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Diplomatie : la France discréditée

Diplomatie : la France discréditée

 Entre tensions diplomatiques et provocations calculées, la France semble de plus en plus visée par des tentatives d’humiliation sur la scène internationale. Par Eric Lebédel, diplomate (*) ( dans La Tribune)

Le Président Macron, lors de la dernière a réunion de la Communauté politique européenne en Hongrie, vient d’appeler justement les Européens à se ressaisir, en cessant de se comporter comme des herbivores face aux carnivores.

Le même jour, à Jérusalem-Est, territoire occupé, dans le domaine français internationalement et bilatéralement reconnu d’Eleona, lors d’une visite officielle du ministre des Affaires étrangères, la police israélienne mettait à terre des gendarmes-agents diplomatiques français et les menottait devant les écrans TV. Volonté délibérée, préméditée d’humilier la France. En riposte, l’ambassadeur d’Israël à Paris a simplement été convoqué au ministère des Affaires étrangères, l’équivalent d’une menace d’avertissement en droit du travail. Le carnivore pouvait sembler édenté.

À la décharge des autorités françaises, primait sans doute un souci de ne pas attiser involontairement la vague d’antisémitisme sévissant en France et dans toute l’Europe.

Deux jours après, le Président Azéri ouvrant la COP 29, cherchait cependant à son tour, et à nouveau, à humilier la France en critiquant publiquement son supposé colonialisme et ses « crimes ».

Ne sous-estimons donc pas combien l’humiliation a marqué l’histoire et redevient un facteur majeur des relations internationales. Sans remonter à Azincourt, que l’on repense aux Capitulations, aux guerres de l’opium en Chine, à la dépêche d’Ems, « aux coups de poignard dans le dos et au diktat de 1918 », aux usages du wagon d’armistice de Compiègne, et à Suez en 1956. Après des décolonisations parfois mal gérées, la tentation est forte chez certains émergents de passer aujourd’hui du statut de victime à celui de provocateur offensant. Dans « Le temps des humiliations ; pathologie des relations internationales », le Pr Bertrand Badie s’est fait l’écho avec maîtrise de tous ces épisodes.

Ces derniers temps, la France semble tout particulièrement visée par cette inversion accusatoire et par des tentatives répétées d’humiliation, parfois minimisées, occultées ou niées par nous. L’épisode de Jérusalem, même s’il est récurrent et vise à établir une jurisprudence sur nos domaines (avant Jean-Noël Barrot, incidents similaires lors de visites des Présidents Macron et Chirac), n’est pas le plus grave. Des amis et Alliés peuvent même s’y livrer, comme l’on fait peu diplomatiquement Américains, Britanniques et Australiens (AUKUS) pour l’affaire des sous-marins en 2021. Des rivaux et adversaires comme la Russie ne s’en privent pas, avec des succès variés , dans leurs efforts renforcés de déstabilisation, de désinformation et de manipulation des élections européennes. Les réponses, maintenant plus réalistes et saines des occidentaux, ont cependant suivi des phases originales, y compris avec un appel surprenant « à ne pas humilier la Russie ». On peut espérer que ce slogan ne reviendra pas, même et surtout accompagné du thème incongru de « l’architecture européenne de sécurité ». Par insultes, déclarations fracassantes, insinuations, le président Erdogan n’a pas hésité à user de ce genre de procédé visant Paris, les autorités, l’ambassade de France, son domaine protégé, les nombreuses écoles françaises en Turquie, des ressortissants français, et des exilés en France. Le Reis semble s’assagir. Mais cette dernière cible des exilés en France est aussi maintenant retenue par d’autres, comme l’Azerbaïdjan qui excite en outre tout particulièrement les indépendantistes des territoires autonomes français. Le rapprochement enfin décidé entre la France et le Maroc a encore plus débridé une Algérie, courtisée  par nous-mêmes sans aucun retour pendant sept ans,  et décuplant maintenant ses provocations antifrançaises : les exilés, comme les binationaux, en deviennent aussi des victimes, alors que nous ne manquons pas de mesures de rétorsion sous-utilisées. Nul besoin d’épiloguer, en dernier lieu, sur les retraits peu glorieux de la France de pays du Sahel, attisés par une Russie dont le tour viendra.

Toutes ces humiliations sont souvent restées sans réponse significative, à tout le moins publiquement (nos services peuvent être discrètement efficaces). Les raisons avancées sont bien connues : « pas de vagues, retenue, exemplarité, sens des priorités, ne pas entrer dans le jeu de l’adversaire, refus de l’escalade, ou sauvegarder l’essentiel… » Ces arguments sont souvent de bon sens, mais restent des réponses d’herbivores, à  un moment où, Trump,  Poutine et Pékin aidant, le carnivore devient la norme.  À l’humiliation,  s’ajoute en outre un double risque : la naïveté et le discrédit.

Au niveau européen, il y a pire que l’humiliation, c’est la naïveté. Notre propension à nous vouloir exemplaires (« diriger par l’exemple »), à dégrader notre compétitivité par des politiques se voulant vertueuses mais solitaires et contre-productives (climat, énergie, industrie, agriculture dont Pacte Vert et Mercosur rejeté cette semaine par M. Barnier),  à promouvoir des valeurs supposées universelles sans toujours les respecter, nos difficultés à nous préparer aux offensives économiques non concertées de la Chine et des États-Unis, risquent de devenir des facteurs de faiblesse structurels et d’appeler de nouvelles humiliations. Le rapport Draghi montre l’ampleur du défi. Mesures de protection et réciprocité doivent devenir les maîtres mots de l’Union européenne.

Au niveau de la France, il y a pire que l’humiliation, c’est le désintérêt, le dédain, voir le discrédit de propositions portées par Paris. Force, alliances, constance, prévisibilité et même humilité seront alors nécessaires : « l’humilité épargne les affres de l’humiliation », écrivait Georges Bernanos dans « Les grands cimetières sous la lune ».

Une chose est sûre : face aux entreprises d’humiliation promises par la Chine et Trump, il nous faut maintenant préparer à tous les niveaux, au cas par cas, des mesures de réciprocité calibrées, réalistes et crédibles.

L’éléphant n’est ni herbivore ni carnivore : il est omnivore et respecté.

_____

(*) Eric Lebédel, diplomate, spécialiste des questions stratégiques, européennes et transverses, s’exprime ici à titre personnel.

Diplomatie mondiale: Influence grandissante des pays non démocratiques

Diplomatie mondiale: Influence grandissante des pays non démocratiques

La tenue de la COP dans un pays non démocratique, en l’occurrence l’Azerbaïdjan, n’a rien de nouveau : l’année dernière, l’événement avait eu lieu aux Émirats. Pendant ce temps, la Russie, la Chine ou encore la Syrie siègent au Comité de décolonisation de l’ONU et l’Arabie saoudite se trouve à la tête du Forum de l’ONU sur les droits des femmes. Pour les dirigeants de ces pays, organiser de telles manifestations et participer à de telles plates-formes présente de nombreux avantages.

 

par 

Expert Indopacifique, Géopolitique des mondes marins, réseaux et acteurs de l’influence, diplomatie publique, Sciences Po dans The Conversation 

 

La COP29, conférence internationale sur les enjeux climatiques, s’est ouverte le 11 novembre à Bakou, Azerbaïdjan. En une seule phrase se trouve condensée une partie conséquente des problèmes de la diplomatie internationale née après-guerre. La lutte contre le changement climatique – sujet capital pour l’ensemble des habitants de la planète – doit, en effet, être débattue sous la houlette d’un pays au régime dictatorial, grand producteur de pétrole et de gaz, et dont le rôle dans plusieurs grands dossiers géopolitiques a dernièrement été pour le moins controversé.

Les enjeux climatiques et la réduction de l’empreinte carbone intéressent au premier chef les producteurs d’hydrocarbures. La COP28 s’est ainsi tenue l’année dernière à Dubaï. Et la prochaine, la COP30, aura lieu à Belém, au Brésil, premier producteur d’hydrocarbures d’Amérique latine, 9e à l’échelle mondiale et potentiellement le 5e à l’horizon 2030.

