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Fin de la Nupes aux Européennes ?

Fin de la Nupes aux Européennes ?


Mélenchon a déclaré que ce pourrait être la fin de l’ONU paisse si chaque famille la constituant présenter des listes séparées aux élections européennes.

Pourtant le leader de la Nupes sait bien qu’il y a une grande différence entre des européennes à un tour et des présidentielles à deux tours.
Les opposants à une liste unique ne manquent pas de souligner que les mêmes sondages prédisent que quatre listes de gauche séparées enverraient au final plus d’eurodéputés qu’une liste unique, même si aucune ne pourrait briguer la pôle position. «Je suis d’accord pour une candidature commune en 2027», a toutefois répété Marine Tondelier cette semaine.

Quant à savoir s’il excluait «totalement» de se présenter à la prochaine présidentielle, Jean-Luc Mélenchon, trois fois candidat et qui a fini troisième en 2022, a répondu «personne ne peut dire ça. En toutes circonstances, je jouerai un rôle». Une manière de ne pas vraiment répondre car l’environnement politique pourrait changer d’ici là avec notamment un candidat crédible à gauche n’appartement pas à la NUPES .

Pour la fin des plastiques d’origine pétrolière

Pour la fin des plastiques d’origine pétrolière

Par Frédéric Van Gansberghe, CEO de Futerro
dans la Tribune

En tant que pionnier et expert en matière de PLA (acide polyactique), nous sommes particulièrement préoccupés par l’inaction de l’Union Européenne et de la France en matière de promotion des plastiques biosourcés. Alors que les États-Unis ont récemment annoncé leur intention de sortir des pétro-plastiques dans les vingt prochaines années pour se diriger vers des solutions d’origines organiques, l’Europe reste à la traîne. Il est de notoriété commune que les plastiques biosourcés pourraient offrir une alternative durable aux plastiques d’origine fossile, contribuant ainsi à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à lutter contre le changement climatique. Cette option, en effet d’origine biosourcée est dans la majorité des cas recyclable par voie mécanique et chimique et dans certains compostables (industriellement). Cependant, malgré ces avantages, l’Union Européenne ne prend pas suffisamment de mesures pour promouvoir l’utilisation de plastiques biosourcés en Europe. Malgré les ambitions du « Green Deal » qui prévoit la neutralité carbone d’ici à 2050 et du « Circular Economy Action Plan » qui souhaite supporter le développement de la bio-industrie, les actions concrètes manquent, au même titre que des engagements forts.

Les plastiques biosourcés absents des prises en compte dans l’emballage
Après avoir fermé le développement des bioplastiques dans le secteur des plastiques à usage unique (SUPD), l’Europe prévoit d’interdire le développement de ce nouveau secteur dans le packaging qui représente plus de la moitié du marché des bioplastiques. Via le PPWR (Règlement européen sur les emballages et déchets d’emballages) actuellement en négociation, l’idée est de promouvoir l’utilisation du recyclage, qui est une solution louable, mais ne prévoit aucun cadre pour les plastiques biosourcés même.

Ce texte ne considère pas, avec le même intérêt, l’incorporation dans les emballages, du contenu biosourcé avec celui du contenu recyclé. Or les plastiques biosourcés peuvent parfaitement être recyclés dans les systèmes de recyclage existants. De plus, ils offrent une alternative durable et sûre pour les applications d’emballage où la réutilisation n’est pas une option, en particulier lorsque des exigences strictes en matière de sécurité alimentaire et de santé des consommateurs doivent être respectées.

Aucune différence n’est faite quant à la nature du plastique dans son réemploi
Dans la même dynamique, la loi AGEC en France et le décret n°2021-516 fixent comme objectif d’atteindre la fin de la mise sur le marché d’emballages en plastique à usage unique d’ici 2040. Pour y parvenir, la loi précise une méthode de sortie définie via des décrets quinquennaux prévoyant des objectifs dits « 3R », de réduction, de réemploi et de recyclage des emballages en plastique. Le premier décret 3R pour la période 2021-2025 a été publié en avril 2021.

Or, cette loi et le décret s’y rapportant ne prévoient aucune différence quant à la nature du plastique et traitent de la même manière les plastiques biosourcés alors qu’ils sont reconnus pour participer à l’économie circulaire. Pire, certains articles restrictifs limitent considérablement le développement de matériaux innovants biosourcés.

L’Europe doit incarner la neutralité carbone face à la Chine et aux USA
Il est d’autant plus triste de voir que de nombreux investissements ont été faits par l’UE et la France afin de développer une filière forte autour des biomatériaux et de la bioéconomie en supportant massivement divers projets de R&D, mais qui finalement, se voient bloquer l’accès au marché par des règlementations dissonantes et schizophréniques par rapport aux ambitions de neutralité carbone.

J’appelle les décideurs européens à prendre des mesures concrètes pour promouvoir l’utilisation de bioplastiques. Il leur faut continuer à encourager la recherche et le développement, mais aussi et surtout soutenir l’implantation de projet industriel Européen, permettant d’assurer, à plus long terme, une indépendance économique face à des forces émergentes telles que la Chine et les Etats-Unis.

Nous sommes convaincus que les bioplastiques peuvent et vont contribuer de manière significative à la création d’une économie circulaire plus durable et plus résiliente en Europe, la seule question est de savoir s’il ne sera pas trop tard lorsque les décideurs politiques auront pris conscience de l’impact de leurs décisions ces dernières années.

Il est temps pour l’UE de prendre des mesures ambitieuses pour encourager leur adoption. Nous sommes prêts à travailler avec les décideurs européens pour concrétiser cette vision et faire de l’Europe un leader mondial de la transition vers les plastiques bio renouvelables

Démantèlement du fret SNCF : Avant-dernier coup avant la fin ?

Démantèlement du fret SNCF : Avant-dernier coup avant la fin ?

La réduction et la filialisation de fret SNCF pourrait bien être l’avant-dernier coup avant la fin de la SNCF. Une entreprise déjà concurrencée sur la grande vitesse mais aussi sur les transports régionaux. L’entreprise nationale a progressivement abandonné d’abord le transport de marchandises expresse, puis le transport de messagerie et s’apprête à abandonner une partie du fret.

Sur la tendance l’entreprise SNCF pourrait bien avoir disparu d’ici 20 ou 30 ans. En cause une politique très contradictoire du gouvernement depuis toujours, une certaine inadaptation de l’entreprise en matière commerciale et de gestion et un climat social particulièrement agité et assez souvent irresponsable.

Clément Beaune, le ministre des Transports discute avec la Commission européenne d’une solution dite « de discontinuité » pour la filiale de fret de la SNCF. Afin d’éviter le remboursement de 5,3 milliards d’euros d’aides jugées indues par Bruxelles – et donc la disparition pure et simple – il propose une liquidation de Fret SNCF (et donc de sa dette) et la création d’une nouvelle structure qui devrait avoir un périmètre différent. La nouvelle société aurait, en l’état actuel des négociations, 20% de chiffre d’affaires en moins. Les contrats concernés devraient échoir à la concurrence, après appel d’offres.

La part modale du transport de marchandises par le train remonte légèrement, mais elle n’est toujours que de 10% en France, contre 18% en Allemagne.

Ferroviaire SNCF: la fin du fret ?

Ferroviaire SNCF: la fin du fret ?

Bruxelles pourrait bien imposer une pénalité à la SNCF qui peut condamner le transport de marchandises. Un transport qui déjà depuis des années et des années ne cesse de perdre des parts de marché. Finalement le fret SNCF pourrait bien suivre l’exemple du Sernam, ancienne filiale de transport de messagerie qui a progressivement disparu.

Clément Beaune,Le ministre des transports, a exposé son plan pour éviter que la Commission européenne n’impose une pénalité qui amènerait à la liquidation de cette société appartenant à 100% à la SNCF. Cela consiste à créer une entreprise qui n’ait pas de lien avec Fret SNCF. Du coup, elle portera un autre nom. Elle sera toujours publique, c’est-à-dire contrôlée majoritairement par la SNCF.

En revanche, cette nouvelle société devra céder à des concurrents (Europorte, ECR…) les marchés de trains qui convoient des marchandises pour un seul chargeur. Soit à peu près 20% du chiffre d’affaires de Fret SNCF. Du coup, 470 postes seront supprimés.

Il n’y aura pas de licenciements. Les cheminots seront reclassés dans d’autres filiales du groupe ferroviaire (SNCF Voyageurs, SNCF Réseau…). Autre option: s’ils sont volontaires, ils pourront rejoindre les opérateurs qui récupéreront ces marchés et qui auront donc besoin de personnel, et notamment des conducteurs de train.

En montrant ainsi patte blanche, l’État espère convaincre d’ici à la fin de l’année Bruxelles de ne pas infliger de pénalité à Fret SNCF. Pour montrer que le fret ferroviaire reste une priorité, il promet d’investir 4 milliards supplémentaires entre 2023 et 2032 dans des infrastructures dédiées (gares de triage de ferroutage, rénovation de tunnels ferroviaires…).

