, pensifs quant à l’utilité du dispositif, ont notamment avancé que les travailleurs seniors ont un risque assez élevé de se retrouver en congés maladie de longue durée ou en situation d’invalidité.

C’est sur ce point que nos travaux récents ont porté, proposant une évaluation des effets de la réforme de 2010 sur les absences maladie des seniors.
Une équation financière pas systématiquement positive

La principale mesure de cette réforme avait été l’augmentation de 2 ans des âges légaux, d’ouverture des droits comme d’annulation de la décote. Ils sont passés respectivement de 60 et 62 à 62 et 64 ans, et ce, dans un délai remarquablement court, 5 ans.

Étaient visées une réduction de la charge des pensions et une augmentation du taux d’activité des seniors pour limiter le déficit des caisses d’assurance-retraite. Le nouveau texte a, de fait, induit une augmentation des taux d’activité des seniors. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), la proportion des personnes âgées de 60 ans en emploi s’est accrue de 17 points de pourcentage pour les hommes et de 16 points pour les femmes tandis que la proportion au chômage s’est accrue de 7 et 6 points de pourcentages, respectivement.

En fin de carrière, cette hausse du chômage est même mesurée à 13 points de pourcentages par d’autres études. Combiné à une hausse de l’invalidité de 6 points, cela pèse sur les régimes d’assurance sociale alternatifs à la retraite. La Cour des comptes n’a pas manqué de le relever dans un rapport de 2019. Elle pointe une croissance notable des dépenses pour le risque maladie : dans les années qui ont suivi la réforme, le coût des indemnités journalières liées à l’absence pour maladie a augmenté en moyenne chaque année de 4,2 % pour atteindre 8 milliards d’euros en 2017. Une part non négligeable de cette hausse est attribuée au vieillissement de la population des salariés.

En même temps qu’elle prolonge la durée de cotisations à l’assurance-retraite, l’allongement de la vie semble en même temps augmenter, dans une moindre mesure toutefois, d’autres dépenses. Au-delà d’un enjeu financier pour des organismes publics, c’est aussi, pour les entreprises, des absences plus fréquentes de salariés qu’il leur faut pallier.
Des arrêts maladie plus fréquents, plus longs et plus nombreux après 60 ans

Pour le documenter, nous avons, dans nos travaux, mobilisé une base de données administratives dans laquelle les mêmes individus sont suivis sur plusieurs années : le panel Hygie sur la période 2005-2015, mis en place par l’Irdes après un appel d’offres de la Drees, direction statistique du ministère de la Santé. Il combine des données administratives de la Caisse nationale de l’assurance vieillesse avec celles de la Caisse nationale de l’assurance maladie.
Pour mesurer l’impact d’un décalage de l’âge légal de départ sur la fréquence des absences maladie, il faudrait pouvoir observer ce qui se serait passé chez ceux qui ont pu prendre leur retraite à 60 ans s’ils avaient travaillé jusqu’à l’âge 62 ans, ce qui est impossible. On peut néanmoins trouver moyen de trouver une approximation pour cet élément de comparaison que l’on appelle, en statistique, le contre-factuel.

En comparant les toutes premières générations concernées par la retraite à 62 ans (les individus nés entre 1952 et 1954) avec les toutes dernières à y avoir échappé (1946-1951), on peut ainsi réduire un certain nombre de biais. On peut en effet supposer plus de ressemblance entre la trajectoire réelle des individus nés en 1952 avec celle, fictive, des individus nés en 1950 que si l’on comparait les générations 1940 et 1958.
L’idée est la suivante. Avec des départs en retraite, une génération voit logiquement le nombre d’individus concernés par un ou plusieurs arrêts maladie chuter (puisqu’on n’est pas arrêté pour maladie lorsque l’on est retraité). Cela survient à 60 ans avant l’entrée en vigueur de la réforme de 2010, à 62 ans après. Si l’on compare donc nos deux groupes entre 60 et 62 ans, l’un aura connu cette chute et pas l’autre. La différence s’expliquera donc a priori largement par un décalage de l’âge légal.

La méthode dite de « régression avec discontinuité ». Author provided
Pour rendre les deux groupes aussi comparables que possible du point de vue de leurs caractéristiques individuelles, toute autre que l’âge de départ en retraite, on va également tenir compte de ces dernières dans nos calculs. Parmi ces caractéristiques figurent le salaire des individus, le temps qu’ils ont passé au chômage durant l’ensemble de la carrière ou encore leur catégorie socioprofessionnelle.

Nous avons ainsi pu mettre en regard entre nos deux groupes, la probabilité de connaître au moins un arrêt de travail sur une année, la durée annuelle cumulée d’arrêts-maladie et le nombre d’épisodes d’arrêts-maladie dans l’année d’observation. Les analyses économétriques confirment bien que la hausse de l’âge d’ouverture des droits explique une large part de l’augmentation significative de la probabilité, après 60 ans, d’être arrêté pour maladie sur une année de l’ordre de 1,7 point de pourcentage. Le nombre annuel cumulé de jours d’arrêt augmenterait, lui, d’un peu plus d’un jour et le nombre annuel d’arrêts maladie, de 0,02.

De manière générale, une grande hétérogénéité apparaît au-delà de ces moyennes. Il s’avère notamment que la réforme des retraites de 2010 a effectivement eu un effet plus fort sur la probabilité d’arrêt pour les individus considérés en mauvaise santé et ayant connu des événements de santé comme les accidents de travail et maladies professionnelles conduisant à des absences maladie de longue durée par le passé (hausse de 2,2 points de pourcentage contre 1,2 point de pourcentage pour ceux en bonne santé). L’effet de la réforme sur le nombre de jours annuel de maladie est également plus important pour ces individus en mauvaise santé avant le report de l’âge légal d’ouverture des droits entraînant une augmentation de 1,8 jour environ.
Les différences semblent, en outre, plus marquées pour les femmes que pour les hommes s’agissant de la probabilité d’arrêt ou du nombre d’épisodes d’arrêt. Elles restent toutefois moins importantes en ce qui concerne le nombre annuel de jours d’arrêt.

Pareilles observations suggèrent l’importance pour des projets d’évolution des paramètres de retraite, comme la réforme en débat actuellement, de mesures permettant de tenir compte de l’hétérogénéité des situations parmi la population active, avec une prise en compte de la pénibilité et de l’état de santé des salariés. Cela peut passer par des mesures de prévention, une amélioration des conditions de travail ou par une possibilité laissée aux salariés fragilisés par leur état de santé ou par leur parcours professionnel d’accéder à la retraite plus tôt. Il pourrait aussi s’agir d’assouplir le temps de travail des seniors, avec des possibilités de départs progressifs à la retraite, et de les affecter aux postes les moins pénibles.

Rappelons enfin qu’un recul de l’âge de départ n’influence pas seulement les absences maladie des seniors : il induit également un effet de déversement vers d’autres dispositifs alternatifs de protection sociale tels que le chômage ou l’invalidité. Seule la prise en compte de l’ensemble de ces effets éclairerait le décideur public quant à l’ensemble des retombées de réformes telles que celle actuellement en débat.

dans the Conversation par
Mohamed Ali Ben Halima
Maître de conférences, économiste santé au travail, MESuRS, CEET, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)

Ali Skalli
Maître de conférences de sciences économiques, Laboratoire d’Economie Mathématique et de Microéconomie Appliquée (LEMMA), Université Paris 2 Panthéon-Assas

Malik Koubi
Chercheur associé au Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET), Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)

Cerveau: on peut apprendre à tout âge

Cerveau: on peut apprendre à tout âge

par Alice Latimier, Laboratoire de sciences cognitives et psycholinguistique, École normale supérieure (ENS) – PSL dans the Conversation


À 55 ans, Philippe a retrouvé du temps pour lui, depuis que ses enfants ont quitté la maison. Pourquoi n’apprendrait-il pas enfin le piano, comme il en a toujours rêvé ? Mais à 55 ans, se dit-il, je ne suis plus capable d’apprendre, je suis trop vieux et mon cerveau n’est plus aussi performant qu’à 20 ans… Nathalie, elle, a 30 ans. Pour son évolution de carrière, elle doit choisir entre un poste en Allemagne, qui ne l’attire pas vraiment, et un autre en Espagne, qu’elle juge formidable. J’aurais dû faire espagnol au lycée, regrette-t-elle, c’est trop tard aujourd’hui pour se mettre à une nouvelle langue.

