Archive pour le Tag 'démocratie'

Financement politique : Bayrou pour une “banque de la démocratie”

Financement politique : Bayrou pour une “banque de la démocratie”

Interrogé à propos de l’enquête concernant le financement du rassemblement national, François Bayrou a réitéré sa proposition de création d’une banque pour financer les partis politiques.

Sur LCI, François Bayrou s’est dit jeudi «déterminé à proposer la banque de la démocratie», qui pourrait selon lui être «adossée à la Caisse des dépôts et consignations». Une initiative qui doit permettre aux partis politiques de se financer. Cette banque, l’un des chevaux de bataille du premier ministre depuis longtemps, devra «prendre en charge le prêt que vous auriez obtenu autrement auprès de banques privées», a-t-il affirmé.

Référendum et budget : un contournement de notre démocratie parlementaire

Référendum sur le budget : un contournement de notre démocratie parlementaire

Les assemblées parlementaires sont nées du droit des représentants à voter l’impôt. En proposant de contourner l’Assemblée nationale et le Sénat, François Bayrou envoie un message « fleurant le poujadisme dans une version modernisée », estime l’économiste Isabelle This Saint-Jean dans une tribune au « Monde ».

Faire face aux défis écologiques, économiques, technologiques et géopolitiques de notre époque, sans remettre en cause notre modèle social (et venir ainsi aggraver la poussée de l’extrême droite), est une tâche d’autant plus complexe que l’état des finances publiques de la France est aujourd’hui fortement dégradé. Faut-il rappeler sa dette à 3 305 milliards d’euros, soit 113 % du produit intérieur brut (PIB), les intérêts versés, qui s’élèvent à 58 milliards d’euros, et son déficit à 5,8 % du PIB ? Placée, depuis juillet 2024, en procédure de déficit excessif, la France, budget après budget, décret d’annulation après décret d’annulation, « surgels » après gels, court désormais après des dizaines de milliards d’euros d’économies. Pour le budget 2026, ce sera 40 milliards.

Le débat budgétaire, qui détermine le cadre financier de l’ensemble des politiques publiques, souvent terriblement technique et difficilement compréhensible par les non-spécialistes, est donc plus que jamais essentiel. Ne faut-il pas alors saluer la proposition de François Bayrou de faire adopter par le biais d’un référendum un « plan d’ensemble » sur la réduction des déficits et de la dette et de redonner ainsi à tous la possibilité de se prononcer sur un choix aussi fondamental ? Certes, on comprend l’intérêt pour un gouvernement qui n’a pas de majorité de limiter au maximum l’épreuve du débat parlementaire et de pouvoir se prévaloir du « soutien » du peuple français. Toutefois, cette idée est dangereuse et va à l’encontre des principes qui sont au fondement de la démocratie parlementaire.

Comme on peut le lire sur le site de la direction de l’information légale et administrative rattachée aux services mêmes du premier ministre, « les assemblées parlementaires jouent un rôle primordial dans l’organisation des finances publiques, car elles sont nées du droit des représentants à voter l’impôt ». Ce rôle des assemblées dans le vote et le contrôle du budget s’est en effet construit dans l’opposition à la royauté, et ce dès le Moyen Age. Mais c’est avec la Révolution française et la convocation des Etats généraux de 1789 que les pouvoirs financiers du Parlement sont clairement établis et qu’ils ne cesseront dès lors de croître. Ils sont clairement réaffirmés dans l’article 47 de la Constitution de 1958, qui acte que le Parlement « vote les projets de loi de finances dans les conditions prévues par une loi organique ». Le gouvernement devra donc l’intégrer même si avec la dissolution nous avions déjà assisté à la remise en cause de tous les usages qui règlent la discussion budgétaire .

Référendum sur le budget : un contournement de notre démocratie parlementaire

Référendum sur le budget : un contournement de notre démocratie parlementaire

Les assemblées parlementaires sont nées du droit des représentants à voter l’impôt. En proposant de contourner l’Assemblée nationale et le Sénat, François Bayrou envoie un message « fleurant le poujadisme dans une version modernisée », estime l’économiste Isabelle This Saint-Jean dans une tribune au « Monde ».

Faire face aux défis écologiques, économiques, technologiques et géopolitiques de notre époque, sans remettre en cause notre modèle social (et venir ainsi aggraver la poussée de l’extrême droite), est une tâche d’autant plus complexe que l’état des finances publiques de la France est aujourd’hui fortement dégradé. Faut-il rappeler sa dette à 3 305 milliards d’euros, soit 113 % du produit intérieur brut (PIB), les intérêts versés, qui s’élèvent à 58 milliards d’euros, et son déficit à 5,8 % du PIB ? Placée, depuis juillet 2024, en procédure de déficit excessif, la France, budget après budget, décret d’annulation après décret d’annulation, « surgels » après gels, court désormais après des dizaines de milliards d’euros d’économies. Pour le budget 2026, ce sera 40 milliards.

Le débat budgétaire, qui détermine le cadre financier de l’ensemble des politiques publiques, souvent terriblement technique et difficilement compréhensible par les non-spécialistes, est donc plus que jamais essentiel. Ne faut-il pas alors saluer la proposition de François Bayrou de faire adopter par le biais d’un référendum un « plan d’ensemble » sur la réduction des déficits et de la dette et de redonner ainsi à tous la possibilité de se prononcer sur un choix aussi fondamental ? Certes, on comprend l’intérêt pour un gouvernement qui n’a pas de majorité de limiter au maximum l’épreuve du débat parlementaire et de pouvoir se prévaloir du « soutien » du peuple français. Toutefois, cette idée est dangereuse et va à l’encontre des principes qui sont au fondement de la démocratie parlementaire.

Comme on peut le lire sur le site de la direction de l’information légale et administrative rattachée aux services mêmes du premier ministre, « les assemblées parlementaires jouent un rôle primordial dans l’organisation des finances publiques, car elles sont nées du droit des représentants à voter l’impôt ». Ce rôle des assemblées dans le vote et le contrôle du budget s’est en effet construit dans l’opposition à la royauté, et ce dès le Moyen Age. Mais c’est avec la Révolution française et la convocation des Etats généraux de 1789 que les pouvoirs financiers du Parlement sont clairement établis et qu’ils ne cesseront dès lors de croître. Ils sont clairement réaffirmés dans l’article 47 de la Constitution de 1958, qui acte que le Parlement « vote les projets de loi de finances dans les conditions prévues par une loi organique ». Le gouvernement devra donc l’intégrer même si avec la dissolution nous avions déjà assisté à la remise en cause de tous les usages qui règlent la discussion budgétaire .

Référendum sur le budget : un contournement de notre démocratie parlementaire »

Référendum sur le budget : un contournement de notre démocratie parlementaire »

Les assemblées parlementaires sont nées du droit des représentants à voter l’impôt. En proposant de contourner l’Assemblée nationale et le Sénat, François Bayrou envoie un message « fleurant le poujadisme dans une version modernisée », estime l’économiste Isabelle This Saint-Jean dans une tribune au « Monde ».

Faire face aux défis écologiques, économiques, technologiques et géopolitiques de notre époque, sans remettre en cause notre modèle social (et venir ainsi aggraver la poussée de l’extrême droite), est une tâche d’autant plus complexe que l’état des finances publiques de la France est aujourd’hui fortement dégradé. Faut-il rappeler sa dette à 3 305 milliards d’euros, soit 113 % du produit intérieur brut (PIB), les intérêts versés, qui s’élèvent à 58 milliards d’euros, et son déficit à 5,8 % du PIB ? Placée, depuis juillet 2024, en procédure de déficit excessif, la France, budget après budget, décret d’annulation après décret d’annulation, « surgels » après gels, court désormais après des dizaines de milliards d’euros d’économies. Pour le budget 2026, ce sera 40 milliards.

Le débat budgétaire, qui détermine le cadre financier de l’ensemble des politiques publiques, souvent terriblement technique et difficilement compréhensible par les non-spécialistes, est donc plus que jamais essentiel. Ne faut-il pas alors saluer la proposition de François Bayrou de faire adopter par le biais d’un référendum un « plan d’ensemble » sur la réduction des déficits et de la dette et de redonner ainsi à tous la possibilité de se prononcer sur un choix aussi fondamental ? Certes, on comprend l’intérêt pour un gouvernement qui n’a pas de majorité de limiter au maximum l’épreuve du débat parlementaire et de pouvoir se prévaloir du « soutien » du peuple français. Toutefois, cette idée est dangereuse et va à l’encontre des principes qui sont au fondement de la démocratie parlementaire.

