Un plaidoyer politique woke
Alex Mahoudeau, « docteur en sciences politiques », démonte dans un ouvrage publié chez textuel les débats outrés et purement moraux qui font obstacle aux revendications de l’antiracisme, du féminisme ou des LGBT. En réalité un ouvrage qui n’a pas grand chose de scientifique. Un plaidoyer très politique qui en plus utilise des arguments moraux qu’il reproche précisément aux adversaires de la dérive gauchiste woke. Un extrémisme qui se discrédite lui-même par son manque de rigueur et ses outrances.
« La Panique Woke », d’Alex Mahoudeau (Textuel).
Livre. « Wokisme ». Apparu soudainement dans le débat public français en 2021, le terme a conquis en quelques semaines les plateaux des talk-shows, les chroniques de la presse nationale et les étals des librairies, jusqu’à justifier le lancement d’un think tank par le ministre de l’éducation. La raison ? Des groupes minoritaires (et plus généralement la jeunesse) menaceraient l’universalisme républicain et la cohésion de la société par leurs revendications « identitaires ».
Si elle se présente comme un débat d’actualité, la polémique s’inscrit en réalité dans une longue « offensive réactionnaire » qu’analyse Alex Mahoudeau dans La Panique woke. « Le “woke”, écrit ce docteur en sciences politiques, spécialiste des idéologies réactionnaires, vient s’ajouter à l’“indigénisme”, la “cancel culture” et l’“islamo-gauchisme”, mais aussi au “communautarisme”, au “politiquement correct” et au “néoféminisme intersectionnel”. »
Si cette généalogie est assez familière, l’auteur la prolonge, pour identifier « ce que signifie politiquement un tel engouement ». Le comparant à d’autres épisodes en France et ailleurs, il voit dans ce moment woke un exemple de « panique morale », « une série d’anecdotes plus ou moins exagérées ou inventées [qui] vient nourrir le sentiment d’une menace importante ». Des anecdotes soigneusement décontextualisées et sélectionnées, qui dressent un tableau éloigné du réel. C’est pourquoi les sciences sociales, qui décrivent une autre réalité, sont toujours parmi les cibles privilégiées de ces paniques.
A posteriori, la manœuvre est flagrante, comme après la peur, au milieu des années 1960, de « voir la société britannique s’effondrer » à cause de la violence de la jeunesse ou celle, vingt ans plus tard, d’une « vague de satanisme » submergeant les Etats-Unis. Sur le wokisme et ses variants, Alex Mahoudeau fait déjà le même constat : « Plusieurs mois après avoir annoncé organiser la lutte contre “l’islamo-gauchisme” sur les campus, et sans que rien, à part une polémique, ne se soit passé, la ministre Frédérique Vidal annonçait que le problème était réglé. »
Mais ne pas prendre ces paniques au sérieux serait une erreur, alerte l’auteur, même si des sondages semblent indiquer que le wokisme intéresse peu l’opinion. Car elles ont des effets très concrets, par une « mise à l’agenda » des obsessions réactionnaires qui installe le débat public sur un terrain moral et rhétorique. Les revendications politiques, sociales, économiques de l’antiracisme, du féminisme ou des LGBT sont ainsi effacées ou tournées en dérision.