Ce sentiment d’être trop vieux pour apprendre quoique ce soit de nouveau, beaucoup de personnes l’éprouvent. Mais est-il justifié ? Y a-t-il effectivement une limite d’âge à partir de laquelle notre cerveau n’est plus capable d’apprendre à jouer d’un instrument ou à parler une nouvelle langue ?

Apprendre, c’est en réalité l’activité de toute une vie. Dès le plus jeune âge, notre cerveau mobilise une grande partie de ses fonctions (attention, mémoire, vision/audition, motricité…) pour que nous puissions acquérir de nouveaux savoirs et savoir-faire. Quels sont les mécanismes qui nous permettent d’apprendre ? Et comment évoluent-ils avec le temps ?

Des connexions entre les neurones renforcées ou diminuées

L’apprentissage est un processus cognitif dynamique qui se déroule en deux étapes : l’acquisition d’une nouvelle information et son stockage en mémoire. Le résultat d’un apprentissage est en quelque sorte l’empreinte qui reste dans notre cerveau après que l’on ait vécu une expérience. Plus précisément, les neurones concernés par cette expérience ou l’acquisition d’une nouvelle information changent la manière dont ils dialoguent entre eux : leurs connexions (les synapses) se voient renforcées ou diminuées.

Parfois, la dynamique de nos apprentissages conduit purement et simplement à l’élimination de certaines connexions neuronales qui n’ont plus lieu d’être au profit d’autres connexions plus « utiles ». On parle, de manière imagée, d’un « élagage » synaptique (pruning en anglais), comme pour un arbre dont on coupe les branches encombrantes. Il se produit principalement durant l’enfance et ce grand chamboulement qu’est l’adolescence.

Ces modifications à l’échelle des neurones, en lien avec ce que nous apprenons, sont particulièrement intenses pendant l’enfance, alors même que nous acquérons une grande quantité de connaissances et développons de nouvelles compétences comme voir, toucher, marcher ou parler. Elles ont un impact à l’échelle du cerveau tout entier, en participant à la transformation des différents réseaux de neurones.

Une dynamique qui change la structure de notre cerveau
Les apprentissages laissent donc dans notre cerveau une trace physique de leur survenue, et cette dynamique s’appelle la plasticité cérébrale. La découverte de ce mécanisme par les neuroscientifiques a permis de comprendre une chose essentielle : rien n’est figé dans notre cerveau !

La plasticité cérébrale permet de remodeler le cerveau en permanence selon nos apprentissages. Ce remodelage est non seulement relativement rapide mais réversible. En effet, une équipe de chercheurs a trouvé que certaines régions du cerveau chez de jeunes adultes présentaient des modifications structurelles importantes après trois mois d’apprentissage à la jonglerie, par rapport à des personnes n’ayant pas suivi cet apprentissage ; et ces modifications disparaissaient quelques semaines après l’arrêt de cette activité. Voilà pourquoi les artistes s’entraînent tous les jours !

Nous sommes en quelque sorte « programmés » pour apprendre. L’organisation de notre cerveau peut s’adapter et se reconfigurer à tout moment, en fonction des expériences que nous vivons dès le plus jeune âge.

Il n’y a pas d’âge pour apprendre une nouvelle langue

Certaines périodes de la vie sont plus propices à certains apprentissages. La recherche en psychologie du développement a ainsi déterminé des « fenêtre temporelles » qui correspondent à des périodes durant lesquelles le cerveau a une capacité particulière à recevoir les informations de l’environnement. Par exemple, l’acquisition de la langue maternelle a fait l’objet de nombreuses études, et il semble qu’il existerait une fenêtre temporelle particulièrement propice à l’acquisition du langage. D’où cette idée répandue – à tort – que plus on vieillit, plus il est difficile d’apprendre une seconde langue. Même s’il semble en effet y avoir une période clé pour l’acquisition de la langue maternelle, c’est beaucoup moins clair pour une seconde langue.

Apprendre à parler une langue étrangère, à jouer d’un instrument, ou se lancer dans la peinture : la plasticité de notre cerveau nous le permet, quelque soit notre âge. Jules Zimmermann/Cog Innov, CC BY-NC-SA
L’équipe de Ana Ines Ansaldo, chercheuse en psychologie à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal (Canada), s’est intéressé à l’apprentissage d’une seconde langue chez des personnes adultes. Les chercheurs ont demandé à des non-hispanophones, un groupe de jeunes adultes et un groupe de personnes de plus de 65 ans, d’apprendre 100 mots en espagnol sur une période de trois semaines. Lors d’un test à l’issue de cet entraînement, les personnes âgées ont obtenu des temps de réponse et des nombres de bonnes réponses comparables aux jeunes adultes, montrant que les deux groupes ont des performances d’apprentissage similaires.

Et ce qui vaut pour le langage et les connaissances déclaratives (explicites) vaut aussi pour les connaissances procédurales (implicites, en lien avec les gestes et les mouvements). Ainsi, l’expérience de jonglage citée précédemment a été répliquée pour comparer, cette fois, la performance des personnes âgées par rapport aux jeunes. Les performances finales sont moindres chez les personnes âgées, cependant le même phénomène de plasticité a été observé. Autrement dit, l’apprentissage du jonglage a été moins efficace chez elles, mais les traces cérébrales de cet apprentissage sont bel et bien présentes.

Certaines compétences sont modifiées par le vieillissement normal du cerveau. Un apprentissage plus long peut être nécessaire pour compenser l’effet de l’âge. Mais le mécanisme de plasticité cérébrale permettant d’apprendre est présent toute la vie.

Un apprentissage plus long chez les personnes âgées

Plusieurs études ont mesuré les conséquences du vieillissement cognitif en utilisant une combinaison de tests de performance mentale. Leurs résultats montrent que les personnes plus âgées ont en moyenne des temps de réaction plus longs, une mémoire moins fiable, une perception sensorielle altérée, et elles ont plus de difficultés à résoudre des problèmes. Ces déficits mesurés en laboratoire seraient un frein à l’acquisition d’informations nouvelles.

Mais de telles études occultent une dimension importante de l’avancée en âge : l’accumulation des expériences au cours de la vie augmente la quantité de connaissances stockées dans le cerveau. En effet, cette accumulation d’expériences et la complexité des connaissances qui y sont associées sont plus importantes chez les personnes âgées. Ce qui rendrait plus difficile l’acquisition de nouvelles connaissances.

Cette expertise constituerait donc un handicap et expliquerait les résultats inférieurs des personnes âgées par rapport aux jeunes cerveaux. Mais pourrait-elle avoir certains bénéfices ?

