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Politique -L’absence en France d’une écologie politique libre et indépendante

L’absence en France d’une écologie politique libre et indépendante

 

L’écologie politique, telle qu’elle est représentée en France, se réduit à un mouvement ancré à l’extrême gauche, regrettent des militants de l’environnement, dont Corinne Lepage, qui appellent, dans une tribune au « Monde », à faire émerger une écologie politique innovante.

 

Une réflexion pertinente dans la mesure où progressivement Europe écologie les Verts (EELV)  a été complètement noyautés par les gauchistes d’ailleurs plus préoccupés par les questions sociétales que par l’environnement NDLR

 

 

Le dépassement de toutes les limites de la Terre est désormais avéré. Notre pays n’est pas épargné par les effets du changement climatique, suscitant une angoisse légitime face à des phénomènes non maîtrisés.

La sous-estimation des risques et des pénuries généralisées dans les services publics nous oblige à faire émerger une écologie politique innovante ; une écologie qui dépasse les contradictions de ce monde, assume sobriété et partage plus équitable des richesses et conjure dans le même temps les tentations de « démocratures » et dictatures.

 

Le moment est venu de construire une véritable offre de l’écologie politique en France, car elle n’existe pas. Cela peut paraître paradoxal, mais c’est une réalité.

L’écologie politique, telle qu’elle est représentée aujourd’hui dans notre pays, est réduite à l’émergence d’un mouvement politique désormais clairement ancré à l’extrême gauche, une prétendue Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) qui ne répond ni aux besoins de l’écologie ni aux souhaits d’une majorité de Français, en dépit de l’angoisse écologique qu’ils expriment au regard des bouleversements que connaît notre monde. D’où l’incapacité à convaincre nos concitoyens et la sphère politique de l’urgence écologique.

Contrairement à ce qu’aurait pu laisser espérer la constitution d’un groupe écolo à l’Assemblée nationale, l’écologie politique a en fait complètement disparu des radars pour se fondre dans les obsessions exprimées de manière violente par La France insoumise (LFI), formation majoritaire au sein de la Nupes. Avec des membres qui, pour l’essentiel, n’ont rien à voir avec l’écologie voire pire, déconsidèrent les propositions écologistes aux yeux de beaucoup de nos concitoyens.

La disparition d’une écologie politique libre et indépendante, tant pour des raisons idéologiques – le triomphe d’une écologie clivante –, que financières – le besoin de se renflouer avec le financement public après l’échec de la présidentielle –, crée à l’évidence un grand vide qu’il est urgent de combler, tant les attentes et les enjeux pour notre planète et ses habitants sont importants.

 

Ecologie-Glyphosate : Autorisation prolongée de 10 ans

Ecologie-Glyphosate : Autorisation prolongée de 10 ans

La gestion de l’interdiction puis des autorisations du glyphosate tourne au ridicule. Après avoir été longtemps condamné, ce produit fait l’objet d’autorisations successives de la part de l’union européenne. La prochaine devrait durer 10 ans.

Le glyphosate, la substance active de plusieurs herbicides – dont le célèbre Roundup de Monsanto, très largement utilisé dans le monde – avait été classé en 2015 comme un «cancérogène probable» pour les humains par le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé. À l’inverse, l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a jugé l’an dernier que les preuves scientifiques disponibles ne permettaient pas de classer le glyphosate comme cancérogène.

L’autorisation actuelle du glyphosate dans l’UE, renouvelée en 2017 pour cinq ans, expirait le 15 décembre 2022, mais a été prolongée d’un an dans l’attente d’une évaluation scientifique sur l’herbicide. Début juillet, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) avait finalement publié son rapport, indiquant ne pas avoir identifié de «domaine de préoccupation critique» chez les humains, les animaux et l’environnement susceptible d’empêcher son autorisation.

Société–Pour une écologie sans idéologie

Société–Pour une écologie sans idéologie

par d’Emmanuel Blézès, Charles Mazé et Alexandre Simon

Emmanuel Blézès et Charles Mazé sont diplômés de HEC, Alexandre Simon est diplômé de l’Ecole Centrale Paris. Charles Mazé est l’auteur de La force de l’Union : ces raisons d’aimer l’Europe (2019).( dans l’Opinion)

La conscience environnementale progresse. Selon un sondage BVA d’août 2022, 87 % des Français se disent concernés par la crise climatique et reconnaissent la responsabilité de l’homme dans ce changement. Les vagues de chaleur, la sécheresse et les incendies de l’été dernier lui ont donné un caractère charnel, immédiat, faisant de la crise climatique l’une des premières préoccupations des Français, en particulier chez les jeunes, qui en vivront toutes les conséquences, et chez qui le sentiment d’urgence tourne parfois à l’angoisse.
De ce réveil collectif découlent deux enseignements sur le plan politique. Le premier est qu’il ne peut y avoir de projet politique crédible dont l’écologie ne soit pas un élément central. Les implications du dérèglement climatique affectent l’économie, nos façons de vivre, de consommer, de nous déplacer, de penser. C’est à ce titre un fait social total, au sens donné par Marcel Mauss. Le second enseignement, qui procède du premier, est que tout projet politique superficiel sur ce sujet sera d’office disqualifié par les citoyens, même s’il est abouti sur les autres aspects. Parler immigration ou chômage sans réflexion sérieuse sur la question climatique, ce sera assurément prêcher dans le désert.

Pourtant, l’essentiel des partis qui structurent la vie politique française sont disqualifiés, soit par la versatilité de leurs opinions sur le sujet – pour ou contre le nucléaire au gré des événements par exemple – soit par la légèreté de leur offre écologiste. Il y a une distorsion entre, d’une part, le caractère vital de l’enjeu et la prise de conscience collective et, d’autre part, la mue trop lente des partis politiques, qui peinent à mettre à jour leurs référentiels.

Tant et si bien que le parti écologiste ainsi quelesdits « Insoumis » peuvent se prévaloir du monopole de l’offre écologique totale, laissant orpheline une large frange de la population, tout aussi convaincue de la nécessité d’agir résolument, mais ne se reconnaissant ni dans leur postulat décroissantiste, ni dans leurs accommodements avec les valeurs de la République.
En refusant d’avoir recours au nucléaire, une énergie abondante, contrôlable et décarbonée, EELV et les Insoumis réduisent la quantité d’énergie disponible à l’avenir. Ce faisant, ils limitent notre capacité future à créer des richesses (ce qui conduirait à un affaissement majeur de notre niveau de vie), sans proposer de modèle économique et social adapté. Ce changement radical, l’essentiel des Français n’en veulent pas.

Le développement des énergies renouvelables est nécessaire, mais il ne suffira pas, ne serait-ce que pour des raisons techniques. L’accroissement de notre capacité de production d’électricité nucléaire est donc incontournable

Pour engager enfin, dans un cadre démocratique, tous les citoyens autour de la transition écologique, une offre politique alternative doit émerger : pragmatique, fondée sur la science, résolument tournée vers l’efficacité de la lutte contre le dérèglement climatique, sans sacrifier la prospérité, la stabilité sociale et le progrès. Elle pourrait reposer sur quelques grands principes.
D’abord, réaffirmer que l’objectif premier de la politique environnementale est la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et donc la baisse drastique de l’usage des énergies carbonées (pétrole, gaz et charbon). Cet objectif ne pourra être atteint sans l’électrification de nos modes de production et de consommation, et donc sans l’accroissement de notre capacité de production d’électricité. Se pose la question du mix énergétique : le développement des énergies renouvelables est nécessaire, mais il ne suffira pas, ne serait-ce que pour des raisons techniques. L’accroissement de notre capacité de production d’électricité nucléaire est donc incontournable.

Ensuite, rappeler que l’Etat a un rôle central à jouer, compte tenu de l’ampleur des changements nécessaires, mais qu’il n’est pas omnipotent. L’action de l’Etat doit prendre au moins trois formes : intégrer l’impératif climatique dans les mécanismes de marché par la régulation, financer les grandes infrastructures et assurer le caractère socialement soutenable de cette transition. Mais gardons-nous de la tentation très française de confier à l’Etat, dont on connaît les inefficiences et les rigidités, l’entièreté de la transition. Aucune transition n’est possible sans la mobilisation active des acteurs privés, individus et entreprises.

Les sénateurs pulvérisent le projet de loi sur l’accélération des énergies renouvelables
Enfin, reposer la question du financement de la transition. Etant donné le niveau des prélèvements obligatoires en France, il n’est pas raisonnable de financer la transition écologique par une nouvelle augmentation de la pression fiscale, qui appauvrirait le pays. Un effort sur l’efficacité de la dépense publique est donc requis. Se pose aussi la question du partage du financement entre les générations : les jeunes sont au cœur de la transition, car ils en sont les acteurs et sont les premiers concernés par les effets du changement climatique. Mais il n’est pas juste qu’ils supportent seuls le coût de cette transition.

Au-delà de ces considérations nationales, la France et l’Europe doivent utiliser le levier de la diplomatie écologique pour promouvoir la lutte contre le changement climatique auprès des principaux émetteurs et pour accompagner les pays moins développés sur le chemin d’une croissance verte.

Emmanuel Blézès et Charles Mazé sont diplômés de HEC, Alexandre Simon est diplômé de l’Ecole Centrale Paris. Charles Mazé est l’auteur de La force de l’Union : ces raisons d’aimer l’Europe (2019).

Ecologie : Le mensonge de l’ électricité verte

Ecologie : Le mensonge de l’ électricité verte

La confirmation que l’électricité dite totalement verte ( idem pour le gaz ou l’hydrogène ) est une escroquerie commerciale puisque toutes sources d’énergie se retrouve dans le même réseau par Stefan Ambec et Claude Crampes, Toulouse School of Economics.

« Les contrats 100% électricité verte font partie des offres de la plupart des fournisseurs, des plus grands aux plus petits. C’est un argument de différenciation de produits mis en avant dans les campagnes commerciales des grands groupes énergétiques. Des fournisseurs alternatifs tels que Enercoop et Planète Oui en font leur marque de fabrique. Si vous optez pour ce type de contrat, l’équivalent de votre consommation sera produit à partir de sources d’énergie renouvelables : biomasse, éolien, hydraulique ou solaire. Cela ne veut pas dire que tous les électrons qui alimentent vos appareils proviendront de centrales utilisant ces ressources renouvelables. Le réseau par lequel transite l’électricité ne permet pas de différencier l’électricité verte de la grise. Il restitue l’électricité injectée par les sites de production aux consommateurs selon les lois de la physique. Le contrat n’y changera rien. Il ne peut modifier les lois de Kirchhoff qui régissent la circulation des électrons dans le réseau. L’électricité que vous consommerez sera la même qu’avec un contrat d’offre classique : elle viendra principalement des sites de production les plus proches, donc très probablement de centrales thermiques ou nucléaires.

Néanmoins, votre fournisseur s’engage à produire ou à participer au financement de l’équivalent de votre consommation en électricité verte.

