Agriculture : des prix planchers qui vont encourager les importations
Si augmenter le revenu des agriculteurs est indispensable, il convient alors de soutenir le changement d’habitudes alimentaires des plus précaires, touchés par l’inflation, affirment, dans une tribune au « Monde », les économistes Philippe Delacote et Fabrice Etilé.
Résoudre la question de la juste rémunération des agriculteurs est une condition sine qua non à une sortie de la crise dont souffre le secteur agricole. En effet, de nombreux exploitants sont pris en étau entre des coûts de production en hausse, des normes environnementales nécessaires, mais de plus en plus contraignantes, une vulnérabilité accrue aux aléas environnementaux et une pression à la baisse sur les prix des denrées agricoles.
Une donnée importante est trop souvent mise de côté dans cette équation : la hausse des inégalités et les difficultés de nombreux ménages à se nourrir correctement. On estime en effet que 20 % des Français éprouvent des difficultés à manger trois fois par jour. La crise inflationniste et les tensions sur les chaînes d’approvisionnement déclenchées par les tensions géopolitiques ont eu un double effet sur le budget alimentaire des ménages : les prix alimentaires ont encore augmenté de 7 %, en 2023, après une hausse de 13 %, en 2022, alors que la hausse des dépenses contraintes, notamment l’énergie, a réduit la part du budget disponible pour l’alimentation.
Dans ce contexte, l’instauration de prix planchers risquerait d’accentuer la vulnérabilité d’un grand nombre de ménages qui seraient contraints de se diriger vers des produits importés à moindre coût et aux normes environnementales moins exigeantes.
Les écolos avaient à faire voter par l’Assemblée nationale- très clairsemée, le principe de prix plancher. D’ores et déjà on peut prévoir que cette disposition ne pourra pas être appliquée puisque ces prix plancher seraient arrêtés par des conférences publiques ! On confond ainsi les concepts de coûts et de prix. Ou le retour de la régulation administrative des prix dans des marchés internationaux. La confusion et les contradictions persistent dans les organisations syndicales d’agriculteurs et le pouvoir ne parvient toujours pas à faire émerger cinq ou six priorités centrales pour aider le secteur
La proposition de loi qui doit être examiné par le Sénat avant de revenir à l’assemblée relève davantage d’un affichage politique que d’une proposition économique crédible.
Un texte d’une grande confusion qui mélange un peu tout y compris l’introduction de rémunérations. Un texte qui pourrait se retourner complètement contre l’agriculture avec par exemple des coopératives d’achat étrangères, une envolée des importations et des produits français plombés par une tarification théorique.
Dernière observation, la négociation ne serait être d’ordre public à moins d’administrer le secteur ou le retour du système socialiste.
Les pouvoirs publics doivent se concentrer sur les conditions de concurrence notamment en assurant le contrôle scientifique des coûts et en laissant la profession négocier librement les prix. Ce concept de conférence publique sur les prix apparaît surtout démagogique et illusoire.
Certes Macron avait curieusement évoqué l’idée de prix plancher en surprenant d’ailleurs toute sa majorité mais c’était au moment le plus chaud de la contestation des agriculteurs.
La proposition de loi de Marie Pochon a été approuvée par 89 voix contre 66. La gauche a voté pour, la majorité présidentielle contre, le RN s’est abstenu et Les Républicains n’étaient pas présents au moment du scrutin.
. La proposition de loi prévoit un prix minimal d’achat fixé par « une conférence publique ». Sauf que cette « conférence publique » ne pourra être réunie « qu’à la demande d’une majorité de ses producteurs » dans une filière.
Seulement si une majorité de producteurs d’une filière s’accordent pour convoquer cette conférence, elle aura alors lieu chaque année, avant le 31 décembre, sous l’égide du médiateur des relations commerciales agricoles, nommé par le gouvernement.
Les prix ainsi déterminés permettront de rémunérer les agriculteurs à hauteur de deux fois le Smic, le prix minimum pouvant être revu tous les quatre mois. « La conférence publique de filière détermine un prix minimal d’achat des produits agricoles, qui ne peut être inférieur aux coûts de production », précise la proposition de loi.
« En cas de présomption de forte hausse ou forte baisse des coûts de production agricoles », une nouvelle conférence publique de filière est réunie pour déterminer un nouveau prix minimal d’achat. Enfin, si aucun accord n’est trouvé lors des négociations, un compte-rendu des discussions est remis au gouvernement qui pourra arrêter un prix minimal. Bref le retour au prix administré.
Au banc pour le gouvernement, la ministre déléguée auprès du ministre de l’Agriculture Agnès Pannier-Runacher a rejeté avec vigueur le dispositif proposé par Marie Pochon, le jugeant « inopérant » même si le gouvernement « partage pleinement (sa) préoccupation » quant au revenu des agriculteurs.
« La piste conduisant à des prix administrés doit être écartée » car ce n’est pas le gouvernement qui « peut déterminer le prix pour un secteur économique », a-t-elle dit.
Le Sénat doit maintenant se prononcer sur la proposition de loi, le texte suivant la navette parlementaire. Mais son adoption est loin d’être garantie. Fin février, le chef des sénateurs Les Républicains Bruno Retailleau dénonçait « une très mauvaise idée, promue notamment par LFI ».
« Il s’agira d’un revenu minimum universel agricole, idée socialiste! Le prix plancher deviendra un prix de marché dans Egalim. Dans la diversité des régions et des exploitations, les écarts vont s’agrandir. On marche sur la tête! » écrivait le sénateur de Vendée sur X.
Agriculture : révision en procédure d’urgence de la PAC
Le Parlement européen à approuvé ce jeudi une procédure d’urgence lui permettant de se prononcer fin avril sur la révision de la Politique agricole commune (PAC), annulant certaines règles environnementales suite à la crise agricole.
La Commission européenne a proposé mi-mars d’assouplir, voire de supprimer une partie des critères « verts » que la nouvelle PAC impose depuis 2023 aux exploitations.
Le texte prévoit notamment de supprimer complètement l’obligation de laisser au moins 4% des terres arables en jachères ou surfaces non-productives (haies, bosquets, mares…). L’obligation de rotation des cultures serait remplacée par une simple « diversification », le maintien de prairies permanentes serait considérablement assoupli, tout comme les périodes pour l’obligation de couverture des sols. En cas d’épisodes climatiques extrêmes, des dérogations seraient possibles pour éviter des pénalités, et les exploitations de moins de 10 hectares seraient exemptées des contrôles liés aux règles environnementales.
Le groupe des Verts a « condamné une initiative infondée et antidémocratique, la procédure accélérée tournant en dérision le rôle du Parlement comme colégislateur », et ce « sans analyse des impacts » attendus.
En France, le projet de loi d’orientation « pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture » a d’ailleurs été présenté mercredi 3 avril en Conseil des ministres. Il devait être examiné à partir du 13 mai en séance à l’Assemblée nationale, pour une adoption définitive espérée avant l’été. Repoussé à plusieurs reprises en raison du mouvement des agriculteurs en colère, le texte intègrent plusieurs de leurs revendications.
Dans l’exposé des motifs, le gouvernement explique adresser « un message de confiance » au monde agricole, « dont l’activité sera libérée de normes et de contraintes devenues superflues, contradictoires ou excessivement lourdes ». Le texte vise par exemple à réduire les procédures autour des constructions de réserves d’eau pour l’irrigation et de bâtiments d’élevage. L’objectif du gouvernement est de raccourcir les délais du contentieux mais aussi d’atténuer les conséquences légales en cas d’atteintes à la biodiversité (destruction de haie par exemple).