L’expérience, un levier pour l’apprentissage

Dans l’expérience sur l’apprentissage de l’espagnol déjà citée, l’imagerie cérébrale des personnes âgées montre une activation particulière de certains réseaux de la mémoire qui n’est pas retrouvée chez les plus jeunes. Cette activation spécifique est celle de la mémoire dite « sémantique », qui stocke notamment les connaissances générales sur le monde. Dans le contexte d’un défi cognitif, comme apprendre une seconde langue, les personnes âgées font appel à leur expérience personnelle comme ressource cognitive en plus. Leur vécu plus fourni en expériences personnelles se révèle ainsi comme une aide à l’apprentissage.

En vieillissant, nous pouvons tirer profit de notre raisonnement plus affûté pour apprendre de nouvelles informations, même s’il est parfois plus lent à se mettre en route. Le recrutement spécifique de certaines régions du cerveau chez les personnes âgées lors d’un apprentissage nouveau serait le reflet de cet appel à l’expertise.

Il ne faut pas pour autant minimiser le vieillissement cérébral. Celui-ci est bien réel, comme le montre notamment la diminution mesurable de l’épaisseur du cortex, et les modifications de certaines performances mentales. Cependant, ces dernières sont à nuancer car les tests psychométriques ne tiennent pas compte de la richesse de l’expérience humaine, ni de la façon dont la connaissance augmente avec l’expérience.

La plasticité du cerveau « s’entretient »

« L’entretien » de notre cerveau semble jouer un rôle clé pour le maintien de sa plasticité entre 30 et 60 ans. Cette capacité est affaiblie si et seulement si nous cessons d’apprendre et de maintenir un état de curiosité à la nouveauté. Le chercheur Pierre Marie Lledo, neuroscientifique à l’institut Pasteur, explique qu’une combinaison de facteurs peut être bénéfique pour le maintien de cette plasticité incluant l’activité physique, peu de stress, ne pas consommer de psychotropes, et avoir des relations sociales en plus d’une activité cognitive régulière.

À tout âge, si les circonstances sont propices et en l’absence de pathologies neurologiques, apprendre par l’expérience reste la principale activité de notre cerveau au quotidien ! Même si les mécanismes de l’apprentissage sont moins performants à partir d’un certain âge en terme de vitesse d’acquisition, la plasticité cérébrale perdure toute la vie si nous maintenons notre esprit ouvert et actif pour de nouvelles expériences. Contrairement à ce que la recherche a longtemps pensé, nous ne sommes pas enfermés dans un déterminisme biologique qui nous permettrait d’apprendre seulement jusqu’à un certain âge.

Donc, du point de vue du fonctionnement du cerveau, rien n’empêche Philippe d’apprendre le piano à 55 ans, ni Nathalie d’apprendre l’espagnol à 30 ans. Leur vécu personnel et leur désir d’apprendre seront d’ailleurs des clés dans leur apprentissage.

À l’horizon 2070, le nombre de personnes âgées de plus de 75 ans devrait doubler et atteindrait alors 13 millions en France, selon l’Insee. Quelle place allons-nous donner aux seniors dans cette société vieillissante ? Allons-nous cantonner cette partie importante de la population à vivre dans son passé et ses souvenirs, ou bien la considérer pour ce qu’elle est, capable d’évoluer et d’apprendre ? Les données de la recherche en sciences cognitives peuvent servir d’outils concrets pour rendre la formation accessible tout au long de la vie.

Age de la retraite et santé

Age de la retraite et santé

En attendant l’examen des amendements portant sur le recul de l’âge légal de 62 à 64 ans, les députés d’opposition ont fait échec à la proposition gouvernementale de création d’un index senior, au grand dam des ministres en charge du dossier.
L’idée était d’obliger les entreprises à publier leurs statistiques d’embauche de salariés en fin de carrière pour les inciter à embaucher ou garder en emploi des salariés plus âgés, sans toutefois les y contraindre, en réponse à des craintes pour l’emploi des seniors. Des participants au débat, pensifs quant à l’utilité du dispositif, ont notamment avancé que les travailleurs seniors ont un risque assez élevé de se retrouver en congés maladie de longue durée ou en situation d’invalidité.

C’est sur ce point que nos travaux récents ont porté, proposant une évaluation des effets de la réforme de 2010 sur les absences maladie des seniors.
Une équation financière pas systématiquement positive

La principale mesure de cette réforme avait été l’augmentation de 2 ans des âges légaux, d’ouverture des droits comme d’annulation de la décote. Ils sont passés respectivement de 60 et 62 à 62 et 64 ans, et ce, dans un délai remarquablement court, 5 ans.

Étaient visées une réduction de la charge des pensions et une augmentation du taux d’activité des seniors pour limiter le déficit des caisses d’assurance-retraite. Le nouveau texte a, de fait, induit une augmentation des taux d’activité des seniors. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), la proportion des personnes âgées de 60 ans en emploi s’est accrue de 17 points de pourcentage pour les hommes et de 16 points pour les femmes tandis que la proportion au chômage s’est accrue de 7 et 6 points de pourcentages, respectivement.

En fin de carrière, cette hausse du chômage est même mesurée à 13 points de pourcentages par d’autres études. Combiné à une hausse de l’invalidité de 6 points, cela pèse sur les régimes d’assurance sociale alternatifs à la retraite. La Cour des comptes n’a pas manqué de le relever dans un rapport de 2019. Elle pointe une croissance notable des dépenses pour le risque maladie : dans les années qui ont suivi la réforme, le coût des indemnités journalières liées à l’absence pour maladie a augmenté en moyenne chaque année de 4,2 % pour atteindre 8 milliards d’euros en 2017. Une part non négligeable de cette hausse est attribuée au vieillissement de la population des salariés.

En même temps qu’elle prolonge la durée de cotisations à l’assurance-retraite, l’allongement de la vie semble en même temps augmenter, dans une moindre mesure toutefois, d’autres dépenses. Au-delà d’un enjeu financier pour des organismes publics, c’est aussi, pour les entreprises, des absences plus fréquentes de salariés qu’il leur faut pallier.
Des arrêts maladie plus fréquents, plus longs et plus nombreux après 60 ans

Pour le documenter, nous avons, dans nos travaux, mobilisé une base de données administratives dans laquelle les mêmes individus sont suivis sur plusieurs années : le panel Hygie sur la période 2005-2015, mis en place par l’Irdes après un appel d’offres de la Drees, direction statistique du ministère de la Santé. Il combine des données administratives de la Caisse nationale de l’assurance vieillesse avec celles de la Caisse nationale de l’assurance maladie.
Pour mesurer l’impact d’un décalage de l’âge légal de départ sur la fréquence des absences maladie, il faudrait pouvoir observer ce qui se serait passé chez ceux qui ont pu prendre leur retraite à 60 ans s’ils avaient travaillé jusqu’à l’âge 62 ans, ce qui est impossible. On peut néanmoins trouver moyen de trouver une approximation pour cet élément de comparaison que l’on appelle, en statistique, le contre-factuel.

En comparant les toutes premières générations concernées par la retraite à 62 ans (les individus nés entre 1952 et 1954) avec les toutes dernières à y avoir échappé (1946-1951), on peut ainsi réduire un certain nombre de biais. On peut en effet supposer plus de ressemblance entre la trajectoire réelle des individus nés en 1952 avec celle, fictive, des individus nés en 1950 que si l’on comparait les générations 1940 et 1958.
L’idée est la suivante. Avec des départs en retraite, une génération voit logiquement le nombre d’individus concernés par un ou plusieurs arrêts maladie chuter (puisqu’on n’est pas arrêté pour maladie lorsque l’on est retraité). Cela survient à 60 ans avant l’entrée en vigueur de la réforme de 2010, à 62 ans après. Si l’on compare donc nos deux groupes entre 60 et 62 ans, l’un aura connu cette chute et pas l’autre. La différence s’expliquera donc a priori largement par un décalage de l’âge légal.

