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Jean Pisani-Ferry : quel pilotage économique d’ensemble pour la zone euro ?

Jean Pisani-Ferry : quel pilotage économique d’ensemble pour la zone euro  ?


par 
Jean Pisani-Ferry

Professeur d’économie à Sciences Po (Paris), à l’Institut Bruegel (Bruxelles) et au Peterson Institute for International Economics (Washington)

Pour assurer une croissance de long terme, la politique budgétaire, la politique monétaire et le fonctionnement des marchés doivent se passer le relais. Pas facile quand il y a autant de politiques budgétaires que de pays, constate l’économiste dans sa chronique.

 

Deux questions se posent aujourd’hui avec acuité pour la zone euro. La première est de savoir comment accompagner le programme de réformes dont se sont dotés les Européens : les rapports Letta (sur le marché intérieur) et Draghi (sur la compétitivité) proposent à l’Union européenne une feuille de route ambitieuse, en vue de faire du vieux projet d’intégration économique le vecteur d’une nouvelle dynamique de modernisation et de redressement. Or, l’expérience montre que les chances de succès d’un tel programme dépendent crucialement de l’environnement macroéconomique dans lequel il est mis en œuvre.

La deuxième question est de savoir comment la zone euro va répondre à Trump : celui qui s’installera dans moins d’un mois à la Maison Blanche n’a pas fait mystère de son intention de s’en prendre aux excédents extérieurs des partenaires commerciaux des Etats-Unis. Or, depuis quinze ans, la zone euro accumule les excédents de balance des paiements. En 2024 encore, elle s’apprête à enregistrer un solde courant nettement supérieur à 3 % du produit intérieur brut, et son actif extérieur net (le stock des avoirs à l’étranger moins les dettes vis-à-vis des non-résidents) dépasse désormais les 1 000 milliards d’euros. Donald Trump, qui envisage ces sujets d’un point de vue étroitement mercantiliste, va certainement faire pression pour que l’Allemagne, notamment, réduise son excédent.

Ces deux questions sont intimement liées. Depuis une quinzaine d’années, la zone euro a fait comme si elle pouvait compter sur ses partenaires commerciaux pour tirer sa croissance, sans devoir elle-même la promouvoir, et elle a massivement exporté son épargne vers le reste du monde, en particulier vers les Etats-Unis. En agissant de la sorte, elle s’est comportée comme une petite économie ouverte, ce qu’elle n’est évidemment pas. Bien sûr, tous les pays ne relèvent pas de la même analyse : la France, en particulier, connaît de longue date un déficit marqué de son compte extérieur, et elle est donc importatrice nette d’épargne.

Politique- Quel avenir pour la Syrie ?

Politique- Quel avenir pour la Syrie ?

 

Le « boucher de Damas » a fui la Syrie, laissant derrière lui une société dévastée par près d’un demi-siècle de dictature et treize années d’une guerre civile sanglante. Le groupe islamiste HTC est désormais au pouvoir, mais bien des questions demeurent quant à sa capacité à unifier la population. Entretien dans « The Conversation » avec Laura Ruiz de Elvira, politiste spécialiste de la Syrie (CEPED-IRD). Au lendemain de la chute de Bachar Al-Assad, quel est le sentiment qui prime au sein de la société syrienne ? La célébration de la fin d’un demi-siècle de dictature ? L’horreur face aux exactions commises par le régime, notamment au sein de ses prisons aujourd’hui libérées ? Ou la crainte d’une nouvelle gouvernance aux contours encore indéfinis ?

 


Les sentiments qui traversent en ce moment la société syrienne sont complexes et ambivalents. D’une part, les mobilisations des Syriens partout dans le monde et en Syrie même montrent la joie et le soulagement de la population, qui s’expriment aussi par le fait que de nombreux ressortissants syriens tentent d’ores et déjà de rentrer en Syrie depuis la Turquie ou le Liban. Cette euphorie s’accompagne d’un sentiment de surprise puisque la population syrienne et les observateurs du monde entier avaient perdu l’espoir de voir le régime d’Assad tomber.
Mais d’autre part, il est évident que la plupart des Syriens sont aussi inquiets vis-à-vis de ce qui va se passer. Les activistes ayant participé à la révolution, pour beaucoup, étaient eux-mêmes persécutés par HTC, ou avaient dû quitter le pays face aux offensives de l’État islamique. Les forces qui ont mené la reconquête ne sont pas celles qu’ils auraient aimé voir au pouvoir..

Des incertitudes et des craintes demeurent donc, mais il y a aussi une forte volonté de reconstruire le pays et de bien faire les choses : pendant toutes ces années, les Syriens se sont formés et ont mené des réflexions sur ce qui aurait dû être fait autrement.

De qui parle-t-on quand on dit « les Syriens » ? Y a-t-il une identité nationale syrienne forte ou avant tout des identités communautaires ?

90 % de la population du pays est musulmane et 70 à 75 % des musulmans syriens sont sunnites. Il existe une diversité de minorités religieuses (alaouites, druzes, chrétiens) et ethniques (8 % des Syriens sont Kurdes, ces Kurdes étant quasiment tous des musulmans sunnites).

Le gouvernement des Assad s’est appuyé, pendant des décennies, sur des politiques communautaires ; et le confessionnalisme s’est encore renforcé pendant les treize années de conflit qui ont suivi le déclenchement de la révolution en 2011. Cette donnée est donc évidemment à prendre en compte.

Mais on aurait tort de penser que la révolution et la rébellion ont exclusivement été le fait d’éléments islamistes. Le cas de la ville de Soueida, dans le sud du pays, montre que le mécontentement était également présent au sein des minorités. Depuis plus d’un an, les druzes y ont régulièrement manifesté en arborant le drapeau de la révolution.

Assad comptait avant tout sur le soutien de la communauté alaouite, dont il est lui-même issu, et sur la cooptation de certaines élites sunnites…

Le régime favorisait les alaouites et s’appuyait sur ce socle, tout en cooptant effectivement des individus issus de la majorité sunnite et d’autres minorités : sans cela, il n’aurait pu jamais tenir. De sorte que, oui, des entrepreneurs et des élites sunnites ont coopéré avec le régime pendant toutes ces années. L’enjeu, maintenant, est de reconstruire les liens entre les différentes communautés religieuses et ethniques et de rompre avec ce communautarisme que la dictature n’avait cessé d’entretenir et de renforcer.

L’attitude du régime face aux minorités ethniques et religieuses syriennes tient-elle aux positions traditionnelles du parti Baas ?

Le Baas avait en réalité été mis de côté dès l’arrivée au pouvoir de Bachar Al-Assad. Ce dernier s’est appuyé sur de nouvelles élites politiques. Les cadres du Baas de l’époque de Hafez Al-Assad avaient été marginalisés, y compris au sein du gouvernement. Dans l’ouvrage tiré de ma thèse, j’examine cette reconfiguration de l’ingénierie politique par Bachar Al-Assad, qui avait généré énormément de mécontentement en Syrie avant 2011.

Aujourd’hui, le nouvel homme fort du pays, Abou Mohammed Al-Joulani, tient un discours qui se veut rassurant et unificateur. Il affirme qu’il fera une place à toutes les communautés : comment interpréter cette promesse, et les Syriens y croient-ils ?

Je pense que les Syriens sont circonspects malgré le fait que le premier ministre du gouvernement transitoire ait annoncé hier que les droits de toutes les communautés seront garantis.

D’après les spécialistes de HTC, dans la région d’Idlib qu’il contrôlait depuis plusieurs années Al-Joulani a mis en pratique le respect des minorités et une liberté de culte contenue qu’il annonce vouloir appliquer aujourd’hui à l’ensemble de la Syrie. Et depuis le lancement des opérations qui ont mené à la chute de Bachar Al-Assad, il n’y a pas eu d’exactions ni de représailles à l’encontre des chrétiens d’Alep, par exemple, ou des alaouites sur la côte.

 

Si cela peut donner une certaine crédibilité à ce qu’il affirme, il faut tout de même conserver une attitude prudente et voir comment évoluera la situation maintenant que HTC est en position de force dans l’ensemble du pays. Le fait qu’Al-Joulani ait nommé premier ministre, sans aucune négociation, l’homme qui exerçait déjà cette fonction au sein du « Gouvernement du salut » de la région d’Idlib contrôlée par HTC peut inviter à nuancer ses gages d’ouverture.

La société syrienne sort profondément divisée d’une guerre civile d’une violence extrême. Une réconciliation nationale est-elle envisageable ?

Il y a vraiment une volonté de réparation, de passer à autre chose et de se projeter vers l’avenir. La vie a été suspendue pour les réfugiés, les déplacés et les gens restés sur le territoire durant ces treize années de conflit.
La prise de Damas quelques jours après celle d’Alep, sans résistance ni grands combats, montre bien que les soutiens au régime s’étaient fortement dégradés. Je pense qu’il y a une opportunité aujourd’hui pour que le corps politique national se reconstruise, même si les traumatismes sont très lourds.

Néanmoins, les soutiens au régime n’ont pas complètement disparu, notamment sur la côte ; un régime ne peut pas être dissous du jour au lendemain. Si plusieurs hauts responsables ont pu prendre la fuite et d’autres essaient encore aujourd’hui de traverser la frontière du Liban, la plupart d’entre eux sont restés dans le pays.

Ainsi, un enjeu important va être de veiller à ce que les cadres du régime et de sa machine répressive soient jugés. Et, plus généralement, de faire en sorte que les cellules pro-régime ne puissent pas tenter d’entreprendre un coup d’État, une restauration autoritaire ou encore former de groupes terroristes, comme on a pu le voir ailleurs. En Irak, par exemple, les anciens du régime de Sadam Hussein s’étaient associés à d’autres acteurs, issus du djihadisme international, pour former l’État islamique.

Justement, l’État islamique existe encore en Syrie, même s’il est résiduel. Or, le 10 décembre, il aurait exécuté une cinquantaine de soldats du régime d’Assad interceptés dans leur fuite. Est-ce que l’État islamique, dont on sait qu’il est très hostile à HTC par ailleurs, pourrait profiter du contexte actuel pour capitaliser sur un éventuel mécontentement de la population ?

Les djihadistes de l’EI pourraient essayer de profiter de la situation actuelle pour se renforcer. Mais la population syrienne n’est pas favorable à l’EI. Tous les révolutionnaires que j’ai rencontrés ont été déchirés par l’émergence de l’EI, qui les a persécutés et qu’ils ont combattu. Quant au reste de la population, elle ne le voit pas non plus d’un bon œil.
De plus, les États-Unis sont déjà sur le qui-vive dans la région. Les troupes américaines ne sont pas parties. Dans ce contexte, est-ce que l’État islamique parviendra à monter en puissance ? Rien n’est moins sûr.

Vous avez mentionné la diversité de l’opposition au régime d’Assad, qui ne se résume pas à HTC. Si HTC se met à instaurer une forme d’autoritarisme où aucune opposition ne peut se faire jour, pourrait-on assister à une nouvelle insurrection – non pas de la part des anciens fidèles au régime, mais des anciens ennemis d’Assad ?

Oui, bien sûr. La population syrienne ne va pas accepter ce genre de régime. Après 50 ans de régime baasiste et des horreurs de la guerre, si la transition n’est pas suffisamment inclusive, il y aura des résistances. De la part des Kurdes, entre autres, qui contrôlent encore le Nord-Est de la Syrie – une région en proie à de fortes tensions.

Quel avenir pour les Kurdes syriens ? Pourraient-ils se voir attribuer une forme d’autonomie, comme en Irak ?

Difficile de répondre à cette question. Il est certain que la Turquie ne va pas accepter un tel développement ; or Ankara a beaucoup d’influence sur une partie des rebelles qui ont pris le pouvoir. Aujourd’hui, beaucoup de Kurdes ont peur, c’est un fait. Ils ont été la cible de pillages et sont en train de se retirer progressivement dans le Nord-Est de la Syrie, alors qu’ils ont déjà perdu plusieurs des territoires qu’ils administraient. Mais dans le même temps, des avis divergents existent au sein de la communauté kurde syrienne et finalement l’administration autonome kurde a annoncé jeudi 12 décembre qu’elle adoptait le drapeau de la révolution.

Vous avez travaillé sur la reconversion d’anciens combattants de la guerre civile dans l’action humanitaire. On imagine qu’une part conséquente de la population syrienne est affectée de près ou de loin par la violence de la guerre. Une démilitarisation de la société syrienne est-elle possible ?

