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80 % de bacheliers : Pas une vraie démocratisation

80 % de bacheliers : Pas une vraie démocratisation

Il y a tout juste 40 ans, Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’Éducation nationale, fixait le cap de mener 80 % d’une classe d’âge au bac. Aujourd’hui, cet objectif est atteint, et même dépassé, ce qui a mécaniquement entraîné une démocratisation de l’enseignement supérieur. Sur la même période, en effet, les effectifs inscrits dans l’enseignement supérieur sont passés d’un peu plus d’un million à trois millions. Ce formidable mouvement d’ouverture d’un espace longtemps resté l’apanage des classes dominantes s’explique par un certain nombre de politiques volontaristes. Ainsi se sont développées de petites et moyennes universités dans les années 1960, puis les sections de techniciens supérieurs (STS) et les instituts universitaires de technologie (IUT) qui accueillent aujourd’hui un cinquième des étudiants, l’université en accueillant un sur deux. Ces chiffres ne sont toutefois pas uniquement dus aux politiques, ils tiennent aussi à la hausse du niveau des aspirations de la population qu’on ne saurait limiter à une seule logique d’emploi.

 

par 

Sociologue et maître de conférences en sciences de l’éducation, Université Rennes 2 dans The Conversation 

Qu’il s’agisse d’un signe de distinction sociale comme le sont les grandes écoles internationales pour les familles des classes privilégiées ou de « l’arme des faibles » propres aux familles ouvrières, les aspirations d’études supérieures s’inscrivent aussi dans la perspective longue de l’histoire du marché de l’emploi, des classes sociales et des familles.

Observée dans le détail, cette démocratisation révèle malgré tout des lignes de clivage importantes traduisant en définitive ce que le sociologue Pierre Merle appelle une démocratisation ségrégative. C’est-à-dire que le recrutement socio-scolaire diffère entre les formations, lesquelles sont à la fois inégalement rentables et inégalement valorisées comme l’ont souligné Marie-Clémence Le Pape et Agnès van Zanten.

Si on ne peut aujourd’hui nier que la durée de scolarisation ne cesse de s’allonger pour des jeunes de plus en plus nombreux, on peut cependant interroger les variations de durée des études. Cela permet de saisir les inégalités d’accès à l’enseignement supérieur et aux diplômes. En remontant le fil de cette ségrégation, on voit que celle-ci est le produit d’un processus complexe mêlant les politiques éducatives et les aspirations de la population.

Bien que la hausse des effectifs ait d’abord été portée par la dynamique démographique d’après-guerre, c’est surtout l’accès élargi au baccalauréat lié à une diversification de l’offre – notamment à travers le baccalauréat professionnel (1985) porté par J.-P. Chevènement – qui a contribué à l’augmentation de la part de bacheliers dans une génération, et donc à la progression du nombre de néo-bacheliers s’inscrivant dans l’enseignement supérieur.

Alors que ce taux reste relativement stable depuis une dizaine d’années (autour de 78 %), les chiffres du ministère de l’enseignement supérieur (2024) montrent que, si les inégalités d’accès ont diminué, elles persistent néanmoins. On constate d’abord que le taux de poursuite dans l’enseignement supérieur a une tendance à la hausse pour toutes les catégories sociales.

Parmi les jeunes âgés de 20 à 24 ans ce sont 52 % des enfants d’ouvriers ou d’employés qui étudient ou ont étudié dans le supérieur, contre 77 % des enfants de cadres, de professions intermédiaires ou d’indépendants (soit un écart de 1,5 fois entre les deux groupes). Ce même écart est de 1,9 pour les personnes âgées de 45 à 49 ans (33 % contre 62 %), ce qui suggère bien une démocratisation en cours.

On constate néanmoins la persistance d’inégalités quant à la durée des études. Le taux de poursuite varie surtout selon la voie du baccalauréat. Tandis que les bacheliers généraux sont près de 93 % à poursuivre et les bacheliers technologiques près de 81 %, les bacheliers professionnels ne sont qu’à peine à 46 %.

Cette disparité de poursuite se retrouve aussi dans le type de filière du supérieur. En considérant une ligne de clivage entre l’enseignement supérieur court professionnel et le long général, il apparaît une forte prévalence de l’origine socio-scolaire dans l’accès à l’enseignement supérieur. Alors que les bacheliers généraux sont 50 % à s’inscrire immédiatement à l’université, les bacheliers technologiques et professionnels sont respectivement 14 % et 4 %. À l’inverse, les premiers sont 9 % à s’inscrire en STS, contre 40 % et 39 % pour leurs pairs.

Les filières les plus prestigieuses que sont les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE), bien que ne concernant à peine 6 % des néo-bacheliers, constituent depuis 20 ans un indicateur privilégié pour étudier la démocratisation de l’enseignement supérieur. Or, malgré des politiques d’ouverture sociale, cette filière continue de concerner principalement les bacheliers généraux puisqu’ils y représentent neuf étudiants sur 10 et majoritairement les élèves issus de familles aisées qui représentent 52 % des effectifs contre 7 % d’enfants d’ouvriers, soulignant à la fois l’échec des politiques et le maintien d’un espace ségrégatif jusque dans les grandes écoles.

Une démocratisation qui profite particulièrement aux classes aisées ?

De façon générale, on constate bien une démocratisation puisqu’entre 2011 et 2021, la part des 25-29 ans détenant un diplôme du supérieur passe de 42 % à 50 % (+8 points). Cependant, tandis qu’elle passe de 58 % à 66 % (+ 8 points) pour les enfants de cadres et professions intermédiaires, elle passe de 30 % à 33 % (+3 points) pour les enfants d’ouvriers ou d’employés.

En observant plus spécifiquement le type de diplôme, on constate qu’en 2021, les premiers sont 41 % à obtenir un master, un doctorat ou un diplôme de grande école (+18 points par rapport à 2009) quand les seconds ne sont que 13 % dans ce cas (+ 7 points). De sorte que les politiques volontaristes qui ont favorisé l’accès à l’enseignement supérieur semblent avoir surtout profité aux catégories les plus favorisées qui se distinguent par des études longues, valorisées et rentables.

 

Si Parcoursup a voulu mettre un terme à ce « délit d’initié » semblant reposer sur un capital informationnel, en proposant une généralisation de l’accès à l’information aux 13900 formations présentes sur la plate-forme, il apparaît que cela n’a rien entamé de la ségrégation socio-scolaire.

Les travaux récents sur le sujet soulignent la mise en œuvre très hétérogène de cette procédure au sein des établissements du secondaire et du supérieur. Cette hétérogénéité prolonge les inégalités du processus d’orientation au cœur duquel politiques éducatives et aspirations de la population ne forment pas le cercle vertueux que défendent les promoteurs d’un accès rationalisé à l’enseignement supérieur.

Au contraire, il en découle in fine une ségrégation socio-scolaire et, plus tard, des études supérieures inégalement rentables comme l’a déjà montré Pierre Courtioux à propos des « rendements les plus faibles pour les diplômés d’origine populaire « faible ».

Fret SNCF: Une vraie politique de gribouille

Fret SNCF: Une vraie politique de gribouille

 

D’un côté,  il y a les discours enflammés concernant le développement du rail par rapport au climat et à l’ environnement en général, de l’autre il y a la politique et les actes. Une contradiction totale puisqu’on va priver la SNCF de l’activité la plus rentable et la plus écologique à savoir les trains complets. On assiste ainsi à l’enterrement progressif de l’activité fret depuis des années et des années. On a d’abord supprimé le le trafic express ( petits envois qui pendant longtemps été transporté par des trains de voyageurs), puis on a bradé la messagerie et maintenant on s’apprête à liquider le reste avec une réforme invraisemblable .


Tout cela au motif que la SNCF reçoit des subventions illégales d’après l’Europe. En réalité une contribution qui découle d’une dette que la SNCF traîne toujours alors que la DB ( société nationale allemande) a vu la totalité de son endettement reprise par l’État.

Cette situation ne saurait cependant dédouanée la SNCF elle-même, par son manque de gestion, d’innovation et de compétitivité. Pire la SNCF accorde des avantages financiers à certaines catégories de cheminots alors qu’elle n’en a nullement les moyens ( en fait l’activité est subventionnée à hauteur de 50 %). Tout cela par peur des syndicats corpo et gauchistes qui tuent petit à petit l’entreprise avec des revendications irresponsables et des grèves à répétition. Bref une collusion de fait entre le pouvoir et les syndicats corpos pour tuer l’activité ferroviaire.

Quelle vraie souveraineté alimentaire pour la France

Quelle vraie souveraineté alimentaire pour la France

Le mercredi 6 décembre 2023, la FNSEA sortait du bureau d’Elisabeth Borne en déclarant fièrement que l’État abandonnait son projet de taxer l’usage des pesticides et des retenues d’eau. Cela vient conclure une séquence historique. Le 16 novembre déjà, l’Europe reconduisait l’autorisation du glyphosate pour 10 ans. Et, six jours plus tard, abandonnait aussi l’objectif de réduction de 50 % de l’usage des pesticides à l’horizon 2030. Comment en est-on arrivé là ? La question a été récemment posée dans un rapport de l’Assemblée nationale. En plus du lobbying habituel de la FNSEA et de l’état de crise permanent dans laquelle vivent les agriculteurs et qui rend toute réforme explosive, la question de la souveraineté alimentaire – qui correspond au droit d’un pays à développer ses capacités productives pour assurer la sécurité alimentaire des populations – a joué un rôle clé dans cette dynamique. La souveraineté alimentaire est ainsi devenue, depuis la crise du Covid et la guerre en Ukraine, l’argument d’autorité permettant de poursuivre des pratiques qui génèrent des catastrophes écologiques et humaines majeures. Il existe pourtant d’autres voies.

par Harold Levrel
Professeur, économie de l’environnement, AgroParisTech – Université Paris-Saclay dans The Conversation

De quelle souveraineté alimentaire parle-t-on ? Les derniers chiffres de FranceAgrimer montrent que notre « dépendance aux importations » – comme aiment à le répéter les défenseurs d’un modèle intensif – est de 75 % pour le blé dur, 26 % pour les pommes de terre, 37 % pour les fruits tempérés ou 26 % pour les porcs.

