Crise du logement, L’urgence de mesures fortes
par Anthony Borré, 1er adjoint au maire de Nice et président du bailleur social Côte d’Azur Habitat. dans l’Opinion
La crise du logement est là. Elle est forte, puissante et ses conséquences n’ont pas été anticipées. A l’heure où le Gouvernement s’interroge sur la crise politique que nous vivons et la manière de répondre aux préoccupations des classes moyennes, il est incompréhensible que la question logement, bien de première nécessité qui pèse 30% du budget des ménages, ne soit pas au cœur des priorités.
68% des ménages repoussent leur projet immobilier en raison de l’impossibilité d’accéder au crédit.
Nous dénombrons 100 000 demandeurs de logements sociaux supplémentaires en un an.
Les prix locatifs s’envolent et ceux de la construction et du foncier explosent.
Les exigences environnementales modifient en profondeur les enjeux et la complexité réglementaire devient insoutenable.
Ces nouveaux paramètres conduisent à l’exclusion des jeunes et des ménages modestes. Mais pas seulement. Les personnels hospitaliers, les policiers et les salariés des collectivités rencontrent, eux aussi, d’importantes difficultés à se loger. Ceux qui habitent dans le logement social peinent à en sortir. Les conséquences en la matière sont nombreuses : frein à l’emploi et impossibilité pour certains Français de vivre près de leur famille.
La bombe sociale est là ! Gagner la bataille de la construction doit devenir une priorité, lutter contre la démagogie en osant parler de densification, soutenir les territoires bâtisseurs et leurs maires est un préalable.
Il convient de lever un à un les obstacles et de renouer chacun des maillons de la chaîne du logement afin de recréer un parcours résidentiel
Beaucoup d’élus locaux ont mis en place des mesures puissantes pour répondre à cette crise : faciliter la surélévation, politique ambitieuse de rénovation urbaine, régulation des meublés touristiques, charte de régulation des prix du foncier, bourse d’échange des logements sociaux pour lutter contre la sous occupation. Mais aujourd’hui, un plan d’urgence national s’impose.
La première réponse repose sur la nécessité de territorialiser cette politique. Faisons confiance aux Maires sous le contrôle des Préfets. Qui peut prétendre que le littoral niçois recouvre les mêmes problématiques que la Normandie ou la Corrèze ?
Pour autant, il est évident qu’il faut engager une politique globalisée du logement qui intervient à la fois sur le parc existant, en aidant les propriétaires à rénover leur logement, qui les incite à louer les logements vacants et soutient la production de logement neuf répondant aux besoins de toutes les strates de la population.
C’est cette politique que nous menons avec les Maires de la Métropole Nice Côte d’Azur reconnue récemment autorité organisatrice de l’Habitat.
Il convient de lever un à un les obstacles et de renouer chacun des maillons de la chaîne du logement afin de recréer un parcours résidentiel.
Mais avant tout, il me semble fondamental que le Gouvernement mette en place un moratoire de 2 ans sur l’application de la loi Climat et résilience qui exclut du parc locatif les logements qui sont énergétiquement classés F et E à horizons 2025. Si je soutiens cette mesure dans son esprit, elle intervient à un moment tout à fait critique et elle fait peser un risque majeur sur le marché. En excluant près de 5 millions de logements (soit 40%) du marché locatif, elle pourrait conduire à une catastrophe économique pour les propriétaires et sociale pour les locataires.
D’ici là, l’Etat doit repenser sa stratégie, la simplifier et renforcer les aides à la rénovation énergétique.
Pour aller plus loin, en matière de logement, la simplification doit être notre priorité ! Il faut de la clarté et de la lisibilité.
Dispositifs. Il est temps d’en finir avec la succession des dispositifs Pinel, Scellier, Duflot… A chaque Ministre son dispositif et à la fin on se retrouve avec un secteur déstabilisé qui ne sait plus à quel saint se vouer.
C’est la raison pour laquelle, je préconise la création d’un statut unique de propriétaire privé que ce soit dans le neuf ou l’ancien avec un effet d’amortissement accéléré. Il permettrait de pérenniser l’offre de logement locatif qui tend à s’amoindrir.
En parallèle, nous devons porter une politique forte de lutte contre les logements et fonciers constructibles vacants.
Bien que je ne sois pas un fervent défenseur de la taxe, elle me semble en l’occurrence le dispositif adapté sur ce point précis. La réforme des valeurs qui a été reportée il y a 2 ans pour une entrée en vigueur en 2028 doit être accélérée et une définition des valeurs par les Maires en accord avec le Préfet doit être envisagée.
La politique du logement doit aussi favoriser l’accession à la propriété pour ceux qui le souhaitent. C’est pourquoi il me semble que le prêt à taux zéro, qui doit absolument être prorogé, ne devrait pas être réservé aux primo-accédants
Je plaide également pour que les revenus de cette taxe reviennent aux communes pour leur permettre de compenser la perte de la taxe d’habitation et maintenir leurs efforts dans la production de logement sociaux et accessibles.
Afin de favoriser la mobilité et le parcours résidentiel, je crois à la nécessité d’inciter à la construction de logements intermédiaires avec le locatif privé et le locatif social dans les zones tendues. Dans le cadre des échanges Maires-Préfet que je préconise pour la définition des objectifs de la loi SRU, j’estime que l’instauration d’un pourcentage de logement intermédiaire qui viendrait moduler l’objectif des 25% est indispensable.
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Propriété. Mais la politique du logement doit aussi favoriser l’accession à la propriété pour ceux qui le souhaitent. C’est pourquoi il me semble que le prêt à taux zéro, qui doit absolument être prorogé, ne devrait pas être réservé aux primo-accédants. Lever ce frein, c’est relancer le parcours résidentiel si essentiel à nos concitoyens qui construisent un foyer.
Pour renforcer ce parcours résidentiel, je propose également de créer un prêt à la pierre. Comme c’est le cas en Suisse, nous pourrions rattacher une partie de l’emprunt au bien à sa valeur et non plus uniquement sur les capacités de remboursement des emprunteurs.
Avec ces mesures d’urgence, il est encore temps d’inverser le cours des choses. Il est urgent qu’un plan d’action national, reposant sur des mesures territorialisées, soit engagé. C’est une question de premier ordre, fondamentale et essentielle.