Autre nouveauté instaurée par ce projet de loi : comme l’exigeait la FNSEA, le premier article du texte consacre l’agriculture, la pêche et l’aquaculture au rang d’ « intérêt général majeur en tant qu’elles garantissent la souveraineté alimentaire de la Nation ». Cette disposition est destinée à « nourrir la réflexion du juge administratif » quand il aura à trancher un litige autour d’un projet agricole, selon le cabinet ministériel, quand il faudra mettre dans la balance production de nourriture et impératif écologique.
Jeudi 4 avril, les députés ont adopté en première lecture, malgré l’opposition du camp présidentiel, une loi en faveur de « prix minimal d’achat des produits agricoles ». Le texte proposé par les élus Europe Écologie les Verts, et qui ne sera probablement pas voté par le Sénat, part d’une intention louable. Nécessaire peut-être au regard de la faiblesse de prix qui parfois ne couvrent pas les coûts des productions agricoles. L’idée d’aligner par la loi les prix de vente des agriculteurs à leurs coûts de revient déterminés par les experts des chambres d’agriculture ou des interprofessions, notamment, est indubitablement séduisante. Elle contient pourtant en germe des conséquences délétères qui pourraient dégrader à terme la santé économique de filières déjà mal en point. La loi semble être proposée sans étude préalable de fond sur ses effets complets sur les marchés. Or, deux problèmes principaux pourraient bien se poser. Le premier est technique. Il concerne la fixation du prix plancher, son niveau. Le second est économique et porte sur l’impact du prix plancher pour le consommateur. Les deux points sont liés. Commençons, dans l’ordre par le niveau de prix à fixer.
par
Jean-Marie Cardebat
Professeur d’économie à l’Université de Bordeaux et Prof. affilié à l’INSEEC Grande Ecole, Université de Bordeaux
Benoît Faye
Full Professor Inseec Business School, Chercheur associé LAREFI Université de Bordeaux Economiste des marchés du vin, de l’art contemporain et Economiste urbain, INSEEC Grande École dans The Conversation
Dans toutes les filières, agricoles comme industrielles, les entreprises sont hétérogènes et diffèrent par leurs niveaux de productivité et de qualité. Les exploitations disparates en productivité ont dès lors des coûts différents pour produire un bien similaire et les plus productives enregistrent des profits supérieurs. Augmenter les prix de vente par la loi risquerait ainsi de faire apparaître des surprofits chez les plus productifs. Le système avantagerait donc des acteurs qui n’en avaient pas besoin. C’est une première source d’inefficience.
La seule réponse à ce problème est d’adapter le prix par catégorie d’exploitation. Cela peut être fait grossièrement en regardant notamment leur taille : plus grande est l’exploitation, plus elle pourra en théorie bénéficier d’économies d’échelle et donc d’une meilleure productivité. Pareille approche resterait toutefois tant approximative que complexe car il faudra un prix par catégorie.
Les choses se complexifient plus encore lorsque l’on considère des biens qui se différencient les uns des autres par leur qualité. Un prix plancher va surtout augmenter le prix de la qualité inférieure. Par réaction, les exploitants des qualités immédiatement supérieures vont augmenter leurs prix pour signaler leurs qualités supérieures justement et ne pas se retrouver dans la situation de vendre moins cher un bien de qualité supérieure. Par effet de report de tranche de qualité en tranche de qualité, c’est l’ensemble de l’échelle des prix le long de la gamme qui va s’élever. Pourtant, là encore, aucune hausse de prix n’était justifiée à la base pour les qualités supérieures. Un effet de rente, de surprofit, apparaît de nouveau.
L’expérience dans d’autres domaines montre que l’échelle des prix devrait en fait se resserrer. Un bon exemple de cette dynamique de propagation vers le haut d’une hausse des prix en bas de l’échelle est donné par le prix du travail avec les hausses régulières du salaire minimum (smic en France). L’effet s’estompe à partir d’un niveau de salaire supérieur ou égal à 1,5 smic. Dès lors, on peut anticiper une contagion de hausse d’un prix plancher s’atténuant à mesure que l’on monte dans l’échelle des qualités et donc des prix.
Plus à perdre qu’à y gagner ?
Toutefois, les conséquences de prix plancher en termes de rentes pour les exploitants les plus productifs et les plus qualitatifs ne paraissent pas être le principal problème pour la filière agricole. Le plus gros écueil pourrait venir du consommateur. Quid de l’évolution de la demande face à une hausse des prix consécutive à la mise en place d’un prix plancher ?
L’effet passe par deux mécanismes que l’on nomme élasticités-prix directes et élasticités-prix croisées de la demande de biens agricoles par le consommateur final. L’élasticité-prix directe de la demande d’un bien mesure en pourcentage la variation de demande consécutive à une variation de prix de ce bien. Concrètement, de combien diminue la demande lorsque le prix augmente de 10 % ?
Dans une étude préliminaire portant sur la filière viticole française, nous avons calculé pour des vins d’entrée de gamme vendus en grande surface des élasticités pouvant dépasser l’unité : c’est-à-dire que la demande varie dans une proportion plus importante que les prix. Ces travaux sont cohérents avec d’autres, déjà publiés qui mesurent ces élasticités-prix à l’export pour la demande étrangère. Le chiffre d’affaires des producteurs va alors baisser : le prix multiplié par la quantité vendue va diminuer sous l’effet de la baisse de la consommation plus importante que la hausse du prix.
Le consommateur y perd encore plus. Finalement, c’est le surplus social qui s’est dégradé avec une perte marquée pour le consommateur dont le transfert vers le producteur, via la hausse du prix de vente, ne suffit pas à améliorer la situation de ce dernier. Les deux perdent et c’est donc une perte sociale nette.
Le consommateur peut aussi réaliser des reports de consommation face à une hausse des prix d’un bien donné : vers des biens de qualité supérieure, vers des biens importés ou vers des substituts proches, qui tous deviennent en termes relatifs moins cher au regard du bien dont le prix a augmenté. C’est là le jeu des élasticités-prix croisées entre différents biens.
L’exemple du vin est là encore riche en enseignements. Nos premiers résultats montrent que ces effets de report semblent bien à l’œuvre. La hausse du prix en entrée de gamme pourrait pousser le consommateur vers un niveau de qualité supérieure, précipitant ainsi la baisse de chiffre d’affaires pour le vin d’entrée de gamme. L’exact opposé de l’effet désiré par la loi.
Pire, l’effet de report peut aller vers les biens importés et donc entrainer une perte nette à l’échelle nationale. Dans certains secteurs l’origine est moins regardée que dans d’autres et une étiquette « UE » suffit parfois à rassurer le consommateur sur un certain niveau de qualité. Enfin, l’effet de report peut même faire sortir le consommateur d’une filière. C’est le cas pour le vin ou un prix plancher peut amener un arbitrage du consommateur favorable à la bière ou autre boisson jugée substituable.
Les conditions de réussite de la loi tiennent ainsi aux filières visées : elles doivent être au maximum homogènes en productivité et en qualité pour minimiser les effets de rentes et de reports. Elle doit en outre porter sur des biens agricoles dont la demande est faiblement élastique au prix, donc des biens dont il est difficile de se passer pour le consommateur. Ainsi, pour le producteur, la perte de vente restera limitée et plus que compensée par la hausse du prix. En outre, les substituts, importés ou non, doivent être peu nombreux pour éviter les reports. Les pouvoirs publics devront trancher cette question délicate des produits éligibles pour lesquels la loi n’aurait pas d’effets adverses. Selon le texte voté à l’Assemblée nationale, c’est une « conférence publique » par filière qui fixerait ces minima, conférence qui ne serait convoquée « qu’à la demande d’une majorité des producteurs » de la filière en question.