Afin d’être en mesure de défendre au mieux leurs intérêts et d’anticiper toutes les évolutions envisageables, les pays producteurs cherchent à peser au maximum sur les discussions internationales relatives aux questions environnementales et énergétiques en organisant et en finançant les conférences. Soulignons à cet égard que Moukhtar Babaïev, ministre azerbaïdjanais de l’Écologie, chargé de diriger les travaux de la COP29, est un ancien cadre la compagnie pétrolière nationale, Socar. Le sultan Ahmed Al Jaber, président de la COP28 en sa qualité de ministre de l’Industrie des Émirats arabes unis, est pour sa part surnommé le « prince du pétrole » car il est le PDG de l’Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC).

Cela ne peut surprendre : la dénomination même de COP (Conférence des Parties) – implique une approche pragmatique, afin de dépasser toute rigidité structurelle. Dans ce cadre, les parties sont au nombre de 198 : pays regroupés par aire géographique, mais également entités politiques comme l’Union européenne. On ne peut s’attendre à ce que les organisateurs de tels forums se contentent de jouer un rôle d’« honnête courtier » (honest broker) plutôt que piloter l’ensemble du projet. Et cela, d’autant plus que le succès exponentiel des COP est confirmé par le nombre d’intervenants, de journalistes, de lobbyistes et de suiveurs : environ 10 000 personnes en 1997 lors de l’adoption du protocole de Kyoto, plus de 30 000 à Paris en 2015, 45000 pour la COP27, plus 85000 pour la COP28, environ 70000 pour la COP29. Ces sommets constituent des événements d’une ampleur mondiale.

Pour l’Azerbaïdjan, la COP29 représente donc une magnifique occasion de redorer son image. Rappelons que, aux yeux de nombreux acteurs internationaux, ce pays de plus de 10 millions d’habitants se signale avant tout par le non-respect de multiples libertés individuelles, et le Conseil des droits de l’homme (organisme de l’ONU sur lequel nous reviendrons) a examiné son cas dans le cadre de l’Universal Periodic Review (UPR) le 9 novembre 2023.

L’Azerbaïdjan est en outre à l’origine d’un gros scandale de corruption auprès du conseil de l’Europe en 2017, surnommé le « Caviargate », et a été récemment désigné comme étant l’un des soutiens et organisateurs des violentes émeutes qui ont fait 13 morts au printemps dernier en Nouvelle-Calédonie. Le ministre de l’Intérieur de l’époque, Gerald Darmanin, n’a d’ailleurs pas hésité à accuser directement le régime Aliev d’ingérence, à travers l’exploitation du Groupe d’Initiative de Bakou (GIB). Des émeutiers avaient été vus et photographiés avec des t-shirts et des drapeaux aux couleurs de l’Azerbaïdjan et une forte activité Internet en vue d’accroître la diffusion de certaines informations avait également été observée depuis les structures digitales de ce pays.

Rappelons que le GIB, qui a été créé en juillet 2023 à Bakou en présence de représentants de mouvements indépendantistes de Martinique, de Guyane, de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française, a organisé une conférence internationale le 20 juin 2024 au siège des Nations unies à New York, intitulée « Vers l’indépendance et les libertés fondamentales : le rôle du C-24 (Comité spécial de la décolonisation des Nations Unis) dans l’élimination du colonialisme ». Une autre conférence, « La politique française du néocolonialisme en Afrique », toujours organisée par le GIB, le 3 octobre 2024, démontre la continuité de l’effort et indique que Paris est la cible clairement visée.

De telles actions, d’après de nombreux analystes, ont pour objectif de punir la France pour sa condamnation de l’offensive azerbaïdjanaise sur le Haut-Karabakh en 2023, venue à la suite du long blocus du corridor de Latchine (reliant le Karabakh à l’Arménie), qui a permis au régime d’Ilham Aliev de reprendre le contrôle de ce territoire et de mettre fin à la République indépendantiste de l’Artsakh, au prix de violents bombardements et d’une expulsion quasi totale de la population du Karabakh. Le Quai d’Orsay précise la position de Paris sur ce dossier :

« La France est résolument engagée aux côtés de l’Arménie et du peuple arménien, et en soutien aux réfugiés du Haut-Karabakh forcés de fuir par dizaines de milliers leur terre et leur foyer après l’offensive militaire déclenchée par l’Azerbaïdjan et neuf mois de blocus illégal. »

Des parlementaires européens se sont également alarmés de cette situation et ont soumis, le 21 octobre 2024, une proposition de résolution sur la situation en Azerbaïdjan, la violation des droits de l’homme et du droit international, et les relations avec l’Arménie.

Ce contexte tendu a incité les dirigeants français, qu’il s’agisse d’Emmanuel Macron ou de la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher, à refuser de se rendre à Bakou pour assister à la COP29.

Dans cette confrontation qui se déploie à de multiples niveaux (médiatique, juridique, diplomatique, etc.), notre grille de lecture doit s’adapter. Il est notable et problématique que la quasi-totalité des articles traitant des violences en Nouvelle-Calédonie évoquent de manière presque systématique les interventions et publications du Comité spécial de la décolonisation des Nations unies condamnant la position française – ce qu’il n’est pas question de juger ici –, considérant que le fait que cette instance relève de l’ONU lui confère automatiquement une légitimité indiscutable.

Pourtant, la présence au sein du Comité de la Russie (dont l’invasion militaire en Ukraine est pour le moins éloignée de tout souci de décolonisation) ou de la Chine (aux visées sur Taïwan bien connues, entre autres exemples de comportement agressif dans son voisinage régional), ou encore de la Syrie et de l’Éthiopie, deux pays récemment accusés de massacres à grande échelle contre leur propre population, peuvent et doivent interroger sur les agendas et sur les intérêts de chacun.

Le grand public et une partie des médias semblent observer avec confiance – ou désintérêt – l’action des grands acteurs internationaux quand ceux-ci semblent s’opposer au cadre occidental de gestion des affaires du monde qui a dominé pendant des décennies et est aujourd’hui largement remis en cause.

Or si l’ONU n’est certes pas, par nature, un club de nations démocratiques, il est pour le moins problématique que des États profondément autoritaires se retrouvent régulièrement, du fait du système tournant en vigueur, à la tête ou au sein de Comités chargés de veiller au respect des droits humains – rappelons que le 27 mars dernier, l’Arabie saoudite a été choisie à l’unanimité par l’ONU pour prendre les rênes du Forum sur les droits des femmes et l’égalité des sexes. Et en mai 2023, l’Iran a présidé le Forum social du Conseil des droits de l’homme de l’ONU.

L’actualité récente démontre que de nombreux régimes autoritaires sont non seulement pleinement intégrés à l’ONU mais, surtout, se sont emparés de thématiques qui semblaient, voici peu encore, intéresser avant tout les démocraties occidentales, et parviennent à imposer leur agenda lors de multiples sommets internationaux. Naturellement, l’essence de la diplomatie est de pouvoir mettre en présence toutes les parties afin d’obtenir des résultats satisfaisants. Toutefois, ce à quoi nous assistons avec de telles présidences donne lieu, au minimum, à deux constats.

Le premier est le relatif désengagement des démocraties occidentales de ces arènes, que ce soit par manque de moyens financiers, par manque de moyens humains ou par nécessité de se positionner sur d’autres espaces.

Le second constat est celui d’un effort clair et bien pensé visant, pour les régimes autoritaires, à s’emparer, voire à capturer ces thématiques (ainsi de la lutte contre la colonisation, devenue un outil permettant principalement de dénoncer les agissements des pays occidentaux), en jouant des traditions internationales nées de l’après-guerre et de l’état de certaines arènes internationales (ONU, Conseil de l’Europe…), qui apparaissent comme des géants fatigués.