SNCF: la fin du fret ?

SNCF: la fin fu fret ?

Bruxelles pourrait bien imposer une pénalité à la SNCF qui peut condamner le transport de marchandises. Un transport qui déjà depuis des années et des années ne cesse de perdre des parts de marché. Finalement le fret SNCF pourrait bien suivre l’exemple du Sernam, ancienne filiale de transport de messagerie qui a progressivement disparu.

Clément Beaune,Le ministre des transports, a exposé son plan pour éviter que la Commission européenne n’impose une pénalité qui amènerait à la liquidation de cette société appartenant à 100% à la SNCF. Cela consiste à créer une entreprise qui n’ait pas de lien avec Fret SNCF. Du coup, elle portera un autre nom. Elle sera toujours publique, c’est-à-dire contrôlée majoritairement par la SNCF.

En revanche, cette nouvelle société devra céder à des concurrents (Europorte, ECR…) les marchés de trains qui convoient des marchandises pour un seul chargeur. Soit à peu près 20% du chiffre d’affaires de Fret SNCF. Du coup, 470 postes seront supprimés.

Il n’y aura pas de licenciements. Les cheminots seront reclassés dans d’autres filiales du groupe ferroviaire (SNCF Voyageurs, SNCF Réseau…). Autre option: s’ils sont volontaires, ils pourront rejoindre les opérateurs qui récupéreront ces marchés et qui auront donc besoin de personnel, et notamment des conducteurs de train.

En montrant ainsi patte blanche, l’État espère convaincre d’ici à la fin de l’année Bruxelles de ne pas infliger de pénalité à Fret SNCF. Pour montrer que le fret ferroviaire reste une priorité, il promet d’investir 4 milliards supplémentaires entre 2023 et 2032 dans des infrastructures dédiées (gares de triage de ferroutage, rénovation de tunnels ferroviaires…).

Vers la fin d’Erdogan (Turquie)

Vers la fin d’Erdogan (Turquie)

par
Ahmet Insel
Économiste, politologue, professeur émérite à l’Université Galatasaray, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne dans the Conversation


En Turquie, les élections présidentielle et législatives de mai 2023 (premier tour le 14 mai pour les deux, second tour le 28 pour la présidentielle) auront un caractère de référendum. Les électeurs sont, en effet, appelés à choisir entre deux voies politiques opposées.

En votant à la présidentielle pour Recep Tayyip Erdogan et aux législatives pour les partis de l’Alliance populaire constituée autour de lui et de sa formation l’AKP (Parti de la justice et du développement), ils soutiendront la consolidation d’un régime autocratique mettant en œuvre une politique répressive nationale-islamiste.

L’autre option est de voter pour le retour à la démocratie, à l’État de droit et au régime parlementaire. Le chef du Parti républicain du peuple (CHP, républicain, social-démocrate et laïc) Kemal Kiliçdaroglu incarne cette seconde option, qui signifierait la fin de l’erdoganisme, régime taillé sur mesure pour le pouvoir d’un seul homme. Pour la première fois, une très large coalition – la Table des Six, réunie autour du CHP, se présente unie face à Erdogan et son régime. Sera-ce suffisant pour mettre fin à un système dont l’édification a démarré il y a vingt ans ?

Le glissement progressif vers l’autocratie a commencé après les élections législatives de 2011. Sorti victorieux pour la troisième fois des élections générales, Recep Tayyip Erdogan, premier ministre depuis 2003, commença alors à faire l’éloge d’un système présidentiel qui lui permettrait de « diriger le pays comme une société anonyme » et de « prendre des décisions le plus vite possible ». En 2014, pour la première fois, le président de la République doit être élu au suffrage universel. Erdogan se fait élire et déclare que désormais « le régime est devenu, de fait, présidentiel ».

La tentative de coup d’État du 15 juillet 2016 et le régime d’état d’exception qui a suivi lui donnèrent l’occasion de transformer cet état de fait en état de droit.

Grâce au soutien du parti d’extrême droite MHP, nouvel et indispensable allié de l’AKP pour conserver la majorité au Parlement, le régime présidentiel a été entériné de justesse (51,4 %) en avril 2017, à l’issue d’un référendum entaché d’irrégularités.

Une autocratie élective et répressive, sans séparation des pouvoirs, fondée sur une idéologie nationaliste-religieuse, une politique économique chaotique et une politique étrangère agressive et opportuniste s’est ainsi mise en place. Les réussites économiques d’antan ont laissé place à une grave crise marqu&ée par une très forte inflation, une croissance chaotique et la dépréciation vertigineuse de la livre turque.

Les tremblements de terre du 6 février 2023, qui ont causé des dizaines de milliers de morts, ont révélé toutes les faiblesses du système mis en place : l’incurie des institutions, les conséquences de l’hypercentralisation et du népotisme dans l’administration, les résultats des autorisations accordées à des fins électorales à des constructions non conformes aux normes antisismiques… C’est dans ce contexte que la Turquie est entrée dans la campagne électorale.

Erdogan, en perte de popularité et pour la première fois en position défensive, a dû élargir la coalition formée avec l’extrême droite – l’Alliance populaire – vers des partis très minoritaires se réclamant d’un fondamentalisme islamiste radical. Face à lui, une coalition formée à la veille des élections de juin 2018, l’Alliance de la Nation, s’est élargie à d’autres partis et est devenue, en février 2022, la « Table des Six ».

La première expérience de formation d’un front uni anti-Erdogan avait donné des résultats probants lors des élections municipales de 2019. Prenant appui sur cette réussite, le chef du CHP, Kemal Kiliçdaroglu, a imposé à son parti un aggiornamento pour former des alliances avec les partis conservateurs.

La Table des Six, ou l’Alliance de la Nation, regroupe donc le CHP, le Bon parti (droite nationaliste formée en partie des dissidents de MHP), deux partis libéraux et conservateurs créés par des dissidents de l’AKP, et un parti qui représente l’islamisme historique et très critique à l’égard de la corruption et du népotisme de l’AKP. Ces six partis ont désigné Kiliçdaroglu comme leur candidat pour l’élection présidentielle. Le parti pro-kurde de gauche HDP (Parti démocratique des peuples) qui représente au Parlement la majorité des électeurs kurdes (la population kurde est estimée autour de 18 %), ainsi que les différents courants de la gauche, ont aussi appelé à voter pour lui.

Voyant venir ce danger de front uni, Erdogan avait pourtant pris le soin auparavant de faire écarter de la course présidentielle le très populaire maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu (CHP), élu en 2019, en le faisant condamner en décembre 2022 à deux ans et sept mois de prison pour « insultes » à l’encontre de certains hauts fonctionnaires du régime. Le chef de l’État espérait voir la Table des Six se déchirer dans la recherche de son candidat à la présidentielle et finalement éclater. Sa stratégie a échoué et le large consensus réalisé autour d’un candidat anti-Erdogan unique a changé le contexte politique traditionnel dans lequel ce dernier avait l’habitude de manœuvrer facilement.

Depuis le virage vers un nationalisme religieux et autoritaire opéré par Erdogan au début de la décennie 2010, un des axes majeurs de sa stratégie politique a été d’attiser les fractures ethniques (Turcs-Kurdes), confessionnelles (sunnites-alévis) et culturelles (modernistes-conservateurs) qui travaillent la société.

Il se plaçait comme le leader naturel de la majorité sociologique turque, sunnite et conservatrice, accusant les représentants de l’opposition d’être des « diviseurs de l’unité nationale et confessionnelle », « le prolongement d’organisations terroristes » ou des agents de puissances étrangères ayant des visées sur la Turquie.

L’expression « authentique et nationale » devint son leitmotiv pour qualifier les actions de son gouvernement. Mais la composition des partis qui forment la Table des Six autour de Kiliçdaroglu, le soutien du mouvement kurde et des mouvements de gauche et la grave crise économique ont brouillé sa stratégie. La fracture entre les partisans et les adversaires d’Erdogan semble devoir surdéterminer l’issue des élections de mai 2023.

Avec une personnalité diamétralement opposée à celle d’Erdogan, Kilicdaroglu se positionne comme une « force tranquille » dans cette campagne électorale et a réussi à créer, ces dernières semaines, une vraie dynamique électorale. Il répond à l’aspiration d’une large partie de la population d’un retour à la quiétude, à une certaine normalité démocratique et à des politiques économiques plus rationnelles, moins chaotiques et imprévisibles par exemple au sujet des taux d’intérêt qu’Erdogan a fait passer en dessous de 10 % alors que le taux d’inflation s’approche de 100 %.

