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Diplomatie mondiale: Influence grandissante des pays non démocratiques

Diplomatie mondiale: Influence grandissante des pays non démocratiques

La tenue de la COP dans un pays non démocratique, en l’occurrence l’Azerbaïdjan, n’a rien de nouveau : l’année dernière, l’événement avait eu lieu aux Émirats. Pendant ce temps, la Russie, la Chine ou encore la Syrie siègent au Comité de décolonisation de l’ONU et l’Arabie saoudite se trouve à la tête du Forum de l’ONU sur les droits des femmes. Pour les dirigeants de ces pays, organiser de telles manifestations et participer à de telles plates-formes présente de nombreux avantages.

 

par 

Expert Indopacifique, Géopolitique des mondes marins, réseaux et acteurs de l’influence, diplomatie publique, Sciences Po dans The Conversation 

 

La COP29, conférence internationale sur les enjeux climatiques, s’est ouverte le 11 novembre à Bakou, Azerbaïdjan. En une seule phrase se trouve condensée une partie conséquente des problèmes de la diplomatie internationale née après-guerre. La lutte contre le changement climatique – sujet capital pour l’ensemble des habitants de la planète – doit, en effet, être débattue sous la houlette d’un pays au régime dictatorial, grand producteur de pétrole et de gaz, et dont le rôle dans plusieurs grands dossiers géopolitiques a dernièrement été pour le moins controversé.

Les enjeux climatiques et la réduction de l’empreinte carbone intéressent au premier chef les producteurs d’hydrocarbures. La COP28 s’est ainsi tenue l’année dernière à Dubaï. Et la prochaine, la COP30, aura lieu à Belém, au Brésil, premier producteur d’hydrocarbures d’Amérique latine, 9e à l’échelle mondiale et potentiellement le 5e à l’horizon 2030.

Afin d’être en mesure de défendre au mieux leurs intérêts et d’anticiper toutes les évolutions envisageables, les pays producteurs cherchent à peser au maximum sur les discussions internationales relatives aux questions environnementales et énergétiques en organisant et en finançant les conférences. Soulignons à cet égard que Moukhtar Babaïev, ministre azerbaïdjanais de l’Écologie, chargé de diriger les travaux de la COP29, est un ancien cadre la compagnie pétrolière nationale, Socar. Le sultan Ahmed Al Jaber, président de la COP28 en sa qualité de ministre de l’Industrie des Émirats arabes unis, est pour sa part surnommé le « prince du pétrole » car il est le PDG de l’Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC).

Cela ne peut surprendre : la dénomination même de COP (Conférence des Parties) – implique une approche pragmatique, afin de dépasser toute rigidité structurelle. Dans ce cadre, les parties sont au nombre de 198 : pays regroupés par aire géographique, mais également entités politiques comme l’Union européenne. On ne peut s’attendre à ce que les organisateurs de tels forums se contentent de jouer un rôle d’« honnête courtier » (honest broker) plutôt que piloter l’ensemble du projet. Et cela, d’autant plus que le succès exponentiel des COP est confirmé par le nombre d’intervenants, de journalistes, de lobbyistes et de suiveurs : environ 10 000 personnes en 1997 lors de l’adoption du protocole de Kyoto, plus de 30 000 à Paris en 2015, 45000 pour la COP27, plus 85000 pour la COP28, environ 70000 pour la COP29. Ces sommets constituent des événements d’une ampleur mondiale.

Pour l’Azerbaïdjan, la COP29 représente donc une magnifique occasion de redorer son image. Rappelons que, aux yeux de nombreux acteurs internationaux, ce pays de plus de 10 millions d’habitants se signale avant tout par le non-respect de multiples libertés individuelles, et le Conseil des droits de l’homme (organisme de l’ONU sur lequel nous reviendrons) a examiné son cas dans le cadre de l’Universal Periodic Review (UPR) le 9 novembre 2023.

L’Azerbaïdjan est en outre à l’origine d’un gros scandale de corruption auprès du conseil de l’Europe en 2017, surnommé le « Caviargate », et a été récemment désigné comme étant l’un des soutiens et organisateurs des violentes émeutes qui ont fait 13 morts au printemps dernier en Nouvelle-Calédonie. Le ministre de l’Intérieur de l’époque, Gerald Darmanin, n’a d’ailleurs pas hésité à accuser directement le régime Aliev d’ingérence, à travers l’exploitation du Groupe d’Initiative de Bakou (GIB). Des émeutiers avaient été vus et photographiés avec des t-shirts et des drapeaux aux couleurs de l’Azerbaïdjan et une forte activité Internet en vue d’accroître la diffusion de certaines informations avait également été observée depuis les structures digitales de ce pays.

Rappelons que le GIB, qui a été créé en juillet 2023 à Bakou en présence de représentants de mouvements indépendantistes de Martinique, de Guyane, de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française, a organisé une conférence internationale le 20 juin 2024 au siège des Nations unies à New York, intitulée « Vers l’indépendance et les libertés fondamentales : le rôle du C-24 (Comité spécial de la décolonisation des Nations Unis) dans l’élimination du colonialisme ». Une autre conférence, « La politique française du néocolonialisme en Afrique », toujours organisée par le GIB, le 3 octobre 2024, démontre la continuité de l’effort et indique que Paris est la cible clairement visée.

De telles actions, d’après de nombreux analystes, ont pour objectif de punir la France pour sa condamnation de l’offensive azerbaïdjanaise sur le Haut-Karabakh en 2023, venue à la suite du long blocus du corridor de Latchine (reliant le Karabakh à l’Arménie), qui a permis au régime d’Ilham Aliev de reprendre le contrôle de ce territoire et de mettre fin à la République indépendantiste de l’Artsakh, au prix de violents bombardements et d’une expulsion quasi totale de la population du Karabakh. Le Quai d’Orsay précise la position de Paris sur ce dossier :

« La France est résolument engagée aux côtés de l’Arménie et du peuple arménien, et en soutien aux réfugiés du Haut-Karabakh forcés de fuir par dizaines de milliers leur terre et leur foyer après l’offensive militaire déclenchée par l’Azerbaïdjan et neuf mois de blocus illégal. »

Des parlementaires européens se sont également alarmés de cette situation et ont soumis, le 21 octobre 2024, une proposition de résolution sur la situation en Azerbaïdjan, la violation des droits de l’homme et du droit international, et les relations avec l’Arménie.

Ce contexte tendu a incité les dirigeants français, qu’il s’agisse d’Emmanuel Macron ou de la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher, à refuser de se rendre à Bakou pour assister à la COP29.

Dans cette confrontation qui se déploie à de multiples niveaux (médiatique, juridique, diplomatique, etc.), notre grille de lecture doit s’adapter. Il est notable et problématique que la quasi-totalité des articles traitant des violences en Nouvelle-Calédonie évoquent de manière presque systématique les interventions et publications du Comité spécial de la décolonisation des Nations unies condamnant la position française – ce qu’il n’est pas question de juger ici –, considérant que le fait que cette instance relève de l’ONU lui confère automatiquement une légitimité indiscutable.

Pourtant, la présence au sein du Comité de la Russie (dont l’invasion militaire en Ukraine est pour le moins éloignée de tout souci de décolonisation) ou de la Chine (aux visées sur Taïwan bien connues, entre autres exemples de comportement agressif dans son voisinage régional), ou encore de la Syrie et de l’Éthiopie, deux pays récemment accusés de massacres à grande échelle contre leur propre population, peuvent et doivent interroger sur les agendas et sur les intérêts de chacun.

Le grand public et une partie des médias semblent observer avec confiance – ou désintérêt – l’action des grands acteurs internationaux quand ceux-ci semblent s’opposer au cadre occidental de gestion des affaires du monde qui a dominé pendant des décennies et est aujourd’hui largement remis en cause.