Mais ce que l’on passe sous silence, c’est que le taux d’autoapprovisionnement – soit le rapport entre la production et la consommation françaises – est de 148 % pour le blé dur, 113 % pour les pommes de terre, 82 % pour les fruits tempérés et 103 % pour le porc. Le problème de souveraineté alimentaire n’en est pas un. Le vrai problème, c’est qu’on exporte ce que l’on produit, y compris ce dont on a besoin. Cherchez l’erreur.

D’autres arguments viennent encore se greffer à celui de la souveraineté, dans un monde d’interdépendances : la France serait le « grenier à blé de l’Europe », il faudrait « nourrir les pays du Sud », la France serait « une puissance exportatrice », etc.

Au-delà de l’hypocrisie de certaines de ces affirmations – en effet, les exportations des surplus européens subventionnés ont détruit tout un tissu productif, en Afrique de l’Ouest notamment – il ne s’agit pas là d’enjeux liés à la souveraineté alimentaire, mais d’enjeux stratégiques et politiques liés à la compétitivité de certains produits agricoles français sur les marchés internationaux.

Comprendre : la France est la 6e puissance exportatrice de produits agricoles et agroalimentaires au monde et elle entend bien le rester.

S’il ne faut évidemment pas renoncer aux objectifs de productivité alimentaire nationaux, ces derniers gagneraient à être redéfinis. Car comment évoquer la souveraineté alimentaire sans parler des besoins en eau pour produire les aliments, de la dépendance aux énergies fossiles générée par les intrants de synthèse, de l’épuisement de la fertilité des sols lié à la monoculture intensive ou encore des effets du réchauffement climatique ?

Comment évoquer la souveraineté alimentaire sans parler des enjeux fonciers, de l’évolution du travail agricole (25 % des agriculteurs sont en passe de partir à la retraite), du gaspillage alimentaire – qui avoisine les 30 % tout de même – des besoins nutritionnels et des habitudes alimentaires de la population ?

La productivité alimentaire doit dorénavant se conjuguer avec d’autres formes de productivité tout aussi essentielles à notre pays :

Les zones humides naturelles ont une certaine capacité à épurer les milieux aquatiques. Sandro Bisotti/Flickr

La cétoine dorée, un coléoptère, est aussi un pollinisateur, au même titre que les abeilles. Jean-Raphaël Guillaumin/Flickr, CC BY-SA
la capacité de rétention d’eau dans les sols,

le renouvellement des pollinisateurs,

le maintien des capacités épuratoires des milieux pour conserver une eau potable,

le renouvellement de la fertilité des sols,

la régulation des espèces nuisibles aux cultures,

ou encore la séquestration du carbone dans les sols.

Or, il est scientifiquement reconnu que les indicateurs de productivité relatifs à ces services baissent depuis plusieurs décennies. Pourtant, ce sont bien ces services qui permettront de garantir une véritable souveraineté alimentaire future.

Une revue de littérature scientifique parue en 2020, compilant plus de 5000 études menées partout dans le monde, montrait que seules des stratégies de diversification des pratiques agricoles permettent de répondre à ces objectifs de performance plurielle pour l’agriculture, tout en maintenant des rendements élevés.

Les ingrédients de cette diversification sont connus :

Le non-labour est l’une des clés de la diversification agricole. Lutz Blohm/Flickr, CC BY-SA

Les haies permettent de limiter le ruissellement d’eau et rendent plusieurs services agrosystémiques. Jean Balczesak/Flickr, CC BY-NC-ND
augmentation de la rotation des cultures et des amendements organiques,

renoncement aux pesticides de synthèse et promotion de l’agriculture biologique à grande échelle,

réduction du labour,

diversification des semences et recours aux variétés rustiques,

ou encore restauration des haies et des talus pour limiter le ruissellement de l’eau de pluie.

Dans 63 % des cas étudiés par ces chercheurs, ces stratégies de diversification ont permis non seulement d’augmenter les services écosystémiques qui garantissent la souveraineté alimentaire à long terme, mais aussi les rendements agricoles qui permettent de garantir la souveraineté alimentaire à court terme.

Les sérieux atouts de l’agriculture biologique
Parmi les pratiques de diversification qui ont fait leurs preuves à grande échelle en France, on retrouve l’agriculture biologique. Se convertir au bio, ce n’est pas simplement abandonner les intrants de synthèse.

C’est aussi recourir à des rotations de cultures impliquant des légumineuses fixatrices d’azote dans le sol,utiliser des semences rustiques plus résilientes face aux parasites, des amendements organiques qui nécessitent des couplages culture-élevage, et enfin parier sur la restauration d’un paysage qui devient un allié dans la lutte contre les aléas naturels. La diversification fait ainsi partie de l’ADN des agriculteurs bio.

C’est une question de réalisme économique. Les exploitations bio consomment en France deux fois moins de fertilisant et de carburant par hectare que les exploitants conventionnels, ce qui les rend moins vulnérables à l’évolution du prix du pétrole. En clair, l’agriculture biologique pourrait être la garante de la future souveraineté alimentaire française, alors qu’elle est justement souvent présentée comme une menace pour cette dernière du fait de rendements plus faibles à court terme.

Au regard des éléments mentionnés plus haut, il s’agit évidemment d’un faux procès. Nous sommes autosuffisants et nous avons les réserves foncières qui permettraient de déployer le bio à grande échelle en France, puisque nous sommes passé de 72 % du territoire dédié aux activités agricoles en 1950 à 50 % en 2020. Une petite partie de ces surfaces a été artificialisée tandis que la majorité a tout simplement évolué en friche, à hauteur de 1000 km2 par an en moyenne.

Par ailleurs, le différentiel de rendement entre le bio et le conventionnel se réduit après quelques années seulement : de 25 % en moyenne (toutes cultures confondues) au moment de la conversion, il descend à 15 % ensuite. La raison en est l’apprentissage et l’innovation dont font preuve ces agriculteurs qui doivent en permanence s’adapter aux variabilités naturelles. Et des progrès sont encore à attendre, si l’on songe que l’agriculture bio n’a pas bénéficié des 50 dernières années de recherche en agronomie dédiées aux pratiques conventionnelles.

Relever le niveau de vie des agriculteurs sans éroder le pouvoir d’achat des consommateurs
Mais a-t-on les moyens d’opérer une telle transition sans réduire le pouvoir d’achat des Français ? Pour répondre à cette question, il faut tout d’abord évoquer le revenu des agriculteurs. Il est notoirement faible. Les agriculteurs travaillent beaucoup et vivent mal de leur métier.

Or, on oublie souvent de le mentionner, mais le surcoût des produits bio est aussi lié au fait que les consommateurs souhaitent mieux rémunérer les agriculteurs : hors subventions, les revenus des agriculteurs bio sont entre 22 % et 35 % plus élevés que pour les agriculteurs conventionnels.

Ainsi, le consommateur bio consent à payer plus parce que le bio est meilleur pour l’environnement dans son ensemble (eau, air, sol, biodiversité), mais aussi pour que les paysans puissent mieux vivre de leur métier en France sans mettre en danger leur santé.

Par ailleurs, si le consommateur paie plus cher les produits bio c’est aussi parce qu’il valorise le travail agricole en France. Ainsi la production d’aliments bio nécessite plus de main-d’œuvre (16 % du total du travail agricole pour 10 % des surfaces) et est très majoritairement localisée en France (71 % de ce qui est consommé en bio est produit en France).

Cette question du travail est centrale. Moins de chimie, c’est plus de travail des communautés humaines, animales et végétales. C’est aussi plus d’incertitudes, ce qui n’est évidemment pas simple à appréhender pour un exploitant.

Mais il faut rappeler que le discours sur le pouvoir d’achat des français, soi-disant garanti par le modèle hyper-productiviste de l’agriculture française, vise surtout à conforter les rentes de situations des acteurs dominants du secteur agricole. Car les coûts sanitaires et environnementaux de ce modèle sont payés par le contribuable.

Rien que le traitement de l’eau, lié aux pollutions agricoles, pour la rendre potable, coûte entre 500 millions d’euros et 1 milliard d’euros par an à l’État. Or, ce que le consommateur ne paie pas au supermarché, le citoyen le paie avec ses impôts. Le rapport parlementaire évoqué plus haut ne dit pas autre chose : la socialisation des coûts et la privatisation des bénéfices liés aux pesticides ne sont plus tolérables.

Une évidence s’impose alors : il semblerait logique que l’État appuie massivement cette filière en vue de réduire les coûts pour les exploitants bio et ainsi le prix pour les consommateurs de produits bio. En effet, cette filière offre des garanties en matière de souveraineté alimentaire à court et long terme, permet de protéger l’eau et la santé des Français, est créatrice d’emplois en France. Il n’en est pourtant rien, bien au contraire.

L’État a promu le label Haute valeur environnementale (HVE), dont l’intérêt est très limité, comme révélé par l’Office français de la biodiversité (OFB). L’enjeu semble surtout être de permettre aux agriculteurs conventionnels de toucher les aides associés au plan de relance et à la nouvelle PAC, au risque de créer une concurrence déloyale vis-à-vis des agriculteurs bio, d’autant plus que les aides publiques au maintien de l’agriculture biologique ont été supprimées en 2023.

La décision récente de l’État de retirer son projet de taxe sur l’usage des pesticides créé aussi, de facto, un avantage comparatif pour le conventionnel vis-à-vis du bio. Enfin, rappelons que la Commission européenne a pointé à plusieurs reprises que la France était le seul pays européen à donner moins de subventions par unité de travail agricole aux céréaliers bio qu’aux conventionnels.