La méthode dite de « régression avec discontinuité ». Author provided
Pour rendre les deux groupes aussi comparables que possible du point de vue de leurs caractéristiques individuelles, toute autre que l’âge de départ en retraite, on va également tenir compte de ces dernières dans nos calculs. Parmi ces caractéristiques figurent le salaire des individus, le temps qu’ils ont passé au chômage durant l’ensemble de la carrière ou encore leur catégorie socioprofessionnelle.

Nous avons ainsi pu mettre en regard entre nos deux groupes, la probabilité de connaître au moins un arrêt de travail sur une année, la durée annuelle cumulée d’arrêts-maladie et le nombre d’épisodes d’arrêts-maladie dans l’année d’observation. Les analyses économétriques confirment bien que la hausse de l’âge d’ouverture des droits explique une large part de l’augmentation significative de la probabilité, après 60 ans, d’être arrêté pour maladie sur une année de l’ordre de 1,7 point de pourcentage. Le nombre annuel cumulé de jours d’arrêt augmenterait, lui, d’un peu plus d’un jour et le nombre annuel d’arrêts maladie, de 0,02.

De manière générale, une grande hétérogénéité apparaît au-delà de ces moyennes. Il s’avère notamment que la réforme des retraites de 2010 a effectivement eu un effet plus fort sur la probabilité d’arrêt pour les individus considérés en mauvaise santé et ayant connu des événements de santé comme les accidents de travail et maladies professionnelles conduisant à des absences maladie de longue durée par le passé (hausse de 2,2 points de pourcentage contre 1,2 point de pourcentage pour ceux en bonne santé). L’effet de la réforme sur le nombre de jours annuel de maladie est également plus important pour ces individus en mauvaise santé avant le report de l’âge légal d’ouverture des droits entraînant une augmentation de 1,8 jour environ.
Les différences semblent, en outre, plus marquées pour les femmes que pour les hommes s’agissant de la probabilité d’arrêt ou du nombre d’épisodes d’arrêt. Elles restent toutefois moins importantes en ce qui concerne le nombre annuel de jours d’arrêt.

Pareilles observations suggèrent l’importance pour des projets d’évolution des paramètres de retraite, comme la réforme en débat actuellement, de mesures permettant de tenir compte de l’hétérogénéité des situations parmi la population active, avec une prise en compte de la pénibilité et de l’état de santé des salariés. Cela peut passer par des mesures de prévention, une amélioration des conditions de travail ou par une possibilité laissée aux salariés fragilisés par leur état de santé ou par leur parcours professionnel d’accéder à la retraite plus tôt. Il pourrait aussi s’agir d’assouplir le temps de travail des seniors, avec des possibilités de départs progressifs à la retraite, et de les affecter aux postes les moins pénibles.

Rappelons enfin qu’un recul de l’âge de départ n’influence pas seulement les absences maladie des seniors : il induit également un effet de déversement vers d’autres dispositifs alternatifs de protection sociale tels que le chômage ou l’invalidité. Seule la prise en compte de l’ensemble de ces effets éclairerait le décideur public quant à l’ensemble des retombées de réformes telles que celle actuellement en débat.

dans the Conversation par
Mohamed Ali Ben Halima
Maître de conférences, économiste santé au travail, MESuRS, CEET, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)

Ali Skalli
Maître de conférences de sciences économiques, Laboratoire d’Economie Mathématique et de Microéconomie Appliquée (LEMMA), Université Paris 2 Panthéon-Assas

Malik Koubi
Chercheur associé au Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET), Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)

Santé : le grand âge oublié

Santé : le grand âge oublié

 

Saluant l’annonce du ministre de la santé de mettre en place des consultations médicales gratuites aux trois âges de la vie (25, 45 et 65 ans), un collectif de gériatres demande également la mise en place d’une consultation de prévention à 85 ans. Selon eux, la prévention doit être poursuivie à tout âge.

 

Comment ne pas réagir face à une mesure qui oublie les plus âgés ?

Annoncées dimanche 18 septembre par le ministre de la santé, François Braun, les consultations médicales gratuites tous les vingt ans, aux trois âges de la vie, 25 ans, 45 ans et 65 ans, seraient mises en place dans le but de « renforcer le volet prévention du système de santé français ».

Pour les adultes âgés de 25 ans, il s’agira de faire le point sur les vaccins, leur activité physique et leur risque cardiovasculaire ; pour les 45 ans, le dépistage du cancer du sein, du côlon et de la prostate en plus de l’activité physique et de la santé mentale ; à 65 ans, la prévention d’autonomie, le dépistage des cancers et autres maladies.

Cette mesure qui met en avant une médecine de prévention trop souvent délaissée est une bonne mesure et nous la saluons. Mais qu’en est-il des plus âgés ? On ne vieillit plus en France après 65 ans ? Si nous suivons la logique de vingt ans entre chaque consultation ne devrait-il pas y avoir une consultation gratuite à 85 ans ?

En tant que gériatres, nous savons qu’il est possible de faire de la prévention passé 65 ans et qu’elle est utile (notamment pour les risques de chute, les troubles de la mémoire, la malnutrition, la dépression ou encore pour la vaccination contre la grippe, le pneumocoque, le zona, dont la prévention évite des complications parfois mortelles).

Et que dire de l’activité physique, qui, selon le ministre, disparaîtrait à la consultation des 65 ans alors que l’on sait très bien que, comme le lien social, elle est une composante essentielle du vieillissement en santé ! Soulignons enfin que la perte d’autonomie qui serait un « axe fort » lors de la consultation des 65 ans est loin d’être une priorité pour un senior actif qui, aujourd’hui, jongle entre la garde de ses petits-enfants, les loisirs, ses activités sociales et le soutien de ses parents qui, eux, ont atteint le vrai âge de la perte d’autonomie…

Alors devons-nous une nouvelle fois constater qu’il ne fait pas toujours bon vieillir en France ? Ne pas proposer une consultation après 65 ans est au mieux une méconnaissance des solutions aux problématiques liées au vieillissement de la population, au pire l’aveu que rien n’est prioritaire ou efficace dans le grand âge…

Démarrer un mandat avec un projet de loi aussi « âgiste » est un très mauvais signal envoyé à la population (c’est-à-dire aux 13,4 millions de personnes âgées de plus de 65 ans) et aux professionnels de santé qui œuvrent chaque jour dans le champ du vieillissement (qui ont encore du mal à digérer la promesse non tenue de la loi « grand âge »).

Écologie : combattre l’amnésie environnementale dès le plus jeune âge

Écologie : combattre l’amnésie environnementale dès le plus jeune âge

 

En changeant notre modèle anthropocentrique par une prise de conscience « écocentrique », nous dessinerons un monde en meilleure santé, où l’être humain fait partie intégrante de la nature qui l’entoure, expliquent les membres du collectif Tous dehors. Seule une approche systémique permettra le développement d’un lien humain-nature.

 

Un article intéressant mais qui ne pose pas le problème central de la sur-urbanisation et de la désertification du territoire qui favorisent le divorce entre l’environnement et les résidents. Une des vraies questions est en effet de répartir harmonieusement la population sur tout le territoire pour retrouver cet équilibre entre l’homme et la nature . NDLR

 

Amélie de Montchalin, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, a récemment appelé à la « mobilisation générale de tous les Français » pour faire « de l’écologie notre projet national ».