Or si l’ONU n’est certes pas, par nature, un club de nations démocratiques, il est pour le moins problématique que des États profondément autoritaires se retrouvent régulièrement, du fait du système tournant en vigueur, à la tête ou au sein de Comités chargés de veiller au respect des droits humains – rappelons que le 27 mars dernier, l’Arabie saoudite a été choisie à l’unanimité par l’ONU pour prendre les rênes du Forum sur les droits des femmes et l’égalité des sexes. Et en mai 2023, l’Iran a présidé le Forum social du Conseil des droits de l’homme de l’ONU.

L’actualité récente démontre que de nombreux régimes autoritaires sont non seulement pleinement intégrés à l’ONU mais, surtout, se sont emparés de thématiques qui semblaient, voici peu encore, intéresser avant tout les démocraties occidentales, et parviennent à imposer leur agenda lors de multiples sommets internationaux. Naturellement, l’essence de la diplomatie est de pouvoir mettre en présence toutes les parties afin d’obtenir des résultats satisfaisants. Toutefois, ce à quoi nous assistons avec de telles présidences donne lieu, au minimum, à deux constats.

Le premier est le relatif désengagement des démocraties occidentales de ces arènes, que ce soit par manque de moyens financiers, par manque de moyens humains ou par nécessité de se positionner sur d’autres espaces.

Le second constat est celui d’un effort clair et bien pensé visant, pour les régimes autoritaires, à s’emparer, voire à capturer ces thématiques (ainsi de la lutte contre la colonisation, devenue un outil permettant principalement de dénoncer les agissements des pays occidentaux), en jouant des traditions internationales nées de l’après-guerre et de l’état de certaines arènes internationales (ONU, Conseil de l’Europe…), qui apparaissent comme des géants fatigués.

Face à ce double constat, quelles solutions ? En 2008, l’universitaire Jan Aart Scholte proposait de réfléchir à une gouvernance polycentrique, c’est-à-dire décentrée sur un plan social et géographique. Une telle décentralisation est observable aujourd’hui. Mais il semble même que la dynamique post-Seconde Guerre mondiale se soit inversée : une multitude de sommets, de forums, de groupes et de sous-groupes animent des discussions et instrumentalisent certaines questions dont les sensibilités et les émotions sont dûment sélectionnées. Et cela, sous l’égide des grandes plates-formes politiques telles que l’ONU. Ces évolutions sont illustrées par de multiples concepts cherchant à saisir les formes d’action diplomatique (ping-pong diplomatie, panda diplomatie, orang-outan diplomatie ou encore caviar diplomatie). Différentes formes de gouvernance (certains parlent de gouvernance multilatérale, polylatérale, en réseau(x)…), manifestent également ces tentatives de capter la diversité des acteurs et de leurs capacités d’action. Ce qui rend compliqué de prendre la pleine mesure les défis ainsi posés.

Il demeure possible de croire que ce sont ses membres qui vont défendre les valeurs humanistes promues par l’ONU, mais il est également permis d’en douter et de se demander si l’une des étymologies du terme « diplomatie » ne s’est pas imposée : celle qui désigne le visage double et manipulateur d’acteurs qui retournent arguments et idéaux pour leur seul propre intérêt…

Diplomatie mondiale: Influence grandissante des pays autoritaires

Diplomatie mondiale: Influence grandissante des pays autoritaires

La tenue de la COP dans un pays non démocratique, en l’occurrence l’Azerbaïdjan, n’a rien de nouveau : l’année dernière, l’événement avait eu lieu aux Émirats. Pendant ce temps, la Russie, la Chine ou encore la Syrie siègent au Comité de décolonisation de l’ONU et l’Arabie saoudite se trouve à la tête du Forum de l’ONU sur les droits des femmes. Pour les dirigeants de ces pays, organiser de telles manifestations et participer à de telles plates-formes présente de nombreux avantages.

 

par 

Expert Indopacifique, Géopolitique des mondes marins, réseaux et acteurs de l’influence, diplomatie publique, Sciences Po dans The Conversation 

 

La COP29, conférence internationale sur les enjeux climatiques, s’est ouverte le 11 novembre à Bakou, Azerbaïdjan. En une seule phrase se trouve condensée une partie conséquente des problèmes de la diplomatie internationale née après-guerre. La lutte contre le changement climatique – sujet capital pour l’ensemble des habitants de la planète – doit, en effet, être débattue sous la houlette d’un pays au régime dictatorial, grand producteur de pétrole et de gaz, et dont le rôle dans plusieurs grands dossiers géopolitiques a dernièrement été pour le moins controversé.

Les enjeux climatiques et la réduction de l’empreinte carbone intéressent au premier chef les producteurs d’hydrocarbures. La COP28 s’est ainsi tenue l’année dernière à Dubaï. Et la prochaine, la COP30, aura lieu à Belém, au Brésil, premier producteur d’hydrocarbures d’Amérique latine, 9e à l’échelle mondiale et potentiellement le 5e à l’horizon 2030.

Afin d’être en mesure de défendre au mieux leurs intérêts et d’anticiper toutes les évolutions envisageables, les pays producteurs cherchent à peser au maximum sur les discussions internationales relatives aux questions environnementales et énergétiques en organisant et en finançant les conférences. Soulignons à cet égard que Moukhtar Babaïev, ministre azerbaïdjanais de l’Écologie, chargé de diriger les travaux de la COP29, est un ancien cadre la compagnie pétrolière nationale, Socar. Le sultan Ahmed Al Jaber, président de la COP28 en sa qualité de ministre de l’Industrie des Émirats arabes unis, est pour sa part surnommé le « prince du pétrole » car il est le PDG de l’Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC).

Cela ne peut surprendre : la dénomination même de COP (Conférence des Parties) – implique une approche pragmatique, afin de dépasser toute rigidité structurelle. Dans ce cadre, les parties sont au nombre de 198 : pays regroupés par aire géographique, mais également entités politiques comme l’Union européenne. On ne peut s’attendre à ce que les organisateurs de tels forums se contentent de jouer un rôle d’« honnête courtier » (honest broker) plutôt que piloter l’ensemble du projet. Et cela, d’autant plus que le succès exponentiel des COP est confirmé par le nombre d’intervenants, de journalistes, de lobbyistes et de suiveurs : environ 10 000 personnes en 1997 lors de l’adoption du protocole de Kyoto, plus de 30 000 à Paris en 2015, 45000 pour la COP27, plus 85000 pour la COP28, environ 70000 pour la COP29. Ces sommets constituent des événements d’une ampleur mondiale.

Pour l’Azerbaïdjan, la COP29 représente donc une magnifique occasion de redorer son image. Rappelons que, aux yeux de nombreux acteurs internationaux, ce pays de plus de 10 millions d’habitants se signale avant tout par le non-respect de multiples libertés individuelles, et le Conseil des droits de l’homme (organisme de l’ONU sur lequel nous reviendrons) a examiné son cas dans le cadre de l’Universal Periodic Review (UPR) le 9 novembre 2023.

L’Azerbaïdjan est en outre à l’origine d’un gros scandale de corruption auprès du conseil de l’Europe en 2017, surnommé le « Caviargate », et a été récemment désigné comme étant l’un des soutiens et organisateurs des violentes émeutes qui ont fait 13 morts au printemps dernier en Nouvelle-Calédonie. Le ministre de l’Intérieur de l’époque, Gerald Darmanin, n’a d’ailleurs pas hésité à accuser directement le régime Aliev d’ingérence, à travers l’exploitation du Groupe d’Initiative de Bakou (GIB). Des émeutiers avaient été vus et photographiés avec des t-shirts et des drapeaux aux couleurs de l’Azerbaïdjan et une forte activité Internet en vue d’accroître la diffusion de certaines informations avait également été observée depuis les structures digitales de ce pays.