Comme on peut le lire sur le site de la direction de l’information légale et administrative rattachée aux services mêmes du premier ministre, « les assemblées parlementaires jouent un rôle primordial dans l’organisation des finances publiques, car elles sont nées du droit des représentants à voter l’impôt ». Ce rôle des assemblées dans le vote et le contrôle du budget s’est en effet construit dans l’opposition à la royauté, et ce dès le Moyen Age. Mais c’est avec la Révolution française et la convocation des Etats généraux de 1789 que les pouvoirs financiers du Parlement sont clairement établis et qu’ils ne cesseront dès lors de croître. Ils sont clairement réaffirmés dans l’article 47 de la Constitution de 1958, qui acte que le Parlement « vote les projets de loi de finances dans les conditions prévues par une loi organique ». Le gouvernement devra donc l’intégrer même si avec la dissolution nous avions déjà assisté à la remise en cause de tous les usages qui règlent la discussion budgétaire .

L’hubris de Musk qui menace la démocratie

L’hubris de Musk qui menace la démocratie

L’hubris des dirigeants est souvent mis en cause quand des dysfonctionnements surviennent. Mais de quoi parle-t-on précisément ? Comment s’en prémunir individuellement, et protéger les entreprises mais aussi la démocratie ?

par Valérie Petit
Full Professor in Management, ESSCA School of Management dans The Conversation

Huit cents milliards de capitalisation boursière à Wall Street perdus et un recul de 50 % à 80 % des ventes de véhicules : c’est le bilan catastrophique de Tesla ces trois derniers mois. C’est aussi, possiblement, le chiffrage le plus précis de l’hubris d’Elon Musk depuis que ce dernier a pris ses quartiers au cœur du pouvoir politique américain. Si cet effondrement surprend les commentateurs et les investisseurs, en revanche, il n’étonne guère les chercheurs en gestion qui, depuis près de trente ans, se sont attachés à mesurer le coût de l’hubris du dirigeant pour son entreprise.

C’est en 1986 que Richard Roll, professeur de finance à Caltech, au cœur de la Silicon Valley, publie les premiers travaux sur l’hubris du dirigeant. À l’époque, il tente d’expliquer pourquoi certains CEO paient trop cher certaines acquisitions. Après avoir épuisé toutes les explications habituelles, il finit par conclure qu’une partie du surcoût peut être imputée à l’égo du dirigeant et à la perte, par celui-ci, du sens de la mesure : c’est ce que Roll nomme l’hypothèse d’hubris. À sa suite, de nombreux travaux en gestion souligneront l’impact négatif de l’hubris du dirigeant sur les choix stratégiques et la performance financière de leurs entreprises. Dans les années 2000, la révélation de scandales tels qu’Enron, Lehman Brothers ou encore Vivendi Universal, donnant à voir la combinaison dramatique de l’égo, de la mauvaise gestion voire de la corruption placera définitivement le risque d’hubris du dirigeant à l’agenda des scientifiques et des parties prenantes. Mais comment mesurer et prévenir ce risque ?

La chose est compliquée, car il faut d’abord définir ce qu’est l’hubris ; or, le terme fait moins référence à un concept qu’à un ensemble de mythes mettant en scène l’arrogance et l’insolence funestes de l’homme face aux dieux. On pense au mythe d’Icare qui, méprisant les conseils de son père, vole trop près du soleil pour finir dans la mer, mais aussi à celui de Phaéton, qui, tenant à conduire le char du dieu Soleil à la place de son père Apollon, met le feu aux nuages.

Dans l’Antiquité, l’hubris est considérée comme un crime. Pour Platon : « Quand déraisonnablement, un désir nous entraîne vers les plaisirs et nous gouverne, ce gouvernement reçoit le nom d’hybris ». Et Aristote de préciser le plaisir qu’y trouve celui qui en souffre :

« La cause du plaisir ainsi ressenti par l’individu faisant preuve d’hybris est qu’il se considère lui-même très supérieur aux autres lorsqu’il les maltraite. »

À Rome, Suétone brosse le portrait des 12 césars, ces hommes qui disposent d’un pouvoir tellement grand que leur psyché s’en trouve altérée. L’histoire retiendra plutôt la folie de Néron que la modération de Marc Aurèle. Deux mille ans plus tard, les historiens parleront de « césarite », la maladie des césars, pour désigner cette maladie du pouvoir absolu, souvent résumée par la phrase de Lord Acton : « Le pouvoir corrompt, et le pouvoir absolu corrompt absolument. » L’idée que le pouvoir rend fou s’ancre définitivement dans la croyance populaire.

Mais comment scientifiquement mesurer cela ? Et surtout comment distinguer dans cette « folie » ce qui appartient à l’individu en propre (par exemple, un trouble de la personnalité narcissique) et ce qui relève des effets du pouvoir auquel il est exposé ?

Les premières tentatives de mesure de l’hubris du dirigeant peuvent prêter à sourire : occurrence du pronom « je » dans les discours du dirigeant, taille de sa photo dans le rapport annuel… les chercheurs mobilisent des mesures très approximatives. Par ailleurs, la clarté conceptuelle n’est pas toujours au rendez-vous : sous le label « hubris » se retrouvent des notions pourtant distinctes telles que le narcissisme (un trouble de la personnalité), la surconfiance (un biais cognitif) ou l’orgueil (un vice). En 2009, la recherche connaît un tournant. Lord David Owen, médecin psychiatre et ancien ministre des affaires étrangères britannique, propose un tableau clinique du syndrome d’hubris, regroupant 14 items diagnostiques. Parmi ceux-ci, on retrouve :

des aspects du narcissisme (il affiche une confiance excessive dans son propre jugement et le mépris pour les conseils ou les critiques des autres),

de l’asocialité (il perd le contact avec la réalité, souvent associée à une isolation progressive),

de l’histrionisme (quand les choses tournent mal, il continue d’afficher une grande confiance en soi et ignore les « détails » ou « l’intendance » qui ne suit pas),

enrichie de quelques items originaux (il utilise le « nous » en lieu et place du « je », il se croit le seul qualifié éternellement pour son poste).

En 2012, nous avons transposé ce tableau au contexte de la direction d’entreprise et de l’hubris du dirigeant en décrivant les comportements d’hubris des dirigeants à trois niveaux :

le rapport à soi (style communicationnel théâtral et égocentré, décisions stratégiques hasardeuses, stratégie irréaliste et ambition démesurée, enracinement au pouvoir et incapacité à transmettre le pouvoir),

le rapport aux autres (management destructeur incluant agression, harcèlement, menace, intimidation, refus de toute critique, absence d’empathie pour les salariés)

et le rapport au monde (manquement à l’éthique, contestation de l’autorité de la loi, du marché, de la justice, refus de prendre la responsabilité).

Comment contenir l’hubris ?

Ces travaux recensaient les principaux symptômes de l’hubris (en termes de comportements). Restait la question que tout le monde se pose : quelle est l’origine de cette maladie du pouvoir ? Pourquoi certains leaders tombent-ils malades et d’autres pas ? Comment éviter la contagion et surtout quels gestes barrières mettre en place pour prévenir les ravages individuels, économiques et politiques de l’hubris des leaders ?

À lire aussi : Du populisme de plateforme au populisme politique : Elon Musk change d’échelle

Récemment, nous avons commencé à formuler des hypothèses radicalement nouvelles sur ce qu’est réellement l’hubris, cette maladie du pouvoir. Pour ce faire, partant de la citation de Lord John Acton (« Le pouvoir corrompt, et le pouvoir absolu corrompt absolument »), nous nous sommes concentrés non pas sur les comportements associés à l’hubris (les symptômes), mais sur la nature même de l’intoxication par le pouvoir de la psyché et des comportements du dirigeant (la maladie). Qu’est-ce qui dans le pouvoir nous corrompt ?

Le pouvoir, une maladie ?

Notre hypothèse s’appuie y compris sur l’expérience politique de l’auteure qui, lors d’un mandat parlementaire de 5 ans, a pu observer et ressentir les effets du pouvoir sur la psyché des leaders. Partant de ce récit auto-ethnographique, nos travaux récents formulent plusieurs propositions pour mieux comprendre et prévenir le risque d’hubris.