Je pense que la démilitarisation est possible. Il ne faut pas oublier qu’un grand nombre de combattants avaient déjà déposé les armes au cours de ces dernières années ou sont partis à mesure que les territoires dits « libérés » étaient récupérés par le régime et que les financements venaient à manquer. Avant la guerre civile, la plupart de ces combattants étaient des citoyens ordinaires et non des militaires. Donc je pense que la démilitarisation peut se poursuivre. Mais elle va dépendre des jeux d’alliances entre les différents groupes armés et de la capacité du gouvernement transitoire piloté par HTC à proposer une nouvelle donne politique dans laquelle les différentes parties prenantes se sentiront reconnues.

Or des tensions sont en train de monter et pourraient ralentir le processus de démilitarisation. J’ai déjà parlé de celles qui touchent le Nord-Est du pays avec les Kurdes. Des bruits courent aussi sur le mécontentement de factions à Damas. La situation est donc très fragile.

D’autre part, il ne faut pas oublier qu’Israël bombarde massivement des sites militaires et des stocks d’armes de l’ancien régime, avec près de 500 frappes en Syrie en deux jours. La démilitarisation va donc être aussi forcée, d’une certaine manière.
Avec l’arrivée de HTC, peut-on s’attendre à une application stricte de la charia et d’une politique extrêmement rigoriste à l’égard des femmes ? De manière plus générale, quelle est la place des femmes aujourd’hui en Syrie ?

Depuis qu’ils ont pris le contrôle d’Idlib, HTC n’y a pas imposé une charia stricte dans le style afghan. Je ne pense donc pas qu’un tel scénario soit envisageable à l’échelle nationale maintenant qu’ils ont pris Damas. Concernant les femmes, même si la Syrie est un pays conservateur, notamment sur le plan religieux, les femmes travaillent, conduisent et occupent l’espace public depuis longtemps. Elles ont aussi joué un rôle très important dans la révolution à partir de 2011.

J’ai rencontré énormément de femmes qui ont pris part aux manifestations, qui ont travaillé dans l’humanitaire, qui se sont impliquées en politique ou créé des organisations féministes. La cause des femmes s’est beaucoup développée à la faveur de la révolution. Et elles devraient continuer à être impliquées dans la transition.

La justice peut-elle condamner les principaux responsables des crimes du régime d’Assad ?

Al-Joulani a annoncé que le gouvernement de transition publierait la liste des noms des plus hauts responsables impliqués dans les tortures commises par le régime, afin qu’ils soient jugés. Une justice transitionnelle est absolument nécessaire pour l’avenir du pays.

Pour cela, ceux qui rendront la justice pourront s’appuyer sur le travail des associations et des groupes qui, depuis le début de la révolution, ont documenté les crimes commis par le régime. Il y a énormément d’expertise dans ce domaine, y compris sur le plan juridique. The Day After Project est à titre d’exemple très actif en la matière. Dès 2012, il a réuni une cinquantaine de figures issues des différentes franges de l’opposition, pour travailler sur différentes thématiques comme l’État de droit, la justice transitionnelle, la réforme du secteur de la sécurité, la réforme électorale et aussi sur l’élaboration d’une nouvelle Constitution syrienne. Toute la génération qui a été formée avec la révolution contre le régime d’Assad ces dix dernières années peut contribuer à cette transition et notamment à une justice transitionnelle qui pourrait s’articuler autour des procès de responsables du régime qui ont récemment eu lieu en Europe.

Ce qui est intéressant aussi, c’est qu’avec l’annonce d’Al-Joulani on voit déjà qu’il y aura différents échelons de responsabilité. Il a promis une amnistie aux personnes astreintes par le régime au service obligatoire, ce qui révèle une volonté de réconciliation. C’est l’inverse de ce qui est arrivé en Irak après que les Américains aient occupé le pays. Ils ont tenté de démanteler toutes les structures de la dictature déchue, créant un fort mécontentement parmi ceux qui avaient collaboré avec le régime de Saddam Hussein. Al-Joulani a l’air plus pragmatique et pour le moment il semblerait qu’il ne conduira pas une chasse aux sorcières.

Pour que la transition pilotée par les nouveaux dirigeants du pays réussisse il faudra trouver un équilibre entre d’une part établir la responsabilité pour les crimes commis et lancer des réparations, et d’autre part ne pas exclure tout un pan de la population syrienne qui pourrait à nouveau se révolter. Ce que permettrait la mise en œuvre d’une justice transitionnelle comme cela avait été le cas en Argentine ou au Rwanda, par exemple – toutes proportions gardées…

Vous vous êtes rendue à de multiples reprises en Syrie dans le cadre de vos recherches. Qu’est-ce que la chute du régime d’Assad change pour les chercheurs spécialistes de la Syrie, notamment en termes d’enquêtes de terrain ?

La plupart des chercheurs qui travaillaient sur la Syrie avant 2011, comme moi, n’ont pas pu y retourner à partir du début de la guerre civile. On a dû travailler autrement, avec des entretiens en ligne ou auprès des communautés réfugiées. D’autres collègues ont utilisé des images, des vidéos, tandis que d’autres encore ont travaillé en collaboration avec des personnes qui se trouvaient sur le territoire syrien. On a donc réévalué nos manières de travailler ; mais évidemment, savoir ce qui se passait au quotidien dans les régions tenues par le régime était devenu très compliqué. Désormais, nous pouvons envisager à nouveau de nous rendre en Syrie pour y reprendre des enquêtes de terrain un peu plus classiques, au plus près des acteurs et des dynamiques sociales.

Il faut noter que ce type de recherche a cependant pu être mené pendant toutes ces années par des chercheurs syriens qui, avant 2011, ne pouvaient pas vraiment travailler dans le pays parce que les sciences sociales étaient sous-développées en Syrie – la science politique n’y existait pratiquement pas. Et puis, à partir du début de la révolution, des centres de recherche syriens ayant des relais à l’intérieur du pays, comme le Centre syrien pour la recherche politique ou le Centre Omran de recherches stratégiques, ont été créés en Turquie, au Liban et dans d’autres endroits du Golfe.

Quel avenir pour la Syrie ?

Quel avenir pour la Syrie ?

 

Le « boucher de Damas » a fui la Syrie, laissant derrière lui une société dévastée par près d’un demi-siècle de dictature et treize années d’une guerre civile sanglante. Le groupe islamiste HTC est désormais au pouvoir, mais bien des questions demeurent quant à sa capacité à unifier la population. Entretien dans « The Conversation » avec Laura Ruiz de Elvira, politiste spécialiste de la Syrie (CEPED-IRD).Au lendemain de la chute de Bachar Al-Assad, quel est le sentiment qui prime au sein de la société syrienne ? La célébration de la fin d’un demi-siècle de dictature ? L’horreur face aux exactions commises par le régime, notamment au sein de ses prisons aujourd’hui libérées ? Ou la crainte d’une nouvelle gouvernance aux contours encore indéfinis ?

 


Les sentiments qui traversent en ce moment la société syrienne sont complexes et ambivalents. D’une part, les mobilisations des Syriens partout dans le monde et en Syrie même montrent la joie et le soulagement de la population, qui s’expriment aussi par le fait que de nombreux ressortissants syriens tentent d’ores et déjà de rentrer en Syrie depuis la Turquie ou le Liban. Cette euphorie s’accompagne d’un sentiment de surprise puisque la population syrienne et les observateurs du monde entier avaient perdu l’espoir de voir le régime d’Assad tomber.
Mais d’autre part, il est évident que la plupart des Syriens sont aussi inquiets vis-à-vis de ce qui va se passer. Les activistes ayant participé à la révolution, pour beaucoup, étaient eux-mêmes persécutés par HTC, ou avaient dû quitter le pays face aux offensives de l’État islamique. Les forces qui ont mené la reconquête ne sont pas celles qu’ils auraient aimé voir au pouvoir..

Des incertitudes et des craintes demeurent donc, mais il y a aussi une forte volonté de reconstruire le pays et de bien faire les choses : pendant toutes ces années, les Syriens se sont formés et ont mené des réflexions sur ce qui aurait dû être fait autrement.

De qui parle-t-on quand on dit « les Syriens » ? Y a-t-il une identité nationale syrienne forte ou avant tout des identités communautaires ?

90 % de la population du pays est musulmane et 70 à 75 % des musulmans syriens sont sunnites. Il existe une diversité de minorités religieuses (alaouites, druzes, chrétiens) et ethniques (8 % des Syriens sont Kurdes, ces Kurdes étant quasiment tous des musulmans sunnites).

Le gouvernement des Assad s’est appuyé, pendant des décennies, sur des politiques communautaires ; et le confessionnalisme s’est encore renforcé pendant les treize années de conflit qui ont suivi le déclenchement de la révolution en 2011. Cette donnée est donc évidemment à prendre en compte.

Mais on aurait tort de penser que la révolution et la rébellion ont exclusivement été le fait d’éléments islamistes. Le cas de la ville de Soueida, dans le sud du pays, montre que le mécontentement était également présent au sein des minorités. Depuis plus d’un an, les druzes y ont régulièrement manifesté en arborant le drapeau de la révolution.

Assad comptait avant tout sur le soutien de la communauté alaouite, dont il est lui-même issu, et sur la cooptation de certaines élites sunnites…

Le régime favorisait les alaouites et s’appuyait sur ce socle, tout en cooptant effectivement des individus issus de la majorité sunnite et d’autres minorités : sans cela, il n’aurait pu jamais tenir. De sorte que, oui, des entrepreneurs et des élites sunnites ont coopéré avec le régime pendant toutes ces années. L’enjeu, maintenant, est de reconstruire les liens entre les différentes communautés religieuses et ethniques et de rompre avec ce communautarisme que la dictature n’avait cessé d’entretenir et de renforcer.

L’attitude du régime face aux minorités ethniques et religieuses syriennes tient-elle aux positions traditionnelles du parti Baas ?

Le Baas avait en réalité été mis de côté dès l’arrivée au pouvoir de Bachar Al-Assad. Ce dernier s’est appuyé sur de nouvelles élites politiques. Les cadres du Baas de l’époque de Hafez Al-Assad avaient été marginalisés, y compris au sein du gouvernement. Dans l’ouvrage tiré de ma thèse, j’examine cette reconfiguration de l’ingénierie politique par Bachar Al-Assad, qui avait généré énormément de mécontentement en Syrie avant 2011.

Aujourd’hui, le nouvel homme fort du pays, Abou Mohammed Al-Joulani, tient un discours qui se veut rassurant et unificateur. Il affirme qu’il fera une place à toutes les communautés : comment interpréter cette promesse, et les Syriens y croient-ils ?

Je pense que les Syriens sont circonspects malgré le fait que le premier ministre du gouvernement transitoire ait annoncé hier que les droits de toutes les communautés seront garantis.

D’après les spécialistes de HTC, dans la région d’Idlib qu’il contrôlait depuis plusieurs années Al-Joulani a mis en pratique le respect des minorités et une liberté de culte contenue qu’il annonce vouloir appliquer aujourd’hui à l’ensemble de la Syrie. Et depuis le lancement des opérations qui ont mené à la chute de Bachar Al-Assad, il n’y a pas eu d’exactions ni de représailles à l’encontre des chrétiens d’Alep, par exemple, ou des alaouites sur la côte.

 

Si cela peut donner une certaine crédibilité à ce qu’il affirme, il faut tout de même conserver une attitude prudente et voir comment évoluera la situation maintenant que HTC est en position de force dans l’ensemble du pays. Le fait qu’Al-Joulani ait nommé premier ministre, sans aucune négociation, l’homme qui exerçait déjà cette fonction au sein du « Gouvernement du salut » de la région d’Idlib contrôlée par HTC peut inviter à nuancer ses gages d’ouverture.

La société syrienne sort profondément divisée d’une guerre civile d’une violence extrême. Une réconciliation nationale est-elle envisageable ?

Il y a vraiment une volonté de réparation, de passer à autre chose et de se projeter vers l’avenir. La vie a été suspendue pour les réfugiés, les déplacés et les gens restés sur le territoire durant ces treize années de conflit.
La prise de Damas quelques jours après celle d’Alep, sans résistance ni grands combats, montre bien que les soutiens au régime s’étaient fortement dégradés. Je pense qu’il y a une opportunité aujourd’hui pour que le corps politique national se reconstruise, même si les traumatismes sont très lourds.