De son côté, le HDP, malgré la répression et les discriminations quasi quotidiennes qu’il subit, a réussi à former une alliance avec des petits partis de gauche pour les élections législatives. Et pour court-circuiter l’épée de Damoclès d’une dissolution par la Cour constitutionnelle à la veille du scrutin qui pèse sur lui depuis deux ans, il a pris la décision de se présenter aux élections sous les couleurs d’un autre parti, le Parti de la gauche verte. Cette alliance qui ne présente pas de candidat pour la présidentielle et appelle à voter Kilicdaroglu dès le premier tour aura aussi un rôle décisif à jouer dans la future assemblée. Le soutien de ses élus sera probablement nécessaire pour former une majorité parlementaire avec l’Alliance de la nation.

Le dénominateur commun de tous ces nouveaux mouvements de rapprochement est leur volonté de mettre fin au règne de vingt ans d’Erdogan, de revenir au régime parlementaire à travers un changement constitutionnel, de rétablir l’État de droit et les droits et libertés fondamentaux, de mettre fin à l’arbitraire, au népotisme, à la corruption et au recours à la religion comme instrument politique actif, et enfin de rétablir la confiance des acteurs économiques internationaux et de relancer les négociations avec l’UE, au point mort depuis plusieurs années.

Si l’opposition gagne ces élections, la tâche pour sortir du système légué par l’erdoganisme sera immense, et en tout état de cause la Turquie ne deviendra pas rapidement une démocratie apaisée. On ne peut qu’espérer que ce grand moment d’effervescence démocratique ne soit pas passager, comme ce fut le cas plusieurs fois dans le passé.

En revanche, en cas de nouvelle victoire d’Erdogan et de l’AKP, la Turquie s’engouffrera pour longtemps dans le camp des autocraties populistes et du national-capitalisme autoritaire. Les espoirs d’une sortie possible de l’autocratie par les élections seront affaiblis.

Et si l’opposition gagne mais Erdogan ne reconnaît pas les résultats des élections ou si le système juridique qu’il a mis en place annonce des résultats contraires ?

Cette question est bien sûr dans la tête de tous les électeurs de l’opposition en Turquie. Mais à part organiser une grande mobilisation civile pour assurer la sécurité du scrutin et réaliser un travail acharné pour convaincre les électeurs hésitants à voter pour le changement, tous les partis d’opposition sont unanimes pour ne pas parler de cette hypothèse sombre avant les élections.

D’abord pour ne pas effrayer les électeurs par un tel scénario du chaos, pour le moment hypothétique, et les dissuader ainsi d’aller voter ; ensuite, parce qu’il est impossible et surtout contreproductif de parler aujourd’hui des moyens et des modalités de lutte contre un tel coup de force qui signifierait qu’Erdogan aura franchi le Rubicon et se sera engagé dans la voie d’une dictature assumée comme telle. L’opposition aspire d’abord à gagner les élections dans les urnes ; il sera temps, alors, de prendre les mesures nécessaires pour que la volonté populaire soit respectée.

Politique-Vers la fin de la Macronie ?

Politique-Vers la fin de la Macronie ?

par
Pierre Bréchon
Professeur émérite de science politique, Sciences Po Grenoble, Auteurs historiques The Conversation France


Dans quelles conditions le second quinquennat d’Emmanuel Macron peut-il se poursuivre ? L’actualité sociale et politique permet de douter d’un déroulement politique serein au vu des nombreuses mobilisations, aussi bien sur le front social (mouvement contre la réforme des retraites) mais aussi écologique et politique, avec un fort bouleversement de la vie parlementaire et partisane.

Au cœur de la crise politique actuelle figure la personnalité du président, fortement décriée par ses adversaires politiques et également désormais critiqué à l’étranger. Le socialiste Boris Vallaud n’a ainsi pas hésité à qualifier le chef de l’État de « forcené retranché à l’Élysée ».

Comment comprendre cette situation et cette crispation un an après l’élection d’Emmanuel Macron pour un second mandat ?

Emmanuel Macron avait émergé de manière assez imprévue dans la campagne présidentielle de 2017. Ministre de l’Économie de François Hollande jusqu’à fin août 2016, il avait progressivement pris ses distances avec le camp socialiste avant de lancer son propre mouvement « En marche ».

En se présentant comme à la fois de gauche et de droite, en s’affirmant libéral en économie et sur les questions sociétales, mais favorable à des politiques sociales, soutenant clairement la construction européenne, il se proposait de bouleverser la politique française, publiant même un essai intitulé « Révolution ». Au programme : la promesse d’un nouveau monde.

Rejoint par un certain nombre de socialistes déçus par les fractures internes du parti entre socio-libéraux et frondeurs, Emmanuel Macron parvient peu à peu à rallier un électorat très composite malgré une forte abstention et créer un parti d’apparence solide, La République En Marche (LREM). Il est très largement élu (66,1 % des suffrages).

La stratégie d’Emmanuel Macron a reposé sur une forme de fracturation de l’ensemble partisan. Pour obtenir une majorité à l’Assemblée nationale en dépit d’un faible nombre de députés ralliés, il nomme le juppéiste Edouard Philippe et acquiert ainsi l’attention d’une certaine frange de la droite.

Le gouvernement, savamment dosé entre personnalités de gauche, du centre et de droite, annonce très vite des mesures populaires. Après un appel d’offres pour susciter des candidatures (15 000 recensées), il investit un candidat dans chaque circonscription, souvent des personnes peu connues et totalement novices en politique.

Contre toute attente, les candidats LREM obtiennent un très bon résultat (28,2 % des suffrages) auxquels il faut adjoindre 4,1 % pour ceux du MoDem. La nouveauté des candidats sur la scène politique a joué en leur faveur alors qu’un fort mouvement de « dégagisme » affectait les élus sortants, particulièrement ceux de gauche. Le deuxième tour confirme le premier et la République En Marche obtient 308 élus et le MoDem 42.

Il dispose donc d’une majorité absolue très conséquente pour appliquer ses réformes. Le système partisan français, qui reposait sur l’alternance au pouvoir de deux partis de gouvernement, est complètement chamboulé au terme de ce cycle électoral. Mais la nouvelle majorité réunit des sensibilités politiques très variées, ce qui laissait prévoir des divisions et d’éventuelles recompositions.

Au cours de la mandature, LREM a perdu des sièges et des partis satellites se sont développés, avec à la fois des députés sortants de LREM et d’autres quittant LR ou l’UDI.

Un groupe d’une vingtaine de députés LREM de centre gauche, qui voulaient davantage d’écologie et de social, prennent aussi leur indépendance en mai 2020, ce qui fait perdre à LREM la majorité absolue dont elle disposait à elle seule. Et Edouard Philippe, remplacé par Jean Castex comme Premier ministre, lance en 2021 le parti Horizons pour peser davantage au sein de la majorité.

LREM n’a pas su se structurer, ne conférant aucun pouvoir réel à ses adhérents. Fonctionnant comme un mouvement très vertical, à l’image du président jupitérien lui-même, le parti devient une coquille vide, avec très peu de militants. Et si ce parti a obtenu des résultats honorables aux élections européennes de 2019, ceux-ci ont été plutôt mauvais aux élections municipales de 2020 (11 % des suffrages avec le MoDem), ainsi qu’aux régionales et départementales de 2021 (environ 10 %).

Dès le début du quinquennat, le président engage des politiques économiques libérales, notamment l’abandon de l’ISF au profit d’un impôt peu productif sur la fortune immobilière et la création d’un prélèvement forfaitaire unique sur les revenus des placements financiers qui lui valent d’être souvent qualifié de « président des riches ».

Ces politiques doublées de mesures d’austérité (taxe carbone) ont provoqué le mouvement spontané de protestation sociale des « gilets jaunes » qui se développe à partir d’octobre 2018. Face à l’ampleur du mouvement, le pouvoir lâche progressivement du lest et lance un grand débat national sur la transition écologique, la fiscalité, les services publics et le débat démocratique. Au terme du processus, en avril 2019, il annonce des baisses d’impôts sur le revenu pour les classes moyennes et la réindexation des petites retraites. Le mouvement aura coûté cher aux finances de l’État (10 à 15 milliards) mais, contrairement aux espoirs de certains soutiens du mouvement, le président ne change pas sa méthode de gouvernance très verticale.

Edouard Philippe lance alors la réforme des retraites pour passer à un régime universel à points déclenchant un second grand mouvement social.

Malgré des manifestations réunissant jusqu’à 800 000 personnes, le gouvernement fait passer la loi en utilisant le 49.3 en première lecture à l’assemblée. L’examen de la réforme est suspendu du fait de la pandémie de Covid-19.

La pandémie et le choix du président de piloter lui-même la politique de lutte contre le nouveau virus, malgré des confusions initiales, des hésitations et l’émergence de thèses complotistes, donnent à Emmanuel Macron une nouvelle assise politique et une image de protecteur de la population.

La guerre en Ukraine lui est aussi favorable en pleine campagne électorale présidentielle. Elle génère un ralliement à celui qui incarne l’action et la coordination des pays européens contre l’agresseur russe.

Dans ce contexte, il est assez largement réélu début mai 2022 (58,55 % des suffrages exprimés) malgré une défiance accrue dans les institutions de la démocratie représentative et une forte abstention.