Face à ce double constat, quelles solutions ? En 2008, l’universitaire Jan Aart Scholte proposait de réfléchir à une gouvernance polycentrique, c’est-à-dire décentrée sur un plan social et géographique. Une telle décentralisation est observable aujourd’hui. Mais il semble même que la dynamique post-Seconde Guerre mondiale se soit inversée : une multitude de sommets, de forums, de groupes et de sous-groupes animent des discussions et instrumentalisent certaines questions dont les sensibilités et les émotions sont dûment sélectionnées. Et cela, sous l’égide des grandes plates-formes politiques telles que l’ONU. Ces évolutions sont illustrées par de multiples concepts cherchant à saisir les formes d’action diplomatique (ping-pong diplomatie, panda diplomatie, orang-outan diplomatie ou encore caviar diplomatie). Différentes formes de gouvernance (certains parlent de gouvernance multilatérale, polylatérale, en réseau(x)…), manifestent également ces tentatives de capter la diversité des acteurs et de leurs capacités d’action. Ce qui rend compliqué de prendre la pleine mesure les défis ainsi posés.

Il demeure possible de croire que ce sont ses membres qui vont défendre les valeurs humanistes promues par l’ONU, mais il est également permis d’en douter et de se demander si l’une des étymologies du terme « diplomatie » ne s’est pas imposée : celle qui désigne le visage double et manipulateur d’acteurs qui retournent arguments et idéaux pour leur seul propre intérêt…

Diplomatie mondiale: Influence grandissante des pays autoritaires

Diplomatie mondiale: Influence grandissante des pays autoritaires

La tenue de la COP dans un pays non démocratique, en l’occurrence l’Azerbaïdjan, n’a rien de nouveau : l’année dernière, l’événement avait eu lieu aux Émirats. Pendant ce temps, la Russie, la Chine ou encore la Syrie siègent au Comité de décolonisation de l’ONU et l’Arabie saoudite se trouve à la tête du Forum de l’ONU sur les droits des femmes. Pour les dirigeants de ces pays, organiser de telles manifestations et participer à de telles plates-formes présente de nombreux avantages.

 

par 

Expert Indopacifique, Géopolitique des mondes marins, réseaux et acteurs de l’influence, diplomatie publique, Sciences Po dans The Conversation 

 

La COP29, conférence internationale sur les enjeux climatiques, s’est ouverte le 11 novembre à Bakou, Azerbaïdjan. En une seule phrase se trouve condensée une partie conséquente des problèmes de la diplomatie internationale née après-guerre. La lutte contre le changement climatique – sujet capital pour l’ensemble des habitants de la planète – doit, en effet, être débattue sous la houlette d’un pays au régime dictatorial, grand producteur de pétrole et de gaz, et dont le rôle dans plusieurs grands dossiers géopolitiques a dernièrement été pour le moins controversé.

Les enjeux climatiques et la réduction de l’empreinte carbone intéressent au premier chef les producteurs d’hydrocarbures. La COP28 s’est ainsi tenue l’année dernière à Dubaï. Et la prochaine, la COP30, aura lieu à Belém, au Brésil, premier producteur d’hydrocarbures d’Amérique latine, 9e à l’échelle mondiale et potentiellement le 5e à l’horizon 2030.

Afin d’être en mesure de défendre au mieux leurs intérêts et d’anticiper toutes les évolutions envisageables, les pays producteurs cherchent à peser au maximum sur les discussions internationales relatives aux questions environnementales et énergétiques en organisant et en finançant les conférences. Soulignons à cet égard que Moukhtar Babaïev, ministre azerbaïdjanais de l’Écologie, chargé de diriger les travaux de la COP29, est un ancien cadre la compagnie pétrolière nationale, Socar. Le sultan Ahmed Al Jaber, président de la COP28 en sa qualité de ministre de l’Industrie des Émirats arabes unis, est pour sa part surnommé le « prince du pétrole » car il est le PDG de l’Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC).

Cela ne peut surprendre : la dénomination même de COP (Conférence des Parties) – implique une approche pragmatique, afin de dépasser toute rigidité structurelle. Dans ce cadre, les parties sont au nombre de 198 : pays regroupés par aire géographique, mais également entités politiques comme l’Union européenne. On ne peut s’attendre à ce que les organisateurs de tels forums se contentent de jouer un rôle d’« honnête courtier » (honest broker) plutôt que piloter l’ensemble du projet. Et cela, d’autant plus que le succès exponentiel des COP est confirmé par le nombre d’intervenants, de journalistes, de lobbyistes et de suiveurs : environ 10 000 personnes en 1997 lors de l’adoption du protocole de Kyoto, plus de 30 000 à Paris en 2015, 45000 pour la COP27, plus 85000 pour la COP28, environ 70000 pour la COP29. Ces sommets constituent des événements d’une ampleur mondiale.

Pour l’Azerbaïdjan, la COP29 représente donc une magnifique occasion de redorer son image. Rappelons que, aux yeux de nombreux acteurs internationaux, ce pays de plus de 10 millions d’habitants se signale avant tout par le non-respect de multiples libertés individuelles, et le Conseil des droits de l’homme (organisme de l’ONU sur lequel nous reviendrons) a examiné son cas dans le cadre de l’Universal Periodic Review (UPR) le 9 novembre 2023.

L’Azerbaïdjan est en outre à l’origine d’un gros scandale de corruption auprès du conseil de l’Europe en 2017, surnommé le « Caviargate », et a été récemment désigné comme étant l’un des soutiens et organisateurs des violentes émeutes qui ont fait 13 morts au printemps dernier en Nouvelle-Calédonie. Le ministre de l’Intérieur de l’époque, Gerald Darmanin, n’a d’ailleurs pas hésité à accuser directement le régime Aliev d’ingérence, à travers l’exploitation du Groupe d’Initiative de Bakou (GIB). Des émeutiers avaient été vus et photographiés avec des t-shirts et des drapeaux aux couleurs de l’Azerbaïdjan et une forte activité Internet en vue d’accroître la diffusion de certaines informations avait également été observée depuis les structures digitales de ce pays.

Rappelons que le GIB, qui a été créé en juillet 2023 à Bakou en présence de représentants de mouvements indépendantistes de Martinique, de Guyane, de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française, a organisé une conférence internationale le 20 juin 2024 au siège des Nations unies à New York, intitulée « Vers l’indépendance et les libertés fondamentales : le rôle du C-24 (Comité spécial de la décolonisation des Nations Unis) dans l’élimination du colonialisme ». Une autre conférence, « La politique française du néocolonialisme en Afrique », toujours organisée par le GIB, le 3 octobre 2024, démontre la continuité de l’effort et indique que Paris est la cible clairement visée.

De telles actions, d’après de nombreux analystes, ont pour objectif de punir la France pour sa condamnation de l’offensive azerbaïdjanaise sur le Haut-Karabakh en 2023, venue à la suite du long blocus du corridor de Latchine (reliant le Karabakh à l’Arménie), qui a permis au régime d’Ilham Aliev de reprendre le contrôle de ce territoire et de mettre fin à la République indépendantiste de l’Artsakh, au prix de violents bombardements et d’une expulsion quasi totale de la population du Karabakh. Le Quai d’Orsay précise la position de Paris sur ce dossier :

« La France est résolument engagée aux côtés de l’Arménie et du peuple arménien, et en soutien aux réfugiés du Haut-Karabakh forcés de fuir par dizaines de milliers leur terre et leur foyer après l’offensive militaire déclenchée par l’Azerbaïdjan et neuf mois de blocus illégal. »

Des parlementaires européens se sont également alarmés de cette situation et ont soumis, le 21 octobre 2024, une proposition de résolution sur la situation en Azerbaïdjan, la violation des droits de l’homme et du droit international, et les relations avec l’Arménie.

Ce contexte tendu a incité les dirigeants français, qu’il s’agisse d’Emmanuel Macron ou de la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher, à refuser de se rendre à Bakou pour assister à la COP29.

