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Social- Négociations sur les retraites : démocratie sociale ou mascarade politique

Social- Négociations sur les retraites : démocratie sociale ou mascarade politique ?


Les séances de négociation entre syndicats et patronat sur la réforme des retraites se poursuivent. Mais la CGT et FO n’y participent plus, tout comme l’organisation patronale des professions libérales et de l’artisanat. Après le veto de François Bayrou sur le retour aux 62 ans, la CFDT n’abandonne pas l’objectif de revenir sur les 64 ans, mais cette perspective est peu crédible. Au-delà de cette négociation, quel regard porter sur la « démocratie sociale » censée guider la réforme ?


par Dominique Andolfatto
Professeur de science politique, Université Bourgogne Europe dans The Conversation

Lors de sa déclaration de politique générale, le 14 janvier 2025, le premier ministre, François Bayrou, rouvrait le douloureux dossier de la réforme des retraites, mal refermé en 2023. Douloureux, parce que cette réforme, concerne personnellement tous les Français, qui ont érigé la retraite en seconde vie. On peut y voir la conséquence de désillusions idéologiques, du scepticisme à l’égard des promesses décalées d’un autre monde longtemps véhiculées par les partis politiques, mais aussi d’un vécu au travail ressenti comme s’étant dégradé et conséquence de souffrance. Dès lors, la retraite n’est plus un retrait de la vie sociale, voire une « mort sociale », comme autrefois, mais elle est attendue comme une nouvelle aube, la promesse d’un monde nouveau. La repousser, en reculant son âge, ne peut être qu’une atteinte à ce droit à une vie nouvelle et apparaît comme une injustice profonde.

Plusieurs enquêtes le montrent à l’occasion de la réforme de 2023. Le rejet est encore plus fort qu’en 2019, à l’occasion du projet avorté de retraite à points. Selon les enquêtes, les deux tiers des Français, voire plus, affichent leur hostilité (et même les trois quarts des actifs). Plus de 60 % estime également – sinon escompte – qu’un puissant mouvement social fera échec au recul de l’âge de la retraite.

Rejetée pour son « injustice », cette réforme l’est aussi pour son « illégitimité » parce qu’elle n’a pas été votée par le Parlement mais adoptée au moyen d’un des mécanismes du « parlementarisme rationalisé » : l’article 49, alinéa 3 de la Constitution qui permet l’adoption d’une réforme sans vote dès lors que le gouvernement échappe à une motion de censure. Selon une enquête de l’Ifop, 78 % des Français voient là un passage en force « massivement illégitime ». Le président Macron et sa première ministre Élisabeth Borne ont été en désaccord sur le mode de fabrication de cette réforme (même s’ils en partageaient les finalités), négligeant la démocratie sociale, et cela fragilise aussi la réforme.

Tant de divisions et de déchirements vont constituer une opportunité pour le nouveau premier ministre, en 2025. Près de deux ans après l’adoption et l’implémentation de la réforme des retraites, il décide spectaculairement de la remettre à l’agenda, en l’occurrence de relancer des discussions « avec les partenaires sociaux » puisque ceux-ci – il vise les syndicats – « ont affirmé qu’il existait des voies de progrès [pour] une réforme plus juste ».

Pourquoi ce revirement, même si ce n’est pas premier de la part de l’exécutif ? Au plan social, on se souvient de l’abandon du « contrat première embauche » (CPE) en 2006, pourtant adopté par le Parlement, puis remplacé rapidement par un nouveau texte, après à un important mouvement social. C’est le président de la République lui-même, alors Jacques Chirac, qui avait sonné le tocsin de cette réforme et expliqué cette substitution en lien avec un « dialogue social constructif ». Si celui-ci ne fut que théorique, le retrait de la réforme est bel et bien intervenu.

Cette fois-ci, les choses ont été différentes. Le « conclave » que l’ancien militant démocrate-chrétien François Bayrou a appelé de ses vœux est apparu surtout tactique : obtenir une abstention bienveillante d’une partie de l’opposition de gauche en rouvrant un dossier social emblématique du second quinquennat de Macron et en laissant croire qu’il pourrait trouver un règlement plus juste.

D’emblée, une des confédérations syndicales, FO, n’a pas voulu s’en laisser conter et a décidé de ne pas participer à ce qui pouvait ressembler à une négociation sociale interprofessionnelle, mais qui n’en était pas vraiment une en réalité. D’une part, symboliquement, la terminologie religieuse utilisée ne pouvait qu’interroger FO, qui a fait de son « indépendance » politique et religieuse sa raison d’être.

D’autre part, le Medef a immédiatement affiché qu’il ne souhaitait pas revenir sur les 64 ans, le nouvel âge de départ à la retraite fixé en 2023, vu par l’organisation patronale comme un « socle de rétablissement » pour le financement du système des retraites. Son président Patrick Martin, comme probablement Frédéric Souillot, secrétaire général de FO, a aussi estimé que le « conclave » ne se ferait pas à portes fermées et que le gouvernement ferait pression sur les partenaires sociaux, à la suite, d’abord, de rodomontades sur la hauteur des déficits sociaux, puis à travers une lettre de cadrage très étroite, adressée par le premier ministre aux partenaires sociaux, le 26 février 2025.

Cela ne pouvait que nourrir l’inflexibilité du premier comme le refus de jouer le jeu du second. Dès lors, le « conclave » était mort-né. Il n’avait même plus besoin du coup de grâce que lui donnerait finalement le premier ministre, deux mois après l’avoir inventé : le 16 mars, interviewé sur France Inter, François Bayrou écartait en effet la possibilité de revenir à 62 ans, voire 63 ans. La CGT quittait aussitôt le « conclave », déplorant l’abandon de l’« abrogation » de la réforme de 2023. L’organisation patronale des professions libérales et de l’artisanat (U2P) l’avait précédée de peu pour des raisons diamétralement opposées : la nécessité de « mesures drastiques… pour rétablir l’équilibre de nos régimes sociaux ».

En fait, l’un des problèmes de fond de cette réforme est celui de l’instrumentalisation, mais aussi des impasses de la démocratie sociale. Celle-ci a tour à tour été appelée à la rescousse par Élisabeth Borne, puis par François Bayrou. La première, probablement pour retarder le mouvement social qui se profilait et qui risquait de compromettre le devenir de son gouvernement, s’est opposée à la réforme à la hussarde souhaitée initialement par Emmanuel Macron. Elle a ouvert une série de concertations très cadrées avec les organisations syndicales et patronales. Ces concertations, après une réunion « multilatérale » avec toutes les organisations, se sont poursuivies en « bilatérales » avec chacune d’entre elles, au ministère du travail puis à Matignon, sans réussir à convaincre et donc à rallier les syndicats : « Il n’y avait aucun moyen de bouger la ligne de ce que voulait faire le gouvernement », indique Yvan Ricordeau, qui fut le négociateur de la CFDT. Pour les syndicats, cet échec justifia, à compter de janvier 2023, le recours à la « mobilisation » pour le retrait de la réforme.

À son tour, François Bayrou recourt à la voie de la démocratie sociale, sans doute par tactique, comme déjà évoqué, mais aussi pour alerter l’opinion sur les déséquilibres des comptes sociaux, avec le secours de la Cour de comptes mais aussi d’autres chiffrages discutés.

Reste que la démocratie sociale n’est pas vraiment codifiée. Elle n’a pas d’obligation de résultats. Les gouvernements l’instrumentalisent selon leur bon vouloir ou la conjoncture, et les partenaires sociaux eux-mêmes ne cherchent pas véritablement à la faire vivre ou alors seulement en creux. Ils vont s’entendre pour s’opposer à certaines réformes, comme en 2023 qui a vu la constitution d’un front syndical uni. Mais les syndicats, très divisés sur le fond, n’ont pas cherché à porter un projet commun. Cela ne fut pourtant pas toujours le cas. Il y a longtemps, déjà, ils ont mis sur pied le système de retraites complémentaires ou l’assurance chômage.

En fait, les partenaires sociaux sont en concurrence, notamment pour la représentativité et les moyens que celle-ci procure. Syndicats et organisations d’employeurs, imprégnés d’une culture jacobine, préfèrent également discuter directement avec le pouvoir plutôt que de faire vivre une démocratie plus horizontale.

Depuis les années 2000, le Code du travail, dans son article L1, impose toutefois une concertation avec les partenaires sociaux avant toute réforme des relations du travail ou de la formation professionnelle. Mais ceci ne vaut pas pour la protection sociale (et donc les retraites) et cela contribue à expliquer bien des vicissitudes qui perdurent.

Malgré tout, s’agissant des retraites, cinq partenaires sociaux (sur huit) représentatifs au plan national entendent poursuivre le dialogue, tout en se dégageant de la lettre de cadrage du gouvernement, pour consolider le système de retraite du secteur privé, par bien des aspects, fragile et inégalitaire.