Mais entre la présidentielle et les législatives, la mécanique semble se gripper avec un président peu actif dans la préparation de l’élection des députés, qui met beaucoup de temps à choisir sa Première ministre et à concrétiser le début de son second mandat, alors que la gauche s’unit – à la hussarde – derrière Jean-Luc Mélenchon et en tire un grand bénéfice en sièges (131 députés de la Nupes). De l’autre côté du spectre, le RN a déployé ses forces de façon spectaculaire, obtenant 89 députés à l’Assemblée nationale.

La Macronie est à la peine. Le changement de nom de LREM pour Renaissance ne parvient pas à faire oublier le revers législatif : le président ne dispose que d’une majorité relative (245 élus alors que la majorité absolue est de 289 députés), rendant difficile l’exercice du pouvoir.

La majorité ne parvient pas à convaincre Les Républicains (74 élus), affaiblis, de conclure une alliance pour gouverner ensemble. Elle en est donc réduite à chercher des majorités au cas par cas pour faire voter des lois, un peu comme Michel Rocard pendant le second septennat de François Mitterrand.

Un an plus tard, le président, toujours aussi jupitérien malgré ses engagements à changer de méthode de gouvernance, ne semble pas tirer les conséquences de la nouvelle situation parlementaire, qui devrait inciter à chercher des compromis alors qu’il veut toujours imposer ses réformes, y compris celles qui sont très impopulaires comme en témoigne le long feuilleton de la réforme des retraites. La validation de la loi par le Conseil constitutionnel risque de ne pas calmer le mouvement syndical. L’exécutif dit qu’il veut apaiser, écouter et continuer les réformes, mais il semble complètement embourbé et on voit mal comment il va pouvoir faire voter des lois un tant soit peu novatrices.

La Macronie pourrait bien n’avoir été qu’une parenthèse dans la vie politique française, faute d’avoir construit un parti politique solide, capable de subsister après le départ de son fondateur.

Vers la fin de la Macronie ?

Vers la fin de la Macronie ?

par
Pierre Bréchon
Professeur émérite de science politique, Sciences Po Grenoble, Auteurs historiques The Conversation France


Dans quelles conditions le second quinquennat d’Emmanuel Macron peut-il se poursuivre ? L’actualité sociale et politique permet de douter d’un déroulement politique serein au vu des nombreuses mobilisations, aussi bien sur le front social (mouvement contre la réforme des retraites) mais aussi écologique et politique, avec un fort bouleversement de la vie parlementaire et partisane.

Au cœur de la crise politique actuelle figure la personnalité du président, fortement décriée par ses adversaires politiques et également désormais critiqué à l’étranger. Le socialiste Boris Vallaud n’a ainsi pas hésité à qualifier le chef de l’État de « forcené retranché à l’Élysée ».

Comment comprendre cette situation et cette crispation un an après l’élection d’Emmanuel Macron pour un second mandat ?

Emmanuel Macron avait émergé de manière assez imprévue dans la campagne présidentielle de 2017. Ministre de l’Économie de François Hollande jusqu’à fin août 2016, il avait progressivement pris ses distances avec le camp socialiste avant de lancer son propre mouvement « En marche ».

En se présentant comme à la fois de gauche et de droite, en s’affirmant libéral en économie et sur les questions sociétales, mais favorable à des politiques sociales, soutenant clairement la construction européenne, il se proposait de bouleverser la politique française, publiant même un essai intitulé « Révolution ». Au programme : la promesse d’un nouveau monde.

Rejoint par un certain nombre de socialistes déçus par les fractures internes du parti entre socio-libéraux et frondeurs, Emmanuel Macron parvient peu à peu à rallier un électorat très composite malgré une forte abstention et créer un parti d’apparence solide, La République En Marche (LREM). Il est très largement élu (66,1 % des suffrages).

La stratégie d’Emmanuel Macron a reposé sur une forme de fracturation de l’ensemble partisan. Pour obtenir une majorité à l’Assemblée nationale en dépit d’un faible nombre de députés ralliés, il nomme le juppéiste Edouard Philippe et acquiert ainsi l’attention d’une certaine frange de la droite.

Le gouvernement, savamment dosé entre personnalités de gauche, du centre et de droite, annonce très vite des mesures populaires. Après un appel d’offres pour susciter des candidatures (15 000 recensées), il investit un candidat dans chaque circonscription, souvent des personnes peu connues et totalement novices en politique.

Contre toute attente, les candidats LREM obtiennent un très bon résultat (28,2 % des suffrages) auxquels il faut adjoindre 4,1 % pour ceux du MoDem. La nouveauté des candidats sur la scène politique a joué en leur faveur alors qu’un fort mouvement de « dégagisme » affectait les élus sortants, particulièrement ceux de gauche. Le deuxième tour confirme le premier et la République En Marche obtient 308 élus et le MoDem 42.

Il dispose donc d’une majorité absolue très conséquente pour appliquer ses réformes. Le système partisan français, qui reposait sur l’alternance au pouvoir de deux partis de gouvernement, est complètement chamboulé au terme de ce cycle électoral. Mais la nouvelle majorité réunit des sensibilités politiques très variées, ce qui laissait prévoir des divisions et d’éventuelles recompositions.

Au cours de la mandature, LREM a perdu des sièges et des partis satellites se sont développés, avec à la fois des députés sortants de LREM et d’autres quittant LR ou l’UDI.

Un groupe d’une vingtaine de députés LREM de centre gauche, qui voulaient davantage d’écologie et de social, prennent aussi leur indépendance en mai 2020, ce qui fait perdre à LREM la majorité absolue dont elle disposait à elle seule. Et Edouard Philippe, remplacé par Jean Castex comme Premier ministre, lance en 2021 le parti Horizons pour peser davantage au sein de la majorité.

LREM n’a pas su se structurer, ne conférant aucun pouvoir réel à ses adhérents. Fonctionnant comme un mouvement très vertical, à l’image du président jupitérien lui-même, le parti devient une coquille vide, avec très peu de militants. Et si ce parti a obtenu des résultats honorables aux élections européennes de 2019, ceux-ci ont été plutôt mauvais aux élections municipales de 2020 (11 % des suffrages avec le MoDem), ainsi qu’aux régionales et départementales de 2021 (environ 10 %).

Dès le début du quinquennat, le président engage des politiques économiques libérales, notamment l’abandon de l’ISF au profit d’un impôt peu productif sur la fortune immobilière et la création d’un prélèvement forfaitaire unique sur les revenus des placements financiers qui lui valent d’être souvent qualifié de « président des riches ».

Ces politiques doublées de mesures d’austérité (taxe carbone) ont provoqué le mouvement spontané de protestation sociale des « gilets jaunes » qui se développe à partir d’octobre 2018. Face à l’ampleur du mouvement, le pouvoir lâche progressivement du lest et lance un grand débat national sur la transition écologique, la fiscalité, les services publics et le débat démocratique. Au terme du processus, en avril 2019, il annonce des baisses d’impôts sur le revenu pour les classes moyennes et la réindexation des petites retraites. Le mouvement aura coûté cher aux finances de l’État (10 à 15 milliards) mais, contrairement aux espoirs de certains soutiens du mouvement, le président ne change pas sa méthode de gouvernance très verticale.

Edouard Philippe lance alors la réforme des retraites pour passer à un régime universel à points déclenchant un second grand mouvement social.

Malgré des manifestations réunissant jusqu’à 800 000 personnes, le gouvernement fait passer la loi en utilisant le 49.3 en première lecture à l’assemblée. L’examen de la réforme est suspendu du fait de la pandémie de Covid-19.

La pandémie et le choix du président de piloter lui-même la politique de lutte contre le nouveau virus, malgré des confusions initiales, des hésitations et l’émergence de thèses complotistes, donnent à Emmanuel Macron une nouvelle assise politique et une image de protecteur de la population.

La guerre en Ukraine lui est aussi favorable en pleine campagne électorale présidentielle. Elle génère un ralliement à celui qui incarne l’action et la coordination des pays européens contre l’agresseur russe.

Dans ce contexte, il est assez largement réélu début mai 2022 (58,55 % des suffrages exprimés) malgré une défiance accrue dans les institutions de la démocratie représentative et une forte abstention.

Mais entre la présidentielle et les législatives, la mécanique semble se gripper avec un président peu actif dans la préparation de l’élection des députés, qui met beaucoup de temps à choisir sa Première ministre et à concrétiser le début de son second mandat, alors que la gauche s’unit – à la hussarde – derrière Jean-Luc Mélenchon et en tire un grand bénéfice en sièges (131 députés de la Nupes). De l’autre côté du spectre, le RN a déployé ses forces de façon spectaculaire, obtenant 89 députés à l’Assemblée nationale.

La Macronie est à la peine. Le changement de nom de LREM pour Renaissance ne parvient pas à faire oublier le revers législatif : le président ne dispose que d’une majorité relative (245 élus alors que la majorité absolue est de 289 députés), rendant difficile l’exercice du pouvoir.