Les pouvoirs publics devront également décider du sort des invendus générés par une hausse des prix. Qui va payer leur destruction ? À coup sûr une indemnisation sera demandée par les producteurs qui vont voir leurs stocks gonfler. Toutes ces questions vont apparaître en boomerang de la loi. Est-ce que tout cela a été pesé, évalué, budgété au moment du vote ? N’y aurait-il pas des mesures à prendre en amont pour éviter ces effets en aval ?
Une grande partie du problème venant de la hausse du prix pour le consommateur final, il faudrait que le prix plancher n’affecte pas le consommateur pour éviter les conséquences adverses décrites plus haut. Deux solutions. Soit l’État subventionne le prix plancher en compensant l’écart entre le prix de marché et le prix plancher pour que la chaine des intermédiaires conserve les mêmes prix et que rien ne change pour le consommateur final. Soit les intermédiaires absorbent dans leurs marges la hausse du prix liée à la loi. Si la hausse est mesurée elle pourra être absorbée dans le cadre de négociations associant tous les acteurs et, pourquoi pas, dans le cadre d’une énième discussion sur la loi Egalim.
Dans tous les cas, dans les filières agricoles (comme dans la plupart des filières d’ailleurs), l’essentiel de la création de valeur se fait dans les derniers stades de la chaine de valeur, les stades de la commercialisation. La valeur n’augmente pas de façon linéaire de l’amont à l’aval du processus de production d’un bien, elle augmente de façon exponentielle : peu au début, beaucoup à la fin. Cela a été bien documenté dans le vin par exemple. Une réflexion de fond sur le partage de la valeur entre les acteurs, l’organisation industrielle et les mécanismes de gouvernance des filières agricoles s’impose. Ce travail était certainement préalable à une loi sur les prix planchers.
Jeudi 4 avril, les députés ont adopté en première lecture, malgré l’opposition du camp présidentiel, une loi en faveur de « prix minimal d’achat des produits agricoles ». Le texte proposé par les élus Europe Écologie les Verts, et qui ne sera probablement pas voté par le Sénat, part d’une intention louable. Nécessaire peut-être au regard de la faiblesse de prix qui parfois ne couvrent pas les coûts des productions agricoles. L’idée d’aligner par la loi les prix de vente des agriculteurs à leurs coûts de revient déterminés par les experts des chambres d’agriculture ou des interprofessions, notamment, est indubitablement séduisante. Elle contient pourtant en germe des conséquences délétères qui pourraient dégrader à terme la santé économique de filières déjà mal en point. La loi semble être proposée sans étude préalable de fond sur ses effets complets sur les marchés. Or, deux problèmes principaux pourraient bien se poser. Le premier est technique. Il concerne la fixation du prix plancher, son niveau. Le second est économique et porte sur l’impact du prix plancher pour le consommateur. Les deux points sont liés. Commençons, dans l’ordre par le niveau de prix à fixer.
par
Jean-Marie Cardebat Professeur d’économie à l’Université de Bordeaux et Prof. affilié à l’INSEEC Grande Ecole, Université de Bordeaux
Benoît Faye Full Professor Inseec Business School, Chercheur associé LAREFI Université de Bordeaux Economiste des marchés du vin, de l’art contemporain et Economiste urbain, INSEEC Grande École dans The Conversation
Dans toutes les filières, agricoles comme industrielles, les entreprises sont hétérogènes et diffèrent par leurs niveaux de productivité et de qualité. Les exploitations disparates en productivité ont dès lors des coûts différents pour produire un bien similaire et les plus productives enregistrent des profits supérieurs. Augmenter les prix de vente par la loi risquerait ainsi de faire apparaître des surprofits chez les plus productifs. Le système avantagerait donc des acteurs qui n’en avaient pas besoin. C’est une première source d’inefficience.
La seule réponse à ce problème est d’adapter le prix par catégorie d’exploitation. Cela peut être fait grossièrement en regardant notamment leur taille : plus grande est l’exploitation, plus elle pourra en théorie bénéficier d’économies d’échelle et donc d’une meilleure productivité. Pareille approche resterait toutefois tant approximative que complexe car il faudra un prix par catégorie.
Les choses se complexifient plus encore lorsque l’on considère des biens qui se différencient les uns des autres par leur qualité. Un prix plancher va surtout augmenter le prix de la qualité inférieure. Par réaction, les exploitants des qualités immédiatement supérieures vont augmenter leurs prix pour signaler leurs qualités supérieures justement et ne pas se retrouver dans la situation de vendre moins cher un bien de qualité supérieure. Par effet de report de tranche de qualité en tranche de qualité, c’est l’ensemble de l’échelle des prix le long de la gamme qui va s’élever. Pourtant, là encore, aucune hausse de prix n’était justifiée à la base pour les qualités supérieures. Un effet de rente, de surprofit, apparaît de nouveau.
L’expérience dans d’autres domaines montre que l’échelle des prix devrait en fait se resserrer. Un bon exemple de cette dynamique de propagation vers le haut d’une hausse des prix en bas de l’échelle est donné par le prix du travail avec les hausses régulières du salaire minimum (smic en France). L’effet s’estompe à partir d’un niveau de salaire supérieur ou égal à 1,5 smic. Dès lors, on peut anticiper une contagion de hausse d’un prix plancher s’atténuant à mesure que l’on monte dans l’échelle des qualités et donc des prix.
Plus à perdre qu’à y gagner ?
Toutefois, les conséquences de prix plancher en termes de rentes pour les exploitants les plus productifs et les plus qualitatifs ne paraissent pas être le principal problème pour la filière agricole. Le plus gros écueil pourrait venir du consommateur. Quid de l’évolution de la demande face à une hausse des prix consécutive à la mise en place d’un prix plancher ?
L’effet passe par deux mécanismes que l’on nomme élasticités-prix directes et élasticités-prix croisées de la demande de biens agricoles par le consommateur final. L’élasticité-prix directe de la demande d’un bien mesure en pourcentage la variation de demande consécutive à une variation de prix de ce bien. Concrètement, de combien diminue la demande lorsque le prix augmente de 10 % ?
Dans une étude préliminaire portant sur la filière viticole française, nous avons calculé pour des vins d’entrée de gamme vendus en grande surface des élasticités pouvant dépasser l’unité : c’est-à-dire que la demande varie dans une proportion plus importante que les prix. Ces travaux sont cohérents avec d’autres, déjà publiés qui mesurent ces élasticités-prix à l’export pour la demande étrangère. Le chiffre d’affaires des producteurs va alors baisser : le prix multiplié par la quantité vendue va diminuer sous l’effet de la baisse de la consommation plus importante que la hausse du prix.
Le consommateur y perd encore plus. Finalement, c’est le surplus social qui s’est dégradé avec une perte marquée pour le consommateur dont le transfert vers le producteur, via la hausse du prix de vente, ne suffit pas à améliorer la situation de ce dernier. Les deux perdent et c’est donc une perte sociale nette.
Le consommateur peut aussi réaliser des reports de consommation face à une hausse des prix d’un bien donné : vers des biens de qualité supérieure, vers des biens importés ou vers des substituts proches, qui tous deviennent en termes relatifs moins cher au regard du bien dont le prix a augmenté. C’est là le jeu des élasticités-prix croisées entre différents biens.
L’exemple du vin est là encore riche en enseignements. Nos premiers résultats montrent que ces effets de report semblent bien à l’œuvre. La hausse du prix en entrée de gamme pourrait pousser le consommateur vers un niveau de qualité supérieure, précipitant ainsi la baisse de chiffre d’affaires pour le vin d’entrée de gamme. L’exact opposé de l’effet désiré par la loi.
Pire, l’effet de report peut aller vers les biens importés et donc entrainer une perte nette à l’échelle nationale. Dans certains secteurs l’origine est moins regardée que dans d’autres et une étiquette « UE » suffit parfois à rassurer le consommateur sur un certain niveau de qualité. Enfin, l’effet de report peut même faire sortir le consommateur d’une filière. C’est le cas pour le vin ou un prix plancher peut amener un arbitrage du consommateur favorable à la bière ou autre boisson jugée substituable.
