Archive pour le Tag 'Violences'

Violences et couvre-feu en Martinique

Violences et couvre-feu en Martinique

Suite aux violences, il a été décidé d’installer un couvre-feu à partir du mercredi 18 septembre au soir et jusqu’à nouvel ordre dans certains quartiers de Fort-de-France les plus touchés par les violences urbaines. 

 

Dans la nuit de mardi à mercredi, un McDonald’s du quartier Dillon a été incendié, laissant ses employés au chômage technique, et des barricades ont été enflammées. Dans ce même quartier, un hypermarché Carrefour a été «envahi par une cinquantaine d’individus qui ont monté une barricade sur le parking et ont tenté de l’incendier», ont indiqué à l’AFP les autorités.

Après la Nouvelle-Calédonie, c’est donc la Martinique qui s’enflamme essentiellement au départ protesté contre le coût excessif des produits qui sont la plupart du temps importés. En cause évidemment l’éloignement des Antilles dont la plus grande partie des biens de consommation sont importés et qui en outre subissent le poids d’une taxe spécifique aux départements d’outre-mer pour certains produits.

 

Violences en Grande-Bretagne après l’attaque au couteau

Violences en Grande-Bretagne après l’attaque au couteau

 

De violents affrontements ont éclaté à Southport (Royaume-Uni), mardi 30 juillet, au lendemain de l’attaque au couteau qui a coûté la vie à trois fillettes et a blessé huit autres enfants. Ces violences ont éclaté peu après une veillée en hommage aux victimes, dans le centre de la ville britannique. 

 
Mardi soir, une centaine de manifestants ont allumé des feux et affronté les forces de l’ordre, selon un journaliste de l’AFP présent sur les lieux.

L’attaque au couteau, dont les motivations restent inconnues, s’est produite lundi dans un club de danse organisant une activité pour enfants autour de la musique de Taylor Swift. Deux fillettes de 6 et 7 ans sont mortes le jour même, et une troisième, âgée de 9 ans, a succombé à ses blessures mardi. Selon le dernier bilan, huit autres enfants ont été blessés, dont cinq étaient toujours mardi dans un état critique. Deux adultes ont également été grièvement blessés, probablement en tentant de « protéger » les enfants, selon la police.

Violences : «L’instinct de mort est revenu» (Alain Bauer)

Violences  : «L’instinct de mort est revenu» (Alain Bauer)

Le criminologue Alain Bauer* analyse la recrudescence alarmante de la violence en France, évoquant l’augmentation des tentatives d’homicide et l’émergence d’une nouvelle génération de criminels. Il appelle dans le JDD à une action concertée pour restaurer la sécurité et l’ordre.

Jacques René Mesrine avait intitulé son autobiographie L’instinct de mort parue en 1977 alors qu’il est détenu depuis 1973. Il y racontait sa jeunesse bourgeoise, son service militaire en Algérie, ses premiers parcours criminels, ses meurtres, sa vie en prison. Ennemi public numéro 1, il devient paradoxalement un Robin des Bois pour une partie de l’intelligentsia française des années 70.

Sa légende est née et des générations de lecteurs puis de spectateurs de cinéma ont voulu en faire leur héros au bénéfice de quelques phrases emblématiques noyées dans une liste de vols, d’attaques à main armée, de meurtres et de tentatives d’assassinat. Sans réseaux sociaux, influenceurs ou TikTok, Mérine comme il aimait qu’on prononce son nom, est une Star dont la légende survit. Nous voici un demi-siècle plus tard.

Les grands criminels, les « Beaux voyous », les Parrains et les Juges de paix du crime organisé français ont peu à peu disparu. Depuis la mort et Jean Ge Colonna et l’élimination de Farid Berrahma, en 2006, les guerres de succession et de sécession ont touché tous les secteurs géographiques et tous les métiers criminels. Le trafic de stupéfiants s’est étendu, enraciné, développé. L’expansion des zones de chalandise sur les petites et moyennes agglomérations, la relocalisation des cultures de cannabis à forte concentration de THC, la résurrection d’une « French Connection » spécialisée dans les produits de synthèse, ont provoqué une crise criminelle qui faute d’être totalement inédite, avait été durablement maîtrisée dans les années 80.

 

 

Le SSMSI, service statistique du ministère de l’intérieur qui n’avait plus publié les chiffres des tentatives d’homicide depuis plusieurs années a brutalement confirmé début juillet 2024 dans son bilan annuel sur l’année précédente que ceux-ci avaient connu une hausse de 78 % entre 2016 et 2023. Près de neuf tentatives d’homicide enregistrées sur dix ont été commises en dehors du cadre familial et plus des trois quarts des victimes sont des hommes (77 %). À l’inverse, les femmes représentent 65 % des victimes dans le cadre familial, et même 73 % dans le cadre conjugal.

Les jeunes âgés de 15 à 29 ans sont les plus exposés aux tentatives d’homicide, les hommes cinq fois plus que les femmes dans cette tranche d’âge. Les personnes mises en cause présentent le même profil que les victimes : des hommes (90 %), âgés de 18 à 29 ans (47 %).

 

Depuis le plancher historique de 2012, homicides et tentatives, dont une grande partie est motivée par le trafic et ses conséquences en matière de concurrence, de détournement de marchandises ou de dettes impayées, connaissent une impressionnante progression et un plus haut historique en 2023. On a même dû inventer un terme pour préciser la situation, le « Narcomicide » qui rejoint le « féminicide » au rang des néologismes qui illustrent une réalité trop longtemps minimisée ou occultée par les institutions politiques.

Les grands criminels, les « Beaux voyous », les Parrains et les Juges de paix du crime organisé français ont peu à peu disparu

 

Plus saisissant encore, le nombre d’agressions, coups et blessures volontaires, embuscades, montées par des mineurs, en groupes, n’ayant plus aucune maîtrise de leur violence pulsionnelle. Vengeurs des leurs (sœurs en général), rédempteurs de comportements sexuels dont ils n’arrivent toujours pas à admettre la simple existence, agents divins autoproclamés, se réclamant de toutes les causes ayant échauffé leurs humeurs après le dernier sermon TikTok, leur passage à l’acte est puissant et accéléré, violent et pas toujours impulsif.

