Comment virer Hollande ( J-F Kahn)
Compte tenu de l’amateurisme qui gouverne la réforme territoriale, l’incapacité du président à faire face à la crise, ou l’absence de vision sur l’Europe, sommes-nous aujourd’hui arrivés à un seuil tel qu’il n’est plus possible de garder François Hollande à la tête de l’Etat ? N’a-t-il plus le pouvoir suffisant pour gouverner ?
Jean-François Kahn : M’auriez-vous posé cette question au sujet de Nicolas Sarkozy ? Il est intéressant de constater que l’on peut la poser concernant Hollande, mais pas Sarkozy. J’ai été le premier à faire une Une de ce type sur Hollande, dans Marianne, « Pourquoi et comment il faut dégager Hollande (par le haut) ? » Personne ne me l’a reproché, mais si j’avais fait la moitié sur Sarkozy, les critiques auraient fusé.
C’est quelque chose d’assez étonnant.
Si nous nous trouvions dans un régime démocratique, comme ceux qui nous entourent en Europe, avec un Premier ministre élu par le Parlement, la question ne se poserait pas, puisque s’il ne suscite plus assez de confiance, il est remplacé par un autre. Notre système est unique, il est rigide et obsolète. Il faudrait donc surtout se demander s’il n’est pas temps de sortir de la Cinquième République, afin de ne pas se retrouver bloqué pendant cinq ans avec un incapable, un psychopathe ou un fou au pouvoir.
Selon vous, quel est le scénario le plus réalisable ? Comment François Hollande peut-il concrètement être mis hors-jeu ?
Jean-François Kahn : L’article vingt de la Constitution dispose que c’est le Premier ministre qui gouverne, avec une majorité au Parlement. Le président de la République est censé être un arbitre. Pour l’instant, hors un putsch ou la réforme que je souhaite, la seule solution réside dans l’application stricte de cet article. Même si Hollande refusait de promulguer certaines lois, sa capacité de blocage serait celle d’un président de cohabitation, ni plus ni moins.
Les socialiste risquent tellement d’être éradiqués que, bien que ce ne soit pas probable dans l’immédiat, cela pourrait devenir possible un jour. Mais nous n’avons pas la possibilité de souplesse des Italiens qui se sont débarrassés de Berlusconi lorsque la situation n’était plus tenable. Pour l’instant nous avons le choix entre ne rien faire et aller jusqu’au bout avec toutes les conséquences que cela peut avoir, ou faire un putsch..
Qui pourrait être à la manœuvre pour appliquer un tel scénario ?
Jean-François Kahn : En privé, les socialistes ne cessent de dire que François Hollande les mène à la catastrophe, qu’il fait le jeu du Front National, et qu’il doit prendre de la hauteur en devenant une « reine d’Angleterre ». Manuel Valls ne peut pas mener le mouvement, car cela s’apparenterait à une sorte de coup d’Etat. En revanche le groupe parlementaire peut taper du poing sur la table. Il est d’ailleurs incompréhensible qu’ils ne l’aient pas encore fait. Dans le cas de la réforme territoriale, personne n’ose se prononcer contre, sauf que Hollande le fait avec un amateurisme inouï. C’est pourquoi je dis que c’est moins sa politique que l’homme qui est mise en cause.
Un des proches de François Hollande ose le lui dire en privé, mais il est le seul. Les autres ministres, même s’ils le connaissent bien, sont tellement liés à lui qu’ils le poussent à s’accrocher au pouvoir et à tenir tête à Valls. Dans ce système absurde de la Cinquième République, tout ce que Hollande fait a pour but d’étouffer le Premier ministre.
Quelles seraient les conséquences concrètes du scénario le plus plausible ? Comment la gouvernance se fait-elle dans ces conditions ?
Jean-François Kahn : Si l’article 20 de la Constitution est strictement appliqué, dans le cas de la présidence de François Hollande on se retrouvera dans une situation classique de cohabitation. Il garderait ses fonctions de chef des armées, il représenterait le pays à l’international, mais laisserait la conduite de la politique interne au Premier ministre. Or ce n’est pas ce dernier qui a défendu la réforme territoriale, mais Hollande, sur un bout de table, en téléphonant aux présidents de régions pour tenter de ne pas trop les mécontenter. Nous aurions tout intérêt à nous mettre au diapason de nos voisins européens, or notre système n’existe nulle part, sauf dans la Russie de Poutine.
(interview Atlantico)
Comment virer Hollande ?
Comment virer Hollande ?
Comme les médias, voire les français en général, sont assez légitimistes (un légitimisme résigné!), la question est peu posée. Pourtant elle est urgente car le pays risque d’être dans une situation dramatique en 2017 si Hollande va jusqu’au bout du mandat. On dispose pourtant maintenant des coutils juridiques pour le virer. En effet le Sénat a voté mardi soir le projet de loi organique permettant la destitution du chef de l’Etat. Un lien avec le basculement de la Haute-assemblée le mois dernier à droite? Pas vraiment, surtout que l’adoption a fait la quasi-unanimité (seuls les 18 élus communistes se sont prononcés contre). Cette réforme constitutionnelle a en fait été actée en février 2007, à la fin de la présidence de Jacques Chirac. Mais son application devait se traduire par une loi organique, qui n’avait jamais été adoptée par le Parlement jusqu’à présent. Voté à l’Assemblée nationale en janvier 2012, sous le précédent quinquennat, le texte n’avait jusque-là jamais été repris par le Sénat. Avant d’être définitivement promulgué, le ministre des relations avec le Parlement, Jean-Marie Le Guen, a précisé que le projet de loi doit désormais être vérifié par le Conseil constitutionnel. Concrètement, la révision constitutionnelle de 2007 introduit l’installation de la Haute Cour, réunion des deux chambres du Parlement, qui devient la seule juridiction capable de statuer sur le statut du chef de l’Etat au cours de son mandat. Avant cela existait la Haute Cour de Justice, qui ne pouvait juger le Président qu’en cas de crime de « haute trahison ». Dorénavant, l’article 68 de la loi fondamentale stipule qu’il peut être destitué « en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat », ce qui laisse une interprétation assez large sur le sujet. Selon le site Vie publique, la destitution « peut porter sur le comportement politique mais aussi privé du président » et peut se prononcer en « dehors de toute infraction pénale » puisqu’elle constitue « une sanction politique, et non pénale, du Président ».