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Politique-Vers la fin de la Macronie ?

Politique-Vers la fin de la Macronie ?

par
Pierre Bréchon
Professeur émérite de science politique, Sciences Po Grenoble, Auteurs historiques The Conversation France


Dans quelles conditions le second quinquennat d’Emmanuel Macron peut-il se poursuivre ? L’actualité sociale et politique permet de douter d’un déroulement politique serein au vu des nombreuses mobilisations, aussi bien sur le front social (mouvement contre la réforme des retraites) mais aussi écologique et politique, avec un fort bouleversement de la vie parlementaire et partisane.

Au cœur de la crise politique actuelle figure la personnalité du président, fortement décriée par ses adversaires politiques et également désormais critiqué à l’étranger. Le socialiste Boris Vallaud n’a ainsi pas hésité à qualifier le chef de l’État de « forcené retranché à l’Élysée ».

Comment comprendre cette situation et cette crispation un an après l’élection d’Emmanuel Macron pour un second mandat ?

Emmanuel Macron avait émergé de manière assez imprévue dans la campagne présidentielle de 2017. Ministre de l’Économie de François Hollande jusqu’à fin août 2016, il avait progressivement pris ses distances avec le camp socialiste avant de lancer son propre mouvement « En marche ».

En se présentant comme à la fois de gauche et de droite, en s’affirmant libéral en économie et sur les questions sociétales, mais favorable à des politiques sociales, soutenant clairement la construction européenne, il se proposait de bouleverser la politique française, publiant même un essai intitulé « Révolution ». Au programme : la promesse d’un nouveau monde.

Rejoint par un certain nombre de socialistes déçus par les fractures internes du parti entre socio-libéraux et frondeurs, Emmanuel Macron parvient peu à peu à rallier un électorat très composite malgré une forte abstention et créer un parti d’apparence solide, La République En Marche (LREM). Il est très largement élu (66,1 % des suffrages).

La stratégie d’Emmanuel Macron a reposé sur une forme de fracturation de l’ensemble partisan. Pour obtenir une majorité à l’Assemblée nationale en dépit d’un faible nombre de députés ralliés, il nomme le juppéiste Edouard Philippe et acquiert ainsi l’attention d’une certaine frange de la droite.

Le gouvernement, savamment dosé entre personnalités de gauche, du centre et de droite, annonce très vite des mesures populaires. Après un appel d’offres pour susciter des candidatures (15 000 recensées), il investit un candidat dans chaque circonscription, souvent des personnes peu connues et totalement novices en politique.

Contre toute attente, les candidats LREM obtiennent un très bon résultat (28,2 % des suffrages) auxquels il faut adjoindre 4,1 % pour ceux du MoDem. La nouveauté des candidats sur la scène politique a joué en leur faveur alors qu’un fort mouvement de « dégagisme » affectait les élus sortants, particulièrement ceux de gauche. Le deuxième tour confirme le premier et la République En Marche obtient 308 élus et le MoDem 42.

Il dispose donc d’une majorité absolue très conséquente pour appliquer ses réformes. Le système partisan français, qui reposait sur l’alternance au pouvoir de deux partis de gouvernement, est complètement chamboulé au terme de ce cycle électoral. Mais la nouvelle majorité réunit des sensibilités politiques très variées, ce qui laissait prévoir des divisions et d’éventuelles recompositions.

Au cours de la mandature, LREM a perdu des sièges et des partis satellites se sont développés, avec à la fois des députés sortants de LREM et d’autres quittant LR ou l’UDI.

Un groupe d’une vingtaine de députés LREM de centre gauche, qui voulaient davantage d’écologie et de social, prennent aussi leur indépendance en mai 2020, ce qui fait perdre à LREM la majorité absolue dont elle disposait à elle seule. Et Edouard Philippe, remplacé par Jean Castex comme Premier ministre, lance en 2021 le parti Horizons pour peser davantage au sein de la majorité.

LREM n’a pas su se structurer, ne conférant aucun pouvoir réel à ses adhérents. Fonctionnant comme un mouvement très vertical, à l’image du président jupitérien lui-même, le parti devient une coquille vide, avec très peu de militants. Et si ce parti a obtenu des résultats honorables aux élections européennes de 2019, ceux-ci ont été plutôt mauvais aux élections municipales de 2020 (11 % des suffrages avec le MoDem), ainsi qu’aux régionales et départementales de 2021 (environ 10 %).