La majorité ne parvient pas à convaincre Les Républicains (74 élus), affaiblis, de conclure une alliance pour gouverner ensemble. Elle en est donc réduite à chercher des majorités au cas par cas pour faire voter des lois, un peu comme Michel Rocard pendant le second septennat de François Mitterrand.

Un an plus tard, le président, toujours aussi jupitérien malgré ses engagements à changer de méthode de gouvernance, ne semble pas tirer les conséquences de la nouvelle situation parlementaire, qui devrait inciter à chercher des compromis alors qu’il veut toujours imposer ses réformes, y compris celles qui sont très impopulaires comme en témoigne le long feuilleton de la réforme des retraites. La validation de la loi par le Conseil constitutionnel risque de ne pas calmer le mouvement syndical. L’exécutif dit qu’il veut apaiser, écouter et continuer les réformes, mais il semble complètement embourbé et on voit mal comment il va pouvoir faire voter des lois un tant soit peu novatrices.

La Macronie pourrait bien n’avoir été qu’une parenthèse dans la vie politique française, faute d’avoir construit un parti politique solide, capable de subsister après le départ de son fondateur.

Intelligence artificielle : la fin du travail ?

Intelligence artificielle : la fin du travail ?


Le sociologue Juan Sebastian Carbonell dégonfle, dans une tribune au « Monde », le discours apocalyptique d’un remplacement des emplois par les machines, qui dissimule mal, selon lui, une crise du travail d’une tout autre nature.

C’est l’un des paradoxes actuel : au moment même où la question du travail redevient centrale en raison du mouvement social contre la réforme des retraites, on remarque un retour en force des discours sur la fin du travail. Futurologues, essayistes et journalistes se posent cette question : pourquoi se mobiliser contre le recul de deux ans de l’âge à la retraite, alors que l’intelligence artificielle (IA) va révolutionner le monde du travail ?

A en croire tribunes et prises de position, salariés et étudiants n’auraient pas compris où sont les vrais dangers du moment. Ils auraient même tort de manifester, car le recul de l’âge légal de départ à la retraite ne serait rien face aux dangers de l’intelligence artificielle ou de ChatGPT. On annonce alors la suppression de millions d’emplois sous les effets de l’IA et de ses avancées ; on parle d’une nouvelle révolution industrielle, de « désordres indescriptibles », d’un « bouleversement » sans précédent de la structure de l’emploi. Rien de moins.

Ces discours technofatalistes et apocalyptiques n’ont rien de nouveau. Après tout, à chaque révolution industrielle a été proclamée la disparition du travail et a été opposé le « progrès technologique » au bien-être des travailleurs et des populations, même si jamais de telles prédictions ne se sont confirmées.

Mais d’où viennent ces discours ? D’abord, d’entrepreneurs du secteur du numérique qui cherchent à faire parler de leurs services et à attirer des financements. C’est ce qui explique que les discours sur les révolutions technologiques sont hyperboliques et exagérément optimistes. Ce n’est donc pas un hasard si, après l’engouement autour de ChatGPT en début d’année, Microsoft a décidé d’investir 10 milliards de dollars (9,1 million d’euros) dans OpenAI, entreprise propriétaire du robot conversationnel.

Ensuite, de cabinets de conseil qui font leur miel de cette panique sur la fin du travail, vendant des « solutions IA » à des entreprises qui ne veulent pas être à la traîne sur un sujet présenté comme révolutionnaire dans les médias. Enfin, de « futurologues » et d’experts autoproclamés pour qui il s’agit de faire parler de leurs livres, d’être invités dans les médias et à donner des conférences.

Gaz: fin des tarifs réglementés pour Engie et augmentation des tarifs

Gaz: fin des tarifs réglementés pour Engie et augmentation des prix

Engie dont la gestion est particulièrement sulfureuse notamment parce que cette entreprise a participé à la crise du gaz par des choix stratégiques très douteux. Aussi par le fait qu’elle fait le grand écart entre des activités nucléaires, des activités polluantes et de nouvelles énergies. Quant à la gestion financière , elle est jusqu’alors assez approximative.

Maintenant, elle se précipite pour s’aligner sur la concurrence organisée par l’Europe sur le marché du gaz alors que le débat bat son plein concernant la régulation énergétique dans l’espace de l’union européenne.

L’objectif est clair permettre une libéralisation qui va produire une nette augmentation des tarifs anciennement réglementés.

Le 1er juillet, le tarif réglementé de vente (TRV) du gaz sera arrêté. Cette suppression a été actée par la loi énergie climat de novembre 2019, qui visait à mettre la France en conformité avec le droit européen concernant la concurrence sur le marché du gaz.

Impossible pour l’heure de savoir si la fin du TRV se traduira par une flambée de la facture du gaz en raison de la très grande volatilité des prix de celui-ci sur les marchés de gros. «Le prix de l’offre Passerelle ( offre de transition avant complète libéralisation) varie tous les mois. Les clients éligibles ont eu, entre mars et fin avril, un prix indicatif. Celui applicable au 1er juillet sera connu mi-juin», précise Engie. Il est aujourd’hui impossible d’affirmer que les factures des clients au TRV augmenteront… ou qu’elles baisseront.De quoi nourrir encore les critiques des organisations de consommateurs


LES AVIS NÉGATIFS DE 60 MILLIONS DE CONSOMMATEURS SUR ENGIE

Les clients Engie présents sur le forum de 60 millions de consommateurs font part de mécontentements ayant trait, principalement, aux sujets suivants :

La facturation : des échéances très importantes sont à régler en ce début d’année, liées à des régularisations basées sur une estimation erronée, des problèmes de relevés de compteur trop peu fréquents suite à la pandémie…
Des prélèvements bancaires dont le montant ne correspond pas à celui indiqué sur les factures, avec, pour certaines échéances, une absence de facture ;
Une augmentation inattendue du prix du kWh ;
Des problèmes de résiliation de contrat : délais importants, difficultés à joindre le service client ;
Le temps de traitement des réclamations.

Vitesse route : la fin des retraits de points pour les petits excès de vitesse en 2024

Vitesse route : la fin des retraits de points pour les petits excès de vitesse en 2024

Nouvelle décision idiote du ministre de l’intérieur qui décide de ne plus retirer de point pour les dépassements de vitesse inférieure à 5 km/h mais qui maintient cependant l’infraction. Bref, une décision idiote qui succède à une autre qui l’était encore davantage. Notons que plus de 60 % des infractions relevées concernent des dépassements de l’ordre de 5 km/h !

Il y a quelque chose d’anachronique vis-à-vis de l’automobile dont la plupart des modèles peuvent maintenant rouler entre 160 et 250 km/h mais qui peuvent être sanctionnés pour un dépassement de moins de 5 km/h. En outre, une régulation de la vitesse certes nécessaire mais une moyenne sur chaque catégorie de routes quand il faudrait en fait s’adapter à chaque portion.

Ainsi il est particulièrement dangereux de rouler à 80 sur de petites routes dangereuses, même une vitesse de 60 km/h peut comporter des risques. Inversement, il était idiot de limiter à 80 sur des routes à caractère national ( y compris les départementisées pour des questions financières et de compétences)
.
«Il ne s’agira pas de dépénaliser ces infractions qui demeureront sanctionnées par une amende», a indiqué le ministre de l’Intérieur dans un courrier.

Les petits excès de vitesse ne seront plus sanctionnés par un retrait de point à compter du 1er janvier 2024, a annoncé le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin dans un courrier à la sénatrice LR du Var Françoise Dumont, daté du 11 avril.

Il s’agit «d’introduire une indulgence administrative à l’égard de ces manquements relevant davantage du manque d’attention que de la volonté délibérée de s’affranchir de la règle», estime le ministre de l’Intérieur. Certaines associations de prévention routière avaient déploré fin mai 2022 une piste «regrettable» ou incitant les automobilistes «à rouler plus vite».

En 2020, sur les 12,5 millions de contraventions envoyées pour des excès de vitesse contrôlés par des radars, 58% concernaient des excès inférieurs à 5 km/h, selon une réponse du ministère de l’Intérieur en avril 2022 à une question écrite de Françoise Dumont. «On travaille sur cette mesure avec le ministère de l’Intérieur depuis des années, donc je ne peux que m’en féliciter», a réagi auprès de l’AFP Pierre Chasseray, délégué général de 40 millions d’automobilistes. «Cela va permettre de constater que cela n’aura aucun effet sur l’accidentalité», anticipe-t-il. «La deuxième étape, maintenant, c’est d’obtenir la non sanction financière, car il reste toujours l’amende à payer», a-t-il ajouté.

Aujourd’hui, un excès de vitesse inférieur à 20 km/h est sanctionné d’un point et d’une amende de 68 euros (sur les routes où la vitesse maximale autorisée est supérieure à 50 km/h) ou 135 euros (sur les routes où la vitesse maximale autorisée est inférieure ou égale à 50 km/h).

