France : des résultats scolaires qui expliquent une partie de la crise française
Les résultats solaires de la France sont particulièrement mauvais, avec une tendance à la baisse encore plus marquée.
Ils expliquent une partie des crises du pays La France se classe à la 23e place du classement, alors qu’elle est 7e puissance mondiale. Les résultats sont surtout en régression en maths pour les élèves de 15 ans. »En mathématiques, la forte baisse observée en France entre 2018 et 2022 est la plus importante observée depuis la première étude PISA » en 2000, avec une baisse de » 21 points, contre une baisse de 15 points pour la moyenne », note l’OCDE.
. Malheureusement, les nouvelles ne sont pas bonnes pour la France. Elle termine à la 23e place de ce classement et chute lourdement en mathématiques. À l’échelle mondiale, les résultats du classement démontrent une baisse significative et généralisée post-crise du covid-19.
Pour rappel cette étude à consulter dans son intégralité sur le site de l’OCDE, évalue les élèves sur plusieurs épreuves. La première est un test de compréhension de l’écrit, suivi ensuite du test de culture mathématique, de celui de culture scientifique et enfin d’un exercice de pensée créative. Cette année, 85 pays faisaient partie de l’aventure avec pas moins de 8 000 élèves tirés au sort. En France, 355 établissements étaient concernés.
La France ne fait pas figure de bonne élève. Elle se situe dans la moyenne des pays de l’OCDE, avec 474 points en mathématiques, en dessous de la moyenne, à 480 points ; 474 points en compréhension de l’écrit alors que la moyenne se situe à 482 points ; 487 points en culture scientifique points alors que la moyenne est à 491 points.
Il faut retenir du classement Pisa 2023 (appelé 2022 car l’étude rend compte des résultats de l’an dernier en réalité) ceci : les résultats globaux sont en baisse, notamment du fait de la pandémie de Covid-19. Seulement trois pays parviennent à faire mieux qu’en 2019 : Singapour, le Japon, la Corée du Sud. Tous les autres ont de plus mauvais résultats.
La description de la biodiversité repose sur une discipline appelée taxinomie – ou taxonomie – qui se charge de décrire, classer et nommer des éléments structurés de la biodiversité, appelés taxons. D’Aristote à Albert le Grand en passant par Pline l’Ancien, de nombreux travaux de taxonomie sont parvenus à la postérité par des auteurs venant d’époques, de langues et de cultures différentes. Les langues vernaculaires n’étant pas suffisantes pour communiquer sans ambiguïté à propos des différents taxons – certains organismes ayant une multitude de noms, ou aucun dans nos langues actuelles – une discipline internationale est apparue pour établir des noms dits scientifiques : la nomenclature. Elle est dite linnéenne du nom de son fondateur Carl von Linné, un naturaliste suédois du XVIIIe siècle, et est également qualifiée de binomiale (en botanique) ou binominale (en zoologie). Ces deux adjectifs renvoient au fait que les noms d’espèces s’écrivent en deux parties : le nom de genre d’abord, puis l’épithète spécifique. Écrits en italique, ils sont suivis du nom de l’auteur (entier ou sous forme d’abréviation) et souvent de la date de publication en zoologie (ex. Rana temporaria Linnaeus, 1758 pour la grenouille rousse, ou le cerisier griottier Prunus cerasus L. 1753). Depuis peu, ce système fait pourtant l’objet d’une nouvelle vague de critiques. Pour en comprendre les tenants et aboutissants, penchons-nous sur le fonctionnement de cette discipline pluricentenaire.
Par Elie Mario Saliba Taxonomiste et informaticien de la biodiversité, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) ( The Conversation)
La nomenclature biologique est régie par 5 Codes indépendants :
Chacun de ces Codes possède une commission internationale chargée de le rédiger et de trancher d’éventuels cas complexes. Un nouveau Code de botanique est prévu pour l’été 2024 et la 5e édition du Code de zoologie est en cours de rédaction.
La nomenclature dépend toujours d’une taxonomie préexistante. Cette dernière attribue des rangs aux taxons (espèce, genre, famille…) les emboîtant les uns dans les autres, et permet de construire une classification hiérarchique. Les techniques et la méthodologie de la taxonomie évoluent, et chaque changement peut influer sur la nomenclature.
Contrairement à la taxonomie, qui est une science et qui est ainsi réfutable, la nomenclature est une discipline scientifique qui suit une logique de procédure, et n’est donc pas sujette à interprétation, en dehors de celle des articles des Codes.
La nomenclature reconnaît plusieurs catégories de noms. Certains sont qualifiés de disponibles (zoologie) ou validement publiés (botanique), car ils remplissent toutes les conditions pour exister aux yeux des Codes et entrer dans le système nomenclatural.
Ces conditions, qui ont évolué avec le temps, incluent aujourd’hui, mais ne se limitent pas, au fait que le nom soit de forme latine, accompagné d’une description taxonomique, et qu’un spécimen au moins, pour les espèces, soit désigné comme type porte-nom, c’est-à-dire comme référence objective permettant d’identifier le taxon nommé.
Les noms valides (zoologie) ou corrects (botanique) sont ceux à utiliser si un conflit entre noms apparaissait. Si deux noms désignent le même taxon, ils sont dits synonymes, et le cas inverse (deux noms similaires pour deux taxons différents) donne lieu à des homonymes. Lors d’un conflit, le nom le plus ancien est considéré comme étant le nom valide/correct, c’est le principe de priorité.