Dès le début du quinquennat, le président engage des politiques économiques libérales, notamment l’abandon de l’ISF au profit d’un impôt peu productif sur la fortune immobilière et la création d’un prélèvement forfaitaire unique sur les revenus des placements financiers qui lui valent d’être souvent qualifié de « président des riches ».

Ces politiques doublées de mesures d’austérité (taxe carbone) ont provoqué le mouvement spontané de protestation sociale des « gilets jaunes » qui se développe à partir d’octobre 2018. Face à l’ampleur du mouvement, le pouvoir lâche progressivement du lest et lance un grand débat national sur la transition écologique, la fiscalité, les services publics et le débat démocratique. Au terme du processus, en avril 2019, il annonce des baisses d’impôts sur le revenu pour les classes moyennes et la réindexation des petites retraites. Le mouvement aura coûté cher aux finances de l’État (10 à 15 milliards) mais, contrairement aux espoirs de certains soutiens du mouvement, le président ne change pas sa méthode de gouvernance très verticale.

Edouard Philippe lance alors la réforme des retraites pour passer à un régime universel à points déclenchant un second grand mouvement social.

Malgré des manifestations réunissant jusqu’à 800 000 personnes, le gouvernement fait passer la loi en utilisant le 49.3 en première lecture à l’assemblée. L’examen de la réforme est suspendu du fait de la pandémie de Covid-19.

La pandémie et le choix du président de piloter lui-même la politique de lutte contre le nouveau virus, malgré des confusions initiales, des hésitations et l’émergence de thèses complotistes, donnent à Emmanuel Macron une nouvelle assise politique et une image de protecteur de la population.

La guerre en Ukraine lui est aussi favorable en pleine campagne électorale présidentielle. Elle génère un ralliement à celui qui incarne l’action et la coordination des pays européens contre l’agresseur russe.

Dans ce contexte, il est assez largement réélu début mai 2022 (58,55 % des suffrages exprimés) malgré une défiance accrue dans les institutions de la démocratie représentative et une forte abstention.

Mais entre la présidentielle et les législatives, la mécanique semble se gripper avec un président peu actif dans la préparation de l’élection des députés, qui met beaucoup de temps à choisir sa Première ministre et à concrétiser le début de son second mandat, alors que la gauche s’unit – à la hussarde – derrière Jean-Luc Mélenchon et en tire un grand bénéfice en sièges (131 députés de la Nupes). De l’autre côté du spectre, le RN a déployé ses forces de façon spectaculaire, obtenant 89 députés à l’Assemblée nationale.

La Macronie est à la peine. Le changement de nom de LREM pour Renaissance ne parvient pas à faire oublier le revers législatif : le président ne dispose que d’une majorité relative (245 élus alors que la majorité absolue est de 289 députés), rendant difficile l’exercice du pouvoir.

La majorité ne parvient pas à convaincre Les Républicains (74 élus), affaiblis, de conclure une alliance pour gouverner ensemble. Elle en est donc réduite à chercher des majorités au cas par cas pour faire voter des lois, un peu comme Michel Rocard pendant le second septennat de François Mitterrand.

Un an plus tard, le président, toujours aussi jupitérien malgré ses engagements à changer de méthode de gouvernance, ne semble pas tirer les conséquences de la nouvelle situation parlementaire, qui devrait inciter à chercher des compromis alors qu’il veut toujours imposer ses réformes, y compris celles qui sont très impopulaires comme en témoigne le long feuilleton de la réforme des retraites. La validation de la loi par le Conseil constitutionnel risque de ne pas calmer le mouvement syndical. L’exécutif dit qu’il veut apaiser, écouter et continuer les réformes, mais il semble complètement embourbé et on voit mal comment il va pouvoir faire voter des lois un tant soit peu novatrices.

La Macronie pourrait bien n’avoir été qu’une parenthèse dans la vie politique française, faute d’avoir construit un parti politique solide, capable de subsister après le départ de son fondateur.