Premièrement, l’hubris est bien un syndrome (comme le burn-out), lié aux conditions de travail particulières (l’exercice du pouvoir), qui débute et qui cesse avec l’exposition du dirigeant au pouvoir. En conséquence, la meilleure solution pour prévenir et guérir l’hubris est d’éloigner le dirigeant du pouvoir ou de disperser, encadrer ou partager celui-ci.

Deuxièmement, l’hubris n’est pas la combinaison d’autres troubles (narcissique, asocial, paranoïaque, histrionique, schizotypique), de traits psychologiques (égocentrisme, manque d’empathie, surconfiance) ou encore de comportements dysfonctionnels (violence, agressivité, théâtralité, harcèlement), mais l’intoxication de ceux-ci par le pouvoir. Ainsi, un dirigeant narcissique pourra dire : « Je suis le plus génial entrepreneur que la tech a jamais connu. » S’il souffre d’hubris, il dira plutôt : « Mon entreprise est la meilleure car j’en suis le dirigeant ; sans moi aux manettes, elle n’est rien. »

L’intoxication par le pouvoir résulte d’une relation dysfonctionnelle du leader au pouvoir : lui et le pouvoir ne font plus qu’un, ils fusionnent. Mais là où, par arrogance, le dirigeant croit posséder le pouvoir, c’est en réalité celui-ci qui le possède, faisant de lui son agent, sa créature entièrement dédiée à son culte qu’il confond avec le culte de lui-même. Celui qui prend alors volontiers des postures de dominant dans ses relations avec autrui et le monde vit en réalité, au plus profond de lui, une soumission et une aliénation complète au pouvoir. En conséquence, on ne luttera pas contre l’hubris en se focalisant sur la personnalité ou les comportements du dirigeant, mais en questionnant sa relation (et la nôtre) avec le pouvoir et sa nature addictive et aliénante.

Troisièmement, pour expliquer l’emprise du pouvoir sur l’individu, il faut comprendre la nature particulière de ses effets corrupteurs. Nous faisons l’hypothèse que la relation du dirigeant au pouvoir relève de la sacralisation, et que la nature de sa relation intime avec celui-ci peut être qualifiée de numineuse. Pris dans les filets du pouvoir, sidérée et émotionnellement débordé, le dirigeant est tel un mystique. Ainsi, dans cet univers soi-disant profane de l’entreprise, le sacré et l’irrationnel ressurgissent dans la relation intime, souvent tue, du dirigeant au pouvoir. Continuer à ignorer l’importance de la relation au pouvoir ou en refouler la dimension irrationnelle et spirituelle est l’un des facteurs les plus évidents du risque d’hubris.

Peut-on guérir de l’hubris ?
Alors que faire pour éviter aux dirigeants et aux entreprises de succomber à l’hubris ?
Une voie individuelle consisterait pour le dirigeant à méditer chaque jour sur le pouvoir et sa relation, sa place, ses effets. C’est ce que fit l’empereur Marc-Aurèle dans ses méditations et qui lui permit d’échapper à la césarite

Une voie institutionnelle consisterait à renforcer les mécanismes de gouvernance d’entreprise favorisant le turnover et le partage des fonctions au sommet des entreprises.

Une voie collective enfin questionnerait notre responsabilité dans cette culture idolâtre du pouvoir qui rend possible la sacralisation et, in fine, l’intoxication par le pouvoir. Ceci supposerait notamment d’en finir avec le mythe du charisme (il nous faut un individu exceptionnel, hors norme, quitte à hériter d’un hors la loi), le mythe de l’incarnation nécessaire (il est l’âme/l’incarnation de l’entreprise, vous comprenez) ou encore l’essentialisation de la direction (les dirigeants, vous savez, ils sont différents, plus agressifs, narcissiques, il faut faire avec).

Ajoutés à une saine obsession de la dispersion du pouvoir, ces quelques gestes barrières contre une culture toxique du pouvoir sont plus que jamais nécessaires face à ce nouveau risque systémique pour les entreprises et les démocraties.

De drôles de champions de la démocratie qui soutiennent Le Pen

De drôles de champions de la démocratie qui soutiennent Le Pen

On peut légitimement se demander si les soutiens appuyés de représentants de l’internationale réactionnaire constituent véritablement un appui positif pour le rassemblement national. Parmi ceux qui critiquent le système judiciaire français on trouve en effet Poutine, Medvedev, Bolsonaro, le président hongrois et autre autocrates patentés.

Poutine qui met en cause la justice et la démocratie française alors qu’il n’hésite pas à tuer ses adversaires politiques. Le président hongrois qui progressivement s’attribue tous les pouvoirs, Trump et sa clique qui ont tenté un coup d’État et qui rêvent d’un autre.

Bref ces différents soutiens constitueraient plutôt un handicap pour le rassemblement national qui cherche depuis des années à se banaliser.

Certes ne peut nier que la France connaît des liquidités et même une crise démocratique pourrait autant elle ne peut recevoir de leçon de ce dont la perspective est précisément de substituer des formes de dictatures à la démocratie. En commençant par supprimer le concept d’État de droit. Voire en tuant ou en emprisonnant physiquement les opposants.

Social- Négociations sur les retraites : démocratie sociale ou mascarade politique

Social- Négociations sur les retraites : démocratie sociale ou mascarade politique ?


Les séances de négociation entre syndicats et patronat sur la réforme des retraites se poursuivent. Mais la CGT et FO n’y participent plus, tout comme l’organisation patronale des professions libérales et de l’artisanat. Après le veto de François Bayrou sur le retour aux 62 ans, la CFDT n’abandonne pas l’objectif de revenir sur les 64 ans, mais cette perspective est peu crédible. Au-delà de cette négociation, quel regard porter sur la « démocratie sociale » censée guider la réforme ?


par Dominique Andolfatto
Professeur de science politique, Université Bourgogne Europe dans The Conversation

Lors de sa déclaration de politique générale, le 14 janvier 2025, le premier ministre, François Bayrou, rouvrait le douloureux dossier de la réforme des retraites, mal refermé en 2023. Douloureux, parce que cette réforme, concerne personnellement tous les Français, qui ont érigé la retraite en seconde vie. On peut y voir la conséquence de désillusions idéologiques, du scepticisme à l’égard des promesses décalées d’un autre monde longtemps véhiculées par les partis politiques, mais aussi d’un vécu au travail ressenti comme s’étant dégradé et conséquence de souffrance. Dès lors, la retraite n’est plus un retrait de la vie sociale, voire une « mort sociale », comme autrefois, mais elle est attendue comme une nouvelle aube, la promesse d’un monde nouveau. La repousser, en reculant son âge, ne peut être qu’une atteinte à ce droit à une vie nouvelle et apparaît comme une injustice profonde.

Plusieurs enquêtes le montrent à l’occasion de la réforme de 2023. Le rejet est encore plus fort qu’en 2019, à l’occasion du projet avorté de retraite à points. Selon les enquêtes, les deux tiers des Français, voire plus, affichent leur hostilité (et même les trois quarts des actifs). Plus de 60 % estime également – sinon escompte – qu’un puissant mouvement social fera échec au recul de l’âge de la retraite.

Rejetée pour son « injustice », cette réforme l’est aussi pour son « illégitimité » parce qu’elle n’a pas été votée par le Parlement mais adoptée au moyen d’un des mécanismes du « parlementarisme rationalisé » : l’article 49, alinéa 3 de la Constitution qui permet l’adoption d’une réforme sans vote dès lors que le gouvernement échappe à une motion de censure. Selon une enquête de l’Ifop, 78 % des Français voient là un passage en force « massivement illégitime ». Le président Macron et sa première ministre Élisabeth Borne ont été en désaccord sur le mode de fabrication de cette réforme (même s’ils en partageaient les finalités), négligeant la démocratie sociale, et cela fragilise aussi la réforme.

Tant de divisions et de déchirements vont constituer une opportunité pour le nouveau premier ministre, en 2025. Près de deux ans après l’adoption et l’implémentation de la réforme des retraites, il décide spectaculairement de la remettre à l’agenda, en l’occurrence de relancer des discussions « avec les partenaires sociaux » puisque ceux-ci – il vise les syndicats – « ont affirmé qu’il existait des voies de progrès [pour] une réforme plus juste ».

