Présidentielle 2017 : « la gauche est déjà éliminée »(Macron)
Emmanuelle Macron considère dans une interview au JDD que le parti socialiste lui fait un faux procès en l’accusant par avance d’être responsable de la vraisemblable défaite de la gauche en 2017. L’ancien ministre de l’économie, lui candidat ni de gauche, ni de droite mais plutôt du centre réformateur estime que la gauche est battue et depuis longtemps. Effectivement dans le meilleur des cas si toutes les forces de gauche se réunissaient, elles pourraient au mieux atteindre un score d’environ 30 %. Le véritable enjeu aujourd’hui pour la gauche n’est pas l’élection présidentielle mais les élections législatives qui pourraient éliminer nombre d’organisations représentées au parlement ; d’une certaine manière ; c’est aussi l’existence même parti socialiste qui est en cause, un parti socialiste qui aujourd’hui est représenté par 250 députés et qui pourrait n’en obtenir qu’une cinquantaine en 2017. Interview JDD :
Après le renoncement de François Hollande, n’est-ce pas le moment de vous présenter dans le cadre de la primaire?
Le Président a pris une décision très digne et courageuse, mais cela ne rebat absolument pas les cartes de la primaire. S’il avait été le candidat naturel, il n’y aurait pas eu de primaire. Regardons les choses en face : ces dernières semaines, un piège construit par l’appareil, et jusqu’au sein du gouvernement, s’est refermé sur lui pour qu’il ne soit pas candidat à la primaire.
Vous allez avoir du mal à expliquer aux Français que vous ne voulez pas en être, tout en vous présentant comme le rénovateur en chef de la vie politique…
Quand on prétend présider aux destinées d’un pays, on n’est pas là pour s’enfermer dans des querelles de clans. Aujourd’hui, le vrai clivage se situe entre progressistes et conservateurs. Je dis : il y a déjà une maison des progressistes et elle s’appelle En marche!
Vous êtes d’ores et déjà accusé par des socialistes de prendre le risque, en vous soustrayant à la primaire, d’éliminer la gauche du second tour de la présidentielle…
[Il s'enflamme.] Mais la gauche est éliminée du second tour depuis dix-huit mois! Il n’y en a pas un qui va au second tour! Pas un! Quand bien même cette primaire se passerait bien, le vainqueur n’y arriverait pas. Si Arnaud Montebourg sort de la primaire, vous pensez que Valls le soutiendra? Si Manuel Valls gagne, pensez-vous que les soutiens d’Arnaud Montebourg ou de Benoît Hamon iront derrière lui? Cette primaire, c’est OK Corral.
Pourquoi la gauche ne saurait-elle pas se rassembler comme le fait la droite aujourd’hui?
La droite ne va pas y arriver davantage. Les dirigeants de la droite et du centre sont en train de se ranger derrière François Fillon mais c’est aberrant. Ils le font uniquement parce que c’est leur intérêt de faire perdurer un système dont ils se nourrissent depuis trente ans. D’ailleurs, la réalité du peuple du centre et de la droite progressiste vient chez nous. Ces 130 jeunes de l’UDI qui ont rejoint En marche! Cette semaine au nom de l’idéal européen sont cohérents, eux : ils tournent le dos à l’euroscepticisme de François Fillon.
Vous ne pouvez pas nier que la primaire de la droite a été un grand succès…
C’est un succès en trompe-l’œil. Les progressistes de droite et du centre, tous ceux qui ont voté pour Nathalie Kosciusko-Morizet ou Alain Juppé, ne peuvent pas se retrouver dans le programme de François Fillon. François Fillon aura une majorité parlementaire hétérogène et aura du mal, tout comme François Hollande avec ses frondeurs, à mettre en œuvre son programme.
Mais le débat sur la ligne a justement été tranché par la primaire…
En 2011, le débat entre Arnaud Montebourg et François Hollande a-t-il été tranché par la primaire? Le débat entre Martine Aubry et François Hollande a-t-il été tranché par la primaire? Non, les députés frondeurs n’ont eu de cesse d’entraver la politique économique de Hollande. Parce que la primaire construit des compromis d’appareil mais ne permet pas d’installer une cohérence programmatique. Ce sera la même chose pour la primaire du Parti socialiste.
Vous voulez parler de la primaire de la gauche?
Ce n’est pas une primaire de la gauche. Les Verts comme les radicaux en sont sortis! Ce n’est donc que la primaire du Parti socialiste. Vont probablement s’opposer un futur ex-Premier ministre et des ministres qu’il a exclus du gouvernement parce qu’ils ne partageaient pas sa vision. Et on veut nous faire croire que la primaire leur permettrait demain, si l’un d’entre eux devenait président de la République, de gouverner ensemble pendant cinq ans? Soyons sérieux, cette primaire va juste scénariser un déchirement autour du bilan du quinquennat. La primaire du Parti socialiste, ce n’est rien d’autre qu’un congrès qui ne veut pas dire son nom. Ce ne sont pas des visions mais des motions qui vont s’affronter. Rien de solide ne peut être bâti là-dessus. J’ai construit En marche! pour dépasser cela.