Mais comment faire, quand ce phénomène silencieux s’installe dans nos sociétés : l’amnésie environnementale – selon les termes du psychologue américain Peter H. Kahn. Nous nous habituons, au fil des générations, à la dégradation de notre environnement, glissant vers l’indifférence. Pourtant, les constats sont alarmants : réchauffement climatique, sixième extinction de masse… Pourquoi cette inaction ?

Les premières victimes sont sans doute les enfants. Toutes les conditions sont réunies pour les éloigner de la nature : programmes télé en continu, tablettes, smartphones, mais aussi urbanisation croissante, confinements, réseaux de transports inadaptés… Toute cette situation est aussi nocive pour leur santé que pour leur avenir !

Pour nos enfants, pour notre planète, il y a désormais urgence. Pour beaucoup, la proximité avec la nature est devenue un luxe ! Le nouveau secrétariat général à la planification écologique doit non seulement faire le lien entre les stratégies nationales en matière de climat, d’énergie, de biodiversité et d’économie circulaire, mais aussi de santé et d’éducation. L’écologie ce n’est pas uniquement gérer les externalités négatives, c’est aussi permettre à tous les Français de bénéficier des bienfaits qu’un environnement naturel vivant et sain peut leur apporter.

Les êtres humains, et en particulier les enfants, sont plus épanouis et heureux, en meilleure santé physique et mentale, quand ils sont régulièrement au contact de la nature : ce phénomène se nomme la « biophilie ». Les enfants sont plus avancés en termes psychomoteurs et neurovisuels, plus apaisés, plus coopératifs, plus réceptifs aux apprentissages et moins susceptibles de développer, en tant qu’adultes, des comportements addictifs ou violents.

La reconnexion à la nature développe la sensibilité vis-à-vis de l’environnement et l’envie de le protéger, favorisant les comportements pro-sociaux et écologiques. A contrario, l’éloignement progressif de la nature induit chez les enfants le syndrome du « manque de nature » qui regroupe plusieurs maux. L’obésité est le premier symptôme visible.

De nombreuses études ont montré les impacts négatifs du manque d’exercice et de l’éloignement de la nature. Et la sédentarité infantile s’est nettement aggravée depuis le début de la crise sanitaire : d’après une étude menée dans le département du Val-de-Marne, 9 % des enfants étaient en surpoids, et 3 % en situation d’obésité avant la crise sanitaire ; ces chiffres ont augmenté respectivement de + 2,6 % et + 1,8 % après la crise sanitaire.

Ehpad : La question du grand âge en France

 Ehpad : La question du grand âge en France

 

 

Outre les 13 grandes préconisations sur lesquelles revient Cyrille Isaac-Sibille, député Modem et co-rapporteur de l’une des quatre misions « flash » sur les Ehpads, il existe selon lui l’enjeu de lier désormais la question du « Grand âge » à celle des retraites. Avec en ligne de mire également, le fort accroissement des seniors en perte d’autonomie, appelé à passer de 1,3 à 2 millions « d’ici 20 à 30 ans. » (La « Tribune »)

Vous êtes co-rapporteur d’une mission « flash » de l’Assemblée nationale sur les conditions de travail et la gestion des ressources humaines en Ehpad (Etablissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes). Cette mission d’un mois s’est terminée la semaine dernière. Aux côtés de trois autres missions « flash », celle-ci intervient après la sortie du livre Les Fossoyeurs de Victor Castanet, qui dénonce les conditions de vie des résidents en Ehpad et dévoile plus spécifiquement le traitement du groupe Orpea. Un contexte très particulier sur lequel il fallait revenir rapidement ?

Cyrille Isaac-Sibille - La mission fait effectivement suite au livre de Victor Castanet, qui a en premier lieu dressé des constats généraux sur l’ensemble des Ehpad, avec un volet réservé au problème particulier de la gestion de ces établissements, dans le cadre d’un groupe privé.

A la suite de la publication de ce livre, la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, dont je suis secrétaire, a auditionné très rapidement l’ensemble des acteurs durant un mois et cela s’est terminé le 9 mars, avec l’audition de l’ex-directeur général d’Orpea, Yves Le Masne, qui a été limogé en janvier.

Sur la problématique globale des Ehpad, les révélations du livre ne nous ont pas surpris. Par contre, concernant la gestion particulière du groupe Orpea avec une optimisation financière, tout le monde est tombé des nues. Personne n’avait imaginé qu’il puisse y avoir des marges arrières.

La question s’est posée de savoir si nous devions mettre sur pied une commission d’enquête. Le problème étant que cela nécessitait de disposer d’une durée de six mois, enjambant en même temps deux mandats présidentiels.

Nous avons donc plutôt opté pour le fait de commander quatre missions dites « flashs », afin de pouvoir donner des réponses rapides sur différents sujets : les conditions de travail, la gestion financière, le rôle des aidants, ainsi que le sujet des Ehpad de demain.

Ces missions étaient aussi l’occasion de se saisir de la question du « Grand âge » d’une manière plus large et de préparer le terrain pour la prochaine mandature à venir ?

C’était une manière de faire en sorte que les préconisations puissent être mises en application rapidement, à l’occasion de la prochaine législature.

Avec, comme axe central, l’idée de lier les enjeux des retraites à ceux du « Grand âge » : car en vieillissant plus longtemps, la question qui se pose est donc aussi celle de pouvoir travailler plus longtemps.

Le ministère de l’Autonomie, des Solidarités et de la Santé a aussi pris l’initiative de lancer deux missions, l’une avec l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) et l’autre avec l’Inspection Générale des Finances (IGF).

Dans le même temps, la ministre déléguée à l’Autonomie, Brigitte Bourguignon, a elle aussi rendu ses propres préconisations. Et la Haute Autorité de Santé a publié, le 10 mars dernier, le premier référentiel national pour évaluer la qualité dans le social et le médico-social. Il n’en existait pas jusqu’ici. Nous attendons désormais les rapports de l’IGAS et de l’IGF. On le voit : il y a donc une coproduction autour de la question du « Grand âge », et c’est la première fois que cela se fait de cette manière.

Pour mener à bien cette mission, qui avez-vous choisi d’auditionner ?

Nous avons entendu la fois des directeurs d’établissements, des formateurs, des médecins-coordinateurs, des représentants du personnel, des infirmiers et infirmières coordinatrices, les syndicats, ainsi que l’ensemble des unions professionnelles ainsi que des avocats en droit du travail.

Que contiennent vos conclusions et préconisations qui viennent tout juste d’être restituées la semaine dernière ?

Le principal et premier enjeu vaut pour l’ensemble des professions : ces métiers ne sont pas attractifs. Ce sont de beaux métiers, nobles, mais ils sont mal payés et extrêmement durs : la proportion d’arrêts de travail, mais aussi la charge de travail ainsi que le taux de maladies professionnelles s’avèrent bien supérieurs à d’autres domaines, comme celui du bâtiment.

Il faut donc d’abord rendre ces métiers plus attractifs. Un travail a été fait pour commencer à revaloriser ces métiers, et il faut le poursuivre, tout en amenant un effort supplémentaire sur la prévention.

On est face à des métiers stressants, où les personnels sont en sous-effectifs alors que les résidents arrivent de plus en plus âgés, plus dépendants et malades, ce qui fait que les conditions de travail se dégradent, malgré les postes créés.

Notre première recommandation serait donc de prolonger les efforts en matière de créations de postes. Deuxièmement, s’est posée la question du ratio « opposable » du personnel, qui n’est pas suffisamment nombreux aux différents moments clés de la journée (matin, midi et soir). Il faut également agir sur la question des horaires de travail : actuellement, on est encore sur des shifts de 12 heures en Ehpad.