Dans cette confrontation qui se déploie à de multiples niveaux (médiatique, juridique, diplomatique, etc.), notre grille de lecture doit s’adapter. Il est notable et problématique que la quasi-totalité des articles traitant des violences en Nouvelle-Calédonie évoquent de manière presque systématique les interventions et publications du Comité spécial de la décolonisation des Nations unies condamnant la position française – ce qu’il n’est pas question de juger ici –, considérant que le fait que cette instance relève de l’ONU lui confère automatiquement une légitimité indiscutable.

Pourtant, la présence au sein du Comité de la Russie (dont l’invasion militaire en Ukraine est pour le moins éloignée de tout souci de décolonisation) ou de la Chine (aux visées sur Taïwan bien connues, entre autres exemples de comportement agressif dans son voisinage régional), ou encore de la Syrie et de l’Éthiopie, deux pays récemment accusés de massacres à grande échelle contre leur propre population, peuvent et doivent interroger sur les agendas et sur les intérêts de chacun.

Le grand public et une partie des médias semblent observer avec confiance – ou désintérêt – l’action des grands acteurs internationaux quand ceux-ci semblent s’opposer au cadre occidental de gestion des affaires du monde qui a dominé pendant des décennies et est aujourd’hui largement remis en cause.

Or si l’ONU n’est certes pas, par nature, un club de nations démocratiques, il est pour le moins problématique que des États profondément autoritaires se retrouvent régulièrement, du fait du système tournant en vigueur, à la tête ou au sein de Comités chargés de veiller au respect des droits humains – rappelons que le 27 mars dernier, l’Arabie saoudite a été choisie à l’unanimité par l’ONU pour prendre les rênes du Forum sur les droits des femmes et l’égalité des sexes. Et en mai 2023, l’Iran a présidé le Forum social du Conseil des droits de l’homme de l’ONU.

L’actualité récente démontre que de nombreux régimes autoritaires sont non seulement pleinement intégrés à l’ONU mais, surtout, se sont emparés de thématiques qui semblaient, voici peu encore, intéresser avant tout les démocraties occidentales, et parviennent à imposer leur agenda lors de multiples sommets internationaux. Naturellement, l’essence de la diplomatie est de pouvoir mettre en présence toutes les parties afin d’obtenir des résultats satisfaisants. Toutefois, ce à quoi nous assistons avec de telles présidences donne lieu, au minimum, à deux constats.

Le premier est le relatif désengagement des démocraties occidentales de ces arènes, que ce soit par manque de moyens financiers, par manque de moyens humains ou par nécessité de se positionner sur d’autres espaces.

Le second constat est celui d’un effort clair et bien pensé visant, pour les régimes autoritaires, à s’emparer, voire à capturer ces thématiques (ainsi de la lutte contre la colonisation, devenue un outil permettant principalement de dénoncer les agissements des pays occidentaux), en jouant des traditions internationales nées de l’après-guerre et de l’état de certaines arènes internationales (ONU, Conseil de l’Europe…), qui apparaissent comme des géants fatigués.

Face à ce double constat, quelles solutions ? En 2008, l’universitaire Jan Aart Scholte proposait de réfléchir à une gouvernance polycentrique, c’est-à-dire décentrée sur un plan social et géographique. Une telle décentralisation est observable aujourd’hui. Mais il semble même que la dynamique post-Seconde Guerre mondiale se soit inversée : une multitude de sommets, de forums, de groupes et de sous-groupes animent des discussions et instrumentalisent certaines questions dont les sensibilités et les émotions sont dûment sélectionnées. Et cela, sous l’égide des grandes plates-formes politiques telles que l’ONU. Ces évolutions sont illustrées par de multiples concepts cherchant à saisir les formes d’action diplomatique (ping-pong diplomatie, panda diplomatie, orang-outan diplomatie ou encore caviar diplomatie). Différentes formes de gouvernance (certains parlent de gouvernance multilatérale, polylatérale, en réseau(x)…), manifestent également ces tentatives de capter la diversité des acteurs et de leurs capacités d’action. Ce qui rend compliqué de prendre la pleine mesure les défis ainsi posés.

Il demeure possible de croire que ce sont ses membres qui vont défendre les valeurs humanistes promues par l’ONU, mais il est également permis d’en douter et de se demander si l’une des étymologies du terme « diplomatie » ne s’est pas imposée : celle qui désigne le visage double et manipulateur d’acteurs qui retournent arguments et idéaux pour leur seul propre intérêt…

Diplomatie–Gaza : la conférence humanitaire de Macron

Diplomatie–Gaza : la conférence humanitaire de Macron

On se souvient que l’appel de Macon à la lutte internationale contre le Hamas n’avait rencontré aucun succès. Du coup, le président français avait tenté des démarches diplomatiques auprès d’Israël, de l’autorité palestinienne et de quelques pays arabes. Cette fois, il propose une conférence humanitaire le 9 novembre à Paris. En fait une initiative qui aurait dû être celle de l’ONU qui en la circonstance- mais malheureusement aussi pour d’autres dossiers- se montre particulièrement stérile se contentant de multiplier les communiqués du secrétaire général.

Une conférence où seront exclus l’Iran et Israël et bien entendu aussi le Hamas. Par contre, l’autorité palestinienne sera présente. L’absence d’Israël hypothèque évidemment les résultats humanitaires -et encore davantage la perspective de paix- de cette conférence aux objectifs assez flous.

L’objectif devrait être surtout de rechercher d’améliorer les conditions de vie de la population civile palestinienne à Gaza. Des conditions de vie extrêmes car Gaza manque de tout.
La question est cependant de savoir si les aides des principaux bailleurs et autres organisations internationales invités pourront parvenir. Cela supposerait au moins un couloir humanitaire mais qui ne peut être négocié qu’avec Israël.

« Cette conférence mobilisera les principaux acteurs impliqués dans la réponse humanitaire à Gaza », précise le ministère des Affaires étrangères. « États, principaux bailleurs, organisations internationales et ONG actives à Gaza », comme le CICR, ont été invités, tout comme l’Autorité palestinienne, indique le Quai d’Orsay.

Parmi les chefs d’État invités, ceux des pays du Maghreb, la Jordanie, l’Egypte, mais pas l’Iran, assure le ministère des Affaires étrangères. Il y aura aussi des pays membres de l’Union européenne et des institutions européennes, ainsi que la Norvège ou encore la Suisse. Israël, de son côté, ne sera pas invité car sa présence serait « problématique », mais l’État hébreu a été averti, assure le Quai d’Orsay.

Cette conférence humanitaire vise à estimer les réponses en termes d’aide humanitaire, dans les secteurs de la santé, de l’eau, de l’énergie et de l’alimentation.

Diplomatie- France–Angleterre : un rapprochement prématuré et dangereux

Diplomatie- France–Angleterre : un rapprochement prématuré et dangereux

Le luxe assez optionnel dépensé pour la visite du Charles III en France serait justifié par le besoin de se rapprocher de l’Angleterre. Mais l’urgence et la nécessité de ce rapprochement peut largement se discuter. Notons tout d’abord que sur le plan diplomatique et en cas de conflit, les Anglais sont des les alliés qui font rarement défaut aux occidentaux. Reste surtout la question économique avec maintenant le souhait d’un maximum d’Anglais, des conservateurs et des travaillistes, de renégocier l’accord poste brexit. Un accord qui a accouché dans la douleur après notamment des attaques complètement incongrues de l’Angleterre vis-à-vis de l’union européenne et de la France en particulier. L’Angleterre se rend compte aujourd’hui que le break site était une erreur fondamentale reposant notamment sur les mensonges du monde politique conservateur.

Il n’est pas certain qu’il soit très opportun de précipiter cette renégociation car les Anglais ont toujours eu l’art de semer la pagaille en Europe. D’abord en faisant tout pour que cette union européenne n’existe pas. Finalement ils ne l’ont rejoint que tardivement surtout pour organiser le désordre et finalement en claquant la porte avec bruit et fureur.