Pourquoi ce revirement, même si ce n’est pas premier de la part de l’exécutif ? Au plan social, on se souvient de l’abandon du « contrat première embauche » (CPE) en 2006, pourtant adopté par le Parlement, puis remplacé rapidement par un nouveau texte, après à un important mouvement social. C’est le président de la République lui-même, alors Jacques Chirac, qui avait sonné le tocsin de cette réforme et expliqué cette substitution en lien avec un « dialogue social constructif ». Si celui-ci ne fut que théorique, le retrait de la réforme est bel et bien intervenu.

Cette fois-ci, les choses ont été différentes. Le « conclave » que l’ancien militant démocrate-chrétien François Bayrou a appelé de ses vœux est apparu surtout tactique : obtenir une abstention bienveillante d’une partie de l’opposition de gauche en rouvrant un dossier social emblématique du second quinquennat de Macron et en laissant croire qu’il pourrait trouver un règlement plus juste.

D’emblée, une des confédérations syndicales, FO, n’a pas voulu s’en laisser conter et a décidé de ne pas participer à ce qui pouvait ressembler à une négociation sociale interprofessionnelle, mais qui n’en était pas vraiment une en réalité. D’une part, symboliquement, la terminologie religieuse utilisée ne pouvait qu’interroger FO, qui a fait de son « indépendance » politique et religieuse sa raison d’être.

D’autre part, le Medef a immédiatement affiché qu’il ne souhaitait pas revenir sur les 64 ans, le nouvel âge de départ à la retraite fixé en 2023, vu par l’organisation patronale comme un « socle de rétablissement » pour le financement du système des retraites. Son président Patrick Martin, comme probablement Frédéric Souillot, secrétaire général de FO, a aussi estimé que le « conclave » ne se ferait pas à portes fermées et que le gouvernement ferait pression sur les partenaires sociaux, à la suite, d’abord, de rodomontades sur la hauteur des déficits sociaux, puis à travers une lettre de cadrage très étroite, adressée par le premier ministre aux partenaires sociaux, le 26 février 2025.

Cela ne pouvait que nourrir l’inflexibilité du premier comme le refus de jouer le jeu du second. Dès lors, le « conclave » était mort-né. Il n’avait même plus besoin du coup de grâce que lui donnerait finalement le premier ministre, deux mois après l’avoir inventé : le 16 mars, interviewé sur France Inter, François Bayrou écartait en effet la possibilité de revenir à 62 ans, voire 63 ans. La CGT quittait aussitôt le « conclave », déplorant l’abandon de l’« abrogation » de la réforme de 2023. L’organisation patronale des professions libérales et de l’artisanat (U2P) l’avait précédée de peu pour des raisons diamétralement opposées : la nécessité de « mesures drastiques… pour rétablir l’équilibre de nos régimes sociaux ».

En fait, l’un des problèmes de fond de cette réforme est celui de l’instrumentalisation, mais aussi des impasses de la démocratie sociale. Celle-ci a tour à tour été appelée à la rescousse par Élisabeth Borne, puis par François Bayrou. La première, probablement pour retarder le mouvement social qui se profilait et qui risquait de compromettre le devenir de son gouvernement, s’est opposée à la réforme à la hussarde souhaitée initialement par Emmanuel Macron. Elle a ouvert une série de concertations très cadrées avec les organisations syndicales et patronales. Ces concertations, après une réunion « multilatérale » avec toutes les organisations, se sont poursuivies en « bilatérales » avec chacune d’entre elles, au ministère du travail puis à Matignon, sans réussir à convaincre et donc à rallier les syndicats : « Il n’y avait aucun moyen de bouger la ligne de ce que voulait faire le gouvernement », indique Yvan Ricordeau, qui fut le négociateur de la CFDT. Pour les syndicats, cet échec justifia, à compter de janvier 2023, le recours à la « mobilisation » pour le retrait de la réforme.

À son tour, François Bayrou recourt à la voie de la démocratie sociale, sans doute par tactique, comme déjà évoqué, mais aussi pour alerter l’opinion sur les déséquilibres des comptes sociaux, avec le secours de la Cour de comptes mais aussi d’autres chiffrages discutés.

Reste que la démocratie sociale n’est pas vraiment codifiée. Elle n’a pas d’obligation de résultats. Les gouvernements l’instrumentalisent selon leur bon vouloir ou la conjoncture, et les partenaires sociaux eux-mêmes ne cherchent pas véritablement à la faire vivre ou alors seulement en creux. Ils vont s’entendre pour s’opposer à certaines réformes, comme en 2023 qui a vu la constitution d’un front syndical uni. Mais les syndicats, très divisés sur le fond, n’ont pas cherché à porter un projet commun. Cela ne fut pourtant pas toujours le cas. Il y a longtemps, déjà, ils ont mis sur pied le système de retraites complémentaires ou l’assurance chômage.

En fait, les partenaires sociaux sont en concurrence, notamment pour la représentativité et les moyens que celle-ci procure. Syndicats et organisations d’employeurs, imprégnés d’une culture jacobine, préfèrent également discuter directement avec le pouvoir plutôt que de faire vivre une démocratie plus horizontale.

Depuis les années 2000, le Code du travail, dans son article L1, impose toutefois une concertation avec les partenaires sociaux avant toute réforme des relations du travail ou de la formation professionnelle. Mais ceci ne vaut pas pour la protection sociale (et donc les retraites) et cela contribue à expliquer bien des vicissitudes qui perdurent.

Malgré tout, s’agissant des retraites, cinq partenaires sociaux (sur huit) représentatifs au plan national entendent poursuivre le dialogue, tout en se dégageant de la lettre de cadrage du gouvernement, pour consolider le système de retraite du secteur privé, par bien des aspects, fragile et inégalitaire.

Démocratie-Des conventions citoyennes bidons

Démocratie-Des conventions citoyennes bidons


Conventions citoyennes : « Il faut défendre le débat démocratique contre les lubies participatives du gouvernement »
dans Le Monde

Après l’annonce faite par François Bayrou de « conventions citoyennes décentralisées » sur l’identité française, les politistes Loïc Blondiaux, Guillaume Gourgues et Alice Mazeaud dénoncent, dans une tribune au « Monde », une fausse participation citoyenne et le dévoiement de l’usage de ces conventions.

L’annonce du premier ministre, par voie de presse, de la tenue de « conventions citoyennes décentralisées » sur l’identité française constitue une très mauvaise nouvelle pour la démocratie. On devrait pourtant se réjouir que la parole soit enfin donnée aux Français sur un sujet que la droite et l’extrême droite ont fini par imposer sur l’agenda médiatique. Mais cette annonce n’est que le reflet tragique de l’isolement grandissant des professionnels de la politique qui gouvernent aujourd’hui. Elle signale un amateurisme, un dilettantisme et un cynisme vis-à-vis de la participation citoyenne qui nous ramènent pas moins de vingt années en arrière.

L’amateurisme, d’abord. Alors même que l’on ne connaît pas encore ce que sera l’issue des propositions faites par la convention citoyenne sur la fin de vie, cette annonce témoigne d’une méconnaissance absolue de ce qu’est la participation citoyenne. Ces « conventions citoyennes décentralisées » ne renvoient à aucun dispositif précis, à aucun objectif clair, à aucune temporalité décisionnelle ou législative. Tout porte à croire qu’il s’agit là d’une énième instrumentalisation gouvernementale de la participation citoyenne aux seules fins de sa communication.

Combien de fois a-t-on vu de telles annonces n’avoir d’autre effet que de confier à une poignée de prestataires professionnels l’organisation d’événements sans conséquence politique aucune ? A l’image du grand débat national, de la consultation sur les retraites, du Conseil national de la refondation, des dispositifs seront produits, des échanges auront lieu et rassembleront des participants. Ils seront commentés, susciteront parfois de l’espoir, mais n’auront aucun effet sur une quelconque décision. On ne joue pas ainsi avec la participation citoyenne.

Le dilettantisme démocratique, ensuite. Alors que depuis plusieurs années les débats militants et intellectuels ont pointé les limites d’une participation conçue de façon descendante et définie selon le seul agenda des gouvernants, ces derniers semblent tout ignorer de ce que les citoyens attendent et réclament. Alors que des collectifs citoyens s’acharnent à travers tout le pays à rouvrir les cahiers de doléances rédigés au moment du grand débat…

Vance: la fin de la démocratie libérale

Vance: la fin de la démocratie libérale

 

Fer de lance du versant conservateur du trumpisme, le vice-président des Etats-Unis incarne la colère d’un transfuge de classe contre les élites européennes, estime la politiste Laurence Nardon dans une tribune au « Monde ».