Démocratie-Des conventions citoyennes bidons

Démocratie-Des conventions citoyennes bidons


Conventions citoyennes : « Il faut défendre le débat démocratique contre les lubies participatives du gouvernement »
dans Le Monde

Après l’annonce faite par François Bayrou de « conventions citoyennes décentralisées » sur l’identité française, les politistes Loïc Blondiaux, Guillaume Gourgues et Alice Mazeaud dénoncent, dans une tribune au « Monde », une fausse participation citoyenne et le dévoiement de l’usage de ces conventions.

L’annonce du premier ministre, par voie de presse, de la tenue de « conventions citoyennes décentralisées » sur l’identité française constitue une très mauvaise nouvelle pour la démocratie. On devrait pourtant se réjouir que la parole soit enfin donnée aux Français sur un sujet que la droite et l’extrême droite ont fini par imposer sur l’agenda médiatique. Mais cette annonce n’est que le reflet tragique de l’isolement grandissant des professionnels de la politique qui gouvernent aujourd’hui. Elle signale un amateurisme, un dilettantisme et un cynisme vis-à-vis de la participation citoyenne qui nous ramènent pas moins de vingt années en arrière.

L’amateurisme, d’abord. Alors même que l’on ne connaît pas encore ce que sera l’issue des propositions faites par la convention citoyenne sur la fin de vie, cette annonce témoigne d’une méconnaissance absolue de ce qu’est la participation citoyenne. Ces « conventions citoyennes décentralisées » ne renvoient à aucun dispositif précis, à aucun objectif clair, à aucune temporalité décisionnelle ou législative. Tout porte à croire qu’il s’agit là d’une énième instrumentalisation gouvernementale de la participation citoyenne aux seules fins de sa communication.

Combien de fois a-t-on vu de telles annonces n’avoir d’autre effet que de confier à une poignée de prestataires professionnels l’organisation d’événements sans conséquence politique aucune ? A l’image du grand débat national, de la consultation sur les retraites, du Conseil national de la refondation, des dispositifs seront produits, des échanges auront lieu et rassembleront des participants. Ils seront commentés, susciteront parfois de l’espoir, mais n’auront aucun effet sur une quelconque décision. On ne joue pas ainsi avec la participation citoyenne.

Le dilettantisme démocratique, ensuite. Alors que depuis plusieurs années les débats militants et intellectuels ont pointé les limites d’une participation conçue de façon descendante et définie selon le seul agenda des gouvernants, ces derniers semblent tout ignorer de ce que les citoyens attendent et réclament. Alors que des collectifs citoyens s’acharnent à travers tout le pays à rouvrir les cahiers de doléances rédigés au moment du grand débat…

Vance: la fin de la démocratie libérale

Vance: la fin de la démocratie libérale

 

Fer de lance du versant conservateur du trumpisme, le vice-président des Etats-Unis incarne la colère d’un transfuge de classe contre les élites européennes, estime la politiste Laurence Nardon dans une tribune au « Monde ».

 

Eclipsé par un Elon Musk devenu omniprésent ces derniers mois dans l’entourage de Donald Trump, le vice-président J. D. Vance est revenu de façon fracassante dans l’actualité américaine et transatlantique. Avec son discours de Munich du 14 février et l’altercation mettant aux prises les présidents américain et ukrainien ainsi que lui-même dans le bureau Ovale, vendredi 28, Vance s’affirme comme le fer de lance de la remise en cause du lien transatlantique par l’administration Trump 2. Ses attaques contre l’Ouest libéral s’inscrivent clairement dans son parcours idéologique.Pilier du trumpisme dans son versant réactionnaire et populiste (avec lequel coexiste désormais un courant tech-libertarien), Vance n’a pas été un soutien de la première heure du président. En 2016, il affirmait ainsi vouloir voter pour la démocrate Hillary Clinton et n’avait pas de mots assez durs pour Donald Trump, qu’il qualifiait de possible « Hitler de l’Amérique ».

À l’époque, Vance venait de publier Hillbilly Elegy (Harper Press, 2016)Hillbilly Elégie (Le Livre de Poche, 2018) –, une autobiographie dans laquelle il raconte son enfance dysfonctionnelle dans le milieu des petits Blancs pauvres des Appalaches et le miracle salvateur d’un service militaire suivi d’études de droit à Yale. Cet ouvrage dénonçant un système de classes inégalitaire et le mépris des élites lui vaut alors les louanges des médias de gauche.

Actif dans des cercles conservateurs depuis ses études, Vance va évoluer avec le soutien du milliardaire libertarien Peter Thiel, qui finance son entrée dans le monde de la tech. En 2019, il assiste à la première conférence du mouvement « national-conservateur » (dit natcons), qui cherche à construire une base intellectuelle plus solide, ultraréactionnaire, voire illibérale, aux idées trumpistes. Vance se rallie officiellement à celui qui est alors l’ex-président lors de la campagne pour les élections de mi-mandat de 2022. Grâce au soutien de ce dernier, il brigue et obtient le siège de sénateur de l’Ohio. Enfin, à l’été 2024, Donald Trump le choisit pour la vice-présidence.

IA: Les risques pour la démocratie

 

Face aux risques que l’IA fait peser sur nos démocraties, l’Union européenne interdit certaines pratiques (techniques subliminales, évaluation de la solvabilité des clients des banques, identification biométrique) en vue de protéger nos libertés individuelles. Mais il est indispensable de se pencher sur les dangers liés à l’utilisation de l’IA par les grandes plates-formes numériques. L’impact de l’IA est massif sur la qualité de l’information partagée par les citoyens, et, par là même, sur la possibilité de fonder un espace de délibération démocratique. L’IA, le web, les réseaux sociaux et plus généralement les technologies du numérique transforment la société, pour le meilleur, mais aussi pour le pire. Elles facilitent des activités quotidiennes pour la recherche d’information ou la rédaction de textes, automatisent des tâches pénibles ou fastidieuses. Elles contribuent également au progrès des connaissances dans les sciences, la santé ou le spatial. Du côté des risques, on peut redouter la disparition de certains emplois et un accroissement du chômage. Mais qu’en est-il des menaces relatives à nos libertés et à nos démocraties et comment s’en prémunir ?

 

par j

Professeur, Intelligence Artificielle, Sciences Cognitives, Sorbonne Université dans The Conversation 

Depuis le 2 février 2024, le premier volet du règlement européen sur l’intelligence artificielle, ou « IA Act » a créé une régulation en vue de protéger nos libertés fondamentales.

L’Union européenne interdit désormais trois types de pratiques de l’IA :

  • les techniques subliminales,
  • le crédit social (qui évalue la solvabilité des particuliers pour l’octroi de crédits),
  • l’identification en temps réel de techniques biométriques.

L’IA Act vient en complément d’autres règlements qui visent à protéger les individus contre les abus des États ou des grandes entreprises, tout en promouvant une industrie européenne vigoureuse, souveraine et indépendante. Reste que l’on peut s’étonner du caractère fictif de certaines interdictions potentielles de l’intelligence artificielle. À ce titre, la première d’entre elles, qui porte sur l’emploi de techniques subliminales, est révélatrice.

Rappelons que le terme subliminal a été introduit en 1957 par un publiciste américain, James Vicary, qui prétendait qu’en insérant, dans un film, tous les cinquantièmes de seconde, des images contenant des messages, ceux-ci influençaient nos comportements sans que nous en soyons conscients. Or, rien n’a mis en évidence les effets tangibles de manipulations subliminales, sauf de façon très marginale. Il n’empêche que les institutions européennes, très soucieuses de l’autonomie des personnes, s’en préoccupent déjà, ce qui peut apparaît comme excessif.

Au-delà de la protection des libertés fondamentales – liberté d’opinion et d’expression, liberté de pensée et de religion, liberté de réunion, liberté de mouvement – il importe de souligner que la démocratie réside avant tout dans la capacité qu’ont les individus à prendre part à la vie politique, à délibérer, à échanger librement dans l’espace public. Or, l’IA, en contribuant à la fabrication et à la dissémination sélective de fausses informations, nuit à cette délibération collective.

La diffusion de ce que l’on appelle les « fake news » ou les infox, interfère avec les processus électoraux en introduisant la confusion dans les esprits, ce qui déstabilise les institutions démocratiques. Et, l’IA contribue à cette déstabilisation de trois façons :

  • en produisant d’immenses masses d’infox,
  • en créant des images, des sons et des vidéos qui font illusion,
  • en procédant à un profilage des individus et à une diffusion ciblée des informations sur des segments spécifiques de la population.

Libelles, canards, propagande, désinformation : la fabrication d’avis trompeurs n’est pas nouvelle. Pourtant, le poids qu’ils ont acquis avec l’IA s’accroît démesurément. Dans le passé, écrire un texte convaincant prenait du temps. Et, dessiner une caricature plus encore. Quant à la diffuser, cela demandait soit des messagers subtils chargés d’instiller le poison, soit des infrastructures coûteuses, organes de presse, radio, télévision, etc. Désormais, n’importe qui, avec des techniques d’IA génératives, produit à volonté textes, images et sons et les transmet librement au monde entier sur le web, quasiment gratuitement, sans demander aucune permission.