Dans certaines rares occasions, on déroge à cette règle pour protéger des noms très utilisés, par l’intervention éventuelle de Commissions. Ces dernières ne jugent pas de la qualité scientifique d’un nom ou d’un travail, simplement à la bonne application des règles de nomenclature.
Une liberté importante est laissée aux auteurs lors du choix de noms, et en dehors de règles grammaticales, ces noms ne peuvent pas être modifiés.
Cela permet aux auteurs d’exprimer parfois un sens de l’humour certain : ainsi, il existe une mouche en Floride nommée Pieza rhea Evenhuis 2002, un genre de grenouilles malgaches comptant les espèces Mini ature, Mini mum et Mini scule, les trois par Scherz et al., 2019 ou encore un scarabée péruvien nommé Gelae donut Miller & Wheeler, 2004.
Les scientifiques peuvent aussi choisir de dédier des noms à des collègues réputés en créant des éponymes, tels que le Magnolia L., hommage à Pierre Magnol, un médecin et botaniste français, ou Adansonia L., le genre contenant le baobab, référence à Adanson, premier à l’avoir décrit.Certaines célébrités ont également eu droit à leurs espèces, comme Plinthina beyonceae (Lessard, 2012) et certains personnages imaginaires donnent naissance à des éponymes tels que Agathidium vaderi Miller & Wheeler, 2005, du nom de l’antagoniste de Star Wars. Mais cette liberté laissée aux auteurs a récemment fait surgir certaines controverses.
Dans le passé déjà, l’histoire de la nomenclature a été traversée par de nombreuses discussions et polémiques, et ce dès le début de la codification de la discipline. En 1905, le congrès botanique de Vienne fut témoin d’une sortie théâtrale d’un botaniste allemand, outré par l’incompétence perçue de l’assemblée. Les règles de nomenclature zoologique éditées la même année, d’à peine une vingtaine de pages contre une centaine aujourd’hui, furent considérées comme trop contraignantes dès leur publication.
Plus récemment, une nouvelle série de polémiques ont vu le jour. Il y a quatre ans, un appel a été lancé par deux néozélandais pour modifier les règles de l’ICNafp et « rétablir » les noms d’origine indigènes dans la taxonomie, plutôt que de respecter l’usage codifié de faire débuter la nomenclature en 1753 – lorsque Linné crée le système – pour la botanique et 1758 pour la zoologie, correspondant à des publications de Linné.
Un article récent sur les anacondas a fait beaucoup de bruit : il reprend cette rhétorique sur les noms indigènes pour faire valoir un nom dont la taxonomie sous-jacente semble fragile. Il y a une volonté des auteurs de renvoyer toute critique de leur taxonomie à une attaque contre les peuples indigènes et un non-respect de leur culture, ce qui est un non-sens scientifique, et justifier une position « non-orthodoxe par rapport au ICZN ». Loin de faire consensus, l’article a déjà reçu au moins deuxcritiques.
Reprendre les noms indigènes constituerait en effet un retour philosophique à la nomenclature vernaculaire, qui existait avant Linné. Une poignée d’articles énumérant les principales faiblesses de cette proposition ont vu le jour : ils rappellent, entre autres, la difficulté de déterminer la priorité lorsque plusieurs cultures côtoient les mêmes organismes. Les Codes accordent par ailleurs déjà la possibilité de baser un nom d’espèces sur des noms locaux, et cette pratique donne par exemple les noms Okapia Lancester, 1901, du mvuba, ou Aratinga Spix, 1824, nom de genre de la Conure soleil et venu d’une langue amazonienne éteinte, le vieux tupi.
Une seconde polémique, émanant de la « cancel culture », a également pris de l’ampleur, d’abord en botanique, avant d’atteindre la zoologie. Les tenants de cette polémique proposent l’abandon des éponymes, dédiés à des personnages historiques, scientifique ou non, jugé comme indignes d’être honorés ou pouvant le devenir un jour. Un exemple est E. D. Cope, zoologiste américain, qui a donné son nom à quelques dizaines d’espèces animales, et défenseur d’une idéologie raciste. Le journal Copeia a déjà été rebaptisé il y a quelque temps.
Une riposte s’est rapidement mise en place, certains arguant que la stabilité nomenclaturale ne pouvait pas se permettre de se perdre dans des sujets politico-moraux dans l’air du temps, pour un système qui se veut le plus atemporel possible. Une initiative dans ce sens par des biologistes espagnols a recueilli plus de 1500 signatures.
D’autres scientifiques font valoir que les éponymes jouent un rôle positif pour les communautés sous-représentées jusque-là. La Commission internationale de nomenclature zoologique s’est déjà prononcée contre toute tentative d’intrusion des questions politiques dans le processus scientifique. Pour la botanique, le 20e Congrès international tranchera probablement la question cet été.
De par sa nature particulière, la nomenclature est une vitrine pour la taxonomie mais porte un lourd héritage, ancré dans l’histoire humaine, dans ce qu’elle a de pire et de meilleur. Aujourd’hui, elle est menacée par la disparition de l’expertise associée due à la raréfaction des postes de taxonomistes. Cette discipline est avant tout l’un des plus vieux standards en science encore utilisés de nos jours et reste un outil efficace et précieux pour les scientifiques.