Pour rendre crédible leurs engagements, les fournisseurs ont à leur disposition un instrument réglementaire : la garantie d’origine (GO). La GO est un certificat permettant de s’assurer du caractère renouvelable d’une production d’électricité, une GO par MWh vert produit. Elle est émise par le producteur d’énergie renouvelable et certifiée par son inscription dans un registre en application d’une ordonnance de 2011 transposant deux directives européennes. Le fournisseur peut utiliser les GOs de ses propres sites de production d’énergie renouvelable ou bien les acheter sur le marché par l’intermédiaire de la société Powernext, légalement chargée d’en tenir le registre pour la France. Pour éviter leur accumulation, les GOs ont une durée de vie de 1 an. Il n’existe pas de marché de gros : les transactions se font de gré à gré. Dès qu’elle est utilisée dans une vente au détail, la GO est annulée.

Le système de GO permet de dissocier la consommation de la rémunération de la production d’électricité verte. Même si le client ne reçoit pas l’électricité verte promise, il rémunère 100% de sa production au travers de l’achat ou de l’émission de GOs par son fournisseur. En effet, s’il ne possède pas de capacité de production renouvelable, le fournisseur doit effectuer deux transactions pour remplir ses contrats verts : produire ou acheter de l’électricité sur le marché de gros et acheter des GOs sur la plateforme Powernet. Les deux ne sont pas forcément liés : les GOs peuvent être émis n’importe où en Europe, loin des clients. En effet, Powernext est membre de l’Association of Issuing Bodies de sorte que les titulaires de compte peuvent importer (ou exporter) des GOs depuis (ou vers) d’autres pays européens. Le découplage entre le MWh vert produit et la GO associée permet aux fournisseurs dotés de capacités de production conventionnelles (thermique ou nucléaire) de verdir leur offre sans rien changer de leur mix énergétique. Il leur suffit d’acheter les GO correspondant aux contrats souscrits. Ce découplage peut conduire à une situation paradoxale où l’entreprise verte qui cède une GO à une entreprise grise ne peut pas vendre son MWh comme étant vert alors que le producteur gris qui a acheté la GO en a le droit.

Le découplage entre consommation et rémunération de l’électricité verte a aussi un impact non-trivial sur le mix énergétique du fait de l’intermittence des sources d’énergies éoliennes et solaires.

Prenons l’exemple de deux consommateurs, A et B, qui consomment chacun 24 kWh par jour, plus précisément 1 kW chaque heure de la journée. Leur électricité provient d’une centrale thermique dont ils utilisent 2 kW de capacité de production chaque heure de la journée. Ils habitent une région ensoleillée proche de l’équateur, de sorte qu’une alternative verte se présente : le producteur/fournisseur peut installer des panneaux photovoltaïques permettant de produire à pleine capacité pendant chacune des 12 heures diurnes.

Le consommateur A signe un contrat 100% électricité verte proposé par son fournisseur. Celui-ci doit alors émettre ou acheter des GO pour 24kWh par jour d’énergie solaire (la consommation de A), ce qui nécessite l’installation de 2 kW de capacité de production en panneaux photovoltaïques. Durant les heures de la journée, les 2 kW couvrent les besoins des deux clients, A mais aussi B, donc on peut se passer de la centrale thermique. Celle-ci n’est mise en route que le soir pour alimenter B, mais aussi A la nuit venue. Finalement, sans le savoir, A et B consomment la même électricité ! Elle est verte le jour et grise la nuit. Dans un sens, A finance la consommation verte de B. Le consommateur A contribue donc à la transition énergétique, mais il a fallu pour cela doubler les capacités de production, chaque type de centrale électrique n’étant utilisé que la moitié du temps.

Si A veut produire et consommer sa propre électricité 100% verte, il devra installer 2kW de capacité de production en photovoltaïque couplés à une batterie de 12kWh de capacité (en négligeant les pertes inhérentes au stockage). A devient alors un consommateur (un ‘prosumer’) qui peut se déconnecter du réseau et savourer pleinement son électricité verte. De son côté, B continuera d’utiliser l’électricité issue de la centrale thermique à hauteur de 1 kW toutes les heures. La centrale tournera toute la journée mais en dessous de sa capacité de production.

Si l’on compare les deux options, le bilan environnemental est très différent : dans les deux options vertes, 2 kW d’énergie solaire sont installés et 24kWh d’électricité grise sont produits, avec les mêmes émissions polluantes mais réparties différemment. Dans le cas où A signe un contrat vert la centrale thermique fonctionne à pleine capacité pendant la moitié du temps et, dans le cas où il installe ses propres panneaux solaires, elle fonctionne de façon ininterrompue mais à la moitié de sa capacité.[1] Le bilan carbone est le même mais la qualité de l’air est moindre avec le contrat vert car les émissions de particules fines sont concentrées lors des pics de pollution en soirée. A quoi s’ajoute un surcoût lié à la montée en charge lorsque la centrale thermique s’active en fin de journée.[2] Dans le cas d’autoconsommation, il faut investir dans le stockage de l’énergie, une technologie qui, bien qu’en progrès, reste particulièrement onéreuse.

Si, dans notre exemple, il a suffi que A signe un contrat 100% électricité verte pour que 2kW de panneaux photovoltaïques soient installés, c’est loin d’être le cas en pratique. En France, la source d’énergie renouvelable principale étant hydraulique, il y a de bonnes chances que la rémunération par la garantie d’origine finance une centrale hydraulique existante et souvent largement amortie. C’est un effet d’aubaine pour les centrales existantes, et les nouveaux barrages qui pourraient être financés sont peu nombreux à cause de l’opposition des populations riveraines. De toute façon, l’incitation financière apportée par les GO reste faible. Les montants sont négligeables au regard des tarifs d’achat réglementés de l’énergie renouvelable: de l’ordre de 0,15 à 3,6 € par MWh pour les GOs alors que le tarif d’achat du MWh solaire va de 150 à 180 €![3] Ces quelques euros de plus font peu de différence dans les décision d’investissement.

Depuis la Loi n° 2017-227, les installations bénéficiant de soutien public (obligation d’achat ou compléments de rémunération) voient leurs GOs récupérées par l’Etat et mises en vente par enchères organisées par Powernext.

La GO n’est certainement pas le levier financier de la transition énergétique ; un peu de beurre dans les épinards tout au plus. Les choses pourraient changer si les consommateurs deviennent demandeurs massifs d’électricité verte. En effet, la demande forte de GOs ferait monter leur prix et pousserait à plus d’investissement en technologies renouvelables.

Le système des GOs est un instrument ingénieux pour répondre à la demande des consommateurs qui souhaitent contribuer à la transition énergétique sans pour autant installer des panneaux solaires. En s’appuyant sur le marché, il permet de rémunérer l’offre d’énergie renouvelable où qu’elle soit. Néanmoins, le système aurait à gagner à être plus précis afin de mieux informer les consommateurs sur le produit qu’ils achètent. Peu d’entre eux savent qu’ils peuvent retrouver la trace de la source d’énergie renouvelable à laquelle ils ont contribué en reportant le numéro de la GO acquise par leur fournisseur sur le site Powernext. Certains aimeraient peut-être diriger leur contribution vers certaines installations. Les fournisseurs alternatifs en font une stratégie commerciale. Ainsi Enercoop met en avant son réseau de producteurs locaux et associatifs. Un fournisseur conventionnel pourrait aller plus loin dans la différenciation de produits lors de la signature du contrat en s’engageant à acquérir les GOs selon un cahier des charges plus précis: la source d’énergie, l’origine géographique ou l’âge des équipements. On pourrait alors souscrire à un contrat 100% électricité solaire d’Occitanie. C’est tout à fait possible avec le système des GOs actuel. On pourrait également favoriser le stockage de l’énergie en différenciant la GO selon l’heure de la journée, avec une prime lors des pics de pollutions de fin d’après-midi. De tels contrats étofferaient la gamme des produits offerts par les fournisseurs et seraient plus rémunérateurs pour les producteurs. Mais ils coûteraient plus chers. Il n’est donc pas sûr que la demande suivrait. »

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[1] A noter que les coûts d’investissement (ou de démantèlement) et de maintenance ne sont pas les mêmes avec les deux options.

Ecologie: quitter les villes

Ecologie: quitter les villes

par
Guillaume Faburel
Professeur, chercheur à l’UMR Triangle, Université Lumière Lyon 2 dans The Conversation

Notons par ailleurs que cet extrait ne traite pas des questions d’insécurité ou encore de bruit. NDLR

Vider les villes ? Voilà bien a priori une hérésie. La ville, c’est le progrès et l’émancipation. Tous les grands moments de notre civilisation y sont chevillés, des cités-États aux villes-monde et métropoles d’aujourd’hui. Pourquoi diable vouloir les vider ? Simplement parce que tous les mois à travers le monde l’équivalent d’une ville comme New York sort de terre. À moins de croire dans le solutionnisme technologique et le durabilisme des transitions, il est temps de rouvrir une option envisagée dès les années 1970 : la désurbanisation de nos sociétés. Voici peut-être l’unique solution face à la dévastation écologique. Un seul « s » sépare demeure et démesure, celui de notre propre survie. Aujourd’hui, 58 % de la population mondiale est urbaine, soit près de 4,4 milliards d’habitants (dont presque 40 % résidant aux États-Unis, en Europe et en Chine), contre 751 millions en 1950. Cette proportion est même annoncée à 70 % en 2050 par l’Organisation des Nations unies (ONU).

[…]

Avec plus de vingt millions d’habitants, Mumbaï a vu sa superficie bâtie presque doubler entre 1991 et 2018, perdant ainsi 40 % de son couvert végétal. Dhaka, dont la population de l’agglomération excède aussi vingt millions d’habitants, a vu disparaître 55 % des zones cultivées, 47 % des zones humides et 38 % du couvert végétal entre 1960 et 2005. Pendant que la superficie bâtie augmentait de 134 %.

Plus près de nous, le Grand Paris est le chantier d’aménagement le plus important de l’histoire de la capitale depuis le Second Empire (XIXe siècle), avec pas moins de deux cents kilomètres de lignes de métro supplémentaires, cent soixante kilomètres de tunnels à percer, soixante-huit gares à construire, quatre-vingt mille logements par an à sortir de terre.

En France d’ailleurs, la population urbaine a augmenté de 20 % entre 1960 et 2018, pour officiellement dépasser les 80 % de la population hexagonale en 2020, ramenés toutefois à 67 % en ne tenant plus uniquement compte de l’influence des villes mais aussi de la taille des peuplements (critère de densité des constructions). Près de la moitié vit dans l’une des vingt-deux grandes villes (dont quatre millionnaires en nombre d’habitants), à ce jour officiellement dénommées métropoles. Et, depuis ces centres métropolitains jusqu’aux couronnes périurbaines, comme dans un bon tiers des périmètres de villes moyennes et d’inter-communalités (elles-mêmes grossissantes par volontarisme réglementaire), l’urbanisation croît deux fois plus vite en surface qu’en population (et même trois fois dans les années 1990, soit annuellement la taille de Marseille, un département tous les dix ans, la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur en cinquante ans).