Néanmoins, les soutiens au régime n’ont pas complètement disparu, notamment sur la côte ; un régime ne peut pas être dissous du jour au lendemain. Si plusieurs hauts responsables ont pu prendre la fuite et d’autres essaient encore aujourd’hui de traverser la frontière du Liban, la plupart d’entre eux sont restés dans le pays.

Ainsi, un enjeu important va être de veiller à ce que les cadres du régime et de sa machine répressive soient jugés. Et, plus généralement, de faire en sorte que les cellules pro-régime ne puissent pas tenter d’entreprendre un coup d’État, une restauration autoritaire ou encore former de groupes terroristes, comme on a pu le voir ailleurs. En Irak, par exemple, les anciens du régime de Sadam Hussein s’étaient associés à d’autres acteurs, issus du djihadisme international, pour former l’État islamique.

Justement, l’État islamique existe encore en Syrie, même s’il est résiduel. Or, le 10 décembre, il aurait exécuté une cinquantaine de soldats du régime d’Assad interceptés dans leur fuite. Est-ce que l’État islamique, dont on sait qu’il est très hostile à HTC par ailleurs, pourrait profiter du contexte actuel pour capitaliser sur un éventuel mécontentement de la population ?

Les djihadistes de l’EI pourraient essayer de profiter de la situation actuelle pour se renforcer. Mais la population syrienne n’est pas favorable à l’EI. Tous les révolutionnaires que j’ai rencontrés ont été déchirés par l’émergence de l’EI, qui les a persécutés et qu’ils ont combattu. Quant au reste de la population, elle ne le voit pas non plus d’un bon œil.
De plus, les États-Unis sont déjà sur le qui-vive dans la région. Les troupes américaines ne sont pas parties. Dans ce contexte, est-ce que l’État islamique parviendra à monter en puissance ? Rien n’est moins sûr.

Vous avez mentionné la diversité de l’opposition au régime d’Assad, qui ne se résume pas à HTC. Si HTC se met à instaurer une forme d’autoritarisme où aucune opposition ne peut se faire jour, pourrait-on assister à une nouvelle insurrection – non pas de la part des anciens fidèles au régime, mais des anciens ennemis d’Assad ?

Oui, bien sûr. La population syrienne ne va pas accepter ce genre de régime. Après 50 ans de régime baasiste et des horreurs de la guerre, si la transition n’est pas suffisamment inclusive, il y aura des résistances. De la part des Kurdes, entre autres, qui contrôlent encore le Nord-Est de la Syrie – une région en proie à de fortes tensions.

Quel avenir pour les Kurdes syriens ? Pourraient-ils se voir attribuer une forme d’autonomie, comme en Irak ?

Difficile de répondre à cette question. Il est certain que la Turquie ne va pas accepter un tel développement ; or Ankara a beaucoup d’influence sur une partie des rebelles qui ont pris le pouvoir. Aujourd’hui, beaucoup de Kurdes ont peur, c’est un fait. Ils ont été la cible de pillages et sont en train de se retirer progressivement dans le Nord-Est de la Syrie, alors qu’ils ont déjà perdu plusieurs des territoires qu’ils administraient. Mais dans le même temps, des avis divergents existent au sein de la communauté kurde syrienne et finalement l’administration autonome kurde a annoncé jeudi 12 décembre qu’elle adoptait le drapeau de la révolution.

Vous avez travaillé sur la reconversion d’anciens combattants de la guerre civile dans l’action humanitaire. On imagine qu’une part conséquente de la population syrienne est affectée de près ou de loin par la violence de la guerre. Une démilitarisation de la société syrienne est-elle possible ?

Je pense que la démilitarisation est possible. Il ne faut pas oublier qu’un grand nombre de combattants avaient déjà déposé les armes au cours de ces dernières années ou sont partis à mesure que les territoires dits « libérés » étaient récupérés par le régime et que les financements venaient à manquer. Avant la guerre civile, la plupart de ces combattants étaient des citoyens ordinaires et non des militaires. Donc je pense que la démilitarisation peut se poursuivre. Mais elle va dépendre des jeux d’alliances entre les différents groupes armés et de la capacité du gouvernement transitoire piloté par HTC à proposer une nouvelle donne politique dans laquelle les différentes parties prenantes se sentiront reconnues.

Or des tensions sont en train de monter et pourraient ralentir le processus de démilitarisation. J’ai déjà parlé de celles qui touchent le Nord-Est du pays avec les Kurdes. Des bruits courent aussi sur le mécontentement de factions à Damas. La situation est donc très fragile.

D’autre part, il ne faut pas oublier qu’Israël bombarde massivement des sites militaires et des stocks d’armes de l’ancien régime, avec près de 500 frappes en Syrie en deux jours. La démilitarisation va donc être aussi forcée, d’une certaine manière.
Avec l’arrivée de HTC, peut-on s’attendre à une application stricte de la charia et d’une politique extrêmement rigoriste à l’égard des femmes ? De manière plus générale, quelle est la place des femmes aujourd’hui en Syrie ?

Depuis qu’ils ont pris le contrôle d’Idlib, HTC n’y a pas imposé une charia stricte dans le style afghan. Je ne pense donc pas qu’un tel scénario soit envisageable à l’échelle nationale maintenant qu’ils ont pris Damas. Concernant les femmes, même si la Syrie est un pays conservateur, notamment sur le plan religieux, les femmes travaillent, conduisent et occupent l’espace public depuis longtemps. Elles ont aussi joué un rôle très important dans la révolution à partir de 2011.

J’ai rencontré énormément de femmes qui ont pris part aux manifestations, qui ont travaillé dans l’humanitaire, qui se sont impliquées en politique ou créé des organisations féministes. La cause des femmes s’est beaucoup développée à la faveur de la révolution. Et elles devraient continuer à être impliquées dans la transition.

La justice peut-elle condamner les principaux responsables des crimes du régime d’Assad ?

Al-Joulani a annoncé que le gouvernement de transition publierait la liste des noms des plus hauts responsables impliqués dans les tortures commises par le régime, afin qu’ils soient jugés. Une justice transitionnelle est absolument nécessaire pour l’avenir du pays.

Pour cela, ceux qui rendront la justice pourront s’appuyer sur le travail des associations et des groupes qui, depuis le début de la révolution, ont documenté les crimes commis par le régime. Il y a énormément d’expertise dans ce domaine, y compris sur le plan juridique. The Day After Project est à titre d’exemple très actif en la matière. Dès 2012, il a réuni une cinquantaine de figures issues des différentes franges de l’opposition, pour travailler sur différentes thématiques comme l’État de droit, la justice transitionnelle, la réforme du secteur de la sécurité, la réforme électorale et aussi sur l’élaboration d’une nouvelle Constitution syrienne. Toute la génération qui a été formée avec la révolution contre le régime d’Assad ces dix dernières années peut contribuer à cette transition et notamment à une justice transitionnelle qui pourrait s’articuler autour des procès de responsables du régime qui ont récemment eu lieu en Europe.

Ce qui est intéressant aussi, c’est qu’avec l’annonce d’Al-Joulani on voit déjà qu’il y aura différents échelons de responsabilité. Il a promis une amnistie aux personnes astreintes par le régime au service obligatoire, ce qui révèle une volonté de réconciliation. C’est l’inverse de ce qui est arrivé en Irak après que les Américains aient occupé le pays. Ils ont tenté de démanteler toutes les structures de la dictature déchue, créant un fort mécontentement parmi ceux qui avaient collaboré avec le régime de Saddam Hussein. Al-Joulani a l’air plus pragmatique et pour le moment il semblerait qu’il ne conduira pas une chasse aux sorcières.

Pour que la transition pilotée par les nouveaux dirigeants du pays réussisse il faudra trouver un équilibre entre d’une part établir la responsabilité pour les crimes commis et lancer des réparations, et d’autre part ne pas exclure tout un pan de la population syrienne qui pourrait à nouveau se révolter. Ce que permettrait la mise en œuvre d’une justice transitionnelle comme cela avait été le cas en Argentine ou au Rwanda, par exemple – toutes proportions gardées…

Vous vous êtes rendue à de multiples reprises en Syrie dans le cadre de vos recherches. Qu’est-ce que la chute du régime d’Assad change pour les chercheurs spécialistes de la Syrie, notamment en termes d’enquêtes de terrain ?

La plupart des chercheurs qui travaillaient sur la Syrie avant 2011, comme moi, n’ont pas pu y retourner à partir du début de la guerre civile. On a dû travailler autrement, avec des entretiens en ligne ou auprès des communautés réfugiées. D’autres collègues ont utilisé des images, des vidéos, tandis que d’autres encore ont travaillé en collaboration avec des personnes qui se trouvaient sur le territoire syrien. On a donc réévalué nos manières de travailler ; mais évidemment, savoir ce qui se passait au quotidien dans les régions tenues par le régime était devenu très compliqué. Désormais, nous pouvons envisager à nouveau de nous rendre en Syrie pour y reprendre des enquêtes de terrain un peu plus classiques, au plus près des acteurs et des dynamiques sociales.

Il faut noter que ce type de recherche a cependant pu être mené pendant toutes ces années par des chercheurs syriens qui, avant 2011, ne pouvaient pas vraiment travailler dans le pays parce que les sciences sociales étaient sous-développées en Syrie – la science politique n’y existait pratiquement pas. Et puis, à partir du début de la révolution, des centres de recherche syriens ayant des relais à l’intérieur du pays, comme le Centre syrien pour la recherche politique ou le Centre Omran de recherches stratégiques, ont été créés en Turquie, au Liban et dans d’autres endroits du Golfe.

Désormais nous pourrons commencer à travailler avec tous ces gens, d’une façon qui était impossible jusqu’ici, y compris avant 2011, c’est-à-dire ouvertement, en affichant vraiment nos questionnements politiques, etc.

Quelle Syrie et quel Proche-Orient ?

 Quelle Syrie et quel Proche-Orient 

Après 24 ans de pouvoir, Bachar Al-Assad a précipitamment quitté son pays pour la Russie, qui lui a accordé l’asile politique. Damas est désormais aux mains d’une coalition de rebelles sunnites, mais la stabilité ultérieure est loin d’être garantie, et les puissances régionales et plus lointaines s’interrogent sur ce que sera précisément la nouvelle donne. La chute rapide et inattendue de la capitale syrienne, Damas, aux mains des forces d’opposition sunnites marque un tournant dans l’histoire moderne du Moyen-Orient. Le régime de Bachar Al-Assad avait résisté à plus d’une décennie de soulèvements, de guerre civile et de sanctions internationales depuis le début des protestations généralisées en 2011. Pourtant, il s’est effondré en un laps de temps remarquablement court. Cette tournure soudaine des événements, l’opposition ayant avancé depuis Idlib, dans le nord, jusqu’à Damas, sans rencontrer de résistance significative, laisse les puissances régionales dans l’expectative : chacun essaie d’anticiper les retombées de ce séisme proche-oriental. Un bouleversement majeur est en cours dans la région ; le pays, ses voisins et les grandes puissances mondiales entrent dans une nouvelle réalité.

 

par ,Research Fellow, Middle East Studies, Deakin University dans The Conversation

Avec l’effondrement du régime Assad, la Syrie se retrouve fragmentée et divisée entre trois factions dominantes, chacune ayant des soutiens extérieurs et des objectifs distincts :

1. Les forces d’opposition syriennes, au premier rang desquelles Hayat Tahrir al-Sham : ces groupes, soutenus par la Turquie, contrôlent désormais le centre de la Syrie, de la frontière nord avec la Turquie à la frontière sud avec la Jordanie.

Bien qu’elles partagent une identité religieuse commune, les factions ont souvent été en conflit entre elles par le passé, ce qui pourrait entraver leur capacité à former un gouvernement uni et à maintenir la stabilité du pays à long terme.

On retrouve au sein de ces forces d’opposition aussi bien d’anciens djihadistes issus de l’État islamique et d’Al-Qaida que des groupes laïques tels que l’Armée nationale syrienne, qui s’est séparée de l’armée d’Assad après le soulèvement de 2011.

2. Les forces kurdes : Les groupes kurdes contrôlent des territoires dans le nord-est de la Syrie, à la frontière de la Turquie au nord et de l’Irak à l’est. Ils continuent de bénéficient d’un soutien des États-Unis, qui ont établi des bases militaires dans la région. Ce soutien risque d’aggraver les tensions avec la Turquie, qui considère l’autonomisation des Kurdes comme une menace pour son intégrité territoriale.