Le vivant : une référence pour transformer la société ? (Kalina Raskin)
Kalina Raskin , directrice du Ceebios (Centre d’études & d’expertises et Réseau d’acteurs industriels & académiques national pour accélérer la transition écologique & sociétale par le biomimétisme) qui compte 22 salariés, 100 sociétaires et 500 labos ou startup qui font aujourd’hui partie de l’écosystème. Explications sur les applications concrètes du biomimétisme. (Cet article est issu de T La Revue n°15 – « Sobriété, frugalité, ingéniosité : comment innover autrement ? ») dans la Tribune
Le biomimétisme consiste à à s’inspirer des propriétés essentielles (par exemple des formes, compositions, processus, interactions) d’un ou plusieurs systèmes biologiques, pour mettre au point des procédés et des organisations permettant un développement durable des sociétés.
Comment avez-vous découvert ou redécouvert l’utilité du biomimétisme ?
Kalina Raskin Tout au long de mes études, cette matière m’avait été transmise et enseignée de façon théorique. Je l’avais gardée dans un coin de mon esprit en me disant qu’un jour j’en ferais quelque chose. Puis, j’ai commencé à travailler et j’ai pris conscience de l’ampleur de l’urgence induite par le changement climatique. Je me suis alors replongée dans les livres fondateurs de cette matière comme le livre de Janine Benyus, Biomimétisme en action, qui avait fait le tour aux États-Unis, d’acteurs et de chercheurs investis dans des études sur la façon dont l’énergie ou la matière étaient gérées dans le vivant. Un déclic s’est produit, car ce livre a été très instructif dans une perspective de recherches de nouvelles trajectoires afin de mieux appréhender le réchauffement climatique.
L’idée de trouver de nouvelles trajectoires à l’aide du biomimétisme a donc été votre viatique ?
K.R. Oui. Complètement. C’est la conjonction de ma sensibilité individuelle, de l’influence de mon compagnon qui a, lui, une activité tournée vers les enjeux environnementaux et la redécouverte des possibilités du biomimétisme.
Comment définiriez-vous votre pratique du biomimétisme ?
K.R. Le biomimétisme est la façon de faire de la manière la plus rigoureuse qui soit un transfert de connaissances depuis la biologie vers d’autres systèmes actifs. Cela repose sur une observation et une compréhension scientifiques des phénomènes dans le vivant afin de pouvoir ensuite les adapter à des systèmes socio-technico économiques humains complexes. À cela s’ajoute chez Ceebios la volonté de ne pas uniquement aborder cette question via la partie technologique qui est la partie la plus facile, mais aussi sans aucun doute, la moins efficace pour transformer les choses en profondeur. Le biomimétisme tel que je l’envisage est bien plus large qu’une simple volonté d’innovation technologique inspirée du vivant, il est une approche globale et holistique du monde.
Pourquoi la technologie et le technosolutionisme ne vous paraissent pas être la bonne voie ?
K.R. La technologie ne nous sauvera pas. Il faut passer à un système plus sobre. Le biomimétisme est un cahier des charges. Le vivant peut nous aider à résoudre des problématiques. Il convient de respecter le cahier des charges du vivant.
Pourriez-vous nous donner quelques exemples concrets de biomimétisme qui correspond à ces canons que vous venez de définir ?
K.R. L’exemple de l’entreprise Pocheco me paraît très intéressant, en ce sens qu’ils ont d’abord fait du biomimétisme sans véritablement en avoir conscience pour ensuite l’élargir à l’ensemble de leurs activités. Pocheco est une entreprise qui fabrique des enveloppes. Elle a été très interpellée sur son empreinte environnementale. Afin d’être en phase avec ses valeurs, elle s’est complètement transformée. Ainsi, ils sont très attentifs à leurs fournisseurs de papier, ils ont décidé de retraiter sur leur zone de phyto les encres qu’ils utilisent dans une forme de circuit court. Cela pour améliorer leur produit. Ensuite, ils ont repensé toute l’organisation de leur site afin d’atteindre une sobriété énergétique réelle. Ils ont organisé une circularité du flux des énergies avec la récupération de chaleur des machines, évapotranspiration en toiture pour susciter une climatisation naturelle, récupération des eaux de pluie qui ensuite ruissellent et constituent une zone de tampon. Cela s’accompagne aussi de la mise en place d’une attention particulière à la biodiversité avec des parcelles du site en permaculture et une association étroite avec les agriculteurs locaux. Leur exemple pour moi est le Graal de tout ce que l’on peut espérer dans un raisonnement d’entreprise global. Cela engendre des bénéfices pour l’environnement, mais aussi pour les collaborateurs qui y voient du sens. Dans le domaine de l’architecture, il y a aussi l’École de la biodiversité à Boulogne-Billancourt qui est une très grande réussite car elle s’inscrit dans une volonté de régénération des écosystèmes et du vivant.
Comment les choses se déroulent-elles lorsqu’une entreprise sollicite le Ceebios afin de se tourner vers une approche inspirée du biomimétisme ?
K.R. Le cas de Pocheco n’est pas le cas générique. Pour ce qui est de Pocheco, la dynamique provient de nos volontés conjointes d’associer nos savoir-faire. Le Ceebios vient d’achever plusieurs thèses autour des services écosystémiques sur comment le biomimétisme et les modèles des écosystèmes naturels peuvent apporter des idées supplémentaires pour tendre vers une plus grande vertu environnementale tout en faisant de l’innovation. Plus largement, le Ceebios, devenu coopérative d’intérêt collectif, milite pour faire comprendre que le biomimétisme est une approche englobante qui nécessite la mise en musique de l’ensemble des parties prenantes, mais aussi de l’ensemble des savoir-faire. Notre rôle est à la fois un rôle de conseil, d’accompagnement, et de recherche pour trouver quels sont les écosystèmes inspirants pour les problématiques que les entreprises en question viennent présenter. La coopération crée, la compétition trie. C’est ce viatique qui nous anime.