La métropolisation du monde

Les foyers premiers ainsi que le modèle principal de cette croissance sont assurés par les grandes agglomérations, au premier chef les sept villes-monde (New York, Hongkong, Londres, Paris, Tokyo, Singapour et Séoul) et leurs épigones, cent vingt métropoles internationales. Elles représentent en cumul 12 % de la population mondiale pour 48 % du Produit Intérieur Brut (PIB) mondial. Il y a donc du capital à fixer et de la « richesse » à produire… À condition de continuer à grossir. Tokyo a déjà un PIB supérieur à celui du Canada, Paris à celui de la Suisse…

Engagée depuis une quarantaine d’années dans les pays occidentaux, la métropolisation représente le stade néolibéral de l’économie mondialisée : polarisation urbaine des nouvelles activités dites postindustrielles et conversion rapide des pouvoirs métropolitains aux logiques de firme marchande.

Elle incarne l’avantage acquis ces dernières décennies par les grandes villes : articulation des fonctions de commandement (ex : directions d’entreprises) et de communication (ex : aéroports, interconnexions ferroviaires, etc.), polarisation des marchés financiers (ex : places boursières et organismes bancaires), des marchés d’emplois de « haut niveau » – que l’Insee qualifie de métropolitains depuis 2002 (conception-recherche et prestations intellectuelles, commerce interentreprises et gestion managériale, culture et loisirs) ou encore de marchés segmentés de consommation (tourisme, art, technologies…).

[…]

Or, occupant seulement 2 % de la surface de la Terre, le fait urbain décrit produit 70 % des déchets, émet 75 % des émissions de gaz à effet de serre (GES), consomme 78 % de l’énergie et émet plus 90 % de l’ensemble des polluants émis dans l’air pour, souvenons-nous, 58 % de la population mondiale.

Pour les seuls GES, vingt-cinq des cent soixante-sept plus grandes villes du monde sont responsables de près de la moitié des émissions urbaines de CO2 – la fabrication du ciment représentant près de 10 % des émissions mondiales, en augmentation de 80 % en dix ans. À ce jour, 40 % de la population urbaine mondiale vit dans des villes où l’exposition à la chaleur extrême a triplé sur les trente-cinq dernières années.

Plusieurs mégapoles s’enfoncent annuellement de plusieurs centimètres sous le poids de la densité des matériaux de construction et du pompage des nappes phréatiques (Mexico, Téhéran, Nairobi, Djakarta…). La prévalence des maladies dites de civilisation est nettement plus importante dans les grandes villes, responsables de quarante et un millions de décès annuels à travers le monde (cancers, maladies cardiovasculaires et pulmonaires, diabète et obésité, troubles psychiques et maladies mentales).

Enfin, selon le Fonds monétaire international, à l’horizon de la fin du siècle, 74 % de la population mondiale (annoncée en 2100 urbaine à 80 %) vivra des canicules mortelles plus de vingt jours par an. Un point de comparaison : la canicule de 2003 en France, 15 000 morts, en dix-huit jours. D’ailleurs, en France, les pollutions atmosphériques des grandes villes sont responsables de 50 000 morts annuellement.

Le secteur du bâtiment-travaux publics (BTP), toutes constructions confondues (mais à 90 % dans les aires définies comme urbaines), représente 46 % de la consommation énergétique, 40 % de notre production de déchets et 25 % des émissions de GES. L’autonomie alimentaire des cent premières villes est de trois jours (98 % d’alimentation importée) et Paris, par tous ses hectares nécessaires, a une empreinte écologique trois cent treize fois plus lourde que sa propre superficie.

[…]

Si l’on croise les données de nos impacts écologiques avec celles des limites planétaires, on constate que l’empreinte moyenne de chaque Français va devoir être divisée par quatre à six pour prétendre à la neutralité carbone à horizon de 2050. Pour ce faire, loin du technosolutionnisme ambiant et du durabilisme du verdissement, l’autonomie, comprise comme autosubsistance et autogestion, est le seul moyen de se figurer l’ensemble de nos pressions et de les contenir par l’autodétermination des besoins, au plus près des ressources et de leurs écosystèmes. Ceci, sans pour autant négliger nos interdépendances sociales et quelques-unes de nos libertés.

Or pour faire autonomie, toute ville devrait produire 100 % de son énergie, qui plus est renouvelable (or, à ce jour, Lyon, Bordeaux ou Rennes n’en produisent par exemple que 7 % à 8 % , non renouvelables), remettre en pleine terre entre 50 % et 60 % des sols pour la production vivrière et le respect du cycle de l’eau (à ce jour, entre 1 % et 1,5 % dans les villes labellisées Métropoles françaises), ou encore restituer aux écosystèmes au moins 15 % des sols urbanisés pour la biodiversité. Tout ceci est infaisable morphologiquement et, quoi qu’il en soit, impensable dans le cadre d’une ville devenue médiation première du capital.

Nous n’avons en fait pas d’autre choix que de nous affranchir des grandes centralités et de leurs polarités, comme certains espaces périurbains commencent à le faire ; en déconcentrant et en relocalisant, en décentralisant, sans omettre de décoloniser quelques habitudes et modes de vie.

Mais comment passer de l’ère de taire l’inconséquence de nos écologies urbaines à l’âge du faire des géographies posturbaines, sans pour autant rétrécir la société par le jeu des identités et le retour de quelques barbelés ? Quelles sont les conditions d’une désurbanisation sans perte d’altérité, et sans oublier cette fois la communauté biotique ?

Bientôt, le débranchement urbain ?

Cette autre géographie est d’ores et déjà en construction, à bas bruit. Les espaces plus ouverts, ceux des campagnes, offrent d’autres possibilités, sous condition de révision de quelques comportements, particulièrement ceux liés à nos mobilités, connectivités et divertissements. En France, cela correspond au foisonnement d’alternatives au sein des espaces dessinés par les treize mille petites villes et petites villes de proximité, bourgs et villages centre, auxquels il faut ajouter les milliers d’autres villages, hameaux et lieux-dit : néoruralités qui connaissent leur septième vague d’installation, néopaysanneries dynamiques, zones à défendre, communautés existentielles/intentionnelles, écolieux et fermes sociales…

Permaculture et autosubsistance vivrière, chantiers participatifs et autoconstruction bioclimatique, épiceries sociales ambulantes et médiathèques villageoises itinérantes, fêtes locales et savoirs vernaculaires… sont clairement ici en ligne de mire. Et l’on pourrait imaginer des foires locales aux logements, puisque près de trois millions sont vacants dans les périphéries, alors que ce secteur est prétendument en crise. Et, toute cette effervescence ne concerne pas moins de 30 % du territoire hexagonal.

Là serait la raison du débranchement urbain : cesser d’être les agents involontaires des méga-machines urbaines en recouvrant de la puissance d’agir, non plus pour faire masse contre la nature mais pour faire corps avec le vivant. Le triptyque habiter la terre, coopérer par le faire, autogérer de manière solidaire peut constituer la matrice d’une société écologique posturbaine. À condition de vider les villes, les grandes, et de cheminer enfin vers le suffisant.

Politique- Incompatibilité entre capitalisme et écologie ?

Politique- Incompatibilité entre capitalisme et écologie ?

par
Directeur de recherche émérite au CNRS, économiste de l’énergie, Université Grenoble Alpes (UGA) dans The Conversation

La montée de la crise climatique conduit à poser avec une intensité accrue la question de la compatibilité entre le régime économique aujourd’hui dominant au plan mondial et le maintien de conditions écologiques viables sur la planète. Faut-il une rupture avec le système ? Le système en question c’est bien le système capitaliste, fondé sur une économie de marché globalisée, privilégiant la croissance à tout prix et qui ignorerait la question environnementale, sauf bien sûr à des fins marketing ou de greenwashing. Quant à la rupture, quelle serait-elle ? Le terme en lui-même implique un changement profond et rapide : dans les comportements individuels vers la sobriété, dans les politiques nationales, ou encore dans l’ordre mondial ?

Peut-on concilier capitalisme et écologie ? Question hautement clivante, parce qu’elle embarque de multiples dimensions idéologiques et politiques. Elle n’est pas nouvelle, mais devient absolument cruciale dans cette première moitié du XXIe siècle.

Pour engager une conversation utile à ce sujet, sans doute est-il nécessaire de prendre du recul. Et pour cela, quelle meilleure solution que de revisiter la pensée d’un des pionniers, si ce n’est le père, des concepts du développement durable : Ignacy Sachs, l’intellectuel franco-polonais qui est mort le 2 août dernier à Paris, à l’âge de 95 ans.

Né à Varsovie en 1927, Ignacy Sachs a grandi puis étudié l’économie au Brésil pendant la Seconde Guerre mondiale. Il travaille dans les services diplomatiques polonais en Inde à la fin des années 1950, avant de revenir en Pologne. Il quitte ce pays en 1968 et rejoint à Paris l’École pratique des hautes études (l’actuelle EHESS).

Fort de son expérience de vie dans plusieurs sociétés, il commence alors à déployer une réflexion globale sur les enjeux du développement et définit le concept d’« écodéveloppement ». Son programme de recherche, sans doute plus connu à l’international qu’en France, est simple à définir : il s’agit d’explorer les voies d’une « croissance économique à la fois respectueuse de l’environnement et socialement inclusive ».

C’est donc la définition de l’écodéveloppement, terme qu’il impose à la première Conférence des Nations unies sur l’environnement, en 1972 à Stockholm. C’est clairement un concept précurseur de celui de développement durable, introduit par le rapport Brundtland quinze ans plus tard, en 1987.

En 2008, longtemps après ces premiers travaux et donc avec un recul important, Ignacy Sachs livre pour les archives audiovisuelles de la Fondation de la Maison des sciences de l’homme six entretiens sur « Penser le développement au XXIe siècle ».

Il s’agit sans doute de la meilleure base de départ pour explorer la question « Peut-on concilier capitalisme et écologie ? ».

Les expériences de vie et les travaux de recherche de Sachs le conduisent à une analyse sans concession de ce qu’il appelle les « paradigmes échoués » du XXe siècle.

Au Nord, le premier capitalisme, sauvage, a laissé la place à un « capitalisme réformé » durant les trente glorieuses (1945-1975), avant que la « contre-réforme du néo-libéralisme » ne balaye à partir des années 1980 une partie des acquis de la social-démocratie. À l’Est, le bilan du « socialisme réel » est sans appel : sobriété forcée et libertés restreintes, dans une égalité toute relative. Au Sud, le mal-développement domine, avec des inégalités extrêmes et le gaspillage des ressources, naturelles autant qu’humaines.