L’Angleterre a sans doute besoin de cette cure d’éloignement pour enfin comprendre qu’elle n’est plus cette grande puissance ( comme la France d’ailleurs) au plan international qui peut imposer sa doctrine souvent ultra libérale.

L’Angleterre a encore besoin de manger son chapeau après les intolérables insultes et attaques contre l’union économique et surtout après les désordres récurrents qu’elle n’a cessés d’organiser dans l’union économique.

Certes les Anglais ne sont pas nos ennemis, ce sont même des partenaires économiques mais qui doivent se satisfaire pour l’instant de l’accord obtenu dans une telle douleur. Les Anglais resteront nos amis. Beaucoup aiment la France, beaucoup s’y rendent et possèdent même des résidences. Les relations avec les Anglais sont en général très harmonieuses est très appréciées
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Mais c’est autre chose de se jeter à nouveau dans la gueule du loup anti européen par principe et par conviction. Une révision du traité post brexit sera sans doute nécessaire le moment venu mais sans doute pas avant quelques années et avant que l’Angleterre elle-même ait clarifiée ces liens d’une part avec l’Écosse, d’autre part avec l’Irlande du Nord, voire avec le pays de Galles.

Enfin se rapprocher de l’Angleterre en ce moment alors que l’Europe est en pleine crise concernant la régulation économique notamment l’énergie mais sur d’autres questions comme l’immigration n’est pas forcément une stratégie très opportune. En effet le pouvoir en Europe se renforce de plus en plus du côté des pays anglo-saxons et du côté de l’ultralibéralisme.

Guerre Ukraine: Les limites de la diplomatie

Guerre Ukraine: Les limites de la diplomatie

par Maxime Lefebvre, Affiliate professor, ESCP Business School dans the Conversation

Quand un conflit ne se termine pas par la capitulation de l’adversaire, comme ce fut le cas de l’Allemagne et du Japon en 1945, il se termine par des négociations. C’est d’ailleurs l’issue la plus fréquente : entre autres exemples, ce sont des négociations qui ont abouti à la fin de la guerre de Corée en 1953, à la fin de la guerre Iran-Irak en 1988 et aussi, plus près de nous, à la fin de la guerre russo-géorgienne de 2008. Voilà plus d’un an que la guerre en Ukraine a commencé. Il y a eu, dès le début du conflit, après l’échec de l’invasion russe, l’amorce de pourparlers entre les Ukrainiens et les Russes, mais ils n’ont eu qu’une portée limitée et n’ont débouché que sur quelques échanges de prisonniers.

Il y a eu aussi, assez vite, des négociations sous l’égide de l’ONU et de la Turquie pour conclure un accord sur l’exportation de céréales et d’engrais russes, régulièrement renouvelé depuis.

Il y a eu, enfin, des tentatives d’intercession françaises, israéliennes, turques et, tout récemment, le « plan de paix » assez vague mis sur la table par Pékin en février 2023, puis l’activisme du président brésilien Lula qui a envoyé un émissaire à Poutine et a suggéré une médiation tripartite Brésil-Chine-Émirats arabes unis.

Malgré tous ces efforts, le conflit se poursuit. Aujourd’hui, la question est moins de savoir ce que la diplomatie pourrait faire que de comprendre pourquoi le moment diplomatique n’est pas encore venu. Deux raisons l’expliquent fondamentalement. D’abord, le refus ukrainien d’entériner toute perte de territoire. Ensuite, l’impasse dans laquelle s’est enfermé le président russe Vladimir Poutine. Ce n’est que si ces deux obstacles sont surmontés que la question de la méthode pourra être posée.

Pour faire la paix, il faut d’abord que les parties considèrent qu’elles n’ont plus rien à gagner à la poursuite du conflit.

En cas de cessez-le-feu, même sans reconnaissance de la souveraineté russe sur les zones « annexées », l’Ukraine, qui n’a pas renoncé à l’objectif de restaurer la totalité de son intégrité territoriale, se verrait provisoirement, et peut-être définitivement, amputée d’une partie de son territoire.

À ce stade du conflit, le coût politique d’un cessez-le-feu serait beaucoup plus élevé pour Kiev que pour Moscou. C’est pourquoi l’Ukraine s’accroche à la perspective d’une contre-offensive et réagit fermement à l’idée d’un abandon de la Crimée, évoquée par le président brésilien Lula. Néanmoins, si cette contre-offensive ne venait pas, ou si elle échouait, le constat qu’il n’y a pas de solution militaire pourrait s’imposer dans les esprits, par une forme d’épuisement.

Mais comment fonder une paix durable sur un cessez-le-feu, si celui-ci n’est pas accompagné d’un accord sur les frontières et de garanties de sécurité ?

Au minimum, il faudrait prévoir le démarrage de discussions sur ces sujets, peut-être en mettant entre parenthèses le statut définitif des territoires ukrainiens actuellement contrôlés par la Russie (et en envisageant d’y organiser, à terme, des référendums d’autodétermination). Mais l’expérience des accords de Minsk, qui contenaient des dispositions allant en ce sens mais n’ont jamais mis en œuvre, n’incite pas à l’optimisme. C’était déjà ardu avant la guerre en Ukraine, ce le sera plus encore après.

L’hypothèse d’une victoire ukrainienne, qui serait obtenue grâce aux armes occidentales, doit aussi être envisagée, mais elle pose deux difficultés. La première est que l’Ukraine n’est pas une île, et que la Russie, même si elle reculait, n’accepterait sans doute pas sa défaite et continuerait de menacer, à l’abri de ses frontières, le territoire ukrainien. La seconde est que la Russie est une puissance nucléaire et qu’à un moment donné (perte du Donbass ? De la Crimée ? Franchissement de ses frontières ?) elle pourrait considérer que ses intérêts vitaux sont menacés et que l’utilisation de l’arme nucléaire est justifiée dans une optique défensive. On touche là une donnée stratégique de base de ce conflit : il n’est pas possible de défaire la Russie comme les Occidentaux ont bombardé la Serbie de Milosevic et l’ont obligée à abandonner le Kosovo en 1999.

Par ailleurs, et c’est là un deuxième obstacle fondamental, Poutine apparaît comme un obstacle à la paix. Il a enfourché le nationalisme russe à la fois pour conforter son pouvoir interne et pour renforcer sa puissance externe. Quelle que soit la motivation profonde de ses actions, sa violation ouverte et non provoquée de la souveraineté de l’Ukraine (le crime d’agression) lui a fait franchir une ligne rouge, d’autant que des crimes de guerre se sont ajoutés à cette faute première.

Les mots employés par les dirigeants américains (« boucher », « tueur », « brute »), la condamnation de l’action russe par une grande majorité des membres des Nations unies, l’inculpation de Poutine lui-même par la Cour pénale internationale, font que, dans ce conflit, c’est aussi le changement de régime en Russie qui est en jeu. Et c’est pourquoi les Occidentaux en font une question de valeurs et n’envisagent pas une fin du conflit dont Poutine sortirait gagnant.

En soutenant militairement l’Ukraine et en sanctionnant durement la Russie, la stratégie occidentale vise – sans le dire et sans faire directement la guerre – à provoquer des changements politiques en Russie, comme ils ont eu lieu en Serbie après 1999. Mais puisqu’il n’est pas possible de défaire complètement la Russie, cette perspective est très incertaine.

En outre, il ne faut pas exclure un scénario de radicalisation croissante à Moscou qui aboutirait à l’accession au pouvoir d’un successeur encore moins susceptible de négocier que Poutine. Et les exemples de la Biélorussie, de la Corée du Nord, de Cuba, de l’Irak avant 2003, de l’Iran, montrent qu’un régime autoritaire sous sanctions peut se maintenir longtemps en exploitant la fibre nationaliste.