La plupart des entreprises qui nous sollicitent arrivent d’abord pour changer une petite partie de leur activité en s’inspirant du biomimétisme. Elles sont de tous les secteurs économiques. Elles nous demandent, par exemple, de changer leur type d’adhésif, car celui qu’elles utilisent va être interdit. Nous cherchons alors dans la littérature scientifique, mais aussi dans tous les modèles du vivant ce qui est envisageable. Cela occupe 60 % de nos équipes. Le reste se fait dans la recherche. Entre conseil, accompagnement et recherche. Nous tentons ensuite d’évangéliser sur des problématiques plus larges.
Quels sont les freins que vous rencontrez au quotidien pour évangéliser vos clients au biomimétisme et à cette question de la loi d’airain du capitalisme où les injonctions sont souvent contradictoires ?
K.R. Nous sommes une société à but non lucratif. Nos sociétaires le savent. Donc ceux qui nous financent savent qu’ils n’auront pas de retour immédiat. Ils doivent d’abord investir dans les communs avant de trouver une nouvelle voie. Cela change des standards pour eux. Ensuite, plus largement, les freins que nous voyons ne sont pas propres au biomimétisme. Ils sont plutôt d’ordre organisationnel. Les entreprises sont souvent très silotées et ont parfois du mal à trouver des personnalités à même de le porter de façon transversale. Il y a aussi parfois des freins culturels. Dans certaines entreprises, le temps laissé à la démonstration de l’efficacité d’un procédé est trop court et l’approche biomimétique a besoin d’un moyen terme pour pouvoir s’installer.
Y a-t-il un frein de connaissance ?
K.R. Oui, pour certaines entreprises, mais plus nous avançons, plus ce sujet devient crucial dans l’approche économique. Elles ne font pas toujours l’effort de la recherche et financent parfois de « l’innovation frugale » en donnant toute la responsabilité à des petites start-up. Nous essayons de les faire accélérer sur ce point. Le point de frottement se situe aussi dans le fait que les grandes firmes n’ont pas assez de biologistes dans leurs compétences pour lancer des projets de recherche d’ampleur.
À vous entendre, on a l’impression que le biomimétisme est à la fois une philosophie, une utopie et une approche transgressive de la transformation économique et environnementale ?
K.R. C’est une philosophie éclairée par la science. C’est-à-dire que le vivant peut constituer un modèle de référence pour la transformation de la société. C’est une approche globale d’une meilleure intégration des activités humaines dans le vivant.
Gestion du rapport de l’économie au vivant : ralentir le rythme
L’entrepreneur Xavier Alberti considère, dans une tribune au « Monde », que les initiatives économiques qui construisent le bien commun doivent s’appuyer sur des principes d’équilibre des répartitions et de ralentissement des rythmes.
Alors que le politique se heurte à la défiance d’une part croissante de l’opinion, nos modèles économiques et sociaux ont développé de nouveaux canaux d’action publique, de plus en plus efficients. Le premier est, tout simplement, la jeunesse, dont la responsabilité précoce fait écho à des capacités d’agir qu’aucune autre n’avait eues avant elle. Ces générations nées à partir des années 2000 partagent un horizon, celui de ne plus avoir aucune garantie sur leur capacité à vivre ou survivre sur Terre au-delà de 2050. Cet horizon leur donne une force, une détermination et, parfois, une radicalité que les générations précédentes critiquent ou rejettent, probablement par peur d’endosser le leg mortifère qu’elles leur laissent.
Le deuxième canal d’action publique se situe dans un nombre croissant d’entreprises, qu’elles soient capitalistes, coopératives ou associatives. Car c’est là où subsiste la possibilité d’essayer, à hauteur d’humains, tout ce qui est possible pour faire évoluer nos modèles, en nous affranchissant de ce qui bloque ces transformations quand elles sont tentées au niveau politique. Ces transformations sont technologiques, logistiques, agronomiques, énergétiques, mais aussi organisationnelles, sociales, financières. Elles dessinent, d’ores et déjà, les contours, encore flous, d’une nouvelle économie et d’un nouveau rapport à l’humain et au vivant.
Ce qui nous semblait impossible est en train d’advenir, de façon encore désordonnée et décousue, mais sans possibilité de retour en arrière. Nombre de dirigeants d’entreprises ou d’associations constatent quotidiennement la vitesse et la profondeur des mutations en cours sur leurs marchés et dans leurs équipes, en particulier sous l’impulsion des nouvelles générations, qui imposent à nos organisations un nouveau rapport au temps, à la prise de décision et au travail. C’est ainsi qu’apparaît une nouvelle économie, une économie qui partirait de l’humain pour définir le modèle, plutôt que de partir du modèle pour y adapter l’humain.
Cette économie s’appuie sur un préalable : tout ce qui concourt à son fonctionnement doit participer directement ou indirectement à la réalisation du bien-être humain et au respect du vivant. Voilà, finalement, ce que pourrait être une définition simple d’une économie humaine.
Pourtant, si la définition est simple, les implications sont multiples et profondes. Cette économie doit s’appuyer sur deux principes : celui de l’équilibre des répartitions (des richesses, de la décision ou du temps) ; celui du ralentissement des rythmes (de rendement, de travail, de consommation et de production).
Rapport de l’économie au vivant : ralentir le rythme
L’entrepreneur Xavier Alberti considère, dans une tribune au « Monde », que les initiatives économiques qui construisent le bien commun doivent s’appuyer sur des principes d’équilibre des répartitions et de ralentissement des rythmes.