 

Une partie de cette génération imagine que sa violence est légitime et justifiée, qu’en tant que « victimes » de la société, la vengeance par élimination de l’adversaire, même s’il n’a rien fait d’ autre qu’exister, est « normale » et souvent, à la surprise des policiers ou magistrats, parfaitement assumée.

 

Chaque jour apporte son lot de « fait divers » qui construisent une réalité quotidienne dont la répétition pourrait faire oublier l’anormalité : sept morts dont des enfants à Nice dans l’incendie volontaire d’un appartement sur fond de trafics, un jeune homme grièvement blessé à coups de sabre à Dugny, un policier attaqué au couteau sur les champs Élysées par l’auteur présumé d’un premier homicide à Courbevoie, un militaire de sentinelle agressé à l’arme blanche par un récidiviste gare de l’Est, un jeune homme tué lors d’un affrontement entre bandes à Créteil, un autre grièvement blessé à Saint Denis, deux autres abattus à Bobigny, des guets apens homophobes qui ne se comptent plus, … tel est le bilan en plein juillet 2024, d’un pays qui devrait se réjouir d’accueillir les Jeux Olympiques.

 

Il n’est pas normal d’avoir peur de ses propres enfants. Pas plus que de se résigner à leur violence, car leurs principales victimes leur ressemblent. Un regard, une cigarette, un commentaire, et le duel revient sous forme de traquenard, sans foi ni loi, sans règles, sans honneur.

 

L’instinct de mort est revenu. Il ruine l’avenir d’enfants et d’adolescents, de familles, de toute une société qui ne peut plus se contenter des postures, des incantations, des lamentations, des imprécations.

 

Ni du spectacle de plus en plus lamentable qu’offre, après une mobilisation historique des électeurs français, l’espace politique. Il est plus que temps que les acteurs du terrain, élus locaux, éducateurs, enseignants, policiers, gendarmes et magistrats se parlent pour fournir au gouvernement une feuille de route qu’il ne semble toujours pas capable d’écrire tout seul.


*Alain Bauer est professeur de criminologie au CNAM et l’auteur de Tu ne Tueras Point, Fayard 2024

Violences en cas de victoire du RN ?

Violences en cas de victoire du RN ?

 

Invitée de France, Marine Le Pen a jugé qu’il y aurait «probablement des manifestations dans les rues», en accusant par avance «l’extrême gauche» d’en être «responsable». À l’inverse, «si pour notre plus grand malheur» ces mêmes opposants «gagnaient les législatives, il n’y aurait pas une manifestation dans les rues», a poursuivi l’ancienne chef de file des députés RN.

Marine Le Pen n’a sans doute pas tort cette fois d’annoncer l’hypothèse de réactions violentes de la part de l’extrême gauche surtout si le RN obtient la majorité absolue. L’extrême gauche rêve depuis toujours de révolution et une victoire totale du rassemblement national serait sans doute un excellent prétexte pour semer le trouble dans le pays en tout cas dans certaines grandes zones urbaines.

Dans une interview à paraître jeudi dans Valeurs actuelles, le président du RN dit «ne pas croire» à des émeutes ou des violences s’il était porté à la tête du gouvernement. «C’est l’argumentaire utilisé par nos adversaires dans une stratégie de la peur», raille l’eurodéputé. Bardella la prévoit cependant quelques manifestations, «mouvements» qui, selon lui, «resteront sporadiques et n’auront pas un grand pouvoir de nuisance».

 

Manif A 69: Des violences

Manif A 69: Des violences

 

La mobilisation de militants écologistes contre l’autoroute A-69 Castres-Toulouse, ce samedi 8 juin à Puylaurens dans le Tarn, a dégénéré en affrontements entre manifestants encagoulés et les forces de l’ordre.

 

La préfecture indique qu’aucune interpellation n’a été effectuée. Deux manifestants ont également été blessés.

Des heurts ont opposé au cours de l’après-midi les manifestants et les policiers. Trois véhicules des forces de l’ordre auraient également été pris pour cible. La préfecture affirme que 800 black bloc et éléments radicaux étaient présents parmi les 1600 participants. Les organisateurs, eux, parlent de 7000 participants au total.

Selon, Michel Vilbois, le préfet du Tarn,  la plupart des personnes présentes « sont des radicaux qui viennent pour casser ». Sur les 1600 manifestants, il estime à 400 le nombre de participants pacifiques.

 

A69 : Nouvelles violences ?

A69 : Nouvelles violences ?

Les services du renseignement territorial s’inquiètent des vives tensions qui vont accompagner ce week-end de mobilisation dans le Tarn contre le tracé de l’A69 entre Castres et Toulouse. Une mobilisation qui démarre dès ce vendredi pour s’achever dimanche.

Selon ce document, les Soulèvements de la Terre (SLT), qui ont lancé un appel à manifester samedi à 13h, auraient prévu de renouer avec des actions musclées et mettre fin à une période de relative accalmie. Après l’épisode ultra-violent de Sainte-Soline (Deux-Sèvres) contre lesmégabassines en mars 2023, le collectif avait fait profil bas, se sachant dans le collimateur du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. Ce dernier avait réclamé sa dissolution, avant d’en être empêché par le Conseil d’État.

Violences : barbarie et déficit culturel, deux facteurs explicatifs

Violences : barbarie et déficit culturel, deux facteurs explicatifs

La violence a toujours été consubstantiel à l’existence de sociétés mais au cours de l’histoire elle a évolué dans sa nature, sa forme et son intensité prenant parfois la forme de barbarie. C’est-à-dire une forme de violence qui ne respecte plus aucun principe.

Des violences qui se manifestent à l’occasion d’intérêts divergents de pays, de populations ou même à l’intérieur d’un même pays.

Ces violences diffèrent dans leur nature mais se ressemblent par leur négation totale de tout concept d’humanité. Bref, la vie ne compte pour rien.