3. Les forces alaouites : Les factions alaouites pro-Assad, principalement situées dans les régions côtières de l’ouest de la Syrie, entretiennent des liens étroits avec l’Iran, l’Irak et le Hezbollah libanais. Ces régions pourraient servir de bastion aux restes des groupes alignés sur Assad après la prise de contrôle du reste du pays par l’opposition, perpétuant ainsi les divisions sectaires.

Les divisions profondes entre ces trois groupes, combinées à l’absence d’un médiateur acceptable par tous, suggèrent que la Syrie pourrait être confrontée dans les prochains mois et les prochaines années à une instabilité et à un conflit prolongés.

La chute rapide du régime d’Assad a de profondes implications pour les principaux acteurs du Moyen-Orient.

Les forces rebelles sunnites, fortement soutenues par la Turquie, ont profité d’un moment où le régime était particulièrement vulnérable. Ses alliés avaient chacun fort à faire de leur côté, la Russie étant obnubilée par sa guerre en Ukraine, tandis que l’Iran et ses mandataires avaient porté toute leur attention sur le conflit avec Israël. Les rebelles ont ainsi bénéficié d’une fenêtre d’opportunité qui leur a permis de prendre la capitale à l’issue d’une offensive éclair.

La Turquie contrôle déjà, dans les faits, une bande de territoire dans le nord de la Syrie, où son armée combat les forces kurdes syriennes. Aujourd’hui, avec la victoire de ses alliés de l’opposition syrienne, la Turquie devrait étendre son influence politique et militaire en Syrie, ce qui n’annonce rien de bon pour la minorité kurde, qui lutte pour son autonomie depuis des années.

Israël aussi se retrouve aujourd’hui dans une position stratégique plus favorable qu’auparavant. La chute d’Assad perturbe « l’axe de la résistance », composé de l’Iran, de la Syrie et des groupes mandataires de Téhéran tels que les milices chiites en Irak, le Hezbollah au Liban, le Hamas à Gaza et les rebelles houthis au Yémen.

Les lignes d’approvisionnement par lesquelles l’Iran acheminait jusqu’ici son aide militaire au Hezbollah – une aide qui était fondamentale pour le mouvement libanais – seront probablement coupées, ce qui isolera le Hezbollah et l’affaiblira encore plus.

En outre, la fragmentation de la Syrie entre plus factions ethniques et religieuses pourrait réduire l’attention régionale portée à Israël, ce qui lui donnerait la possibilité de poursuivre plus aisément ses objectifs stratégiques. Après qu’Israël a accepté un cessez-le-feu avec le Hezbollah le mois dernier, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou avait déjà annoncé un changement d’orientation, son gouvernement se concentrant désormais sur la meilleure façon de « contrer la menace iranienne ».

L’Iran apparaît à ce stade comme le grand perdant des récents événements. Assad était un allié crucial dans le réseau régional d’alliés de Téhéran. L’effondrement de son régime intervient alors que d’autres partenaires de l’Iran, le Hamas et le Hezbollah, viennent de subir des dommages considérables infligés par Israël. L’influence régionale de la République islamique est désormais fortement réduite, ce qui la rend plus vulnérable à un conflit direct avec Israël.

La fragmentation de la Syrie est également synonyme de risques importants pour la sécurité des pays voisins, à savoir la Turquie, l’Irak, la Jordanie et le Liban. Les flux de réfugiés, la violence transfrontalière et les tensions sectaires risquent de s’intensifier. La Turquie accueille déjà plus de 3 millions de réfugiés syriens, dont beaucoup espèrent rentrer chez eux maintenant que le gouvernement d’Assad n’est plus là.

En Irak et au Liban, cette instabilité pourrait exacerber des situations politiques et économiques déjà plus que fragiles. La balkanisation de la Syrie selon des critères ethniques et religieux pourrait encourager d’autres groupes de la région à se rebeller contre les gouvernements pour obtenir leur propre autonomie. Cela risque de renforcer les divisions et de prolonger le conflit dans toute la région.

Si de nombreux Syriens ont célébré la chute d’Assad, il reste à voir si leur vie s’améliorera significativement. En l’absence d’un gouvernement unifié et internationalement reconnu en Syrie, il est peu probable que les sanctions soient levées, ce qui continuera d’avoir des effets délétères sur une économie syrienne déjà dévastée, aggravant la crise humanitaire et alimentant l’extrémisme.

Mercosur : La France toujours opposée à l’accord « en l’état »

 Mercosur : La France toujours opposée à l’accord « en l’état »

 les négociations avec les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay et Bolivie) ont repris ces derniers mois sous l’impulsion de pays européens dont l’Allemagne ou l’Espagne. Mais la ministre de l’agriculture Annie Genevard a rappelé l’opposition de la France à la signature de cet accord « en l’état ».

« C’est un mauvais accord (qui) va faire déferler sur notre pays une quantité de productions qui vont venir concurrencer directement nos producteurs: 99.000 tonnes de boeuf, 180.000 tonnes de sucre, autant de (viande de) volailles. En plus, cela se fait au prix de la déforestation et de normes environnementales », a-t-elle dit.

Reste que la France pourrait faire évoluer sa position si le texte de l’accord Mercosur pouvait évoluer dans le sens des intérêts nationaux. La question est jusqu’à quel point. ?

 

 

Hypermarchés : quel avenir ?

Hypermarchés : quel avenir ?

 

Le groupe Auchan vient d’annoncer envisager la suppression de près de 2400 postes, à la fois dans ses magasins et à son siège. Au-delà du cas Auchan, réputé pour sa force sur le format hypermarché, c’est tout ce modèle qui est remis en cause. Sur fond de crise agricole et de pression sur le pouvoir d’achat, l’avenir de l’hypermarché éveille les inquiétudes. La presse généraliste et spécialisée multiplie les tribunes, invitant les experts de la grande distribution à se pencher sur l’avenir de ce format jusqu’ici dominant du paysage commercial français.

 

par ,Doctorante contractuelle en sciences de gestion, Université de Caen Normandi et ,Professeur titulaire de la chaire « Retailing 4.0″, ESCP Business School dans The Conversation

 

Ainsi, dans une tribune d’opinion pour le magazine spécialisé LSA, intitulée « L’avenir de l’hypermarché : vers un hyper/marché local », Bernard Févry et Antoine Mahy, spécialistes de la grande distribution, indiquent que la « clé de la pérennité » de l’hypermarché résiderait dans sa transformation en hyper… marché. Selon ces experts, combiner une offre axée sur le local avec le grand retour en force du métier de commerçant permettrait de redonner à l’hypermarché l’attractivité d’autrefois, celle qui réveille la magie de l’expérience en magasin et qui fait de l’hypermarché un véritable lieu d’échanges.

D’autre part, les pressions permanentes sur les marges des distributeurs tendent à renforcer le modèle économique de la grande distribution reposant davantage sur le crédit fournisseur (qui consiste en l’écart entre l’encaissement des transactions des clients et le paiement des fournisseurs) et sur le besoin en fonds de roulement négatif que sur la marge nette. Ceci devrait avoir comme conséquence de concentrer de façon constante la politique d’assortiment sur des produits à forte rotation et donc de réduire d’autant la surface de vente vers des formats d’hypermarchés en dessous de 10 000 m2. Ce qui semble correspondre à une tendance de la demande visant à fréquenter des surfaces moins grandes tant pour des raisons de moments disponibles, de distance, que pour des raisons de fragmentation et de rétractation des achats.

Lié à l’avènement de la société de consommation, l’essor de la grande distribution alimentaire a conduit à l’émergence de l’hypermarché. Rappelons que le premier fut inauguré (et pas forcément inventé) en France en juin 1963.

Comme l’explique l’historien du commerce et de la grande distribution, Jean-Claude Daumas, l’hypermarché, à lui seul, incarne l’aboutissement de la révolution commerciale issue des Trente Glorieuses. Son développement s’est réalisé parallèlement à l’implantation des premiers centres commerciaux en périphérie des villes et s’est consolidé grâce à la puissance d’attraction du concept d’acheter « tout sous le même toit ». Son développement est toutefois ralenti dès le milieu des années 1970, suite aux tentatives de régulations imposées (Loi Royer de 1973, Loi Raffarin de 1996 puis Loi de modernisation de l’Économie de 2008) dans une volonté de protéger le petit commerce.

Critiqué, l’hypermarché a subi une crise profonde coïncidant avec l’essor d’une concurrence à la fois intraformule (discount, grandes surfaces spécialisées) et interformule (proximité, supermarchés) et à la désaffection progressive des consommateurs pour ces « usines à vendre » qui rompent avec le rôle social attendu du magasin. Cette relative désaffection s’explique aussi par la fragmentation accélérée des utopies, la prise de conscience des enjeux environnementaux qui, très lentement, se substitue à la valorisation de l’hyperchoix, l’hyperconsommation et au suréquipement.

Le président d’un cabinet de conseil spécialisé en commerce, ancien directeur d’un hypermarché pendant 10 ans, nous a livré ce témoignage dans le cadre d’une recherche à paraître prochainement :

« Le format changera parce qu’on n’a pas besoin des mêmes surfaces, parce que les marchés se numérisent à des vitesses variées, l’avantage compétitif de l’hypermarché est surpassé par le digital. L’hypermarché est obligé de faire bouger son modèle pour aller sur d’autres dimensions qu’il n’avait pas préemptées. Sinon, il est en train de se noyer dans son propre océan rouge ».

Il faut néanmoins relativiser tant le déclin de l’hypermarché que l’impact du e-commerce sur la distribution alimentaire et de produits de grande consommation. En effet, la livraison à domicile est un modèle structurellement inefficient en Occident. En effet, le consentement à payer des acheteurs est très faible (habitués qu’ils sont depuis 60 ans au discount) et leur niveau d’exigence en matière de délais de livraison est élevé (il s’agit de courses du quotidien). A contrario, la préparation des paniers et surtout, la livraison, sont très coûteuses pour les distributeurs.

Ceci explique pourquoi le drive-voiture apparaît comme un compromis puisque l’acheteur fait une partie de la logistique (en en absorbant, les coûts) en venant chercher ses courses au drive. C’est aussi la raison pour laquelle en France, l’e-commerce alimentaire pur ne représente que moins de 1 % du chiffre d’affaires du commerce de détail national, le drive représente le double… et l’hypermarché 40 %.

Face à ces évolutions,l’hypermarché a fait l’objet de plusieurs tentatives d’ajustements. De premières stratégies de restructuration ont vu le jour pour réduire la taille des magasins. Les enseignes ont également cherché à redéfinir l’offre alimentaire (bio, marques de distributeurs, produits frais, made in France) et à faire évoluer le commerce artisanal des métiers de bouche vers le prêt-à-manger. Les enseignes ont aussi favorisé les évolutions technologiques à l’aide de forts investissements dans le numérique pour, notamment, automatiser le back-office, améliorer la rapidité du passage en caisse et déployer des services de livraison en drive.

Un consultant explique :

« La grande distribution alimentaire est frappée par un certain nombre d’évolutions : la digitalisation des comportements de consommation, l’apparition de concurrents du type discounters, les changements dans les modes de consommation et dans les modes de vie de manière générale avec, par exemple, une plus grande tendance pour le local, une fragmentation générale de la consommation, des parcours de courses… Les gens peuvent avoir tendance à acheter leurs légumes chez le petit primeurs en bas de chez eux ou chez l’enseigne bio, à faire du drive pour des pondéreux, à aller aux halles le dimanche pour acheter la viande, le poisson, etc. »

Pour contrer l’essoufflement du modèle d’hypermarché traditionnel, de nouveaux modèles commerciaux sont apparus, à l’instar de « Carrefour Planet », dont la proposition expérientielle pour le client en magasin reposait sur une répartition du point de vente en zones de découverte, d’achat, d’expérience et de plaisir, une double entrée sur les produits frais et les promotions et un parcours client à sens unique.

Cette tentative s’est soldée par un échec, car l’hyper sophistication du point de vente et une expérience trop originale ne coïncidaient plus avec l’image-prix de la formule qu’est l’hypermarché. En effet, la réalité des comportements est encore très orientée vers les prix bas et les marques de distributeurs économiques, notamment dans le contexte d’inflation qui a refait son apparition ces dernières années. En outre, ceci montre que toutes les tentatives de gentrification excessive de l’hypermarché par du « sensoriel », des « univers »… conduisent à une baisse de la fréquentation. Non seulement le positionnement de l’enseigne est un point d’ancrage des politiques marketing… mais le positionnement de la formule commerciale également.L’hypermarché a donc été marqué de nombreuses évolutions et recompositions corrélées aux crises successives du modèle et à la volonté de réinventer le format. Cela révèle qu’il s’agit d’un modèle dynamique qui, pour se préparer à toutes les éventualités et dans une logique de sélection naturelle, doit évoluer et s’adapter à son environnement.