L’ouvrage de Victor Castanet a été un livre choc qui fera date :  avez-vous vous-même été surpris par certaines points que vous avez découvert durant votre mission « flash » ?

Ce qui nous a aussi choqué durant les auditions, c’est de constater que les directeurs d’établissement ont perdu toute autonomie. Ils se retrouvent face à des tableaux de bord intégrant les coûts financiers, le personnel, les taux d’occupation et ainsi de suite, alors qu’en réalité, il existe très peu d’autonomie, ce qui est terrible.

En même temps, il y a les CPOM (Contrats Pluriannuels d’Objectifs et de Moyens) : ils permettent de mutualiser entre différents établissements certains services qualité, les ressources humaines ou même l’emploi d’un médecin coordinateur. Ce peut être intéressant, mais à la condition que les directeurs soient associés à la rédaction de ces CPOM.

Il existe aussi un autre chantier à mener : celui d’améliorer la formation des directeurs.

Avant, il y a une formation médico-sociale pour tous les directeurs d’établissements publics et privés. Aujourd’hui, pour occuper ce type de fonctions, il est possible de détenir un master quelconque, sans disposer d’aucune notion du secteur médico-social. Nous avons donc fait des préconisations sur leurs parcours de formation, et sur le fait qu’ils puissent participer au CPOM.

Il faut aussi garantir la présence d’effectifs suffisants et revaloriser les salaires, mais aussi proposer une mutualisation des médecins-coordinateurs.

Il est aussi question de favoriser l’animation au sein des Ehpad via le forfait hébergement, de créer une nouvelle génération de CPOM, de générer un glissement des fonctions, ou encore de mener des campagnes de communication visant à valoriser les métiers du « Grand âge ». Et enfin, de travailler sur la validation des acquis et les passages entre les formations existantes.

Après ces treize préconisations, le travail de la ministre, les rapports de l’IGAS et de l’IGF, que va-t-il concrètement se passer ?

La bonne nouvelle est que les choses avancent et proviennent de tous bords. C’est important car en politique, mieux vaut jouer collectif : un député seul ne vaut rien, mais un député dans un groupe, ça commence à peser. Ces missions ont justement été assurées à la fois par des marcheurs, moi-même qui suis Modem, une communiste, le groupe agir ainsi que des radicaux de gauche.

La Haute Autorité de Santé (HAS) travaillait déjà elle-même à son référentiel, mais en voyant que tout le monde se mobilise, cela crée ainsi un mouvement.

La notion de qualité existait d’ailleurs déjà dans le secteur médico-clinique : mais au niveau du secteur médico-social, il n’y avait rien de tout ça. Ces normes de qualité doivent arriver elles aussi, petit à petit. A ce titre, la grille d’évaluation de l’HAS arrive au bon moment. Et la loi « Grand âge » devrait permettre d’intégrer l’ensemble de ces éléments. Je pense même que ces travaux vont encore l’enrichir.

La campagne électorale sera elle aussi l’occasion de parler de ces sujets, de poser des questions et sensibiliser nos concitoyens.

Sans oublier un sujet plus philosophique, qui peut lui-même être passionnant : car dans les Ehpad, comme dans notre société, on ne parle plus de la mort, on l’exclut, on ne la voit plus. Or, je pense que la question de la vieillesse préoccupe tout le monde.

Où en est-on justement selon vous en France sur la question plus large du « Grand âge » ?

Lorsque je suis arrivé à la commission des Affaires sociales, il y a cinq ans, le premier sujet dont on a parlé était déjà celui des Ehpad. C’est donc un sujet qui n’est pas nouveau, sur lequel nous travaillons depuis longtemps. De nombreux rapports existent sur la question du « Grand âge », dont le fameux rapport Libault, auquel j’ai moi-même contribué.

Entre-temps, la commission a travaillé avec le gouvernement sur la Loi « Grand âge » qui, malheureusement, n’a pas vu le jour à cause de la crise sanitaire.

Le défi est grand : actuellement, on dénombre 1,3 million de personnes âgées en situation de dépendance, qui bénéficient de l’allocation personnalisée d’autonomie. Une moitié d’entre elles se trouvent à domicile, tandis que l’autre moitié est en Ehpad.

Et en raison de la démographie et de l’allongement de la vie – dont on ne peut que se féliciter -, nous estimons que nous allons passer de 1,3 à près de 2 millions de personnes âgées d’ici 20 à 30 ans. Le but, c’est de faire en sorte que ces personnes puissent rester à leur domicile si elles le souhaitent, mais pour cela il va aussi falloir renforcer le soutien au domicile.

Grand âge : favoriser le maintien à domicile

Grand âge :  favoriser le maintien à domicile 

 

Sébastien Guérard, président de la Fédération française de masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs propose, dans une tribune au « Monde », d’inscrire la prévention des chutes – responsables de 12 000 décès prématurés par an –, dans les grandes priorités nationales de santé.

 

Tribune. 

 

Au-delà des révélations sur les méthodes de certains établissements pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), le livre choc Les Fossoyeurs (Fayard), du journaliste Victor Castanet, interroge notre société et nos consciences sur le grand âge. Notre pays, à l’instar d’autres pays européens, a vieilli avec l’arrivée des baby-boomers dans le grand âge.

Selon l’Insee, au 1er janvier 2022, 21 % des personnes en France ont 65 ans ou plus, et près de 10 % ont 75 ans ou plus. Il s’agit d’âges cruciaux pour la santé et l’autonomie. Or, notre pays accumule les retards dans la mise en œuvre de modalités innovantes d’accompagnement et de prise en charge de la dépendance.

Le manque de temps et l’obstacle du coût sont invoqués pour justifier les renoncements politiques. Pourtant, des leviers existent qui permettraient de conjuguer la qualité de vie de nos aînés ainsi que les conditions de travail des soignants et des aides à domiciles, avec les exigences budgétaires. Parmi eux, la prévention est probablement celui qui procurera des effets rapides et concrets sur l’autonomie et sur les coûts.

Préserver l’autonomie et repousser la survenue du déclin cognitif pour favoriser le maintien à domicile sont deux objectifs parfaitement atteignables en mobilisant les kinésithérapeutes. L’épisode du premier confinement a douloureusement démontré l’importance du maintien de la mobilité des personnes âgées.

Pendant près de cinq semaines, le confinement des Ehpad avait suspendu l’intervention des kinésithérapeutes, privant les résidents de soins de kinésithérapie. Quatre résidents sur cinq ne sont pas sortis de leur chambre. Après le confinement, le nombre de patients devant être accompagnés pour marcher a doublé (deux patients sur trois) et, parmi les plus fragiles, un sur quatre avait perdu cette capacité, rentrant dans la dépendance.

La moitié des patients qui marchaient avec une simple canne marchaient avec un déambulateur après le confinement. Le nombre de patients nécessitant un déambulateur pour marcher a augmenté de 60 %. L’aggravation du niveau de dépendance dans les Ehpad lors du confinement illustre concrètement le rôle stratégique des soins de kinésithérapie. Cette épidémie de grabatisation a eu pour conséquence directe une augmentation de la charge de travail des soignants, déjà fortement sollicités !

Préserver l’autonomie est la mère des batailles, et des initiatives peuvent être prises sans attendre. Par exemple, en permettant aux kinésithérapeutes de proposer à tous les Français, au moment de leur départ en retraite, un bilan kinésithérapique avec un dépistage des risques de fragilité. L’activité physique adaptée doit pouvoir être prescrite par les kinésithérapeutes, et l’accès direct aux soins de rééducation de l’équilibre et de la force musculaire autorisé, pour permettre de prévenir les chutes des personnes âgées, et maintenir ainsi pleinement leur autonomie.