Seuls échappent peut-être à ce constat certains pays d’Asie de l’Est et du Sud-Est (la Corée du Sud et les autres « Dragons », puis la Chine et aujourd’hui le Vietnam), dotés d’« États développeurs » efficaces et qui furent les principaux bénéficiaires de la mondialisation économique. Mais en règle générale, les leçons de l’histoire sont des leçons négatives, nous dit Sachs. Pour relever les défis du XXIe siècle, nous sommes donc condamnés à inventer.

Quels sont ces défis auxquels il faut faire face désormais ?

Le changement climatique, bien sûr, dont les manifestations sont aujourd’hui claires, mais qui s’inscrivait déjà sur l’agenda international il y a trente ans, avec le premier rapport du GIEC et les premiers sommets de chefs d’État.

Pour Ignacy Sachs, le second défi est celui du travail. Plus précisément celui de la création d’une offre suffisante de « travail décent » pour une population mondiale qui continuera à croître, de 7,6 milliards aujourd’hui à 10 mds vers 2050. Dans L’homme inutile, l’économiste Pierre-Noël Giraud identifie lui aussi les nouveaux damnés de la terre, ceux qui sont exclus du travail, au Nord comme au Sud.

Sur l’articulation de ces deux défis, deux camps s’affrontent.

D’un côté, on a les « maniaques de la croissance » qui considèrent le maintien de la croissance comme une priorité absolue et « pour ce qui est de l’environnement, on verra après ! ». De l’autre, les tenants de la décroissance, pour lesquels la croissance épuise les ressources et détruit l’atmosphère, sachant que la production matérielle est d’ores et déjà plus que suffisante : il suffit de mieux la répartir. Ce débat entre « cornucopiens et malthusiens » fut illustré, par exemple, dans la controverse entre l’écologiste Paul Ehrlich et l’économiste Julian Simon.

Invoquant Gandhi, Sachs reconnaît la nécessité de la rupture avec le consumérisme effréné et la pertinence de l’autolimitation des consommations. Mais il est sans concession sur la croissance : toute solution conduisant à la freiner peut certes faire du mal au portefeuille des plus riches, mais elle peut aussi signifier l’enfer pour les plus pauvres. Il s’agit donc de piloter l’économie en se tenant éloigné des deux dogmatismes, en considérant des objectifs de croissance et d’emploi, sans doute en inversant les priorités : l’emploi et la croissance.

Il serait vain de revenir aux solutions du passé, toutes ont mal passé l’épreuve de la réalité. En attendant l’émergence et la consolidation d’une économie sociale dans l’économie de marché, il s’agit en priorité de réformer à nouveau le capitalisme. Et d’affirmer le rôle de l’État dans cette perspective d’une « croissance économique socialement inclusive et respectueuse de l’environnement ».

Dans le projet de réforme du capitalisme, Sachs identifie la nécessité absolue d’une régulation sociale et environnementale des marchés. Il faut pour cela une « main bien visible de l’État ». Dans ses conférences de 2008, il identifie cinq priorités, d’une extrême actualité.

L’État doit tout d’abord gérer l’interface entre les différents niveaux de gouvernance ; dans la mondialisation, l’État-nation ne doit pas s’effacer mais au contraire s’affirmer comme un élément central pour l’articulation du global et du local.

Il doit aussi évidemment être l’élément moteur de la composition des objectifs économiques, sociaux et environnementaux, qui constituent le triangle de base du développement durable.
Si les transitions écologiques et sociales appellent une vision à long terme, celle-ci ne doit pas être élaborée de manière technocratique, mais constituer un avenir négocié entre l’État, les entreprises, les représentants des travailleurs et la société civile organisée.

Les services sociaux de base principalement garantis par l’État pour les infrastructures, la santé, l’éducation doivent devenir un droit pour tous et, évidemment, dans tous les pays.
Enfin, l’État doit jouer un rôle central en matière de recherche et d’innovation, non seulement parce que les intérêts privés sous-estiment les bénéfices sociaux de la recherche, mais aussi parce que celle-ci doit échapper aux critères de rentabilité à court terme.

La pensée d’Ignacy Sachs n’épuise évidemment pas le sujet. Mais elle constitue un socle de réflexion solide pour penser les solutions aux défis du XXIe siècle.

Et il sera possible, et recommandé, de prolonger la réflexion en s’appuyant sur les apports du philosophe pragmatiste américain John Dewey pour le rôle de l’enquête scientifique dans la formulation des politiques publiques ou pour le « libéralisme d’action sociale » ; mais aussi les analyses détaillées de Pierre-Noel Giraud sur la nécessaire gestion des emplois nomades et sédentaires dans l’économie globalisée ; ou encore la vision schumpetérienne du paradigme économique vert de l’économiste anglais Christopher Freeman.

Mais ce sont autant de sujets à verser à un dossier qui ne sera pas clos avant longtemps : réformer le capitalisme pour surmonter la crise écologique, tout en construisant l’équité et l’inclusion sociale…

Incompatibilité entre capitalisme et écologie ? Les enseignements d’Ignacy Sachs

Incompatibilité entre capitalisme et écologie ? Les enseignements d’Ignacy Sachs

par
Directeur de recherche émérite au CNRS, économiste de l’énergie, Université Grenoble Alpes (UGA) dans The Conversation

La montée de la crise climatique conduit à poser avec une intensité accrue la question de la compatibilité entre le régime économique aujourd’hui dominant au plan mondial et le maintien de conditions écologiques viables sur la planète. Faut-il une rupture avec le système ? Le système en question c’est bien le système capitaliste, fondé sur une économie de marché globalisée, privilégiant la croissance à tout prix et qui ignorerait la question environnementale, sauf bien sûr à des fins marketing ou de greenwashing. Quant à la rupture, quelle serait-elle ? Le terme en lui-même implique un changement profond et rapide : dans les comportements individuels vers la sobriété, dans les politiques nationales, ou encore dans l’ordre mondial ?

Peut-on concilier capitalisme et écologie ? Question hautement clivante, parce qu’elle embarque de multiples dimensions idéologiques et politiques. Elle n’est pas nouvelle, mais devient absolument cruciale dans cette première moitié du XXIe siècle.

Pour engager une conversation utile à ce sujet, sans doute est-il nécessaire de prendre du recul. Et pour cela, quelle meilleure solution que de revisiter la pensée d’un des pionniers, si ce n’est le père, des concepts du développement durable : Ignacy Sachs, l’intellectuel franco-polonais qui est mort le 2 août dernier à Paris, à l’âge de 95 ans.

Né à Varsovie en 1927, Ignacy Sachs a grandi puis étudié l’économie au Brésil pendant la Seconde Guerre mondiale. Il travaille dans les services diplomatiques polonais en Inde à la fin des années 1950, avant de revenir en Pologne. Il quitte ce pays en 1968 et rejoint à Paris l’École pratique des hautes études (l’actuelle EHESS).

Fort de son expérience de vie dans plusieurs sociétés, il commence alors à déployer une réflexion globale sur les enjeux du développement et définit le concept d’« écodéveloppement ». Son programme de recherche, sans doute plus connu à l’international qu’en France, est simple à définir : il s’agit d’explorer les voies d’une « croissance économique à la fois respectueuse de l’environnement et socialement inclusive ».

C’est donc la définition de l’écodéveloppement, terme qu’il impose à la première Conférence des Nations unies sur l’environnement, en 1972 à Stockholm. C’est clairement un concept précurseur de celui de développement durable, introduit par le rapport Brundtland quinze ans plus tard, en 1987.

En 2008, longtemps après ces premiers travaux et donc avec un recul important, Ignacy Sachs livre pour les archives audiovisuelles de la Fondation de la Maison des sciences de l’homme six entretiens sur « Penser le développement au XXIe siècle ».

Il s’agit sans doute de la meilleure base de départ pour explorer la question « Peut-on concilier capitalisme et écologie ? ».

Les expériences de vie et les travaux de recherche de Sachs le conduisent à une analyse sans concession de ce qu’il appelle les « paradigmes échoués » du XXe siècle.

Au Nord, le premier capitalisme, sauvage, a laissé la place à un « capitalisme réformé » durant les trente glorieuses (1945-1975), avant que la « contre-réforme du néo-libéralisme » ne balaye à partir des années 1980 une partie des acquis de la social-démocratie. À l’Est, le bilan du « socialisme réel » est sans appel : sobriété forcée et libertés restreintes, dans une égalité toute relative. Au Sud, le mal-développement domine, avec des inégalités extrêmes et le gaspillage des ressources, naturelles autant qu’humaines.

Seuls échappent peut-être à ce constat certains pays d’Asie de l’Est et du Sud-Est (la Corée du Sud et les autres « Dragons », puis la Chine et aujourd’hui le Vietnam), dotés d’« États développeurs » efficaces et qui furent les principaux bénéficiaires de la mondialisation économique. Mais en règle générale, les leçons de l’histoire sont des leçons négatives, nous dit Sachs. Pour relever les défis du XXIe siècle, nous sommes donc condamnés à inventer.

Quels sont ces défis auxquels il faut faire face désormais ?

Le changement climatique, bien sûr, dont les manifestations sont aujourd’hui claires, mais qui s’inscrivait déjà sur l’agenda international il y a trente ans, avec le premier rapport du GIEC et les premiers sommets de chefs d’État.

Pour Ignacy Sachs, le second défi est celui du travail. Plus précisément celui de la création d’une offre suffisante de « travail décent » pour une population mondiale qui continuera à croître, de 7,6 milliards aujourd’hui à 10 mds vers 2050. Dans L’homme inutile, l’économiste Pierre-Noël Giraud identifie lui aussi les nouveaux damnés de la terre, ceux qui sont exclus du travail, au Nord comme au Sud.

Sur l’articulation de ces deux défis, deux camps s’affrontent.

D’un côté, on a les « maniaques de la croissance » qui considèrent le maintien de la croissance comme une priorité absolue et « pour ce qui est de l’environnement, on verra après ! ». De l’autre, les tenants de la décroissance, pour lesquels la croissance épuise les ressources et détruit l’atmosphère, sachant que la production matérielle est d’ores et déjà plus que suffisante : il suffit de mieux la répartir. Ce débat entre « cornucopiens et malthusiens » fut illustré, par exemple, dans la controverse entre l’écologiste Paul Ehrlich et l’économiste Julian Simon.

Invoquant Gandhi, Sachs reconnaît la nécessité de la rupture avec le consumérisme effréné et la pertinence de l’autolimitation des consommations. Mais il est sans concession sur la croissance : toute solution conduisant à la freiner peut certes faire du mal au portefeuille des plus riches, mais elle peut aussi signifier l’enfer pour les plus pauvres. Il s’agit donc de piloter l’économie en se tenant éloigné des deux dogmatismes, en considérant des objectifs de croissance et d’emploi, sans doute en inversant les priorités : l’emploi et la croissance.