C’est d’ailleurs ce que souligne un directeur d’hypermarché :

« Mobiliser des scénarios d’évolution, c’est essentiel pour ne pas se réveiller mort ».

Dans une vision proche du futur possible, c’est le scénario d’un format hybride phygital qui est le plus souvent évoqué par les spécialistes interrogés. Par ce terme, on désigne la forme la plus aboutie d’omnicanalité, ce qui constitue l’imbrication des sphères physiques et digitales dans un même espace et une même temporalité.

 

Pour les experts, à 10 ans, l’offre de l’hypermarché devrait s’intégrer dans un écosystème multiformat dans lequel l’e-commerce (mais surtout le drive) viendrait compléter l’offre en magasin. Cette interdépendance des canaux de distribution ne viendrait toutefois pas cannibaliser l’hypermarché mais répondrait à la fragmentation du parcours d’achat des consommateurs en ne formant qu’une seule et même expérience promise « sans couture ».

Un directeur d’hypermarché Carrefour évalue ce scénario :

« L’évolution de l’hypermarché va passer par le phygital parce que la clientèle va évoluer, celle qui a connu nos métiers au tout début va disparaître. Notre principal risque, c’est d’avoir une clientèle de plus en plus âgée et de ne pas être en capacité de répondre à la nouvelle génération qui arrive et qui veut effectivement du phygital pour se faire plaisir et aller vite… sous couvert que leurs pouvoirs d’achat le permettent aussi ».

Cette offre multiformat et multicanal (physique, digitale et mobile) couplée à une offre de services personnalisés (plateforme logistique de livraison ultra rapide, drive, etc.) conforterait les consommateurs dans leur expérience en magasin, la rendant plus fluide, pratique et rapide en plus d’être un accélérateur de croissance et de productivité pour le distributeur.

Pour ces derniers, la combinaison des mondes physique et digital au service du consommateur est porteuse de sens pour l’avenir. L’évolution n’étant pas uniforme, certains scénarios peuvent se conduire concomitamment à cette évolution, notamment ceux qui concernent la restructuration du format par la réduction des surfaces, une proposition de service améliorée, une expérience sociale et expérientielle en magasin ainsi qu’une offre alimentaire personnalisée, locale et adaptée à la zone de chalandise.

Il en va de même d’un excès de technologies dédiées aux processus d’achat. Le recours aux puces RFID, aux caméras ou aux caisses automatiques, soit n’a pas fait ses preuves techniques et ergonomiques (surtout pour la gestion de volumes de courses importants comme en hypermarché), soit représente un coût important et difficile à rentabiliser par des hypermarchés aux marges nettes très basses, comme l’a montré l’exemple dans les magasins « Amazon Go »). Sans doute, le recours aux technologies de l’information (intelligence artificielle comprise) servira davantage le back-office des magasins que la relation-clients. D’autant que des recherches sur la façon dont les citoyens voient le futur montrent des attentes beaucoup plus orientées vers une survalorisation de l’humain qu’une «hypertechnologisation» des lieux).

Politique et Gaspillage : 42 ministres, 577 députés pour quoi faire et quel coût ?

Politique et Gaspillage : 42 ministres, 577 députés pour quoi faire et quel coût ?

D’une manière générale, le gouvernement et certaines  forces politiques militent pour un rétablissement des comptes publics caractérisés par un endettement record en même temps qu’un autre record celui de la pression fiscale (prélèvements obligatoires). D’une certaine manière, une curieuse contradiction bien française d’autant que le service public n’est pas toujours à la hauteur en termes de qualité.

En cause souvent des superstructures partout, du sommet jusqu’au plan local, devenues complètement incontrôlables, qui génèrent elles-mêmes la demande de finances publiques et que les élus ne contrôlent absolument plus. Il faut dire que les responsables nationaux ne donnent pas l’exemple.

Ainsi pourquoi un gouvernement comprenant 42 ministres dont d’ailleurs la plupart n’ont pas la main sur la moindre administration mais dont l’objet est de satisfaire les équilibres politiques, de mixité et de sensibilité. Bref du potage politique. On pourrait aussi citer comme exemple celui de l’Assemblée nationale avec ce chiffre fou de 577 députés dont la plupart ne servent à rien. À peine une centaine travaillent  effectivement. Une moitié serait grandement suffisante. Pour preuve de ce gaspillage l’ancien président François Hollande qui n’a voté qu’une seule fois quand d’autres ont voté une centaine de fois ! Il n’est pas le seul à se limiter à faire acte de présence de temps en temps.

Au-delà des aspects quantitatifs se posent est encore davantage la légitimité de ces députés dont beaucoup n’ont jamais exercé le moindre mandat local ou de responsable d’association. Ils doivent leur mandat au copinage entre technocrates et amitiés particulières avec certains grands leaders.

Le grand gaspillage commence au plus haut niveau y compris à l’Élysée mais aussi au Parlement. Comment pourrait-on convaincre les Français d’une nécessaire austérité quand dans le même temps des élus  nationaux se montrent aussi illégitimes et aussi nuls.

Ce n’est pas seulement le coût de fonctionnement des institutions visées qu’il faut prendre en compte mais toute la machine procédurière générée par ces élus  qui compliquent la vie du pays en générant réglementations, budgets et structures inutiles.

Gaspillage : 42 ministres, 577 députés pour quoi faire et quel coût ?

Gaspillage : 42 ministres, 577 députés pour quoi faire et quel coût ?

D’une manière générale, le gouvernement et certaines  forces politiques militent pour un rétablissement des comptes publics caractérisés par un endettement record en même temps qu’un autre record celui de la pression fiscale (prélèvements obligatoires). D’une certaine manière, une curieuse contradiction bien française d’autant que le service public n’est pas toujours à la hauteur en termes de qualité.

En cause souvent des superstructures partout, du sommet jusqu’au plan local, devenues complètement incontrôlables, qui génèrent elles-mêmes la demande de finances publiques et que les élus ne contrôlent absolument plus. Il faut dire que les responsables nationaux ne donnent pas l’exemple.

Ainsi pourquoi un gouvernement comprenant 42 ministres dont d’ailleurs la plupart n’ont pas la main sur la moindre administration mais dont l’objet est de satisfaire les équilibres politiques, de mixité et de sensibilité. Bref du potage politique. On pourrait aussi citer comme exemple celui de l’Assemblée nationale avec ce chiffre fou de 577 députés dont la plupart ne servent à rien. À peine une centaine travaillent  effectivement. Une moitié serait grandement suffisante. Pour preuve de ce gaspillage l’ancien président François Hollande qui n’a voté qu’une seule fois quand d’autres ont voté une centaine de fois ! Il n’est pas le seul à se limiter à faire acte de présence de temps en temps.

Au-delà des aspects quantitatifs se posent est encore davantage la légitimité de ces députés dont beaucoup n’ont jamais exercé le moindre mandat local ou de responsable d’association. Ils doivent leur mandat au copinage entre technocrates et amitiés particulières avec certains grands leaders.

Le grand gaspillage commence au plus haut niveau y compris à l’Élysée mais aussi au Parlement. Comment pourrait-on convaincre les Français d’une nécessaire austérité quand dans le même temps des élus  nationaux se montrent aussi illégitimes et aussi nuls.

Ce n’est pas seulement le coût de fonctionnement des institutions visées qu’il faut prendre en compte mais toute la machine procédurière générée par ces élus  qui compliquent la vie du pays en générant réglementations, budgets et structures inutiles.

Quel rôle de la France en Afrique ?

Quel rôle de la France en Afrique ?

 

Face aux soubresauts mortifères récurrents dans la corne de l’Afrique élargie (Éthiopie, Erythrée, Somalie, Djibouti et Soudan), la France, pourtant membre permanent du Conseil de sécurité, est complètement absente sur le plan diplomatique à la résolution de ces conflits. Et pourtant elle pourrait renouer avec son passé en revisitant de fond en comble la vieille amitié entre Paris et Addis Abeba, qui date du général de Gaulle et du Négus. Par le groupe de réflexions Mars*.( dans la Tribune)

« On observera que la religion ne joue aucun rôle dans ces conflits, que ce soit au Soudan, où tous les protagonistes sont musulmans sunnites, ou en Éthiopie, où les ethnies amhara et tigréennes sont censées partager la même foi chrétienne orthodoxe »
Au commencement était le Nil. Le Nil était auprès des dieux, et le Nil était dieu. Si le grand fleuve africain est pour ainsi dire absent de la mythologie et de la cosmogonie de l’ancienne Égypte, c’est qu’il est en réalité, dans l’histoire des peuples qui le bordent, la divinité suprême, celle qui les nourrit généreusement et dont les terribles colères, qu’il sorte de son lit ou retourne à l’étiage, font leur effroi. Ces caractéristiques valent autant de nos jours que pour l’Antiquité la plus haute. C’est le propre d’une divinité éternelle. Cela fait près de soixante siècles que l’histoire des peuples que le Nil unit, de gré ou de force, dépendent de ses humeurs. Et quand les hommes s’aventurent à prétendre les contrôler, le Nil se venge et, tel Jupiter, rend fous ceux qu’il veut perdre.

C’est bien ce qui est en train de se passer sous nos yeux, aveuglés par la guerre en Ukraine et au Proche-Orient, et les bruits de bottes autour de Taïwan.

Difficile à vrai dire de résumer en quelques lignes les événements tragiques de ces dernières années dans le bassin du Nil. L’année 2011 n’est pas seulement celle des révolutions arabes et de la période de troubles qui a suivi, notamment en Égypte, qui a su en sortir au prix d’un coup de force militaire, et surtout au Yémen, qui ne parvient pas à sortir du temps des troubles. Certes, géographiquement, « l’Arabie heureuse » n’appartient pas au bassin du Nil. Mais historiquement, elle lui est liée depuis les temps antiques de la reine de Saba.

Et c’est aussi en 2011 que l’Éthiopie lance le GERD (Grand Ethiopian Renaissance Dam), projet de développement proprement « pharaonique » de barrage sur le Nil bleu, censé alimenter en électricité la moitié des quelque 120 millions d’Éthiopiens. Or le Nil bleu, qui prend sa source au cœur de l’Abyssinie, au lac Tana, lui-même alimenté par les multiples sources des hauts plateaux éthiopien, est le principal affluent du grand Nil qui sort de Khartoum, la capitale du Soudan édifiée au confluent du Nil bleu et du Nil blanc, fleuve déjà immense qui paresse depuis les grands lacs d’Afrique centrale où nul n’a jamais trouvé sa source, même Livingstone. Les divinités n’ont pas de nombril.

Aujourd’hui, fin 2024, le projet suscite une alliance de fait entre les voisins de l’Éthiopie (hormis le Kenya) parrainée par le régime égyptien, qui reproche à Addis Abeba une gestion trop peu inclusive de la richesse suprême qu’est l’eau du Nil. Et cette alliance n’entretient pas que des velléités pacifiques à l’encontre de l’Éthiopie. Comment en est-on arrivé là, au bord d’une nouvelle guerre interétatique, la première du siècle née d’un conflit lié à l’accès à la ressource en eau ?

En lançant le GERD (anagramme du DERG, la sinistre junte communiste qui succéda à l’empire du Négus de 1974 à 1991), les intentions du gouvernement d’Addis Abeba n’étaient pas purement orientées vers la prospérité de ses peuples. Usé par vingt années d’un pouvoir sans partage, le parti du Premier ministre Meles Zenawi, puis Haile Mariam Dessalegn, (le président fédéral n’a en Éthiopie qu’un rôle protocolaire), dominé par l’ethnie tigréenne, minoritaire, cherchait avant tout à se relégitimer face aux tendances centrifuges encouragées par un fédéralisme ethnique voulant rompre avec l’unitarisme de l’empire des Negus, historiquement dominé par l’ethnie amhara qui lui a donné notamment sa langue véhiculaire.