Ce qui se confirme bien sûr dans certains conflits internationaux mais aussi à l’intérieur des frontières y compris de la France. On peut évidemment tenter d’inventorier certains facteurs explicatifs qui concernent plus spécifiquement le pays.

En France, ce qui caractérise la situation c’est la crise générale des autorités, celle de la famille assez souvent, celle des pouvoirs publics et plus généralement de la société. La médiocrité actuelle du personnel politique favorise tous les débordements puisque les repères et leur modèle de gestion explosent dans tous les sens.

La justice en particulier adapte une position hors-sol qui indique aux délinquants potentiels la disparition de ces repères.

Pour preuve de la crise de l’appareil d’État et des autorités, cette révolte des quartiers qui n’a même pas pu faire l’objet d’une analyse officielle de la part du gouvernement et en particulier du chef de l’État. Comme d’habitude, on a promis de la peinture sur les murs de la révolte.

Cette violence qui est une crise des repères et des valeurs est largement générée par un très grand affaiblissement du niveau moyen culturel. Témoin, cette enquête de l’éducation nationale qui montre que la moitié des élèves en quatrième sont tout juste capables de faire une lecture correcte. Bien entendu, il ne s’agit que d’une moyenne car cela n’est pas contradictoire avec une certaine élite étudiante.

Bref, le déclassement intellectuel et culturel de la France crée un terrain favorable aux violences et à la barbarie. Le facteur explicatifs dominant est en effet l’insuffisance de connaissances dans tous les domaines et l’adhésion à des principes sectaires, simplistes et sauvages. De ce point de vue, c’est aussi une crise de civilisation.

Violences- deux ans de prison suite à l’agression d’un brancardier

Violences-  deux ans de prison suite à l’agression d’un brancardier

Enfin la justice se réveille à  Challans (Vendée) avec  quatre ans d’emprisonnement, dont deux fermes, par le tribunal judiciaire des Sables-d’Olonne. L’auteur  a été condamné pour «violence sur personnel de santé (avec une ITT supérieure à huit jours, ndlr) et dégradation de mobilier urbain».

Le  prévenu, un jeune homme musclé encadré de plusieurs policiers, reconnaît avoir frappé un brancardier car son père et son cousin, brûlés, n’étaient pas pris en charge assez vite à ses yeux. Ce que contredit l’image de la vidéo surveillance de l’hôpital diffusée à l’audience: trois minutes après l’entrée aux urgences des deux hommes, le personnel les conduit vers une salle de prise en charge.

On y voit ensuite le prévenu- très alcoolisé– effectuer des allers-retours entre l’intérieur et l’extérieur, puis frapper d’un violent coup de poing dans la nuque et par-derrière un brancardier qui sort déjeuner. Ce dernier gît au sol, inconscient un long moment pendant que des collègues lui viennent en aide. Ensuite, le prévenu défonce la porte d’entrée en verre des urgences avant de quitter les lieux avec ses proches.

 

Violences- Couvre-feu pour les moins de 13 ans : Darmanin favorable

Violences: Couvre-feu pour les moins de 13 ans : Darmanin favorable

 

Darmanin, le ministre de l’intérieur, s’est dit «favorable» au couvre-feu pour les moins de 13 ans. «Les mineurs, ça doit être chez eux, chez leurs parents», a martelé Gérald Darmanin.

 D’après le ministre, il «n’est pas normal que des enfants, des adolescents, des mineurs soient dans la rue à minuit, une heure, deux heures du matin.» «Ils doivent être chez eux, ils doivent dormir, ils doivent aller le lendemain à l’école», a-t-il tonné.

Politique et Violences- Sursaut d’autorité d’Attal : promesse ou illusion ?

Politique et Violences- Sursaut d’autorité d’Attal  : promesse ou  illusion ?

 

Une grande partie de la classe politique a fustigé le discours de Gabriel Attal, le Premier ministre qui appelle le pays à un sursaut d’autorité concernant les violences en particulier des mineurs. Effectivement comme souvent l’analyse du Premier ministre paraît assez pertinente; par contre,  c’est dans le domaine de l’action concrète que le pouvoir affiche des défaillances. Visiblement les mesures annoncées ne sont pas à la hauteur des enjeux si l’on en juge par le fait que désormais les faits divers quotidiens traduisent un véritable problème de société. L’ultra violence en effet se banalise un peu partout et pour n’importe quel motif.

 

Le député non inscrit de l’Essonne Nicolas Dupont-Aignan a, le premier, critiqué le discours de Gabriel Attal sur son compte X: «Encore et toujours le même baratin! L’essentiel est oublié: de vraies sanctions pénales pour les mineurs délinquants. Gabriel Attal ne veut pas abaisser la majorité pénale et lance l’étude de demi-mesures sous l’égide de Dupond-Moretti, qui n’a jamais rien voulu faire. Tragi-comédie.»

Pour Bruno Retailleau, : «Sur la délinquance des mineurs, les mesures évoquées ne suffiront pas. Il faut oser une révolution pénale. Les courtes peines ne peuvent pas rester taboues.»

 

Côté Rassemblement national (RN), le député Roger Chudeau, spécialiste des questions d’éducation a déploré des «mesures cosmétiques».

Quant à la gauche elle reste jugée largement sur une approche angélique avec un mélange des problématiques qui ne clarifient pas la question urgente de la violence des jeunes.

Violences- Sursaut d’autorité d’Attal : promesse ou illusion ?

Violences- Sursaut d’autorité d’Attal  : promesse ou  illusion ?

 

Une grande partie de la classe politique a fustigé le discours de Gabriel Attal, le Premier ministre qui appelle le pays à un sursaut d’autorité concernant les violences en particulier des mineurs. Effectivement comme souvent l’analyse du Premier ministre paraît assez pertinente; par contre,  c’est dans le domaine de l’action concrète que le pouvoir affiche des défaillances. Visiblement les mesures annoncées ne sont pas à la hauteur des enjeux si l’on en juge par le fait que désormais les faits divers quotidiens traduisent un véritable problème de société. L’ultra violence en effet se banalise un peu partout et pour n’importe quel motif.