Les conditions de réussite de la loi tiennent ainsi aux filières visées : elles doivent être au maximum homogènes en productivité et en qualité pour minimiser les effets de rentes et de reports. Elle doit en outre porter sur des biens agricoles dont la demande est faiblement élastique au prix, donc des biens dont il est difficile de se passer pour le consommateur. Ainsi, pour le producteur, la perte de vente restera limitée et plus que compensée par la hausse du prix. En outre, les substituts, importés ou non, doivent être peu nombreux pour éviter les reports. Les pouvoirs publics devront trancher cette question délicate des produits éligibles pour lesquels la loi n’aurait pas d’effets adverses. Selon le texte voté à l’Assemblée nationale, c’est une « conférence publique » par filière qui fixerait ces minima, conférence qui ne serait convoquée « qu’à la demande d’une majorité des producteurs » de la filière en question.
Les pouvoirs publics devront également décider du sort des invendus générés par une hausse des prix. Qui va payer leur destruction ? À coup sûr une indemnisation sera demandée par les producteurs qui vont voir leurs stocks gonfler. Toutes ces questions vont apparaître en boomerang de la loi. Est-ce que tout cela a été pesé, évalué, budgété au moment du vote ? N’y aurait-il pas des mesures à prendre en amont pour éviter ces effets en aval ?
Une grande partie du problème venant de la hausse du prix pour le consommateur final, il faudrait que le prix plancher n’affecte pas le consommateur pour éviter les conséquences adverses décrites plus haut. Deux solutions. Soit l’État subventionne le prix plancher en compensant l’écart entre le prix de marché et le prix plancher pour que la chaine des intermédiaires conserve les mêmes prix et que rien ne change pour le consommateur final. Soit les intermédiaires absorbent dans leurs marges la hausse du prix liée à la loi. Si la hausse est mesurée elle pourra être absorbée dans le cadre de négociations associant tous les acteurs et, pourquoi pas, dans le cadre d’une énième discussion sur la loi Egalim.
Dans tous les cas, dans les filières agricoles (comme dans la plupart des filières d’ailleurs), l’essentiel de la création de valeur se fait dans les derniers stades de la chaine de valeur, les stades de la commercialisation. La valeur n’augmente pas de façon linéaire de l’amont à l’aval du processus de production d’un bien, elle augmente de façon exponentielle : peu au début, beaucoup à la fin. Cela a été bien documenté dans le vin par exemple. Une réflexion de fond sur le partage de la valeur entre les acteurs, l’organisation industrielle et les mécanismes de gouvernance des filières agricoles s’impose. Ce travail était certainement préalable à une loi sur les prix planchers.
Agriculture : des prix plancher votés par surprise à l’assemblée nationale mais inapplicables
Les écolos on réussit à faire voter par l’Assemblée nationale- très clairsemée, le principe de prix plancher. D’ores et déjà on peut prévoir que cette disposition ne pourra pas être appliquée puisque ces prix plancher seraient arrêtés par des conférences publiques ! On confond ainsi les concepts de coûts et de prix. Ou le retour de la régulation administrative des prix dans des marchés internationaux.
La proposition de loi qui doit être examiné par le Sénat avant de revenir à l’assemblée relève davantage d’un affichage politique que d’une proposition économique crédible.
Un texte d’une grande confusion qui mélange un peu tout y compris l’introduction de rémunérations. Un texte qui pourrait se retourner complètement contre l’agriculture avec par exemple des coopératives d’achat étrangères, une envolée des importations et des produits français plombés par une tarification théorique.
Dernière observation, la négociation ne serait être d’ordre public à moins d’administrer le secteur ou le retour du système socialiste.
Les pouvoirs publics doivent se concentrer sur les conditions de concurrence notamment en assurant le contrôle scientifique des coûts et en laissant la profession négocier librement les prix. Ce concept de conférence publique sur les prix apparaît surtout démagogique et illusoire.
Certes Macron avait curieusement évoqué l’idée de prix plancher en surprenant d’ailleurs toute sa majorité mais c’était au moment le plus chaud de la contestation des agriculteurs.
La proposition de loi de Marie Pochon a été approuvée par 89 voix contre 66. La gauche a voté pour, la majorité présidentielle contre, le RN s’est abstenu et Les Républicains n’étaient pas présents au moment du scrutin.
Mais deux mois après le mouvement de colère des agriculteurs, le vote ce jeudi à l’Assemblée nationale a des airs de symboles. La proposition de loi prévoit un prix minimal d’achat fixé par « une conférence publique ». Sauf que cette « conférence publique » ne pourra être réunie « qu’à la demande d’une majorité de ses producteurs » dans une filière.
Seulement si une majorité de producteurs d’une filière s’accordent pour convoquer cette conférence, elle aura alors lieu chaque année, avant le 31 décembre, sous l’égide du médiateur des relations commerciales agricoles, nommé par le gouvernement.
Les prix ainsi déterminés permettront de rémunérer les agriculteurs à hauteur de deux fois le Smic, le prix minimum pouvant être revu tous les quatre mois. « La conférence publique de filière détermine un prix minimal d’achat des produits agricoles, qui ne peut être inférieur aux coûts de production », précise la proposition de loi.
« En cas de présomption de forte hausse ou forte baisse des coûts de production agricoles », une nouvelle conférence publique de filière est réunie pour déterminer un nouveau prix minimal d’achat. Enfin, si aucun accord n’est trouvé lors des négociations, un compte-rendu des discussions est remis au gouvernement qui pourra arrêter un prix minimal. Bref le retour au prix administré.
Au banc pour le gouvernement, la ministre déléguée auprès du ministre de l’Agriculture Agnès Pannier-Runacher a rejeté avec vigueur le dispositif proposé par Marie Pochon, le jugeant « inopérant » même si le gouvernement « partage pleinement (sa) préoccupation » quant au revenu des agriculteurs.
« La piste conduisant à des prix administrés doit être écartée » car ce n’est pas le gouvernement qui « peut déterminer le prix pour un secteur économique », a-t-elle dit.
Le Sénat doit maintenant se prononcer sur la proposition de loi, le texte suivant la navette parlementaire. Mais son adoption est loin d’être garantie. Fin février, le chef des sénateurs Les Républicains Bruno Retailleau dénonçait « une très mauvaise idée, promue notamment par LFI ».
« Il s’agira d’un revenu minimum universel agricole, idée socialiste! Le prix plancher deviendra un prix de marché dans Egalim. Dans la diversité des régions et des exploitations, les écarts vont s’agrandir. On marche sur la tête! » écrivait le sénateur de Vendée sur X.
Agriculture : des prix plancher votés par surprise à l’assemblée nationale mais inapplicables
Les écolos on réussit à faire voter par l’Assemblée nationale- très clairsemée, le principe de prix plancher. D’ores et déjà on peut prévoir que cette disposition ne pourra pas être appliquée puisque ces prix plancher seraient arrêtés par des conférences publiques ! On confond ainsi les concepts de coûts et de prix. Ou le retour de la régulation administrative des prix dans des marchés internationaux.
La proposition de loi qui doit être examiné par le Sénat avant de revenir à l’assemblée relève davantage d’un affichage politique que d’une proposition économique crédible.
Un texte d’une grande confusion qui mélange un peu tout y compris l’introduction de rémunérations. Un texte qui pourrait se retourner complètement contre l’agriculture avec par exemple des coopératives d’achat étrangères, une envolée des importations et des produits français plombés par une tarification théorique.
Dernière observation, la négociation ne serait être d’ordre public à moins d’administrer le secteur ou le retour du système socialiste.