Macron et Covid: vers de nouvelles mesures molles

Covid: vers de nouvelles  mesures molles

 

Un conseil de défense va se réunir lundi et le chef de l’État indiquera les nouvelles mesures prises compte tenu du développement exceptionnel du virus. Il est toutefois vraisemblable que le gouvernement cherchera à ne pas provoquer davantage le mécontentement de l’opinion publique et prendra des mesures molles. Notamment relatives aux dates des vacances scolaires alors qu’on sait que le virus est largement véhiculé aussi par les enfants lesquels en sont aussi victimes comme cela vient d’être démontré aux États-Unis.

Parmi les mesures molles, on proposera certainement un couvre-feu en particulier pour la Saint-Sylvestre. Des limitations seront sans doute imposées aussi dans les activités d’hôtellerie.

On va rappeler l’annulation des feux d’artifice, une mesure relativement anecdotique.

Le chef de l’État va probablement insister sur le nouveau pass vaccinal qui remplace le pass sanitaire. Un document qui en fait valide le concept de vaccination obligatoire mais sans le dire. On pourrait y ajouter en plus l’obligation d’un test ( en plus des vaccinations) pour l’obtenir. Notons cependant que la validité d’un test est relative et ne vaut que pour le moment on vérifie l’existence ou non de virus.

On va sans doute aussi interdire certaines activités collectives de nature associatives voire même privées.

Il ne faut guère s’attendre à ce que le président de la république décide d’un confinement généralisé, par davantage qu’il impose la vaccination obligatoire pour tous les enfants et pour les salariés des entreprises.

Bref un ensemble de mesures molles en attendant sans doute que les chiffres imposent des mesures beaucoup plus radicales d’ici un mois au plus (la barre des 200 000 contaminés pourrait être atteinte vers mi-janvier.)

Société: « La pratique de la pêche au vif ou au ver interdite ? »

 

Société: « La pratique de la pêche au vif ou au ver interdite ? »

Un collectif de chercheurs et de membres d’associations appelle à interdire l’usage de poissons vivants comme appâts dans la pêche de loisir. Cela au motif de la douleur des poissons appâts. Par extension on pourrait peut-être aussi interdire bientôt la pêche au ver , animal aussi vivant ? Ou les outrances des écolos bobos.

Tribune dans le monde 

 

Paris, Bordeaux, Montpellier, Grenoble-Alpes Métropole… Plusieurs collectivités locales françaises ouvrent enfin le débat de l’interdiction de la pêche au vif. Cette technique consiste à empaler un petit poisson vivant sur un hameçon afin d’attirer un prédateur. L’animal, transpercé vivant, panique sans issue possible et se débat pendant des dizaines de minutes, avant de succomber de sa blessure ou de se faire dévorer vivant.

La capacité des poissons à percevoir subjectivement le monde qui les entoure, et plus particulièrement à éprouver émotions, stress et souffrances, est depuis quelques années de mieux en mieux documentée.

Lynne Sneddon, référence mondiale de la recherche sur la douleur chez les poissons, conclut ainsi dans un ouvrage de synthèse paru en 2020 : « Les études montrent que les poissons ont un système nociceptif similaire à celui des mammifères, que leur comportement est affecté négativement [par la douleur], et que cela est évité par l’inoculation d’antidouleurs. Cela démontre que les poissons réagissent différemment à la douleur et aux stimuli inoffensifs. En outre, les poissons tentent d’éviter les zones où ils ont ressenti de la douleur et sont accaparés par la douleur au point de ne plus manifester normalement leur peur ni les réactions normales face aux prédateurs. Pris ensemble, ces résultats constituent un argumentaire convaincant en faveur de la sensibilité à la douleur chez les poissons. »

Cette sensibilité à la douleur est même aujourd’hui reconnue par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). D’autres institutions, telles que l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) et l’Association des vétérinaires britanniques (BVA) ont établi des recommandations pour minimiser la douleur des poissons utilisés dans les activités humaines.

L’utilisation d’un poisson pleinement conscient comme appât commence à faire réagir l’opinion publique. Si la pêche au leurre est une alternative bien implantée, la pêche au vif reste ancrée chez les plus anciens ou chez les spécialistes de la pêche aux silures. Cette pratique de loisir est déjà interdite dans plusieurs pays tels le Luxembourg, la Suisse, l’Irlande, l’Ecosse, certaines communautés autonomes d’Espagne, la Norvège, l’Allemagne, les Pays-Bas et dans certains Etats américains au Canada.