 

Le député non inscrit de l’Essonne Nicolas Dupont-Aignan a, le premier, critiqué le discours de Gabriel Attal sur son compte X: «Encore et toujours le même baratin! L’essentiel est oublié: de vraies sanctions pénales pour les mineurs délinquants. Gabriel Attal ne veut pas abaisser la majorité pénale et lance l’étude de demi-mesures sous l’égide de Dupond-Moretti, qui n’a jamais rien voulu faire. Tragi-comédie.»

Pour Bruno Retailleau, : «Sur la délinquance des mineurs, les mesures évoquées ne suffiront pas. Il faut oser une révolution pénale. Les courtes peines ne peuvent pas rester taboues.»

 

Côté Rassemblement national (RN), le député Roger Chudeau, spécialiste des questions d’éducation a déploré des «mesures cosmétiques».

Quant à la gauche elle reste jugée largement sur une approche angélique avec un mélange des problématiques qui ne clarifient pas la question urgente de la violence des jeunes.

Violences scolaires : question prioritaire

Violences scolaires : question  prioritaire

Trois agressions d’élèves très choquantes, dont l’une tout à fait tragique puisqu’elle a engendré la mort d’un collégien de 15 ans, se sont produites en ce début avril à la sortie d’établissements scolaires, suscitant une grande émotion. Vendredi 5 avril, quatre mineurs et un adulte ont été placés en garde à vue dans le cadre de l’enquête ouverte pour « assassinat et violences en réunion aux abords d’un établissement scolaire », en l’occurrence le collège des Sablons à Viry-Châtillon (Essonne). Trois jours auparavant, une collégienne de 13 ans a été rouée de coups – au point d’être momentanément dans le coma – à sa sortie d’un collège de Montpellier par deux mineurs de 14 et 15 ans et une mineure de 15 ans, élèves dans le même établissement. Mercredi 3 avril, à Tours, cinq jeunes filles âgées de 11 à 15 ans ont passé à tabac une collégienne de 14 ans en filmant la scène avec un iPhone. Le motif serait un conflit amoureux. La victime a eu le nez cassé. Ce n’est pas la première fois que des jeunes scolarisés se trouvent impliqués dans des affaires d’une telle violence. Longtemps, les agressions de ce type ont été traitées dans les médias comme de simples faits divers. En 1979, alors même pourtant qu’une enquête d’ampleur était alors menée pour la première fois dans l’Éducation nationale à propos des violences à l’école, on pouvait lire dans Le Monde les titres suivants : « Un collégien de 12 ans tue un camarade dans une bagarre à Aubervillers »« Un lycéen grenoblois de 17 ans blessé à coups de ciseaux en tentant de s’opposer à une tentative de racket ». Mais il faut attendre le début des années 1990 pour que les « violences à l’école » deviennent un thème en soi, récurrent et médiatisé.

 

par 

Enseignant-chercheur en histoire de l’éducation, professeur honoraire à Paris-Descartes, Université Paris Cité

dans the Conversation

On peut certes citer encore quelques drames qui viennent sur la place publique. Cependant, dans les années 1990, le regard et la réponse institutionnelle portés sur ces drames changent. Le 28 juin 1992, un lycéen âgé de 18 ans s’écroule dans un couloir du lycée technique de Châteauroux après une bagarre avec un autre élève de sa classe de première, inculpé de « coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». Dans la cour du lycée d’Alembert de Saint-Etienne, un lycéen de 19 ans est blessé à mort par un couteau de chasse alors qu’il tentait de défendre l’un de ses camarades pris à partie par quelques jeunes. A la sortie du lycée Amiral-Ronarc’h à Brest, un lycéen de 16 ans est tué d’un coup de feu à l’issue d’une dispute par un lycéen de 16 ans.

Le premier « plan » d’envergure contre la violence à l’école date de 1992. La circulaire du 27 mai 1992 signée par Jack Lang (alors ministre de l’Éducation nationale) et par Paul Quilès (alors ministre de l’Intérieur) met en place pour la première fois dans l’histoire de l’école française une coopération entre Éducation et Police. Des groupes de suivi départementaux sont créés « autour du préfet et de l’inspecteur d’académie avec des représentants des services de la justice, de la police et de la gendarmerie ». Ces groupes départementaux doivent trouver des relais dans des groupes locaux de sécurité (GLAS) et des groupes opérationnels d’établissement (GOP). Ils ont pour ambition – dans le cadre de leur secteur territorial – « d’assurer la sécurité dans les établissements et leurs abords par la réalisation d’un diagnostic de sécurité et d’un plan d’action concret ».

Pour François Bayrou, le successeur de Jack Lang au ministère de l’Éducation l’école doit redevenir un « sanctuaire » comme il le proclame dès le début de l’année 1996 à l’Assemblée nationale :« La violence à l’école n’est pas la violence de l’école ; elle est le reflet de la société. Pendant des décennies, on a plaidé pour une école ouverte qui ne soit plus un sanctuaire, pour que la cité pénètre à l’école. Il faut prendre une position inverse, travailler à resanctuariser l’école ».

Et le soir même de ce discours du 5 février 1996, il préconise sur TF1 l’installation de clôtures autour des établissements. Mais au printemps 1997 Jacques Chirac dissout l’Assemblée nationale, un nouveau Premier ministre, Lionel Jospin, est nommé et s’appuie sur une majorité de gauche « plurielle ». Dans sa Déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale du 20 juin 1997, la violence à l’école figure en bonne place :

« La sécurité, garante de la liberté, est un droit fondamental de la personne humaine. L’insécurité menace d’abord les plus faibles et les plus démunis d’entre nous. Nous devons tout particulièrement la sécurité à nos enfants, notamment dans les établissements scolaires. Un plan spécial contre la violence sera mis en place dès la rentrée prochaine ».