Grand âge : l’insuffisance du financement

 

Grand âge : l’insuffisance du financement

 

 

Un papier de Frédéric Cherbonnier ,  (professeur à Sciences Po Toulouse et chercheur à Toulouse School of Economics) ,  souligne dans le journal les Échos le manque de ressources suffisantes pour le grand âge.

Le niveau de la dépense publique consacré au grand âge reste faible en France, comparativement aux pays d’Europe du Nord. Consacrer plus d’argent public à ce secteur doit être un choix collectif qui mérite d’être débattu au plus vite, estime Frédéric Cherbonnier.Au vu de l’affaire Orpéa, il est naturel de se demander si leur performance boursière ne reflète pas la capacité du groupe à transformer les personnes âgées en « vaches à lait ». (iStock)

Le scandale des Ephad privés affecte le leader du secteur en France, Korian , après avoir touché le numéro un mondial, Orpéa. Pour autant, financer une partie de la dépendance en faisant appel au privé, quitte à offrir un rendement de l’ordre 6 % aux actionnaires, n’est pas choquant. Cela correspond au niveau normal de rémunération d’une action pour en compenser le risque. Mais l’évolution en Bourse d’un groupe tel qu’Orpéa a dépassé nettement celle du marché. En ne comptant que les plus-values, son rendement annuel moyen a excédé 20 % les quinze années qui ont suivi son introduction en Bourse en 2002 .

Au vu de l’actualité, il est naturel de se demander si cette performance boursière ne reflète pas la capacité du groupe à transformer les personnes âgées en ‘vaches à lait’, en leur soutirant plus de 5.000 euros par mois, officiellement pour payer les seuls frais d’hôtellerie et de restauration, et en ne consacrant que quelques euros à l’ensemble des repas d’une journée !

Société-Grand âge : une pompe à fric ?

Société-Grand âge : une pompe à fric ?

 

 

Les pouvoirs publics se réveillent par rapport au douloureux sujet de la dépendance et de l’exploitation qui en est faite parfois dans certains EHPAD privés.  mais  le réveil est un peu tardif dans la mesure où des 2017 il avait été promis un grand débat et une loi relative à la dépendance. Une loi qui traiterait de la prise en charge des plus âgés en particulier de ceux qui présentent des thérapies lourdes. Certains peuvent évidemment le plus longtemps possible être maintenu à domicile mais les services sont notoirement insuffisants, mal organisés et les personnels mal payés.

Pourtant le cout à domicile est moitié moins que celui en EHPAD. À domicile le coût en moyenne et d’environ  1000 € pour un minimum de 2000 € en EHPAD. Et dans les EHPAD privés le coût de la pension mensuelle peut dépasser les 5000 €. Compte tenu de l’état de dépendance des résidents qui rentrent de plus en plus tard en EHPAD (à 85 ans aujourd’hui au lieu de 75 ans il y a une vingtaine d’années) la demande d’accompagnement et de soins est autrement plus importante. Et l’objectif serait en moyenne de disposer d’un salarié pour un résident. Il faut en effet Intégrer les maladies, les repos, les grossesses, les formations etc. des salariés. Cinq à six personnes sont nécessaires pour assurer en permanence un seul poste. La différence de compétitivité des EHPAD privés se fait essentiellement sur la réduction des effectifs. Une activité d’ailleurs particulièrement rentable avec de très grandes sociétés internationales présentes sur environ 25 % de ce marché.

Suite aux dénonciations de maltraitance concernant le groupe Orpéa, les pouvoirs publics durcissent enfin le temps

Brigitte Bourguignon se veut ferme. Quelques heures après avoir reçu les dirigeants du groupe Orpea, gravement mis en cause dans le livre Les Fossoyeurs de Victor Castanet pour de graves dysfonctionnements dans ses établissements, la ministre déléguée chargée de l’Autnomie l’a martelé à l’antenne de BFMTV, « le grand âge, ce n’est pas une pompe à fric. »

Durant son interview, cette dernière a confirmé que le gouvernement avait lancé deux enquêtes à ce sujet et que plusieurs propositions étaient en cours afin de prévenir les maltraitances en Ehpad.

 

Il convient cependant de ne pas procéder par amalgame car certains EHPAD notamment publics offrent une haute qualité de service avec un dévouement exceptionnel d’un personnel pas toujours récompensé financièrement.

Grand âge : une pompe à fric ?

Grand âge : une pompe à fric ?

 

 

Les pouvoirs publics se réveillent par rapport au douloureux sujet de la dépendance et de l’exploitation qui en est faite parfois dans certains EHPAD privés.  mais  le réveil est un peu tardif dans la mesure où des 2017 il avait été promis un grand débat et une loi relative à la dépendance. Une loi qui traiterait de la prise en charge des plus âgés en particulier de ceux qui présentent des thérapies lourdes. Certains peuvent évidemment le plus longtemps possible être maintenu à domicile mais les services sont notoirement insuffisants, mal organisés et les personnels mal payés.

Pourtant le cout à domicile est moitié moins que celui en EHPAD. À domicile le coût en moyenne et d’environ  1000 € pour un minimum de 2000 € en EHPAD. Et dans les EHPAD privés le coût de la pension mensuelle peut dépasser les 5000 €. Compte tenu de l’état de dépendance des résidents qui rentrent de plus en plus tard en EHPAD (à 85 ans aujourd’hui au lieu de 75 ans il y a une vingtaine d’années) la demande d’accompagnement et de soins est autrement plus importante. Et l’objectif serait en moyenne de disposer d’un salarié pour un résident. Il faut en effet Intégrer les maladies, les repos, les grossesses, les formations etc. des salariés. Cinq à six personnes sont nécessaires pour assurer en permanence un seul poste. La différence de compétitivité des EHPAD privés se fait essentiellement sur la réduction des effectifs. Une activité d’ailleurs particulièrement rentable avec de très grandes sociétés internationales présentes sur environ 25 % de ce marché.

Suite aux dénonciations de maltraitance concernant le groupe Orpéa, les pouvoirs publics durcissent enfin le temps

Brigitte Bourguignon se veut ferme. Quelques heures après avoir reçu les dirigeants du groupe Orpea, gravement mis en cause dans le livre Les Fossoyeurs de Victor Castanet pour de graves dysfonctionnements dans ses établissements, la ministre déléguée chargée de l’Autnomie l’a martelé à l’antenne de BFMTV, « le grand âge, ce n’est pas une pompe à fric. »

Durant son interview, cette dernière a confirmé que le gouvernement avait lancé deux enquêtes à ce sujet et que plusieurs propositions étaient en cours afin de prévenir les maltraitances en Ehpad.

 

Il convient cependant de ne pas procéder par amalgame car certains EHPAD notamment publics offrent une haute qualité de service avec un dévouement exceptionnel d’un personnel pas toujours récompensé financièrement.

Age et dépendance : quelle politique ?

Age et dépendance : quelle politique ?

 

L’affaire des Ehpad du groupe Orpea est devenue une affaire politique, il n’est pas trop tard pour que le grand âge devienne un thème de la campagne présidentielle estime un papier du Monde.

 

 

 

La publication de l’enquête Les Fossoyeurs (Fayard, 400 pages, 22,90 euros), dans laquelle le journaliste Victor Castanet dénonce d’importants dysfonctionnements dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) du groupe Orpea a provoqué un vif émoi. A raison. Les accusations sont graves et les faits rapportés particulièrement sordides.