Rappelons que le GIB, qui a été créé en juillet 2023 à Bakou en présence de représentants de mouvements indépendantistes de Martinique, de Guyane, de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française, a organisé une conférence internationale le 20 juin 2024 au siège des Nations unies à New York, intitulée « Vers l’indépendance et les libertés fondamentales : le rôle du C-24 (Comité spécial de la décolonisation des Nations Unis) dans l’élimination du colonialisme ». Une autre conférence, « La politique française du néocolonialisme en Afrique », toujours organisée par le GIB, le 3 octobre 2024, démontre la continuité de l’effort et indique que Paris est la cible clairement visée.

De telles actions, d’après de nombreux analystes, ont pour objectif de punir la France pour sa condamnation de l’offensive azerbaïdjanaise sur le Haut-Karabakh en 2023, venue à la suite du long blocus du corridor de Latchine (reliant le Karabakh à l’Arménie), qui a permis au régime d’Ilham Aliev de reprendre le contrôle de ce territoire et de mettre fin à la République indépendantiste de l’Artsakh, au prix de violents bombardements et d’une expulsion quasi totale de la population du Karabakh. Le Quai d’Orsay précise la position de Paris sur ce dossier :

« La France est résolument engagée aux côtés de l’Arménie et du peuple arménien, et en soutien aux réfugiés du Haut-Karabakh forcés de fuir par dizaines de milliers leur terre et leur foyer après l’offensive militaire déclenchée par l’Azerbaïdjan et neuf mois de blocus illégal. »

Des parlementaires européens se sont également alarmés de cette situation et ont soumis, le 21 octobre 2024, une proposition de résolution sur la situation en Azerbaïdjan, la violation des droits de l’homme et du droit international, et les relations avec l’Arménie.

Ce contexte tendu a incité les dirigeants français, qu’il s’agisse d’Emmanuel Macron ou de la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher, à refuser de se rendre à Bakou pour assister à la COP29.

Dans cette confrontation qui se déploie à de multiples niveaux (médiatique, juridique, diplomatique, etc.), notre grille de lecture doit s’adapter. Il est notable et problématique que la quasi-totalité des articles traitant des violences en Nouvelle-Calédonie évoquent de manière presque systématique les interventions et publications du Comité spécial de la décolonisation des Nations unies condamnant la position française – ce qu’il n’est pas question de juger ici –, considérant que le fait que cette instance relève de l’ONU lui confère automatiquement une légitimité indiscutable.

Pourtant, la présence au sein du Comité de la Russie (dont l’invasion militaire en Ukraine est pour le moins éloignée de tout souci de décolonisation) ou de la Chine (aux visées sur Taïwan bien connues, entre autres exemples de comportement agressif dans son voisinage régional), ou encore de la Syrie et de l’Éthiopie, deux pays récemment accusés de massacres à grande échelle contre leur propre population, peuvent et doivent interroger sur les agendas et sur les intérêts de chacun.

Le grand public et une partie des médias semblent observer avec confiance – ou désintérêt – l’action des grands acteurs internationaux quand ceux-ci semblent s’opposer au cadre occidental de gestion des affaires du monde qui a dominé pendant des décennies et est aujourd’hui largement remis en cause.

Or si l’ONU n’est certes pas, par nature, un club de nations démocratiques, il est pour le moins problématique que des États profondément autoritaires se retrouvent régulièrement, du fait du système tournant en vigueur, à la tête ou au sein de Comités chargés de veiller au respect des droits humains – rappelons que le 27 mars dernier, l’Arabie saoudite a été choisie à l’unanimité par l’ONU pour prendre les rênes du Forum sur les droits des femmes et l’égalité des sexes. Et en mai 2023, l’Iran a présidé le Forum social du Conseil des droits de l’homme de l’ONU.

L’actualité récente démontre que de nombreux régimes autoritaires sont non seulement pleinement intégrés à l’ONU mais, surtout, se sont emparés de thématiques qui semblaient, voici peu encore, intéresser avant tout les démocraties occidentales, et parviennent à imposer leur agenda lors de multiples sommets internationaux. Naturellement, l’essence de la diplomatie est de pouvoir mettre en présence toutes les parties afin d’obtenir des résultats satisfaisants. Toutefois, ce à quoi nous assistons avec de telles présidences donne lieu, au minimum, à deux constats.

Le premier est le relatif désengagement des démocraties occidentales de ces arènes, que ce soit par manque de moyens financiers, par manque de moyens humains ou par nécessité de se positionner sur d’autres espaces.

Le second constat est celui d’un effort clair et bien pensé visant, pour les régimes autoritaires, à s’emparer, voire à capturer ces thématiques (ainsi de la lutte contre la colonisation, devenue un outil permettant principalement de dénoncer les agissements des pays occidentaux), en jouant des traditions internationales nées de l’après-guerre et de l’état de certaines arènes internationales (ONU, Conseil de l’Europe…), qui apparaissent comme des géants fatigués.

Face à ce double constat, quelles solutions ? En 2008, l’universitaire Jan Aart Scholte proposait de réfléchir à une gouvernance polycentrique, c’est-à-dire décentrée sur un plan social et géographique. Une telle décentralisation est observable aujourd’hui. Mais il semble même que la dynamique post-Seconde Guerre mondiale se soit inversée : une multitude de sommets, de forums, de groupes et de sous-groupes animent des discussions et instrumentalisent certaines questions dont les sensibilités et les émotions sont dûment sélectionnées. Et cela, sous l’égide des grandes plates-formes politiques telles que l’ONU. Ces évolutions sont illustrées par de multiples concepts cherchant à saisir les formes d’action diplomatique (ping-pong diplomatie, panda diplomatie, orang-outan diplomatie ou encore caviar diplomatie). Différentes formes de gouvernance (certains parlent de gouvernance multilatérale, polylatérale, en réseau(x)…), manifestent également ces tentatives de capter la diversité des acteurs et de leurs capacités d’action. Ce qui rend compliqué de prendre la pleine mesure les défis ainsi posés.

Il demeure possible de croire que ce sont ses membres qui vont défendre les valeurs humanistes promues par l’ONU, mais il est également permis d’en douter et de se demander si l’une des étymologies du terme « diplomatie » ne s’est pas imposée : celle qui désigne le visage double et manipulateur d’acteurs qui retournent arguments et idéaux pour leur seul propre intérêt…

Politique: Diplomatie mondiale: Influence grandissante des pays autoritaires

Politique: Diplomatie mondiale: Influence grandissante des pays autoritaires

La tenue de la COP dans un pays non démocratique, en l’occurrence l’Azerbaïdjan, n’a rien de nouveau : l’année dernière, l’événement avait eu lieu aux Émirats. Pendant ce temps, la Russie, la Chine ou encore la Syrie siègent au Comité de décolonisation de l’ONU et l’Arabie saoudite se trouve à la tête du Forum de l’ONU sur les droits des femmes. Pour les dirigeants de ces pays, organiser de telles manifestations et participer à de telles plates-formes présente de nombreux avantages.

 

par 

Expert Indopacifique, Géopolitique des mondes marins, réseaux et acteurs de l’influence, diplomatie publique, Sciences Po dans The Conversation 

 

La COP29, conférence internationale sur les enjeux climatiques, s’est ouverte le 11 novembre à Bakou, Azerbaïdjan. En une seule phrase se trouve condensée une partie conséquente des problèmes de la diplomatie internationale née après-guerre. La lutte contre le changement climatique – sujet capital pour l’ensemble des habitants de la planète – doit, en effet, être débattue sous la houlette d’un pays au régime dictatorial, grand producteur de pétrole et de gaz, et dont le rôle dans plusieurs grands dossiers géopolitiques a dernièrement été pour le moins controversé.