Effectivement, un nouveau plan est annoncé le 5 novembre 1997 – le troisième en trois ans. Il diffère des précédents sur deux points :

  • il concentre les efforts sur neuf zones expérimentales pour en finir, est-il dit, avec « le saupoudrage des moyens qui a montré ses limites » ;
  • il change d’échelle quantitative en passant de quelque deux mille appelés (comme dans le plan Bayrou de 1996) à plus de 25000 emplois nouveaux (pour l’essentiel des emplois-jeunes du ministère de l’Éducation), auxquels doivent s’ajouter ceux du ministère de l’Intérieur, soit plus de 8000 « adjoints de sécurité » qui doivent être recrutés avant la fin de l’année.

La fonction de ces adjoints de sécurité est « d’apporter une aide à la sortie des établissements », selon le partage des tâches évoqué par Claude Allègre, ministre de l’Éducation nationale : « Je me charge du problème de la violence à l’intérieur de l’école et Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’Intérieur, de l’extérieur ».

En quinze ans, de 1992 à 2006, pas moins de huit plans ou dispositifs ministériels de lutte contre les violences scolaires vont être annoncés. Quand on sait quel peut être le tempo des évolutions réelles dans le système scolaire, cela laisse dubitatif quant à une articulation possible avec le tempo ultrarapide des successions ininterrompues de ces « plans » ministériels, et très sceptique quant à la possibilité de leurs mises en place réelles, d’autant que leur continuité est loin d’être évidente.

Par ailleurs, en 2006, le phénomène du « happy slapping » fait irruption sur la scène scolaire et médiatique. Très à la mode chez certains adolescents en Angleterre, ce « jeu » consiste à gifler ou à boxer quelqu’un au hasard dans un lieu public sans aucune raison ; la scène (qui dure quelques secondes) est filmée à l’aide d’un portable, puis mise en ligne sur Internet et diffusée dans les heures qui suivent l’agression.

Le « Happy slapping » est apparu en France depuis quelques mois, et des dizaines d’adolescents en ont été victimes lorsque, le 24 avril 2006, il atteint pour la première fois une enseignante, professeure au lycée professionnel Lavoisier de Porcheville. L’un de ses élèves lui lance une chaise à la figure, l’accable de coups de poing et continue de la frapper au sol. La scène est filmée par un camarade de classe et diffusée quelques heures plus tard sur les portables de leurs relations.

Le ministre de l’Éducation nationale, Gilles de Robien, prend la mesure de l’émotion du monde enseignant devant ces nouveaux « risques du métier » et les dangers encourus par les élèves. Dans le « guide pratique » envoyé à chaque enseignant par le ministère à la rentrée scolaire 2006 (« Réagir face aux violences en milieu scolaire »), un passage est dûment consacré aux blogs, qui « apparaissent aujourd’hui dans les établissements scolaires comme le moyen de diffuser des images et des messages violents à caractère diffamatoire, raciste, antisémite, pornographique » et un autre au « happy slapping » :

« Le “happy slapping” est un phénomène de plus en plus répandu, et banalisé par les élèves dans les établissements scolaires. Face à ces actes, le personnel doit rappeler à ceux qui filment comme à ceux qui regardent qu’il s’agit de non-assistance à personne en danger ; que les auteurs, les agresseurs et les personnes qui ont filmé risquent des condamnations pénales. »

Malgré cette succession de plans, le problème des violences à l’école n’est pas en voie de résolution, tant s’en faut. À la suite de la réunion interministérielle qui s’est déroulée le 4 avril dernier en présence de Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, Nicole Belloubet, ministre de l’Éducation nationale, et Eric Dupont-Moretti, ministre de la Justice, et qui a rassemblé recteurs, préfets et procureurs généraux, plusieurs nouvelles dispositions ont été annoncées.

Des « services de défense et de sécurité académique rassemblant l’ensemble des missions académiques liées à la sécurisation de l’espace scolaire », seront créés d’ici septembre 2024 « afin de répondre à l’objectif de renforcement de la prise en compte des enjeux de sécurité par l’institution ». Une « équipe mobile de sécurité nationale » composée d’une vingtaine d’agents expérimentés sera disposée à « intervenir sur tout le territoire en moins de 48 h en cas de crise aiguë autour d’une école ou d’un établissement ».

Un « réseau d’appui éducatif » permettant de déployer « une unité mobile d’assistants d’éducation pour protéger plusieurs enceintes scolaires avec des moyens supplémentaires afin d’apaiser le climat scolaire dans et autour des enceintes » sera expérimenté. Cette dernière mesure qui vise à répondre notamment à la sécurisation aux abords des établissements est montée au premier plan en raison des trois agressions dramatiques et fortement médiatisées de la semaine dernière. Elle est loin de faire l’unanimité car il peut apparaître que ce serait un dévoiement du rôle des agents prévus pour les composer (les AED, assistants d’éducation), qui ne sont pas formés pour être des « agents de sécurité ».

Société et Violences : un climat général

Société et Violences : un climat général

Le pays ne va pas bien. De nombreuses données issues des enquêtes d’opinion montrent que nous vivons une période difficile, pleine d’inquiétudes et de craintes, d’angoisses sociales, identitaires, presque existentielles. D’autres sources confirment largement ce diagnostic. Dans ses indicateurs de santé mentale du mois de février, Santé publique France constate que (malgré une baisse saisonnière) le recours aux urgences pour idées suicidaires sont à des niveaux supérieurs à ceux des années précédentes, surtout chez les 11-17 ans et les 25-64 ans. Notre pays se maintient à une position élevée en Europe concernant les taux de suicide et de gestes auto-infligés, données elles-mêmes marquées par le gradient des inégalités sociales. Lorsque l’on compare la France aux démocraties voisines, on mesure un écart important en matière de confiance, en nous-mêmes et dans les autres, et de projection optimiste vers l’avenir. Les racines sociales et politiques de la défiance française sont analysées de manière approfondie par l’enquête annuelle de Cevipof, le Baromètre de la confiance politique et par les travaux que nous conduisons à Sciences-Po avec Luc Rouban, Gilles Ivaldi et notre équipe (Flora Chanvril, Frédérik Cassor). La Vague 15 de cette enquête (réalisée par Opinionway et publiée en février dernier) montre que l’état d’esprit des Français est toujours pessimiste, à des niveaux parmi les plus hauts depuis quinze ans.

par Bruno Cautrès, chercheur CNRS au Cevipof et enseignant à Sciences Po dans « La Tribune »

Pas étonnant que notre enquête enregistre un fort ressenti sur les questions de violence : 86 % des personnes interrogées déclarent que la France est « une société où il y a de plus en plus de violence », et 47 % se montrent même « tout à fait d’accord » avec cette opinion. Les variations selon les catégories de la population sont particulièrement élevées. Des fractures générationnelles et sociales s’expriment ici : 36 % des moins de 35 ans sont tout à fait d’accord pour dire que nous vivons dans une société de plus en plus violente, c’est 54% chez les plus de 50 ans. Le capital culturel (diplôme) et la catégorie sociale créent également des écarts considérables, de 10 à 15 points, les plus fragiles exprimant fortement ce même sentiment.