Le livre décrit un système implacable dans lequel les soins d’hygiène, la prise en charge médicale, voire les repas des résidents seraient « rationnés » pour gonfler la rentabilité d’Orpea, une entreprise leader de son secteur et cotée à la Bourse de Paris. Les manquements révélés par le journaliste se limitent-ils à un « souci d’organisation », comme l’avance la direction, ou bien font-ils partie intégrante d’un modèle économique dévoyé au détriment du bien-être, de la santé, voire de la vie des résidents, comme le livre le donne à penser ? Il est encore trop tôt pour trancher.

A ce stade, il faut se méfier des généralités : beaucoup d’Ehpad, malgré des moyens insuffisants, continuent de remplir une mission difficile mais indispensable à la société. Reste que le nombre de familles qui ont été ou qui sont confrontées au sujet de la maltraitance en maison de retraite doit nous alerter sur les dysfonctionnements du système.

L’un d’eux concerne le rôle joué par le secteur privé. Faute de financements publics suffisants, l’activité a dû s’ouvrir à un certain nombre d’entreprises. Elles ont certes permis de développer des capacités d’accueil pour accompagner le vieillissement de la population, mais beaucoup d’investissements ont été réalisés dans une logique purement financière. Aujourd’hui en pleine expansion, le secteur privé lucratif propose en moyenne des tarifs plus élevés de 40 % que le public, avec 10 % à 15 % de personnel en moins. Or il est évident que le bien-être des résidents est proportionnel à la densité de l’encadrement.

Ensuite, chaque établissement, quel que soit son statut, touche le même montant de financement public par les agences régionales de santé (ARS) et les départements, l’hébergement étant à la charge des résidents. C’est sur ce poste que le secteur privé assure sa rentabilité, sans proposer pour autant de meilleures prestations. Le modèle économique reste focalisé sur l’immobilier, moins sur les besoins des personnes âgées. Les financements publics ont théoriquement une contrepartie : le contrôle régulier des établissements par les ARS. Dans la pratique, selon le livre, ces contrôles sont trop laxistes et aléatoires pour empêcher les abus.

Depuis des années, la dépendance attend sa loi de financement. Malgré quelques avancées comme des revalorisations salariales, des créations de postes et de nouveaux investissements, le pouvoir actuel n’a pas dérogé à cette procrastination sur le plan législatif. Pourtant, les projections démographiques montrent que le besoin d’ouverture de places en Ehpad va s’accélérer.

Deux choix sont possibles. Soit une prise en charge collective qui permettra d’alléger le fardeau financier pour les familles tout en garantissant de meilleures prestations – la limite politique de cette solution est qu’elle implique une augmentation des prélèvements sociaux –, soit continuer à déléguer la mission à un secteur privé lucratif, plus cher que le public mais incapable de garantir de meilleures prestations, le tout financé en grande partie par des fonds publics qui restent mal contrôlés. Il n’est pas trop tard pour que la question du grand âge s’invite dans la campagne présidentielle.

Age de la retraite : La question française

 

« Beaucoup reste à faire pour nous rapprocher de nos voisins : nous passons cinq années de plus qu’eux à la retraite et avons l’un des taux d’activité des 60-64 ans les plus faibles de l’OCDE : 31 % à comparer à 51,4 % pour la moyenne en 2018 »

Un papier de Denis Kleiber et Régis de Laroullière (co-animateurs des Forums Mac Mahon.)  dans l’Opinion (extrait)

 

 

Depuis le livre blanc sur les retraites préfacé par Michel Rocard, alors Premier ministre (1991), le « problème » du déséquilibre des régimes de retraite est sur la table. A une époque où l’espérance de vie s’allonge continûment, beaucoup proposent de reculer l’âge de la retraite pour régler le problème. C’est ce qui a été fait à plusieurs reprises déjà, mais insuffisamment, car c’est toujours un choix politique difficile. Le problème demeure : il s’invite à nouveau dans le débat des prochaines élections présidentielles.

En abordant le sujet de l’âge de la retraite dans ce sens, c’est à cause du déficit qu’il faut travailler plus longtemps. La perspective est désagréable car chacun pense qu’il va travailler plus pour réduire la dette ou pour payer la retraite des autres. L’adhésion n’est pas au rendez-vous, et il faut recourir à la contrainte : retarder l’âge du départ en retraite par la loi, sans bénéfice individuel ressenti.

Pourtant, ce sujet de l’âge du départ en retraite a un autre aspect : tous les travailleurs qui travailleront plus longtemps viendront augmenter la production de biens et services en France. Avec deux conséquences immédiates positives dans le contexte actuel :

– d’une part l’augmentation de la production viendra augmenter le PIB et le niveau de vie des Français. On sait combien ce dernier est largement ressenti comme insuffisant ;

– d’autre part, dans le contexte de la relance, ce travail additionnel contribuera à desserrer les goulots d’étranglement liés à l’insuffisance de main-d’œuvre dès à présent constatés dans de nombreux secteurs. Il augmentera la quantité de biens et services mis à la disposition de nos concitoyens. Ceci permettra de répondre rapidement à leur demande, qui sera elle-même amplifiée par le déstockage à venir de l’épargne forcée Covid.

Au lieu de relever d’abord l’âge de départ en retraite puis de voir comment rendre concrètement supportable la montée en puissance de cette réforme, rendons le travail des seniors plus attractif et incitons fortement les travailleurs à travailler plus longtemps

Encore faut-il que les travailleurs en aient envie si ce n’est pas obligatoire. Deux leviers peuvent être rapidement actionnés :

– d’une part, rendre le marché du travail plus inclusif pour les seniors. Il y a là un vaste espace pour les entreprises et les partenaires sociaux, portant notamment sur la formation, les conditions de travail, et la retraite progressive. Et pour l’ensemble de notre société un véritable enjeu culturel pour ce qui concerne le respect et la considération, si ce n’est la reconnaissance, à accorder aux travailleurs seniors. Beaucoup reste à faire pour nous rapprocher de nos voisins : nous passons cinq années de plus qu’eux à la retraite et avons l’un des taux d’activité des 60-64 ans les plus faibles de l’OCDE : 31 % à comparer à 51,4 % pour la moyenne en 2018.

– d’autre part et comme les Forums Mac Mahon l’ont déjà proposé par ailleurs, leur donner le plein retour de leur travail supplémentaire au-delà du seuil légal de la retraite. En travaillant jusqu’au seuil légal, ils ont acquitté leur juste part de contribution aux transferts sociaux et aux charges publiques. La rémunération de leur travail supplémentaire pourrait être intégralement exonérée de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu.

Une telle approche permet de plus de contourner l’échéance électorale en inversant l’ordre des facteurs : au lieu de relever d’abord l’âge de départ en retraite puis de voir comment rendre concrètement supportable la montée en puissance de cette réforme, rendons le travail des seniors plus attractif et incitons fortement les travailleurs à travailler plus longtemps.

Nous ne relèverions l’âge légal que dans un deuxième temps et si nécessaire, après l’échéance électorale. Cette approche permet également de répondre rapidement aux ouvertures faites par certaines organisations syndicales sur le thème du travail.

En abordant l’âge de la retraite dans ce sens, c’est-à-dire en partant de son impact sur la production, il est urgent et devient possible d’engager sans délai une réforme privilégiant les incitations et la pédagogie sur la contrainte. Ceci permettra de contribuer rapidement à desserrer les goulots d’étranglement sur le marché du travail en période de relance, et d’améliorer durablement notre niveau de vie. Le rétablissement des équilibres financiers en sera une heureuse conséquence.

Denis Kleiber et Régis de Laroullière sont co-animateurs des Forums Mac Mahon.

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