La fin du Service national ?

La fin du Service national ?


En 2017, Macron avait promis le retour du service militaire ou du service national. Il n’y aura rien de tout cela , les deux vont disparaître. Le service national universel qui n’était déjà qu’un ersatz du service militaire. Sorte de service civil ressemblant à une colonie de vacances vient de prendre fin dans le budget militaire. Budgétairement le SNU n’est supprimé pour autant il continuera d’être financé mais on ne sait pas comment . Il est clair que ce service est évidemment complètement inadapté à une situation de guerre de haute intensité ou même à un apprentissage et une appropriation des valeurs républicaines. Finalement, il y aura quelques heures de cours à l’école ou le retour de l’éducation civique d’antan. Le nombre de jeunes concernés étaient très marginale de l’ordre de quelques dizaines de milliers quand une génération représente 800 000. 50 000 Jeunes sont concernés au maximum par le SNU en 2023. Bref la plus grande confusion sur l’objectif, les modalités et les moyens.

Le Service national universel (SNU) ne figurera donc pas compte tenu du contexte social dans la prochaine Loi de programmation militaire (LPM) couvrant la période 2024-2030. En revanche, la LPM sera bien présentée mardi prochain en conseil des ministres après quelques hésitations de l’exécutif. « On a l’intention d’aller de l’avant résolument sur le processus relatif à la loi de programmation militaire, dont le projet a été envoyé au Conseil d’État », confirmait-on lundi à l’Élysée. Le coût budgétaire du SNU est estimé autour de 3,5 milliards d’euros pas an, dont une partie pèse sur le budget du ministère des Armées.

Voulu par Emmanuel Macron, le SNU vise « à impliquer davantage la jeunesse dans la vie de la Nation, à promouvoir la notion d’engagement, à renforcer la mixité territoriale et à favoriser un sentiment d’unité nationale autour de valeurs communes ».

Pour une généralisation hors temps scolaire, le nombre de personnes recrutées devrait être compris entre 39.375 et 52.500. Concernant le scénario d’une généralisation du SNU sur le temps scolaire, les besoins de recrutement seraient moins élevés (entre 14.000 et 16.153 personnes).Un imbroglio total entre SNU à l’extérieur, un SNU à l’intérieur de l’école et des cours d’éducation civique pour tous.

Société-Fin de vie : le tabou

Société-Fin de vie : le tabou

Interview de Marie de Hennezel qui a exercé auprès de personnes en fin de vie, au sein de la première unité de soins palliatifs créée en France, à Paris. En 2003, à la demande du gouvernement, elle a rendu un rapport intitulé « Fin de vie, le devoir d’accompagnement », qui a inspiré la première loi française spécifique aux droits des malades à l’approche de la mort, dite loi Leonetti de 2005. Aujourd’hui âgée de 76 ans, elle s’oppose à toute légalisation de l’aide active à mourir en France et milite pour une meilleure prise en compte des personnes âgées dans la société. ( franceinfo)

Dans un récent rapport, le Conseil consultatif national d’éthique a relevé que « la fin de vie n’est plus perçue comme un temps essentiel de l’expérience humaine ». Partagez-vous ce constat ?

Marie de Hennezel : Oui. On veut escamoter ce temps. On veut anticiper la mort ou être endormi dans les derniers moments. On considère que bien mourir, c’est mourir dans son sommeil, rapidement, sans déranger les autres. Or, le temps du mourir est précieux. Les derniers échanges qu’un mourant peut avoir avec ses proches lui permettent de partir apaisé et aident les autres à vivre un deuil différent.

N’oublions pas la rupture anthropologique qu’a constituée l’interdiction des visites lors de la crise du Covid-19. De nombreuses familles ont été privées des rituels d’adieu. Les dernières paroles et les derniers gestes sont irremplaçables. Ce sont des temps de méditation sur la finitude, une confrontation de chacun à sa propre mort.

Le fait de pouvoir choisir le moment de sa mort ne permettrait-il pas de mieux organiser sa fin de vie et de redonner de la force à ce « temps essentiel » ?

Je comprends que certaines personnes puissent se dire que c’est la seule manière de pouvoir être sujet de sa mort. Mais c’est quand même dommage. Le suicide assisté et l’euthanasie poseraient d’autres problèmes. Pensez aux proches. Ceux qui accompagnent la personne peuvent se sentir coupables de ne pas avoir réussi à la retenir à la vie. Ceux qui n’y vont pas se sentent coupables de ne pas avoir été là dans les derniers instants. Quoi qu’on fasse, on se sent coupable. C’est quand même assez violent. Quant aux médecins qui pratiquent l’euthanasie, ce n’est pas anodin. J’en ai suivi en psychothérapie. Ils en faisaient des cauchemars après. C’est un acte radical, brutal.

Depuis une quinzaine d’années, vous animez des groupes de parole auprès de personnes retraitées. Quel est leur regard sur leur fin de vie ?

Il y a deux publics. Les 60-80 ans que je rencontre souhaitent préserver leur autonomie et souvent pouvoir choisir le moment de leur mort. C’est une génération encore bien portante, qui veut maîtriser ses derniers moments. Pour les 80-100 ans avec qui j’échange, c’est complètement autre chose. Ils ne demandent pas d’injection létale, mais pensent tous à la mort et aimeraient en parler. Seulement, ils n’ont personne avec qui le faire. Les familles ne veulent pas souvent aborder la question, le personnel des résidences non plus. La solidarité intergénérationnelle s’effrite. Il y a une solitude immense.

Qu’ont envie de dire ces personnes âgées ?

Elles appréhendent la mort en tant que destin de façon relativement apaisée. En revanche, elles redoutent la manière dont elles vont mourir, avec le spectre d’être transférées à l’hôpital et de finir sur un brancard aux urgences, comme cela arrive trop fréquemment.

« Les personnes âgées s’interrogent aussi sur le sens et l’utilité de leur existence. »

Leur crainte : être considérées un jour comme un poids pour la société. « Ne fera-t-on pas pression sur nous pour qu’on ait l’élégance de s’en aller ? », me confiait une femme de 86 ans. « Peut-être qu’on nous culpabilisera de vouloir rester en vie », m’a dit une autre. Nous vivons dans une société jeuniste, qui valorise la performance, la rentabilité, l’efficacité. Ces personnes le perçoivent très bien.

Une loi sur le grand âge, promise lors du précédent quinquennat et destinée à améliorer les conditions de vie des personnes en perte d’autonomie, a finalement été abandonnée. Comment l’interprétez-vous ?

C’est un très mauvais signal, d’autant qu’il est désormais question d’une loi sur la fin de vie. La génération des baby-boomers commence à arriver dans les zones de fragilité du grand âge. Elle perçoit bien le manque d’investissements en matière d’accompagnement, d’habitat, de mobilité… Quand vous allez avoir presque 30% de la population en perte d’autonomie, ces personnes âgées risquent de se sentir comme un poids pour la société. Vous verrez qu’un certain nombre de personnes auront le sentiment d’une vieillesse indigne et réclameront la mort. Prenons soin de préserver leur estime d’elles-mêmes.

Où en est notre société dans son rapport à la mort ?

Elle entretient un rapport très paradoxal avec la mort. Il y a une phrase de l’anthropologue Louis-Vincent Thomas qui résume tout : « Nous sommes dans une société thanatophobe et mortifère. »

« Par peur de la mort, nous voulons l’anticiper. »

Faire face à la mort et rester vivant jusqu’au bout n’est pas facile dans un monde qui dénie la mort et qui valorise l’autonomie et la maîtrise sur sa vie. On en vient à parler de « droit à la mort », de « liberté de choisir le moment de sa mort ». Cette volonté de maîtrise est une façon de faire face à sa peur. Or c’est surtout une volonté de bien-portants. Plus on approche de la fin de sa vie et plus, en général, on y tient. Mais le tabou qui règne dans les familles et dans le monde médical engendre une grande solitude chez ceux qui vont mourir.

A quand remonte le déni de la mort ?

Cela a commencé après-guerre, avec les progrès de la médecine et le souhait de faire reculer la mort. Avec succès, d’ailleurs, puisque nous avons gagné 20 années d’espérance de vie depuis 1945. Or cette médecine toute-puissante a un rapport difficile à la mort. Durant mon parcours, je n’ai presque connu que des médecins pour qui la mort était un échec.

Le corps médical a beaucoup à apprendre des services de soins palliatifs : on y accepte que les personnes vont mourir et que ce n’est pas un échec. Plutôt que de s’obstiner, on y aide les patients à mourir le mieux possible, sans souffrance. Malheureusement, les médecins sont trop peu formés à cette culture. Il faudrait instituer, chaque année, dans les hôpitaux, une réunion obligatoire pour sensibiliser tous les soignants à l’accompagnement de la fin de vie.

Vous avez été la première psychologue à intervenir en unité de soins palliatifs. Comment les patients y appréhendaient-ils leurs derniers moments ?