Ces interdictions à l’étranger ne se fondent pas uniquement sur la cruauté de cette pratique, mais aussi sur les menaces inutiles qu’elle fait peser sur la biodiversité aquatique !

« La pratique de la pêche au vif ou au ver interdite ? »

« La pratique de la pêche au vif ou au ver interdite ? »

Un collectif de chercheurs et de membres d’associations appelle à interdire l’usage de poissons vivants comme appâts dans la pêche de loisir. Cela au motif de la douleur des poissons appâts. Par extension on pourrait peut-être aussi interdire bientôt la pêche au ver , animal aussi vivant ? Ou les outrances des écolos bobos.

Tribune dans le monde

 

Paris, Bordeaux, Montpellier, Grenoble-Alpes Métropole… Plusieurs collectivités locales françaises ouvrent enfin le débat de l’interdiction de la pêche au vif. Cette technique consiste à empaler un petit poisson vivant sur un hameçon afin d’attirer un prédateur. L’animal, transpercé vivant, panique sans issue possible et se débat pendant des dizaines de minutes, avant de succomber de sa blessure ou de se faire dévorer vivant.

La capacité des poissons à percevoir subjectivement le monde qui les entoure, et plus particulièrement à éprouver émotions, stress et souffrances, est depuis quelques années de mieux en mieux documentée.

Lynne Sneddon, référence mondiale de la recherche sur la douleur chez les poissons, conclut ainsi dans un ouvrage de synthèse paru en 2020 : « Les études montrent que les poissons ont un système nociceptif similaire à celui des mammifères, que leur comportement est affecté négativement [par la douleur], et que cela est évité par l’inoculation d’antidouleurs. Cela démontre que les poissons réagissent différemment à la douleur et aux stimuli inoffensifs. En outre, les poissons tentent d’éviter les zones où ils ont ressenti de la douleur et sont accaparés par la douleur au point de ne plus manifester normalement leur peur ni les réactions normales face aux prédateurs. Pris ensemble, ces résultats constituent un argumentaire convaincant en faveur de la sensibilité à la douleur chez les poissons. »

Cette sensibilité à la douleur est même aujourd’hui reconnue par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). D’autres institutions, telles que l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) et l’Association des vétérinaires britanniques (BVA) ont établi des recommandations pour minimiser la douleur des poissons utilisés dans les activités humaines.

L’utilisation d’un poisson pleinement conscient comme appât commence à faire réagir l’opinion publique. Si la pêche au leurre est une alternative bien implantée, la pêche au vif reste ancrée chez les plus anciens ou chez les spécialistes de la pêche aux silures. Cette pratique de loisir est déjà interdite dans plusieurs pays tels le Luxembourg, la Suisse, l’Irlande, l’Ecosse, certaines communautés autonomes d’Espagne, la Norvège, l’Allemagne, les Pays-Bas et dans certains Etats américains au Canada.

Ces interdictions à l’étranger ne se fondent pas uniquement sur la cruauté de cette pratique, mais aussi sur les menaces inutiles qu’elle fait peser sur la biodiversité aquatique !

80% des jardins menacés par le ver de terre argentin

80% des jardins menacés par le ver de terre argentin

 

Obama nungara, ver de terre argentin,  comme les autres Plathelminthes terrestres, est un prédateur. L’espèce mange des animaux du sol : vers de terre, escargots et autres. Un sol est un milieu complexe, avec des centaines d’espèces qui interagissent entre elles. Avec Obama nungara, on a introduit le loup dans la bergerie. Obama nungara mange toutes les proies qu’elle rencontre, se reproduit à toute vitesse, et recommence. Savons-nous quel est l’impact de la présence d’Obama nungara dans nos jardins ? Pas encore. Combien de proies un Obama nungara mange, et lesquelles ? Nous ne le savons pas. Ce que nous savons, par contre, c’est que l’espèce prolifère et donc très certainement consomme beaucoup d’animaux du sol. Des comptages nous ont permis d’estimer la production d’individus, par reproduction, à mille vers par hectare et par jour… à la fin de l’année, cela fait beaucoup de Plathelminthes, qui vont encore manger d’autres animaux.