Les enjeux climatiques et la réduction de l’empreinte carbone intéressent au premier chef les producteurs d’hydrocarbures. La COP28 s’est ainsi tenue l’année dernière à Dubaï. Et la prochaine, la COP30, aura lieu à Belém, au Brésil, premier producteur d’hydrocarbures d’Amérique latine, 9e à l’échelle mondiale et potentiellement le 5e à l’horizon 2030.

Afin d’être en mesure de défendre au mieux leurs intérêts et d’anticiper toutes les évolutions envisageables, les pays producteurs cherchent à peser au maximum sur les discussions internationales relatives aux questions environnementales et énergétiques en organisant et en finançant les conférences. Soulignons à cet égard que Moukhtar Babaïev, ministre azerbaïdjanais de l’Écologie, chargé de diriger les travaux de la COP29, est un ancien cadre la compagnie pétrolière nationale, Socar. Le sultan Ahmed Al Jaber, président de la COP28 en sa qualité de ministre de l’Industrie des Émirats arabes unis, est pour sa part surnommé le « prince du pétrole » car il est le PDG de l’Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC).

Cela ne peut surprendre : la dénomination même de COP (Conférence des Parties) – implique une approche pragmatique, afin de dépasser toute rigidité structurelle. Dans ce cadre, les parties sont au nombre de 198 : pays regroupés par aire géographique, mais également entités politiques comme l’Union européenne. On ne peut s’attendre à ce que les organisateurs de tels forums se contentent de jouer un rôle d’« honnête courtier » (honest broker) plutôt que piloter l’ensemble du projet. Et cela, d’autant plus que le succès exponentiel des COP est confirmé par le nombre d’intervenants, de journalistes, de lobbyistes et de suiveurs : environ 10 000 personnes en 1997 lors de l’adoption du protocole de Kyoto, plus de 30 000 à Paris en 2015, 45000 pour la COP27, plus 85000 pour la COP28, environ 70000 pour la COP29. Ces sommets constituent des événements d’une ampleur mondiale.

Pour l’Azerbaïdjan, la COP29 représente donc une magnifique occasion de redorer son image. Rappelons que, aux yeux de nombreux acteurs internationaux, ce pays de plus de 10 millions d’habitants se signale avant tout par le non-respect de multiples libertés individuelles, et le Conseil des droits de l’homme (organisme de l’ONU sur lequel nous reviendrons) a examiné son cas dans le cadre de l’Universal Periodic Review (UPR) le 9 novembre 2023.

L’Azerbaïdjan est en outre à l’origine d’un gros scandale de corruption auprès du conseil de l’Europe en 2017, surnommé le « Caviargate », et a été récemment désigné comme étant l’un des soutiens et organisateurs des violentes émeutes qui ont fait 13 morts au printemps dernier en Nouvelle-Calédonie. Le ministre de l’Intérieur de l’époque, Gerald Darmanin, n’a d’ailleurs pas hésité à accuser directement le régime Aliev d’ingérence, à travers l’exploitation du Groupe d’Initiative de Bakou (GIB). Des émeutiers avaient été vus et photographiés avec des t-shirts et des drapeaux aux couleurs de l’Azerbaïdjan et une forte activité Internet en vue d’accroître la diffusion de certaines informations avait également été observée depuis les structures digitales de ce pays.

Rappelons que le GIB, qui a été créé en juillet 2023 à Bakou en présence de représentants de mouvements indépendantistes de Martinique, de Guyane, de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française, a organisé une conférence internationale le 20 juin 2024 au siège des Nations unies à New York, intitulée « Vers l’indépendance et les libertés fondamentales : le rôle du C-24 (Comité spécial de la décolonisation des Nations Unis) dans l’élimination du colonialisme ». Une autre conférence, « La politique française du néocolonialisme en Afrique », toujours organisée par le GIB, le 3 octobre 2024, démontre la continuité de l’effort et indique que Paris est la cible clairement visée.

De telles actions, d’après de nombreux analystes, ont pour objectif de punir la France pour sa condamnation de l’offensive azerbaïdjanaise sur le Haut-Karabakh en 2023, venue à la suite du long blocus du corridor de Latchine (reliant le Karabakh à l’Arménie), qui a permis au régime d’Ilham Aliev de reprendre le contrôle de ce territoire et de mettre fin à la République indépendantiste de l’Artsakh, au prix de violents bombardements et d’une expulsion quasi totale de la population du Karabakh. Le Quai d’Orsay précise la position de Paris sur ce dossier :

« La France est résolument engagée aux côtés de l’Arménie et du peuple arménien, et en soutien aux réfugiés du Haut-Karabakh forcés de fuir par dizaines de milliers leur terre et leur foyer après l’offensive militaire déclenchée par l’Azerbaïdjan et neuf mois de blocus illégal. »

Des parlementaires européens se sont également alarmés de cette situation et ont soumis, le 21 octobre 2024, une proposition de résolution sur la situation en Azerbaïdjan, la violation des droits de l’homme et du droit international, et les relations avec l’Arménie.

Ce contexte tendu a incité les dirigeants français, qu’il s’agisse d’Emmanuel Macron ou de la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher, à refuser de se rendre à Bakou pour assister à la COP29.

Dans cette confrontation qui se déploie à de multiples niveaux (médiatique, juridique, diplomatique, etc.), notre grille de lecture doit s’adapter. Il est notable et problématique que la quasi-totalité des articles traitant des violences en Nouvelle-Calédonie évoquent de manière presque systématique les interventions et publications du Comité spécial de la décolonisation des Nations unies condamnant la position française – ce qu’il n’est pas question de juger ici –, considérant que le fait que cette instance relève de l’ONU lui confère automatiquement une légitimité indiscutable.

Pourtant, la présence au sein du Comité de la Russie (dont l’invasion militaire en Ukraine est pour le moins éloignée de tout souci de décolonisation) ou de la Chine (aux visées sur Taïwan bien connues, entre autres exemples de comportement agressif dans son voisinage régional), ou encore de la Syrie et de l’Éthiopie, deux pays récemment accusés de massacres à grande échelle contre leur propre population, peuvent et doivent interroger sur les agendas et sur les intérêts de chacun.

Le grand public et une partie des médias semblent observer avec confiance – ou désintérêt – l’action des grands acteurs internationaux quand ceux-ci semblent s’opposer au cadre occidental de gestion des affaires du monde qui a dominé pendant des décennies et est aujourd’hui largement remis en cause.

Or si l’ONU n’est certes pas, par nature, un club de nations démocratiques, il est pour le moins problématique que des États profondément autoritaires se retrouvent régulièrement, du fait du système tournant en vigueur, à la tête ou au sein de Comités chargés de veiller au respect des droits humains – rappelons que le 27 mars dernier, l’Arabie saoudite a été choisie à l’unanimité par l’ONU pour prendre les rênes du Forum sur les droits des femmes et l’égalité des sexes. Et en mai 2023, l’Iran a présidé le Forum social du Conseil des droits de l’homme de l’ONU.

L’actualité récente démontre que de nombreux régimes autoritaires sont non seulement pleinement intégrés à l’ONU mais, surtout, se sont emparés de thématiques qui semblaient, voici peu encore, intéresser avant tout les démocraties occidentales, et parviennent à imposer leur agenda lors de multiples sommets internationaux. Naturellement, l’essence de la diplomatie est de pouvoir mettre en présence toutes les parties afin d’obtenir des résultats satisfaisants. Toutefois, ce à quoi nous assistons avec de telles présidences donne lieu, au minimum, à deux constats.

Le premier est le relatif désengagement des démocraties occidentales de ces arènes, que ce soit par manque de moyens financiers, par manque de moyens humains ou par nécessité de se positionner sur d’autres espaces.

Le second constat est celui d’un effort clair et bien pensé visant, pour les régimes autoritaires, à s’emparer, voire à capturer ces thématiques (ainsi de la lutte contre la colonisation, devenue un outil permettant principalement de dénoncer les agissements des pays occidentaux), en jouant des traditions internationales nées de l’après-guerre et de l’état de certaines arènes internationales (ONU, Conseil de l’Europe…), qui apparaissent comme des géants fatigués.