Ces contenus produits par les techniques d’IA ressemblent à s’y méprendre à des photographies ou des vidéos. Ils se présentent alors, pour reprendre les catégories sémiotiques introduites par Charles Sanders Peirce (1839-1914) au tournant du XIXe et du XXe siècle, comme des « insignes », autrement dit comme des signes pointés sur les réalités qu’ils désigneraient.

Ils donnent l’impression d’en être la trace, au même titre que les photographies s’imprègnent de la trace lumineuse des choses. Mais là où les photographies attestent bien des choses qu’elles donnent à voir, les images produites par l’IA générative visent à contrefaire la réalité, ce qui leur confère un caractère particulièrement pernicieux.

Enfin, par le profilage des individus au moyen de techniques d’apprentissage machine, puis par le criblage de la population, les réseaux sociaux envoient à chacun des segments du public les informations contrefaites les plus susceptibles de faire réagir afin d’accroître la probabilité de retransmission et, par là, la circulation d’information.

Ainsi, lors de la dernière campagne présidentielle aux États-Unis, de fausses vidéos montrant Kamala Haris promouvant les positions de Benyamin Nétanyahou étaient envoyées à des électeurs démocrates alors que d’autres vidéos la montrant au côté des Palestiniens étaient adressées à des milieux juifs et conservateurs, ce qui suscita beaucoup d’émois et d’échanges. C’est ce que Bruno Patino appelle, de façon imagée, la « civilisation des poissons rouges » : nous vivons chacun au sein d’un bocal informationnel très confortable, où nous échangeons avec d’autres qui reçoivent les mêmes informations que nous et partagent peu ou prou, les mêmes idées.

Fin de la citoyenneté ?

La conséquence est que la société se fragmente de plus en plus, que l’espace public disparaît progressivement puisque les différentes composantes de la population ne partagent plus les mêmes informations. Dès lors, la délibération collective ne peut avoir lieu, puisque l’on ne s’entend plus sur les faits. L’exercice de la citoyenneté, au sens où des philosophes comme Hannah Arendt l’entendent, à savoir la participation d’individus libres au débat collectif par l’échange d’arguments devient de plus en plus difficile. In fine, l’IA, mis à la disposition des grands acteurs du numérique, crée un risque de disparition de la citoyenneté.

Est-ce, pour autant, une fatalité ? L’IA bien utilisée pourrait tout aussi bien contribuer à restituer au citoyen son pouvoir de contrôle sur les informations qui lui proviennent et donc à reconstruire un espace de délibérations collectif où des « hommes de bonne volonté » pourraient œuvrer.

Ainsi, on peut essayer, sur un sujet donné, de repérer grâce à l’IA les différentes informations qui circulent et de les confronter, comme le fait un journaliste qui doit, sur chaque sujet, rechercher les sources.

En effet, l’IA ne sert pas uniquement à générer automatiquement des textes : il calcule la proximité d’emploi de chaque mot (ou de chaque partie de mot, ce que l’on appelle les tokens) avec d’autres. Ceci permet de rapprocher un mot de ses synonymes, un paragraphe d’un second qui a la même signification, afin de savoir ce qui se dit sur une thématique donnée. Il est dès lors loisible de confronter les différents points, en repérant les oppositions.

En somme, bien utilisées, les techniques d’IA permettront peut-être à chacun de prendre sa part dans la délibération collective, sans se laisser abuser, et donc d’exercer pleinement sa citoyenneté. Il suffit d’en avoir la volonté et de ne pas assimiler les idéaux démocratiques aux seules libertés fondamentales.

À cette fin, la législation européenne ne doit pas se contenter pas de protéger les libertés fondamentales. Elle doit établir les conditions d’exercice de la citoyenneté dans un espace public commun, ce qui passe par la lutte contre les infox. La vocation du DSA (« Digital Services Act ») aurait dû être de pourvoir à ce besoin. Ce dernier se contente de dénoncer les infractions au droit commun (par exemple, les discours haineux) sur le cyberespace, mais cela reste largement insuffisant. Il conviendrait d’aller plus loin de façon à lutter contre le mensonge, tout en protégeant la liberté d’expression.

L’intelligence artificielle : Danger pour l’écologie et la démocratie ?

L’intelligence artificielle : Danger pour l’écologie et la démocratie ?

Plus d’une vingtaine d’organisations réunies au sein de la coalition Hiatus, parmi lesquelles La Quadrature du Net et la Ligue des droits de l’homme, estiment, dans une tribune au « Monde », qu’il faut résister au déploiement massif de l’IA, au nom des droits humains, sociaux et environnementaux.

 

Tout concourt à ériger le déploiement massif de l’intelligence artificielle (IA) en priorité politique. Prolongeant les discours qui ont accompagné l’informatisation depuis plus d’un demi-siècle, les promesses abondent pour conférer à l’IA des vertus révolutionnaires et imposer l’idée que, moyennant la prise en compte de certains risques, elle serait nécessairement vecteur de progrès. C’est donc l’ensemble de la société qui est sommée de s’adapter pour se mettre à la page de ce nouveau mot d’ordre industriel et technocratique.

Partout dans les services publics, l’IA est ainsi conduite à proliférer au prix d’une dépendance technologique accrue. Partout dans les entreprises, les manageurs appellent à recourir à l’IA pour « optimiser » le travail. Partout dans les foyers, au nom de la commodité et d’une course insensée à la productivité, nous sommes poussés à l’adopter.

Pourtant, sans préjuger de certaines applications spécifiques et de la possibilité qu’elles puissent effectivement répondre à l’intérêt général, comment ignorer que ces innovations ont été rendues possible par une formidable accumulation de données, de capitaux et de ressources sous l’égide des multinationales de la tech et du complexe militaro-industriel ? Que pour être menées à bien, elles requièrent, notamment, de multiplier la puissance des puces graphiques et des centres de données, avec une intensification de l’extraction de matières premières, de l’usage des ressources en eau et en énergie ?

Des conséquences désastreuses

Comment ne pas voir qu’en tant que paradigme industriel, l’IA a d’ores et déjà des conséquences désastreuses ? Qu’en pratique, elle se traduit par l’intensification de l’exploitation des travailleurs et travailleuses qui participent au développement et à la maintenance de ses infrastructures, notamment dans les pays du Sud global où elle prolonge des dynamiques néocoloniales ? Qu’en aval, elle est le plus souvent imposée sans réelle prise en compte de ses impacts délétères sur les droits humains et l’exacerbation des discriminations .

Démocratie -L’incompétence et le cynisme au pouvoir dans la classe politique

Démocratie -L’incompétence et le cynisme au pouvoir dans la classe politique

Les postures de la plupart des responsables témoignent du niveau d’incompétence et de cynisme de la classe politique dont  les discours sont en décalage complet avec la réalité et même avec ce qu’il pensent…. quand il pensent !

Il est évident que se pose un véritable problème de représentativité d’une part mais  tout autant de compétences d’une classe politique complètement discréditée globalement auprès de l’opinion publique. Macron illustre évidemment un discrédit qui touche la plupart des responsables. S’il en veut faire une analyse typologique assez simpliste, on pourrait  d’abord considérer qu’il y a la catégorie des politiques complètement incompétents arrivés en politique par hasard, par copinage et ou au gré des mouvements politiques, ce  qui peut faire élire une chèvre à un poste de député ignorant tout de la circonscription.

Dans cette catégorie on trouve souvent ceux qui veulent tout bouleverser, tout changer du jour au lendemain en promettant la lune à tout le monde. La catégorie des braillards qui gesticulent et confondent démocratie et gesticulation.

On compte une catégorie non négligeable de députés complètement incompétents sur le plan économique. Ces derniers parlent de milliards en les confondant sans doute avec les anciens francs. De ce point de vue, ils illustrent la dépréciation du niveau de formation en France. Ce n’est sans doute pas un hasard si les Français en général -et leurs élus bien sûr- figurent parmi les cancres européens en matière de connaissances économiques. Globalement le discours est celui des années 50 quand on ne connaissait pas encore à ce point la complexification et l’internationalisation de l’économie. Les slogans politiques sont aussi ceux des années 50 avec un manichéisme désolant des analyses et des propositions pour entretenir le populisme.
Dans une autre catégorie , on trouvera les cyniques qui comprennent parfaitement les enjeux  économiques, politiques et sociétaux mais qui refusent de les affronter et même de les aborder.

La médiocrité de ce personnel politique conduit la France dans le mur avec des propositions de budget complètement incohérentes, malhonnêtes et même suicidaires. Que penser par exemple du travail de démolition d’Élisabeth Borne en matière d’éducation où elle remet en cause les mesures les plus signifiantes d’Attal  pour ne pas fâcher les syndicats corpos de l’éducation. Le niveau de formation qui pourtant constitue sans doute ( avec la productivité)  le principal enjeu économique du pays .