Dès lors, serait-il envisageable de faire la paix avec Poutine et de le considérer à nouveau comme un interlocuteur fréquentable ? En politique, rien n’est impossible. Début mars, en marge d’une réunion du G20 à New Delhi, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a rencontré son homologue russe Sergueï Lavrov, pourtant placé sur la liste des sanctions occidentales. Trois semaines plus tard, il a même évoqué devant le Congrès américain la perspective lointaine de discussions sur les frontières de l’Ukraine. Voilà qui montre que les États-Unis n’excluent rien.

Compte tenu des critiques dans les rangs républicains sur l’engagement américain en Ukraine, il est possible qu’une administration républicaine qui viendrait à succéder à l’actuelle équipe de Joe Biden serait plus encline à s’engager sur la voie d’une issue diplomatique, mais ce n’est pas certain.

Si l’heure de négociations arrivait, reste à savoir comment les organiser. La Russie de Poutine a déjà accepté des médiations : en 2008, la France, qui exerçait alors la présidence tournante de l’UE, avait joué ce rôle dans le conflit russo-géorgien ; et en 2014, c’est encore la France qui, avec l’Allemagne, avait cherché à régler le conflit russo-ukrainien dans le cadre du « Format de Normandie »

La polarisation du conflit actuel et le durcissement des positions entre la Russie et le camp occidental rendent difficilement envisageable un tel scénario aujourd’hui. Poutine a d’ailleurs déjà récusé la France en tant que médiatrice. Emmanuel Macron entend cependant rester dans le jeu diplomatique, comme l’a montré son récent déplacement à Pékin.

La Chine, nous l’avons évoqué, a proposé un plan de paix mais son positionnement n’est pas neutre : elle est liée à la Russie par une « amitié sans limites ». Elle a toutefois joué un rôle modérateur lors du sommet du G20 à Bali (les 15+16 novembre dernier), condamnant toute utilisation éventuelle de l’arme nucléaire. En conséquence de sa montée en puissance, elle apparaît désormais comme un acteur de premier plan des relations internationales et une des clés de la stabilité mondiale, et il n’est pas impossible que la solution du conflit en Ukraine passe par un dialogue direct entre Washington et Pékin.

D’autres pays pourraient prétendre au rôle de médiateur. Le Brésil et la Turquie s’y emploient déjà, nous l’avons dit. L’Inde, pour sa part, est dans une position plus neutre que la Chine, et pourrait chercher à s’impliquer davantage dans le dossier ukrainien, lors du sommet du G20 qui sera organisé à New Delhi en septembre prochain.

Restent les Nations unies, mais celles-ci sont dans un triste état : le Conseil de sécurité est paralysé par le droit de veto des grandes puissances, et les principes de la Charte ont été foulés au pied par la Russie dans son agression contre l’Ukraine. Le secrétaire général de l’ONU s’est rendu, dans les premières semaines du conflit, à Moscou puis à Kiev, mais sans obtenir grand-chose, sinon de positionner l’organisation dans l’accord sur les céréales.

En 1953, pour mettre fin à la guerre de Corée, l’armistice avait été conclu par les États-Unis (parlant au nom de l’ONU, puisqu’ils dirigeaient l’intervention armée au nom des Nations unies), la Corée du Nord et la Chine, avec l’Union soviétique en coulisses. Les négociations avaient démarré en 1951 mais n’avaient abouti qu’après la mort de Staline. Et la Corée du Sud, ne voulant pas renoncer à la réunification du pays, avait refusé de signer l’accord. Bref, la diplomatie n’avait pas tout réglé mais, au moins, les armes se sont tues…

On ne sait pas encore qui signera un jour l’accord qui mettra fin à la guerre en Ukraine. Et pourtant, si ce jour semble aujourd’hui éloigné, il n’est pas trop tôt pour l’envisager et pour le préparer.

Diplomatie République tchèque : Macron s’est encore trompé de cheval !

Diplomatie République tchèque : Macron s’est encore trompé de cheval !

Macron s’est encore trompé de cheval en soutenant Andreï Labiche le milliardaire candidat à l’élection présidentielle tchèque. Finalement ,le candidat de Macron a été largement battu. Une nouvelle fois Macon balbutie sa politique étrangère.

Mardi 10 janvier, Emmanuel Macron avait reçu à l’Elysée Andrej Babis, candidat à l’élection présidentielle tchèque. Or vendredi 27 et samedi 28 janvier, Babis a été très nettement battu par son rival Petr Pavel. Celui-ci le devance de plus de seize points, alors que le scrutin a été marqué par une forte participation. Les sondages donnaient Pavel vainqueur, grâce au report des voix d’une candidate progressiste, éliminée au premier tour.
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Le vainqueur de la présidentielle tchèque est un général à la retraite, Petr Pavel, 61 ans. Ancien patron des forces spéciales, puis chef d’état-major de l’armée tchèque, il a été président du comité militaire de l’Otan (2015-2018). Les Français peuvent lui être redevables : en janvier 1993, à la tête de son unité déployée en ex-Yougoslavie, il a permis l’évacuation sous le feu d’une cinquantaine de militaires français depuis leur base de Katrin (Croatie). C’était exactement trente ans avant son élection à la tête de la République tchèque.

Macon fait encore à la preuve de son amateurisme en matière de politique étrangère

Le danger de la sournoise diplomatie chinoise

Le danger de la sournoise diplomatie chinoise 

 

Les récentes ouvertures de la diplomatie chinoise vis-à-vis des autorités européennes s’apparentent à un réajustement opportuniste de Pékin, et non à une quelconque modification des positions problématiques de la Chine à l’international, constate, dans une tribune au « Monde », l’analyste Grzegorz Stec.

Les autorités diplomatiques chinoises semblent avoir lancé une offensive de charme vis-à-vis des Européens, avec la visite d’un envoyé spécial, de multiples demandes d’entretien lors de la réunion des ministres des affaires étrangères du G20 à Bali (Indonésie), les 15 et 16 novembre, l’annonce de l’achat de trois cents Airbus et l’approbation de la relance du dialogue économique et commercial à haut niveau avec l’Union européenne.

Il y aurait aussi eu des approches pour obtenir un crochet par Pékin des dirigeants allemands, français, italiens et espagnols en amont du G20 en Indonésie de cet automne. Autant de signaux nouveaux après des mois de froid, qui ne doivent pas être surinterprétés.

Ces ouvertures, à peu de frais pour Pékin, n’apparaissent pas en mesure de remettre en cause une relation bilatérale cantonnée au « damage control » [limitation des dégâts] depuis plusieurs années. Les divergences fondamentales ayant dégradé la relation restent inchangées. Pékin maintient ses échanges politiques et économiques avec la Russie en dépit de l’invasion de l’Ukraine. Les mesures de coercition économique à l’encontre de la Lituanie à la suite de l’ouverture d’un bureau de représentation à Taïwan répondant à ce nom, au lieu de celui de la seule ville de Taipei, sont toujours en place. Aucune inflexion non plus sur le front des droits humains des Ouïgours.

 

La vigilance des Européens doit être d’autant plus importante que les tentations d’un apaisement vont croissant avec les difficultés rencontrées par ailleurs.

Pour une diplomatie énergétique européenne

Pour une diplomatie énergétique européenne 

 

Le spécialiste de l’énergie Michel Derdevet dessine une Europe de l’énergie plus résiliente, ce qui passe par le choix du nucléaire, des énergies renouvelables et un rapprochement avec la Turquie.

 

Tribune.

 L’invasion de l’Ukraine par la Russie et la guerre durable qui s’installe au cœur de l’Europe nous rappellent à quel point l’énergie a toujours façonné la géopolitique, déterminé les grandes puissances et souvent l’issue des conflits.

Tous les ordres internationaux de l’histoire moderne ont été fondés sur une ressource énergétique : au XIXe siècle, le charbon a été la toile de fond de l’Empire britannique ; le pétrole fut au cœur du « siècle américain » ; et Vladimir Poutine, depuis vingt ans, a fait de l’énergie un instrument politique majeur, à la fois pour redorer son blason national (grande campagne d’électrification, etc.), et pour affirmer sa puissance régionale et devenir incontournable sur l’échiquier énergétique mondial.