L’introduction d’espèces exotiques est une des conséquences de la mondialisation. Dans certains cas, ces espèces introduites prolifèrent et deviennent envahissantes. En France, les invasions les plus remarquées ces dernières années ont été la punaise diabolique et le frelon asiatique. Ces insectes sont généralement bien visibles, parce qu’ils volent, le jour. Les Plathelminthes terrestres (des vers plats), collés au sol, souvent nocturnes, sont plus discrets, et leur invasion n’en est que plus insidieuse.Plusieurs espèces de Plathelminthes terrestres ont envahi la France et l’Europe depuis quelques décennies. Les plus spectaculaires sont les bipaliinés ou « vers à tête en marteau » qui peuvent atteindre 1 mètre de long ; en France, ils ont surtout envahi les départements les plus au Sud.Mais d’autres espèces sont arrivées, et représentent probablement une menace plus importante.

Notre équipe vient de publier les résultats de 7 ans de travail basé sur la science participative. Les scientifiques ne peuvent pas visiter chaque jardin, mais les citoyens ont contribué de manière extraordinaire en envoyant plus de mille signalements. Et sur ceux-ci, notre résultat le plus frappant est que plus de la moitié des signalements, 530 exactement, concernaient une seule des espèces.

Cette espèce qui domine les autres par son abondance, c’est Obama nungara. Au début de notre étude, elle n’avait pas de nom… parce qu’elle n’avait jamais été décrite par des scientifiques. En 2016, des chercheurs du Brésil et d’Espagne lui ont donné son nom completObama nungara. Le nom du genre, Obamaavait été inventé quelques années avant ; les auteurs ont prétendu qu’il s’agissait de deux mots d’une langue indigène du Brésil signifiant « plat comme une feuille ». En principe, aucune allusion au nom d’un Président américain – à vous de juger.

Une réponse simple, malheureusement : presque partout. L’espèce est présente dans les trois-quarts des départements français, 72 exactement. Avec cette abondance de signalements grâce à la science participative, nous avons des cartes précises. Les départements les plus envahis sont ceux de la bordure atlantique. Les régions où Obama nungara est plus rare sont surtout le quart nord-est de la France, et les régions montagneuses. Pourquoi ? Probablement parce que les deux ennemis principaux des Plathelminthes terrestres sont la sécheresse en été et les grands froids en hiver – le climat de la côte atlantique élimine les deux problèmes.Dans un premier temps, puisque l’espèce avait été d’abord trouvée au Brésil, les scientifiques ont pensé qu’elle venait de ce pays. Le travail a ensuite été affiné. Grâce à des marqueurs moléculaires (le fameux « barcode » renseignant sur le patrimoine génétique) on peut déterminer l’origine géographique d’une espèce envahissante. Et là, nos résultats sont clairs : la population qui a envahi la France, et les autres pays d’Europe, provient d’Argentine, pas du Brésil. La population d’Obama nungara du Brésil n’a pas quitté son pays.

Les Plathelminthes terrestres sont des animaux plutôt fragiles, au corps mou, et bien incapables de voler. Mais la civilisation humaine leur a donné un moyen formidable de voyager dans toute la planète : les plantes en pots. Et justement, Obama nungara adore proliférer dans les jardineries : il n’y fait jamais trop chaud ni trop sec, et les pots de fleurs fournissent des cachettes et des cavités pour se cacher la journée. Très probablement, quelques Obama nungara ont voyagé, comme passagers clandestins, depuis une jardinerie en Argentine, dans des pots de fleurs partant en bateau vers un port en Europe. Cela nous rappelle la fameuse fourmi d’Argentine, qui a envahi les régions méditerranéennes d’Europe, mais quelques dizaines d’années plus tôt.

L’espèce est bien implantée dans plusieurs pays, comme l’Espagne, le Portugal, l’Italie, la Belgique, et le Royaume-Uni ; mais il n’y a qu’en France qu’une étude détaillée de l’invasion a été faite. Comment cet animal qui ne vole pas et se déplace lentement a-t-il envahi tous ces pays ? Encore une fois grâce aux plantes en pot ! Et notre civilisation mécanisée a transporté ces plantes de pays en pays, puis de ville en ville, dans tous les magasins qui vendent des plantes en pot. Une fois arrivé dans un jardin, l’animal prolifère, et, même sans être très rapide, passe dans les jardins voisins.