Arrivé en 2018 à l’issue d’une révolution de palais au sein du parti au pouvoir, le nouveau Premier ministre Abiy Ahmed, ancien officier de renseignement issu par son père de l’ethnie oromo (numériquement majoritaire mais historiquement dominée par les Amharas, l’ethnie de sa mère), a voulu marquer les esprits en mettant un terme au conflit territorial avec l’Érythrée qui durait depuis trop longtemps, recevant ainsi le prix Nobel de la Paix 2019. Fort de cette reconnaissance internationale, Abiy Ahmed a relancé son pays dans une politique impériale, en interne en réprimant les tendances centrifuges, et vers l’extérieur en poursuivant le projet GERD au mépris du droit international relatif au partage de la ressource en eau.

Il en est résulté en interne une guerre civile implacable contre l’ex-ethnie dominante tigréenne, et en politique étrangère la coalition de tous ses voisins inquiets du remplissage unilatéral de l’immense lac de barrage situé en amont de la frontière soudanaise. Et il n’est pas exclu que la rébellion tigréenne, réprimée avec une férocité incongrue de la part d’un lauréat du Nobel, ait été suscitée, encouragée, voire armée par les services de renseignement égyptiens, dont on connaît les capacités.

Cette coalition, en germe depuis trois ans, s’est cristallisée dans un sommet tripartite inédit qui s’est tenu le 11 octobre dernier à Asmara, capitale de l’Érythrée, pays théoriquement en paix avec l’Éthiopie depuis 2019 mais qui pourrait se joindre à une intervention des deux autres participants au sommet : l’Égypte et la Somalie, qui ont signé en août un accord militaire dont on voit sans peine contre qui il peut être dirigé.

Il est vrai que l’Éthiopie, immense pays enclavé à la recherche d’un accès à la mer, a pour le moins manqué de tact à l’égard de son voisin somalien en passant un accord commercial avec la province sécessionniste du Somaliland ayant pour objet les facilités portuaires de Berbera, le port de Djibouti étant engorgé et celui d’Assab toujours inaccessible. Et voici comment le bassin du Nil communique avec la mer Rouge et la péninsule arabique. Notons en passant que les facilités portuaires de Berbera sont contrôlées depuis 2016 par la société émirienne Dubai Ports (qui y a évincé le groupe français Bolloré). Or les EAU sont un acteur à part entière de la tragédie en cours.

Il est en effet notoire que les services émiriens parrainent la rébellion des paramilitaires du général Dogolo « Hemeti » qui déchire le Soudan depuis plus d’un an. Alliés à la junte militaire (parrainée par l’Égypte) qui a renversé en 2019 le régime d’Omar el-Béchir, longtemps allié de l’Iran puis des Frères musulmans (et donc du Qatar), les paramilitaires soudanais sont les héritiers des milices arabes (Janjawid et autres), que les massacres des populations non arabes du Darfour et du Sud-Soudan ont rendues tristement célèbres dans la décennie 2000.

Pour les éloigner autant que pour sceller dans le sang son renversement d’alliance au profit de l’Arabie saoudite de MBS, le régime Béchir les a ensuite envoyés combattre au Yémen contre la rébellion des Houthis, soutenus par ses anciens alliés iraniens, aux côtés des Émiriens et des Saoudiens dont ils constituaient l’essentiel de l’infanterie. Les paramilitaires en sont revenus considérablement aguerris et enrichis. Manipulés dans un premier temps par l’armée régulière contre un régime Béchir à bout de souffle, puis contre le pouvoir civil issu d’une révolution (relativement) pacifique, ils ont fini (avec l’aide des mercenaires russes de Wagner) par se retourner contre la junte (dont les chefs ont tous été formés dans les académies militaires égyptiennes) dans une guerre civile dont on ne voit ni le sens ni l’issue.

Il n’est donc pas exclu que les services égyptiens finissent par s’entendre avec les services émiriens (qui partagent une commune détestation des Frères musulmans) pour mettre fin à la guerre inter-soudanaise et réorienter contre le voisin éthiopien l’ardeur belliqueuse des paramilitaires soudanais (qui font la guerre depuis plus de 20 ans). Il reste en effet toujours quelques querelles territoriales à régler dans la zone frontalière que traverse le Nil bleu.

Affaiblie par la rébellion tigréenne qui a révélé les piètres capacités de son armée, pâle héritière de la puissante armée rouge du DERG, l’Éthiopie ne tiendrait sans doute pas longtemps contre ses ennemis coalisés. Or le temps n’est plus où le régime Zenawi était l’un des principaux points d’appuis américains en Afrique et il est peu probable que les Etats-Unis volent au secours d’un allié aussi controversé, quel que soit le locataire de la Maison Blanche. Il en va de même des Israéliens, traditionnellement proches des Éthiopiens (d’aucuns diraient depuis le roi Salomon) mais dont les services et les forces armées sont aujourd’hui orientés contre l’Iran et ses proxies. Or l’Iran, qui ne semble pas jouer de rôle majeur dans la guerre civile soudanaise, ne parraine aucun des acteurs de la tragédie en cours.

Il n’en va pas de même des autres puissances régionales que sont non seulement l’Égypte et les EAU, mais aussi l’Arabie saoudite et même la Turquie. Du côté saoudien, dans un geste de haute politique qui n’est pas sans rappeler le modèle gaullien, le prince héritier MBS a voulu sortir de la guerre au Yémen pour se consacrer à ses projets de développement du littoral de la mer Rouge. Et la guerre civile soudanaise, tout comme la domination houthie du littoral yéménite, n’y est en rien favorable. Quant aux Turcs, ils cherchent à renouer avec l’héritage ottoman, qui a contrôlé le Hedjaz jusqu’au Yémen jusqu’à l’avènement, précisément, des Saoud. Cela se traduit entre autres par l’intervention de mercenaires turcs aux côtés du gouvernement légal somalien, et par un rapprochement inattendu avec le régime égyptien tirant un trait sur la période Morsi.

On observera que la religion ne joue aucun rôle dans ces conflits, que ce soit au Soudan, où tous les protagonistes sont musulmans sunnites, ou en Éthiopie, où les ethnies amhara et tigréenne sont censées partager la même foi chrétienne orthodoxe. Cela prouve-t-il, aujourd’hui comme dans l’Antiquité la plus lointaine, que la divinité au-dessus des religions demeure le Nil ?

Mais, direz-vous, en quoi est-ce que ces histoires lointaines intéressent la France ? Le drapeau tricolore ne s’est plus trempé dans les eaux du Nil depuis Fachoda. Pourtant, notre pays garde encore des intérêts limitrophes de la région en cause : au Tchad, résigné à subir les soubresauts des massacres récurrents dans le Darfour voisin ; à Djibouti, morceau d’Éthiopie arraché sous notre Second empire à l’empire abyssin à l’occasion d’une de ses périodes d’anarchie tout aussi récurrentes.
La France, membre permanent du Conseil de sécurité, pourrait pourtant jouer dans la région un rôle diplomatique de tout premier plan du fait des bonnes relations qu’elle entretient, aujourd’hui comme historiquement, avec les principaux acteurs de la tragédie en cours. En suscitant une médiation permettant de parvenir à une solution négociée au problème du remplissage du GRED, notre pays préserverait l’Éthiopie d’une nouvelle déconfiture militaire tout en lui évitant de perdre la face.

La France renouerait ainsi avec la vieille amitié entre de Gaulle et le Négus, nouée dans les combats de la Libération. Elle se ferait pour longtemps une amie influente en Afrique (l’UA siège à Addis) sans pour autant se fâcher avec les autres parties au conflit, qui restent des partenaires voire des alliés. Ce serait pour notre pays un retour en Afrique par la grande porte après les échecs que l’on sait. Cela serait en outre cohérent avec notre stratégie pour l’indopacifique, que les soubresauts en Nouvelle-Calédonie n’aident pas à crédibiliser.

Quelle place de la France en Afrique et dans le monde
L’action diplomatique, non la diplomatie des poignées de main devant les caméras, mais celle, beaucoup plus efficace, qui emprunte des canaux discrets, voire secrets, ne nécessite pas de grands moyens budgétaires. Encore faudrait-il que notre pays renoue avec un destin, une vocation, ou plus simplement une stratégie. Toutes les puissances régionales en ont une, qu’elles mettent en œuvre avec application. Quelle est la grande stratégie de notre pays, au-delà des échéances électorales qui se succèdent à un rythme accéléré? Avons-nous décidé de sortir de l’Histoire ?

Il nous manque depuis trop longtemps une volonté, de la persévérance, et par-dessus tout, une vision et une compréhension de notre juste place dans le monde. Le beau projet du « Louvre Abu Dhabi » aurait-il vu le jour sans Champollion ? De Gaulle disait que derrière les victoires d’Alexandre se tenait Aristote. Il aurait pu ajouter que derrière les découvertes de Champollion se trouvait Bonaparte.

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* Le groupe Mars, constitué d’une trentaine de personnalités françaises issues d’horizons différents, des secteurs public et privé et du monde universitaire, se mobilise pour produire des analyses relatives aux enjeux concernant les intérêts stratégiques relatifs à l’industrie de défense et de sécurité et les choix technologiques et industriels qui sont à la base de la souveraineté de la France.
Le groupe de réflexions Mars*

Quel avenir du Liban ?

Quel avenir du Liban ?

 

Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah depuis 1992, a trouvé la mort dans un bombardement israélien sur l’immeuble du sud de Beyrouth où il se trouvait le 27 septembre 2024. La disparition de l’homme le plus puissant du Liban aura sans doute de profonds retentissements. Entretien avec Jihane Sfeir, historienne du monde arabe contemporain, spécialiste du Liban, professeure à l’Université libre de Bruxelles.

Avec l’assassinat d’Hassan Nasrallah et de plusieurs autres hauts responsables du mouvement, le Hezbollah a-t-il été décapité ou seulement atteint en son commandement militaire ?

 

Avec Jihane Sfeir
Historienne, Université Libre de Bruxelles (ULB) dans The Conversation 

Il est difficile de répondre avec certitude, à ce stade. Effectivement, toute la partie militaire du Hezbollah a été très affectée. Mais n’oublions pas que le Hezbollah, ce n’est pas seulement une organisation armée. C’est aussi une formation politique et une organisation de bienfaisance, qui dispense des services non assurés par l’État, par exemple des dispensaires, des hôpitaux, des écoles, une université… Le Hezbollah verse également des rentes aux familles des martyrs, et des allocations aux plus démunis. Tout cela lui assure une implantation très forte au sein de la communauté chiite. Ce réseau populaire va perdurer si le parti ne s’effondre pas totalement.

Nasrallah était à la tête du Hezbollah depuis 32 ans, sur les 42 ans d’existence de l’organisation. Celle-ci pourra-t-elle remplacer ce leader charismatique ?

Des analyses de qualité chaque jour dans vos mails, gratuitement.
Elle va le remplacer, mais il lui sera difficile de retrouver un leader aussi influent. Avant lui, de 1982 à son assassinat par Israël en 1992, il y a eu Abbas Moussaoui, qui était aussi un chef assez charismatique mais qui n’avait pas la même présence que Nasrallah. Ce dernier était adulé par la communauté chiite libanaise, mais son aura s’étendait bien au-delà. Surtout depuis la guerre entre Israël et le Hezbollah en 2006, que Nasrallah a réussi à présenter comme une victoire de son mouvement. Cet épisode lui a conféré une popularité énorme, au point qu’il était devenu la nouvelle figure nationale panarabe.
Peut-on dire que depuis 2006 le Hezbollah était considéré par les Libanais comme l’incarnation de la protection du Liban ?

Au Liban, l’armée nationale est faible. Ses soldats sont mal rémunérés, mal entraînés et mal équipés, et ils ne connaissent pas le terrain du Sud-Liban aussi bien que le Hezbollah. Aujourd’hui, avec l’affaiblissement très notable du Hezbollah consécutif aux frappes israéliennes de ces derniers jours, la population libanaise se sent très démunie. Cela dit, il ne faut pas oublier que cette population est divisée sur la question de l’engagement du Hezbollah aux côtés du Hamas, qui a entraîné le Liban dans la guerre depuis un an.

Précisément, si Nasrallah, comme vous l’avez dit, avait pour une partie des Libanais l’image d’un grand résistant, il ne faisait pas l’unanimité, particulièrement parmi les Libanais non chiites…

Effectivement. Le paysage politique au Liban est très divisé, selon des lignes de fracture qu’on peut sommairement faire remonter à l’assassinat le 14 février 2005 du premier ministre sunnite Rafic Hariri – un assassinat largement imputé à la Syrie de Bachar Al-Assad et à son allié libanais le Hezbollah.