Brailler ridiculise la démocratie

 

 

Le dernier spectacle des brailleurs de l’Assemblée nationale a sans doute portéun grave préjudice à l’image de la politique est au-delà de la démocratie de l’Assemblée nationale.« Hissons-nous au niveau des enjeux de la Liberté d’expression », défendent Thaima Samman, avocate, fondatrice du Cabinet Samman et co-présidente du groupe de travail de La villa numeris sur la liberté d’expression, et David Lacombled, président du groupe. Pour eux, si la liberté est un droit fondamental, la liberté d’expression « ne constitue pas un droit absolu pour autant ». ( dans la « Tribune »)

 

Alors que X et TikTok deviennent de véritables torrents de boue, les éructations du dirigeant du premier et le silence du second ne contribuent pas à porter un débat digne, à la hauteur des enjeux du droit fondamental que représente la liberté d’expression.
Il est pour le moins paradoxal que les chantres de la liberté d’expression, le prochain président des Etats-Unis et son vice-président officieux Elon Musk, monopolisent à ce point la parole et semblent décidés à prendre les décisions pour le reste du monde. Au prétexte de pouvoir tout dire, on n’entend plus qu’eux.

Rappelons les fondamentaux de la liberté d’expression. Ce n’est pas tout dire et n’importe quoi. La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen précise que « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ». Ni plus, ni moins. Nul ne saurait y déroger. Et pourtant.

Nos démocraties tirent leur force de leur capacité à permettre un débat équilibré et fructueux, même s’il n’est ni toujours consensuel, ni forcément apaisé. C’est comme ça que les idées progressent. A cet égard, les réseaux sociaux sont apparus comme de nouvelles agoras où chacun peut s’exprimer, où il suffit de prendre la parole dans le respect des règles de droit et aussi de son prochain. Y arriver avec un mégaphone plombe l’ambiance et rend zinzin une partie de ses membres qui s’agitent tels des électrons à l’énergie négative.
Lorsque Elon Musk fait de son réseau social son principal porte-voix, ne rechignant pas à manipuler, à l’aide de sa propre solution d’intelligence artificielle Grok, les messages qu’il y poste, se faisant apôtre et juge, se rêvant en démiurge, ce sont les principes fondamentaux de la démocratie qu’il remet en cause. Son ingéniosité et son éclectisme unanimement loués hier par la plupart des dirigeants, deviennent aujourd’hui des menaces pour les droits humains.

Les nouveaux outils de la liberté d’expression sont toujours une bonne nouvelle même s’ils exigent de bien penser l’organisation et l’équilibre de la prise de parole de chacun.
Les nouveaux outils de la liberté d’expression sont toujours une bonne nouvelle même s’ils exigent de bien penser l’organisation et l’équilibre de la prise de parole de chacun. Mais la tentative de préemption du monde par les futurs dirigeants américains risque de mettre fin à des années de dialogues entre les différents acteurs privés et publics de chaque côté de l’Atlantique, aussi complexes que la matière technologique, du Web à l’intelligence artificielle en passant par les réseaux sociaux, qu’ils traitent. Dès lors, chaque prise de position fait l’effet d’une bombe.

Aussi puissante soit l’annonce de Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook devenu Meta, de mettre fin à la vérification des faits par des professionnels, médias ou fondations, elle ne remet pas pour autant, à ce stade, tout en cause. A vrai dire, les grandes plateformes, déjà rentables, ne peuvent se payer le luxe d’inquiéter leurs actionnaires et leurs annonceurs outre mesure. Sauf à tenter des paris hasardeux, elles devront maintenir une exigence de qualité passant par une modération irréprochable.

Mais si son annonce ne concerne que les Etats-Unis, c’est sans doute aussi grâce à la législation européenne et plus particulièrement au Digital Service Act (DSA) qui vise à renforcer la protection des consommateurs en encadrant mieux l’activité des plus grandes plateformes. Voyons le verre à moitié plein, la réglementation européenne contraint Elon Musk et Mark Zuckerberg à respecter un certain standard. Il n’en reste pas moins que cela constitue une mauvaise nouvelle pour des médias à l’économie déjà précaire, socle fragile de démocraties friables.

En l’espèce, le dirigeant de Meta appuie aussi là où l’Europe a mal avec sa maladie chronique d’inflation réglementaire pour traiter tout nouveau bobo, sans se donner la peine d’utiliser ou de vérifier l’effectivité des outils déjà existants. Plutôt que d’accumuler et d’enchevêtrer les lois, avant de les appliquer avec zèle, donnons une chance à celles en vigueur et surtout veillons à ce qu’elles soient appliquées.

La culture de la régulation doit aussi être celle de la modération. Déjà, l’absence de neutralité des plateformes pourrait permettre de les soumettre aux mêmes règles de détention et de pluralité que les médias traditionnels quand elles sortent de leur rôle de passeuses d’idées pour prendre parti.

Un récent rapport du groupe de travail de La villa numeris visant à « Réaffirmer la liberté d’expression » montre que notre arsenal juridique permet de réaffirmer la liberté d’expression comme principe et de faire respecter ses exceptions, comme pour tout droit fondamental, dans les sociétés démocratiques. Encore faut-il se donner les moyens d’appliquer les règles existantes qui nécessitent un engagement humain et politique inédit.

Il est encore temps de former les juges mais aussi les professeurs, les élèves, les familles. Il est encore temps d’initier une coordination et une collaboration de l’ensemble des acteurs, opérateurs et plateformes, pouvoirs publics, médias, consommateurs, universitaires. Il est encore temps de permettre à la justice de jouer son rôle, plutôt que d’inventer de nouvelles règles qui rejoindront la poussière des textes jamais ou peu utilisés.

Déjà, arrêtons de nous enfermer dans des fausses réalités : la liberté d’expression pour les robots n’existe pas et nous pouvons déjà faire cesser nombre de campagnes de haine ou de manipulation artificielle sans augmenter les contraintes à la liberté d’expression. Terre d’inventivité, de créativité, d’originalité et d’ambitions, l’Europe, forte de ses 750 millions d’habitants, plus de deux fois la population des Etats-Unis, peut et doit montrer la voie de développements numériques respectueux des humains. Ce qui nous distingue nous portera.

Politique-Vitupérer, caricature de la démocratie

Vitupérer caricature la démocratie

 « Vitupérer nuit gravement au débat », « Hissons-nous au niveau des enjeux de la Liberté d’expression », défendent Thaima Samman, avocate, fondatrice du Cabinet Samman et co-présidente du groupe de travail de La villa numeris sur la liberté d’expression, et David Lacombled, président du groupe. Pour eux, si la liberté est un droit fondamental, la liberté d’expression « ne constitue pas un droit absolu pour autant ». ( dans la « Tribune »)

 

Alors que X et TikTok deviennent de véritables torrents de boue, les éructations du dirigeant du premier et le silence du second ne contribuent pas à porter un débat digne, à la hauteur des enjeux du droit fondamental que représente la liberté d’expression.
Il est pour le moins paradoxal que les chantres de la liberté d’expression, le prochain président des Etats-Unis et son vice-président officieux Elon Musk, monopolisent à ce point la parole et semblent décidés à prendre les décisions pour le reste du monde. Au prétexte de pouvoir tout dire, on n’entend plus qu’eux.

Rappelons les fondamentaux de la liberté d’expression. Ce n’est pas tout dire et n’importe quoi. La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen précise que « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ». Ni plus, ni moins. Nul ne saurait y déroger. Et pourtant.

Nos démocraties tirent leur force de leur capacité à permettre un débat équilibré et fructueux, même s’il n’est ni toujours consensuel, ni forcément apaisé. C’est comme ça que les idées progressent. A cet égard, les réseaux sociaux sont apparus comme de nouvelles agoras où chacun peut s’exprimer, où il suffit de prendre la parole dans le respect des règles de droit et aussi de son prochain. Y arriver avec un mégaphone plombe l’ambiance et rend zinzin une partie de ses membres qui s’agitent tels des électrons à l’énergie négative.
Lorsque Elon Musk fait de son réseau social son principal porte-voix, ne rechignant pas à manipuler, à l’aide de sa propre solution d’intelligence artificielle Grok, les messages qu’il y poste, se faisant apôtre et juge, se rêvant en démiurge, ce sont les principes fondamentaux de la démocratie qu’il remet en cause. Son ingéniosité et son éclectisme unanimement loués hier par la plupart des dirigeants, deviennent aujourd’hui des menaces pour les droits humains.

