Zelensky, un président citoyen …à comparer à Macron !
Le président ukrainien est devenu le « showrunner » du destin de l’Ukraine, accusant par contraste le caractère ridicule et narcissique des figures classiques du pouvoir, estime la philosophe Sandra Laugier, dans une tribune au « Monde ».
Un président ukrainien à comparer évidemment à Macron qui se vautre lui dans la posture du monarque condescendant NDLR
Tribune.
« Show me a hero and I’ll write you a tragedy » (« Montrez-moi un héros, et je vous écrirai une tragédie »). Ce mot de l’écrivain américain F. Scott Fitzgerald (1896-1940) a une étrange actualité avec l’émergence d’un acteur de série télévisée, Volodymyr Zelensky, héros de la série Serviteur du peuple (2025-2019) où il incarne un homme ordinaire, Vassili Goloborodko, professeur d’histoire-géo, accédant un peu par accident à la présidence de l’Ukraine, et qui en 2019, au moment où débute la 3e saison de sa série, « réalise » ce scénario. Porté par un parti politique qui porte le nom même de la série, il est alors effectivement élu président de son pays.
Ce n’est évidemment pas la première fois qu’une série TV rejoint le réel. Les séries TV ont désormais une telle place dans la vie des spectateurs qu’elles sont, non seulement selon l’expression consacrée « un miroir de la société », mais aussi agissent sur le monde, précisément par ce mode sériel de l’attachement au héros identifié à l’acteur.
On se souvient que l’acteur Martin Sheen, qui incarnait le mythique président Bartlet dans la classique The West Wing, était si populaire en 2000 qu’un sondage NBC le plaçait loin devant George W. Bush et Al Gore pour la présidentielle.
La série culte 24 Heures chrono, dont chaque épisode de la saison raconte une heure de la vie d’un agent antiterroriste, a démarré au lendemain du 11 septembre [2001], alors qu’elle avait été programmée et filmée bien avant. The Handmaid’s Tale anticipait les attaques redoutables de la présidence Trump contre les droits des femmes. La Casa de Papel a offert des mots d’ordre et des sons aux mobilisations de ces dernières années. Homeland, dans sa saison 5 écrite en 2014, mettait en scène des cellules djihadistes européennes et était diffusée en France pendant les attentats de novembre 2015.
Il faut revoir aujourd’hui Chernobyl, alors que les centrales nucléaires sont bombardées en Ukraine et ne répondent plus au téléphone ; et les splendides saisons 4 et 5 du Bureau des légendes, sous emprise russe.
Mais l’acteur Martin Sheen n’a jamais été président des Etats-Unis, ni l’excellent Dennis Haysbert, même s’il a habitué son public à un président noir en incarnant de façon prémonitoire David Palmer dans 24 Heures.
Zelensky, lui, est devenu le « showrunner » du destin de l’Ukraine. Jamais l’impact d’une série sur la vie réelle n’a été aussi direct. Il est d’ailleurs remarquable que Serviteur du peuple soit une production ukrainienne, mettant clairement en évidence la globalisation de la production des séries. C’est une série non américaine qui a offert au futur président ukrainien le rôle de sa vie et l’a vu passer du « soft power » au pouvoir, même si Serviteur du peuple est imbibée de culture démocratique américaine.