Les pouvoirs publics doivent se concentrer sur les conditions de concurrence notamment en assurant le contrôle scientifique des coûts et en laissant la profession négocier librement les prix. Ce concept de conférence publique sur les prix apparaît surtout démagogique et illusoire.
Certes Macron avait curieusement évoqué l’idée de prix plancher en surprenant d’ailleurs toute sa majorité mais c’était au moment le plus chaud de la contestation des agriculteurs.
La proposition de loi de Marie Pochon a été approuvée par 89 voix contre 66. La gauche a voté pour, la majorité présidentielle contre, le RN s’est abstenu et Les Républicains n’étaient pas présents au moment du scrutin.
Mais deux mois après le mouvement de colère des agriculteurs, le vote ce jeudi à l’Assemblée nationale a des airs de symboles. La proposition de loi prévoit un prix minimal d’achat fixé par « une conférence publique ». Sauf que cette « conférence publique » ne pourra être réunie « qu’à la demande d’une majorité de ses producteurs » dans une filière.
Seulement si une majorité de producteurs d’une filière s’accordent pour convoquer cette conférence, elle aura alors lieu chaque année, avant le 31 décembre, sous l’égide du médiateur des relations commerciales agricoles, nommé par le gouvernement.
Les prix ainsi déterminés permettront de rémunérer les agriculteurs à hauteur de deux fois le Smic, le prix minimum pouvant être revu tous les quatre mois. « La conférence publique de filière détermine un prix minimal d’achat des produits agricoles, qui ne peut être inférieur aux coûts de production », précise la proposition de loi.
« En cas de présomption de forte hausse ou forte baisse des coûts de production agricoles », une nouvelle conférence publique de filière est réunie pour déterminer un nouveau prix minimal d’achat. Enfin, si aucun accord n’est trouvé lors des négociations, un compte-rendu des discussions est remis au gouvernement qui pourra arrêter un prix minimal. Bref le retour au prix administré.
Au banc pour le gouvernement, la ministre déléguée auprès du ministre de l’Agriculture Agnès Pannier-Runacher a rejeté avec vigueur le dispositif proposé par Marie Pochon, le jugeant « inopérant » même si le gouvernement « partage pleinement (sa) préoccupation » quant au revenu des agriculteurs.
« La piste conduisant à des prix administrés doit être écartée » car ce n’est pas le gouvernement qui « peut déterminer le prix pour un secteur économique », a-t-elle dit.
Le Sénat doit maintenant se prononcer sur la proposition de loi, le texte suivant la navette parlementaire. Mais son adoption est loin d’être garantie. Fin février, le chef des sénateurs Les Républicains Bruno Retailleau dénonçait « une très mauvaise idée, promue notamment par LFI ».
« Il s’agira d’un revenu minimum universel agricole, idée socialiste! Le prix plancher deviendra un prix de marché dans Egalim. Dans la diversité des régions et des exploitations,les écarts vont s’agrandir. On marche sur la tête! » écrivait le sénateur de Vendée sur X.
Projet de loi agriculture : des promesses et du vide
Finalement le projet de loi agriculture pourrait essentiellement viser la transmission des exploitations. Pour le reste, ce sont de grands principes et des promesses sans perspectives concrètes. Ainsi va-t-on décréter le caractère d’intérêt général de l’agriculture. Ce qui évidemment ne changera pas grand-chose pas davantage que le concept de souveraineté alimentaire encore plus ambiguë quant aux perspectives d’échange internationaux.
C’est un peu la spécialité de la France de graver dans le marbre législatif voire dans la constitution des principes qui ne changent pas grand-chose.
On observera d’ailleurs que la mesure la plus discutée et la plus ambiguë aussi comme les tarifs garantis ne figurent pas dans ce texte.
Repoussé en urgence mi-janvier à la demande d’Emmanuel Macron, qui jugeait le texte trop peu ambitieux pour répondre au malaise des agriculteurs français, celui-ci ne sera pas seulement consacré au défi d’installer 20.000 agriculteurs. Il «affirme le caractère d’intérêt général majeur de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture en tant qu’elles garantissent la souveraineté alimentaire de la nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux.
Economie- Agriculture : le soufflé des réformes envisagées retombent
Une fois la mobilisation pratiquement terminée, les espérances de réforme s’estompent au point même qu’on ne sait même pas quelle grande priorité retenir. Le slogan « agriculture prioritaire » n’a évidemment aucun sens concret. Pas davantage que l’idée des tarifs réglementés ou la rémunération des agriculteurs. Quant à la maîtrise de la production nationale pour satisfaire des besoins en France; Bref la souveraineté totale est une illusion sauf à renoncer aux échanges économiques internationaux. c’est un leurre dans la mesure la France est également exportatrice et aurait à supporter les mesures de rétorsion si elle ferme ses marchés. Quelques dossiers avancent mais l’ampleur n’est pas suffisante et surtout le rythme est trop lent. En cause, la responsabilité politique mais aussi les contradictions internes au secteur.
Le Premier Ministre, qui ce matin a reçu une nouvelle fois les présidents de la FNSEA, Arnaud Rousseau, et des Jeunes Agriculteurs (JA), Arnaud Gaillot. A l’issue de cet entretien de deux heures, aucune voie majeure de sortie de la crise agricole, qui occupe le gouvernement depuis la mi-janvier, n’a pourtant émergée. Au lieu de cinq priorités, la FNSEA en a en effet présenté « cinq blocs ».
« On lui a dit qu’il y avait cinq grands blocs sur lesquels on n’avançait pas au bon rythme » : sur les dossiers de l’élevage, la question de l’eau et des pesticides, la compétitivité, la trésorerie et les retraites, a déclaré Arnaud Rousseau après la rencontre. Or, chacun de ces grands thèmes inclut plusieurs des 120 revendications formées depuis le début du mouvement de protestation agricole, ainsi que plusieurs des 62 engagements déjà pris par le gouvernement pour y répondre, dont la mise en œuvre est toutefois jugée trop lente par les agriculteurs.
Agriculture : le soufflé des réformes envisagées retombent
Une fois la mobilisation pratiquement terminée, les espérances de réforme s’estompent au point même qu’on ne sait même pas quelle grande priorité retenir. Le slogan « agriculture prioritaire » n’a évidemment aucun sens concret. Pas davantage que l’idée des tarifs réglementés et la rémunération des agriculteurs. Quant à la maîtrise de la production nationale pour satisfaire des besoins en France c’est aussi un leurre dans la mesure la France est également exportatrice et aurait à supporter les mesures de rétorsion si elle ferme ses marchés. Quelques dossiers avancent mais l’ampleur n’est pas suffisante et surtout le rythme est trop lent. En cause, la responsabilité politique mais aussi les contradictions internes au secteur.
Le Premier Ministre, qui ce matin a reçu une nouvelle fois les présidents de la FNSEA, Arnaud Rousseau, et des Jeunes Agriculteurs (JA), Arnaud Gaillot. A l’issue de cet entretien de deux heures, aucune voie majeure de sortie de la crise agricole, qui occupe le gouvernement depuis la mi-janvier, n’a pourtant émergée. Au lieu de cinq priorités, la FNSEA en a en effet présenté « cinq blocs ».
« On lui a dit qu’il y avait cinq grands blocs sur lesquels on n’avançait pas au bon rythme » : sur les dossiers de l’élevage, la question de l’eau et des pesticides, la compétitivité, la trésorerie et les retraites, a déclaré Arnaud Rousseau après la rencontre. Or, chacun de ces grands thèmes inclut plusieurs des 120 revendications formées depuis le début du mouvement de protestation agricole, ainsi que plusieurs des 62 engagements déjà pris par le gouvernement pour y répondre, dont la mise en œuvre est toutefois jugée trop lente par les agriculteurs.