Les nouveaux outils de la liberté d’expression sont toujours une bonne nouvelle même s’ils exigent de bien penser l’organisation et l’équilibre de la prise de parole de chacun.
Les nouveaux outils de la liberté d’expression sont toujours une bonne nouvelle même s’ils exigent de bien penser l’organisation et l’équilibre de la prise de parole de chacun. Mais la tentative de préemption du monde par les futurs dirigeants américains risque de mettre fin à des années de dialogues entre les différents acteurs privés et publics de chaque côté de l’Atlantique, aussi complexes que la matière technologique, du Web à l’intelligence artificielle en passant par les réseaux sociaux, qu’ils traitent. Dès lors, chaque prise de position fait l’effet d’une bombe.

Aussi puissante soit l’annonce de Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook devenu Meta, de mettre fin à la vérification des faits par des professionnels, médias ou fondations, elle ne remet pas pour autant, à ce stade, tout en cause. A vrai dire, les grandes plateformes, déjà rentables, ne peuvent se payer le luxe d’inquiéter leurs actionnaires et leurs annonceurs outre mesure. Sauf à tenter des paris hasardeux, elles devront maintenir une exigence de qualité passant par une modération irréprochable.

Mais si son annonce ne concerne que les Etats-Unis, c’est sans doute aussi grâce à la législation européenne et plus particulièrement au Digital Service Act (DSA) qui vise à renforcer la protection des consommateurs en encadrant mieux l’activité des plus grandes plateformes. Voyons le verre à moitié plein, la réglementation européenne contraint Elon Musk et Mark Zuckerberg à respecter un certain standard. Il n’en reste pas moins que cela constitue une mauvaise nouvelle pour des médias à l’économie déjà précaire, socle fragile de démocraties friables.

En l’espèce, le dirigeant de Meta appuie aussi là où l’Europe a mal avec sa maladie chronique d’inflation réglementaire pour traiter tout nouveau bobo, sans se donner la peine d’utiliser ou de vérifier l’effectivité des outils déjà existants. Plutôt que d’accumuler et d’enchevêtrer les lois, avant de les appliquer avec zèle, donnons une chance à celles en vigueur et surtout veillons à ce qu’elles soient appliquées.

La culture de la régulation doit aussi être celle de la modération. Déjà, l’absence de neutralité des plateformes pourrait permettre de les soumettre aux mêmes règles de détention et de pluralité que les médias traditionnels quand elles sortent de leur rôle de passeuses d’idées pour prendre parti.

Un récent rapport du groupe de travail de La villa numeris visant à « Réaffirmer la liberté d’expression » montre que notre arsenal juridique permet de réaffirmer la liberté d’expression comme principe et de faire respecter ses exceptions, comme pour tout droit fondamental, dans les sociétés démocratiques. Encore faut-il se donner les moyens d’appliquer les règles existantes qui nécessitent un engagement humain et politique inédit.

Il est encore temps de former les juges mais aussi les professeurs, les élèves, les familles. Il est encore temps d’initier une coordination et une collaboration de l’ensemble des acteurs, opérateurs et plateformes, pouvoirs publics, médias, consommateurs, universitaires. Il est encore temps de permettre à la justice de jouer son rôle, plutôt que d’inventer de nouvelles règles qui rejoindront la poussière des textes jamais ou peu utilisés.

Déjà, arrêtons de nous enfermer dans des fausses réalités : la liberté d’expression pour les robots n’existe pas et nous pouvons déjà faire cesser nombre de campagnes de haine ou de manipulation artificielle sans augmenter les contraintes à la liberté d’expression. Terre d’inventivité, de créativité, d’originalité et d’ambitions, l’Europe, forte de ses 750 millions d’habitants, plus de deux fois la population des Etats-Unis, peut et doit montrer la voie de développements numériques respectueux des humains. Ce qui nous distingue nous portera.

Vitupérer caricature la démocratie

Vitupérer caricature la démocratie

 « Vitupérer nuit gravement au débat », « Hissons-nous au niveau des enjeux de la Liberté d’expression », défendent Thaima Samman, avocate, fondatrice du Cabinet Samman et co-présidente du groupe de travail de La villa numeris sur la liberté d’expression, et David Lacombled, président du groupe. Pour eux, si la liberté est un droit fondamental, la liberté d’expression « ne constitue pas un droit absolu pour autant ». ( dans la « Tribune »)

 

Alors que X et TikTok deviennent de véritables torrents de boue, les éructations du dirigeant du premier et le silence du second ne contribuent pas à porter un débat digne, à la hauteur des enjeux du droit fondamental que représente la liberté d’expression.
Il est pour le moins paradoxal que les chantres de la liberté d’expression, le prochain président des Etats-Unis et son vice-président officieux Elon Musk, monopolisent à ce point la parole et semblent décidés à prendre les décisions pour le reste du monde. Au prétexte de pouvoir tout dire, on n’entend plus qu’eux.

Rappelons les fondamentaux de la liberté d’expression. Ce n’est pas tout dire et n’importe quoi. La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen précise que « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ». Ni plus, ni moins. Nul ne saurait y déroger. Et pourtant.

Nos démocraties tirent leur force de leur capacité à permettre un débat équilibré et fructueux, même s’il n’est ni toujours consensuel, ni forcément apaisé. C’est comme ça que les idées progressent. A cet égard, les réseaux sociaux sont apparus comme de nouvelles agoras où chacun peut s’exprimer, où il suffit de prendre la parole dans le respect des règles de droit et aussi de son prochain. Y arriver avec un mégaphone plombe l’ambiance et rend zinzin une partie de ses membres qui s’agitent tels des électrons à l’énergie négative.
Lorsque Elon Musk fait de son réseau social son principal porte-voix, ne rechignant pas à manipuler, à l’aide de sa propre solution d’intelligence artificielle Grok, les messages qu’il y poste, se faisant apôtre et juge, se rêvant en démiurge, ce sont les principes fondamentaux de la démocratie qu’il remet en cause. Son ingéniosité et son éclectisme unanimement loués hier par la plupart des dirigeants, deviennent aujourd’hui des menaces pour les droits humains.

Les nouveaux outils de la liberté d’expression sont toujours une bonne nouvelle même s’ils exigent de bien penser l’organisation et l’équilibre de la prise de parole de chacun.
Les nouveaux outils de la liberté d’expression sont toujours une bonne nouvelle même s’ils exigent de bien penser l’organisation et l’équilibre de la prise de parole de chacun. Mais la tentative de préemption du monde par les futurs dirigeants américains risque de mettre fin à des années de dialogues entre les différents acteurs privés et publics de chaque côté de l’Atlantique, aussi complexes que la matière technologique, du Web à l’intelligence artificielle en passant par les réseaux sociaux, qu’ils traitent. Dès lors, chaque prise de position fait l’effet d’une bombe.

Aussi puissante soit l’annonce de Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook devenu Meta, de mettre fin à la vérification des faits par des professionnels, médias ou fondations, elle ne remet pas pour autant, à ce stade, tout en cause. A vrai dire, les grandes plateformes, déjà rentables, ne peuvent se payer le luxe d’inquiéter leurs actionnaires et leurs annonceurs outre mesure. Sauf à tenter des paris hasardeux, elles devront maintenir une exigence de qualité passant par une modération irréprochable.

Mais si son annonce ne concerne que les Etats-Unis, c’est sans doute aussi grâce à la législation européenne et plus particulièrement au Digital Service Act (DSA) qui vise à renforcer la protection des consommateurs en encadrant mieux l’activité des plus grandes plateformes. Voyons le verre à moitié plein, la réglementation européenne contraint Elon Musk et Mark Zuckerberg à respecter un certain standard. Il n’en reste pas moins que cela constitue une mauvaise nouvelle pour des médias à l’économie déjà précaire, socle fragile de démocraties friables.

En l’espèce, le dirigeant de Meta appuie aussi là où l’Europe a mal avec sa maladie chronique d’inflation réglementaire pour traiter tout nouveau bobo, sans se donner la peine d’utiliser ou de vérifier l’effectivité des outils déjà existants. Plutôt que d’accumuler et d’enchevêtrer les lois, avant de les appliquer avec zèle, donnons une chance à celles en vigueur et surtout veillons à ce qu’elles soient appliquées.

La culture de la régulation doit aussi être celle de la modération. Déjà, l’absence de neutralité des plateformes pourrait permettre de les soumettre aux mêmes règles de détention et de pluralité que les médias traditionnels quand elles sortent de leur rôle de passeuses d’idées pour prendre parti.

Un récent rapport du groupe de travail de La villa numeris visant à « Réaffirmer la liberté d’expression » montre que notre arsenal juridique permet de réaffirmer la liberté d’expression comme principe et de faire respecter ses exceptions, comme pour tout droit fondamental, dans les sociétés démocratiques. Encore faut-il se donner les moyens d’appliquer les règles existantes qui nécessitent un engagement humain et politique inédit.