Face à ce double constat, quelles solutions ? En 2008, l’universitaire Jan Aart Scholte proposait de réfléchir à une gouvernance polycentrique, c’est-à-dire décentrée sur un plan social et géographique. Une telle décentralisation est observable aujourd’hui. Mais il semble même que la dynamique post-Seconde Guerre mondiale se soit inversée : une multitude de sommets, de forums, de groupes et de sous-groupes animent des discussions et instrumentalisent certaines questions dont les sensibilités et les émotions sont dûment sélectionnées. Et cela, sous l’égide des grandes plates-formes politiques telles que l’ONU. Ces évolutions sont illustrées par de multiples concepts cherchant à saisir les formes d’action diplomatique (ping-pong diplomatie, panda diplomatie, orang-outan diplomatie ou encore caviar diplomatie). Différentes formes de gouvernance (certains parlent de gouvernance multilatérale, polylatérale, en réseau(x)…), manifestent également ces tentatives de capter la diversité des acteurs et de leurs capacités d’action. Ce qui rend compliqué de prendre la pleine mesure les défis ainsi posés.

Il demeure possible de croire que ce sont ses membres qui vont défendre les valeurs humanistes promues par l’ONU, mais il est également permis d’en douter et de se demander si l’une des étymologies du terme « diplomatie » ne s’est pas imposée : celle qui désigne le visage double et manipulateur d’acteurs qui retournent arguments et idéaux pour leur seul propre intérêt…

Influence grandissante des pays autoritaires

Diplomatie mondiale: Influence grandissante des pays autoritaires

La tenue de la COP dans un pays non démocratique, en l’occurrence l’Azerbaïdjan, n’a rien de nouveau : l’année dernière, l’événement avait eu lieu aux Émirats. Pendant ce temps, la Russie, la Chine ou encore la Syrie siègent au Comité de décolonisation de l’ONU et l’Arabie saoudite se trouve à la tête du Forum de l’ONU sur les droits des femmes. Pour les dirigeants de ces pays, organiser de telles manifestations et participer à de telles plates-formes présente de nombreux avantages.

 

par 

Expert Indopacifique, Géopolitique des mondes marins, réseaux et acteurs de l’influence, diplomatie publique, Sciences Po dans The Conversation 

 

La COP29, conférence internationale sur les enjeux climatiques, s’est ouverte le 11 novembre à Bakou, Azerbaïdjan. En une seule phrase se trouve condensée une partie conséquente des problèmes de la diplomatie internationale née après-guerre. La lutte contre le changement climatique – sujet capital pour l’ensemble des habitants de la planète – doit, en effet, être débattue sous la houlette d’un pays au régime dictatorial, grand producteur de pétrole et de gaz, et dont le rôle dans plusieurs grands dossiers géopolitiques a dernièrement été pour le moins controversé.

Les enjeux climatiques et la réduction de l’empreinte carbone intéressent au premier chef les producteurs d’hydrocarbures. La COP28 s’est ainsi tenue l’année dernière à Dubaï. Et la prochaine, la COP30, aura lieu à Belém, au Brésil, premier producteur d’hydrocarbures d’Amérique latine, 9e à l’échelle mondiale et potentiellement le 5e à l’horizon 2030.

Afin d’être en mesure de défendre au mieux leurs intérêts et d’anticiper toutes les évolutions envisageables, les pays producteurs cherchent à peser au maximum sur les discussions internationales relatives aux questions environnementales et énergétiques en organisant et en finançant les conférences. Soulignons à cet égard que Moukhtar Babaïev, ministre azerbaïdjanais de l’Écologie, chargé de diriger les travaux de la COP29, est un ancien cadre la compagnie pétrolière nationale, Socar. Le sultan Ahmed Al Jaber, président de la COP28 en sa qualité de ministre de l’Industrie des Émirats arabes unis, est pour sa part surnommé le « prince du pétrole » car il est le PDG de l’Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC).

Cela ne peut surprendre : la dénomination même de COP (Conférence des Parties) – implique une approche pragmatique, afin de dépasser toute rigidité structurelle. Dans ce cadre, les parties sont au nombre de 198 : pays regroupés par aire géographique, mais également entités politiques comme l’Union européenne. On ne peut s’attendre à ce que les organisateurs de tels forums se contentent de jouer un rôle d’« honnête courtier » (honest broker) plutôt que piloter l’ensemble du projet. Et cela, d’autant plus que le succès exponentiel des COP est confirmé par le nombre d’intervenants, de journalistes, de lobbyistes et de suiveurs : environ 10 000 personnes en 1997 lors de l’adoption du protocole de Kyoto, plus de 30 000 à Paris en 2015, 45000 pour la COP27, plus 85000 pour la COP28, environ 70000 pour la COP29. Ces sommets constituent des événements d’une ampleur mondiale.

Pour l’Azerbaïdjan, la COP29 représente donc une magnifique occasion de redorer son image. Rappelons que, aux yeux de nombreux acteurs internationaux, ce pays de plus de 10 millions d’habitants se signale avant tout par le non-respect de multiples libertés individuelles, et le Conseil des droits de l’homme (organisme de l’ONU sur lequel nous reviendrons) a examiné son cas dans le cadre de l’Universal Periodic Review (UPR) le 9 novembre 2023.

L’Azerbaïdjan est en outre à l’origine d’un gros scandale de corruption auprès du conseil de l’Europe en 2017, surnommé le « Caviargate », et a été récemment désigné comme étant l’un des soutiens et organisateurs des violentes émeutes qui ont fait 13 morts au printemps dernier en Nouvelle-Calédonie. Le ministre de l’Intérieur de l’époque, Gerald Darmanin, n’a d’ailleurs pas hésité à accuser directement le régime Aliev d’ingérence, à travers l’exploitation du Groupe d’Initiative de Bakou (GIB). Des émeutiers avaient été vus et photographiés avec des t-shirts et des drapeaux aux couleurs de l’Azerbaïdjan et une forte activité Internet en vue d’accroître la diffusion de certaines informations avait également été observée depuis les structures digitales de ce pays.

Rappelons que le GIB, qui a été créé en juillet 2023 à Bakou en présence de représentants de mouvements indépendantistes de Martinique, de Guyane, de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française, a organisé une conférence internationale le 20 juin 2024 au siège des Nations unies à New York, intitulée « Vers l’indépendance et les libertés fondamentales : le rôle du C-24 (Comité spécial de la décolonisation des Nations Unis) dans l’élimination du colonialisme ». Une autre conférence, « La politique française du néocolonialisme en Afrique », toujours organisée par le GIB, le 3 octobre 2024, démontre la continuité de l’effort et indique que Paris est la cible clairement visée.

De telles actions, d’après de nombreux analystes, ont pour objectif de punir la France pour sa condamnation de l’offensive azerbaïdjanaise sur le Haut-Karabakh en 2023, venue à la suite du long blocus du corridor de Latchine (reliant le Karabakh à l’Arménie), qui a permis au régime d’Ilham Aliev de reprendre le contrôle de ce territoire et de mettre fin à la République indépendantiste de l’Artsakh, au prix de violents bombardements et d’une expulsion quasi totale de la population du Karabakh. Le Quai d’Orsay précise la position de Paris sur ce dossier :

« La France est résolument engagée aux côtés de l’Arménie et du peuple arménien, et en soutien aux réfugiés du Haut-Karabakh forcés de fuir par dizaines de milliers leur terre et leur foyer après l’offensive militaire déclenchée par l’Azerbaïdjan et neuf mois de blocus illégal. »

Des parlementaires européens se sont également alarmés de cette situation et ont soumis, le 21 octobre 2024, une proposition de résolution sur la situation en Azerbaïdjan, la violation des droits de l’homme et du droit international, et les relations avec l’Arménie.