Ainsi, un céréalier bio français reçoit un tiers de subventions en moins par unité de travail agricole qu’un céréalier conventionnel, alors qu’en Allemagne ou en Autriche, il recevrait 50 % de subventions supplémentaires. En France, l’État renonce aux taxes sur les pesticides tout en maintenant des charges sociales élevées sur le travail agricole, alors que c’est évidemment l’inverse dont aurait besoin la transition agroécologique.

Que peuvent faire les citoyens au regard de ce constat déprimant ? Consommer des produits bio malgré tout, et trouver des moyens de les payer moins cher, grâce par exemple à la vente directe et à des dispositifs tels que les AMAP qui permettent de réduire le coût du transport, de la transformation et de la distribution tout autant que le gâchis alimentaire, les variabilités de la production étant amorties par la variabilité du contenu du panier.

Les agriculteurs engagés pour la transition écologique, de leur côté, peuvent réduire les risques associés aux variabilités naturelles et économiques en créant de nouvelles formes d’exploitations coopératives combinant plusieurs activités complémentaires : élevage, culture, transformation, conditionnement et distribution peuvent être organisés collectivement pour mutualiser les coûts et les bénéfices, mais aussi se réapproprier une part significative de la chaîne de valeur laissée aujourd’hui au monde de l’agro-industrie et de la grande distribution.

Il ne s’agit pas d’une utopie. De nombreux acteurs essaient de faire émerger, malgré les résistances institutionnelles, ces nouvelles pratiques permettant de garantir la souveraineté alimentaire de la France à long terme.

Macron à la télé une seule vraie nouveauté: Le congé de naissance

Macron à la télé une seule vraie nouveauté: Le congé de naissance

La seule vraie nouveauté dans le récent exercice de bavardage de Macron à la télé concerne la création d’un congé parental de naissance. Une proposition qui pourrait s’inscrire d’après lui dans un grand plan de lutte contre le fléau de la fertilité qui reste pour le moins pour l’instant complètement flou.

Comme d’habitude, Macron a flirté avec tous les sujets qui sont évoqués dans les enquêtes d’opinion et à chaque fois il y a répondu avec des mesures très superficielles voire anecdotiques.

Le sujet de la démographie est effectivement celui qui inscrit le pays dans un déclassement progressif inéluctable et aurait évidemment mérité un développement autrement plus étoffé et des orientations plus précises et plus concrètes.

C’est un peu le même vague constaté sur d’autres sujets comme par exemple le réarmement civique avec l’apprentissage du chant de la marseillaise et peut-être vers 2026 ou à la saint-glinglin ou même pas du tout la tenu unique pour les élèves. Sans parler du réarmement judiciaire à peine évoquée pour ne pas fâcher la jeunesse.

Ces commentaires du chef de l’Etat sont intervenus après que l’Insee a publié plus tôt dans la journée son bilan démographique annuel qui montre que le niveau de naissances l’an dernier en France a été le plus faible depuis 1946.

« La France sera plus forte aussi par la relance de sa natalité », a dit Emmanuel Macron lors d’une grande conférence de presse organisée à l’Elysée, devant environ 200 journalistes, durant laquelle il a évoqué un éventail de sujets.

« Un grand plan de lutte contre le fléau de l’infertilité sera lancé », a-t-il fait savoir, sans davantage de précisions.

« Un nouveau congé de naissance, mieux rémunéré, permettra aux deux parents d’être présents au côté de leur enfant pendant six mois s’ils le souhaitent », a-t-il déclaré aussi.

Pour une vraie offensive de paix au Proche-Orient

Pour une vraie offensive de paix au Proche-Orient

Un collectif rassemblant des personnalités du monde de la culture et des intellectuels, dont Charles Berling, Jack Lang et l’éditrice Diane de Selliers, exhortent, dans une tribune au « Monde », les instances internationales faire pression sur les Palestiniens et les Israéliens pour trouver une solution au conflit.

L’attaque du Hamas du 7 octobre et sa violence sadique constituent sans conteste une tragédie, mais aussi un tournant historique dans une guerre qui n’en finit plus. Nous condamnons évidemment les horreurs et le terrorisme, mais aussi, et d’un même geste, l’occupation, la répression, la colonisation, l’humiliation exercées dans les territoires occupés depuis des dizaines d’années : ni les uns ni les autres ne se justifiant mutuellement.

Nous pleurons des mêmes larmes les Palestiniens morts sous les bombardements israéliens terribles et disproportionnés. Dix mille morts ? Combien demain ? Combien de milliers d’enfants ? Nous pleurons tous les morts civils avec la même empathie. Nos ventres, nos tripes souffrent, mais nous ne pouvons pas nous laisser complètement envahir par nos émotions. Nous devons tenter de continuer à penser avec nos têtes.

La paix ne peut être que politique. La paix serait aussi une victoire pour la démocratie et une défaite pour tous les régimes illibéraux, populistes, voire dictatoriaux qui nous entourent de plus en plus. Nous avons l’impression que les deux extrêmes se renforcent sans fin l’un l’autre, et parfois même avons-nous le sentiment qu’ils travaillent ensemble. Dans ces conditions, les terribles événements qui se déroulent en ce moment peuvent déboucher sur une tragédie plus grave encore, si cela est possible.

Il faut qu’Israël et les puissances internationales comprennent enfin que ce pays n’obtiendra jamais la sécurité par la force ou la supériorité militaire.

Il faut aussi que le peuple palestinien et tous ses soutiens comprennent que les extrémistes, et particulièrement le Hamas, ne font que manipuler des rancœurs – si justifiées soient-elles –, prennent le peuple palestinien en otage et ne lui offrent aucune perspective, si ce n’est plus de morts encore. Il faudra donc aussi restaurer et renforcer la légitimité de l’Autorité palestinienne, souvent trahie. Des deux côtés, il existe des modérés ; cessons de ne donner la parole qu’aux extrémistes, même s’ils sont au gouvernement.

Marylise Léon, CFDT : Pas de vraie normalisation des relations avec le gouvernement

Marylise Léon, CFDT : Pas de vraie normalisation des relations avec le gouvernement

La nouvelle responsable de la CFDT, Marylise Léon se montre très prudente sur la volonté de dialogue du gouvernement. Pourtant la première organisation syndicale de France axe toute sa stratégie sur la nécessité d’obtenir des résultats et non de pratiquer l’agitation stérile. Le problème évidemment ce qu’il faut être deux pour dialoguer ou même trois avec le patronat.
Interview de Marylise Léon dans les Échos

« On ne peut pas parler de normalisation, nous renouons le dialogue avec le gouvernement ». Sur l’assurance-chômage, la secrétaire générale de la CFDT se félicite de l’accord, dans une interview aux « Echos », tout en précisant que l’accord négocié avec le patronat « ne vaut pas validation des réformes » de l’Unédic décidées en 2019 et 2021 par le gouvernement. La syndicaliste revient aussi sur l’engagement de sa centrale dans une « transition écologique juste ».

Vous avez conclu avec le patronat un accord pour la prochaine convention d’assurance-chômage qui entérine des plus pour les chômeurs mais aussi des baisses de droits. Etait-ce le prix à payer pour rester à bord de l’Unédic ?

La décision finale appartient au bureau national de la CFDT, sachant que la délégation a rendu un avis favorable. L’accord est équilibré financièrement entre dépenses et recettes, c’est-à-dire qu’il y a autant pour les nouveaux droits des chômeurs que de baisses et de pertes de recettes liées à la baisse de la cotisation chômage employeur.

Le passage de six à cinq du nombre de mois pour être couverts pour les primo-entrants et les saisonniers ou l’amélioration du calcul de l’allocation journalière sont des avancées très importantes pour les personnes qui en ont le plus besoin. C’était une des priorités de la négociation sur laquelle nous disposions de très peu de marges de manoeuvre étant donné le cadre imposé par le gouvernement.

Mission accomplie de mon point de vue, qui peut nous mettre en position de force pour la suite, notamment la refonte de la gouvernance de l’Unédic.

Signer l’accord, n’est-ce pas avaliser les deux réformes engagées par le gouvernement depuis qu’il a pris la main sur l’assurance-chômage…

L’accord ne vaut pas validation des réformes de l’assurance-chômage du gouvernement que l’on a combattues jusqu’au Conseil d’Etat. Après, je suis pragmatique : la situation actuelle, c’est ce cadre de négociation, je fais avec. Ma boussole ce sont les droits des demandeurs d’emploi. Avec cet accord, la situation de plus de 200.000 d’entre eux va s’améliorer.

Vous évoquez la refonte de la gouvernance de l’Unédic que souhaite aussi le patronat, mais c’est un peu l’Arlésienne…

Il y a un vrai sujet sur la gouvernance depuis la loi de 2018 qui a institué une lettre de cadrage. Le gouvernement en a profité pour imposer au forceps deux réformes. Ça ne peut pas continuer comme cela !

Le gouvernement doit décider s’il agrée ou non l’accord. Etes-vous optimiste ?

Je suis optimiste car on a fait notre part en respectant le cadre fixé. Je comprends que certaines dispositions nécessitent une vérification juridique, notamment le renvoi des mesures concernant les seniors après la prochaine négociation sur leur maintien dans l’emploi.

Mais il s’agira d’abord d’un feu vert politique. Cet agrément vaudra confiance du gouvernement dans le dialogue social et dans la façon dont on a mené la négociation. Ce sera un marqueur important pour la suite.

L’exécutif veut s’assurer que l’assurance-chômage prendra bien compte le relèvement de 62 à 64 ans de l’âge de départ à la retraite (pour les durées d’indemnisation notamment, NDLR) si la prochaine négociation sur l’emploi des seniors échoue…

C’est pour cela qu’on a mis un filet de sécurité. On a exigé ce déport car nous refusons d’acter des conséquences de la réforme des retraites dans la convention d’assurance-chômage sans que les entreprises ne changent leurs pratiques pour maintenir les seniors en emploi.

Comme nous ne savons absolument pas ce que le patronat est prêt à mettre sur la table, il est hors de question de signer un chèque en blanc. Si la négociation échoue, alors l’adaptation de la convention Unédic est renvoyée à une négociation tripartite, gouvernement, patronat et syndicats.

