La confiance dans la monnaie dépend aussi de l’état démocratique
Les mesures prises à l’encontre de la Russie vont, à terme, réorienter les flux de devises sur le marché des changes, analyse l’économiste Barry Eichengreen dans sa chronique.
Chronique.
Les sanctions contre la Russie en réaction à l’invasion de l’Ukraine ont interdit aux banques russes de faire des affaires en Occident ; certaines d’entre elles ont été coupées de Swift, le système de messagerie bancaire pour les paiements internationaux. Les titres et les dépôts de la Banque centrale russe ont été gelés, ce qui la rend incapable d’enrayer la chute du rouble. Elle n’est pas non plus en mesure d’agir en tant que prêteur en dernier ressort pour les institutions financières qui, comme la Sberbank, ont des obligations en devises étrangères. Ces mesures sont financièrement et économiquement dévastatrices, ce qui est précisément leur but.
Mais elles vont affecter à plus long terme le système monétaire international, en particulier le mode de détention des actifs étrangers par les Etats. Vont-ils chercher refuge en Chine, qui n’a pas sanctionné la Russie, et dans sa monnaie, le yuan ?
L’expérience récente suggère que non. Au cours des deux dernières décennies, la part du dollar dans les réserves de change identifiées dans le monde a certes diminué d’environ 10 %. Mais cette diversification n’a bénéficié que pour un quart au yuan et pour trois quarts à des monnaies telles que le dollar australien, le dollar canadien, la couronne suédoise et le franc suisse, facilement négociables. Combinées, elles constituent un agrégat de taille raisonnable et souple, car elles n’évoluent pas au même rythme que le dollar. Or tous leurs émetteurs, y compris la Suisse, soutiennent les sanctions contre la Russie : aucune d’elles n’est susceptible de servir de refuge aux gouvernements qui violent les normes internationales.
Si le recours au yuan est resté limité, c’est en partie parce que les obligations et les dépôts bancaires libellés dans la monnaie chinoise ne sont pas facilement accessibles aux investisseurs officiels étrangers, du moins dans les quantités appropriées. Les obligations « dim sum » (libellées en yuans et négociées à l’étranger et à Hongkong) et les dépôts bancaires en yuans à l’étranger sont accessibles, mais d’autres instruments le sont moins. Bien que les Bourses de Hongkong et de Shanghaï aient mis en place un système (Bond Connect) permettant aux investisseurs étrangers d’investir sur le marché obligataire interbancaire chinois, peu de banques centrales, voire aucune, figurent sur la liste des investisseurs autorisés à y participer.
Toutes les principales devises internationales et de réserve de l’histoire ont été la monnaie d’une démocratie ou d’une république où il existe des limites institutionnelles crédibles à l’action arbitraire de l’exécutif. Peu de gestionnaires de réserve seront enclins à mettre leurs portefeuilles d’actifs à la merci de Xi Jinping.
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