Ce contexte tendu a incité les dirigeants français, qu’il s’agisse d’Emmanuel Macron ou de la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher, à refuser de se rendre à Bakou pour assister à la COP29.

Dans cette confrontation qui se déploie à de multiples niveaux (médiatique, juridique, diplomatique, etc.), notre grille de lecture doit s’adapter. Il est notable et problématique que la quasi-totalité des articles traitant des violences en Nouvelle-Calédonie évoquent de manière presque systématique les interventions et publications du Comité spécial de la décolonisation des Nations unies condamnant la position française – ce qu’il n’est pas question de juger ici –, considérant que le fait que cette instance relève de l’ONU lui confère automatiquement une légitimité indiscutable.

Pourtant, la présence au sein du Comité de la Russie (dont l’invasion militaire en Ukraine est pour le moins éloignée de tout souci de décolonisation) ou de la Chine (aux visées sur Taïwan bien connues, entre autres exemples de comportement agressif dans son voisinage régional), ou encore de la Syrie et de l’Éthiopie, deux pays récemment accusés de massacres à grande échelle contre leur propre population, peuvent et doivent interroger sur les agendas et sur les intérêts de chacun.

Le grand public et une partie des médias semblent observer avec confiance – ou désintérêt – l’action des grands acteurs internationaux quand ceux-ci semblent s’opposer au cadre occidental de gestion des affaires du monde qui a dominé pendant des décennies et est aujourd’hui largement remis en cause.

Or si l’ONU n’est certes pas, par nature, un club de nations démocratiques, il est pour le moins problématique que des États profondément autoritaires se retrouvent régulièrement, du fait du système tournant en vigueur, à la tête ou au sein de Comités chargés de veiller au respect des droits humains – rappelons que le 27 mars dernier, l’Arabie saoudite a été choisie à l’unanimité par l’ONU pour prendre les rênes du Forum sur les droits des femmes et l’égalité des sexes. Et en mai 2023, l’Iran a présidé le Forum social du Conseil des droits de l’homme de l’ONU.

L’actualité récente démontre que de nombreux régimes autoritaires sont non seulement pleinement intégrés à l’ONU mais, surtout, se sont emparés de thématiques qui semblaient, voici peu encore, intéresser avant tout les démocraties occidentales, et parviennent à imposer leur agenda lors de multiples sommets internationaux. Naturellement, l’essence de la diplomatie est de pouvoir mettre en présence toutes les parties afin d’obtenir des résultats satisfaisants. Toutefois, ce à quoi nous assistons avec de telles présidences donne lieu, au minimum, à deux constats.

Le premier est le relatif désengagement des démocraties occidentales de ces arènes, que ce soit par manque de moyens financiers, par manque de moyens humains ou par nécessité de se positionner sur d’autres espaces.

Le second constat est celui d’un effort clair et bien pensé visant, pour les régimes autoritaires, à s’emparer, voire à capturer ces thématiques (ainsi de la lutte contre la colonisation, devenue un outil permettant principalement de dénoncer les agissements des pays occidentaux), en jouant des traditions internationales nées de l’après-guerre et de l’état de certaines arènes internationales (ONU, Conseil de l’Europe…), qui apparaissent comme des géants fatigués.

Face à ce double constat, quelles solutions ? En 2008, l’universitaire Jan Aart Scholte proposait de réfléchir à une gouvernance polycentrique, c’est-à-dire décentrée sur un plan social et géographique. Une telle décentralisation est observable aujourd’hui. Mais il semble même que la dynamique post-Seconde Guerre mondiale se soit inversée : une multitude de sommets, de forums, de groupes et de sous-groupes animent des discussions et instrumentalisent certaines questions dont les sensibilités et les émotions sont dûment sélectionnées. Et cela, sous l’égide des grandes plates-formes politiques telles que l’ONU. Ces évolutions sont illustrées par de multiples concepts cherchant à saisir les formes d’action diplomatique (ping-pong diplomatie, panda diplomatie, orang-outan diplomatie ou encore caviar diplomatie). Différentes formes de gouvernance (certains parlent de gouvernance multilatérale, polylatérale, en réseau(x)…), manifestent également ces tentatives de capter la diversité des acteurs et de leurs capacités d’action. Ce qui rend compliqué de prendre la pleine mesure les défis ainsi posés.

Il demeure possible de croire que ce sont ses membres qui vont défendre les valeurs humanistes promues par l’ONU, mais il est également permis d’en douter et de se demander si l’une des étymologies du terme « diplomatie » ne s’est pas imposée : celle qui désigne le visage double et manipulateur d’acteurs qui retournent arguments et idéaux pour leur seul propre intérêt…

Marchés financiers : l’influence grandissante des réseaux sociaux

Marchés financiers : l’influence grandissante des réseaux sociaux 

 

Un article du Wall Street Journal souligne l’influence grandissante des réseaux sociaux sur les marchés financiers.Des millions d’Américains se sont découvert un intérêt pour la Bourse depuis la crise sanitaire, envahissant les réseaux et messageries, et s’immergeant du jour au lendemain dans l’univers des petits porteurs.

 

Il y a quelques années, l’essentiel des revenus de Kevin Paffrath, un courtier immobilier de 29 ans, père de deux enfants et résidant à Ventura en Californie, provenait des commissions qu’il touchait sur des ventes immobilières. A ses heures perdues, il enregistrait des vidéos en ligne concernant l’achat de logements.

Aujourd’hui, M. Paffrath est connu sous le nom de MeetKevin, influenceur comptant 1,7 million d’abonnés sur YouTube. Tous les jours ou presque, il y diffuse en direct pendant plusieurs heures des vidéos dans lesquelles il parle des marchés boursiers et prodigue des conseils d’investissement à la chaîne, en maniant l’autodérision. Il plaisante avec les auteurs de commentaires, affecte un accent britannique un peu forcé et sirote du café dans le studio d’enregistrement qu’il a installé chez lui, décoré d’affiches humoristiques colorées et d’une guitare électrique couleur turquoise. M. Paffrath a également réalisé des centaines de vidéos sur divers sujets relatifs au conseil en investissement.

« Auparavant, je passais trois ou quatre heures par jour à parler avec un client d’un bien immobilier qu’il pouvait acquérir sous sa valeur de marché, et si j’avais de la chance, au bout de trois mois, cette discussion me rapportait 10 000 dollars, explique M. Paffrath. Aujourd’hui, 10 000 dollars est ce que je gagne les mauvais jours. Mon activité d’influenceur a éclipsé tout le reste. »

M. Paffrath affirme avoir gagné 5 millions de dollars au cours des trois premiers mois de cette année, le nombre de visites sur sa page et la demande pour ses conseils ayant explosé durant la pandémie. Les reçus des paiements de YouTube qu’il a montrés au Wall Street Journal confirment que l’influenceur gagne plusieurs millions de dollars par an ne serait-ce qu’en recettes publicitaires.

Sur TikTok, Tori Dunlap (connue sur l’application en tant que @herfirst100k) explique à ses 1,7 million de fans comment créer une entreprise et quelle dette il convient de rembourser en premier lieu. La jeune femme, âgée de 27 ans, met au point une application afin de promouvoir une « communauté d’investissement sans préjugé », pour aider les femmes à se sentir suffisamment à l’aise pour échanger des conseils d’investissement et gérer des placements dans leurs comptes de courtage

La crise sanitaire ayant assigné les Américains à résidence, des millions d’entre eux – certains utilisant les aides publiques versées pendant la pandémie – se sont découvert un intérêt pour la Bourse, envahissant les réseaux et messageries, et s’immergeant du jour au lendemain dans l’univers des petits porteurs.