La visite du président Macron au salon de l’agriculture 2024, tout comme celle d’autres personnalités politiques, a été relativement houleuse. Plusieurs débordements ont été signalés avant qu’il ne puisse visiter les hangars de la Porte de Versailles dans un climat tendu et en étant régulièrement pris à partie.C’est dans ce contexte qu’est intervenue la déclaration surprise de la volonté du gouvernement et du président d’aller vers la mise en place de prix planchers dans le secteur agricole. Les contours du dispositif sont encore flous : il s’agirait, à gros traits, de faire en sorte que les distributeurs ne puissent pas acheter aux producteurs les fruits de leur récolte ou de leur élevage en-deçà d’un certain prix. En théorie, la loi Égalim garantit aujourd’hui des prix qui ne peuvent descendre en dessous des coûts de production.
À quelques mois des élections européennes, chaque thématique semble être l’objet d’un bras de fer entre la majorité présidentielle et le Rassemblement national. L’agriculture n’y échappe pas. Certains médias affirment d’ailleurs qu’il y aurait une affinité entre certains syndicats et le programme défendu par Jordan Bardella.
Ce qui paraît certain est que la mise en place de cette idée de prix planchers ne va pas de soi. Elle paraît même largement discutable, tant au regard de la théorie économique que des réalités de terrain. Des alternatives semblent sans doute préférables.
Chaque acteur et chaque pays n’ont en effet aucun intérêt propre à se limiter pour atteindre un hypothétique équilibre de marché. C’est ce qu’a bien montré la théorie économique des jeux : sur certains marchés peuvent se produire des déséquilibres et des actions non coopératives qui aboutissent à des situations sous-optimales. Ici, des surplus de production amènent une baisse généralisée des prix. À quoi bon instaurer des prix planchers quand chaque pays peut décider de faire « cavalier seul » ?
Une des conditions fortes des prix planchers serait ainsi que les règles du jeu soient exactement les mêmes pour tous. En économie, l’un des principes de base des théories de la concurrencepure et parfaite consiste à avoir des acteurs qui se comportent de la même façon et qui tous ont le même poids. Aucun acteur ne peut déstabiliser seul un marché et donc tout le monde joue à armes égales.
D’autre part, parce que plusieurs pays n’ont pas intérêt et ne mettront jamais en place les prix planchers à l’échelle européenne et encore moins mondiale. Les pays en mesure de proposer des prix bas se priveraient en effet d’une demande qui leur est acquise. Certains produits agricoles sont des commodités, aux caractéristiques identiques ou très proches, et pour lesquelles le prix devient donc le facteur unique de décision des agents économiques.
L’idée de prix plancher ne serait ainsi pertinente qu’à condition d’avoir des produits agricoles qui se différencient autrement que par le prix. Cela justifierait l’existence d’un prix minimal au regard des caractéristiques supérieures du produit ou de sa qualité essentielle.
Par ailleurs, le concept même de prix plancher repose sur une hypothèse forte et très restrictive : que les couts des différents exploitants agricoles soient assez homogènes, quelle que soit leur zone de production. Or les conditions locales, climatiques ou la simple topographie sont nettement différentes selon la région de production. Dans la filière laitière, les coûts de production varient du simple au double. Dans ce cas, sur quel niveau de coût s’aligner et donc quel niveau de prix plancher ?
La notion de prix plancher soulève d’ailleurs des enjeux juridiques : elle peut conduire plusieurs acteurs à s’entendre de fait sur des prix. Or, les ententes sont interdites du point de vue du droit de la concurrence. Cela incite les principaux acteurs sur le marché, peu nombreux dans la grande distribution, à s’accorder sur des niveaux d’achats et des prix et les conséquences peuvent s’avérer à terme contre-productives. En effet, les distributeurs peuvent être plus incités encore à avoir des prix d’achat quasi identiques, le prix plancher donnant un signal. Dans ce cas, le mécanisme stimulant de la concurrence du côté de la demande qui peut pousser les prix d’achat vers le haut peut se gripper (le producteur vendrait en théorie au plus offrant).
Outre le droit européen, il faudra aussi composer avec les accords de libre-échange qui comportent des allègements, si ce n’est des suppressions, de contraintes douanières ou fiscales. Cela va bien évidemment à l’encontre des velléités protectionnistes ou même de souveraineté nationale. L’idée est de permettre d’échanger des productions agricoles étrangères contre d’autres types de produits comme le fait par exemple l’Allemagne. Dans le cas français, ce sont bien nos productions agricoles qui risquent de pâtir de cette concurrence directe des produits importés.
Dans cette approche fondée sur la théorie des avantages comparatifs, chaque pays essaie de favoriser la performance de ses productions nationales disposant d’avantages relatifs. Tout l’enjeu pour les produits agricoles consiste à introduire des clauses miroirs pour que les pays importés soient soumis aux mêmes règles et contraintes que les produits nationaux, notamment en matière environnementale. Cela induit sinon une distorsion majeure de concurrence. En introduisant des prix planchers qui ne s’appliqueraient qu’aux productions nationales, on risque de rendre encore moins compétitifs sur notre sol nos produits agricoles et on renforcerait l’avantage comparatif du poulet ukrainien ou du sucre brésilien, par exemple.
Plusieurs experts rappellent l’existence d’autres dispositifs qui représentent une alternative plus pertinente. Un des dispositifs les plus aboutis existe dans le pays roi du marché et de la libre concurrence, à savoir les États-Unis. Les Américains ont mis en place depuis plusieurs années, au travers du Farm Bill, différents mécanismes permettant de compléter les prix offerts sur le marché. Des aides sont versées, sauf quand les prix deviennent plus rémunérateurs pour les paysans ou franchissent certains seuils. C’est une façon de « préserver » le revenu des agriculteurs américains, de limiter les effets de la volatilité et d’offrir un peu de prévisibilité et de stabilité. Un juste équilibre, sans doute, pour un secteur qui fait face à venir d’immenses défis, tant techniques et économiques qu’environnementaux.
L’instant était qualifié d’historique par Ursula von der Leyen, elle-même. En décembre 2022, la présidente de la Commission européenne se félicitait de l’accord de Kunming-Montréal sur la biodiversité, dont la protection, soulignait-elle, est capitale à l’heure où « la moitié du PIB mondial dépend des services écosystémiques ». Les objectifs de ce traité étaient aussi précis qu’ambitieux : la protection de 30 % des zones terrestres et marines mondiales et la restauration de 30 % des écosystèmes dégradés. Un an et demi plus tard, à l’échelle européenne, le report de mesures phares (4 % de terres arables en jachère, interdiction du glyphosate, diminution de l’usage des pesticides…) semble cependant sonner le glas d’une telle ambition. De quoi nous interroger : si les enjeux de protection de la biodiversité sont colossaux, les politiques qui la concernent sont-elles condamnées à cet incessant mouvement d’avancées trop rapidement qualifiées d’historiques et de reculs ? Comment comprendre de tels rétropédalages ?
dans The Conversation France
On explique souvent ces revirements par les limites évidentes d’un système influencé par les intérêts commerciaux et financiers, mais une autre explication est peut-être à trouver dans la vision de l’écologie qui transparaît derrière ces ambitions : celle d’un humain forcément destructeur de la biodiversité. Partant d’un tel a priori, il convient de compartimenter l’espace, d’isoler l’humain de la « Nature » remarquable (dans la stratégie pour la biodiversité 2030 par exemple) et de lui imposer des règles pour l’empêcher de détruire les autres espaces, via les lois sur la restauration de 2023 par exemple. Cette écologie, qui ignore le poids des contextes socio-écologiques comme les dimensions géographiques et territoriales des problèmes, n’a guère de chance de réussir. Voici pourquoi.
L’objectif phare de la stratégie biodiversité 2030 de l’Union européenne consiste à protéger 30 % des terres et des mers de l’Union européenne, dont le tiers en protection stricte.