La CFE-CGC et la CGT ne signeront pas l’accord. Après celui, unanime sur l’Agirc-Arrco, est-ce une rupture dans l’intersyndicale ?

Au début de l’année, nous avons mené tous ensemble la mobilisation contre la réforme des retraites, l’accord national interprofessionnel sur le partage de la valeur a été signé par quatre confédérations et celui sur le dialogue social et la transition écologique par trois…

La démarche intersyndicale ne signifie pas qu’on est devenu une seule organisation. Chacun défend sa vision du syndicalisme et prend ses positions au regard aussi de son organisation.

J’assume totalement le syndicalisme de négociation de la CFDT qui débouche sur des mesures concrètes pour les salariés. Si l’intersyndicale tient, c’est parce que l’on est suffisamment mature pour confronter nos désaccords. Nous continuons et continuerons d’échanger sans pour autant organiser une conférence de presse et prendre une position commune à chaque fois.

Qu’attendez-vous du document d’orientation que le gouvernement va envoyer aux partenaires sociaux sur l’emploi des seniors ?

Le document d’orientation devrait être suffisamment large pour nous permettre de négocier. Il y a un sujet senior bien entendu au regard des enjeux liés au décalage de l’âge de départ à la retraite. Mais, de mon point de vue, la négociation doit être plus globale sur le travail, avec la question des parcours professionnels, des reconversions, la pénibilité ou du compte épargne temps universel.

C’est exactement le message que la CFDT portait dans les cortèges en début d’année et c’était l’un des objets des réunions à Matignon le 12 juillet. Les travailleurs veulent que l’on parle enfin du travail et des évolutions de carrière pour refaire fonctionner l’ascenseur social dans l’entreprise ou de l’administration ! Le gouvernement nous a dit qu’il était prêt à jouer le jeu.

Où en sont vos relations avec lui, justement ? Y a-t-il une forme de normalisation ?

Je ne sais pas si l’on peut parler de normalisation. Nous renouons le dialogue. Il y a eu la conférence sociale qui a posé des principes, sur l’amélioration de la situation des travailleurs pauvres ou la réduction de l’écart salarial femme-homme, des demandes fortes de la CFDT. Elle a constitué un moment utile mais insuffisant.

Mais ce n’est pas anormal que cela demande un peu de temps pour se concrétiser. Nous sommes dans la phase des travaux pratiques et l’agrément de l’accord assurance-chômage constituera un premier acte effectif.

Sur les retraites complémentaires, le gouvernement souhaite un engagement formel de financement des minima de pension. Qu’allez-vous faire ?

Les partenaires sociaux vont se réunir dès le 28 novembre pour lancer le groupe de travail sur les dispositifs de solidarité, conformément à l’accord. Nous avions dit au gouvernement que nous allions ouvrir rapidement ce chantier, nous prenons date, nous ne jouons pas la montre. Mais je ne peux pas vous dire quand ces travaux aboutiront, et sur quoi ils aboutiront.

Certains au sein de l’exécutif menacent toujours de ponctionner l’Agirc-Arrco dans le budget de la Sécurité sociale, faute de chiffre et de date pour cette contribution…

S’il y a des désaccords au sein de l’exécutif, c’est à eux de les régler. J’ai bien compris que certains voulaient un chiffre et une date tout de suite, mais ce n’est pas possible et le gouvernement, la Première ministre en tête, s’est engagé à ne pas faire de ponction et à laisser du temps au dialogue social. Un tel geste serait totalement inacceptable.

Que proposez-vous pour lutter contre le phénomène de trappe à pauvreté pour les bas salaires, mis en lumière lors de la conférence sociale ?

D’abord je me félicite que le gouvernement reconnaisse qu’il y a un sujet concernant les travailleurs pauvres, ce qui ouvre la voie notamment à des évolutions sur les temps partiels subis.

Après, la question qui est posée au travers de la complémentarité entre prime d’activité et salaire, c’est qui paie le travail ? Des secteurs entiers fonctionnent aujourd’hui grâce à un modèle économique basé sur les exonérations de charges au SMIC et la prime d’activité. C’est un vrai problème. Or sur ce sujet, les intentions du gouvernement ne sont pas claires du tout.

Que pensez-vous de la nomination de l’économiste Gilbert Cette à la présidence du Conseil d’orientation des retraites ?

Pas de commentaire.

Après avoir signé l’accord sur la transition écologique, vous lancez un « manifeste » sur le sujet…

Le sujet est à l’ordre du jour de la prochaine réunion du Bureau national qui va effectivement examiner ce jeudi un « manifeste pour une transition écologique juste ». C’est le fruit d’un travail engagé depuis une dizaine d’années par la CFDT. Le texte reprend les grands positionnements de la CFDT et nos revendications qui lient enjeux environnementaux et justice sociale.

Les salariés sont parmi les premiers exposés, on l’a vu cet été avec la canicule. Cela va modifier, voire empêcher certains travailleurs de faire leur travail. Il faut s’emparer de la question. Ses conséquences ne peuvent se résumer à un tableau Excel avec des plus et des moins sur les emplois. Et puis il s’agit aussi permettre aux salariés d’être des acteurs de la transformation écologique juste.

Notre objectif est d’accélérer la prise en charge de toutes ces questions au sein de notre organisation.

Vous dites que le sujet n’est pas nouveau pour la CFDT, mais concrètement qu’en est-il ?

On a déjà pas mal de nos structures qui ont travaillé sur cet enjeu. Je pense par exemple à notre équipe syndicale chez Eram qui a travaillé sur un plan de déplacement avec la direction de l’entreprise et qui a obtenu la création d’une commission environnement.

En Nouvelle-Aquitaine on a travaillé avec le conseil régional sur une écoconditionnalité des aides publiques.

Tout récemment les collègues des entreprises de la branche du médicament ont signé avec le patronat un accord de branche s’appuyant sur l’accord interprofessionnel sur le dialogue social et la transition écologique. Ils vont maintenant travailler à le décliner dans les entreprises. La fédération Conseil culture communication a construit un réseau d’adhérents appelés « sentinelles vertes » dans les entreprises…

C’est plus compliqué dans les activités industrielles, non ?

Justement parce que c’est complexe, il faut prendre le problème à bras-le-corps, avec un caractère d’urgence puisqu’on doit faire en dix ans ce qui devait en prendre trente. On ne doit pas être tétanisés par cette urgence.

Il y a quelques jours, j’ai échangé toute une matinée avec une centaine de militants de raffineries de TotalEnergies et de sa filiale Argedis. Ils sont tout à fait conscients de la nécessité de décarboner et de la nécessité d’anticiper pour s’y préparer. Mais ils veulent y être associés.

La CGT vient de perdre la première place chez EDF. Ce n’est pas la CFDT qui en a tiré bénéfice, mais la CFE-CGC. A l’image de ce qui s’est passé au niveau national où certes vous avez conforté votre première place, mais du fait de la poursuite de la baisse cégétiste et pas de votre développement. Cela vous inquiète-t-il ?

Cela ne m’inquiète pas car il y a une forte cohésion interne de la maison CFDT. Cette première place est la reconnaissance de notre marque de fabrique : la place faite à la négociation, le choix assumé de la nuance, plutôt que le bruit et la fureur qu’on peut entendre autour de nous.

Monoprix, Nespresso, Dassault, Chantiers de l’Atlantique… je pourrais vous citer de très nombreuses entreprises où on cartonne. On a cependant un manque clair de visibilité chez les cadres alors que nous y devançons de 6 points la CFE-CGC sur lequel il faut que l’on travaille.

Mais depuis le début de l’année, on a gagné 75.000 nouveaux adhérents dont 20 % ont moins de 35 ans et 70 % travaillent dans le privé. Et une fois déduits les départs, le solde devrait être clairement positif.

Tripler la production d’électricité nucléaire pour une vraie neutralité carbone

Tripler la production d’électricité nucléaire pour une vraie neutralité carbone


Il est clair que cette affirmation du directeur général de la NEA risque de choquer les écolos surtout ceux contre le nucléaire et pour les énergies alternatives certes utiles mais quand même un peu anecdotiques et surtout intermittentes. Leur grande faiblesse au moment où il faut surtout assurer les pointes sans parler du fait que les équipements viennent surtout de Chine. ( Comme les voitures électriques !)

Pour parvenir réellement à la neutralité carbone en 2050, William Magwood IV, directeur général de l’agence de l’énergie nucléaire (NEA), il faut tripler la production d’électricité nucléaire», ajoute le patron de la NEA. «Le nucléaire est une énergie décarbonée et abondante, renchérit le commissaire européen aux affaires intérieures Thierry Breton. L’objectif est de disposer de 150 GW de capacités nucléaires installées en Europe d’ici 2050».

Le problème c’est que certains comme en Allemagne on fait une croix sur le nucléaire quitte à remettre en route des centrales au gaz et au charbon ! Quant à la France elle a fermé Fessenheim qui pouvait encore fonctionner pendant 20 ou 30 ans. Et parlant 30 ou 40 ans la filière nucléaire a été complètement négligée.

Loi de partage de la valeur au sein de l’entreprise :une vraie avancée à améliorer

Loi de partage de la valeur au sein de l’entreprise : une vraie avancée à améliorer

Le 29 juin 2023, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture, avec modifications, le projet de loi relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise. Ce dernier prévoit, entre autres mesures, d’étendre des dispositifs tels que l’intéressement, la participation ou les primes de partage de la valeur (PPV ou « prime Macron ») à toutes les entreprises de plus de 11 employés. Ce projet de loi transpose l’accord national interprofessionnel (ANI) sur le partage de la valeur en entreprise, conclu en février 2023 entre les syndicats et le patronat. En bref, cet accord vise à mieux associer les salariés aux performances des entreprises, notamment dans les TPE/PME. Dans quelle mesure ce projet de loi relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise est-il une proposition prometteuse ? Est-ce une réelle avancée pour transformer la façon dont les entreprises fonctionnent et distribuent leurs bénéfices ? Comment prévoit-il de faire en sorte que les collaborateurs bénéficient directement des performances financières de l’entreprise ? Quelles sont les limites de ce projet de loi ? Quelles sont les autres pistes à explorer pour créer un modèle de gouvernance équitable et responsable ?