 

Eclipsé par un Elon Musk devenu omniprésent ces derniers mois dans l’entourage de Donald Trump, le vice-président J. D. Vance est revenu de façon fracassante dans l’actualité américaine et transatlantique. Avec son discours de Munich du 14 février et l’altercation mettant aux prises les présidents américain et ukrainien ainsi que lui-même dans le bureau Ovale, vendredi 28, Vance s’affirme comme le fer de lance de la remise en cause du lien transatlantique par l’administration Trump 2. Ses attaques contre l’Ouest libéral s’inscrivent clairement dans son parcours idéologique.Pilier du trumpisme dans son versant réactionnaire et populiste (avec lequel coexiste désormais un courant tech-libertarien), Vance n’a pas été un soutien de la première heure du président. En 2016, il affirmait ainsi vouloir voter pour la démocrate Hillary Clinton et n’avait pas de mots assez durs pour Donald Trump, qu’il qualifiait de possible « Hitler de l’Amérique ».

À l’époque, Vance venait de publier Hillbilly Elegy (Harper Press, 2016)Hillbilly Elégie (Le Livre de Poche, 2018) –, une autobiographie dans laquelle il raconte son enfance dysfonctionnelle dans le milieu des petits Blancs pauvres des Appalaches et le miracle salvateur d’un service militaire suivi d’études de droit à Yale. Cet ouvrage dénonçant un système de classes inégalitaire et le mépris des élites lui vaut alors les louanges des médias de gauche.

Actif dans des cercles conservateurs depuis ses études, Vance va évoluer avec le soutien du milliardaire libertarien Peter Thiel, qui finance son entrée dans le monde de la tech. En 2019, il assiste à la première conférence du mouvement « national-conservateur » (dit natcons), qui cherche à construire une base intellectuelle plus solide, ultraréactionnaire, voire illibérale, aux idées trumpistes. Vance se rallie officiellement à celui qui est alors l’ex-président lors de la campagne pour les élections de mi-mandat de 2022. Grâce au soutien de ce dernier, il brigue et obtient le siège de sénateur de l’Ohio. Enfin, à l’été 2024, Donald Trump le choisit pour la vice-présidence.

IA: Les risques pour la démocratie

 

Face aux risques que l’IA fait peser sur nos démocraties, l’Union européenne interdit certaines pratiques (techniques subliminales, évaluation de la solvabilité des clients des banques, identification biométrique) en vue de protéger nos libertés individuelles. Mais il est indispensable de se pencher sur les dangers liés à l’utilisation de l’IA par les grandes plates-formes numériques. L’impact de l’IA est massif sur la qualité de l’information partagée par les citoyens, et, par là même, sur la possibilité de fonder un espace de délibération démocratique. L’IA, le web, les réseaux sociaux et plus généralement les technologies du numérique transforment la société, pour le meilleur, mais aussi pour le pire. Elles facilitent des activités quotidiennes pour la recherche d’information ou la rédaction de textes, automatisent des tâches pénibles ou fastidieuses. Elles contribuent également au progrès des connaissances dans les sciences, la santé ou le spatial. Du côté des risques, on peut redouter la disparition de certains emplois et un accroissement du chômage. Mais qu’en est-il des menaces relatives à nos libertés et à nos démocraties et comment s’en prémunir ?

 

par j

Professeur, Intelligence Artificielle, Sciences Cognitives, Sorbonne Université dans The Conversation 

Depuis le 2 février 2024, le premier volet du règlement européen sur l’intelligence artificielle, ou « IA Act » a créé une régulation en vue de protéger nos libertés fondamentales.

L’Union européenne interdit désormais trois types de pratiques de l’IA :

  • les techniques subliminales,
  • le crédit social (qui évalue la solvabilité des particuliers pour l’octroi de crédits),
  • l’identification en temps réel de techniques biométriques.

L’IA Act vient en complément d’autres règlements qui visent à protéger les individus contre les abus des États ou des grandes entreprises, tout en promouvant une industrie européenne vigoureuse, souveraine et indépendante. Reste que l’on peut s’étonner du caractère fictif de certaines interdictions potentielles de l’intelligence artificielle. À ce titre, la première d’entre elles, qui porte sur l’emploi de techniques subliminales, est révélatrice.

Rappelons que le terme subliminal a été introduit en 1957 par un publiciste américain, James Vicary, qui prétendait qu’en insérant, dans un film, tous les cinquantièmes de seconde, des images contenant des messages, ceux-ci influençaient nos comportements sans que nous en soyons conscients. Or, rien n’a mis en évidence les effets tangibles de manipulations subliminales, sauf de façon très marginale. Il n’empêche que les institutions européennes, très soucieuses de l’autonomie des personnes, s’en préoccupent déjà, ce qui peut apparaît comme excessif.

Au-delà de la protection des libertés fondamentales – liberté d’opinion et d’expression, liberté de pensée et de religion, liberté de réunion, liberté de mouvement – il importe de souligner que la démocratie réside avant tout dans la capacité qu’ont les individus à prendre part à la vie politique, à délibérer, à échanger librement dans l’espace public. Or, l’IA, en contribuant à la fabrication et à la dissémination sélective de fausses informations, nuit à cette délibération collective.

La diffusion de ce que l’on appelle les « fake news » ou les infox, interfère avec les processus électoraux en introduisant la confusion dans les esprits, ce qui déstabilise les institutions démocratiques. Et, l’IA contribue à cette déstabilisation de trois façons :

  • en produisant d’immenses masses d’infox,
  • en créant des images, des sons et des vidéos qui font illusion,
  • en procédant à un profilage des individus et à une diffusion ciblée des informations sur des segments spécifiques de la population.

Libelles, canards, propagande, désinformation : la fabrication d’avis trompeurs n’est pas nouvelle. Pourtant, le poids qu’ils ont acquis avec l’IA s’accroît démesurément. Dans le passé, écrire un texte convaincant prenait du temps. Et, dessiner une caricature plus encore. Quant à la diffuser, cela demandait soit des messagers subtils chargés d’instiller le poison, soit des infrastructures coûteuses, organes de presse, radio, télévision, etc. Désormais, n’importe qui, avec des techniques d’IA génératives, produit à volonté textes, images et sons et les transmet librement au monde entier sur le web, quasiment gratuitement, sans demander aucune permission.

Ces contenus produits par les techniques d’IA ressemblent à s’y méprendre à des photographies ou des vidéos. Ils se présentent alors, pour reprendre les catégories sémiotiques introduites par Charles Sanders Peirce (1839-1914) au tournant du XIXe et du XXe siècle, comme des « insignes », autrement dit comme des signes pointés sur les réalités qu’ils désigneraient.

Ils donnent l’impression d’en être la trace, au même titre que les photographies s’imprègnent de la trace lumineuse des choses. Mais là où les photographies attestent bien des choses qu’elles donnent à voir, les images produites par l’IA générative visent à contrefaire la réalité, ce qui leur confère un caractère particulièrement pernicieux.

Enfin, par le profilage des individus au moyen de techniques d’apprentissage machine, puis par le criblage de la population, les réseaux sociaux envoient à chacun des segments du public les informations contrefaites les plus susceptibles de faire réagir afin d’accroître la probabilité de retransmission et, par là, la circulation d’information.

Ainsi, lors de la dernière campagne présidentielle aux États-Unis, de fausses vidéos montrant Kamala Haris promouvant les positions de Benyamin Nétanyahou étaient envoyées à des électeurs démocrates alors que d’autres vidéos la montrant au côté des Palestiniens étaient adressées à des milieux juifs et conservateurs, ce qui suscita beaucoup d’émois et d’échanges. C’est ce que Bruno Patino appelle, de façon imagée, la « civilisation des poissons rouges » : nous vivons chacun au sein d’un bocal informationnel très confortable, où nous échangeons avec d’autres qui reçoivent les mêmes informations que nous et partagent peu ou prou, les mêmes idées.

Fin de la citoyenneté ?

La conséquence est que la société se fragmente de plus en plus, que l’espace public disparaît progressivement puisque les différentes composantes de la population ne partagent plus les mêmes informations. Dès lors, la délibération collective ne peut avoir lieu, puisque l’on ne s’entend plus sur les faits. L’exercice de la citoyenneté, au sens où des philosophes comme Hannah Arendt l’entendent, à savoir la participation d’individus libres au débat collectif par l’échange d’arguments devient de plus en plus difficile. In fine, l’IA, mis à la disposition des grands acteurs du numérique, crée un risque de disparition de la citoyenneté.