Alors que le politique se heurte à la défiance d’une part croissante de l’opinion, nos modèles économiques et sociaux ont développé de nouveaux canaux d’action publique, de plus en plus efficients. Le premier est, tout simplement, la jeunesse, dont la responsabilité précoce fait écho à des capacités d’agir qu’aucune autre n’avait eues avant elle. Ces générations nées à partir des années 2000 partagent un horizon, celui de ne plus avoir aucune garantie sur leur capacité à vivre ou survivre sur Terre au-delà de 2050. Cet horizon leur donne une force, une détermination et, parfois, une radicalité que les générations précédentes critiquent ou rejettent, probablement par peur d’endosser le leg mortifère qu’elles leur laissent.
Le deuxième canal d’action publique se situe dans un nombre croissant d’entreprises, qu’elles soient capitalistes, coopératives ou associatives. Car c’est là où subsiste la possibilité d’essayer, à hauteur d’humains, tout ce qui est possible pour faire évoluer nos modèles, en nous affranchissant de ce qui bloque ces transformations quand elles sont tentées au niveau politique. Ces transformations sont technologiques, logistiques, agronomiques, énergétiques, mais aussi organisationnelles, sociales, financières. Elles dessinent, d’ores et déjà, les contours, encore flous, d’une nouvelle économie et d’un nouveau rapport à l’humain et au vivant.
Ce qui nous semblait impossible est en train d’advenir, de façon encore désordonnée et décousue, mais sans possibilité de retour en arrière. Nombre de dirigeants d’entreprises ou d’associations constatent quotidiennement la vitesse et la profondeur des mutations en cours sur leurs marchés et dans leurs équipes, en particulier sous l’impulsion des nouvelles générations, qui imposent à nos organisations un nouveau rapport au temps, à la prise de décision et au travail. C’est ainsi qu’apparaît une nouvelle économie, une économie qui partirait de l’humain pour définir le modèle, plutôt que de partir du modèle pour y adapter l’humain.
Cette économie s’appuie sur un préalable : tout ce qui concourt à son fonctionnement doit participer directement ou indirectement à la réalisation du bien-être humain et au respect du vivant. Voilà, finalement, ce que pourrait être une définition simple d’une économie humaine.
Pourtant, si la définition est simple, les implications sont multiples et profondes. Cette économie doit s’appuyer sur deux principes : celui de l’équilibre des répartitions (des richesses, de la décision ou du temps) ; celui du ralentissement des rythmes (de rendement, de travail, de consommation et de production).
Urgence écologique :décloisonner la protection du vivant
Evoquant la complexité d’atteindre l’objectif de la protection de 30 % d’aires protégées d’ici à 2030, un collectif de géographes, d’écologues, d’anthropologues, de botanistes et de juristes estime, dans une tribune au « Monde », que l’urgence écologique oblige à concevoir d’autres voies qu’une séparation entre humains et le reste du vivant.(extrait)
Tribune.
Le Congrès mondial de la nature qui s’est tenu à Marseille du 3 au 11 septembre est le premier temps d’une période particulièrement riche en événements internationaux autour de la biodiversité. Parmi les grands objectifs discutés lors de ces rencontres figurait la protection de 30 % des espaces terrestres et marins de la planète d’ici à 2030.
Créer des réserves naturelles ou des parcs nationaux pour conserver 30 % de la planète n’est pas une mince affaire. A l’échelle du globe, cela revient à classer 153 millions de kilomètres carrés en « aires protégées », où s’appliquera une réglementation contraignante. A cette échelle, les politiques de biodiversité ne sont donc plus une question de protection de faune ou de flore dans des endroits sauvages, mais bien un enjeu d’aménagement du territoire, avec des impacts dans les aires protégées mais aussi à l’extérieur de celles-ci.
Protéger à grande échelle relève d’arguments scientifiques établis. Le plus évident est que la plupart des activités humaines perturbent ou détruisent les écosystèmes. Pour protéger des écosystèmes, il faut les soustraire aux activités les plus nocives à l’environnement que sont la coupe à blanc des forêts naturelles, l’exploitation minière, l’agriculture intensive, l’artificialisation des sols, etc.
On sait aussi que plus l’espace protégé est grand, plus la conservation est efficace : cela permet aux espèces de se déplacer et de s’adapter graduellement aux changements environnementaux, et à l’ensemble des dynamiques écologiques de fonctionner convenablement.
Une multiplication des aires protégées facilite aussi les connexions entre les sites, contribuant à maintenir une forte richesse et diversité biologique davantage que dans une aire protégée isolée. Ceci est d’autant plus important dans le contexte du réchauffement global où les aires de distribution des espèces animales comme végétales se modifient graduellement. La protection d’un milieu naturel et de ses fonctions est une réponse efficace pour lutter contre le changement climatique : stockage du carbone (dans les arbres, les sols et les récifs coralliens notamment), maintien des nappes phréatiques, zone tampon contre les inondations, la sécheresse, l’érosion des sols, etc.
Mais ces effets vertueux ne doivent pas masquer d’autres questions. La première concerne la réalité de la protection sur le terrain. Derrière les chiffres de l’augmentation du nombre d’aires protégées, se cachent souvent des « parcs de papier » qui ne sont pas réellement préservés. Celà peut être dû à un manque de moyens, mais également le résultat d’une simple volonté d’affichage. A ce titre, les « parcs de papier » ne touchent pas uniquement les pays les plus pauvres, mais peuvent concerner des Etats plus soucieux de leur image de marque que de l’efficacité de leur réglementation.