Xavier Roussillon, cofondateur et PDG de la startup FUTURZ se réjouit de la loi de partage de la valeur mais souhaite qu’elle soit améliorée. (Dans la Tribune)

Oui, ce projet de loi est une bonne nouvelle

Pour commencer, notons que cet accord est à l’initiative des syndicats de dirigeants et des syndicats de salariés. Tout le monde semble donc s’accorder autour des bienfaits de ce texte et y voir un intérêt. Et un tel alignement, c’est forcément une bonne nouvelle !

Intéressons-nous ensuite aux fondements de ce projet de loi. Ils reposent sur une vision qui va au-delà de la simple maximisation des profits pour les actionnaires. Ils cherchent à reconnaître le rôle crucial des travailleurs et des autres parties prenantes dans la création de valeur patrimoniale au sein de l’entreprise. L’objectif est de garantir que cette valeur soit distribuée de manière plus équitable, offrant ainsi une meilleure rémunération aux employés, renforçant l’engagement global envers la croissance et le succès de l’entreprise. En renforçant le lien entre la performance de l’entreprise et le bien-être de ses employés, le projet de loi améliore la productivité, stimule l’innovation et crée une plus grande cohésion sociale au sein des entreprises. Autant de promesses dont nous ne pouvons que nous réjouir !

Sans parler du timing, qui est plus que favorable. Avec l’influence marquante du Big Quiet, les préoccupations liées à la marque employeur se sont intensifiées. Les entreprises recherchent des leviers à activer pour recruter et surtout retenir les collaborateurs. En accroissant la valeur du capital humain, le projet de loi adresse directement les défis actuels auxquels les dirigeants font face en termes de recrutement et de fidélisation de leur force de travail.

Bon pour la théorie et les belles valeurs… Mais concrètement, comment cet accord entend-il dynamiser le partage de la valeur en entreprise ? Dans les faits, comment les choses vont-elles se mettre en place ?

Les pierres angulaires du projet de loi

Ce projet de loi compte 15 articles répartis en quatre axes :

Renforcer le dialogue social sur les classifications des emplois ;
Faciliter la généralisation des dispositifs de partage de la valeur ;
Simplifier la mise en place de dispositifs de partage ;
Développer l’actionnariat salarié.
Zoom sur le nouveau « plan de partage de la valorisation de l’entreprise »

Ce dispositif facultatif sera mis en place par accord et devra bénéficier à tous les salariés ayant au moins un an d’ancienneté. En cas de hausse de la valeur de l’entreprise lors des trois années de durée du plan, les salariés pourront bénéficier d’une « prime de partage de la valorisation de l’entreprise ». Cette prime pourra être placée sur un plan d’épargne salariale. Autrement dit, les salariés auront la possibilité d’affecter la prime de partage de la valeur (PPV) sur un plan d’épargne salariale ou un plan d’épargne retraite, avec abondement éventuel de l’employeur au même titre que l’intéressement, la participation ou les versements volontaires.

Les limites du projet de loi relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise

Oui mais voilà. Bien sûr les fondements et les valeurs qui sous tendent ce projet sont louables. Mais en pratique, lorsqu’on creuse, les choses sont plus complexes qu’elles n’y paraissent. Ce projet de loi est encore trop limité car les solutions qu’il propose ne concernent que trop peu d’entreprises et de collaborateurs.

Pour commencer, intéressons-nous au nouveau plan de partage de la valorisation de l’entreprise. Il prévoit une prime de partage de la valeur (PPV) pour les salariés en cas de hausse de la valeur de l’entreprise lors des trois années de durée du plan. Mais qui va payer et verser ces primes aux salariés ? Et bien oui, ce sont les entreprises. Ces dépenses vont donc irrémédiablement peser sur leur trésorerie. Il faut d’ailleurs faire le distingo entre valeur d’entreprise et bénéfices ; une entreprise peut prendre de la valeur sans augmenter ses bénéfices. C’est donc bien une charge additionnelle qui peut empêcher le dirigeant de mener à bien d’autres projets. Les bénéfices d’une entreprise devraient être redistribués aux actionnaires pour qu’ils les investissent dans des projets de croissance seulement et seulement si l’entreprise n’a plus de projets industriels à finaliser.

Deuxièmement, inciter les salariés à placer leur PPV sur un plan d’épargne salariale en entreprise (PEE) et penser que cela va les motiver à s’impliquer davantage dans la réussite de LEUR propre entreprise est un leurre. Pour la simple et bonne raison, qu’il est rare qu’un PEE flêche vers la performance de sa propre entreprise. Pourquoi ? Car cela coûte trop cher à maintenir. Une société de gestion prend classiquement 1% de frais sur l’encours et n’est pas intéressée à moins de 40 000 euros par an pour la gestion du fonds d’épargne salariale. Il faut donc 4 millions d’euros d’encours sur le fonds fléché sur une entreprise pour pouvoir le proposer dans un PEE. Vous en connaissez beaucoup vous des entreprises qui font cet investissement ? Nous non plus. Pratiquement aucune PME et moins de la moitié des ETI françaises mettent ce type d’investissement en place ; ce qui est bien dommage. En d’autres termes, 40% des salariés français ne peuvent pas investir dans leur propre société et être véritablement acteurs de la croissance de leur patrimoine placé sur dans leur PEE. Et si les salariés des PME ne peuvent pas investir dans leur entreprise (comme le font ceux des grands groupes qui ont des PEE fléchés sur leur entreprise), ils ne vont pas percevoir les fruits de leur travail. En d’autres termes, le dispositif de partage de la valeur ne tient pas ses promesses et prive un grand nombre d’entrepreneurs de la substance même de ce bel outil de motivation et de rétention.

Quelle option reste-il alors aux entreprises qui ne peuvent pas faire de PEE fléché sur leur entreprise ? Réponse : le quatrième axe du projet de loi, à savoir l’actionnariat salarié avec l’attribution gratuite d’actions (AGA) pour les entreprises éligibles. Mais ce dispositif pose problème pour d’autres raisons. L’actionnariat salarié implique en effet que le partage de la valeur soit associé à un partage de la gouvernance de l’entreprise (souvent avec des droits de vote) et un droit d’accès à des informations confidentielles, car les salariés deviennent actionnaires. Certes, la mise en place d’un plan d’actionnariat salarié n’impacte pas négativement la trésorerie de l’entreprise mais le partage de la gouvernance avec les salariés n’est pas nécessairement souhaité par les dirigeants. Ceci est d’autant plus vrai au sein des PME / ETI non cotées où chaque actionnaire joue un rôle bien précis.

Il serait donc souhaitable de pouvoir dissocier la gouvernance du partage de valeur comme le fait le projet de loi en adressant la partie gouvernance dans les paragraphes décrivant les dispositions de gouvernance participative.

Dernier point et pas des moindre, le temps de l’entreprise ne coïncide pas toujours avec le temps des collaborateurs. Les plans d’actionnariat salarié se dénouent souvent lors de la vente de l’entreprise. C’est à ce moment que les salariés encaissent leurs investissements, comme on l’a récemment vu avec La Redoute. Évidemment, ces belles histoires rassurent et tout salarié se réjouit à l’idée de toucher 100 000€ lors d’une vente. Malheureusement, la réalité est autre et les collaborateurs ont plus souvent besoin de coups de pouce réguliers pour être soutenu lors des étapes clés de leur vie (achat d’un appartement, financement des études des enfants, etc.). Or, l’actionnariat salarié tel qu’il est proposé aujourd’hui ne répond à ces enjeux. En effet, le placement en action de son entreprise est illiquide notamment du fait de la gouvernance attachée à cette détention d’actions.

Actionnariat salarié : heureusement d’autres solutions existent

Face à ces limites, il est rassurant de savoir qu’il existe des dispositifs d’actionnariat salariés alternatifs qui permettent de partager la valeur sans partager la gouvernance et qu’ils sont peu coûteux, à l’instar des Futurz. Il est également essentiel de lutter contre les idées reçues : non il n’est pas nécessaire de générer des bénéfices pour partager la valeur patrimoniale de son entreprise. Certains dirigeants le font déjà avec beaucoup de succès. La loi doit faire une place de choix à ces plans d’incentive hybrides, plus modernes et plus souples.

Proposer ces nouveaux dispositifs, c’est également faire davantage confiance aux dirigeants français. Ces derniers sont tout à fait capables de faire les meilleurs choix pour leur entreprise et pour leurs salariés car ils ont bien conscience que leurs destins sont liés. Afin de permettre le meilleur arbitrage possible, ils doivent pouvoir choisir parmi plusieurs dispositifs d’intéressement à la prise de valeur de l’entreprise et ne pas se limiter à deux options (PEE ou AGA). Or, le projet de loi ne met en lumière que certaines solutions qui ont chacune leurs avantages mais aussi leurs contraintes. D’autres options existent.

Enfin, arrêtons de prendre les Français pour des assistés où le tout gratuit prime. Pour rendre performant un salarié, il ne faut pas lui donner des actions ou tout autre dispositif de partage de la valeur mais lui permettre d’en acheter. Toute la nuance est là. C’est à ce prix que le collaborateur intensifie ses efforts dans le but de faire fructifier son investissement alignant ainsi ses intérêts à ceux de l’entreprise. C’est d’ailleurs ce que font systématiquement les fonds d’investissement du Private Equity : les collaborateurs clés doivent acheter des actions puis ils travaillent efficacement pour faire fructifier leur investissement par la réussite du projet de l’entreprise.

En conclusion, peut-être serait-il pertinent d’inclure dans le texte de loi une proposition permettant aux salariés de PME d’investir dans des produits structurés pointant vers la performance de leur propre entreprise, sans pour autant devenir actionnaire et entrer dans sa gouvernance. C’est ainsi que le collaborateur prendra ses responsabilités et travaillera pour faire croître son investissement. De plus, il bénéficiera d’un investissement beaucoup plus liquide dont il pourra disposer selon ses besoins personnels sans lien direct avec le calendrier de l’entreprise.