Davantage que les données sociologiques, ce sont les choix politiques qui amplifient ou atténuent l’écho de ce climat : 32 % de l’électorat de Jean-Luc Mélenchon est tout à fait d’accord pour dire que nous vivons dans un pays de plus en plus violent, c’est 40 % chez celui d’Emmanuel Macron, 66 % chez Marine Le Pen et 82 % chez Éric Zemmour. La religion compte également : alors que 54 % des chrétiens (notamment les catholiques) partagent ce fort ressenti, ce n’est le cas que de 32 % des musulmans.

C’est pour défendre sa propriété privée (55 %), sa famille (67%) ou sa vie et son intégrité physique (69 %) qu’on tolère le plus le recours à la force

Le Baromètre de la confiance politique du Cevipof permet également de mesurer l’acceptabilité de la violence pour différents motifs : c’est pour défendre sa religion (15 %), ses idées politiques (17 %), défendre ou « s’opposer à une réforme » (23 %) que l’on considère que la violence est le moins acceptable. C’est bien davantage pour défendre sa propriété privée (55 %), sa famille (67 %) ou sa vie et son intégrité physique (69 %) qu’on la tolère. Ces pourcentages sont encore plus élevés parmi ceux (nombreux dans l’enquête) qui n’ont plus aucune confiance dans la politique ou les institutions, la justice notamment. Ce tableau particulièrement inquiétant n’est pas d’un seul bloc : la violence à l’égard des policiers ou des agents des services publics est très largement condamnée, et le pays considère que la polarisation politique ne permet plus vraiment les échanges entre points de vue différents, que les débats politiques sont devenus de plus en plus agressifs. Toutes ces données montrent une très grande inquiétude et même une forme d’angoisse face aux violences.

Profondément nourri par les crises à répétition, un sentiment d’impasse et de confusion s’est installé. Nous nous sentons démunis face à une actualité souvent traumatisante, les images de guerre qui nous viennent d’ailleurs, et plus généralement face à un immense bouleversement du monde qui nous fascine, nous interroge et surtout nous inquiète. Ce bouleversement comporte également son lot de violences, sociales et symboliques. Nous sommes en quête de sens mais l’imaginaire politique semble bien en difficulté lorsqu’il s’agit d’apporter des réponses et de nous fournir une boussole, une carte ou un plan. Il faut espérer que la campagne des élections européennes du 9 juin permette de dégager quelques lignes directrices et que la confrontation démocratique des idées donne des exemples d’échange de points de vue respectueux. Après tout, c’est bien par la parole et le dialogue respectueux que l’on peut apaiser les tensions, calmer les craintes et donner l’exemple du dialogue non violent… Nous en avons tant besoin.

Violences à l’école : problème prioritaire

Violences à l’école : problème prioritaire

Trois agressions d’élèves très choquantes, dont l’une tout à fait tragique puisqu’elle a engendré la mort d’un collégien de 15 ans, se sont produites en ce début avril à la sortie d’établissements scolaires, suscitant une grande émotion. Vendredi 5 avril, quatre mineurs et un adulte ont été placés en garde à vue dans le cadre de l’enquête ouverte pour « assassinat et violences en réunion aux abords d’un établissement scolaire », en l’occurrence le collège des Sablons à Viry-Châtillon (Essonne). Trois jours auparavant, une collégienne de 13 ans a été rouée de coups – au point d’être momentanément dans le coma – à sa sortie d’un collège de Montpellier par deux mineurs de 14 et 15 ans et une mineure de 15 ans, élèves dans le même établissement. Mercredi 3 avril, à Tours, cinq jeunes filles âgées de 11 à 15 ans ont passé à tabac une collégienne de 14 ans en filmant la scène avec un iPhone. Le motif serait un conflit amoureux. La victime a eu le nez cassé. Ce n’est pas la première fois que des jeunes scolarisés se trouvent impliqués dans des affaires d’une telle violence. Longtemps, les agressions de ce type ont été traitées dans les médias comme de simples faits divers. En 1979, alors même pourtant qu’une enquête d’ampleur était alors menée pour la première fois dans l’Éducation nationale à propos des violences à l’école, on pouvait lire dans Le Monde les titres suivants : « Un collégien de 12 ans tue un camarade dans une bagarre à Aubervillers »« Un lycéen grenoblois de 17 ans blessé à coups de ciseaux en tentant de s’opposer à une tentative de racket ». Mais il faut attendre le début des années 1990 pour que les « violences à l’école » deviennent un thème en soi, récurrent et médiatisé.

 

par 

Enseignant-chercheur en histoire de l’éducation, professeur honoraire à Paris-Descartes, Université Paris Cité

dans the Conversation

On peut certes citer encore quelques drames qui viennent sur la place publique. Cependant, dans les années 1990, le regard et la réponse institutionnelle portés sur ces drames changent. Le 28 juin 1992, un lycéen âgé de 18 ans s’écroule dans un couloir du lycée technique de Châteauroux après une bagarre avec un autre élève de sa classe de première, inculpé de « coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». Dans la cour du lycée d’Alembert de Saint-Etienne, un lycéen de 19 ans est blessé à mort par un couteau de chasse alors qu’il tentait de défendre l’un de ses camarades pris à partie par quelques jeunes. A la sortie du lycée Amiral-Ronarc’h à Brest, un lycéen de 16 ans est tué d’un coup de feu à l’issue d’une dispute par un lycéen de 16 ans.