Un collectif, parmi lesquelles Nicolas Hulot, Jane Goodall et Audrey Azoulay, appelle à s’organiser pour que cesse la destruction des conditions d’habitabilité de la planète, notre « maison commune ».
Tribune.
« C’est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain n’écoute pas. » Ce constat que faisait déjà Victor Hugo en son tempsprend aujourd’hui un sens inédit.Alors que la crise due au Covid-19 menace nos vies, nous ne devons en effet pas oublier que nous sommes largement responsables de ce qui nous arrive.
Les crises de plus en plus nombreuses – le dérèglement climatique, l’effondrement de la biodiversité, la mauvaise santé des océans, l’épuisement général des ressources – nous montrent que nous ne pouvons plus continuer ainsi.
Ce mode de relation à la nature et au vivant, fondé sur la domination et l’exploitation, a déjà entraîné la destruction de 75 % des écosystèmes terrestres et de 40 % de l’environnement marin. Le rythme des extinctions est déjà de dix à cent fois plus rapide que le rythme moyen des dix derniers millions d’années ; et il s’accélère encore. Des huit millions d’espèces animales et végétales qui peupleraient notre planète, un million sont désormais menacées d’extinction. La situation est maintenant intenable.
C’est à une révolution que nous appelons : une refondation complète de notre rapport à la nature et au vivant. Ce n’est pas un luxe, mais une nécessité pour notre survie à tous, car la santé de l’humanité dépend de celle de notre environnement, comme de celle des espèces avec qui nous cohabitons sur la planète.
Il y a urgence à agir. Et agir, c’est d’abord prendre ensemble l’engagement de ne plus détruire les conditions d’habitabilité de notre maison commune. Pour nos générations actuelles, mais aussi pour les générations futures, car habiter dans de bonnes conditions sur notre planète est un droit fondamental pour l’humanité.
Il nous faut par conséquent consacrer les moyens nécessaires – et surtout avoir cette ambition – pour protéger et restaurer l’ensemble des écosystèmes, qu’ils soient naturels ou gérés. Dans le cadre des négociations de la convention sur la diversité biologique, les Etats travaillent à protéger, d’ici à 2030, 30 % de la surface du globe, surfaces terrestres comme maritimes. Nous ne partons heureusement pas de rien, puisque, avec les 252 sites du Patrimoine mondial naturel, les 714 réserves de biosphères et les 161 géoparcs mondiaux de l’Unesco, 6 % de la surface terrestre est déjà protégée.
« Il est temps que l’humanité comprenne que la Terre ne lui appartient pas : elle en dépend au contraire »
Spectacle vivant, théâtre etc. : sans spectateurs et bientôt sans artistes ?
Il y a évidemment une énorme frustration dans le milieu artistique avec l’interdiction notamment du spectacle vivant. Du coup , nombre d’initiatives sont prises pour présenter des spectacles vivants retransmis à la télévision. Bref sans la participation de ce qui fait le sel et l’intérêt du spectacle vivant.
Sans spectateurs, la prestation artistique même appliquée n’est en fait une sorte de répétition auquel il manque l’essentiel à savoir l’interaction public- scène, cette espèce de communion, de sublimation voire de catharsis .
L’enregistrement et la diffusion même en direct reste du spectacle en conserve. Certains pensent qu’il s’agit pourtant d’une forme d’expression nouvelle. Un spectacle vivant mais sans spectateurs et sans doute demain sans salle de spectacle ou de théâtre
Pourquoi pas aussi un spectacle totalement virtuel qui permettrait d’économiser en plus les coûts de gestion et le paiement des comédiens et autres artistes. Le spectacle virtuel que permet sans doute le progrès numérique mais une sorte de spectacle artificiel voir congelé.
Santé et vivant: « Evolution, écologie et pandémies «
Le biologiste Samuel Alizon déploie ses talents de pédagogue dans son livre pour mettre en lumière l’apport de l’évolution des populations, des hôtes comme des virus ou bactéries, dans la compréhension des épidémies.
Analyse du Monde (extrait)
Le Seuil a eu la bonne idée de ressortir en poche un livre paru en 2016, précieux en ces temps de pandémie. La parution s’accompagne d’un nouveau chapitre et surtout d’une postface incisive où l’auteur, Samuel Alizon, biologiste très impliqué dans l’analyse des génomes viraux et la modélisation de l’épidémie, livre ses pensées à chaud sur la crise en cours. Il y est notamment question des faiblesses françaises de la politique sanitaire, qui privilégierait le soin plutôt que la prévention, et de la politique de recherche, qualifiée d’« utilitariste ». A l’appui de ces critiques, l’auteur rappelle que le Covid-19 est arrivé alors qu’il y avait des protestations des personnels à l’hôpital et des manifestations de chercheurs opposés à une loi de programmation budgétaire.
Surtout, il déploie dans le cœur du livre ses talents de pédagogue sur le fonctionnement des parasites avec une approche très darwinienne, qui revendique la prise en compte de l’évolution des populations, des hôtes comme des virus ou bactéries. Le biologiste commence par rappeler les trois concepts-clé de l’évolution – la variabilité, l’héritabilité et la sélectivité –, pour expliquer les mécanismes des épidémies, l’apparition de résistance, l’origine des pandémies, leur modélisation… On saute de bactéries en virus, du sida à Ebola en passant par le cancer, la drépanocytose ou la myxomatose.