Cet objectif répond-il à une nécessité identifiée par les scientifiques ? il est permis d’en douter. De nombreux travaux d’écologues, s’ils soulignent les résultats obtenus pour la conservation d’espèces et d’écosystèmes remarquables,constatent dans le même temps que les aires de protection ne font souvent qu’atténuer la perte de biodiversité. Elles s’avèrent en outre peu adaptées au contexte du changement climatique qui devrait entraîner un déplacement des aires de répartition des espèces et des écosystèmes. Dès lors, est-il judicieux de se focaliser sur des aires de protection alors que 60 % des espèces actuellement présentes dans les aires de protection européennes ne bénéficieront plus d’un climat adapté en 2080 ?
Cet objectif possède en outre l’inconvénient de concentrer l’attention et les crédits sur la biodiversité remarquable alors que depuis plus de 20 ans les travaux des écologues ont montré le rôle décisif de la biodiversité ordinaire dans le maintien de l’ensemble du vivant.
De plus, les aires de protection restent peu connectées entre elles car entourées d’espaces longtemps délaissés par les politiques de protection.
Une telle démarche avait déjà été critiquée lors de la COP15 par nombre d’associations la considérant comme une émanation de la pensée conservationniste étasunienne, reposant sur la patrimonialisation d’une nature sauvage largement fantasmée. Or l’histoire nous montre que la réalisation d’une telle vision, s’est souvent traduite par la spoliation des terres des communautés locales. Elle paraît donc aujourd’hui inadaptée à bien des situations dans lesquelles les communautés locales vivent en partie de la biodiversité et l’entretiennent avec attention.
Pour les espaces « ordinaires » (notamment les espaces agricoles dégradés), l’UE s’appuie sur une approche de type « land sharing » selon laquelle l’ensemble des espaces doit combiner biodiversité et production agricole : introduction de surfaces d’intérêts ecologiques (haies, bandes enherbées, bosquets…), diminution de 50 % des pesticides, 25 % d’agriculture biologique sur l’ensemble du territoire. Là encore, de nombreux travaux d’écologues et d’agronomes discutent le bien-fondé d’une telle approche.
Une étude récente menée au niveau européen montre que la coexistence d’espaces d’agriculture bio et conventionnelle adaptée est à privilégier et à équilibrer à l’échelle des territoires, tant en termes de productions agricoles qu’en termes de biodiversité, s’approchant ainsi plus du « land sparing » qui vise à compartimenter les espaces agricoles et les espaces réservés à la biodiversité. Certains auteurs plaident également au niveau international pour une telle approche. Le débat est ainsi loin d’être clos sur le sujet dans la communauté scientifique avec nombre de travaux avançant l’idée d’une cohabitation des deux modèles en fonction des contextes propres aux différents socio-écosystèmes.L’étude de l’Inrae de 2019 sur le carbone dans le sol, indicateur important pour la biodiversité et pour la transition énergétique, conclut ainsi que « La solution la plus efficace est une combinaison de bonnes pratiques aux bons endroits, où chaque région contribue en fonction de ses caractéristiques ».
Faut-il dès lors imposer, sur l’ensemble d’un continent européen morcelé par l’histoire et la géographie, une approche uniformisante fondée sur une démarche quantitative à base d’objectifs chiffrés, de critères, et d’indicateurs bien peu pertinents pour caractériser les dynamiques du vivant et leurs multiples déclinaisons en fonction de contextes variés ?
Ouvrir le débat est d’autant plus nécessaire que la stratégie européenne en faveur de la biodiversité peine à susciter l’adhésion.
Ses critères et indicateurs manquent également de justifications scientifiques. Protection légale de 30 % de la superficie terrestre, protection stricte de 30 % des zones protégées ; veiller à ce que 30 % des habitats dégradés atteignent un état favorable ; réduire de moitié l’utilisation de pesticides chimiques, gérer un quart des terres agricoles en agriculture biologique ; réduire l’utilisation des engrais de 25 %… L’accumulation des chiffres n’est pas une garantie de scientificité et le flou masque mal les approximations.
Le chiffre de 30 % est déjà considéré par certains comme insuffisant car il ne constituerait qu’une étape vers les 50 % – le « Half Earth » cher au biologiste américain E.O. Wilson. On ignore également ce que recouvre le terme « protection stricte » : libre évolution ou gestion conservatoire ? et qu’est-ce qu’un état favorable ? Certains, comme l’UICN, parlent de « protection stricte » (Zones I et II de la nomenclature UICN), quand les autres parlent de « protection forte » sans non plus définir véritablement ce terme. Ainsi, en France, par exemple, l’OFB parle de 1,8 % du territoire national en protection forte, le gouvernement de 4,2 %.
Faute d’avoir été discutés, ces critères et ces indicateurs apparaissent comme une norme imposée d’en haut sans véritable fondement. L’approche quantitative est vite considérée comme technocratique et mise en cause dans son application : il ne suffit pas, par exemple, de planter une haie pour accroître la biodiversité ; il faut encore la planter avec des espèces différenciées, l’entretenir, la tailler au bon moment, hors des périodes de nidification, qu’elle soit connectée à d’autres haies, bref il faut avoir envie d’entretenir la haie. La quantité ne remplace pas la qualité.
Une telle approche par les seuls indicateurs ne fait au final que des mécontents : les agriculteurs conventionnels qui considèrent les normes comme des handicaps et les agriculteurs engagés dans la transition qui ne bénéficient pas du soutien qu’ils attendent. La démarche top-down se solde alors soit par des reculades comme celle que nous voyons actuellement, soit par des compromis boiteux tel celui qui fut adopté pour le Parc national des forêts en France avec l’autorisation d’exploitation du bois dans la zone cœur du parc et de la chasse dans la réserve dite intégrale normalement exempte de toute activité anthropique. Un compromis entre l’état et les acteurs locaux de la chasse et de la filière-bois qui marque, selon certains juristes, une régression du droit de l’environnement.
Tous ces débats qui traversent le monde scientifique permettent d’esquisser une autre démarche que celle adoptée par l’UE.
Davantage qu’un plan d’action prédéfini, c’est d’une démarche réellement stratégique dont l’Europe a besoin. Il faut bien évidemment développer l’agriculture écologique mais fixer un seuil de 25 % sans connaître l’état futur du marché et de la demande revient à prendre un risque considérable pour la filière agroécologique. Les épisodes récents avec la guerre en Ukraine et la crise agricole soulignent que le réel n’est que rarement conforme aux plans d’action.
Pour que cette stratégie soit efficace, elle se doit également de susciter l’adhésion, de favoriser les engagements en faveur du vivant. Tous les travaux de recherche fondés sur l’étude de cas pratiques soulignent combien l’adhésion des populations est une condition du succès des actions entreprises. Pourquoi ne pas valoriser davantage l’agriculture de conservation et les pratiques innovantes qui, dans l’agriculture productiviste, permettent de limiter les impacts négatifs voire de protéger un compartiment essentiel de la biodiversité à savoir le sol ? Mieux cibler par ailleurs les aides aux agriculteurs engagés dans la transition, leur assurer une visibilité à long terme est également indispensable.
Sortir enfin d’une démarche qui individualise les choix, qui laisse les agriculteurs souvent seuls face aux difficultés pour soutenir les initiatives territoriales qui existent déjà ou qui cherchent à se développer et qui associent agriculture écologique – biodiversité – alimentation et santé. De tels dispositifs existent déjà (Territoires engagés pour la Nature, territoires à énergie positive…) mais restent peu soutenus et peu reconnus. Les développer et les soutenir constituerait un levier d’action pertinent et permettrait la structuration des réseaux d’acteurs motivés.