En conclusion, le projet de loi relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise représente une avancée vers un modèle économique plus équitable, responsable, inclusif et durable. La volonté de rééquilibrage des rapports entre les différentes parties prenantes et la reconnaissance de la contribution essentielle des travailleurs à la création de valeur patrimoniale de l’entreprise est essentielle à l’émergence de nos PME comme des champions de l’économie. Ce projet de loi a le mérite d’ouvrir la voie à des discussions intéressantes. Encore faut-il prendre le temps d’explorer toutes les voies possibles en matière d’incentive collaborateurs pour ne qu’il ne soit pas, au contraire de son objet premier, un nouveau fil à la patte des entreprises.

Réforme des Retraites et Conseil constitutionnel : quelle vraie indépendance ?

Réforme des Retraites et Conseil constitutionnel : quelle vraie indépendance ?


Dix enseignants en droit public de l’université Paris-Nanterre pose la question de l’indépendance du Conseil constitutionnel et détaillent, dans une tribune au « Monde », les raisons qui permettraient selon eux de déclarer la loi sur la réforme des retraites contraire à la Constitution.
( Le Monde)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 21 mars de la loi réformant le système de retraites et la question, inévitablement, se pose : osera-t-il censurer ce texte ? Il est à vrai dire bien difficile d’anticiper les décisions de cette singulière institution ; ce qui est certain, c’est qu’elle aurait toutes les raisons de déclarer cette loi contraire à la Constitution.

Le principal argument en ce sens réside dans le choix opéré par le gouvernement de présenter cette réforme sous la forme d’une loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS). Le problème juridique relève de ce que l’on appelle un problème de « qualification juridique » : le gouvernement pouvait-il utiliser la catégorie des LFSS pour y glisser sa réforme ?

On pourrait, intuitivement, estimer qu’il n’y a rien de choquant à ce qu’une réforme sur les retraites soit considérée comme telle (même si l’on peut douter que les constituants qui ont introduit ladite catégorie en 1996 l’aient jamais envisagé) : après tout, il s’agit bien d’un texte qui concerne le « budget social de la nation ». Le problème, c’est que ces LFSS sont normalement discutées et votées entre les mois d’octobre et de décembre, précisément parce qu’elles concernent l’exercice financier à venir. C’est d’ailleurs pourquoi l’article 47.1 de la Constitution prévoit des délais extrêmement serrés pour leur discussion parlementaire : au nom du principe de l’annualité, l’objectif est de voter ces textes avant le début de l’année civile concernée.

Qu’à cela ne tienne, le gouvernement a néanmoins choisi d’utiliser cette voie pour faire adopter sa réforme des retraites, alors que ce projet a été déposé… fin janvier ! Par quel stratagème ? Tout simplement en qualifiant son texte de loi de financement « rectificative » de la Sécurité sociale (LFRSS). On les appelle « rectificatives », car elles sont normalement destinées à corriger les LFSS, notamment lorsque des événements imprévus nécessitent une intervention du législateur en cours d’exercice financier. Ce n’est évidemment pas le cas de la réforme des retraites proposée par le gouvernement : comme il n’a cessé de le répéter, il s’agit d’une réforme d’ordre structurel qui vise un équilibre du système sur une longue durée.

Les raisons pour lesquelles le gouvernement a choisi cette qualification juridique contestable sont cependant limpides : les LFRSS sont considérées comme des LFSS et peuvent dès lors obéir à la même procédure d’adoption (prévue à l’article 47.1 de la Constitution), extrêmement favorable au gouvernement. Qu’on en juge : le débat s’engage sur le texte tel que présenté par le gouvernement (et non tel que modifié par la commission compétente) ; au bout de vingt jours de débats à l’Assemblée nationale, le gouvernement peut dessaisir cette dernière et transmettre le texte tel quel au Sénat (ce qu’il a fait le 17 février) ; ce dernier doit se prononcer en seulement quinze jours ; et si le Parlement ne se prononce pas dans un délai global de cinquante jours, le gouvernement peut adopter le texte par ordonnances. Il aurait donc pu laisser le délai de cinquante jours s’épuiser et dessaisir complètement le Parlement en procédant par voie d’ordonnances !

Retraites et Conseil constitutionnel : quelle vraie indépendance ?

Retraites et Conseil constitutionnel : quelle vraie indépendance ?


Dix enseignants en droit public de l’université Paris-Nanterre pose la question de l’indépendance du Conseil constitutionnel et détaillent, dans une tribune au « Monde », les raisons qui permettraient selon eux de déclarer la loi sur la réforme des retraites contraire à la Constitution.
( Le Monde)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 21 mars de la loi réformant le système de retraites et la question, inévitablement, se pose : osera-t-il censurer ce texte ? Il est à vrai dire bien difficile d’anticiper les décisions de cette singulière institution ; ce qui est certain, c’est qu’elle aurait toutes les raisons de déclarer cette loi contraire à la Constitution.

Le principal argument en ce sens réside dans le choix opéré par le gouvernement de présenter cette réforme sous la forme d’une loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS). Le problème juridique relève de ce que l’on appelle un problème de « qualification juridique » : le gouvernement pouvait-il utiliser la catégorie des LFSS pour y glisser sa réforme ?

On pourrait, intuitivement, estimer qu’il n’y a rien de choquant à ce qu’une réforme sur les retraites soit considérée comme telle (même si l’on peut douter que les constituants qui ont introduit ladite catégorie en 1996 l’aient jamais envisagé) : après tout, il s’agit bien d’un texte qui concerne le « budget social de la nation ». Le problème, c’est que ces LFSS sont normalement discutées et votées entre les mois d’octobre et de décembre, précisément parce qu’elles concernent l’exercice financier à venir. C’est d’ailleurs pourquoi l’article 47.1 de la Constitution prévoit des délais extrêmement serrés pour leur discussion parlementaire : au nom du principe de l’annualité, l’objectif est de voter ces textes avant le début de l’année civile concernée.

Qu’à cela ne tienne, le gouvernement a néanmoins choisi d’utiliser cette voie pour faire adopter sa réforme des retraites, alors que ce projet a été déposé… fin janvier ! Par quel stratagème ? Tout simplement en qualifiant son texte de loi de financement « rectificative » de la Sécurité sociale (LFRSS). On les appelle « rectificatives », car elles sont normalement destinées à corriger les LFSS, notamment lorsque des événements imprévus nécessitent une intervention du législateur en cours d’exercice financier. Ce n’est évidemment pas le cas de la réforme des retraites proposée par le gouvernement : comme il n’a cessé de le répéter, il s’agit d’une réforme d’ordre structurel qui vise un équilibre du système sur une longue durée.

Les raisons pour lesquelles le gouvernement a choisi cette qualification juridique contestable sont cependant limpides : les LFRSS sont considérées comme des LFSS et peuvent dès lors obéir à la même procédure d’adoption (prévue à l’article 47.1 de la Constitution), extrêmement favorable au gouvernement. Qu’on en juge : le débat s’engage sur le texte tel que présenté par le gouvernement (et non tel que modifié par la commission compétente) ; au bout de vingt jours de débats à l’Assemblée nationale, le gouvernement peut dessaisir cette dernière et transmettre le texte tel quel au Sénat (ce qu’il a fait le 17 février) ; ce dernier doit se prononcer en seulement quinze jours ; et si le Parlement ne se prononce pas dans un délai global de cinquante jours, le gouvernement peut adopter le texte par ordonnances. Il aurait donc pu laisser le délai de cinquante jours s’épuiser et dessaisir complètement le Parlement en procédant par voie d’ordonnances !

Automobile et environnement : prendre le temps d’une vraie transition écologique

Automobile et environnement : prendre le temps d’une vraie transition écologique

Pour Claude Cham, Président de la FIEV (Fédération des Industries des Équipements pour Véhicules), il faut prendre garde à la tentation d’une réglementation qui ne prend pas en compte le temps long des investissements de la transition écologique dans le secteur .( La Tribune)

L’amour de la planète et la sauvegarde de l’humanité désignent des enjeux essentiels, et forts des nouveaux savoirs, nous permettent d’en attendre la garantie de nos libertés acquises à grande peine. Une transition énergétique effective, bras armé d’une écologie positive, doit rendre compatibles les impératifs du défi durable et la protection de nos libertés actuelles, tout en garantissant les futures à un coût justifié et supportable.

Une de celles-ci : la liberté individuelle de déplacement incarnée par l’incroyable et non anticipé succès de l’automobile. La bannir purement et simplement du paysage ne nous parait plus conforme à l’état d’avancement des savoirs. Les « nouvelles mobilités », cette nouvelle doxa ignore tout des progrès technologiques de notre industrie tricolore, largement engagée dans une écologie scientifique, responsable et consciente des enjeux de la transition énergétique.

Pourquoi alors interdire, contraindre, taxer, stigmatiser et sanctionner sans discernement, et promettre aujourd’hui ce qui ne sera pas tenu demain ? Et comment ne pas craindre que cette confusion ne déchire encore les Français entre « la fin du monde et la fin du mois » ? Ce qui est en jeu, c’est le rayonnement industriel de la France et in fine, sa souveraineté. L’interdiction des moteurs thermiques, les débats sur le nucléaire, les ZFE ou sur les avions-privés pourraient conduire à une France sans usine… Là où le savoir peut construire une France industrielle en phase avec une écologie scientifique favorable à la croissance.

C’est l’exemple de cette industrie automobile qui ces dernières années a tant souffert – mais néanmoins résiliente – mais a toujours su toujours rester à la pointe de l’innovation en tant que première industrie française en termes de dépôts de brevet. Alors que les véhicules en circulation augmentaient de +26% en 20 ans, l’industrie, sur la même période réduisait de -55% les émissions de NOX et de -40% celles de CO2, sans parler de toutes les autres innovations en termes de confort et de sécurité. Progrès qui sont le résultat du savoir de 4000 entreprises employant 400 000 personnes au service d’une mobilité toujours plus durable, de moins en moins polluante et de plus en plus sûre.