 Les scientifiques admettent une règle générale pour les invasions : une espèce importée sur dix s’introduit, une espèce introduite sur dix s’établit, et une espèce établie sur dix devient invasive. Obama nungara fait partie des élues et est donc bien une espèce exotique envahissante (EEE). L’espèce est bien équipée pour ne pas se faire remarquer, elle est marron, pas très grande, et sort surtout la nuit. Elle se reproduit très vite, et fabrique des « cocons de ponte » qui sont des petites boules noires, résistantes, encore plus difficiles à voir – et chaque cocon contient jusqu’à douze embryons. Et surtout, Obama nungara n’a pas d’ennemis naturels en Europe. Les Plathelminthe terrestres paraissent bien fragiles, avec leur corps mou, mais ils sont protégés par un petit arsenal chimique qui leur donne un goût exécrable qui décourage les prédateurs.

 

 

 

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Cet article du site theconversation  est publié en collaboration avec les chercheurs de l’ISYEB (Institut de Systématique, Évolution, Biodiversité, Muséum national d’Histoire naturelle, Sorbonne Universités). Ils proposent chaque mois une chronique scientifique de la biodiversité, « En direct des espèces ». Objectif : comprendre l’intérêt de décrire de nouvelles espèces et de cataloguer le vivant.

Agriculture : « sauver le ver de terre »


Agriculture : « sauver le ver de terre »

C’est le cri de  Christophe Gatineau, cultivateur et agronome, dans une tribune au « Monde » à l’adresse du président de la République. Pesticides et engrais utilisés l’excès ont rendu les terres mortes. Du coup, il faut augmenter encore les doses d’engrais et de pesticides. Or ce sont surtout les vers qui transforment les petit végétaux en véritable or pour l’agriculture du fait de leur capacité à en décomposer la matière organique. Des vers de terre qui représente entre 1 à 5 tonnes par hectares et parfois seulement 50 kgs dans les terres mortes.

«  Monsieur le président, le temps presse, les vers de terre disparaissent et, avec eux, les sols nourriciers. Pour résumer la situation : les vers de terre nourrissent les sols, et les sols nourrissent les plantes qui nous nourrissent ; ou nourrissent les animaux que nous mangeons. A l’image du cycle de l’eau, c’est un cercle vertueux, un échange de bons procédés où chacun nourrit l’autre. Raison pour laquelle le ver de terre a toujours été le partenaire ancestral de l’agriculteur, son abondance signant la fertilité et la bonne santé des sols. Et plus une terre est fertile, plus elle est productive, plus notre nourriture est saine et riche. Sans l’ombre d’un doute, le fond de ma lettre concerne donc l’alimentation de demain. Et si les rayons des supermarchés ne dépendaient pas de la bonne santé des sols, ma requête n’aurait aucun sens puisque, pour l’instant, leurs étals regorgent de nourriture comme jamais. Or, le célèbre astrophysicien Hubert Reeves, pas connu pour être un catastrophiste, et encore moins un fantaisiste, déclarait en mai sur le plateau d’« Envoyé spécial » : « La disparition des vers de terre est un phénomène aussi inquiétant que la fonte des glaces. » Pourquoi a-t-il mis en perspective le ver de terre avec le bouleversement climatique ? Question de bon sens puisque les sols et les glaces fondent comme neige au soleil : un quart des sols européens étant aujourd’hui usés. En langage scientifique, on dit victime d’érosion. Autrement dit, quand les sols sont lessivés de toute vie, usés, ils migrent vers les mers et les océans, via les sources et les rivières, laissant place à des champs de cailloux. Pourquoi ? Quand, il y a cinquante ans, nous avons décidé de ne plus nourrir les vers de terre et toute la diversité biologique, nous avons brisé le cycle. En effet, dans un système de cause à effet, où chacun nourrit ou se nourrit de l’autre, en cessant de nourrir les vers de terre, les sols ont cessé de nourrir les plantes… Alors pourquoi les vers de terre sont-ils si importants en agriculture ? Parce qu’ils peuvent représenter jusqu’à 80 % de la masse des êtres vivants qui fabriquent la nourriture des plantes. Et en cessant de les nourrir, c’est bien l’ensemble d’un agrosystème qui s’est effondré, mort de faim ou empoisonné. Et pour revenir à l’érosion, parce qu’il ne faut jamais se tromper de sens, c’est bien l’extinction du ver de terre qui cause l’érosion des sols, comme le réchauffement climatique cause l’érosion des pôles. »




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