Il serait vain de revenir aux solutions du passé, toutes ont mal passé l’épreuve de la réalité. En attendant l’émergence et la consolidation d’une économie sociale dans l’économie de marché, il s’agit en priorité de réformer à nouveau le capitalisme. Et d’affirmer le rôle de l’État dans cette perspective d’une « croissance économique socialement inclusive et respectueuse de l’environnement ».

Dans le projet de réforme du capitalisme, Sachs identifie la nécessité absolue d’une régulation sociale et environnementale des marchés. Il faut pour cela une « main bien visible de l’État ». Dans ses conférences de 2008, il identifie cinq priorités, d’une extrême actualité.

L’État doit tout d’abord gérer l’interface entre les différents niveaux de gouvernance ; dans la mondialisation, l’État-nation ne doit pas s’effacer mais au contraire s’affirmer comme un élément central pour l’articulation du global et du local.

Il doit aussi évidemment être l’élément moteur de la composition des objectifs économiques, sociaux et environnementaux, qui constituent le triangle de base du développement durable.
Si les transitions écologiques et sociales appellent une vision à long terme, celle-ci ne doit pas être élaborée de manière technocratique, mais constituer un avenir négocié entre l’État, les entreprises, les représentants des travailleurs et la société civile organisée.

Les services sociaux de base principalement garantis par l’État pour les infrastructures, la santé, l’éducation doivent devenir un droit pour tous et, évidemment, dans tous les pays.
Enfin, l’État doit jouer un rôle central en matière de recherche et d’innovation, non seulement parce que les intérêts privés sous-estiment les bénéfices sociaux de la recherche, mais aussi parce que celle-ci doit échapper aux critères de rentabilité à court terme.

La pensée d’Ignacy Sachs n’épuise évidemment pas le sujet. Mais elle constitue un socle de réflexion solide pour penser les solutions aux défis du XXIe siècle.

Et il sera possible, et recommandé, de prolonger la réflexion en s’appuyant sur les apports du philosophe pragmatiste américain John Dewey pour le rôle de l’enquête scientifique dans la formulation des politiques publiques ou pour le « libéralisme d’action sociale » ; mais aussi les analyses détaillées de Pierre-Noel Giraud sur la nécessaire gestion des emplois nomades et sédentaires dans l’économie globalisée ; ou encore la vision schumpetérienne du paradigme économique vert de l’économiste anglais Christopher Freeman.

Mais ce sont autant de sujets à verser à un dossier qui ne sera pas clos avant longtemps : réformer le capitalisme pour surmonter la crise écologique, tout en construisant l’équité et l’inclusion sociale…

Ecologie et démocratie

Ecologie et démocratie

La juriste Mathilde Hautereau-Boutonnet s’inquiète, dans une tribune au « Monde », des menaces que la priorité donnée aux politiques environnementales fait peser sur les libertés individuelles.

La lutte contre le réchauffement climatique mérite-t-elle de mépriser nos libertés individuelles ? La question se pose lorsque l’on écoute certains propos récemment médiatisés. Tandis que l’activiste du climat Camille Etienne, à l’occasion de la parution de son premier livre (Pour un soulèvement écologique, Seuil, 176 pages, 18 euros), fustige les « puissants » qui organisent notre « apathie » face à l’urgence écologique, et leur oppose une démocratie subordonnée aux « limites planétaires » comme réalités « non négociables », l’ingénieur Jean-Marc Jancovici appelle à instaurer un système de quotas qui n’autoriserait les Français à effectuer au cours de leur vie que quatre déplacements en avion.

Dans les deux cas, qu’il prenne ses racines dans le militantisme écologique anticapitaliste ou le réalisme scientifique chiffré, le discours aboutit au même résultat : fermer la porte à tout débat sur l’atteinte aux libertés individuelles à laquelle conduisent incidemment ces propositions. Les faits parlent d’eux-mêmes, ils nous imposent de ne pas penser autrement, la liberté n’existant que parce qu’elle est collective, pour l’une, et la restriction proposée n’étant que « casse-bonbons », pour l’autre !

Ce résultat est regrettable. Il prive le public d’un élément important pour comprendre comment la lutte contre le réchauffement climatique peut s’opérer dans le respect de l’Etat de droit, seul « terrain de jeu » véritablement non négociable.

Au cœur de cet Etat de droit se trouvent justement nos libertés individuelles et, parmi elles, la liberté d’entreprendre, le droit de propriété et la liberté d’aller et venir. Socle de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) de 1789, celles-ci nous ont jusqu’alors permis de vivre dans une société développée dont nous tirons encore bien des profits.

Certes, ces libertés peuvent être encadrées. Parce que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » (art. 4, DDHC), le législateur peut créer des règles portant atteinte à leur exercice, d’autant plus que dans le domaine environnemental, outre le fait que la charte constitutionnelle de l’environnement reconnaît depuis 2005 des droits et des devoirs environnementaux, le Conseil constitutionnel fait de la protection de l’environnement un objectif à valeur constitutionnelle justifiant, au nom de l’intérêt général, les atteintes à certaines libertés.

Transport et écologie  : pour des véhicules plus efficaces, plus sobres et accessibles

Transport et écologie  : pour des véhicules plus efficaces, plus sobres et accessibles

Continuer de subventionner des voitures électriques toujours plus lourdes, puissantes et suréquipées est une impasse, assurent, dans une tribune au « Monde », cinq spécialistes de la transition écologique, dont Jean-Marc Jancovici et François Gemenne, qui appellent à une planification de la mobilité bas carbone.

Le 30 mai, trois ministres et de nombreux élus inauguraient la première gigafactory de batteries électriques en France, à Douvrin (Pas-de-Calais). Le 11 mai, le président de la République vantait un total de 13 milliards d’euros déjà engagés dans le plan d’investissement France 2030, dont une partie des 800 millions d’euros de subventions publiques françaises pour Douvrin. Il annonçait aussi un autre projet de gigafactory (le quatrième au total) et un nouveau crédit d’impôt visant à subventionner 20 milliards d’euros d’investissements supplémentaires d’ici à 2030, dont une partie encore pour la filière automobile.

Excellentes nouvelles, tant la transition écologique implique de renforcer l’autonomie stratégique sur les processus industriels, notamment la production de batteries pour la transition de l’automobile. Mais pour une politique industrielle, écologique et sociale crédible, des conditions doivent être posées sur l’usage qui en sera fait : produire des véhicules plus efficaces, plus sobres en ressources et accessibles à toutes les personnes qui dépendent de l’automobile au quotidien.

Pas un mot n’a été prononcé sur la vision de la mobilité du futur proposée aux Français, où la voiture doit occuper une place bien moins centrale. Ceux qui en resteront dépendants, notamment dans les zones rurales, pourront-ils s’offrir les véhicules électriques produits, alors que le marché du neuf est déjà hors de portée pour la plupart aujourd’hui ? Que répondre aux inquiétudes, partagées par les industriels et scientifiques, sur la disponibilité en matériaux pour fabriquer les batteries, en infrastructures de recharge, voire en électricité pour leur recharge ? Que dire aux centaines de milliers de travailleurs de l’industrie du véhicule thermique qui s’interrogent sur leur avenir ?

La stratégie actuelle demeure muette sur les vrais enjeux et risque de nous mener dans une impasse. La relocalisation souhaitable de la production automobile doit intégrer le besoin de réduction du marché global. Comme le montrent tous les travaux sur la transition du secteur intégrant les limites physiques de notre planète, le premier enjeu est d’accompagner cette réduction de manière juste – les quelques milliers d’emplois envisageables dans la production de batteries ne pourront pas seuls la compenser.

Écologie–Sobriété : Le gâchis des ressources naturelles

Écologie–Sobriété : Le gâchis des ressources naturelles

Par
Bruno Villalba
Professeur de science politique environnementale, AgroParisTech – Université Paris-Saclay dans the Conversation

La sobriété interroge notre rapport à la matérialité. Elle est souvent conçue comme la masse et la composition physico-chimique des choses extraites, produites et échangées ou des investissements réalisés qui s’oppose à leurs valeurs.Mais une telle approche minimise le stock disponible, c’est-à-dire la quantité physiquement existante pour permettre que ces dynamiques de flux et d’échange puissent se mettre en place et se développer. Concevoir une matérialité dans une vision évolutive (comme l’extension du contrôle efficace des échanges) revient à maintenir une certaine vision de l’abondance de la ressource – ou tout au moins de l’extension de ses potentialités d’exploitation. Or, nous assistons plutôt à une raréfaction programmée de cette matérialité. Cette programmation résulte du prolongement des politiques de développement qui, inévitablement, conduiront à l’assèchement des ressources.

De nombreuses analyses mettant en évidence ce paradoxe ont déjà été réalisées. Une abondante littérature porte sur la disparition programmée des ressources fossiles et de ses conséquences catastrophiques sur nos « sociétés carbones ». Nous souhaitons insister sur le déploiement de mécanismes plus invisibles encore, qui rend plus compliqué le fait de saisir la relation de dépendance qui nous relie à eux, et montrer combien le « pic » concerne la quasi-totalité des matières avec lesquelles nous entretenons un rapport d’extraction.

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En 1863, le chimiste Dmitri Mendeleev a classé 63 éléments chimiques naturels, connus à l’époque, qui composent tout ce qui nous entoure, et a publié, en 1869, le fameux « tableau périodique ». Depuis la classification s’est étoffée et il y a maintenant 118 éléments répertoriés, dont 90 sont présents dans la nature. Les autres sont pour la plupart des éléments super lourds qui ont été créés dans les laboratoires au cours des dernières décennies par des réactions nucléaires et qui se désintègrent rapidement en un ou plusieurs des éléments naturels.

En 1976, le chimiste américain William Sheehan offre une nouvelle vision de ce tableau. Il représente chaque élément en fonction de son abondance ou de sa rareté, ce qui permet d’échapper à la présentation traditionnelle, où chacun d’entre eux est soigneusement rangé dans des petits carrés équivalents18.

On peut ainsi voir l’abondance de l’hydrogène (H), du carbone (C), de l’oxygène (O), d’une moindre profusion du phosphore (P) ou du calcium (Ca), et d’une très faible présence du lithium (Li) ou de l’argon (Ar), ou bien plus encore, de l’extrême pénurie du prométhium (Pm). Avec cette figuration, il souhaite signifier les possibilités d’exploitation de ces éléments, en fonction de leur profusion naturelle ou de leur création artificielle. Ce croquis, repris puis diffusé sur les réseaux numériques, connaît une amélioration graphique ; ainsi, le tableau a été codé par couleur pour indiquer la vulnérabilité plus ou moins grande des éléments.

Ce qui est ainsi mis en scène, c’est l’extension de la pression sur certains éléments non renouvelables. Bien sûr, cette présentation synthétique a fait l’objet de certaines critiques, dont l’une qui fait état de l’absence de connaissances globales sur l’état des ressources qui empêcheraient de mesurer avec précision le degré de disparition. Mais, elles ne remettent pas en cause l’inégale pression sur les ressources, ni l’intensification des tensions.