Ils avaient d’abord besoin de vérité. A l’époque, il y avait cette comédie du mensonge dans les autres services : on racontait aux gens qu’on allait les retaper et que, 15 jours plus tard, ils allaient sortir et que tout irait bien. Mais ces personnes sentaient bien que leur corps s’affaiblissait et qu’elles allaient mourir. Le discours qu’on leur tenait, en contradiction avec ce qu’elles sentaient, les angoissait.

J’ai trouvé remarquable, en soins palliatifs, que les médecins et l’équipe ne jouent pas cette comédie. Ils avaient l’intelligence de dire ce qu’ils savaient et ce qu’ils ne savaient pas. Ils reconnaissaient ne plus pouvoir guérir le patient, mais ne donnaient pas de pronostic chiffré.

« Le temps qu’il reste à quelqu’un dépend du mystère des corps et des échéances intimes de chacun. »

Certains ont peur de mourir et se disent : « Autant que cela intervienne le plus vite possible. » J’en ai vu lâcher prise intérieurement et mourir assez rapidement. D’autres ont besoin de temps, pour vivre des choses importantes. Il peut y avoir un regain de vitalité, une appétence relationnelle, une envie de rencontrer des gens, de boucler la boucle avec eux. C’est une question de tempérament et de personnalité. A partir du moment où chacun est dans la vérité, il peut décider au fond de lui ce qui va se passer.

Comment les proches, plongés dans cette société de déni de la mort, trouvaient-ils leur place ?

Ce sont les mourants qui aidaient les vivants. Ils abordaient eux-mêmes la question de leur mort. Et nous, dans l’équipe, nous faisions tout ce que nous pouvions pour aider les proches à surmonter leur peur d’entrer dans la chambre, d’être présents, de tenir la main, de parler. C’est vraiment un temps essentiel, qu’il faut préserver, sans l’escamoter.

Société-Fin de vie : Prendre le temps de la réflexion

Société-Fin de vie : Prendre le temps de la réflexion

par
Stéphane Alvarez
Maitre de conférences en sociologie, Université Grenoble Alpes (UGA)

Emmanuel Monfort
Maître de conférences en Psychologie, Université Grenoble Alpes (UGA)

Une contribution intéressante qui conseille de prendre du temps sur le très complexe problème de la fin de vie. Une recommandation sans doute qui s’adresse aussi au chef de l’État précipite un peu le débat pas forcément compte tenu de l’urgence de la question mais pour passer à autre chose après la révolte des retraites.


La convention citoyenne sur la fin de vie, organisée par le Conseil économique, social et environnemental, a rendu son rapport au gouvernement après quatre mois d’échanges, de réflexions et de votes. Les citoyens et citoyennes sélectionnés étaient invités à éclairer les pouvoirs publics sur la question de l’accompagnement de la fin de vie et sont prononcés en faveur d’une aide active à mourir.

La législation sur la fin de vie en France a su se réinventer depuis les premiers jalons posés par la loi Kouchner de 1999 qui garantissait l’accès aux soins palliatifs. La loi Leonetti de 2005, puis la loi Claeys-Leonetti de 2016 ont ouvert des droits pour les personnes en fin de vie. Au-delà de l’arrêt des traitements, elles cadrent la désignation d’une personne de confiance et la rédaction des directives anticipées, déclaration écrite qui peut être faite par toute personne majeure pour préciser ses souhaits concernant sa fin de vie.

Ces dispositions sont vues comme des moyens efficaces de lever les incertitudes liées aux conditions de la fin de vie. Au moment de leurs votes, elles ont été unanimement saluées. Pourtant, elles sont peu opérantes.

Une équipe de chercheurs a analysé la capacité des personnes de confiance à prendre des décisions correspondant au désir de leur proche. En se basant sur près de 20 000 paires de réponses patient-personne de confiance sur des scénarios hypothétiques de fin de vie, ils sont arrivés à une conclusion préoccupante : dans un tiers des cas, la personne de confiance se trompe sur la préférence de traitement de son proche et ne prend pas la décision que celui-ci souhaiterait.

« Controverses » est un nouveau format de The Conversation France. Nous avons choisi d’y aborder des sujets complexes qui entraînent des prises de positions souvent opposées, voire extrêmes. Afin de réfléchir dans un climat plus apaisé et de faire progresser le débat public, nous vous proposons des analyses qui sollicitent différentes disciplines de recherche et croisent les approches.

Plus alarmant encore : ce chiffre reste le même lorsque des discussions sur ces questions ont déjà eu lieu. En effet, les personnes de confiance peuvent faire primer leurs propres valeurs sur celles de leurs proches. En l’absence de directives anticipées claires, la désignation d’une personne de confiance ne serait pas efficace dans les pratiques actuelles.

Or, les individus ont des difficultés à exprimer clairement leurs avis sur la fin de vie. Les personnes les plus âgées peuvent particulièrement apporter un éclairage sur ce point. Si la mort semble de plus en plus éloignée de nos vies quotidiennes, elle prend une importance particulière avec l’avancée en âge.

Pourtant, demander à une personne âgée de prendre une décision sur sa fin de vie n’est pas pour autant facile, y compris lorsque la famille et les personnels soignants paraissent avoir trouvé un accord. Elles peuvent en particulier être confrontées à des dilemmes moraux : faut-il envisager de ne pas avoir sa vie prolongée dans certaines conditions ? Est-il possible d’accepter de laisser d’autres décider pour soi s’il n’est plus possible de s’exprimer ?

La question est particulièrement complexe dans le cas des personnes âgées qui vivent en institution. Celles-ci peuvent se voir limitées dans l’expression de choix aussi importants que ceux qui vont définir leurs derniers moments d’existence – en raison de leur état de santé, parce que toutes leurs libertés ne sont pas respectées, ou parce qu’on ne leur pose simplement pas la question. Selon une étude menée en 2013-2014 au sein de 78 maisons de retraite en France, les questions relatives à la fin de vie ont été abordées avec au maximum 21,7 % des résidents. Dans 32,8 % des cas, aucune discussion sur les questions relatives à la fin de vie n’a jamais eu lieu, que ce soit avec le résident ou avec les proches. C’est un paradoxe, si on pense que ces lieux d’hébergement sont aussi d’ultimes lieux de vie.

Dans une autre étude exploratoire, des chercheurs en santé britanniques ont mis en évidence les inquiétudes des personnes âgées lorsqu’il leur est demandé de penser aux soins palliatifs et à l’euthanasie (et en particulier aux conditions de leurs mises en œuvre). Ainsi, même si des directives anticipées ont été rédigées en prévision d’hypothétiques difficultés à venir, les personnes âgées ne seront pas nécessairement capables d’y adhérer lorsqu’elles seront réellement confrontées à la fin de leur existence.

Rédiger des directives anticipées n’est pas tout. Encore faut-il être accompagné pour choisir si elles correspondent encore à une conception existentielle qui a pu évoluer, notamment dans ces moments difficiles. Les bénéfices des directives anticipées sont limités par les difficultés des systèmes de santé à intégrer l’expression des choix des patients dans les pratiques de soins, notamment quand l’organisation du travail est complexe, soumise à des contraintes de temps et chargées émotionnellement.

On le comprend : prendre en compte des directives anticipées sur les conditions de la fin de vie implique de donner une place à des échanges qui prennent en compte les choix existentiels de tous. Il est nécessaire de reconnaître une expertise aux patients, même les plus âgés qui sont aptes à dire pour eux-mêmes ce qui est le plus adapté. Sont également centraux les enjeux éthiques associés à des situations cliniques souvent complexes, avec des professionnels formés, qui doivent pouvoir être disponibles.

La convention citoyenne qui vient de se terminer propose d’aller plus loin que les dispositions actuelles. À une large majorité, elle a voté pour l’introduction dans la loi de la notion d’aide active à mourir dans le cadre d’un parcours d’accompagnement et de coordination avec les soins palliatifs.

C’est là que le bât blesse et que se pose la question d’une réelle volonté politique de faire évoluer le cadre législatif de la fin de vie, étant donné l’état du système de santé français. Il est étonnant de constater que l’évaluation de la loi Claeys-Leonetti de 2016 se soit déroulée en même temps que la convention citoyenne : une évaluation préalable aurait certainement été bénéfique pour la qualité des travaux de la convention.

La Haute autorité de santé a toutefois donné quelques éléments de cadrage en 2020.Elle précise que la loi Claeys-Leonetti n’est pas suffisamment appliquée par les professionnels de santé : une amélioration est nécessaire dans le dialogue entre les professionnels de santé et les patients, même les plus âgés. Des progrès sont également nécessaires dans l’accompagnement de ces derniers et de leurs proches.

Ensuite, les décideurs vont-ils introduire l’aide active à mourir alors que le système de soins palliatifs est critiqué pour son aspect inégalitaire (26 départements n’ont pas d’unités de soins palliatifs) et plus largement pour un manque de moyens évidents ?