Il est encore temps de former les juges mais aussi les professeurs, les élèves, les familles. Il est encore temps d’initier une coordination et une collaboration de l’ensemble des acteurs, opérateurs et plateformes, pouvoirs publics, médias, consommateurs, universitaires. Il est encore temps de permettre à la justice de jouer son rôle, plutôt que d’inventer de nouvelles règles qui rejoindront la poussière des textes jamais ou peu utilisés.

Déjà, arrêtons de nous enfermer dans des fausses réalités : la liberté d’expression pour les robots n’existe pas et nous pouvons déjà faire cesser nombre de campagnes de haine ou de manipulation artificielle sans augmenter les contraintes à la liberté d’expression. Terre d’inventivité, de créativité, d’originalité et d’ambitions, l’Europe, forte de ses 750 millions d’habitants, plus de deux fois la population des Etats-Unis, peut et doit montrer la voie de développements numériques respectueux des humains. Ce qui nous distingue nous portera.

Politique-Elon Musk – Encore sous cocaïne- ne veut pas de démocratie sur Mars

Politique-Elon Musk - Encore sous cocaïne- ne veut pas de démocratie sur Mars

 

Comme si le monde ne connaissait pas suffisamment de problèmes, le milliardaire génial mais fou ne cesse d’intervenir avec des idées les plus farfelues notamment en soutenant des parties d’opposition d’extrême droite. Cette fois il affirme que dans sa vision lointaine quand la planète Mars sera colonisée, on pourra se passer de la démocratie représentative en utilisant la démocratie directe. Exactement ce que préconise et mettent  en œuvre tous les dictateurs au monde.

Compte tenu des positions de plus en plus iconoclastes de Musk- souvent sous cocaïne- , il est vraisemblable qu’il y aura un jour affrontement avec le président américain.

Elon Musk devrait pourtant se montrer prudent car officiellement le mélange politique et business est rarement compatible. Faut-il aussi rappeler que le milliardaire vit largement aux frais des subventions reçues des États-Unis et grâce à la politique protectionniste américaine.

Interrogé sur l’éventuel système de gouvernement, le fondateur de Space X affirme que les humains qui arriveront sur la planète et qui la coloniseront «choisiront eux-mêmes leur mode de fonctionnement politique». Il se permet d’émettre une «recommandation» : « Je préconise la démocratie directe plutôt que la démocratie représentative», a-t-il écrit dans son post.

Pour que des êtres humains posent pied sur la planète, Elon Musk estime le délai à environ quatre ans «pour les vaisseaux avec équipage». Une promesse sans doute faite sous influence de la cocaïne ! En fait 4ans, 40 ans ou plus vraisemblablement jamais !

Pour une vraie démocratie

Pour une vraie démocratie

Face à la difficulté qu’ont les institutions à rassembler pour faire société, il est plus que jamais nécessaire de réinsuffler, auprès de tous, l’envie d’échanger sur nos accords et nos désaccords, afin de recréer de la cohésion. Notre démocratie en dépend, plaide la coalition du Pacte 2025 pour la réconciliation citoyenne.( dans la Tribune)

51% des Français ne sont pas satisfaits du fonctionnement de notre démocratie, avec une nette dégradation de ce chiffre depuis les années 2000. Contrairement aux idées reçues, ceci n’est pas le reflet d’un désintérêt croissant pour la politique : c’est plutôt celui d’un fort sentiment de déconnexion croissante entre les citoyens et leurs institutions.

Depuis le début du 21e siècle, les démocraties sont confrontées à deux défis majeurs : le premier est que souvent, les déclarations d’intention lors des campagnes électorales, au sein de l’hémicycle ou ailleurs, ne font pas consensus sur le terrain ou passent inaperçues. Ainsi, elles ne donnent pas le sentiment aux citoyens d’avoir un véritable impact sur leur vie quotidienne ni de dessiner un avenir commun souhaitable. Le second, c’est leur difficulté – voir incapacité – à maintenir ouvert un dialogue entre élus, citoyens ou partenaires sociaux, qui ne partagent pas les mêmes convictions. Cette situation creuse un peu plus la crise de confiance des citoyens envers les institutions et provoque une fragmentation accrue de la société, exacerbée par les réseaux sociaux dont les algorithmes sont construits pour ne nous montrer que ce que nous voulons voir, à l’abri de tout autre point de vue divergent.

La saga politique cet été en France, qui semble reprendre, est le reflet de ce nouveau fléau et la preuve qu’il devient, même dans les appareils démocratiques, difficile de concilier. Alors que 9 Français sur 10 déplorent un débat public trop agressif, il apparaît désormais urgent et nécessaire de créer des moments et des espaces qui soient dédiés à la réflexion commune, au partage d’idées, au débat, loin des clivages partisans.

Au-delà des institutions nationales, c’est en appeler aux élus, aux citoyens, aux associations, aux entreprises, de sauver notre démocratie et de sortir d’une attitude de confrontation permanente : tous concernés, c’est en plaçant chacun d’entre nous au cœur de la discussion et des décisions que nous réussirons à sortir de ce statu quo. Devenir des ingénieurs plutôt que des théoriciens de notre démocratie, c’est s’assurer de mettre en place des actions concrètes de dialogue et de partage, comme peuvent l’être l’organisation d’une convention citoyenne augmentée afin de réfléchir au rôle et aux évolutions possibles de nos institutions et de notre système électoral, ou encore la création d’outils ludiques pour initier les citoyens et notamment les plus jeunes aux rouages de la démocratie et à ses défis.

Lorsqu’il s’agit de technologie, deux constats : le premier, c’est que la technologie évolue à un rythme inégalable face à nos institutions centenaires, rendant difficile de légiférer en temps et en heure. La seconde, c’est que si la technologie peut être mise au service de la désinformation, il est aussi possible de la mettre au service de la conciliation citoyenne et de la résilience démocratique.

Qu’il s’agisse des réseaux sociaux ou de l’intelligence artificielle générative (ou non) dont le Q.I. grandit de jour en jour, ces technologies sont là pour rester : il nous revient d’en faire une force, plutôt que de les subir. L’IA transforme l’emploi, la santé, la culture, l’économie, l’information… des sphères qui sont critiques au bon fondement et fonctionnement de notre société, et par conséquent de notre démocratie. Associer les citoyens et la société civile à une réflexion sur son impact paraît donc absolument nécessaire. Et puisque les réseaux sociaux sont capables de pousser en continu des contenus fidèles à nos opinions, peut-être pourraient-ils aussi diffuser des messages valorisant le vivre ensemble et le dialogue constructif ?

Associations, entreprises, citoyens, monde académique, partenaires sociaux : notre démocratie ne peut pas vivre à travers le seul rendez-vous électoral, il est ainsi dans l’intérêt de tous de s’impliquer davantage. Si nous avons besoin de nos institutions, elles ont aussi besoin de nous : en engageant des actions de terrains concrètes, en leur livrant des constats précieux et en tissant à nouveau des liens qui permettent à la France de sortir de l’immobilisme.

______

(*) Les signataires:

  • Axel Dauchez, Président et fondateur de Make.org
  • Constance Bommelaer de Leusse, directrice de l’Institut IA & Société à l’ENS et conseillère du Tech Hub de SciencesPo
  • Clémence Pène, co-présidente A voté
  • Yves Mathieu, Missions Publiques, fondateur et co-directeur
  • Emmanuel Lansac, président, co fondateur d’Accords Citoyens
  • Laure Salvaing, Directrice Générale de Verian France

Démocratie en Algérie :l’avocat de Boualem Sansal interdit en Algérie

Démocratie en Algérie :l’avocat de Boualem Sansal   interdit en Algérie

Lors d’une audience prévue ce mercredi 11 décembre, l’avocat de Boualem Sansal, Me François Zimeray, prévoyait de demander la remise en liberté de l’écrivain franco-algérien. Il ne pourra finalement pas le faire, faute de visa valide pour entrer en Algérie. 

Selon l’avocat, mandaté par l’éditeur Gallimard, «ce refus de visa en temps utile, entrave l’exercice de la défense, sans laquelle il n’y a pas de procès équitable». Dans un communiqué, il déplore également qu’«aucune autorité n’ait cru utile d’informer ses défenseurs du changement de lieu de détention de M. Sansal, désormais incarcéré à la prison de Kolea.» 

L’écrivain aurait été transféré jeudi dernier dans cet établissement pénitentiaire, situé à 35km au sud d’Alger. Une façon pour les autorités algériennes de maintenir à distance le prévenu de sa défense.

 L’écrivain est poursuivi sur le fondement de l’article 87 bis du Code pénal algérien, notamment pour «atteinte à l’unité nationale et à l’intégrité territoriale du pays» et «complot contre la sûreté de l’État».

La démocratie représentative menacée par le populisme

  La démocratie représentative  menacée par le populisme 

Dans un entretien au « Monde », le spécialiste de la gouvernance locale Christian Le Bart  s’inquiète de voir que le métier politique n’est guère défendu par ceux qui l’exercent, en privilégiant des stratégies de façade, qui flirtent avec l’air du temps.