Est-ce, pour autant, une fatalité ? L’IA bien utilisée pourrait tout aussi bien contribuer à restituer au citoyen son pouvoir de contrôle sur les informations qui lui proviennent et donc à reconstruire un espace de délibérations collectif où des « hommes de bonne volonté » pourraient œuvrer.

Ainsi, on peut essayer, sur un sujet donné, de repérer grâce à l’IA les différentes informations qui circulent et de les confronter, comme le fait un journaliste qui doit, sur chaque sujet, rechercher les sources.

En effet, l’IA ne sert pas uniquement à générer automatiquement des textes : il calcule la proximité d’emploi de chaque mot (ou de chaque partie de mot, ce que l’on appelle les tokens) avec d’autres. Ceci permet de rapprocher un mot de ses synonymes, un paragraphe d’un second qui a la même signification, afin de savoir ce qui se dit sur une thématique donnée. Il est dès lors loisible de confronter les différents points, en repérant les oppositions.

En somme, bien utilisées, les techniques d’IA permettront peut-être à chacun de prendre sa part dans la délibération collective, sans se laisser abuser, et donc d’exercer pleinement sa citoyenneté. Il suffit d’en avoir la volonté et de ne pas assimiler les idéaux démocratiques aux seules libertés fondamentales.

À cette fin, la législation européenne ne doit pas se contenter pas de protéger les libertés fondamentales. Elle doit établir les conditions d’exercice de la citoyenneté dans un espace public commun, ce qui passe par la lutte contre les infox. La vocation du DSA (« Digital Services Act ») aurait dû être de pourvoir à ce besoin. Ce dernier se contente de dénoncer les infractions au droit commun (par exemple, les discours haineux) sur le cyberespace, mais cela reste largement insuffisant. Il conviendrait d’aller plus loin de façon à lutter contre le mensonge, tout en protégeant la liberté d’expression.

L’intelligence artificielle : Danger pour l’écologie et la démocratie ?

L’intelligence artificielle : Danger pour l’écologie et la démocratie ?

Plus d’une vingtaine d’organisations réunies au sein de la coalition Hiatus, parmi lesquelles La Quadrature du Net et la Ligue des droits de l’homme, estiment, dans une tribune au « Monde », qu’il faut résister au déploiement massif de l’IA, au nom des droits humains, sociaux et environnementaux.

 

Tout concourt à ériger le déploiement massif de l’intelligence artificielle (IA) en priorité politique. Prolongeant les discours qui ont accompagné l’informatisation depuis plus d’un demi-siècle, les promesses abondent pour conférer à l’IA des vertus révolutionnaires et imposer l’idée que, moyennant la prise en compte de certains risques, elle serait nécessairement vecteur de progrès. C’est donc l’ensemble de la société qui est sommée de s’adapter pour se mettre à la page de ce nouveau mot d’ordre industriel et technocratique.

Partout dans les services publics, l’IA est ainsi conduite à proliférer au prix d’une dépendance technologique accrue. Partout dans les entreprises, les manageurs appellent à recourir à l’IA pour « optimiser » le travail. Partout dans les foyers, au nom de la commodité et d’une course insensée à la productivité, nous sommes poussés à l’adopter.

Pourtant, sans préjuger de certaines applications spécifiques et de la possibilité qu’elles puissent effectivement répondre à l’intérêt général, comment ignorer que ces innovations ont été rendues possible par une formidable accumulation de données, de capitaux et de ressources sous l’égide des multinationales de la tech et du complexe militaro-industriel ? Que pour être menées à bien, elles requièrent, notamment, de multiplier la puissance des puces graphiques et des centres de données, avec une intensification de l’extraction de matières premières, de l’usage des ressources en eau et en énergie ?

Des conséquences désastreuses

Comment ne pas voir qu’en tant que paradigme industriel, l’IA a d’ores et déjà des conséquences désastreuses ? Qu’en pratique, elle se traduit par l’intensification de l’exploitation des travailleurs et travailleuses qui participent au développement et à la maintenance de ses infrastructures, notamment dans les pays du Sud global où elle prolonge des dynamiques néocoloniales ? Qu’en aval, elle est le plus souvent imposée sans réelle prise en compte de ses impacts délétères sur les droits humains et l’exacerbation des discriminations .

Démocratie -L’incompétence et le cynisme au pouvoir dans la classe politique

Démocratie -L’incompétence et le cynisme au pouvoir dans la classe politique

Les postures de la plupart des responsables témoignent du niveau d’incompétence et de cynisme de la classe politique dont  les discours sont en décalage complet avec la réalité et même avec ce qu’il pensent…. quand il pensent !

Il est évident que se pose un véritable problème de représentativité d’une part mais  tout autant de compétences d’une classe politique complètement discréditée globalement auprès de l’opinion publique. Macron illustre évidemment un discrédit qui touche la plupart des responsables. S’il en veut faire une analyse typologique assez simpliste, on pourrait  d’abord considérer qu’il y a la catégorie des politiques complètement incompétents arrivés en politique par hasard, par copinage et ou au gré des mouvements politiques, ce  qui peut faire élire une chèvre à un poste de député ignorant tout de la circonscription.

Dans cette catégorie on trouve souvent ceux qui veulent tout bouleverser, tout changer du jour au lendemain en promettant la lune à tout le monde. La catégorie des braillards qui gesticulent et confondent démocratie et gesticulation.

On compte une catégorie non négligeable de députés complètement incompétents sur le plan économique. Ces derniers parlent de milliards en les confondant sans doute avec les anciens francs. De ce point de vue, ils illustrent la dépréciation du niveau de formation en France. Ce n’est sans doute pas un hasard si les Français en général -et leurs élus bien sûr- figurent parmi les cancres européens en matière de connaissances économiques. Globalement le discours est celui des années 50 quand on ne connaissait pas encore à ce point la complexification et l’internationalisation de l’économie. Les slogans politiques sont aussi ceux des années 50 avec un manichéisme désolant des analyses et des propositions pour entretenir le populisme.
Dans une autre catégorie , on trouvera les cyniques qui comprennent parfaitement les enjeux  économiques, politiques et sociétaux mais qui refusent de les affronter et même de les aborder.

La médiocrité de ce personnel politique conduit la France dans le mur avec des propositions de budget complètement incohérentes, malhonnêtes et même suicidaires. Que penser par exemple du travail de démolition d’Élisabeth Borne en matière d’éducation où elle remet en cause les mesures les plus signifiantes d’Attal  pour ne pas fâcher les syndicats corpos de l’éducation. Le niveau de formation qui pourtant constitue sans doute ( avec la productivité)  le principal enjeu économique du pays .

Brailler ridiculise la démocratie

 

 

Le dernier spectacle des brailleurs de l’Assemblée nationale a sans doute portéun grave préjudice à l’image de la politique est au-delà de la démocratie de l’Assemblée nationale.« Hissons-nous au niveau des enjeux de la Liberté d’expression », défendent Thaima Samman, avocate, fondatrice du Cabinet Samman et co-présidente du groupe de travail de La villa numeris sur la liberté d’expression, et David Lacombled, président du groupe. Pour eux, si la liberté est un droit fondamental, la liberté d’expression « ne constitue pas un droit absolu pour autant ». ( dans la « Tribune »)

 

Alors que X et TikTok deviennent de véritables torrents de boue, les éructations du dirigeant du premier et le silence du second ne contribuent pas à porter un débat digne, à la hauteur des enjeux du droit fondamental que représente la liberté d’expression.
Il est pour le moins paradoxal que les chantres de la liberté d’expression, le prochain président des Etats-Unis et son vice-président officieux Elon Musk, monopolisent à ce point la parole et semblent décidés à prendre les décisions pour le reste du monde. Au prétexte de pouvoir tout dire, on n’entend plus qu’eux.

Rappelons les fondamentaux de la liberté d’expression. Ce n’est pas tout dire et n’importe quoi. La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen précise que « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ». Ni plus, ni moins. Nul ne saurait y déroger. Et pourtant.

