Grand âge : favoriser le maintien à domicile
Sébastien Guérard, président de la Fédération française de masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs propose, dans une tribune au « Monde », d’inscrire la prévention des chutes – responsables de 12 000 décès prématurés par an –, dans les grandes priorités nationales de santé.
Tribune.
Au-delà des révélations sur les méthodes de certains établissements pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), le livre choc Les Fossoyeurs (Fayard), du journaliste Victor Castanet, interroge notre société et nos consciences sur le grand âge. Notre pays, à l’instar d’autres pays européens, a vieilli avec l’arrivée des baby-boomers dans le grand âge.
Selon l’Insee, au 1er janvier 2022, 21 % des personnes en France ont 65 ans ou plus, et près de 10 % ont 75 ans ou plus. Il s’agit d’âges cruciaux pour la santé et l’autonomie. Or, notre pays accumule les retards dans la mise en œuvre de modalités innovantes d’accompagnement et de prise en charge de la dépendance.
Le manque de temps et l’obstacle du coût sont invoqués pour justifier les renoncements politiques. Pourtant, des leviers existent qui permettraient de conjuguer la qualité de vie de nos aînés ainsi que les conditions de travail des soignants et des aides à domiciles, avec les exigences budgétaires. Parmi eux, la prévention est probablement celui qui procurera des effets rapides et concrets sur l’autonomie et sur les coûts.
Préserver l’autonomie et repousser la survenue du déclin cognitif pour favoriser le maintien à domicile sont deux objectifs parfaitement atteignables en mobilisant les kinésithérapeutes. L’épisode du premier confinement a douloureusement démontré l’importance du maintien de la mobilité des personnes âgées.
Pendant près de cinq semaines, le confinement des Ehpad avait suspendu l’intervention des kinésithérapeutes, privant les résidents de soins de kinésithérapie. Quatre résidents sur cinq ne sont pas sortis de leur chambre. Après le confinement, le nombre de patients devant être accompagnés pour marcher a doublé (deux patients sur trois) et, parmi les plus fragiles, un sur quatre avait perdu cette capacité, rentrant dans la dépendance.
La moitié des patients qui marchaient avec une simple canne marchaient avec un déambulateur après le confinement. Le nombre de patients nécessitant un déambulateur pour marcher a augmenté de 60 %. L’aggravation du niveau de dépendance dans les Ehpad lors du confinement illustre concrètement le rôle stratégique des soins de kinésithérapie. Cette épidémie de grabatisation a eu pour conséquence directe une augmentation de la charge de travail des soignants, déjà fortement sollicités !
Préserver l’autonomie est la mère des batailles, et des initiatives peuvent être prises sans attendre. Par exemple, en permettant aux kinésithérapeutes de proposer à tous les Français, au moment de leur départ en retraite, un bilan kinésithérapique avec un dépistage des risques de fragilité. L’activité physique adaptée doit pouvoir être prescrite par les kinésithérapeutes, et l’accès direct aux soins de rééducation de l’équilibre et de la force musculaire autorisé, pour permettre de prévenir les chutes des personnes âgées, et maintenir ainsi pleinement leur autonomie.
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