Faire dialoguer les biologies
Le premier chapitre justifie ce regard particulier car le spécialiste considère que la médecine actuelle est assez hémiplégique, tournée vers les mécanismes de biologie moléculaire individuels plutôt que vers l’étude des effets de l’évolution sur les populations. Ce serait la victoire de Pasteur sur Darwin. Mais pour l’auteur il est urgent de faire dialoguer ces deux biologies.
Les chapitres suivants apportent des preuves nombreuses de l’apport de l’évolution dans la compréhension des épidémies. Les surprises et les conclusions contre-intuitives n’y sont pas rares. Beaucoup de questions restent sans réponse, dont la principale, « pourquoi les parasites nous tuent-ils ? ». Ou plongent dans la perplexité : « Les mâles sont-ils les parasites des femelles ? »
Le chapitre sur les traitements, alors que la campagne de vaccination contre le Covid-19 débute lentement en France, souligne la complexité du sujet. La phagothérapie, les peptides antimicrobiens, les moustiques transgéniques ont des avantages et des inconvénients. Sur les vaccins, qui font pression sur l’environnement du virus, le biologiste prévoit que de futures souches plus virulentes émergent – le variant britannique est, lui, plus contagieux –, au risque de menacer les personnes non vaccinées.
La science est balbutiante face à la complexité du vivant
La philosophe, Isabelle Stengers , considère, dans un entretien au « Monde », que la crise sanitaire a révélé l’incapacité du pouvoir politique et des « experts » à sortir de l’idéalisme de la croissance et à penser la réalité qui nous attend.
Isabelle Stengers est professeure de philosophie des sciences, retraitée de l’Université libre de Bruxelles. Après avoir longtemps étudié la construction des discours et des concepts scientifiques et les relations entre sciences et pouvoirs (L’Invention des sciences modernes, La Découverte, 1993), elle analyse les risques que l’idéal scientifico-capitaliste fait courir au vivant (Au temps des catastrophes. Résister à la barbarie qui vient, La Découverte, 2008) et s’engage dans un combat intellectuel pour une refondation des rapports sociaux et biologiques (Réactiver le sens commun. Lecture de Whitehead en temps de débâcle, La Découverte, 208 pages, 18 euros) à partir de la pensée du mathématicien britannique Alfred North Whitehead (1861-1947).
Que nous montre le coup d’arrêt provoqué par le virus sur la fragilité du système global de croissance ?
Le premier trait de l’événement pandémique est le rapport étonnant qu’il établit entre le local et le global. Bien qu’il ait partie liée avec les désordres écologiques que provoque l’exploitation tous azimuts du vivant et de son milieu, cet événement a pour point de départ une affaire hyper-locale : un être, qui n’existe que pour cette éventualité rare, rencontre un hôte accueillant, avec lequel, grâce auquel, il pourra participer à l’aventure de la vie.
Une telle rencontre est parfaitement contingente, même si les virus ne cessent de muter, c’est-à-dire d’en augmenter la probabilité. Mais elle a ouvert à celui-ci un destin étonnant, bien différent de celui de ses cousins, qui participent de manière plus ou moins pacifique à la vie de chauve-souris ou de pangolins. Ce qui, pour le virus, est l’accomplissement de sa vocation première et dernière, a réussi à susciter ce qu’a été incapable de provoquer une menace qui, elle, est globale et prévisible : celle du désastre climatique dont les signes avant-coureurs se multiplient aujourd’hui. Certes, des catastrophes se succèdent désormais, imposant le fait qu’il y a « comme un problème », mais il semble entendu que celui-ci devra se résoudre dans le respect de l’impératif de croissance. Quoi que ce soit d’autre est inconcevable. La réussite virale a pourtant provoqué l’inconcevable.
Il y a un contraste assez sidérant entre le désordre climatique, explicable, implacable et indifférent à ses conséquences, et le virus, prince de l’opportunisme, qui n’existe que grâce aux conséquences qu’il provoque, mais sans les expliquer. Car le virus n’explique pas les effets de la rencontre, et encore moins l’« arrêt » sinon du monde, en tout cas de tout ce que ce monde fait circuler. C’est bien plutôt ce monde qui s’est bloqué à son épreuve. Panique générale, sauf en Afrique, où les épidémies, on connaît.
La science est balbutiante face à la complexité du vivant
La philosophe, Isabelle Stengers , considère, dans un entretien au « Monde », que la crise sanitaire a révélé l’incapacité du pouvoir politique et des « experts » à sortir de l’idéalisme de la croissance et à penser la réalité qui nous attend.
Isabelle Stengers est professeure de philosophie des sciences, retraitée de l’Université libre de Bruxelles. Après avoir longtemps étudié la construction des discours et des concepts scientifiques et les relations entre sciences et pouvoirs (L’Invention des sciences modernes, La Découverte, 1993), elle analyse les risques que l’idéal scientifico-capitaliste fait courir au vivant (Au temps des catastrophes. Résister à la barbarie qui vient, La Découverte, 2008) et s’engage dans un combat intellectuel pour une refondation des rapports sociaux et biologiques (Réactiver le sens commun. Lecture de Whitehead en temps de débâcle, La Découverte, 208 pages, 18 euros) à partir de la pensée du mathématicien britannique Alfred North Whitehead (1861-1947).
Que nous montre le coup d’arrêt provoqué par le virus sur la fragilité du système global de croissance ?