Nos démocraties tirent leur force de leur capacité à permettre un débat équilibré et fructueux, même s’il n’est ni toujours consensuel, ni forcément apaisé. C’est comme ça que les idées progressent. A cet égard, les réseaux sociaux sont apparus comme de nouvelles agoras où chacun peut s’exprimer, où il suffit de prendre la parole dans le respect des règles de droit et aussi de son prochain. Y arriver avec un mégaphone plombe l’ambiance et rend zinzin une partie de ses membres qui s’agitent tels des électrons à l’énergie négative.
Lorsque Elon Musk fait de son réseau social son principal porte-voix, ne rechignant pas à manipuler, à l’aide de sa propre solution d’intelligence artificielle Grok, les messages qu’il y poste, se faisant apôtre et juge, se rêvant en démiurge, ce sont les principes fondamentaux de la démocratie qu’il remet en cause. Son ingéniosité et son éclectisme unanimement loués hier par la plupart des dirigeants, deviennent aujourd’hui des menaces pour les droits humains.

Les nouveaux outils de la liberté d’expression sont toujours une bonne nouvelle même s’ils exigent de bien penser l’organisation et l’équilibre de la prise de parole de chacun.
Les nouveaux outils de la liberté d’expression sont toujours une bonne nouvelle même s’ils exigent de bien penser l’organisation et l’équilibre de la prise de parole de chacun. Mais la tentative de préemption du monde par les futurs dirigeants américains risque de mettre fin à des années de dialogues entre les différents acteurs privés et publics de chaque côté de l’Atlantique, aussi complexes que la matière technologique, du Web à l’intelligence artificielle en passant par les réseaux sociaux, qu’ils traitent. Dès lors, chaque prise de position fait l’effet d’une bombe.

Aussi puissante soit l’annonce de Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook devenu Meta, de mettre fin à la vérification des faits par des professionnels, médias ou fondations, elle ne remet pas pour autant, à ce stade, tout en cause. A vrai dire, les grandes plateformes, déjà rentables, ne peuvent se payer le luxe d’inquiéter leurs actionnaires et leurs annonceurs outre mesure. Sauf à tenter des paris hasardeux, elles devront maintenir une exigence de qualité passant par une modération irréprochable.

Mais si son annonce ne concerne que les Etats-Unis, c’est sans doute aussi grâce à la législation européenne et plus particulièrement au Digital Service Act (DSA) qui vise à renforcer la protection des consommateurs en encadrant mieux l’activité des plus grandes plateformes. Voyons le verre à moitié plein, la réglementation européenne contraint Elon Musk et Mark Zuckerberg à respecter un certain standard. Il n’en reste pas moins que cela constitue une mauvaise nouvelle pour des médias à l’économie déjà précaire, socle fragile de démocraties friables.

En l’espèce, le dirigeant de Meta appuie aussi là où l’Europe a mal avec sa maladie chronique d’inflation réglementaire pour traiter tout nouveau bobo, sans se donner la peine d’utiliser ou de vérifier l’effectivité des outils déjà existants. Plutôt que d’accumuler et d’enchevêtrer les lois, avant de les appliquer avec zèle, donnons une chance à celles en vigueur et surtout veillons à ce qu’elles soient appliquées.

La culture de la régulation doit aussi être celle de la modération. Déjà, l’absence de neutralité des plateformes pourrait permettre de les soumettre aux mêmes règles de détention et de pluralité que les médias traditionnels quand elles sortent de leur rôle de passeuses d’idées pour prendre parti.

Un récent rapport du groupe de travail de La villa numeris visant à « Réaffirmer la liberté d’expression » montre que notre arsenal juridique permet de réaffirmer la liberté d’expression comme principe et de faire respecter ses exceptions, comme pour tout droit fondamental, dans les sociétés démocratiques. Encore faut-il se donner les moyens d’appliquer les règles existantes qui nécessitent un engagement humain et politique inédit.

Il est encore temps de former les juges mais aussi les professeurs, les élèves, les familles. Il est encore temps d’initier une coordination et une collaboration de l’ensemble des acteurs, opérateurs et plateformes, pouvoirs publics, médias, consommateurs, universitaires. Il est encore temps de permettre à la justice de jouer son rôle, plutôt que d’inventer de nouvelles règles qui rejoindront la poussière des textes jamais ou peu utilisés.

Déjà, arrêtons de nous enfermer dans des fausses réalités : la liberté d’expression pour les robots n’existe pas et nous pouvons déjà faire cesser nombre de campagnes de haine ou de manipulation artificielle sans augmenter les contraintes à la liberté d’expression. Terre d’inventivité, de créativité, d’originalité et d’ambitions, l’Europe, forte de ses 750 millions d’habitants, plus de deux fois la population des Etats-Unis, peut et doit montrer la voie de développements numériques respectueux des humains. Ce qui nous distingue nous portera.

Politique-Vitupérer, caricature de la démocratie

Vitupérer caricature la démocratie

 « Vitupérer nuit gravement au débat », « Hissons-nous au niveau des enjeux de la Liberté d’expression », défendent Thaima Samman, avocate, fondatrice du Cabinet Samman et co-présidente du groupe de travail de La villa numeris sur la liberté d’expression, et David Lacombled, président du groupe. Pour eux, si la liberté est un droit fondamental, la liberté d’expression « ne constitue pas un droit absolu pour autant ». ( dans la « Tribune »)

 

Alors que X et TikTok deviennent de véritables torrents de boue, les éructations du dirigeant du premier et le silence du second ne contribuent pas à porter un débat digne, à la hauteur des enjeux du droit fondamental que représente la liberté d’expression.
Il est pour le moins paradoxal que les chantres de la liberté d’expression, le prochain président des Etats-Unis et son vice-président officieux Elon Musk, monopolisent à ce point la parole et semblent décidés à prendre les décisions pour le reste du monde. Au prétexte de pouvoir tout dire, on n’entend plus qu’eux.

Rappelons les fondamentaux de la liberté d’expression. Ce n’est pas tout dire et n’importe quoi. La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen précise que « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ». Ni plus, ni moins. Nul ne saurait y déroger. Et pourtant.

Nos démocraties tirent leur force de leur capacité à permettre un débat équilibré et fructueux, même s’il n’est ni toujours consensuel, ni forcément apaisé. C’est comme ça que les idées progressent. A cet égard, les réseaux sociaux sont apparus comme de nouvelles agoras où chacun peut s’exprimer, où il suffit de prendre la parole dans le respect des règles de droit et aussi de son prochain. Y arriver avec un mégaphone plombe l’ambiance et rend zinzin une partie de ses membres qui s’agitent tels des électrons à l’énergie négative.
Lorsque Elon Musk fait de son réseau social son principal porte-voix, ne rechignant pas à manipuler, à l’aide de sa propre solution d’intelligence artificielle Grok, les messages qu’il y poste, se faisant apôtre et juge, se rêvant en démiurge, ce sont les principes fondamentaux de la démocratie qu’il remet en cause. Son ingéniosité et son éclectisme unanimement loués hier par la plupart des dirigeants, deviennent aujourd’hui des menaces pour les droits humains.

Les nouveaux outils de la liberté d’expression sont toujours une bonne nouvelle même s’ils exigent de bien penser l’organisation et l’équilibre de la prise de parole de chacun.
Les nouveaux outils de la liberté d’expression sont toujours une bonne nouvelle même s’ils exigent de bien penser l’organisation et l’équilibre de la prise de parole de chacun. Mais la tentative de préemption du monde par les futurs dirigeants américains risque de mettre fin à des années de dialogues entre les différents acteurs privés et publics de chaque côté de l’Atlantique, aussi complexes que la matière technologique, du Web à l’intelligence artificielle en passant par les réseaux sociaux, qu’ils traitent. Dès lors, chaque prise de position fait l’effet d’une bombe.

Aussi puissante soit l’annonce de Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook devenu Meta, de mettre fin à la vérification des faits par des professionnels, médias ou fondations, elle ne remet pas pour autant, à ce stade, tout en cause. A vrai dire, les grandes plateformes, déjà rentables, ne peuvent se payer le luxe d’inquiéter leurs actionnaires et leurs annonceurs outre mesure. Sauf à tenter des paris hasardeux, elles devront maintenir une exigence de qualité passant par une modération irréprochable.

Mais si son annonce ne concerne que les Etats-Unis, c’est sans doute aussi grâce à la législation européenne et plus particulièrement au Digital Service Act (DSA) qui vise à renforcer la protection des consommateurs en encadrant mieux l’activité des plus grandes plateformes. Voyons le verre à moitié plein, la réglementation européenne contraint Elon Musk et Mark Zuckerberg à respecter un certain standard. Il n’en reste pas moins que cela constitue une mauvaise nouvelle pour des médias à l’économie déjà précaire, socle fragile de démocraties friables.