En 2021, les six principaux courtiers en ligne, qui attirent surtout des investisseurs individuels, comptent plus de 100 millions d’utilisateurs. Robinhood Financial, une application d’investissement très prisée des jeunes investisseurs, a vu le nombre de ses comptes bondir de 7,2 millions à 18 millions entre mars 2020 et mars 2021, selon ses états financiers.

L’essor du négoce en ligne sans commission s’est accompagné d’une demande de conseils au prix le plus bas, de la manière la plus accessible possible, à savoir en ligne. Aujourd’hui, une nouvelle génération de conseillers en placements boursiers officie sur les réseaux sociaux, suivie par un nombre considérable d’investisseurs novices.

Nombre de ces influenceurs n’ont aucune formation officielle en conseil financier, et aucune expérience dans l’investissement professionnel, ce qui les conduit à choisir des actions au gré de leur popularité dans l’opinion, et parfois à prodiguer des conseils qui font perdre de l’argent à ceux qui les suivent.

Comme MeetKevin, Marko Zlatic est un influenceur très en vogue dans le domaine financier, qui, sous le nom de Whiteboard Finance, conseille 670 000 abonnés sur tous les sujets, de l’achat de véhicules d’occasion à la constitution d’un portefeuille d’investissement fondé sur les préceptes du gérant de fonds spéculatif Ray Dalio.

Certains influenceurs moins connus ont des personnalités plus hautes en couleur. Jack Spencer, qui travaillait auparavant comme coach personnel en Irlande, a abandonné ses vidéos de conseils sportifs pour l’investissement en actions en mars 2020. À 23 ans, il réalise des entretiens vidéo avec des patrons de start-up vêtu d’une chemise barrée de la mention « Not A Financial Advisor » (« Je ne suis pas conseiller financier »), avec en arrière-plan un cellier bien garni. M. Spencer, qui compte 94 000 abonnés sur YouTube, n’a pas répondu à nos sollicitations.

Sur TikTok, Tori Dunlap (connue sur l’application en tant que @herfirst100k) explique à ses 1,7 million de fans comment créer une entreprise et quelle dette il convient de rembourser en premier lieu. La jeune femme, âgée de 27 ans, met au point une application afin de promouvoir une « communauté d’investissement sans préjugé », pour aider les femmes à se sentir suffisamment à l’aise pour échanger des conseils d’investissement et gérer des placements dans leurs comptes de courtage.

Après avoir abandonné ses études, Cameron Newell, alias CamTheMan, a commencé à investir dans des actions à moins de un dollar il y a environ trois ans. Cet habitant de l’Etat du Washington affirme avoir ainsi gagné l’an dernier 5 millions de dollars. Le jeune homme offre ses conseils sur TikTok et héberge un groupe discussions sur Discord – l’application prisée des amateurs de jeux vidéo – où ses fans peuvent suivre et reprendre à leur compte ses placements, ou participer de temps à temps à des défis dont l’objectif est de parvenir à atteindre 1 million de dollars sur la base d’un investissement initial de 1 000 dollars.

« La finance traditionnelle est une boîte noire, déclare Sarah Petite, une consultante en réseaux sociaux à Los Angeles. La génération actuelle regarde ses parents et pense, « Votre manière de concevoir l’argent ? Ce n’est plus comme ça que cela marche ». »

Aujourd’hui, les jeunes gens sont en quête d’une feuille de route pour réaliser d’importants profits, et leur tendance prononcée à l’indépendance conduit un grand nombre d’entre eux à se tourner vers les influenceurs en ligne pour obtenir des conseils gratuits, plutôt qu’à confier leur argent à un gérant de portefeuille classique moyennant finance. Beaucoup ne se préoccupent pas des qualifications dont disposent ceux qui prodiguent leurs conseils, si l’on en croit les experts et les jeunes investisseurs eux-mêmes.

« J’ai un principe : ne pas payer quelque chose que l’on peut obtenir gratuitement », explique Rex Wu, un investisseur de 33 ans habitant à Tampa Bay en Floride, qui suit régulièrement M. Paffrath et plusieurs autres figures du conseil boursier en ligne. M. Wu indique avoir investi quelques centaines de milliers de dollars sur la base d’éléments qu’il a « appris en ligne auprès de gars comme Kevin ». Depuis le début de l’année, son portefeuille affiche un rendement de 23 %, contre 21 % pour l’indice S&P500.

« Si je m’adressais à JPMorgan, ils auraient tendance à vouloir récupérer mes investissements et à en faire trop, estime M. Wu. Les gars sur internet ne cherchent pas vraiment à me vendre quoi que ce soit. »

Néanmoins, ce modèle en ligne est totalement nouveau, et les influenceurs sont jugés sur la base du contenu qu’ils produisent davantage que sur les performances de leurs placements. Ils sont souvent payés en fonction du nombre de leurs abonnés et visiteurs plutôt que sur les revenus que leurs conseils en investissement rapportent à leur public.

Règle n°1 : le public doit pouvoir s’identifier à l’influenceur

Cette nouvelle génération de gourous de la finance officiant sur les réseaux sociaux exploite la méfiance innée des jeunes gens envers l’élite financière, qu’ils jugent contrôlée par le milieu de Wall Street, composé d’« anciens » auxquels ils ne peuvent pas s’identifier.

Inspirer confiance au public est l’un des maîtres-mots de ces nouveaux conseillers en investissement sur YouTube

« Les gens de mon âge ne regardent plus les chaînes câblées, observe Mme Petite, qui a 24 ans. Je ne connais personne qui suit l’actualité financière à la télévision. Ils se tournent vers les chaînes YouTube spécialisées et les réseaux sociaux. Je ne crois pas qu’il viendrait à l’esprit de quiconque parmi eux de confier leur argent à un type en costume à Wall Street. »

Inspirer confiance au public est l’un des maîtres-mots de ces nouveaux conseillers en investissement sur YouTube.

Rose Han, 32 ans, est titulaire d’un diplôme en finance de l’Université de New York. Il y a cinq ans, elle a quitté son poste de trader en devises chez HSBC et commencé à réaliser des vidéos sur YouTube sur le négoce d’options, l’investissement dans des fonds et les comptes financiers personnels.

Elle a un demi-million d’abonnés sur YouTube, et 54 000 « followers » sur Instagram. Mme Han, qui propose des cours d’investissement, affirme gagner aujourd’hui dix fois plus que lorsqu’elle était salariée.

« Si vous regardez CNBC, vous verrez des hommes blancs d’un certain âge à qui il est difficile de s’identifier : je ne leur ressemble pas, et un grand nombre de mes followers ne leur ressemblent pas non plus, note-t-elle. Comme je suis une femme, les femmes me font confiance, elles préfèrent apprendre quelque chose auprès de moi que d’un stéréotype de la finance. » Mme Han affirme avoir gagné 2 millions de dollars depuis le début de l’année grâce aux recettes publicitaires de YouTube et à la vente de ses cours d’investissement en ligne.

Règle n°2 : l’influenceur doit faire rêver son public

La génération Z – née entre 1992 et 2002 environ – est plus sensible aux signes extérieurs de richesse tels que les voitures et vêtements de luxe qu’aux diplômes d’écoles de commerce, certifications financières ou apparitions dans les journaux télévisés, observent les experts. C’est pourquoi ils peuvent être facilement victimes d’escroquerie et finir ruinés, souligne Ted Klontz, professeur en finance comportementale à l’université Creighton.