Le premier « plan » d’envergure contre la violence à l’école date de 1992. La circulaire du 27 mai 1992 signée par Jack Lang (alors ministre de l’Éducation nationale) et par Paul Quilès (alors ministre de l’Intérieur) met en place pour la première fois dans l’histoire de l’école française une coopération entre Éducation et Police. Des groupes de suivi départementaux sont créés « autour du préfet et de l’inspecteur d’académie avec des représentants des services de la justice, de la police et de la gendarmerie ». Ces groupes départementaux doivent trouver des relais dans des groupes locaux de sécurité (GLAS) et des groupes opérationnels d’établissement (GOP). Ils ont pour ambition – dans le cadre de leur secteur territorial – « d’assurer la sécurité dans les établissements et leurs abords par la réalisation d’un diagnostic de sécurité et d’un plan d’action concret ».

Pour François Bayrou, le successeur de Jack Lang au ministère de l’Éducation l’école doit redevenir un « sanctuaire » comme il le proclame dès le début de l’année 1996 à l’Assemblée nationale :« La violence à l’école n’est pas la violence de l’école ; elle est le reflet de la société. Pendant des décennies, on a plaidé pour une école ouverte qui ne soit plus un sanctuaire, pour que la cité pénètre à l’école. Il faut prendre une position inverse, travailler à resanctuariser l’école ».

Et le soir même de ce discours du 5 février 1996, il préconise sur TF1 l’installation de clôtures autour des établissements. Mais au printemps 1997 Jacques Chirac dissout l’Assemblée nationale, un nouveau Premier ministre, Lionel Jospin, est nommé et s’appuie sur une majorité de gauche « plurielle ». Dans sa Déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale du 20 juin 1997, la violence à l’école figure en bonne place :

« La sécurité, garante de la liberté, est un droit fondamental de la personne humaine. L’insécurité menace d’abord les plus faibles et les plus démunis d’entre nous. Nous devons tout particulièrement la sécurité à nos enfants, notamment dans les établissements scolaires. Un plan spécial contre la violence sera mis en place dès la rentrée prochaine ».

Effectivement, un nouveau plan est annoncé le 5 novembre 1997 – le troisième en trois ans. Il diffère des précédents sur deux points :

  • il concentre les efforts sur neuf zones expérimentales pour en finir, est-il dit, avec « le saupoudrage des moyens qui a montré ses limites » ;
  • il change d’échelle quantitative en passant de quelque deux mille appelés (comme dans le plan Bayrou de 1996) à plus de 25000 emplois nouveaux (pour l’essentiel des emplois-jeunes du ministère de l’Éducation), auxquels doivent s’ajouter ceux du ministère de l’Intérieur, soit plus de 8000 « adjoints de sécurité » qui doivent être recrutés avant la fin de l’année.

La fonction de ces adjoints de sécurité est « d’apporter une aide à la sortie des établissements », selon le partage des tâches évoqué par Claude Allègre, ministre de l’Éducation nationale : « Je me charge du problème de la violence à l’intérieur de l’école et Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’Intérieur, de l’extérieur ».

En quinze ans, de 1992 à 2006, pas moins de huit plans ou dispositifs ministériels de lutte contre les violences scolaires vont être annoncés. Quand on sait quel peut être le tempo des évolutions réelles dans le système scolaire, cela laisse dubitatif quant à une articulation possible avec le tempo ultrarapide des successions ininterrompues de ces « plans » ministériels, et très sceptique quant à la possibilité de leurs mises en place réelles, d’autant que leur continuité est loin d’être évidente.

Par ailleurs, en 2006, le phénomène du « happy slapping » fait irruption sur la scène scolaire et médiatique. Très à la mode chez certains adolescents en Angleterre, ce « jeu » consiste à gifler ou à boxer quelqu’un au hasard dans un lieu public sans aucune raison ; la scène (qui dure quelques secondes) est filmée à l’aide d’un portable, puis mise en ligne sur Internet et diffusée dans les heures qui suivent l’agression.

Le « Happy slapping » est apparu en France depuis quelques mois, et des dizaines d’adolescents en ont été victimes lorsque, le 24 avril 2006, il atteint pour la première fois une enseignante, professeure au lycée professionnel Lavoisier de Porcheville. L’un de ses élèves lui lance une chaise à la figure, l’accable de coups de poing et continue de la frapper au sol. La scène est filmée par un camarade de classe et diffusée quelques heures plus tard sur les portables de leurs relations.

Le ministre de l’Éducation nationale, Gilles de Robien, prend la mesure de l’émotion du monde enseignant devant ces nouveaux « risques du métier » et les dangers encourus par les élèves. Dans le « guide pratique » envoyé à chaque enseignant par le ministère à la rentrée scolaire 2006 (« Réagir face aux violences en milieu scolaire »), un passage est dûment consacré aux blogs, qui « apparaissent aujourd’hui dans les établissements scolaires comme le moyen de diffuser des images et des messages violents à caractère diffamatoire, raciste, antisémite, pornographique » et un autre au « happy slapping » :

« Le “happy slapping” est un phénomène de plus en plus répandu, et banalisé par les élèves dans les établissements scolaires. Face à ces actes, le personnel doit rappeler à ceux qui filment comme à ceux qui regardent qu’il s’agit de non-assistance à personne en danger ; que les auteurs, les agresseurs et les personnes qui ont filmé risquent des condamnations pénales. »

Malgré cette succession de plans, le problème des violences à l’école n’est pas en voie de résolution, tant s’en faut. À la suite de la réunion interministérielle qui s’est déroulée le 4 avril dernier en présence de Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, Nicole Belloubet, ministre de l’Éducation nationale, et Eric Dupont-Moretti, ministre de la Justice, et qui a rassemblé recteurs, préfets et procureurs généraux, plusieurs nouvelles dispositions ont été annoncées.