Cette industrie, engagée avec détermination pour une neutralité carbone en 2050, est parfois en avance sur les réglementations. Son savoir et sa raison plaident de plus en plus pour une pluralité des solutions, mesurant sur la totalité du cycle de vie (du gravier à la tombe) l’ensemble des émissions de GES et non plus les seules émissions du véhicule, seule méthode garantissant une concurrence saine et sans candeur.

Alors, pensant à ma famille, à mon pays que j’aime passionnément, je rêve d’une France où le savoir au pouvoir sauverait une industrie automobile française performante, rayonnante et respectée, porte-drapeau d’une transition énergétique maîtrisée, efficace et durable.

Automobile : prendre le temps d’une vraie transition écologique

Automobile : prendre le temps d’une vraie transition écologique

Pour Claude Cham, Président de la FIEV (Fédération des Industries des Équipements pour Véhicules), il faut prendre garde à la tentation d’une réglementation qui ne prend pas en compte le temps long des investissements de la transition écologique dans le secteur .( La Tribune)

L’amour de la planète et la sauvegarde de l’humanité désignent des enjeux essentiels, et forts des nouveaux savoirs, nous permettent d’en attendre la garantie de nos libertés acquises à grande peine. Une transition énergétique effective, bras armé d’une écologie positive, doit rendre compatibles les impératifs du défi durable et la protection de nos libertés actuelles, tout en garantissant les futures à un coût justifié et supportable.

Une de celles-ci : la liberté individuelle de déplacement incarnée par l’incroyable et non anticipé succès de l’automobile. La bannir purement et simplement du paysage ne nous parait plus conforme à l’état d’avancement des savoirs. Les « nouvelles mobilités », cette nouvelle doxa ignore tout des progrès technologiques de notre industrie tricolore, largement engagée dans une écologie scientifique, responsable et consciente des enjeux de la transition énergétique.

Pourquoi alors interdire, contraindre, taxer, stigmatiser et sanctionner sans discernement, et promettre aujourd’hui ce qui ne sera pas tenu demain ? Et comment ne pas craindre que cette confusion ne déchire encore les Français entre « la fin du monde et la fin du mois » ? Ce qui est en jeu, c’est le rayonnement industriel de la France et in fine, sa souveraineté. L’interdiction des moteurs thermiques, les débats sur le nucléaire, les ZFE ou sur les avions-privés pourraient conduire à une France sans usine… Là où le savoir peut construire une France industrielle en phase avec une écologie scientifique favorable à la croissance.

C’est l’exemple de cette industrie automobile qui ces dernières années a tant souffert – mais néanmoins résiliente – mais a toujours su toujours rester à la pointe de l’innovation en tant que première industrie française en termes de dépôts de brevet. Alors que les véhicules en circulation augmentaient de +26% en 20 ans, l’industrie, sur la même période réduisait de -55% les émissions de NOX et de -40% celles de CO2, sans parler de toutes les autres innovations en termes de confort et de sécurité. Progrès qui sont le résultat du savoir de 4000 entreprises employant 400 000 personnes au service d’une mobilité toujours plus durable, de moins en moins polluante et de plus en plus sûre.

Cette industrie, engagée avec détermination pour une neutralité carbone en 2050, est parfois en avance sur les réglementations. Son savoir et sa raison plaident de plus en plus pour une pluralité des solutions, mesurant sur la totalité du cycle de vie (du gravier à la tombe) l’ensemble des émissions de GES et non plus les seules émissions du véhicule, seule méthode garantissant une concurrence saine et sans candeur.

Alors, pensant à ma famille, à mon pays que j’aime passionnément, je rêve d’une France où le savoir au pouvoir sauverait une industrie automobile française performante, rayonnante et respectée, porte-drapeau d’une transition énergétique maîtrisée, efficace et durable.

Pour une vraie approche ESG de la responsabilité des entreprises

« Il s’agit de savoir si l’entreprise veut contribuer à la stabilisation du monde et éviter ses dérives chaotiques, ou si elle veut continuer à s’abriter derrière les défaillances du marché »

 

Pour une vraie approche ESG de la responsabilité des entreprises

L’expert du développement durable Patrick d’Humières, Président de la Commission nationale de normalisation développement durable et responsabilité sociétale de l’Afnor  s’étonne, dans une tribune au « Monde », de la prise de position d’Emmanuel Faber, devenu président d’une instance américaine de normalisation, contradictoire avec ses engagements antérieurs à la tête de Danone.

Il se joue actuellement une partie importante entre Européens et Américains pour savoir comment définir les critères extra-financiers que les investisseurs du monde entier seront appelés à prendre en compte pour distinguer les entreprises « durables » des autres.

La négociation a pris une tournure préoccupante avec les prises de position récentes du président de l’instance américaine en charge du sujet – l’International Sustainability Standard Board (ISSB) – qui n’est autre que le Français Emmanuel Faber, ex-patron emblématique de Danone et de grandes entreprises françaises.

M. Faber s’est en effet déclaré en faveur d’une approche réductrice et limitée de la mesure d’impact des entreprises, celle qui est préconisée par les fonds de pension anglo-saxons.

Américains et Européens s’opposent sur le fait de savoir si la future transparence comptable doit aller jusqu’à préciser la contribution directe des entreprises, qu’elle soit positive ou négative, à leur écosystème large, ou bien s’il faut se contenter de quelques indicateurs qui indiquent comment les enjeux sociaux, environnementaux et de bonne gouvernance affectent la seule performance des firmes en l’état.

Ce débat a été baptisé, dans le jargon des experts, « le débat de la double matérialité », défendue par les Européens, mais rejetée par les Américains.

Cette controverse est très sérieuse et concerne aussi le grand public, notamment les épargnants, car elle porte en réalité sur le « rapport au monde » de l’entreprise. Il s’agit d’un débat de modèle, et non de technique comptable. Sa conclusion induira les classements et les notations qui constituent la base du fonctionnement boursier et de la capacité des Etats à conditionner leurs aides et leur fiscalité.

Si les Américains l’emportent, on s’en tiendra à quelques indicateurs d’empreinte, indispensables pour évaluer les prélèvements physiques sur l’environnement (carbone émis, eau utilisée, sols pollués, déchets traités, matières recyclées…), pour apprécier l’approche « respectueuse du capital humain », ou encore la contribution fiscale et volontaire assumée par l’entreprise.

Accusations de « greenwashing »

Cela permettrait certes de révéler ce qu’on appelle les « coûts cachés » de l’entreprise, qui ne figurent pas aujourd’hui dans leur comptabilité et survalorisent de fait la rémunération actionnariale. Ce chantier aura pour mérite d’apporter une première réponse aux accusations croissantes des autorités de régulation qui se plaignent du « greenwashing » général sur les critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) dont le système financier s’est doté de manière très empirique ces dernières années.

La vraie dimension géographique de l’Afrique

La vraie dimension géographique de l’Afrique

 

Le continent africain est bien plus vaste que ne le laissent paraître les cartes standards du monde, qui s’appuient sur une méthode de projection biaisée, explique l’économiste Rabah Arezki, ancien chef économiste et vice-président de la Banque africaine de développement,  dans une tribune au « Monde ». Les conséquences de ce prisme déformé sont innombrables, notamment dans le domaine de l’agriculture.

 

La carte du monde la plus couramment utilisée est basée sur la méthode de projection développée en 1569 par le cartographe européen Geert de Kremer, connu sous le nom de Gérard Mercator. Les longitudes y sont représentées par des lignes verticales parallèles espacées à l’identique, les latitudes par des lignes horizontales parallèles éloignées quant à elles de façon croissante à mesure que la distance avec l’équateur augmente.

Cette méthode a tendance à grossir les zones des latitudes supérieures et inférieures. De ce fait, les cartes du monde que nous avons l’habitude d’utiliser déforment considérablement la superficie de l’Afrique, en la rendant bien plus petite qu’elle n’est en réalité. Au contraire, la Russie, le Groenland et le Canada semblent énormes.

Une telle projection a des implications importantes pour l’Afrique. Sur le plan historique, les chercheurs soutiennent que la projection standard constitue un outil politique ayant contribué à la ruée vers l’Afrique – également connue sous le nom de partition de l’Afrique –, qui vit les puissances d’Europe occidentale coloniser le continent à la fin du XIXe siècle.

Si la représentation de Mercator contribuait en effet à donner l’impression d’un petit territoire facilement colonisable, cette perception déformée persiste de nos jours. Pourtant, que ce soit d’un point de vue économique, politique ou démographique – et même cartographique –, l’Afrique est incontournable.

Une des conséquences de cette méconnaissance de la taille réelle de l’Afrique est que ses terres agricoles et son sous-sol restent relativement inexplorés, même si cela a tendance à changer depuis ces dernières décennies. La « ruée vers les terres », ce regain d’intérêt pour les investissements fonciers à grande échelle, s’est opérée à partir de la flambée des prix alimentaires en 2011. Reste à savoir si ce phénomène servira les intérêts du continent.

Une vraie renaissance de la défense allemande ?

Une vraie renaissance de la défense allemande ?

 

 La guerre en Ukraine a incité l’Allemagne à augmenter nettement ses dépenses de défense. Une véritable révolution, qui devra surmonter des résistances anciennes à un renforcement de la Bundeswehr. Par Laurent Griot, Grenoble École de Management (GEM) et Mourad Chabbi, Grenoble École de Management (GEM)

L’invasion de l’Ukraine a agi comme un électrochoc dans bon nombre de pays européens : la guerre, la « vraie », est à nos portes et nous ne sommes pas prêts. Les débats portent sur nos capacités matérielles comme sur l’équilibre de nos alliances. La Suède et la Finlande ont soumis, mercredi 18 mai, leur demande d’adhésion à l’OTAN, et l’Italie annonce qu’elle rejoindra très rapidement les standards OTAN en termes de dépenses de défense. D’ici à 2028, son budget devrait représenter 2 % de son PIB, passant de 25,9 milliards à 36 milliards d’euros, bien que cet objectif suscite un débat passionné dans le pays.