The European Chemical Society (EuChemS) s’inspire de ce travail et publie, en 2021, une nouvelle version de son « Element Scarcity – EuChemS Periodic Table ». Dans la plupart des cas, les éléments n’ont pas disparu. Mais, au fur et à mesure que nous les utilisons, ils se dispersent et sont beaucoup plus difficiles à récupérer. La dispersion rendra certains éléments beaucoup moins facilement disponibles dans cent ans ou moins – c’est le cas pour l’hélium (He), l’argent (Ag), le tellure (Te), le gallium (Ga), le germanium (Ge), le strontium (Sr), l’yttrium (Y), le zinc (Zn), l’indium (In), l’arsenic (As), l’hafnium (Hf) et le tantale (Ta). L’hélium est utilisé pour refroidir les aimants des scanners IRM et pour diluer l’oxygène pour la plongée sous-marine. 26 éléments du tableau de Mendeleïev, tels que l’or, le cuivre, le platine, l’uranium, le zinc ou le phosphore seraient en voie d’épuisement. 6 autres ont une durée de vie utile prévue est inférieure à cent ans. Sur les 90 éléments, 31 portent un symbole de smartphone – reflétant le fait qu’ils sont tous contenus dans ces appareils.

The European Chemical Society attire aussi notre attention sur une autre dimension, que les auteurs qualifient de « provenant des ressources du conflit ». Par exemple, le carbone, en particulier le pétrole, peut provenir d’endroits où des guerres sont menées pour les champs pétrolifères ou où les revenus pétroliers sont utilisés pour mener des guerres. Nous sommes donc face à un stock limité d’éléments constitutifs. De plus, même les agencements que nous pouvons réaliser entre eux sont limités : dès lors que l’un des éléments vient à manquer, ils ne sont pas toujours substituables.

À partir de ce simple constat matériel, on voit combien le dépassement technologique est rendu illusoire à cause de la disparition progressive des ressources non renouvelables. Leur rareté devrait conduire à une modération dans leur usage. On retrouve ainsi le « stock de sable » : une quantité limitée, des possibilités d’innovations limitées en raison de la disparition programmée de certains éléments, ainsi que des combinaisons limitées… Et il faudra encore que les générations futures gèrent durablement ces pénuries.

Malgré cet état de fait, la transition écologique, notamment dans son volet énergétique, continue à promouvoir le développement de technologies vertes nécessitant l’utilisation intensive de ces ressources limitées. Il faut, quoi qu’il en coûte, maintenir la croissance, désormais flanquée du qualificatif « verte ». Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), cette croissance consiste « à favoriser la croissance économique et le développement tout en veillant à ce que les actifs naturels continuent de fournir les ressources et les services environnementaux sur lesquels repose notre bien-être. Pour ce faire, elle doit catalyser l’investissement et l’innovation qui étaieront une croissance durable et créeront de nouvelles opportunités économiques ».

Cette définition met clairement en lumière l’objectif que les démocraties occidentales et les autocraties cherchent aujourd’hui à atteindre : poursuivre l’amplification économique, mais en s’appuyant sur le progrès technique pour tenter d’atténuer les impacts sur l’environnement.

Cependant cet artefact des économistes classiques et néo-classiques, qui suppose de considérer le système économique comme une machine à mouvement perpétuel, se heurte aux limites matérielles bien réelles du monde naturel. En effet, les réserves de métaux rares sont relativement peu abondantes, comparées au rythme de consommation effréné de notre siècle. Elle croît à un rythme de 3 à 5 % par an. À titre indicatif, à l’horizon 2030, la demande de germanium, utilisé pour la fabrication de cellules photovoltaïques, va doubler ; celle de tantale, utilisé comme conducteur de la chaleur et de l’électricité ou pour la fabrication d’instruments chirurgicaux et d’implants, va quadrupler ; celle de cobalt, utilisé pour la fabrication des aimants ou des voitures hybrides, va être multipliée par 24. Ces métaux les moins abondants (lithium, béryllium, cobalt…) sont devenus essentiels à la production d’aimants, de moteurs, de batteries, incorporés à l’électronique… Autant de ressources qui sont indispensables au développement des « énergies vertes ». Les terres rares – une trentaine d’éléments chimiques – sont aussi concernées par cette intensification de leur exploitation, au nom des énergies renouvelables.

L’extractivisme est général ! La déplétion est progressive mais permanente. La quantité de matière première extraite de la Terre est passée de 22 milliards de tonnes en 1970 à 70 milliards de tonnes en 2010. Au cours des années 2000-2010, à l’échelle du globe, entre 47 et 49 milliards de tonnes de matériaux ont été extraits chaque année, soit 18 kg en moyenne par jour et par personne.

Au rythme actuel d’extraction, nombreux sont ceux qui risquent d’être épuisés dans une cinquantaine d’années. Il est estimé que, pour satisfaire la demande – en termes de logements, mobilité, nourriture, énergie, eau, etc. – des futurs 10 milliards d’habitants de notre planète, 180 milliards de tonnes de matières premières, soit trois fois la quantité de ressources actuelles, seront nécessaires à l’horizon 2050. L’océan profond devient ainsi un nouvel espace de jeu de l’extractivisme. On envisage tranquillement d’aller exploiter la Lune et Mars… : la poubellocène deviendra spatiale !

Il va sans dire que les impacts négatifs iront de pair. Tout d’abord, ces exploitations répondent à la loi des pics d’extraction : on doit creuser plus profond, pour des taux de concentration plus diffus… Ce qui entraîne inévitablement une logique d’épuisement et une l’augmentation des coûts énergétiques croissants de leur extraction.

Ensuite, ces politiques ont des effets sociaux importants, comme l’augmen – tation des prix de l’énergie en raison de ces contractions de quantité, mais aussi de la spéculation financière qu’elles produiront. De plus, il faut aussi prendre en compte les effets rebonds sur les grands enjeux écologiques : pour extraire toujours plus de matière, on aura besoin de toujours plus de ressources (en pétrole, en eau, etc.), ce qui accentuera les émissions de gaz à effet de serre et participera à la continuité (voir l’amplification) des effets de rétroaction du dérèglement climatique (acidification des océans, érosion de la biodiver- sité…), mais aura aussi des conséquences sur les milieux de vie, sur les pollution et eutrophisation des sols et des nappes d’eau douce, la déforestation massive…

Enfin, cette course à la ressource participera à l’accroissement des violences et des conflits locaux pour protéger la richesse générée par ces exploitations. La diminution des volumes disponibles (à bas coûts) entraîne une augmentation des prix, ce qui rend l’accès plus difficile pour certains pays ne disposant pas de ressources financières importantes.

Si l’on souhaite bâtir des politiques de souveraineté énergétique à l’échelle de chaque pays, la compétition va être rude pour sécuriser l’accès à ces ressources. La concentration de ces terres dans quelques pays représente une source de tensions géopolitiques de premier plan. Par exemple, la Chine dispose aujourd’hui de 80 % à 90 % de la production mondiale de 17 matériaux, indispensables à la fabrication de nombreux équipements électroniques, alors même qu’elle ne possède qu’un tiers des réserves. Comment réagir face à la contraction des échanges si la Chine décide de conserver ces ressources ? Les stocks de ressources deviennent de plus en plus des enjeux stratégiques, comme l’a montré la guerre en Ukraine. Les États développent des stratégies de sécurisation de leurs approvisionnements afin de maintenir ce flux de métaux indispensables au fonctionnement de leur économie. Comment garantir l’approvisionnement en métaux dits « critiques », selon la terminologie de l’International Energy Agency ? La question est posée, la réponse est plus sibylline, notamment lorsqu’elle tend à édulcorer son rapport à la violence (assurer la ressource et ainsi renforcer sa souveraineté) ainsi que les conséquences d’un redéploiement local de l’approvisionnement (réduire sa dépendance, c’est relancer l’exploitation des mines sur son sol, ce qui n’est pas sans rencontrer de vives oppositions).

Mais face à cette réalité, on continue à invoquer le mythe d’une innovation capable de limiter les effets rebonds et d’élaborer des compensations réparatrices… Cette politique extractiviste mobilise de plus en plus de compétences et d’ingéniosités, de financements et de complexités dans les chaînes d’approvisionnement – ce qui contribue d’autant plus à la fiction de l’ingéniosité humaine sans limite, comme en témoigne le récit des énergies « vertes ».

Environnement : Pour une écologie populaire

Environnement : Pour une écologie populaire

par Theodore Tallent
Chercheur en science politique et environnement au Centre d’Etudes Européennes et de politique comparée, Sciences Po dans the Conversation

Les conséquences énergétiques de la guerre en Ukraine et les débats politiques à la suite des divers rapports du GIEC ont mis au centre une question fondamentale : alors que la sobriété des comportements et l’adoption de mesures environnementales ambitieuses s’imposent pour lutter contre la crise énergétique et le dérèglement climatique, comment caractériser les pratiques et attitudes des classes populaires à l’égard de l’environnement ? Le discours écologique mainstream qui s’est développé depuis une quarantaine d’années repose sur une vision politique, globale, urbaine, et conscientisée de l’engagement écologique.
Les classes populaires urbaines et rurales, fréquemment dépeintes comme sobres « par nécessité » du fait de fortes contraintes économiques qui modèlent leurs habitudes, sont-elles vouées à subir une transition coûteuse et des mesures de sobriété qui, pour elles, n’ont rien d’« heureuse » ?

Intimement lié à l’écologie politique, ce discours écologique dominant défend donc la politisation de l’enjeu écologique, l’adoption généralisée d’une conscience écologique individuelle, et le déploiement de politiques de régulation telles que la fiscalité verte. Malgré les divergences, ce discours écologique a de commun qu’il considère l’intentionnalité des actions environnementales (la « conscience écologique ») comme centrale.

Or il semble à première vue que les classes populaires résidant en zone rurale ou en périphérie des villes rentrent difficilement dans ce cadre discursif. Pour elles, ce sont plutôt les impératifs de pouvoir d’achat, d’emploi et de logement qui sont régulièrement présentés par des éditorialistes ou sondages comme primordiaux. Les pratiques de sobriété sont donc souvent qualifiées de « subies », à rebours d’un engagement conscientisé et politique

Compte tenu du fait que la transition écologique mêle pratiques individuelles et politiques publiques, il est en outre intéressant de noter là encore que ces dernières, appliquées uniformément et sans adaptation, imposent un coût supérieur aux classes populaires. Une étude confirme ainsi que la majorité des instruments de décarbonation ont un impact distributif important. L’acceptabilité de ces politiques baisse ainsi au sein des classes populaires, mais aussi des classes moyennes rurales, qui craignent pour leur situation économique.