Professeur à l’Institut d’études politiques de Rennes, Christian Le Bart est l’un des spécialistes de la gouvernance locale. A la croisée de ses travaux sur l’individualisation ou le discours et la communication en politique, son essai, La Politique à l’envers (CNRS, 280 pages, 23 euros), analyse les mutations du champ politique face à une défiance croissante.

La critique des politiques s’est fortement accentuée ces dernières années. Quel événement caractérise cette radicalisation du discours ?

Il n’y a pas de démocratie sans liberté pour les citoyens de critiquer les gouvernants, mais nous sommes aujourd’hui en présence de mécanismes assez profonds, voire très structurants de la contestation des professionnels de la politique.

Le mouvement des « gilets jaunes » en est sans doute le symbole avec des critiques et des mises en cause très radicales à l’encontre de tout ce qui porte une écharpe tricolore. Ce moment a montré de façon assez éclatante un haut degré d’exaspération à l’égard de la vie de la classe politique dans son ensemble. Même s’il faut apporter des nuances, on peut considérer que ce mouvement s’est largement défini par la remise en cause des figures institutionnelles (politique, journaliste, scientifique).

La raison de ce ressentiment tient-elle dans la perte de confiance des citoyens dans la capacité des dirigeants politiques à améliorer leur vie quotidienne ?

L’une des caractéristiques du champ politique français est qu’il a longtemps fonctionné autour de la croyance que l’alternance pouvait apporter une amélioration des modes et des conditions de vie, longtemps rendue possible par la croissance économique.

Jusqu’à 1981, nous étions dans un système d’absence assez atypique d’alternance, puis tout s’est accéléré de manière frénétique avec des effets de brouillage du clivage droite-gauche dont le macronisme est un peu l’héritier. Nous sommes passés d’un clivage droite-gauche à un clivage « nous-eux » : soit la société civile versus les professionnels de la politique. Ce basculement a ouvert la voie à des transformations fondamentales plus ou moins populistes.

Trump remet en cause la démocratie américaine

Trump remet en cause la démocratie américaine

 

Valentine Zuber, historienne : « Donald Trump veut détricoter et réécrire la théorie libérale qui fonde le système politique américain ». En matière de remise en cause des droits humains, le nouveau mandat du 47ᵉ président des Etats-Unis s’inscrit dans la lignée du premier qui, entre 2017 et 2021, avait déjà donné l’exemple d’un « glissement illibéral », explique l’historienne dans une tribune au « Monde ».

Un certain nombre de pays libéraux, dont la France et les Etats-Unis, de concert avec l’ONU, ont développé une activité diplomatique soutenue de promotion, de veille et parfois de rappel à l’ordre des pays contrevenants en matière de droits humains. Cette diplomatie est aujourd’hui vertement dénoncée par les grands régimes « révisionnistes » du système international, en particulier la Russie et la Chine, qui la considèrent comme un moyen d’influence et d’ingérence occidentale illégitime, hypocrite et obsolète. Il se peut que, avec l’agenda politique prévu par l’administration Trump II, leurs autocrates n’aient plus à s’inquiéter désormais d’une telle prétention.

L’impératif de respect des droits humains a déjà été affaibli au sein même des démocraties depuis le début des années 2000 par les effets de la guerre contre le terrorisme, des abus grandissants de la force publique et des politiques restrictives motivées par la pandémie de Covid-19.

Ils sont désormais formellement déniés par les régimes révisionnistes, qui ont profité des mêmes circonstances pour développer un arsenal pénal et une surveillance policière et sociale généralisée de leurs populations, amplifiée par les techniques numériques.

Mais il y a encore un autre domaine où la régression des droits et libertés s’est particulièrement fait sentir, au moment où les analystes ont commencé à s’émouvoir de l’impuissance des Nations unies à les faire respecter. Actuellement, de nouvelles formes asymétriques de conflits se caractérisent par le retour d’une cruauté criminelle impunie envers les populations civiles, de la part d’Etats qui n’hésitent plus à s’affranchir du respect du droit humanitaire dans la guerre, comme la Russie ou Israël.

C’est aussi le système international de défense des droits humains qui est maintenant contesté par un jeu de dénonciation puis de « sortie » des organisations, des traités, des conventions et des systèmes juridictionnels internationaux ou régionaux. Tout se passe comme si ces Etats avaient ainsi trouvé toutes sortes de motifs fallacieux pour torpiller la logique même des droits humains. Certains ont sciemment cherché à déséquilibrer les organisations internationales et régionales qui leur sont consacrées, par l’utilisation des recours judiciaires ou extrajudiciaires et par la diffamation politique ou diplomatique.

Un large mouvement de contamination idéologique à tonalité illibérale s’est disséminé dans plusieurs parties du monde depuis les années 2010. Dans certains pays, les changements constitutionnels et législatifs répétés ont spécifiquement visé à la réduction du champ des droits et libertés, au nom de la lutte contre leur « dérive » « wokiste » ou pro-LGBTQIA + et la destruction supposée de valeurs morales traditionnelles.

 

 

États-Unis : une démocratie au point de rupture

 

États-Unis : une démocratie au point de rupture

Les Démocrates semblent avoir pris le dessus sur les Républicains en juillet 2024, en changeant le scénario de la campagne avec le retrait de Joe Biden. Ils ont, ce faisant, libéré une véritable énergie, visible à la fois dans l’augmentation des collectes de fonds et dans l’enthousiasme des foules aux rassemblements de la nouvelle candidate, Kamala Harris. Mais l’élection est loin d’être gagnée pour autant. À vrai dire, elle va se jouer dans un mouchoir de poche, non pas tant du fait de la volatilité de l’électorat, que parce que la planche électorale des Démocrates a été largement savonnée par les Républicains depuis 2021. Concentrés à empêcher une autre victoire d’un candidat démocrate en 2024, ils ont creusé les failles de l’élection présidentielle au point de sa potentielle rupture.Pour comprendre l’hypothèse d’un scénario catastrophe du blocage de l’élection de novembre 2024 si celle-ci se soldait par une victoire de Kamala Harris, il faut revenir au caractère contre-majoritaire, voire anti-démocratique selon certains commentateurs, du système électoral américain.

 

par 

Professeur des Universités en histoire contemporaine, Aix-Marseille Université (AMU) dans The Conversation 

 

Au commencement de la République, les concepteurs de la Constitution fédérale, soit les 55 délégués de la Convention de Philadelphie (1787), ont défini le pouvoir du président et fixé son mode de désignation. Le président du gouvernement fédéral n’est pas élu directement par le peuple américain mais par un collègue électoral issu des États (article 2, section 1 de la Constitution). Les conventionnels, attachés au souverainisme local dans l’architecture fédérale, ont fabriqué une organisation alambiquée de l’élection collégiale à travers le suffrage indirect et à deux niveaux au sein de chaque État, à laquelle se sont rajoutées – on l’a vu – toutes les limitations des lois électorales laissées à la compétence des États, dont celle du droit de vote lui-même, réservé par le passé aux hommes blancs, libres, et de plus de 21 ans.

Les chambres locales forment des listes de « grands électeurs » qui représentent chaque candidat national. Hormis le Maine et le Nebraska qui ont un système un peu différent, chaque liste partisane comprend un nombre fixe de grands électeurs, correspondant au nombre d’élus que l’État envoie au Congrès fédéral (deux sénateurs pour chaque État, et un certain nombre de représentants, proportionnel à la population de l’État), soit par exemple 40 grands électeurs au Texas contre 3 au Wyoming. Par le principe du winner takes all, le candidat présidentiel qui arrive en tête dans un État à l’issue des décomptes de toutes ses circonscriptions obtient la totalité des grands électeurs dudit État.

L’ensemble des grands électeurs « élus », soit un total de 538 personnes, vote à son tour depuis le niveau local pour le candidat qu’ils représentent. Il faut un résultat de 270 votants minimum pour être élu président. Chaque État transmet officiellement le résultat de ce vote au Congrès. Ce dernier proclame, État par État, le résultat obtenu et le valide, toujours État par État, lors de la cérémonie de certification nationale du 6 janvier, sous la supervision du vice-président sortant. Et c’est le vice-président qui annonce publiquement le nom du nouveau président.

Ce système complexe présente de nombreux défauts, que les Républicains ont creusés ces dernières années. Il fait difficilement correspondre le vote réel avec les listes gagnantes des grands électeurs, un problème qui s’est aggravé du fait des charcutages de circonscription auxquels se rajoutent les tracasseries des lois électorales locales. Cela provoque un effet « mouchoir de poche ». Il suffit de quelques voix de plus dans une circonscription au coude à coude pour qu’une liste rafle la victoire dans un État, comme les 537 voix finales (sur 6 millions de votants), décomptées en faveur de George W. Bush en 2000 en Floride, après trois recomptages manuels et l’intervention de la Cour suprême. La Floride comptant 25 grands électeurs, Bush Jr. avait ainsi gagné non seulement la Floride, mais aussi l’élection présidentielle…

Le paradoxe inverse est bien que le candidat qui a cumulé le plus de voix dans le décompte national n’obtienne pas nécessairement la majorité des grands électeurs. Ainsi, en 2016, Donald Trump a obtenu 74 grands électeurs de plus qu’Hillary Clinton, alors que cette dernière avait gagné le vote populaire avec une avance de 3 millions de voix. Trump a été le cinquième président des États-Unis depuis 1876 à être élu sans gagner le vote populaire.