La Russie dispose ainsi, aujourd’hui, d’une capacité de transit théorique de plus de 250 milliards de mètres cubes de gaz par an vers l’Europe, qui correspond à plus de la moitié de la consommation annuelle de gaz du Vieux Continent (450 milliards de mètres cubes).

Certes, tous les pays n’ont pas la même dépendance au gaz russe. Dans plusieurs Etats membres de l’Union européenne (UE), l’essentiel, voire la totalité, des importations de gaz naturel provient de Russie. C’est le cas de la Lettonie (100 %), de la Finlande (97,6 %), ou encore de la Hongrie (95 %). C’est également le cas de l’Allemagne, qui dépend à 66 % de la Russie pour sa consommation de gaz naturel et qui est le premier importateur de l’UE.

La France, quant à elle, a un approvisionnement plus diversifié. Nous nous fournissons essentiellement auprès de la Norvège (36 %), la Russie n’arrivant qu’en deuxième position (17 %), devant l’Algérie (8 %).

Que conclure de tout cela ? Cinq réflexions s’imposent à ce stade.

D’abord, cette dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie s’est forgée à cause de nous ! Tel l’agneau endormi, l’Europe a fait preuve d’une « myopie » coupable depuis les trois crises gazières des hivers 2005 à 2008, qui pourtant étaient prémonitoires.

Déjà, Vladimir Poutine avait mis la pression sur Kiev, et sur les Occidentaux, pour livrer en gaz aux coûts qu’il souhaitait les Européens de l’Ouest. La voie de la raison aurait dû nous conduire, dès lors, à diversifier nos approvisionnements gaziers, en parachevant par exemple le gazoduc Nabucco, corridor sud-européen contournant la Russie, imaginé par la Commission, plutôt que de se livrer corps et âme dans les bras des intérêts russes, en investissant dans Nord Stream 2. Les intérêts financiers l’ont incontestablement emporté sur le minimum de prudence politique et la protection des intérêts souverains de l’Union.

 

Afghanistan : l ‘échec stratégique de la diplomatie du Royaume-Uni

Afghanistan : l ‘échec stratégique de la diplomatie du Royaume-Uni

 

Dans une tribune au « Monde », Christopher Hill, spécialiste des relations internationales, voit dans la gestion de la crise afghane par Londres un nouvel exemple d’une politique étrangère hasardeuse, qui affaiblit le Royaume-Uni.

 

Tribune.

 

 Le triomphe des talibans en Afghanistan suscite, à juste titre, d’âpres réflexions sur les échecs de la politique étrangère britannique. Pendant ce temps, le gouvernement de Boris Johnson se contente de proposer des emplâtres aux Afghans désespérés, laissés en rade par le retrait des Occidentaux. Ces réactions immédiates sont les symptômes de l’incohérence sous-jacente de l’approche britannique des relations internationales. Et, à moins d’y remédier, cette incohérence causera d’autres problèmes.

Elle tient notamment au faible intérêt que le monde politique britannique porte aux liens entre politique intérieure et extérieure. Ces deux politiques sont conceptuellement séparables parce qu’elles sont mises en place dans deux domaines fort différents sur le plan des structures légales, des responsabilités et du pouvoir. Certes. Néanmoins, une action sur une de ces deux scènes a presque toujours des retentissements sur l’autre, ce qui doit être anticipé dans un plan détaillé. On ne peut se contenter de généralisations floues. En l’absence de plan, les responsables politiques passent de façon erratique d’un point de vue à l’autre, créant des contradictions qui nuisent à la crédibilité à la fois des acteurs et de leurs actions.

 

Prenons l’exemple de la politique britannique d’aide au développement international. Autrefois centrée sur la lutte contre la pauvreté, elle avait fait sien l’objectif de l’ONU d’y consacrer 0,7 % de son PIB. Depuis quelques années, cette aide au développement est davantage tributaire de contraintes financières et soumise à des conditions politiques. Or, face à la gravité des événements en Afghanistan, le secrétaire d’Etat aux affaires étrangères, Dominic Raab, se lance dans une politique au pied levé : il promet une hausse de 10 % de l’aide accordée au pays.

Si, à Kaboul, la chute soudaine du gouvernement Ghani est surprenante, l’incohérence de la position britannique ne l’est pas. L’immigration est un domaine-clé où facteurs internes et externes se mêlent – au sens propre, même, avec les bateaux qui arrivent dans la Manche et les passagers à l’aéroport d’Heathrow. Or, dans ce domaine, le Royaume-Uni brille par son incapacité à mener une réflexion collective cohérente depuis 2004, quand le gouvernement de Tony Blair a décidé de ne pas se joindre à la France et à l’Allemagne, qui voulaient imposer un délai de sept ans avant d’accorder la libre circulation aux citoyens des nouveaux Etats membres de l’est de l’Union européenne (UE).

Politique–La diplomatie chinoise des « loups combattants »

Politique–La diplomatie chinoise des « loups combattants »

Il y a quelque chose d’inquiétant et en même temps désuet dans la stratégie de la Chine qui consiste notamment  à nommer un peu partout dans le monde des loups combattants comme ambassadeurs. C’est le cas en France et bientôt aux États-Unis. Des ambassadeurs qui ne se limitent pas à gérer les liens diplomatiques entre deux Etats mais qui se comportent en militants pour critiquer la gestion interne des Etats où ils ont été nommés.

Cette agressivité a pourtant peu de chances d’être efficace tellement elle est grossière et peu crédible dans des pays développés nourris de démocratie. De ce point de vue , la propagande chinoise avec ses gros sabots rappelle un peu les années 50 et montre le décalage culturel énorme entre les responsables communistes chinois et la société mondiale contemporaine

 

La diplomatie chinoise des « loups combattants »

 

 

La diplomatie chinoise des « loups combattants »

Il y a quelque chose d’inquiétant et en même temps désuet dans la stratégie de la Chine qui consiste notamment  à nommer un peu partout dans le monde des loups combattants comme ambassadeurs. C’est le cas en France et bientôt aux États-Unis. Des ambassadeurs qui ne se limitent pas à gérer les liens diplomatiques entre deux Etats mais qui se comportent en militant pour critiquer la gestion interne des Etats où ils ont été nommés.

Cette agressivité a pourtant peu de chances d’être efficace tellement elle est grossière et peu crédible dans des pays développés nourris de démocratie. De ce point de vue , la propagande chinoise avec ses gros sabots rappelle un peu les années 50 et montre le décalage culturel énorme entre les responsables communistes chinois et la société mondiale contemporaine

 

 

Diplomatie -Pour des sanctions significatives et ciblées contre la Russie

Diplomatie- Pour des sanctions significatives et ciblées contre la Russie

 

Dans une tribune au « Monde », Mikhaïl Khodorkovski

,l’ancien prisonnier politique et homme d’affaires, fondateur du mouvement Russie ouverte, appelle les Européens et, en premier lieu, la France, à frapper directement les responsables russes qui pillent le pays et violent les droits humains.

 

Dans un tweet en russe, Emmanuel Macron a dénoncé l’arrestation et la condamnation d’Alexeï Navalny. Par la voix du secrétaire d’Etat aux affaires européennes, les autorités françaises se sont en outre publiquement prononcées contre la mise en service du gazoduc Nord Stream 2, projet voulu par le Kremlin, comme un outil supplémentaire de pression économique sur l’Ukraine. C’est un signal clair au chef du régime criminel qui s’est emparé de la Russie.

La position de l’Elysée n’a pas toujours été aussi limpide. Nous nous souvenons de nombreuses tentatives de Paris pour mener un dialogue avec le régime de Poutine, comme s’il s’agissait du gouvernement démocratique d’un Etat de droit. Or, la Russie n’est plus un Etat de droit. Si certains avaient encore quelques doutes sur le sujet, les derniers événements autour d’Alexeï Navalny les ont, je l’espère, enfin dissipés.