À l’aune de ces éléments, une éventuelle « écologie populaire » semble plutôt rimer avec précarisation et difficultés d’adaptation. Il paraît surtout clair qu’elle ne s’inscrit pas dans les bornes fixées par le discours écologique dominant.

Dépasser l’opposition entre « fin du mois » et « écologie »
Loin des discours caricaturaux distinguant les « bobos écolos » des centres-villes des périurbains et ruraux, trop préoccupés par leurs conditions de vie pour envisager l’enjeu écologique, une nouvelle écologie se dessine pourtant.

En 2015, 35,7 % des ménages français possédaient deux voitures ou plus. Damien Meyer/AFP
Certes, la précarité des classes populaires rend plus difficile l’adoption de certaines pratiques ou la formation d’opinions positives à l’égard des politiques environnementales. Mais c’est paradoxalement par cela qu’elles sont en train de réinventer une écologie relocalisée, sobre, et aux valeurs fondamentalement populaires, comme le démontrent deux études de terrain menées dans le contexte des « gilets jaunes ».

Ces citoyens des classes populaires urbaines, ou même de la classe moyenne rurale, proposent un modèle alternatif au discours dominant sur l’écologie.

Au cœur des conclusions de ces études réside l’idée que ce n’est pas parce que certaines de leurs pratiques sont contraintes que cela les rendrait moins écolos.

Qui a dit que l’écologie de conviction (et de discours) valait mieux que l’écologie de l’action ?

L’essence de cette critique se trouvait déjà chez Joan Martinez-Alier lorsqu’il publiait son livre The Environmentalism of the Poor en 2002. Un nouvel écologisme était, selon lui, en train de naître sous nos yeux, en opposition aux dommages environnementaux subis par les populations pauvres du Sud global.

Vingt ans plus tard, c’est aussi une nouvelle écologie qui apparaît dans les pays du Nord, au sein de classes populaires urbaines et rurales ne se reconnaissant que rarement dans l’écologie mainstream, en témoigne par exemple la sociologie du vote vert en France. Cette « dépossession écologique » s’explique par des références et valeurs différentes, des impératifs quotidiens divergents et des pratiques et attitudes qui n’expriment pas un message tout à fait similaire à celui porté par le mouvement dominant.

Cela se manifeste également par une forte préoccupation économique, dont ces citoyens ne peuvent s’éloigner – raison pour laquelle le discours décroissantiste, actuellement débattu au sein des mouvements écologiques, y fait moins recette.

Les « gilets jaunes », bien que longtemps caricaturés, ont dévoilé les bribes d’une écologie pensée hors des centres métropolitains. Leur imaginaire écologique, fondamentalement « populaire », insistait plutôt sur les valeurs morales de « non-gaspillage », de « modération », et de localisme.

C’était une écologie du soin, du familier, du « moins », du local. Une écologie tournée vers son environnement proche, vers une manière d’habiter unique et relationnelle. Une écologie parfois de la débrouille, mais également du territoire, ancrée dans son quartier ou dans son village.

Au-delà des « gilets jaunes », l’écologie populaire cherche à démontrer que « les “gens de peu” ne sont pas des riches auxquels il ne manquerait que l’argent ». Si les classes populaires ont un faible bilan carbone, ce n’est pas juste par contrainte budgétaire, c’est aussi parce qu’elles cultivent un imaginaire différent et ont d’autres modes de vie. Lors d’entretiens conduits hors des grands centres urbains, c’est le même message qui revient : les pratiques existent, ce sont les justifications qui varient.

Loin d’une lecture binaire de l’écologie (entre les « écolos » et les autres), il s’agit d’envisager l’écologie dans sa pluralité. Les attitudes et pratiques divergent, les justifications aussi, mais dans une crise environnementale toujours plus vive, il serait bon de rappeler l’expression anglaise bien connue : parfois, « actions speak louder than thoughts » (les actions comptent plus que les idées) – récemment remis au goût du jour.

L’association Vrac, présente dans de nombreuses villes de France, rend accessible les aliments bio aux habitants des quartiers populaires et aux étudiants, comme ici à Lyon. Nolwenn Jaumouillé, CC BY-NC-ND
Lorsqu’Anne (son prénom a été modifié), résidente d’un village dans l’est de la France, me déclare dans un entretien trier ses déchets organiques, car « elle a été élevée comme ça », car « on a toujours fait comme ça ici », elle ne rentre pas dans la case de l’écologie dominante. Elle ne déploie pas un discours performatif justifiant son action au nom d’un idéal environnemental plus grand, mais incarne plutôt une écologie rurale et populaire.

De la même manière, lorsque Franck critique les zones à faibles émissions, il ne néglige pas la protection de l’environnement. Il pointe davantage du doigt le poids déséquilibré que ce type de politiques fait peser sur les classes populaires périurbaines et rurales.

Le défi de cette écologie populaire se manifeste par la difficulté matérielle vécue par bon nombre d’Européens avec l’application de « principes » écologiques dans leur quotidien, à la fois pour cause de précarité ou par une impression de distance à l’égard des injonctions (et des politiques publiques) promues à Bruxelles, Paris ou Berlin.

Reconnaître une écologie populaire implique donc aussi bien l’adoption de nouveaux logiciels de pensée, ouverts à d’autres pratiques et attitudes, mais également l’adoption de politiques visant à éviter d’en arriver à l’impasse des « gilets jaunes ».

Cela passera sans doute par de la planification et de l’anticipation, pour éviter de tomber entre le marteau de la sobriété subie et l’enclume de la transition éprouvée, mais aussi par un effort pour rebâtir la confiance avec des classes populaires vivant un fort sentiment d’exclusion écologique.

En prenant au sérieux ces discours et pratiques écologiques populaires, il sera ainsi possible d’y trouver des clés pour construire la société de demain, plus sobre, tournée vers le soin et ancrée dans son territoire.

Pour une écologie populaire

Pour une écologie populaire

par Theodore Tallent
Chercheur en science politique et environnement au Centre d’Etudes Européennes et de politique comparée, Sciences Po dans the Conversation

Les conséquences énergétiques de la guerre en Ukraine et les débats politiques à la suite des divers rapports du GIEC ont mis au centre une question fondamentale : alors que la sobriété des comportements et l’adoption de mesures environnementales ambitieuses s’imposent pour lutter contre la crise énergétique et le dérèglement climatique, comment caractériser les pratiques et attitudes des classes populaires à l’égard de l’environnement ? Le discours écologique mainstream qui s’est développé depuis une quarantaine d’années repose sur une vision politique, globale, urbaine, et conscientisée de l’engagement écologique.
Les classes populaires urbaines et rurales, fréquemment dépeintes comme sobres « par nécessité » du fait de fortes contraintes économiques qui modèlent leurs habitudes, sont-elles vouées à subir une transition coûteuse et des mesures de sobriété qui, pour elles, n’ont rien d’« heureuse » ?

Intimement lié à l’écologie politique, ce discours écologique dominant défend donc la politisation de l’enjeu écologique, l’adoption généralisée d’une conscience écologique individuelle, et le déploiement de politiques de régulation telles que la fiscalité verte. Malgré les divergences, ce discours écologique a de commun qu’il considère l’intentionnalité des actions environnementales (la « conscience écologique ») comme centrale.

Or il semble à première vue que les classes populaires résidant en zone rurale ou en périphérie des villes rentrent difficilement dans ce cadre discursif. Pour elles, ce sont plutôt les impératifs de pouvoir d’achat, d’emploi et de logement qui sont régulièrement présentés par des éditorialistes ou sondages comme primordiaux. Les pratiques de sobriété sont donc souvent qualifiées de « subies », à rebours d’un engagement conscientisé et politique

Compte tenu du fait que la transition écologique mêle pratiques individuelles et politiques publiques, il est en outre intéressant de noter là encore que ces dernières, appliquées uniformément et sans adaptation, imposent un coût supérieur aux classes populaires. Une étude confirme ainsi que la majorité des instruments de décarbonation ont un impact distributif important. L’acceptabilité de ces politiques baisse ainsi au sein des classes populaires, mais aussi des classes moyennes rurales, qui craignent pour leur situation économique.

À l’aune de ces éléments, une éventuelle « écologie populaire » semble plutôt rimer avec précarisation et difficultés d’adaptation. Il paraît surtout clair qu’elle ne s’inscrit pas dans les bornes fixées par le discours écologique dominant.

Dépasser l’opposition entre « fin du mois » et « écologie »
Loin des discours caricaturaux distinguant les « bobos écolos » des centres-villes des périurbains et ruraux, trop préoccupés par leurs conditions de vie pour envisager l’enjeu écologique, une nouvelle écologie se dessine pourtant.

En 2015, 35,7 % des ménages français possédaient deux voitures ou plus. Damien Meyer/AFP
Certes, la précarité des classes populaires rend plus difficile l’adoption de certaines pratiques ou la formation d’opinions positives à l’égard des politiques environnementales. Mais c’est paradoxalement par cela qu’elles sont en train de réinventer une écologie relocalisée, sobre, et aux valeurs fondamentalement populaires, comme le démontrent deux études de terrain menées dans le contexte des « gilets jaunes ».

Ces citoyens des classes populaires urbaines, ou même de la classe moyenne rurale, proposent un modèle alternatif au discours dominant sur l’écologie.

Au cœur des conclusions de ces études réside l’idée que ce n’est pas parce que certaines de leurs pratiques sont contraintes que cela les rendrait moins écolos.

Qui a dit que l’écologie de conviction (et de discours) valait mieux que l’écologie de l’action ?

L’essence de cette critique se trouvait déjà chez Joan Martinez-Alier lorsqu’il publiait son livre The Environmentalism of the Poor en 2002. Un nouvel écologisme était, selon lui, en train de naître sous nos yeux, en opposition aux dommages environnementaux subis par les populations pauvres du Sud global.

Vingt ans plus tard, c’est aussi une nouvelle écologie qui apparaît dans les pays du Nord, au sein de classes populaires urbaines et rurales ne se reconnaissant que rarement dans l’écologie mainstream, en témoigne par exemple la sociologie du vote vert en France. Cette « dépossession écologique » s’explique par des références et valeurs différentes, des impératifs quotidiens divergents et des pratiques et attitudes qui n’expriment pas un message tout à fait similaire à celui porté par le mouvement dominant.

Cela se manifeste également par une forte préoccupation économique, dont ces citoyens ne peuvent s’éloigner – raison pour laquelle le discours décroissantiste, actuellement débattu au sein des mouvements écologiques, y fait moins recette.

Les « gilets jaunes », bien que longtemps caricaturés, ont dévoilé les bribes d’une écologie pensée hors des centres métropolitains. Leur imaginaire écologique, fondamentalement « populaire », insistait plutôt sur les valeurs morales de « non-gaspillage », de « modération », et de localisme.

C’était une écologie du soin, du familier, du « moins », du local. Une écologie tournée vers son environnement proche, vers une manière d’habiter unique et relationnelle. Une écologie parfois de la débrouille, mais également du territoire, ancrée dans son quartier ou dans son village.

