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Brailler ridiculise la démocratie

 

 

Le dernier spectacle des brailleurs de l’Assemblée nationale a sans doute portéun grave préjudice à l’image de la politique est au-delà de la démocratie de l’Assemblée nationale.« Hissons-nous au niveau des enjeux de la Liberté d’expression », défendent Thaima Samman, avocate, fondatrice du Cabinet Samman et co-présidente du groupe de travail de La villa numeris sur la liberté d’expression, et David Lacombled, président du groupe. Pour eux, si la liberté est un droit fondamental, la liberté d’expression « ne constitue pas un droit absolu pour autant ». ( dans la « Tribune »)

 

Alors que X et TikTok deviennent de véritables torrents de boue, les éructations du dirigeant du premier et le silence du second ne contribuent pas à porter un débat digne, à la hauteur des enjeux du droit fondamental que représente la liberté d’expression.
Il est pour le moins paradoxal que les chantres de la liberté d’expression, le prochain président des Etats-Unis et son vice-président officieux Elon Musk, monopolisent à ce point la parole et semblent décidés à prendre les décisions pour le reste du monde. Au prétexte de pouvoir tout dire, on n’entend plus qu’eux.

Rappelons les fondamentaux de la liberté d’expression. Ce n’est pas tout dire et n’importe quoi. La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen précise que « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ». Ni plus, ni moins. Nul ne saurait y déroger. Et pourtant.

Nos démocraties tirent leur force de leur capacité à permettre un débat équilibré et fructueux, même s’il n’est ni toujours consensuel, ni forcément apaisé. C’est comme ça que les idées progressent. A cet égard, les réseaux sociaux sont apparus comme de nouvelles agoras où chacun peut s’exprimer, où il suffit de prendre la parole dans le respect des règles de droit et aussi de son prochain. Y arriver avec un mégaphone plombe l’ambiance et rend zinzin une partie de ses membres qui s’agitent tels des électrons à l’énergie négative.
Lorsque Elon Musk fait de son réseau social son principal porte-voix, ne rechignant pas à manipuler, à l’aide de sa propre solution d’intelligence artificielle Grok, les messages qu’il y poste, se faisant apôtre et juge, se rêvant en démiurge, ce sont les principes fondamentaux de la démocratie qu’il remet en cause. Son ingéniosité et son éclectisme unanimement loués hier par la plupart des dirigeants, deviennent aujourd’hui des menaces pour les droits humains.

Les nouveaux outils de la liberté d’expression sont toujours une bonne nouvelle même s’ils exigent de bien penser l’organisation et l’équilibre de la prise de parole de chacun.
Les nouveaux outils de la liberté d’expression sont toujours une bonne nouvelle même s’ils exigent de bien penser l’organisation et l’équilibre de la prise de parole de chacun. Mais la tentative de préemption du monde par les futurs dirigeants américains risque de mettre fin à des années de dialogues entre les différents acteurs privés et publics de chaque côté de l’Atlantique, aussi complexes que la matière technologique, du Web à l’intelligence artificielle en passant par les réseaux sociaux, qu’ils traitent. Dès lors, chaque prise de position fait l’effet d’une bombe.

Aussi puissante soit l’annonce de Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook devenu Meta, de mettre fin à la vérification des faits par des professionnels, médias ou fondations, elle ne remet pas pour autant, à ce stade, tout en cause. A vrai dire, les grandes plateformes, déjà rentables, ne peuvent se payer le luxe d’inquiéter leurs actionnaires et leurs annonceurs outre mesure. Sauf à tenter des paris hasardeux, elles devront maintenir une exigence de qualité passant par une modération irréprochable.

Mais si son annonce ne concerne que les Etats-Unis, c’est sans doute aussi grâce à la législation européenne et plus particulièrement au Digital Service Act (DSA) qui vise à renforcer la protection des consommateurs en encadrant mieux l’activité des plus grandes plateformes. Voyons le verre à moitié plein, la réglementation européenne contraint Elon Musk et Mark Zuckerberg à respecter un certain standard. Il n’en reste pas moins que cela constitue une mauvaise nouvelle pour des médias à l’économie déjà précaire, socle fragile de démocraties friables.

En l’espèce, le dirigeant de Meta appuie aussi là où l’Europe a mal avec sa maladie chronique d’inflation réglementaire pour traiter tout nouveau bobo, sans se donner la peine d’utiliser ou de vérifier l’effectivité des outils déjà existants. Plutôt que d’accumuler et d’enchevêtrer les lois, avant de les appliquer avec zèle, donnons une chance à celles en vigueur et surtout veillons à ce qu’elles soient appliquées.

La culture de la régulation doit aussi être celle de la modération. Déjà, l’absence de neutralité des plateformes pourrait permettre de les soumettre aux mêmes règles de détention et de pluralité que les médias traditionnels quand elles sortent de leur rôle de passeuses d’idées pour prendre parti.

Un récent rapport du groupe de travail de La villa numeris visant à « Réaffirmer la liberté d’expression » montre que notre arsenal juridique permet de réaffirmer la liberté d’expression comme principe et de faire respecter ses exceptions, comme pour tout droit fondamental, dans les sociétés démocratiques. Encore faut-il se donner les moyens d’appliquer les règles existantes qui nécessitent un engagement humain et politique inédit.

Il est encore temps de former les juges mais aussi les professeurs, les élèves, les familles. Il est encore temps d’initier une coordination et une collaboration de l’ensemble des acteurs, opérateurs et plateformes, pouvoirs publics, médias, consommateurs, universitaires. Il est encore temps de permettre à la justice de jouer son rôle, plutôt que d’inventer de nouvelles règles qui rejoindront la poussière des textes jamais ou peu utilisés.

Déjà, arrêtons de nous enfermer dans des fausses réalités : la liberté d’expression pour les robots n’existe pas et nous pouvons déjà faire cesser nombre de campagnes de haine ou de manipulation artificielle sans augmenter les contraintes à la liberté d’expression. Terre d’inventivité, de créativité, d’originalité et d’ambitions, l’Europe, forte de ses 750 millions d’habitants, plus de deux fois la population des Etats-Unis, peut et doit montrer la voie de développements numériques respectueux des humains. Ce qui nous distingue nous portera.




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