Politique énergétique: L’incompétence et l’hypocrisie
Réunis en commission des affaires économiques mardi 3 juin, les députés ont rejeté le texte actant la relance du nucléaire français qui souhaitait notamment construire six nouveaux EPR d’ici à 2026.
(Lucie Robequain dans la Tribune)
La France doit marcher sur deux jambes pour garantir son avenir énergétique : elle a besoin de nucléaire autant que de renouvelables. Dans un cas comme dans l’autre, elle montre un talent assez rare à marquer contre son camp. La semaine qui s’achève en a encore donné la preuve : à la surprise générale, les députés réunis en commission des affaires économiques ont rejeté le texte qui actait la relance du nucléaire français, à l’aide de la construction de six EPR à l’horizon 2026.
Dans un attelage totalement improbable, les élus du Nouveau Front populaire et du Rassemblement national ont ainsi voté dans le même sens, pour des raisons diamétralement opposées : les premiers pensent que la relance du nucléaire va excessivement loin, les seconds pas assez. Les deux se sont donc associés pour torpiller les objectifs français et retarder encore un peu plus la construction de nouvelles centrales.
Il est fort probable que les ambitions nucléaires françaises soient rétablies à la mi-juin lors du débat parlementaire en séance publique. Mais cet épisode en dit long sur l’irresponsabilité d’une partie de la classe politique, qui brade les intérêts nationaux par la voie d’un amendement adopté en catimini.
Ce sont ces mêmes élus qui courent les plateaux télé pour réclamer une électricité moins chère, et une certaine forme d’autonomie par rapport à la Chine et aux États-Unis. À l’Assemblée, ils ne font qu’affaiblir la France. Le nucléaire est l’un des rares atouts que le monde nous envie et la clé de notre relance économique. Or notre programmation énergétique accuse déjà deux ans de retard.
La France continuera d’acheter du gaz des États-Unis, de Russie ou du Qatar pour pourvoir à ses besoins.
Le décret permettant de lancer les nouveaux chantiers nucléaires — la fameuse PPE — devait être adopté en juin 2023, et n’a cessé d’être reporté depuis. Conséquence : aucun chantier ne peut démarrer. La France continuera d’acheter du gaz des États-Unis, de Russie ou du Qatar pour pourvoir à ses besoins.
Le développement des énergies renouvelables est tout aussi laborieux. Le groupe Engie espérait construire en Gironde le plus grand parc solaire d’Europe, Horizeo, en rasant des centaines d’hectares de forêt. Tout laisse penser qu’il y renoncera dans les prochaines semaines. De fait, le principe de « zéro artificialisation nette » (ZAN) oblige les collectivités locales à limiter leur consommation d’espaces. Or les 680 hectares d’Horizeo impliquent d’artificialiser une partie de la forêt landaise. Aucun élu local ne soutient le projet.
Engie aimerait que l’Élysée vole à son secours et le libère des contraintes de la loi ZAN. Sa directrice générale, Catherine MacGregor, met tout son poids dans la balance : elle dénonce les ravages de l’« absurdité administrative » et rappelle que ce projet est essentiel pour atteindre les objectifs français en matière d’énergies renouvelables tels qu’ils ont été transmis à Bruxelles. Notre pays, rappelons-le, est le seul parmi les Vingt-Sept à ne pas respecter ses engagements pour l’instant.