Deux grandes manifestations se produisent un mois plus tard : l’une, le 8 mars, organisée par les soutiens du Hezbollah et de Damas, l’autre, le 14 mars, par les partisans d’Hariri, qui exigent la fin de la mainmise syrienne sur le Liban. Naissent alors deux coalitions, qui prennent pour noms les dates de ces manifestations : l’Alliance du 8 mars, pro-Hezbollah ; et l’Alliance du 14-Mars, qui lui est hostile.

Près de vingt ans plus tard, cette division persiste, et de nombreux Libanais ne portent pas le Hezbollah dans leur cœur, spécialement du fait de l’implication du mouvement, depuis 2011, dans la guerre syrienne au côté de Bachar Al-Assad, une guerre qui a notamment provoqué l’afflux de près d’un million de réfugiés syriens au Liban.

Les événements actuels surviennent alors que le Liban se trouve déjà plongé dans une crise profonde…

Oui, une crise multiple, à la fois économique, politique et sociale. Et dans ce contexte, l’attaque israélienne met le Liban et les Libanais à genoux. Ma crainte, c’est que, après la fin des opérations israéliennes actuelles, il y ait une période de chaos, de règlements de comptes et, à terme, de glissement dans une guerre civile.

Certains observateurs estiment au contraire que l’affaiblissement du Hezbollah pourrait, au final, permettre de remettre le Liban sur la bonne voie…

Ce n’est pas impossible. Il est vrai que, une fois le Hezbollah affaibli, on pourra peut-être enfin procéder à une élection présidentielle – rappelons que le pays n’a pas de président depuis deux ans… Ce sont les députés qui élisent le président de la République qui, conformément à la Constitution, doit nécessairement être un chrétien. Mais c’est actuellement impossible car aucune figure chrétienne consensuelle n’émerge. Le Hezbollah a proposé des candidatures chrétiennes qui lui conviendraient ; mais celles-ci, comme Sleiman Frangié, sont trop pro-syriennes pour qu’une majorité des députés les élise. Et le Hezbollah, qui compte 13 sièges sur les 128 du Parlement, mais pèse près de 50 sièges si l’on prend en compte ses alliés, rejette tous les candidats qui ne correspondent pas à son programme ou à ses alliances régionales. D’où ce blocage.

À présent, le pays pourrait enfin se doter d’un président. Et dans un scénario optimiste, on peut imaginer que, une fois que le président de la République aura été élu, on procédera à la formation d’un nouveau gouvernement qui sera assaini de tous les membres corrompus qu’on trouve dans sa composition actuelle. Et que ce gouvernement procédera aux réformes économiques, politiques et administratives qui sont demandées par la Banque mondiale ; en contrepartie, celle-ci assouplirait le paiement de la dette du Liban, elle aiderait les banques à se renflouer et le pays pourrait sortir du marasme financier.

Y a-t-il vraiment une dissociation claire entre d’un côté le Hezbollah, mouvement militaire, et de l’autre côté le Hezbollah, parti politique ? Les responsables de la branche politique sont-ils tout autant ciblés par les Israéliens que les responsables militaires ?

Je ne pense pas que les hommes politiques seront pris pour cible comme le sont les militaires. À cet égard, il faut souligner que ces assassinats dits ciblés sont conduits par Israël de façon tout à fait criminelle et contraire au droit international, avec de très nombreuses victimes civiles. Mais en tout état de cause, ce qui vient de se produire aura évidemment des effets sur l’ensemble du Hezbollah, c’est-à-dire aussi bien sur son aile politique que sur son aile militaire.

Il y a un profond désarroi au sein du parti, dont les membres et les leaders survivants se demandent comment Israël a pu obtenir des informations aussi précises, par exemple sur la présence de Nasrallah à telle heure, à tel endroit. Il y a une grande suspicion interne et des doutes sur le soutien des alliés iranien et syrien.
Cette ambiance délétère déstabilise encore davantage la structure du parti ; la conséquence directe de la décapitation militaire du Hezbollah est donc aussi un affaiblissement politique. Mais cet affaiblissement politique n’est pas synonyme d’affaiblissement du soutien populaire, surtout au sein de la communauté chiite…

Parce que, vous l’avez dit, le Hezbollah se substitue largement à l’État…

Voilà. Les chiites, qui représentent près d’un tiers des Libanais, sont les premiers bénéficiaires de ces efforts, qui relèvent largement du clientélisme. Ce clientélisme au sein de la communauté chiite n’est pas le propre du seul Hezbollah : l’autre grand parti chiite, Amal, du président du Parlement, l’inamovible Nabih Berri, 86 ans, emploie lui aussi ces méthodes. L’omniprésence de ce clientélisme fait que pour trouver un travail au sein d’une administration publique ou même privée, on passe souvent par le parti.

Maintenant, il reste une minorité de chiites qui est très anti-Hezbollah et anti-Amal, mais il est dangereux de prendre de telles positions, comme l’a montré l’assassinat par le Hezbollah de l’homme de lettres et journaliste Lokman Slim. Le poids de ces chiites indépendants reste minime parce que le Hezbollah et Amal ont la capacité de nourrir, d’éduquer, de soigner, de pallier tous les manques de l’État.

Avec des financements qui viennent essentiellement d’Iran ?

Le Hezbollah, tout spécialement, a bien sûr toujours bénéficié du soutien financier et militaire de l’Iran mais aussi de la Syrie. En outre, il y a aussi des financements qui viennent de la diaspora, principalement installée en Afrique ; et d’après certains analystes, aussi du trafic de drogue.

La campagne de frappes déclenchée par Israël a provoqué le déplacement interne d’un million de Libanais. Doit-on aussi s’attendre à une émigration de masse ?

J’ai cru comprendre que beaucoup de Syriens sont retournés chez eux. Certains Libanais ont probablement aussi cherché refuge en Syrie, mais c’est un terrain miné car, on l’oublie souvent, ce pays est encore loin d’être pacifié. Ceux qui ont les moyens, ceux qui peuvent payer un billet 2 000 € ou 3 000 €, prennent les derniers vols. Beaucoup de compagnies ont suspendu leurs vols vers Beyrouth. Il n’y a que la compagnie nationale, la Middle East Airlines, qui a une flotte qui fonctionne, mais qui fonctionne au compte-gouttes parce qu’il y a un risque de bombardement de l’aéroport de Beyrouth, et les billets sont devenus extrêmement chers. L’autre voie, ce sont les bus ou les yachts pour partir en Jordanie ou à Chypre.

En avril dernier, vous écriviez dans ces colonnes qu’il y avait une espèce de déni de la guerre chez une partie des Libanais. Vous disiez qu’à certains endroits à Beyrouth, on ne se rendait pas compte qu’il y avait cette situation extrêmement tendue dans le sud du pays. Aujourd’hui, c’est terminé ?

C’est terminé. La réalité de la guerre s’est imposée partout, chez tout le monde. Parce que les tonnes de bombes qui ont été abattues sur la tête de Hassan Nasrallah ont fait trembler la terre partout à Beyrouth, même dans les quartiers de la capitale qui n’ont pas été directement visés. Tout ce déni qui a existé pendant un an concernant la « guerre de soutien » aux Palestiniens de Nasrallah s’est brutalement dissipé.

En 1982, Israël était intervenu au Liban pour se débarrasser de l’OLP qui utilisait ce territoire comme base arrière. L’OLP est alors partie pour Tunis, mais on a vu émerger le Hezbollah à la place. Peut-on imaginer que cette fois, la destruction partielle voire totale du Hezbollah pourrait engendrer l’apparition d’une autre organisation encore plus violente et déterminée ?

Ce qui est certain, c’est que les bombardements de ces derniers jours auront un impact profond, et susciteront de profondes envies de vengeance. Des combattants ont été tués en grand nombre, rejoignant ainsi le nombre de ceux qui sont considérés comme des martyrs. Tout au long de la route qui mène de Beyrouth au sud-Liban, il y a des portraits des martyrs. La mémoire de la guerre est omniprésente sur le territoire. Cette mémoire marque le territoire. Elle marque profondément les familles qui ont perdu des membres. Elle marque tous ceux qui ont été estropiés. Quand on a perdu des proches, quand on a souffert dans sa propre chair, on ne se retourne pas contre le Hezbollah. On n’a qu’un seul désir, c’est se venger. Israël a certes porté un coup très rude au Hezbollah, mais je ne sais pas si la guerre et les morts apporteront à long terme paix et tranquillité…

Ciotti : la trahison pour quel plat de lentilles .

Ciotti : la trahison pour quel plat de lentilles .

De l’avis de la plupart des observateurs et du monde politique le président des républicains a démissionné dans son intérêt personnel et sans doute après avoir négocié pour rejoindre le rassemblement national.

 

Il aurait vraisemblablement obtenu l’assurance concernant trois aspects :
–sa réélection de députés
–le soutien du RN pour arracher la mairie de Nice
–enfin cerise sur le gâteau un portefeuille ministériel sans doute de l’intérieur qui lui permettra en plus de parader lors des JO.

Bref un copieux plat de lentilles mais qui n’honore pas la politique qui se livre en cette occasion à un marchandage assez pitoyable. Rien d’étonnant de la part de celui qui n’a jamais guère brillé ni par sa droiture, ni par sa dimension.

Pour tout dire qui n’aura jamais le prix Goncourt et le personnage est assez médiocre. Il n’y a encore pas si longtemps  Ciotti affirmait qu’il fallait considérer le Front National comme un adversaire et même un ennemi avec lequel il n’était pas question de s’allier.

Pire le matin même, il a assisté à une réunion des dirigeants du parti républicain sans évoquer à aucun moment ce retournement de veste. C’est à la télévision à 13 heures qu’il a fait part publiquement de sa trahison.

Il est clair que Ciotti est fondé à rejoindre le rassemblement national soit individuellement, soit collectivement. Mais en l’occasion, il a sérieusement manqué de probité et de courage. mieux, Pire il veut maintenant demeurer président d’un parti qu’il a  trahi.

C’est aussi un mauvais coup contre la représentation politique. Les Français doutent déjà depuis longtemps de l’honnêteté et de la compétence de beaucoup de responsables et cette affaire finalement minable ne fera que confirmer leurs interrogations.

 

 

Quel concept de souveraineté

Quel concept de souveraineté

Dans un entretien au « Monde », le philosophe Gérard Mairet définit le concept de « souveraineté », indissociable de l’histoire européenne et développe les étapes de la théorisation de ce principe.

Dans Qu’est-ce que la souveraineté ? (Folio essais, 352 pages, 9,40 euros), le philosophe Gérard Mairet analyse pourquoi ce concept, qui a autrefois contribué à la construction de l’Europe, représente aujourd’hui un obstacle à l’approfondissement de l’Union.

Dans « La Fable du monde. Enquête philosophique sur la liberté de notre temps » (Gallimard, 2005), vous diagnostiquiez « l’achèvement de la souveraineté ». Mais, loin d’avoir déserté le débat public, le mot « souveraineté » semble aujourd’hui omniprésent…

Il est vrai qu’en 2017, dans son discours à la Sorbonne, Emmanuel Macron a théorisé la « souveraineté européenne », et on entend très souvent aujourd’hui, y compris parmi les membres du gouvernement, évoquer une souveraineté nationale qui serait tantôt alimentaire, numérique ou industrielle. Il s’agit au mieux d’un excès de langage. Dans certains cas, il faut y voir une concession rhétorique faite à un certain discours souverainiste qui milite pour le « retour de la souveraineté ». Il s’agirait, selon ce discours, de rapatrier une souveraineté qui aurait été perdue à cause de l’Europe.

Or rien n’a été perdu : pour faire l’Europe, on n’a pas abandonné la souveraineté, mais on a souverainement et librement décidé d’en déléguer l’exercice, dans certains domaines bien définis, à une entité extérieure. Ainsi, avec le Brexit, le Royaume-Uni a récupéré tout l’exercice de sa souveraineté qu’il avait volontairement délégué, politique malheureuse d’ailleurs. L’Europe n’est pas l’effet d’une captation de la souveraineté des Etats, car rien n’est aliéné. C’est pourquoi il est d’une grande confusion philosophique de parler de « souveraineté de l’Europe ». Des Etats souverains ne peuvent être membres d’une entité elle-même souveraine.

Comment définir la souveraineté ?

