« Monsieur le président, sortez de votre isolement » (Carole Delga)
La présidente de la région Occitanie demande, dans une tribune au « Monde », à Emmanuel Macron d’entendre la « volonté des Français » qui s’expriment dans les mobilisations contre la réforme des retraites et qui souhaitent « être écoutés et respectés ».
»
Monsieur le président, je vous envoie cette lettre depuis cette France qui n’en peut plus, cette France éloignée du pouvoir central, à la périphérie de l’espoir, de la résignation et de la colère.
Politique, notre peuple est singulier : il veut des chefs mais n’admet pas l’arrogance du pouvoir. L’empathie et la proximité comptent autant que la vision et la conviction. J’en ai fait une méthode avérée, comme en témoignent mes rencontres récentes avec l’intersyndicale d’Occitanie. C’est une pratique bienvenue, vous me l’accorderez, de prendre le temps de l’échange et de la rencontre.
J’ai trouvé des leaders syndicaux unis, déterminés et responsables. Unis par l’ampleur du mouvement social, inédit notamment par son profond enracinement local. Déterminés, car quand on se bat pour une cause juste, on est toujours habité par un esprit de conquête. Responsables, car plus que jamais soucieux du dialogue et rejetant unanimement toute forme de violence.
Face à un tel mouvement majoritaire et populaire, face à l’inflation et aux fins de mois difficiles, je ne comprends ni votre entêtement à refuser la main qu’ils vous tendent, ni celui à porter aujourd’hui, seul, ce projet de réforme massivement rejeté. Puisque votre intelligence et votre légitimité ne sont pas en cause, il s’agirait donc simplement d’une démonstration d’un pouvoir inflexible ?
Depuis 2017, les crises se sont succédé. Loin de moi l’idée de vous en rendre l’unique responsable, ce serait simpliste et démagogique. Mais, avec le recul, votre « en même temps » s’est fracassé sur le réel, et ce furent autant d’occasions manquées d’entamer cette « révolution démocratique » dont vous étiez le chantre.
Des ronds-points des « gilets jaunes » d’hier aux cortèges d’aujourd’hui en passant par les conventions citoyennes galvaudées par votre pratique recentralisatrice, c’est pourtant le même message que vous adressent les Français : la volonté d’être écoutés et respectés, et, disons-le, aimés par leur président et leurs représentants. Une même revendication : que la justice sociale et territoriale redevienne le fil d’Ariane des politiques publiques de ce pays.
A ceux qui ne voient que la rue, inquiétante et sans visage, je vois un peuple debout qui montre une voie pour l’avenir : recréer du collectif, et donc de la confiance, refaire société, se rassembler autour des valeurs positives de notre République. Cette sagesse, cette volonté populaires doivent être prises au sérieux, monsieur le président. Car ce sont cette sagesse et cette volonté, et elles seules, qui empêcheront demain l’accession au pouvoir de l’extrême droite…..