Au-delà des « gilets jaunes », l’écologie populaire cherche à démontrer que « les “gens de peu” ne sont pas des riches auxquels il ne manquerait que l’argent ». Si les classes populaires ont un faible bilan carbone, ce n’est pas juste par contrainte budgétaire, c’est aussi parce qu’elles cultivent un imaginaire différent et ont d’autres modes de vie. Lors d’entretiens conduits hors des grands centres urbains, c’est le même message qui revient : les pratiques existent, ce sont les justifications qui varient.

Loin d’une lecture binaire de l’écologie (entre les « écolos » et les autres), il s’agit d’envisager l’écologie dans sa pluralité. Les attitudes et pratiques divergent, les justifications aussi, mais dans une crise environnementale toujours plus vive, il serait bon de rappeler l’expression anglaise bien connue : parfois, « actions speak louder than thoughts » (les actions comptent plus que les idées) – récemment remis au goût du jour.

L’association Vrac, présente dans de nombreuses villes de France, rend accessible les aliments bio aux habitants des quartiers populaires et aux étudiants, comme ici à Lyon. Nolwenn Jaumouillé, CC BY-NC-ND
Lorsqu’Anne (son prénom a été modifié), résidente d’un village dans l’est de la France, me déclare dans un entretien trier ses déchets organiques, car « elle a été élevée comme ça », car « on a toujours fait comme ça ici », elle ne rentre pas dans la case de l’écologie dominante. Elle ne déploie pas un discours performatif justifiant son action au nom d’un idéal environnemental plus grand, mais incarne plutôt une écologie rurale et populaire.

De la même manière, lorsque Franck critique les zones à faibles émissions, il ne néglige pas la protection de l’environnement. Il pointe davantage du doigt le poids déséquilibré que ce type de politiques fait peser sur les classes populaires périurbaines et rurales.

Le défi de cette écologie populaire se manifeste par la difficulté matérielle vécue par bon nombre d’Européens avec l’application de « principes » écologiques dans leur quotidien, à la fois pour cause de précarité ou par une impression de distance à l’égard des injonctions (et des politiques publiques) promues à Bruxelles, Paris ou Berlin.

Reconnaître une écologie populaire implique donc aussi bien l’adoption de nouveaux logiciels de pensée, ouverts à d’autres pratiques et attitudes, mais également l’adoption de politiques visant à éviter d’en arriver à l’impasse des « gilets jaunes ».

Cela passera sans doute par de la planification et de l’anticipation, pour éviter de tomber entre le marteau de la sobriété subie et l’enclume de la transition éprouvée, mais aussi par un effort pour rebâtir la confiance avec des classes populaires vivant un fort sentiment d’exclusion écologique.

En prenant au sérieux ces discours et pratiques écologiques populaires, il sera ainsi possible d’y trouver des clés pour construire la société de demain, plus sobre, tournée vers le soin et ancrée dans son territoire.

Europe Ecologie-Les Verts : Le choix entre le gauchisme et l’environnement

Europe Ecologie-Les Verts : Le choix entre le gauchisme et l’environnement

Le climat de terreur idéologique qui règne dans le parti Europe écologie les Verts a conduit le secrétaire national à quitter ses fonctions de secrétaire général sur des soupçons non n’avérés et largement alimentés par Sandrine Rousseau.

Des procédés classiques sous la terreur et qui correspondent d’ailleurs à l’idéologie des gauchistes qui veulent entraîner Europe écologie les Verts sur le terrain révolutionnaire en délaissant la question environnementale.

L’élue des Hauts-.de-France Marine Tondelier a donc été élue samedi secrétaire nationale d’Europe Ecologie-Les Verts, au terme d’un second tour de scrutin interne à l’issue du congrès fédéral du parti à Rungis dans le Val-de-Marne. La motion de synthèse qui l’a porté en tête a recueilli 90,8% des voix.

Il n’y avait guère de suspense dans les travées du parc des expositions du Val-de-Marne où les quelques centaines de délégués ont convergé. Après avoir frisé la barre des 50 % dès la première phase du congrès, la conseillère municipale d’opposition à Hénin-Beaumont était assurée de prendre la tête du mouvement

Ecologie: Prolonger la durée de vie des véhicule

Ecologie: Prolonger la durée de vie des véhicules

Crise énergétique et reprise de l’inflation confrontent à la réalité les meilleures volontés d’un renouvellement forcé du parc automobile thermique vers l’électrique. Et si la véritable réponse aux enjeux écologiques de la mobilité individuelle était la prolongation de la durée de vie des véhicules déjà en circulation, toutes motorisations confondues ? Par Karim Benabdallah, co-fondateur de Minautor

Malgré les ruades qui lui sont régulièrement infligées, la mobilité individuelle a encore de beaux jours devant elle. Car derrière les projecteurs médiatiques pointés sur les grands centres urbains et la qualité de leur air, la réalité du quotidien de nombreuses familles est tout autre : la voiture demeure le seul moyen de transport accessible, en mesure de leur assurer le lien social.
Pour se rendre au travail, pour conduire les enfants à l’école, pour un accès aux soins (de ville ou hospitaliers) ou aux loisirs, et plus globalement pour la gestion du quotidien du ménage, il est impératif de compter sur la mobilité individuelle : en milieu rural (88 % des communes françaises, représentant 33% de la population), comme en zone péri-urbaine, dont l’offre de transports en commun reste en retrait, en particulier le soir, la nuit ou le week-end.

Or, avec un âge moyen des véhicules personnels de 12,2 ans en 2021 (proche de la moyenne européenne de 11,8 ans), il semble évident que les Français ont à cœur d’entretenir leurs autos et de prolonger leur durée de vie au maximum. En cause bien souvent, le pouvoir d’achat : avec des voitures toujours mieux équipées, les tarifs des véhicules leur semblent toujours plus élevés, en neuf comme en occasion.

C’est le principal reproche adressé à la mobilité individuelle thermique : les rejets, notamment de CO2, à l’utilisation. Pour remédier à ce problème, la voiture à moteur électrique (ou au moins hybride) soulève l’enthousiasme des pouvoirs publics. Lesquels imposent une cadence de remplacement du parc à un rythme effréné, avec une progression frénétique des interdictions de circuler dans les zones à faibles émissions (ZFE) et même l’interdiction de commercialisation des véhicules thermiques dès 2035 en Europe.

L’innovation en matière de motorisation est évidemment on ne peut plus souhaitable. C’est d’ailleurs par l’innovation que les moteurs thermiques d’aujourd’hui en offrent plus que leurs ancêtres, pour des consommations très inférieures. Quant aux nouvelles motorisations, qu’elles soient hybrides, électriques à batterie ou encore électriques à pile à combustible, et même aux nouveaux carburants (éthanol ou biodiesel par exemple), ils répondent à une demande en croissance et pourront s’imposer progressivement, avec le temps.

Mais forcer l’accélération d’un calendrier de remplacement du parc thermique existant s’assimile, ni plus ni moins, à imposer une obsolescence programmée, non pas technique, mais purement réglementaire. Allant de fait à l’encontre des objectifs poursuivis : la fabrication et le transport des véhicules neufs constituent en effet une empreinte environnementale importante.

Qu’ils soient thermiques, hybrides ou électriques, prolonger la durée de vie des véhicules reste la meilleure option quant à la consommation des ressources naturelles ou aux rejets néfastes à l’environnement d’un point de vue planétaire, en tenant compte de l’ensemble du cycle de vie des véhicules. À cette fin, la priorité consiste évidemment en un entretien drastique des véhicules pour leur garantir la durée de vie la plus longue possible : entretien mécanique, mais aussi esthétique, à l’intérieur comme à l’extérieur. Ce qui passe, dans un objectif prioritaire de combat contre la surproduction industrielle, par le marché de la seconde main. Un marché qui se développe considérablement, porté également par des acteurs de l’assurance.

En dehors de certaines pièces d’usure ou organes de sécurité, dont le remplacement est préférable par du neuf, nombreux sont les éléments des véhicules devenus inutilisables, qui peuvent trouver une seconde vie : éléments de carrosserie ou d’accastillage, organes mécaniques tels que des trains roulants, des éléments de suspension, des accessoires (climatisation, chauffage, etc.), et bien sûr des moteurs entiers.

Si la filière de la pièce de seconde main pour les véhicules existe depuis de nombreuses années, force est cependant de constater qu’elle manque d’organisation. Et qu’il n’est pas toujours simple de trouver facilement les pièces correspondant précisément au véhicule à réparer ou à entretenir. C’est clairement, pour le secteur, l’un des défis à relever dans les prochaines années pour valoriser le parc existant, quel que soit son mode de propulsion, et limiter l’impact de la production automobile sur l’environnement.

Publié dans the Conversation

Congrès Europe écologie les Verts : tout sauf Sandrine Rousseau !

Congrès Europe écologie les Verts : tout sauf Sandrine Rousseau !

Les écolos d’Europe écologie les Verts prennent enfin conscience que la radicalité ridicule de certains de leurs membres condamne le parti à la marginalité.

Melissa Camara, la candidate de Sandrine Rousseau qui défend « une forme de radicalité, de rupture » obtient 13,54%, un score « décevant ».Selon des résultats partiels communiqués par la direction, l’élue d’opposition d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), qui était considérée comme la favorite et était notamment soutenue par l’ex secrétaire national Julien Bayou, a obtenu 46,97% des voix des adhérents recueillies sur sa motion « La Suite ». Le résultat définitif et le nombre de votants parmi les 11 000 adhérents du parti seront connus dimanche.

Ce choix de mettre en tête deux candidates plus pragmatiques que radicales, marque en effet un échec pour la députée Sandrine Rousseau, qui avait encore récemment accusé l’ex-candidat à la présidentielle Yannick Jadot de ne plus défendre « l’écologie de combat ».

Marine Tondelier a dénoncé à plusieurs reprises « le buzz » et « la twitterisation » de la vie politique, dans un tacle à peine voilée à Sandrine Rousseau. Ce qui faisait dire à Melissa Camara, que « chez les copains, j’ai l’impression que c’est ‘tout sauf Rousseau’ »

L’arriviste ultra gauchiste Sandrine Rousseau risquait de faire éclater EELV

Ce qui se passe chez EELV recouvre une évolution plus générale à gauche. La conquête du pouvoir ne se conçoit plus au centre mais aux extrêmes.

Le problème de l’extrémisme et de l’ultra gauchisme, c’est qu’il risque de faire éclater un parti écolo livré aussi aux ambitions personnelles ; cela d’autant plus que ce parti n’a pas de véritable colonne , ce qui autorise tous les excès . Notamment les excès de Sandrine Rousseau qui a fait de l’exhibitionnisme, de la provocation et du buzz permanent sa ligne politique. L’essentiel étend qu’on parle d’elle. Visiblement le congrès est en train de rectifier la fuite en avant gauchiste.

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