Le scénario aurait pu se reproduire en 2020. Cette fois-ci, c’est bien Joe Biden qui a gagné, avec 74 grands électeurs et 7 millions de voix de plus que son adversaire. Mais il aurait suffi que Trump ait remporté 12 000 voix supplémentaires en Géorgie (16 grands électeurs), 81 000 en Pennsylvanie (20 grands électeurs) et 27 000 dans le Wisconsin (10 électeurs) pour être élu.

Dans un tel contexte, il est particulièrement tentant de s’en prendre aux résultats des circonscriptions et des États bascules (swing states), qui changent le profil majoritaire des grands électeurs. De fait, dès le printemps 2020, Donald Trump, alors président, a commencé à dénoncer, accompagné par de nombreux ténors du Parti républicain, un prétendu trucage démocrate de l’élection à venir, à travers l’extension du vote par correspondance, alors que cette extension était en réalité due à la nécessité de concilier précautions sanitaires et participation, dans un contexte marqué par la pandémie de Covid-19.

L’accusation de fraude, aussi vieille que les premières campagnes électorales, a refait surface, doublée d’un imaginaire complotiste. Outre la défiance exacerbée des électeurs républicains, elle a donné naissance au mouvement Stop the Steal, (arrêtez le vol) au soir des élections de novembre 2020, dont les actions ont atteint leur paroxysme avec l’occupation du Capitole le jour de la certification nationale. Le Parti républicain n’a pas été en reste. La majorité n’a pas désavoué le président dans son refus chaotique d’accepter les résultats électoraux. Beaucoup ont été complices de ses efforts pour invalider les résultats.

Les campagnes Trump locales ont cherché à mobiliser tout l’arsenal juridique à leur disposition pour remettre en question les résultats des États bascules. Même après l’attaque du 6 janvier contre le Congrès fédéral, 138 des 209 représentants républicains présents, soit les deux tiers de la représentation républicaine et 11 sénateurs républicains se sont opposés à la certification des résultats de l’Arizona et de la Pennsylvanie. Ce sont des individus attachés au respect des procédures et institutions, convaincus du scrupule démocratique de tous les acteurs de la certification – comme le vice-président Mike Pence et la Speaker républicaine de la Chambre Liz Cheney –, bien plus que le système constitutionnel des checks and balances, qui ont permis d’empêcher l’invalidation des élections de 2020.

Par la suite, après les résultats du recensement de 2020, les Républicains ont continué à restreindre l’accès au vote de l’électorat démocrate, et ont déployé beaucoup d’énergie pour monopoliser le contrôle politique de tout le système électoral local, dont les dépouillements et les certifications de résultats. En effet le Secretary of State de l’État local est à la tête du système administratif, s’assurant du bon déroulement des élections. Il certifie les élections et peut demander aux fonctionnaires d’appliquer certains aspects de la loi électorale plus que d’autres. Comme la décentralisation opère aussi au sein des États, les élections sont également gérées au niveau de chaque comté qui possède un conseil électoral (board of elections). Ses membres sont traditionnellement nommés par le gouverneur.

Chaque échelon administratif du processus électoral est donc accompagné d’officiels politiques. Les conseils de comté ainsi que leur sommet, le conseil électoral étatique, ont normalement des mécanismes de supervision fédérale instaurés par le Civil Rights Act de 1965, pour empêcher les abus liés à la partialité des élus locaux. Mais la Cour suprême a jugé inconstitutionnelle la supervision de la composition des conseils électoraux (Shelby County, 2013), dans une jurisprudence très commentée. En conséquence, la course au monopole des conseils électoraux et à l’élargissement de leurs compétences dans le contrôle des résultats a été relancée.

Le cas de la Géorgie est à ce point illustratif qu’il a fait l’objet d’un reportage inquiétant du New York Times, quant à son effet papillon potentiel, qui doublerait l’effet mouchoir de poche.

Dans cet État, Trump a accusé les Démocrates d’avoir bourré les urnes et trafiqué les machines de comptage en 2020, avant de tenter de renverser les résultats, en faisant pression sur le Secrétaire d’État républicain de Géorgie (janvier 2021), initiative qui lui a valu une inculpation pénale. En mai 2024, le conseil électoral de Géorgie a été noyauté par des élus trumpistes. Il a entériné, entre autres, le principe de l’enquête raisonnable par les conseils électoraux des comtés qui certifient l’élection dans leur circonscription, en cas de doute ou de suspicion de fraude.

Si Kamala Harris gagne la Géorgie à la manière étroite de Joe Biden en 2020 (de 12 000 voix), il suffirait de lancer une enquête pour suspicion de fraude dans un comté passé aux démocrates – comme Fulton ou DeKalb – pour retarder le plus longtemps possible le processus de dépouillement et bloquer la certification, non seulement au niveau du comté mais aussi de l’État local et, de fil en aiguille, au niveau national. Et s’il fallait monter jusqu’à la Cour suprême pour trancher le litige afin de tenir les délais de la certification nationale, les Républicains peuvent espérer que cette dernière tranche contre Harris, comme elle l’a fait en 2000 contre Al Gore.

Le spectre d’un tel scénario est néanmoins contrebalancé par la vigilance du procureur général de l’État et celle du Secrétaire d’État, le Républicain Brad Raffensperger, qui a résisté à Trump en 2021 et qui a honnêtement veillé, depuis son arrivée en 2018, à ce que la participation électorale dans son État soit la plus large possible.

La Cour suprême, comme nous venons de le dire, ne paraît pas le meilleur rempart contre les dérives du système électoral national. Le fait que les membres de la Cour soient nommés par le président de l’Union – un tiers des neuf juges ont été nommés sous Donald Trump – permet une fluctuation de leur sensibilité politique, laquelle paraît de plus en plus favorable aux Républicains, au point que sa dernière jurisprudence en la matière, le 1er juillet 2024, a confirmé l’immunité de Donald Trump dans l’affaire du Capitole.

La Cour a émis un certain nombre d’autres jurisprudences qui vont à l’encontre des lois fédérales sur la transparence et l’égalité électorale dans les États. Elle a redonné une large marge de manœuvre aux États sur leur droit électoral, comme accepter le financement des candidats et campagnes par des entreprises (corporations) décrétées « personnes morales » tout comme les groupes d’intérêt religieux (Citizens United, 2010). Elle a mis fin à la tutelle fédérale de vérification des mesures locales à effet discriminatoire (Shelby County, 2013), ce qui a conduit à accepter le charcutage partisan des circonscriptions (Rucho et al. v. Common Cause de 2019 et surtout Brnovich v. Democratic National Committee de 2021).

In fine, comment protéger la démocratie électorale américaine et redonner au vote universel – sans discrimination d’aucune sorte entre les citoyens – son caractère prioritaire ? À lire les analyses, il faudrait rebooster la loi fédérale sur les droits civils et modifier voire mettre fin au système des grands électeurs.

Une mobilisation existe en faveur d’un suffrage national semi-direct pour les élections présidentielles, le National Popular Vote Interstates Compact. Les États signataires de ce projet, comme le Maine récemment, s’engagent à attribuer toutes les voix de leurs grands électeurs au candidat qui gagne le vote populaire au niveau national. 17 États plus le district de Columbia ont adopté ce protocole. Il manque 61 grands électeurs de plus pour que le protocole entre en vigueur : ce serait alors la fin du principe du collège électoral, puisque le vainqueur du vote populaire serait nécessairement élu.

Par ailleurs, deux projets de loi fédérale, le Freedom to Vote Act, bloqué par le Sénat en 2019 et 2021, et le John Lewis Voting Rights Act bloqué par le Sénat en 2022, peuvent être relancés par les Démocrates, afin de rétablir certains principes visant à assurer l’égalité dans le vote : ces textes imposent la vérification fédérale des effets discriminatoires de tout changement de lois électorales locales (federal pre-clearance), y compris le charcutage partisan des circonscriptions (gerrymandering). Ils proposent aussi l’amélioration du réseau des bureaux de vote et leur accessibilité physique et temporelle (vote anticipé), l’élargissement des procédures de vote par correspondance, la réforme du financement des candidats et de leur campagne, la mixité politique des conseils électoraux locaux, etc. Tous les dysfonctionnements du système électoral américain sont à portée de correction des élus du Congrès… pour peu que le Sénat fédéral ne soit pas dominé par des Républicains récalcitrants.

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