Tout de même : la primaire est une compétition démocratique…
[Il nous coupe.] La vraie compétition démocratique, c’est le premier tour de la présidentielle! La recette de la primaire, on la connaît : ça fait de la mauvaise cuisine et les Français ne veulent plus en manger. Moi, j’ai une offre claire. Qui ne croit pas dans l’Europe, dans la réconciliation de la liberté et du progrès, dans l’innovation, dans la transition énergétique ne vient pas à En marche!
Vous vous attendiez à cette décision de Hollande?
[Brusquement, son ton se fait grave.] Je ne m’attendais à rien parce que c’est quelqu’un de secret et d’inattendu.
Est-ce Manuel Valls qui l’a tué?
Il appartient à chacun de se faire son idée. C’est François Hollande et ses proches qui le diront.
Ils le disent déjà…
[Silence.]
Ils disent aussi que vous l’avez aidé…
Je n’ai jamais manqué de respect au président de la République. J’ai eu des désaccords stratégiques que j’ai toujours assumés ouvertement. J’ai pris mes responsabilités et mes risques. J’aime les combats à visage découvert. Tout le contraire des tireurs couchés.
Le tireur couché, c’est Valls?
[Silence.]
Revendiquez-vous une part de l’héritage de Hollande?
Je revendique ce que j’ai fait comme ministre. J’ai partagé nombre de décisions prises sous ce quinquennat mais si j’avais été en accord avec tout, je n’aurais pas quitté le gouvernement.
Souhaitez-vous lancer un appel aux orphelins de François Hollande?
Je lance un appel à tous ceux qui se sentent orphelins de la vision qu’ils avaient projetée en lui, ainsi qu’à tous ceux qui, quelle que soient leur sensibilité politique actuelle, veulent faire entrer notre pays dans le XXIe siècle. À tous les progressistes. J’ai d’ailleurs noté que le Président avait utilisé ce terme dans son allocution, alors qu’il ne l’emploie pas habituellement. C’était sans doute de sa part la reconnaissance du fait qu’il faut dépasser un cadre.
Irez-vous chercher le soutien de Hollande?
Je ne vais pas chercher de soutiens. Au demeurant, je ne sais pas si François Hollande souhaitera, ni s’il sera pertinent qu’il prenne part à l’élection présidentielle.
François Bayrou assure que rien ne vous distingue de François Fillon, qui du reste dit du bien de vous…
François Fillon est quelqu’un de respectable. Mais la droite est en train de proposer un retour en arrière. Elle propose de faire les réformes économiques de la Grande-Bretagne des années 1980 et de revenir à la France d’avant Giscard d’un point de vue social. Une de nos grandes différences, c’est que je crois dans l’investissement et l’innovation quand lui a un projet de réduction des dépenses publiques complètement intenable. Je crois dans le travail et la négociation sociale, là où François Fillon propose de remettre en cause le Code du travail. Je crois dans la réforme de l’État, mais cela ne consiste pas à fixer le nombre de fonctionnaires que vous allez supprimer. Ce discours est inhumain et dégradant pour les fonctionnaires. Par ailleurs, son projet permet plus de liberté économique mais sans aucune protection. En cela, ce n’est pas un projet libéral, mais ultralibéral.
Le vôtre est libéral?
Le mien est progressiste. Il est à la fois efficace et juste.
C’est un gros mot, libéral?
Non. Je l’ai toujours assumé, mais je ne veux pas me laisser enfermer dans une case. Je considère que des protections sont nécessaires. Le projet de François Fillon permet à ceux qui ont déjà réussi de mieux réussir. Mais il n’intègre pas le fait que nos classes moyennes sont profondément fragilisées économiquement et moralement. Au cœur de mon projet, il y a trois boucliers : un bouclier de laïcité – la République doit protéger ceux qui croient et ceux qui ne croient pas en leur aménageant un cadre de vie commune –, un bouclier de sécurité – il faut donner de la visibilité sur cinq ans à nos forces de police et de gendarmerie, à notre justice – et un bouclier social. Je pense ainsi que ce serait une grave erreur de dérembourser les petits soins. C’est injuste, inefficace en termes de santé, et les premières victimes en seront les classes moyennes et populaires.
En matière de sécurité, vous vous inscrivez dans la continuité de l’action du gouvernement?
Je me retrouve dans le discours extrêmement responsable et équilibré de Bernard Cazeneuve. Je ne pense pas qu’il faille modifier l’État de droit pour répondre à la menace terroriste. Je ne souhaite pas revenir sur les choix qui ont été faits en matière de police ou de gendarmerie. Je propose en sus de rebâtir un renseignement territorial et une police de proximité, comme Lionel Jospin et Jean-Pierre Chevènement en avaient eu l’intuition.
Êtes-vous un rebelle?
[Il hésite.] Sans doute. C’eût été plus facile pour moi de rester dans le gouvernement et d’essayer de jouer dans des cadres établis.
Où en êtes-vous de la collecte des parrainages d’élus pour la présidentielle?
J’en ai déjà plusieurs centaines. Je ne vais pas faire de faux suspense sur ce sujet. Je suis confiant.
En cas d’échec en 2017, quitterez-vous la vie politique?
Ce n’est pas une aventure d’un jour. Nous resterons et nous durerons.
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