Le premier trait de l’événement pandémique est le rapport étonnant qu’il établit entre le local et le global. Bien qu’il ait partie liée avec les désordres écologiques que provoque l’exploitation tous azimuts du vivant et de son milieu, cet événement a pour point de départ une affaire hyper-locale : un être, qui n’existe que pour cette éventualité rare, rencontre un hôte accueillant, avec lequel, grâce auquel, il pourra participer à l’aventure de la vie.
Une telle rencontre est parfaitement contingente, même si les virus ne cessent de muter, c’est-à-dire d’en augmenter la probabilité. Mais elle a ouvert à celui-ci un destin étonnant, bien différent de celui de ses cousins, qui participent de manière plus ou moins pacifique à la vie de chauve-souris ou de pangolins. Ce qui, pour le virus, est l’accomplissement de sa vocation première et dernière, a réussi à susciter ce qu’a été incapable de provoquer une menace qui, elle, est globale et prévisible : celle du désastre climatique dont les signes avant-coureurs se multiplient aujourd’hui. Certes, des catastrophes se succèdent désormais, imposant le fait qu’il y a « comme un problème », mais il semble entendu que celui-ci devra se résoudre dans le respect de l’impératif de croissance. Quoi que ce soit d’autre est inconcevable. La réussite virale a pourtant provoqué l’inconcevable.
Il y a un contraste assez sidérant entre le désordre climatique, explicable, implacable et indifférent à ses conséquences, et le virus, prince de l’opportunisme, qui n’existe que grâce aux conséquences qu’il provoque, mais sans les expliquer. Car le virus n’explique pas les effets de la rencontre, et encore moins l’« arrêt » sinon du monde, en tout cas de tout ce que ce monde fait circuler. C’est bien plutôt ce monde qui s’est bloqué à son épreuve. Panique générale, sauf en Afrique, où les épidémies, on connaît.
Coronavirus : » repenser notre relation au monde vivant »
Du fait des bouleversements des écosystèmes l’homme est obligatoirement exposé à de nouveaux germes », explique Jean-François Guéga sur France Info. Jean-François Guéga est directeur de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique (Inrae)
L’origine du nouveau coronavirus semble être animale. Est-ce que l’action de l’homme, est-ce que notre relation au monde vivant, à la Nature, est en cause dans cette pandémie ?
La plupart des agents infectieux ou parasitaires circulant chez l’humain sont aujourd’hui d’origine animale. Depuis 50 ans, on voit une augmentation de la proportion des organismes infectieux et parasitaires humains. C’est environ aujourd’hui 75%. Et donc au fur et à mesure que nous allons exploiter les grands biomes naturels [communautés animales et végétales, classées en fonction de la végétation dominante et caractérisées par les adaptations des organismes à leur environnement spécifique] nous allons être exposés en tant que civilisation. Les premières personnes qui vont contracter ces infections, ce sont les gens qui vont exploiter les forêts, les forestiers, et aussi les chasseurs de viande de brousse. Et les éleveurs, qui vont être au contact de ce qu’on appelle les cas primaires. Le monde regorge d’agents microbiens. Et au travers de notre exploitation des écosystèmes naturels, je pense au sujet de la déforestation dans les grands biomes forestiers intertropicaux, l’homme est obligatoirement exposé à de nouveaux germes. Pas obligatoirement pathogènes (…) mais qui vont pouvoir passer sur les individus humains, et pouvoir se développer et provoquer des épidémies ou des pandémies telle que celle-ci.
Cette épidémie doit-elle nous obliger à repenser notre relation au monde vivant ?
Absolument. C’est un coup de semonce qui nous est donné.
Il y a des agents pathogènes beaucoup plus sévères, beaucoup plus violents, qui ont un taux de létalité supérieur à celui qui passe actuellement et qui produit la pandémie à Covid-19. Jean-François Guégan, directeur de recherche à l’Inrae à franceinfo
Nous devons, au sortir de cette pandémie, vraiment réfléchir à nos relations aux environnements naturels, penser à la protection, à l’organisation de grands sanctuaires, de diversité biologique, notamment dans les grands biomes intertropicaux.
Il faut aussi éviter l’exposition aux agents pathogènes ?
Oui je pense à la chasse de brousse. La chasse de brousse est toujours associée aux populations les plus pauvres du monde. Vous ne pouvez pas l’interdire mais il faut réguler cette chasse illégale de viande de brousse. Et dans le même temps fournir les moyens de subsistance et de bien-être à ces populations les plus malheureuses du monde.
.L’Association nationale pour la protection du ciel et de l’environnement nocturne (Anpcen) s’alarme de cette « pollution lumineuse Selon elle, en vingt ans, le nombre de points lumineux a bondi de près de 90% pour un total de 11 millions d’unités. Ce qui cause de nombreux troubles chez les oiseaux migrateurs, qui voyagent principalement de nuit et utilisent la lumière de la Lune et des étoiles pour s’orienter. Même problème pour les coléoptères.
Autre aspect inquiétant pour l’association: l’emploi de plus en plus fréquent de lampes à LED, plus puissantes que les ampoules classiques.
« Leur lumière est celle qui se diffuse le plus dans l’atmosphère et les longueurs d’onde bleues sont celles qui ont un impact négatif sur le plus grand nombre d’espèces animales », regrette Anne-Marie Ducroux, la présidente de l’Anpcen. Dune manière générale, recours au LED présente un danger pour le vivant. . Moins consommatrice d’électricité, cette nouvelle technologie émet une lumière bleue plus nocive pour la biodiversité que les précédentes. « Avec des effets phototoxiques confirmés par des expertises scientifiques », alerte l’APCEN sur la foi d’une récente étude de l’Agence de sécurité sanitaire (Anses) .