En l’espèce, le dirigeant de Meta appuie aussi là où l’Europe a mal avec sa maladie chronique d’inflation réglementaire pour traiter tout nouveau bobo, sans se donner la peine d’utiliser ou de vérifier l’effectivité des outils déjà existants. Plutôt que d’accumuler et d’enchevêtrer les lois, avant de les appliquer avec zèle, donnons une chance à celles en vigueur et surtout veillons à ce qu’elles soient appliquées.

La culture de la régulation doit aussi être celle de la modération. Déjà, l’absence de neutralité des plateformes pourrait permettre de les soumettre aux mêmes règles de détention et de pluralité que les médias traditionnels quand elles sortent de leur rôle de passeuses d’idées pour prendre parti.

Un récent rapport du groupe de travail de La villa numeris visant à « Réaffirmer la liberté d’expression » montre que notre arsenal juridique permet de réaffirmer la liberté d’expression comme principe et de faire respecter ses exceptions, comme pour tout droit fondamental, dans les sociétés démocratiques. Encore faut-il se donner les moyens d’appliquer les règles existantes qui nécessitent un engagement humain et politique inédit.

Il est encore temps de former les juges mais aussi les professeurs, les élèves, les familles. Il est encore temps d’initier une coordination et une collaboration de l’ensemble des acteurs, opérateurs et plateformes, pouvoirs publics, médias, consommateurs, universitaires. Il est encore temps de permettre à la justice de jouer son rôle, plutôt que d’inventer de nouvelles règles qui rejoindront la poussière des textes jamais ou peu utilisés.

Déjà, arrêtons de nous enfermer dans des fausses réalités : la liberté d’expression pour les robots n’existe pas et nous pouvons déjà faire cesser nombre de campagnes de haine ou de manipulation artificielle sans augmenter les contraintes à la liberté d’expression. Terre d’inventivité, de créativité, d’originalité et d’ambitions, l’Europe, forte de ses 750 millions d’habitants, plus de deux fois la population des Etats-Unis, peut et doit montrer la voie de développements numériques respectueux des humains. Ce qui nous distingue nous portera.

Vitupérer caricature la démocratie

Vitupérer caricature la démocratie

 « Vitupérer nuit gravement au débat », « Hissons-nous au niveau des enjeux de la Liberté d’expression », défendent Thaima Samman, avocate, fondatrice du Cabinet Samman et co-présidente du groupe de travail de La villa numeris sur la liberté d’expression, et David Lacombled, président du groupe. Pour eux, si la liberté est un droit fondamental, la liberté d’expression « ne constitue pas un droit absolu pour autant ». ( dans la « Tribune »)

 

Alors que X et TikTok deviennent de véritables torrents de boue, les éructations du dirigeant du premier et le silence du second ne contribuent pas à porter un débat digne, à la hauteur des enjeux du droit fondamental que représente la liberté d’expression.
Il est pour le moins paradoxal que les chantres de la liberté d’expression, le prochain président des Etats-Unis et son vice-président officieux Elon Musk, monopolisent à ce point la parole et semblent décidés à prendre les décisions pour le reste du monde. Au prétexte de pouvoir tout dire, on n’entend plus qu’eux.

Rappelons les fondamentaux de la liberté d’expression. Ce n’est pas tout dire et n’importe quoi. La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen précise que « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ». Ni plus, ni moins. Nul ne saurait y déroger. Et pourtant.

Nos démocraties tirent leur force de leur capacité à permettre un débat équilibré et fructueux, même s’il n’est ni toujours consensuel, ni forcément apaisé. C’est comme ça que les idées progressent. A cet égard, les réseaux sociaux sont apparus comme de nouvelles agoras où chacun peut s’exprimer, où il suffit de prendre la parole dans le respect des règles de droit et aussi de son prochain. Y arriver avec un mégaphone plombe l’ambiance et rend zinzin une partie de ses membres qui s’agitent tels des électrons à l’énergie négative.
Lorsque Elon Musk fait de son réseau social son principal porte-voix, ne rechignant pas à manipuler, à l’aide de sa propre solution d’intelligence artificielle Grok, les messages qu’il y poste, se faisant apôtre et juge, se rêvant en démiurge, ce sont les principes fondamentaux de la démocratie qu’il remet en cause. Son ingéniosité et son éclectisme unanimement loués hier par la plupart des dirigeants, deviennent aujourd’hui des menaces pour les droits humains.

Les nouveaux outils de la liberté d’expression sont toujours une bonne nouvelle même s’ils exigent de bien penser l’organisation et l’équilibre de la prise de parole de chacun.
Les nouveaux outils de la liberté d’expression sont toujours une bonne nouvelle même s’ils exigent de bien penser l’organisation et l’équilibre de la prise de parole de chacun. Mais la tentative de préemption du monde par les futurs dirigeants américains risque de mettre fin à des années de dialogues entre les différents acteurs privés et publics de chaque côté de l’Atlantique, aussi complexes que la matière technologique, du Web à l’intelligence artificielle en passant par les réseaux sociaux, qu’ils traitent. Dès lors, chaque prise de position fait l’effet d’une bombe.

Aussi puissante soit l’annonce de Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook devenu Meta, de mettre fin à la vérification des faits par des professionnels, médias ou fondations, elle ne remet pas pour autant, à ce stade, tout en cause. A vrai dire, les grandes plateformes, déjà rentables, ne peuvent se payer le luxe d’inquiéter leurs actionnaires et leurs annonceurs outre mesure. Sauf à tenter des paris hasardeux, elles devront maintenir une exigence de qualité passant par une modération irréprochable.

Mais si son annonce ne concerne que les Etats-Unis, c’est sans doute aussi grâce à la législation européenne et plus particulièrement au Digital Service Act (DSA) qui vise à renforcer la protection des consommateurs en encadrant mieux l’activité des plus grandes plateformes. Voyons le verre à moitié plein, la réglementation européenne contraint Elon Musk et Mark Zuckerberg à respecter un certain standard. Il n’en reste pas moins que cela constitue une mauvaise nouvelle pour des médias à l’économie déjà précaire, socle fragile de démocraties friables.

En l’espèce, le dirigeant de Meta appuie aussi là où l’Europe a mal avec sa maladie chronique d’inflation réglementaire pour traiter tout nouveau bobo, sans se donner la peine d’utiliser ou de vérifier l’effectivité des outils déjà existants. Plutôt que d’accumuler et d’enchevêtrer les lois, avant de les appliquer avec zèle, donnons une chance à celles en vigueur et surtout veillons à ce qu’elles soient appliquées.

La culture de la régulation doit aussi être celle de la modération. Déjà, l’absence de neutralité des plateformes pourrait permettre de les soumettre aux mêmes règles de détention et de pluralité que les médias traditionnels quand elles sortent de leur rôle de passeuses d’idées pour prendre parti.

Un récent rapport du groupe de travail de La villa numeris visant à « Réaffirmer la liberté d’expression » montre que notre arsenal juridique permet de réaffirmer la liberté d’expression comme principe et de faire respecter ses exceptions, comme pour tout droit fondamental, dans les sociétés démocratiques. Encore faut-il se donner les moyens d’appliquer les règles existantes qui nécessitent un engagement humain et politique inédit.

Il est encore temps de former les juges mais aussi les professeurs, les élèves, les familles. Il est encore temps d’initier une coordination et une collaboration de l’ensemble des acteurs, opérateurs et plateformes, pouvoirs publics, médias, consommateurs, universitaires. Il est encore temps de permettre à la justice de jouer son rôle, plutôt que d’inventer de nouvelles règles qui rejoindront la poussière des textes jamais ou peu utilisés.

Déjà, arrêtons de nous enfermer dans des fausses réalités : la liberté d’expression pour les robots n’existe pas et nous pouvons déjà faire cesser nombre de campagnes de haine ou de manipulation artificielle sans augmenter les contraintes à la liberté d’expression. Terre d’inventivité, de créativité, d’originalité et d’ambitions, l’Europe, forte de ses 750 millions d’habitants, plus de deux fois la population des Etats-Unis, peut et doit montrer la voie de développements numériques respectueux des humains. Ce qui nous distingue nous portera.

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