Des « services de défense et de sécurité académique rassemblant l’ensemble des missions académiques liées à la sécurisation de l’espace scolaire », seront créés d’ici septembre 2024 « afin de répondre à l’objectif de renforcement de la prise en compte des enjeux de sécurité par l’institution ». Une « équipe mobile de sécurité nationale » composée d’une vingtaine d’agents expérimentés sera disposée à « intervenir sur tout le territoire en moins de 48 h en cas de crise aiguë autour d’une école ou d’un établissement ».

Un « réseau d’appui éducatif » permettant de déployer « une unité mobile d’assistants d’éducation pour protéger plusieurs enceintes scolaires avec des moyens supplémentaires afin d’apaiser le climat scolaire dans et autour des enceintes » sera expérimenté. Cette dernière mesure qui vise à répondre notamment à la sécurisation aux abords des établissements est montée au premier plan en raison des trois agressions dramatiques et fortement médiatisées de la semaine dernière. Elle est loin de faire l’unanimité car il peut apparaître que ce serait un dévoiement du rôle des agents prévus pour les composer (les AED, assistants d’éducation), qui ne sont pas formés pour être des « agents de sécurité ».

Violences : un climat général

Violences : un climat général

Le pays ne va pas bien. De nombreuses données issues des enquêtes d’opinion montrent que nous vivons une période difficile, pleine d’inquiétudes et de craintes, d’angoisses sociales, identitaires, presque existentielles. D’autres sources confirment largement ce diagnostic. Dans ses indicateurs de santé mentale du mois de février, Santé publique France constate que (malgré une baisse saisonnière) le recours aux urgences pour idées suicidaires sont à des niveaux supérieurs à ceux des années précédentes, surtout chez les 11-17 ans et les 25-64 ans. Notre pays se maintient à une position élevée en Europe concernant les taux de suicide et de gestes auto-infligés, données elles-mêmes marquées par le gradient des inégalités sociales. Lorsque l’on compare la France aux démocraties voisines, on mesure un écart important en matière de confiance, en nous-mêmes et dans les autres, et de projection optimiste vers l’avenir. Les racines sociales et politiques de la défiance française sont analysées de manière approfondie par l’enquête annuelle de Cevipof, le Baromètre de la confiance politique et par les travaux que nous conduisons à Sciences-Po avec Luc Rouban, Gilles Ivaldi et notre équipe (Flora Chanvril, Frédérik Cassor). La Vague 15 de cette enquête (réalisée par Opinionway et publiée en février dernier) montre que l’état d’esprit des Français est toujours pessimiste, à des niveaux parmi les plus hauts depuis quinze ans.

par Bruno Cautrès, chercheur CNRS au Cevipof et enseignant à Sciences Po dans « La Tribune »

Pas étonnant que notre enquête enregistre un fort ressenti sur les questions de violence : 86 % des personnes interrogées déclarent que la France est « une société où il y a de plus en plus de violence », et 47 % se montrent même « tout à fait d’accord » avec cette opinion. Les variations selon les catégories de la population sont particulièrement élevées. Des fractures générationnelles et sociales s’expriment ici : 36 % des moins de 35 ans sont tout à fait d’accord pour dire que nous vivons dans une société de plus en plus violente, c’est 54% chez les plus de 50 ans. Le capital culturel (diplôme) et la catégorie sociale créent également des écarts considérables, de 10 à 15 points, les plus fragiles exprimant fortement ce même sentiment.

Davantage que les données sociologiques, ce sont les choix politiques qui amplifient ou atténuent l’écho de ce climat : 32 % de l’électorat de Jean-Luc Mélenchon est tout à fait d’accord pour dire que nous vivons dans un pays de plus en plus violent, c’est 40 % chez celui d’Emmanuel Macron, 66 % chez Marine Le Pen et 82 % chez Éric Zemmour. La religion compte également : alors que 54 % des chrétiens (notamment les catholiques) partagent ce fort ressenti, ce n’est le cas que de 32 % des musulmans.

C’est pour défendre sa propriété privée (55 %), sa famille (67%) ou sa vie et son intégrité physique (69 %) qu’on tolère le plus le recours à la force

Le Baromètre de la confiance politique du Cevipof permet également de mesurer l’acceptabilité de la violence pour différents motifs : c’est pour défendre sa religion (15 %), ses idées politiques (17 %), défendre ou « s’opposer à une réforme » (23 %) que l’on considère que la violence est le moins acceptable. C’est bien davantage pour défendre sa propriété privée (55 %), sa famille (67 %) ou sa vie et son intégrité physique (69 %) qu’on la tolère. Ces pourcentages sont encore plus élevés parmi ceux (nombreux dans l’enquête) qui n’ont plus aucune confiance dans la politique ou les institutions, la justice notamment. Ce tableau particulièrement inquiétant n’est pas d’un seul bloc : la violence à l’égard des policiers ou des agents des services publics est très largement condamnée, et le pays considère que la polarisation politique ne permet plus vraiment les échanges entre points de vue différents, que les débats politiques sont devenus de plus en plus agressifs. Toutes ces données montrent une très grande inquiétude et même une forme d’angoisse face aux violences.

Profondément nourri par les crises à répétition, un sentiment d’impasse et de confusion s’est installé. Nous nous sentons démunis face à une actualité souvent traumatisante, les images de guerre qui nous viennent d’ailleurs, et plus généralement face à un immense bouleversement du monde qui nous fascine, nous interroge et surtout nous inquiète. Ce bouleversement comporte également son lot de violences, sociales et symboliques. Nous sommes en quête de sens mais l’imaginaire politique semble bien en difficulté lorsqu’il s’agit d’apporter des réponses et de nous fournir une boussole, une carte ou un plan. Il faut espérer que la campagne des élections européennes du 9 juin permette de dégager quelques lignes directrices et que la confrontation démocratique des idées donne des exemples d’échange de points de vue respectueux. Après tout, c’est bien par la parole et le dialogue respectueux que l’on peut apaiser les tensions, calmer les craintes et donner l’exemple du dialogue non violent… Nous en avons tant besoin.

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