Il n’est pas acceptable, que le dirigeant d’un Etat qui se prétend de droit permette à ses fonctionnaires d’empoisonner puis d’envoyer en prison un opposant politique pour le simple fait de rentrer dans son pays, comme ce fut le cas avec Alexeï Navalny. Il n’est pas acceptable d’abandonner l’enquête sur le meurtre d’un opposant comme Boris Nemtsov. Il n’est pas non plus acceptable qu’il puisse ordonner d’utiliser des armes chimiques redoutablement létales contre des opposants réfugiés au Royaume-Uni comme Alexandre Litvinenko ou Sergueï Skripal, quand bien même il les considérerait comme des « traîtres ».

 

Il y a certes la nécessité de négocier avec le Kremlin car il dispose toujours d’un important arsenal nucléaire. Cela ne doit pas nous aveugler sur la situation réelle en Russie dont les dirigeants pillent les caisses, investissant en Occident l’argent ainsi volé au peuple russe. Les divers mécanismes européens de lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent par le crime organisé ne sont pas efficaces dans une situation où le pays de provenance des fonds est lui-même contrôlé par le crime organisé.

L’histoire montre que la Russie fait partie de la civilisation européenne et de ce que nous appelons aujourd’hui le monde euro-atlantique. Ce qui se passait en Europe de l’Ouest a inévitablement eu des répercussions en Russie et réciproquement. L’interpénétration des mondes russe et occidental est totale, et ce depuis bien longtemps.

Soit on respecte la morale, soit non. Il est certes possible de rester les bras croisés. Il pourrait même être tentant de profiter de la corruption régnant au Kremlin. Nous pouvons déjà voir des hommes ou des femmes politiques français qui poursuivent l’objectif de s’installer un jour à l’Elysée tendre la main pour quémander les deniers de Moscou. Mais cela ne restera pas en vase clos. Si une maison est infestée de rats, sans aucun doute, celle du voisin le sera aussi.

Politique-L’inexistence de la diplomatie européenne

Politique-L’inexistence de la diplomatie européenne

Après le fiasco de la visite de Josep Borrell à Moscou, le 5 février, la question se pose pour l’Union européenne de trouver une volonté politique et une vision stratégique commune face à la Russie ou la Chine. Par Jean-Pierre Stroobants correspondant du Monde à Bruxelles. (Extraits)

 

Analyse. 

 

En février 2020, Josep Borrell, le haut représentant (HR) de l’Union européenne (UE) pour la politique étrangère, insistait sur « l’urgence » de « trouver sa place dans un monde de plus en plus marqué par des politiques axées sur la force brute ». Celle que l’ancien ministre espagnol a rencontrée, le 5 février, lors de son voyage à Moscou, où le ministre russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov a parfaitement incarné la force en question, en se moquant littéralement de lui et en refusant tout dialogue.

Estimant qu’il est temps, pour les Vingt-Sept, d’adapter leurs schémas afin d’« aborder le monde tel qu’il est, et non tel que nous aimerions qu’il soit », M. Borrell voulait, dans le cas présent, mieux comprendre l’état d’esprit de son hôte et protester contre le sort réservé à Alexeï Navalny. Un projet qui a échoué mais qui, surtout, ramène le camp européen à une position assez habituelle pour lui : l’expression unanime d’une condamnation, la division quant aux solutions politiques à trouver.

La France condamne l’attitude de la Russie mais veut maintenir un « canal de dialogue ». L’Allemagne condamne mais ne veut pas renoncer au projet de gazoduc Nord Stream 2. La Grèce et l’Italie ne veulent pas aller trop loin, mais la Pologne veut aller… plus loin. Quant à la Hongrie elle envoyait, cinq jours après la visite de M. Borrell, le chef de sa diplomatie à Moscou, où il n’a pas eu un mot pour Navalny mais a signé un contrat en vue de l’acquisition du vaccin Spoutnik V.

Outre qu’elle reste soumise à des intérêts particuliers, commerciaux, énergétiques ou, désormais, sanitaires, la relation avec la Russie reste surtout influencée par une appréciation totalement différente de la menace que représente, ou non, le régime de Vladimir Poutine.

Pas simple, dès lors, pour celui qui est censé incarner une diplomatie « commune », de proposer autre chose qu’un consensus sur un nouveau projet de sanctions, dont le principe devrait être approuvé le 22 février. C’est, en fait, le seul outil dont dispose un camp européen qui reste en quête d’une identité de vues et d’une capacité d’action.

Pour défendre son voyage à Moscou, le haut représentant a souligné devant les eurodéputés qu’il aurait été plus simple pour lui de « publier des communiqués à partir de [son] bureau ». Il relevait aussi que, depuis deux ans, dix-neuf ministres européens s’étaient rendus en Russie. « Tout le monde pourrait donc y aller, sauf le haut représentant ? A quoi sert-il, alors ? », interrogeait-il.

L’inexistence de la diplomatie européenne

L’inexistence de la diplomatie européenne

Après le fiasco de la visite de Josep Borrell à Moscou, le 5 février, la question se pose pour l’Union européenne de trouver une volonté politique et une vision stratégique commune face à la Russie ou la Chine. Par Jean-Pierre Stroobants correspondant du Monde à Bruxelles. (Extraits)

 

Analyse. 

 

En février 2020, Josep Borrell, le haut représentant (HR) de l’Union européenne (UE) pour la politique étrangère, insistait sur « l’urgence » de « trouver sa place dans un monde de plus en plus marqué par des politiques axées sur la force brute ». Celle que l’ancien ministre espagnol a rencontrée, le 5 février, lors de son voyage à Moscou, où le ministre russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov a parfaitement incarné la force en question, en se moquant littéralement de lui et en refusant tout dialogue.

Estimant qu’il est temps, pour les Vingt-Sept, d’adapter leurs schémas afin d’« aborder le monde tel qu’il est, et non tel que nous aimerions qu’il soit », M. Borrell voulait, dans le cas présent, mieux comprendre l’état d’esprit de son hôte et protester contre le sort réservé à Alexeï Navalny. Un projet qui a échoué mais qui, surtout, ramène le camp européen à une position assez habituelle pour lui : l’expression unanime d’une condamnation, la division quant aux solutions politiques à trouver.

La France condamne l’attitude de la Russie mais veut maintenir un « canal de dialogue ». L’Allemagne condamne mais ne veut pas renoncer au projet de gazoduc Nord Stream 2. La Grèce et l’Italie ne veulent pas aller trop loin, mais la Pologne veut aller… plus loin. Quant à la Hongrie elle envoyait, cinq jours après la visite de M. Borrell, le chef de sa diplomatie à Moscou, où il n’a pas eu un mot pour Navalny mais a signé un contrat en vue de l’acquisition du vaccin Spoutnik V.

Outre qu’elle reste soumise à des intérêts particuliers, commerciaux, énergétiques ou, désormais, sanitaires, la relation avec la Russie reste surtout influencée par une appréciation totalement différente de la menace que représente, ou non, le régime de Vladimir Poutine.

Pas simple, dès lors, pour celui qui est censé incarner une diplomatie « commune », de proposer autre chose qu’un consensus sur un nouveau projet de sanctions, dont le principe devrait être approuvé le 22 février. C’est, en fait, le seul outil dont dispose un camp européen qui reste en quête d’une identité de vues et d’une capacité d’action.

Pour défendre son voyage à Moscou, le haut représentant a souligné devant les eurodéputés qu’il aurait été plus simple pour lui de « publier des communiqués à partir de [son] bureau ». Il relevait aussi que, depuis deux ans, dix-neuf ministres européens s’étaient rendus en Russie. « Tout le monde pourrait donc y aller, sauf le haut représentant ? A quoi sert-il, alors ? », interrogeait-il.

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