La politique de l’Union européenne, dans le droit fil de la COP 15, résulte très largement d’une expertise, celle des grandes ONG, qui masque les débats et les interrogations traversant le monde scientifique. Ces débats laissent entrevoir en creux la possibilité d’une écologie humaniste qui prenne en compte les dynamiques en partie incertaines du vivant (humain compris), la diversité des contextes et des histoires et la nécessité de rassembler les énergies pour dépasser les blocages et les verrouillages. Si l’on veut bien sortir d’une approche qui fonctionne de manière indifférenciée avec des objectifs, des critères et des indicateurs, guère pertinents pour tracer les chemins du changement, peut-être pourra-t-on alors dépasser les fausses oppositions, les manipulations et les simplifications et laisser place aux vraies questions.
Agriculture–Souveraineté, tarif plancher, clause miroir : des slogans Acculé par la crise agricole, le pouvoir sort de son chapeau des remèdes miracles notamment les mesures phares : la souveraineté, les tarifs plancher et les clauses miroir. Autant de mesures complètement bidons. D’abord la souveraineté totale qui implique la fermeture des frontières ( réclamé par l’extrême droite, l’extrême gauche et les démagos). Il est impossible et ridicule de vouloir produire 100 % des besoins alimentaires. Tout simplement d’abord parce que nous avons besoin de produits alimentaires qu’on ne peut produire en France compte tenu du climat. Ensuite parce que la France est exportatrice de nombreux produits agricoles. De toute manière la fermeture des frontières signifierait aussi la fin des exportations et la misère assurée. Comme à Cuba où le salaire moyen dépasse à peine 30 € par mois.
De la même manière, les tarifs planchers sont une illusion et une grande confusion entre indicateurs de couts et indicateurs de prix. Une mesure qui ne vaudrait que si elle était européenne. Et encore ! L’indicateur de coût constitue un outil d’information pour permettre la négociation. C’est autre chose que de fixer des prix qui renvoient à l’économie administrée. On peut parier que l’Europe n’acceptera jamais ce concept de prix imposés. Au mieux on pourra déboucher sur des indicateurs de goût et des tarifs de référence non imposables comme cela s’est produit dans le secteur des transports marchandises. On est loin des tarifs planchers administrés.
Quant aux clauses miroirs, c’est un miroir aux alouettes. En effet, il s’agit d’imposer nos conditions sanitaires, environnementales et sociales à des pays qui ont un urgent besoin de développement et qui par ailleurs ont par exemple des couts inférieurs de 50 % à 80% à ceux des pays développés ( des salaires de 300 € pour 1500 € dans l’union européenne).
La crise va donc durer car les pouvoirs publics plongent dans la démagogie tandis que les organisations professionnelles agricoles adoptent des positions corporatistes illusoires. Assurer par exemple un revenu aux agriculteurs n’est qu’un slogan sans approfondissement et pertinence du contenu.
Dans une interview accordée à La Tribune, Hervé Lapie, secrétaire général de la FNSEA, revient sur les récentes annonces du gouvernement à propos des prix plancher. En réalité pas véritablement une tarification obligatoire même pas un tarif de référence mais plus précisément des indicateurs de couts. En clair, la FNSEA refusent à juste titre une gestion administrative des prix qui enfoncerait encore un peu plus l’agriculture française.
Que pensez-vous des prix planchers proposés par le président ?
Nous restons dans l’état d’esprit des états généraux de l’alimentation. Ils avaient fait ressortir la nécessité d’indicateurs de coûts de production fixés en amont des négociations commerciales avec les industriels et la GMS.
Vous souhaitez donc les généraliser sans les rendre contraignants ?
On est dans une économie de marché, français et européen. Ce ne serait pas tenable, y compris par rapport au droit de la concurrence, d’établir des prix administrés planchers en France. Mais si dans les indicateurs de coûts de production, on peut mettre de 70 à 80 % des coûts de production et 20 % de prix de marché, c’est peut-être la bonne stratégie.
Le Premier ministre recevra la semaine prochaine les ONG, très remontées à cause des annonces du gouvernement et de l’Union européenne en matière environnementale. Est-ce que cela vous inquiète?
Tout le monde a le droit d’exister, nous sommes dans une démocratie. Nous voulons continuer de progresser sur l’utilisation des produits phytosanitaires, et que les transitions soient accompagnées financièrement. Mais nous réclamons un modèle partagé permettant à tous les agriculteurs européens d’être à peu près au même niveau. Nous voulons avoir tous les mêmes moyens de production et de défense des cultures en Europe, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Nos collègues européens bénéficient de beaucoup de dérogations que nous n’avons pas en France. Dans des filières comme l’endive, la chicorée, les plantes aromatiques, la cerise, bientôt les céréales ou les betteraves, nos collègues allemands peuvent recourir à des néonicotinoïdes interdits en France. Face à ces impasses franco-françaises, notre objectif est de repartir sur une stratégie européenne, et de construire un indicateur du plan Ecophyto montrant aussi les progrès qui sont faits par les acteurs. On a réduit de 90 % les molécules les plus dangereuses.
Il ne s’agit pas de raser gratis sur le plan Ecophyto. Je suis aussi agriculteur, je fais recours aux produits phytosanitaires, mais le moins j’en utilise, le mieux c’est aussi pour ma santé, pour mon environnement et pour mon porte-monnaie.
Le pacte écolo-agricole est à repenser au niveau français et européen, estime, dans sa chronique, Françoise Fressoz, éditorialiste au « Monde ».
La crise agricole qui a éclaté à l’aube de la campagne des élections européennes de juin est un bon indicateur des dynamiques en présence. La rapidité avec laquelle les syndicats agricoles ont obtenu gain de cause sur l’allègement des normes environnementales, la fin de l’indicateur d’usage des pesticides français, le NODU, ou encore la possibilité de déroger aux obligations de jachère est une défaite pour les écologistes. Le revers est pour eux d’autant plus rude que l’opinion publique française, par ailleurs sensibilisée aux enjeux du changement climatique, soutient très majoritairement le mouvement des agriculteurs.
Simultanément, le concept de souveraineté progresse à pas de géant. La crise liée au Covid-19, les tensions géopolitiques nées de la guerre en Ukraine ont changé l’ambiance qui prévalait lors du scrutin européen de 2019, alors marqué par le succès des marches pour le climat. Le retour de la guerre en Europe est venu rappeler que l’alimentation est un enjeu stratégique, au même titre que l’armement ou les matières premières.
La France, pas plus que l’Union européenne (UE), ne peut prendre le risque de tomber sous la dépendance de forces hostiles qui, en contrôlant les cours, exerceraient une pression insupportable sur sa population.
Dès 2022, sous le gouvernement d’Elisabeth Borne, le ministère de l’agriculture et de l’alimentation s’est vu rebaptisé « ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire », alors que le secteur, encore fortement exportateur, souffre d’une perte de compétitivité. La rhétorique, depuis, s’affirme : samedi 24 février, lors de sa visite mouvementée au Salon de l’agriculture, Emmanuel Macron, accédant à une revendication de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), a indiqué que le futur projet de loi reconnaîtrait « notre agriculture comme un intérêt général majeur de la nation française », ce qui permettra, selon lui, de la protéger « de manière ferme et solide ».
Le résultat le plus tangible de cette évolution est que le consensus sur lequel reposaient la politique agricole commune et le Pacte vert européen n’est plus de mise. Le ministre de l’agriculture, issu du MoDem, Marc Fesneau, le dit de plus en plus ouvertement lorsqu’il proclame qu’il « faut sortir d’une logique qui est explicite ou implicite ou sous-jacente de décroissance ». Emmanuel Macron enfonce le clou, en soulignant dans un entretien au Figaro : « On a sauvé notre politique agricole commune, mais elle a été pensée de manière encore trop décroissante. »