La souveraineté, telle qu’elle s’est constituée en théorie et en pratique dans l’Europe moderne, est le levier conceptuel de la division territoriale de l’Europe et de la division subséquente des peuples clos à l’intérieur de frontières définies dans et par la guerre. La division du territoire a consisté à construire des peuples nationaux. Il y a donc un particularisme qu’invente la souveraineté : l’idée du juste n’est pas la même d’un pays à un autre. Le rôle de l’Etat historique est de fermer et de garder ses frontières afin de préserver l’ethos de la nation .

Quel financement de l’innovation (Laurent Legendre) ?

Quel financement de l’innovation  (Laurent Legendre) ?

France 2030 n’est pas seulement une affaire de startups. Pour le « comment », le Président a déjà apporté un élément de réponse. Il souhaite en effet poursuivre la simplification des normes qui entravent la croissance des entreprises, en particulier les TPE et PME. Cette problématique est d’ailleurs au cœur de l’actualité et une des réponses à la grogne de nos agriculteurs. Mais je retiens particulièrement le fait que, pour le gouvernement, l’innovation n’est plus seulement l’apanage des startups. De quoi sortir définitivement de cette idée de « startup nation » qui a fait son temps en 2017, pour se tourner vers un plan global d’innovation. Et c’est une avancée majeure ! Car pour innover en France, nous avons besoin des startups bien sûr, mais aussi des PME, des ETI et des grands groupes qui possèdent cette solidité économique et sociale et une capacité à accompagner au mieux les jeunes pousses. Ce n’est pas seulement un vœu pieux. C’est une nécessité ! L’une des problématiques majeures de l’essor de l’innovation, ce n’est pas seulement d’avoir la meilleure idée, mais surtout de savoir comment on la met en œuvre et comment on la finance.

 

par Par Laurent Legendre, Président de Techinnov dans la Tribune

Pour reprendre l’objectif de France 2030, il s’agit de positionner la France en leader mondial des filières qui dessineront l’industrie de 2030. Et cette course à l’innovation sur 10 ans relève donc d’un travail collectif entre entreprises. Une relation gagnant-gagnant entre jeunes pousses, PME, grandes entreprises. Pour nos startups, cette collaboration est synonyme d’appuis financiers et techniques tout autant qu’une crédibilité et visibilité renforcées, pour leur permettre de passer le cap fatidique des 5 ans. C’est aussi un moyen de développer des solutions qui répondent de façon pragmatique à des enjeux industriels réels. Pour les ETI et grands groupes, c’est aussi une manière de gagner en agilité, de mieux appréhender un écosystème toujours en mutation et d’intégrer de nouvelles compétences en phase avec ces mutations.

Les financements de France 2030 alimentent l’intégralité de la chaine, de la startup aux grandes entreprises, mais avec des volumétries très variables. Une analyse réalisée à l’échelle de Paris Saclay avec les CCI des départements des Yvelines et de l’Essonne a révélé qu’en 2022 les startups avaient en particulier du mal à obtenir leurs financements France 2030. Ce qui est d’autant plus difficile, lorsque l’octroi de la majorité des subventions n’est possible que sous réserve de pouvoir justifier d’un montant de fonds propres équivalent. Avec les levées de fonds dont les conditions deviennent plus sélectives, ce point ne s’est pas amélioré en 2023 et, si l’on veut éviter de réelles difficultés pour nos startups, il faut que l’état propose des solutions pour que France 2030 soit réellement l’outil qui favorise l’émergence de nouveaux acteurs industriels autour des 10 objectifs et des 6 leviers du plan. Le financement en fonds propres des petits acteurs reste perfectible.

Bien que les grands groupes représentent en moyenne 60% du chiffre d’affaires des startups, ces dernières pêchent dans la prise de contact et la mise en relation selon une étude du cabinet EY en septembre 2023. Le constat est juste : trouver le bon interlocuteur au sein d’un grand groupe peut prendre un à deux ans à une startup. Soit une éternité. Pour y remédier, l’accent doit être mis sur les territoires qui ont cette proximité avec les entreprises et cette capacité à proposer des programmes d’accompagnement et générer des rencontres entre décideurs, portée par des fonds d’investissement ou incubateurs locaux, des labels régionaux ou le formidable travail des CCI.

Un travail qui commence à se voir, via la diversité géographique des levées de fonds. On remarque en effet que la concentration des fonds en Île-de-France diminue : si 81% des fonds levés ont été réalisé par des pépites dont le siège social se trouvait autour de la capitale en 2021, ce nombre diminue à 61% en 2023. La valorisation de l’innovation en France est donc plus ouverte, globale, de moins en moins centralisée.

Et si le Président de la République prône la poursuite de l’accélération, c’est parce que la course au financement n’est pas seulement un enjeu franco-français. C’est un enjeu mondial pour la France. En effet, la moitié des startups qui ont réussi à lever des fonds disent avoir eu des difficultés à convaincre les investisseurs, décidant donc de se tourner vers d’autres moyens de financement (dette bancaire, autofinancement) mais aussi… vers « l’exil » pour trouver des financements ailleurs dans le monde. Ce qui représente un véritable risque de perte de compétitivité pour notre pays via le risque de délocalisation de pépites stratégiques.

Alors oui, grands groupes comme investisseurs demandent à être convaincus par la qualité de l’équipe, les partenaires de la société, le potentiel produit ou service par rapport au marché, être assurés de perspectives de rentabilité d’ici trois à six ans… Sachant cela, plus que jamais, les acteurs du changement doivent créer les conditions favorables de rencontres business et propager une meilleure pédagogie sur les enjeux de compétitivité que le développement de l’innovation en France induit pour l’ensemble de nos entreprises, de la startup au grand groupe. Nous avons besoin de ces relais de proximité pour bâtir des ponts, multiplier les événements de networking et créer l’étincelle destinée à convaincre les investisseurs d’accompagner nos jeunes entreprises sur le long terme. 2030 n’est finalement qu’un début pour changer les mentalités en matière d’innovation.

Une trentaine de projets de RER : avec quel financement

Une trentaine de projets de RER : avec quel financement

Le président de la république avait lancé l’idée d’une dizaine de projets RER en province. Une idée qui fait son chemin puisqu’il y a maintenant une trentaine de projets dans ce domaine. L’idée générale est évidemment de privilégier les transports collectifs afin de contribuer à la transition énergétique et à la qualité de l’environnement. Reste cependant la cruelle question du financement qui n’a jamais été abordée par le président de la république. Demeurent aussi des questions techniques dans la mesure où nombre de projets ne pourront utiliser leur rail existant pour structurer leurs futurs réseaux urbains.

Le ministre, également élu local à Dunkerque, plaide pour « pragmatisme et efficacité » dans le choix des dessertes comme des modes de transports retenus pour conjuguer intermodalité, massification des flux et lignes de rabattement. « Un SERM c’est un projet d’aménagement et d’urbanisme ! », conclut Patrice Vergriete. « Et c’est aux élus locaux de dire quelle vision et quel schéma ils portent collectivement pour le territoire. » Une manière polie d’écarter les candidatures d’opportunité puisque le ministre ajoute « l’esprit du SERM peut tout à fait vivre au niveau local sans l’Etat , on n’est pas obligé d’attendre tout de l’Etat ». Comprendre : il n’y aura pas nécessairement de financements de l’Etat pour tout le monde.

 

Les élus locaux n’auront donc pas obtenu plus de certitudes sur le financement mais ils connaissent au moins le calendrier des prochains mois avec une grande conférence nationale réunissant tous les acteurs mi-avril.

« On va sans doute fonctionner en deux temps, identifier les premières labellisations au cours de ce premier semestre 2024, c’est-à-dire identifier des projets déjà avancés, des territoires qui travaillent depuis longtemps et où les principes politiques du SERM sont enclenchés au niveau local, précise Patrice Vergriete. Ensuite, il y aura un travail un peu plus fin avec les services de l’État pour arriver à l’arrêté définitif que j’espère avant la fin de l’année 2024. »

 

Biodiversité: quel enjeu ?

Biodiversité: quel enjeu ?

Si le changement climatique préoccupe beaucoup de monde, les scientifiques alertent aussi régulièrement sur la crise de la biodiversité causée majoritairement par les activités humaines. La biodiversité, c’est un mot popularisé par une convention internationale en 1992 qui est la contraction de « diversité » et de « biologique ».

par
Julien Blanco
Chercheur en ethnoécologie, Institut de recherche pour le développement (IRD)

Sarah Paquet
Doctorante en économie écologique, Institut de recherche pour le développement (IRD)
dans The Conversation

Elle désigne la diversité du monde vivant et peut s’observer à trois niveaux :

Au niveau des espèces : c’est la diversité des animaux (les mammifères, les poissons, les oiseaux, mais aussi les insectes et les mollusques), des plantes (dont les arbres et les algues) ou encore des champignons et des bactéries. Parmi ces espèces, certaines ont été domestiquées par les humains, comme les vaches ou les chiens, mais ces dernières font aussi partie de la biodiversité ;

Au niveau des individus d’une même espèce : c’est le fait que chaque individu est unique, et qu’il y a plusieurs races ou variétés au sein d’une même espèce. Par exemple, l’espèce des chiens regroupe différentes races (chihuahuas, labradors, caniches, etc.) ;

Au niveau des écosystèmes et des paysages : ce sont tous les types de forêts, de savanes, de prairies, de milieux marins, ou encore de déserts qui sont le fruit de la rencontre entre des êtres vivants variés et leur environnement.

La biodiversité est donc présente dans tout ce qui nous entoure, y compris en ville et à la campagne, dans les terres, les mers et les rivières. Sa disparition pose problème pour trois raisons principales.

La biodiversité a le droit d’exister

Nous constatons aujourd’hui que les activités humaines menacent la biodiversité : sur environ huit millions d’espèces animales et végétales connues, près d’un million est menacé d’extinction.

Or on peut considérer que chaque être vivant a le droit d’exister sur cette planète : cette dernière est un lieu de vie pour toutes et tous, pas seulement pour les humains. Ainsi, chaque être a une valeur en soi (valeur intrinsèque) et devrait à ce titre pouvoir vivre, même si les humains le jugent inutile.

La biodiversité est nécessaire au bien-être des humains

Si vous pensez à ce que vous mangez chaque jour, vous réaliserez que tout est fourni par la biodiversité. La viande provient de divers animaux élevés ou chassés (poules, vaches, sangliers, etc.). Le pain et les pâtes sont préparés à partir de céréales comme le blé.

La biodiversité est aussi indispensable pour se soigner : la plupart des médicaments que nous utilisons sont issus des plantes et, dans beaucoup de pays, on utilise encore les plantes médicinales directement. Par exemple, le thym (Thymus vulgaris) peut être employé en décoction contre la toux et les bronchites. La molécule qu’il contient, le thymol, entre dans la composition de certains médicaments.

Sur un autre plan, les forêts sont particulièrement importantes, car elles participent à rendre l’eau que nous buvons potable, à limiter l’érosion des sols et à réguler le climat.

Par conséquent, les humains ne pourraient tout simplement pas vivre sans la biodiversité. Elle est importante parce qu’elle est utile à notre bien-être : on parle de valeur instrumentale. Bien qu’un peu égoïste, c’est un bon argument pour en prendre soin.

Les humains entretiennent des relations intimes avec la biodiversité
Au même titre que les relations amicales et familiales, les humains ont parfois des relations très profondes et intimes avec la biodiversité.

Par exemple, certaines personnes sont attachées aux rivières ou aux montagnes où elles ont grandi, ces lieux étant associés à des souvenirs. À leurs yeux, aucune autre rivière ou montagne ne peut les remplacer. On associe aussi l’identité de certains pays à la biodiversité : l’érable est le symbole du Canada, tandis que le ravinala (ou arbre du voyageur) et le lémurien sont ceux de Madagascar. De même, la population française est associée au coq ou aux grenouilles. Qu’adviendrait-il de ces identités si ces espèces venaient à disparaître ?

C’est ce qu’on appelle la valeur relationnelle de la biodiversité : elle est importante parce qu’elle définit qui nous sommes, notre histoire et notre identité. C’est d’ailleurs en se reconnectant à la biodiversité que l’on pourra en avoir davantage conscience.

Ce sont ces trois grandes valeurs (d’existence, d’utilité et relationnelle) qui rendent la biodiversité si importante et irremplaçable. Il est donc crucial d’en prendre soin et de faire preuve de réciprocité vis-à-vis d’elle.

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