Les pratiques actuelles, sous-dimensionnées, ne sont pas satisfaisantes et procèdent d’une tendance à penser les dispositifs sans tenir compte de la variété des expériences. Contrairement à certains présupposés, toutes les personnes en fin de vie ne souhaitent pas nécessairement décéder à leur domicile. Les attentes sur les conditions de la fin de vie ne sont pas uniformes. Certains besoins essentiels, qui nécessitent la mise en place d’un accompagnement spécifique, peuvent être selon les situations incompatibles avec un trépas à domicile.

Les propositions de la convention citoyenne font face à une réalité complexe et encore mal appréhendée. Les difficultés autour des directives anticipées ne sont qu’une question parmi bien d’autres.

Face à ces constats, il paraît légitime de se poser la question d’une réelle volonté politique d’introduire la notion d’aide à mourir dans la loi, évolution jusqu’à présent refusée. De nombreuses questions demeurent et un état des lieux de la fin de vie préalable à la convention aurait permis de contribuer à des évolutions souhaitées. Une telle avancée demanderait de revoir en profondeur un système de santé en souffrance.

Fin de vie : Prendre le temps de la réflexion

Fin de vie : Prendre le temps de la réflexion

par
Stéphane Alvarez
Maitre de conférences en sociologie, Université Grenoble Alpes (UGA)

Emmanuel Monfort
Maître de conférences en Psychologie, Université Grenoble Alpes (UGA)


La convention citoyenne sur la fin de vie, organisée par le Conseil économique, social et environnemental, a rendu son rapport au gouvernement après quatre mois d’échanges, de réflexions et de votes. Les citoyens et citoyennes sélectionnés étaient invités à éclairer les pouvoirs publics sur la question de l’accompagnement de la fin de vie et sont prononcés en faveur d’une aide active à mourir.

La législation sur la fin de vie en France a su se réinventer depuis les premiers jalons posés par la loi Kouchner de 1999 qui garantissait l’accès aux soins palliatifs. La loi Leonetti de 2005, puis la loi Claeys-Leonetti de 2016 ont ouvert des droits pour les personnes en fin de vie. Au-delà de l’arrêt des traitements, elles cadrent la désignation d’une personne de confiance et la rédaction des directives anticipées, déclaration écrite qui peut être faite par toute personne majeure pour préciser ses souhaits concernant sa fin de vie.

Ces dispositions sont vues comme des moyens efficaces de lever les incertitudes liées aux conditions de la fin de vie. Au moment de leurs votes, elles ont été unanimement saluées. Pourtant, elles sont peu opérantes.

Une équipe de chercheurs a analysé la capacité des personnes de confiance à prendre des décisions correspondant au désir de leur proche. En se basant sur près de 20 000 paires de réponses patient-personne de confiance sur des scénarios hypothétiques de fin de vie, ils sont arrivés à une conclusion préoccupante : dans un tiers des cas, la personne de confiance se trompe sur la préférence de traitement de son proche et ne prend pas la décision que celui-ci souhaiterait.

« Controverses » est un nouveau format de The Conversation France. Nous avons choisi d’y aborder des sujets complexes qui entraînent des prises de positions souvent opposées, voire extrêmes. Afin de réfléchir dans un climat plus apaisé et de faire progresser le débat public, nous vous proposons des analyses qui sollicitent différentes disciplines de recherche et croisent les approches.

Plus alarmant encore : ce chiffre reste le même lorsque des discussions sur ces questions ont déjà eu lieu. En effet, les personnes de confiance peuvent faire primer leurs propres valeurs sur celles de leurs proches. En l’absence de directives anticipées claires, la désignation d’une personne de confiance ne serait pas efficace dans les pratiques actuelles.

Or, les individus ont des difficultés à exprimer clairement leurs avis sur la fin de vie. Les personnes les plus âgées peuvent particulièrement apporter un éclairage sur ce point. Si la mort semble de plus en plus éloignée de nos vies quotidiennes, elle prend une importance particulière avec l’avancée en âge.

Pourtant, demander à une personne âgée de prendre une décision sur sa fin de vie n’est pas pour autant facile, y compris lorsque la famille et les personnels soignants paraissent avoir trouvé un accord. Elles peuvent en particulier être confrontées à des dilemmes moraux : faut-il envisager de ne pas avoir sa vie prolongée dans certaines conditions ? Est-il possible d’accepter de laisser d’autres décider pour soi s’il n’est plus possible de s’exprimer ?

La question est particulièrement complexe dans le cas des personnes âgées qui vivent en institution. Celles-ci peuvent se voir limitées dans l’expression de choix aussi importants que ceux qui vont définir leurs derniers moments d’existence – en raison de leur état de santé, parce que toutes leurs libertés ne sont pas respectées, ou parce qu’on ne leur pose simplement pas la question. Selon une étude menée en 2013-2014 au sein de 78 maisons de retraite en France, les questions relatives à la fin de vie ont été abordées avec au maximum 21,7 % des résidents. Dans 32,8 % des cas, aucune discussion sur les questions relatives à la fin de vie n’a jamais eu lieu, que ce soit avec le résident ou avec les proches. C’est un paradoxe, si on pense que ces lieux d’hébergement sont aussi d’ultimes lieux de vie.

Dans une autre étude exploratoire, des chercheurs en santé britanniques ont mis en évidence les inquiétudes des personnes âgées lorsqu’il leur est demandé de penser aux soins palliatifs et à l’euthanasie (et en particulier aux conditions de leurs mises en œuvre). Ainsi, même si des directives anticipées ont été rédigées en prévision d’hypothétiques difficultés à venir, les personnes âgées ne seront pas nécessairement capables d’y adhérer lorsqu’elles seront réellement confrontées à la fin de leur existence.

Rédiger des directives anticipées n’est pas tout. Encore faut-il être accompagné pour choisir si elles correspondent encore à une conception existentielle qui a pu évoluer, notamment dans ces moments difficiles. Les bénéfices des directives anticipées sont limités par les difficultés des systèmes de santé à intégrer l’expression des choix des patients dans les pratiques de soins, notamment quand l’organisation du travail est complexe, soumise à des contraintes de temps et chargées émotionnellement.

On le comprend : prendre en compte des directives anticipées sur les conditions de la fin de vie implique de donner une place à des échanges qui prennent en compte les choix existentiels de tous. Il est nécessaire de reconnaître une expertise aux patients, même les plus âgés qui sont aptes à dire pour eux-mêmes ce qui est le plus adapté. Sont également centraux les enjeux éthiques associés à des situations cliniques souvent complexes, avec des professionnels formés, qui doivent pouvoir être disponibles.

La convention citoyenne qui vient de se terminer propose d’aller plus loin que les dispositions actuelles. À une large majorité, elle a voté pour l’introduction dans la loi de la notion d’aide active à mourir dans le cadre d’un parcours d’accompagnement et de coordination avec les soins palliatifs.

C’est là que le bât blesse et que se pose la question d’une réelle volonté politique de faire évoluer le cadre législatif de la fin de vie, étant donné l’état du système de santé français. Il est étonnant de constater que l’évaluation de la loi Claeys-Leonetti de 2016 se soit déroulée en même temps que la convention citoyenne : une évaluation préalable aurait certainement été bénéfique pour la qualité des travaux de la convention.

La Haute autorité de santé a toutefois donné quelques éléments de cadrage en 2020.Elle précise que la loi Claeys-Leonetti n’est pas suffisamment appliquée par les professionnels de santé : une amélioration est nécessaire dans le dialogue entre les professionnels de santé et les patients, même les plus âgés. Des progrès sont également nécessaires dans l’accompagnement de ces derniers et de leurs proches.

Ensuite, les décideurs vont-ils introduire l’aide active à mourir alors que le système de soins palliatifs est critiqué pour son aspect inégalitaire (26 départements n’ont pas d’unités de soins palliatifs) et plus largement pour un manque de moyens évidents ?

Les pratiques actuelles, sous-dimensionnées, ne sont pas satisfaisantes et procèdent d’une tendance à penser les dispositifs sans tenir compte de la variété des expériences. Contrairement à certains présupposés, toutes les personnes en fin de vie ne souhaitent pas nécessairement décéder à leur domicile. Les attentes sur les conditions de la fin de vie ne sont pas uniformes. Certains besoins essentiels, qui nécessitent la mise en place d’un accompagnement spécifique, peuvent être selon les situations incompatibles avec un trépas à domicile.

Les propositions de la convention citoyenne font face à une réalité complexe et encore mal appréhendée. Les difficultés autour des directives anticipées ne sont qu’une question parmi bien d’autres.

Face à ces constats, il paraît légitime de se poser la question d’une réelle volonté politique d’introduire la notion d’aide à mourir dans la loi, évolution jusqu’à présent refusée. De nombreuses questions demeurent et un état des lieux de la fin de vie préalable à la convention aurait permis de contribuer à des évolutions souhaitées. Une telle avancée demanderait de revoir en profondeur un système de santé en souffrance.

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