Au milieu de ce concert de remises en cause stratégiques et budgétaires, il est un pays dont la réaction est encore plus surprenante que celle des autres : l’Allemagne. Surprenante d’abord par la brutalité du constat et la liberté de ton de ceux qui l’expriment : le 24 février 2022, le chef d’état-major des armées allemandes reconnaissait, face au début de la guerre en Ukraine :

« La Bundeswehr, l’armée que j’ai l’honneur de commander, se tient là, plus ou moins les mains vides. Les options que nous pouvons proposer au gouvernement pour soutenir l’alliance sont extrêmement limitées. »

C’est ensuite la réaction du gouvernement allemand qui a de quoi surprendre. Le 27 février, soit seulement trois jours plus tard, le chancelier Olaf Scholz déclarait :

« Face au tournant historique engagé par l’agression de Vladimir Poutine, notre principe est le suivant : tout ce qui est nécessaire pour garantir la paix en Europe sera mis en œuvre. L’Allemagne y apportera sa propre contribution solidaire. [...] Nous allons à partir de maintenant, d’année en année, investir plus de 2 % du PIB dans notre défense. [...] L’objectif est de disposer à terme d’une Bundeswehr performante, ultramoderne et dotée de technologies de pointe qui nous assure une protection fiable. »

L’exécutif a aussi annoncé la création d’un fonds spécial d’un montant de 100 milliards d’euros pour combler son retard, notamment en matière d’équipement des forces.

Sous-investissement chronique

Pour comprendre la situation budgétaire des forces allemandes, il ne faut pas se fier seulement aux chiffres de ces dernières années. Même si en 2021, la France et l’Allemagne ont consacré des budgets très similaires à leur défense - environ 53 milliards de dollars - ce niveau de dépense est relativement récent en Allemagne.

Si l’on observe les chiffres allemands et français depuis la chute du mur de Berlin, on constate une forte remontée des dépenses allemandes depuis 2018 seulement. La baisse a été constante de 1991 à 2005 (point bas) suivie d’une lente remontée jusqu’en 2018. Ainsi, l’Allemagne a moins investi dans son armée, avec une divergence très nette des trajectoires budgétaires à partir de 2001. De fait, le montant cumulé des dépenses de défense allemandes entre 2001 et 2021 est d’environ 902 milliards de dollars, là où la France a dépensé environ 1 036 milliards de dollars. La différence est donc significative.

Mais cet écart de financement est-il suffisant pour expliquer la situation que nous connaissons aujourd’hui ? Les capacités des forces allemandes sont très réduites, selon leur propre chef d’état-major. Les forces françaises, elles, sont classées par la Rand Corporation parmi les plus efficaces d’Europe, même si elles manquent d’« épaisseur » et donc de capacité à combattre dans la durée. Il nous semble que d’autres facteurs doivent être pris en compte.

En premier lieu, les structures de nos budgets sont différentes. La France dépense de façon constante environ 25 % (26,5 % en 2020) de ses budgets en équipement, l’OTAN demandant à ses membres que ce ratio soit au minimum de 20 %. L’Allemagne a quant à elle dépensé 16,9 % de son budget 2020 en équipement, un montant en nette augmentation depuis 2014 (environ 13 % à l’époque). À l’inverse, les « frais de fonctionnement et de maintenance » pèsent pour 26,4 % du budget français et pour 37,4 % du budget allemand, ce qui représente un quasi-record au sein des pays de l’OTAN. Il s’agit probablement du symptôme d’une autre faiblesse : les armées allemandes sont des monstres bureaucratiques.

Les forces allemandes souffrent manifestement d’une bureaucratie particulièrement lourde et inefficace. Sur ce point, un document publié début 2020 a eu un retentissement certain dans le pays. Il s’agit du rapport d’information pour 2019 destiné au Bundestag, rédigé par le commissaire allemand aux forces armées de 2015 à 2020, Hans-Peter Bartels.

Selon ce rapport, l’institution militaire allemande souffre de la multiplication des instances de décision, ce qui conduit à une dilution de la responsabilité et à un allongement déraisonnable des processus décisionnels. Bartels consacre par exemple une page entière à raconter comment ses propres services n’ont pas réussi, malgré trois années d’efforts, à obtenir la création pour eux-mêmes d’une dizaine de comptes d’accès au réseau intranet des forces allemandes.

Dans ce texte, l’état-major de la Deutsche Marine reconnaît qu’au sein de l’armée allemande, le respect des règles est plus important que la capacité à fournir des appareils en état de voler, pilotés par des équipages correctement entraînés. Cet état de fait rejaillit sur la motivation des hommes. La troupe considère que ses chefs n’en font pas assez pour améliorer l’efficacité de l’institution. Mais les cadres se sentent désarmés face à la lourdeur de l’organisation.

Parmi les faiblesses les plus criantes, le processus d’équipement des forces est particulièrement critiqué. Il est présenté comme dysfonctionnel, inutilement compliqué et trop long. La volonté de réduire les risques industriels en amont est ouvertement présentée comme une cause de risques pour les troupes, obligées d’aller au combat avec des équipements dépassés, voire en l’absence totale de certains matériels.

Hans-Peter Bartels regrette particulièrement le fait que l’« achat sur étagère » – c’est-à-dire l’achat d’équipements déjà existants n’ayant pas été spécifiquement conçus à la demande de la Bundeswehr – soit une pratique rare au sein des forces allemandes. Même des matériels très simples (comme des sacs à dos) sont soumis à des processus d’élaboration et d’évaluation dignes des systèmes d’armes les plus complexes.

C’est donc autant à des problèmes budgétaires qu’à la question de l’efficacité de ses dépenses que le ministère allemand de la Défense doit faire face. Ce qu’Eva Högl, l’actuelle commissaire parlementaire pour les forces armées, a bien compris : elle demande que le fonds de 100 milliards d’euros destiné aux forces allemandes soit exploité de façon moins bureaucratique.

Mais une telle évolution sera longue et laborieuse. D’abord parce que cette situation est connue en Allemagne depuis très longtemps sans qu’il n’y ait eu de vrai changement. Dans son rapport pour 2019, Hans-Peter Bartels relevait que déjà en 1978 le ministre de la Défense alors en poste se préoccupait de la bureaucratie excessive dont était victime son armée. Ensuite parce que cette situation est sans doute, pour partie au moins, la conséquence de l’approche pacifiste dominante en Allemagne.

Pour d’évidentes raisons historiques, les forces allemandes ont un statut particulier. Elles sont fermement soumises au Parlement allemand et tout est mis en œuvre pour qu’elles ne sortent « plus jamais du cadre démocratique ».

Fondamentalement, l’avenir de la Bundeswehr, sa capacité à surmonter ses faiblesses et à tenir sa place au sein de l’Alliance atlantique dépendra donc de la place que la société allemande entendra donner à son armée. Dans un discours qu’il adressait aux généraux des armées allemandes en 2005, Horst Köhler, alors président du pays, parlait du « désintérêt amical » des Allemands pour leurs armées :

« Après 1945, les Allemands sont devenus un peuple réellement pacifique et qui aime garder une distance prudente vis-à-vis de tout ce qui est militaire. »

Seize ans plus tard, l’opinion allemande ne semble pas avoir beaucoup changé. Chaque année, le centre d’histoire militaire et des sciences sociales de la Bundeswehr publie une étude consacrée à l’opinion allemande sur la politique de sécurité et de défense du pays. L’étude pour 2021 (donc réalisée avant le début de la guerre en Ukraine) confirme cette approche : les Allemands ont confiance en leurs armées. Mais les moyens d’action auxquels ils sont favorables sont diplomatiques (84 %), basés sur le contrôle des armements (72 %), la coopération au développement (70 %) et les sanctions économiques (61 %). Les opérations militaires menées par la Bundeswehr ou les exportations d’armements ne sont approuvées que par 33 % de la population.

Une évolution longue et difficile

La guerre en Ukraine a déjà provoqué une révolution en Allemagne. La célérité et l’ampleur de la réaction politique ont surpris beaucoup d’observateurs des affaires stratégiques européennes.

Berlin a rompu avec une forme de retenue particulière et solitaire en accélérant le déploiement de ses troupes ces derniers temps : envoi de navires en mer Baltique et en Méditerranée, installation de missiles antiaériens Patriot dans plusieurs pays d’Europe centrale, participation à un bataillon au sol en Slovaquie, envoi de chasseurs Eurofighter en Roumanie… Mais il sera long et difficile de renoncer à ce que Tom Enders, ancien PDG d’Airbus, qualifiait en septembre 2020 d’« abstinence de puissance ».

D’abord parce que, passée la stupeur initiale, le soutien de l’opinion allemande à la politique ukrainienne de son chancelier s’effrite : des intellectuels allemands soutenus par des responsables politiques de premier plan demandent que l’Allemagne cesse d’armer l’Ukraine et opte pour une politique visant à obliger Kiev à trouver un compromis avec Vladimir Poutine. Dans le même temps, des représentants syndicaux allemands ont profité de la fête du Travail, le 1er mai, pour dire leur désaccord face à la volonté de réarmement massif exprimée par le chancelier Olaf Scholz. Notamment de peur que cela se fasse au détriment de la paix sociale.

Ensuite parce que la situation stratégique du pays est la conséquence d’une culture politico-administrative faisant partie intégrante de la nation allemande post-Seconde Guerre mondiale. Une évolution de cette position, à supposer que l’opinion allemande y consente, sera très longue et ses résultats incertains.

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Par Laurent Griot, Professeur assistant en géopolitique., Grenoble École de Management (GEM) et Mourad Chabbi, Professeur de RI/Géopolitique, Enseignant chercheur, Grenoble École de Management (GEM).

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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