TikTok regorge de comptes publicitaires comme celui de The Daily Trader, un millionnaire autoproclamé de 19 ans qui diffuse des vidéos le montrant au volant d’une Audi R8 flambant neuve, ou bien au bord de la piscine d’une villa de Beverly Hills dont il affirme qu’elle vaut 20 millions de dollars, ou encore attablé dans l’un des restaurants les plus chers de Los Angeles

« Cet univers ressemble en grande partie à une fosse aux serpents, c’est très inquiétant, déclare M. Klontz. Le cerveau humain n’arrive pas entièrement à maturité avant 25 ans. Les jeunes qui n’ont pas atteint cet âge sont hautement influençables. Nous savons que l’investissement au jour le jour ne produit pas de richesse à long terme pour la vaste majorité de ceux qui le pratiquent, mais les influenceurs ciblent justement la partie du cerveau moins inhibée, qui nous conduit à penser qu’on fera exception. C’est ce qui entraîne la spéculation, et d’autres types de comportement à très haut risque. »

TikTok regorge de comptes publicitaires comme celui de The Daily Trader, un millionnaire autoproclamé de 19 ans qui diffuse des vidéos le montrant au volant d’une Audi R8 flambant neuve, ou bien au bord de la piscine d’une villa de Beverly Hills dont il affirme qu’elle vaut 20 millions de dollars, ou encore attablé dans l’un des restaurants les plus chers de Los Angeles.

Ces vidéos tape-à-l’œil postées sur TikTok sont associées à son profil sur Discord, où il vend des abonnements dans le cadre d’un programme de « mentorat », lequel inclut une série de tutoriels destinés à aider les spéculateurs à court terme à copier son « système de trading » pour 294 dollars par personne. Au moins 1 600 utilisateurs se sont inscrits au programme, selon des informations communiquées à un journaliste du Wall Street Journal qui a rejoint le groupe. The Daily Trader n’a pas répondu à une demande de commentaire.

Cette dynamique marquée par une aspiration à la réussite matérielle pousse les créateurs de contenu, selon leurs propres aveux, à ne partager que des récits positifs, ce qui peut être très éloigné de la réalité.

Casey Adams, 20 ans, a grandi près de Richmond en Virginie. Il a réalisé 300 entretiens avec des dirigeants d’entreprise et des investisseurs pour sa chaîne YouTube, y compris avec le cofondateur de Netflix, Marc Randolph, avec le célèbre créateur de start-up et investisseur en cryptomonnaies Tyler Winklevoss, et, à plusieurs reprises durant l’année écoulée, avec Maye Musk, la mère d’Elon Musk.

M. Adams indique gagner environ 300 000 dollars par an en placements publicitaires et sur son activité de conseil médias, mais il reconnaît qu’un grand nombre de milliardaires et de fondateurs de start-up qui acceptent ses invitations viennent pour répondre à des questions faciles et avoir une chance de s’adresser directement à de jeunes investisseurs individuels.

L’an dernier, M. Adams a obtenu une rare interview de trente minutes avec Trevor Milton, le patron milliardaire de la start-up de véhicules électriques Nikola Corp.

« Les gars, vous écrasez tout sur votre passage, vous allez révolutionner totalement le secteur », a fait remarquer le jeune homme au visage poupon à M. Milton durant l’entretien.

Quatre mois plus tard, après l’entrée en Bourse de Nikola via une fusion inversée, un vendeur à découvert a publié un rapport accablant, accusant M. Milton d’irrégularités et l’action a perdu plus des deux tiers de sa valeur. Une enquête fédérale a été lancée et M. Milton a quitté ses fonctions de président exécutif.

« J’adopte une approche amicale, explique M. Adams. La majorité de mon public est composée de jeunes qui cherchent à comprendre les marchés financiers ou à investir de manière plus stratégique, qu’il s’agisse de NFT, de cryptomonnaies, de l’histoire d’un fondateur, de culture d’entreprise… Je ne veux pas me considérer comme un expert. »

Règle n°3 : n’émettre que des avis positifs

Comme la plupart des créateurs de contenu, les influenceurs doivent être populaires pour prospérer. Or, dans un contexte de marchés depuis longtemps haussiers, seuls les succès et les bons tuyaux sont populaires.

De nombreux influenceurs indiquent que lorsqu’ils font du battage autour d’un placement, ils obtiennent le nombre de vues qu’ils cherchent à s’attirer. S’ils se montrent pessimistes, en revanche, ils voient leur public se détourner d’eux, voire font l’objet d’attaques de « trolls ».

« Depuis qu’ils sont adultes, le marché n’a évolué qu’à la hausse, et si vous n’allez pas dans ce sens, c’est que vous n’y comprenez rien », observe Scott Galloway, professeur de marketing à l’Université de New York, qui lui-même a subi des attaques après avoir publié des vidéos où il se montrait sceptique vis-à-vis de certaines entreprises.

Le véritable danger en ce qui concerne la finance sur les réseaux sociaux, estime M. Galloway, tient au fait que les jeunes influenceurs tendent à croire que les marchés ne peuvent que progresser. Ceux qui les suivent renforcent cette idée.

« C’est réellement alarmant, car si vous dites que le bitcoin, ou Tesla, ou n’importe quel SPAC en vogue sont surévalués, ces trolls qui utilisent des comptes anonymes commencent à vous attaquer », note M. Galloway.

Les détracteurs des placements en cryptomonnaie se voient accuser par les trolls de propager la peur, l’incertitude et le doute, ce qui est une manière de discréditer un influenceur. Dans le monde du conseil financier en ligne, des femmes ont aussi déclaré avoir été victimes de harcèlement sexuel après avoir publié des avis négatifs.

M. Paffrath, qui compte se risquer le mois prochain à briguer le poste de gouverneur de Californie – l’actuel gouverneur, Gavin Newsom, faisant face à un scrutin de rappel – affirme qu’il est ramené chaque jour à cette réalité.

« ​Je veux bien jouer le jeu de la hausse sans fin, mais soyons clair : on ne peut faire réellement fortune que sur le long terme. Le problème est que sur YouTube, aucune de mes vidéos allant dans ce sens n’attire qui que ce soit. »

Un mercredi après-midi de la fin du mois de mai, vêtu d’un sweat-shirt à fermeture Eclair et d’une cravate, M. Paffrath est entré dans son studio d’enregistrement pour lancer sa discussion quotidienne en direct sur les marchés d’actions.

Le sujet du jour était AMC Entertainment Holdings, la chaîne de cinémas en difficulté qui a vu son cours boursier s’envoler au printemps, porté par les investisseurs individuels, dont beaucoup de jeunes gens qui passent l’essentiel de leurs temps sur Internet, ainsi que par la folie des « actions mèmes », dont GamesStop et Tesla.

AMC connaissait alors une semaine volatile mais ce jour-là, elle avait clôturé en hausse de 10 %. M. Paffrath a mis en garde ses followers contre l’achat d’actions AMC – les fonds spéculatifs semblaient friands de positions courtes sur le titre, dont le cours pouvait s’effondrer à tout moment, soulignait-il.

« Pourquoi avez-vous un avis si négatif ? », lui a demandé un internaute.

« Je ne suis pas négatif, je suis juste réaliste, a répondu M. Paffrath. Ecoutez, je suis tout à faire pour que AMC atteigne des sommets, mais tout ce que je veux dire, c’est que si vous vous accrochez à quelque chose que vous ne comprenez pas… Mieux vaut être prudent. »

A la fin de sa vidéo, M. Paffrath a commencé à perdre des abonnés par milliers, raconte-t-il. La plupart des vidéos assorties de titres positifs sont vues plus de 200 000 fois, précise-t-il, tandis que celles qui contiennent des avis négatifs sur une entreprise ou un secteur n’attirent jamais plus de 60 000 vues.

« C’est un peu comme un astronaute qui doit montrer à quel point il est amusant de vivre dans une fusée, mais vous ne faites pas ça toute votre vie, note M. Paffrath.

« ​Je veux bien jouer le jeu de la hausse sans fin, mais soyons clair : on ne peut faire réellement fortune que sur le long terme. Le problème est que sur YouTube, aucune de mes vidéos allant dans ce sens n’attire qui que ce soit. »

(Traduit à partir de la version originale en anglais par Anne Montanaro)




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