Archive pour le Tag 'victimaire'

Société- La guerre de l’idéologie victimaire

Société- La guerre de l’idéologie victimaire

 

« Je suis encore un peu sous le choc. » Nahema Hanafi, maîtresse de conférences en histoire moderne à l’université d’Angers, ne s’est toujours pas remise de la déferlante de haine qu’elle a reçue sur les réseaux sociaux, à la suite de la publication dans Le Point, début février, d’une tribune fustigeant violemment son ouvrage, L’Arnaque à la nigériane. Spams, rapports postcoloniaux et banditisme social (Editions Anacharsis, 2020). Dans ce livre, la chercheuse analyse les discours des « brouteurs », ces cyberescrocs africains qui se font passer pour d’accortes jeunes femmes dans le but de soutirer de l’argent à des Occidentaux crédules. Ces truands, explique-t-elle au terme d’une étude de terrain, « ont un discours décolonial ; ils expliquent qu’ils “volent aux Blancs” pour réparer les dommages de la colonisation ».

Mais pour l’auteur de la tribune dans Le Point, Hubert Heckmann, maître de conférences en littérature du Moyen Age à Rouen et membre d’un récent Observatoire du décolonialisme, son ouvrage fait « l’éloge d’un système criminel » et tombe dans « la grille de lecture décoloniale [qui] inverse les rapports entre victimes et coupables ». La tribune de M. Heckmann, relayée par les sphères d’extrême droite, a valu à Mme Hanafi menaces et attaques racistes. Son université lui a accordé la protection fonctionnelle et elle a déposé plainte.

« Je regrette et je condamne évidemment cette situation. On appelle au calme, et on condamne évidemment aussi l’extrême droite », justifie le cofondateur de l’Observatoire du décolonialisme, Xavier-Laurent Salvador, professeur de linguistique à Paris-XIII. Mais l’épisode illustre les tensions qui traversent depuis des mois les milieux universitaires, opposant chercheurs qui travaillent sur des concepts tels que les études de genre, les questions coloniales ou les phénomènes de racisme systémique, et ceux qui estiment que ces travaux sont inutiles, militants, voire dangereux, car participant d’un repli identitaire.

Non à l’idéologie victimaire en tout genre

Non  à la victimisation en tout genre

« Vouloir que l’autre nous reconnaisse, c’est avouer que nous ne pouvons exister par nous-mêmes. Cette victimisation est une fuite pour ne pas faire soi-même le travail de sa propre construction », affirme Sylvie Charpinet lectrice du Monde. .

Je suis une femme, mais avant tout, je suis une personne, un corps, un cerveau, une âme et le plus important est que tout fonctionne correctement. J’ai décidé de prendre la plume pour dire « stop » à tous ceux qui véhiculent la stigmatisation des particularités de toute sorte.
Nous sommes tous particuliers et pourtant si semblables. Nos natures sont différentes et nos différences constituent notre force humaine, notre liberté d’être.

Cessons de considérer chaque particularité comme constitutive d’une minorité et cessons ce jeu de la victimisation de la minorité. A mon sens, à trop vouloir défendre telle ou telle caractéristique humaine, nous l’isolons du groupe et la réduisons à sa caricature. Pire, une telle posture l’affaiblit et aggrave l’isolement contre lequel nous nous érigeons. Derrière la volonté de défendre ou de protéger, elle déséquilibre la structure humaine et sociale en mettant chaque spécificité dans une case qu’elle verrouille in fine.

La liberté ainsi invoquée à travers l’affirmation de nos identités quelles qu’elles soient se retrouve à attendre l’approbation de sa reconnaissance par le groupe. Or, cette liberté ne peut être atteinte que par le fait d’être soi-même individuellement.

Cessons de vouloir que la société nous libère de nous-mêmes. Cessons de vouloir que la société valide notre essence-même d’ETRE pour être. En effet, cette reconnaissance ne peut avoir lieu que si l’être existe par lui-même et non par l’image qu’il renvoie de lui dans le corps sociétal.

Vouloir que l’autre nous reconnaisse, c’est avouer que nous ne pouvons exister par nous-mêmes. Cette victimisation est une fuite pour ne pas faire soi-même le travail de sa propre construction. Dans ce contexte, vouloir défendre une particularité, c’est faire l’aveu de sa fragilité, voire de son impuissance.

L’action doit venir de l’individu, individuellement et en groupe. Défendre les femmes, c’est cesser de les opposer aux hommes ; c’est cesser de juger ces derniers comme des prédateurs, sournois et pervers. Défendre les femmes, c’est être femme en intégrant sa part de féminité et sa part de masculinité. Défendre les femmes, c’est défendre les hommes, car l’un ne peut exister sans l’autre.

Le respect de soi vaut le respect de l’autre. Etre féministe est donc un contresens. Y a-t-il un homme qui s’est déjà déterminé comme « masculiniste » ? Non. Alors, si une femme veut être libre, elle doit agir, par elle-même, pour elle-même. Si un individu veut être libre, il doit agir, par lui-même, pour lui-même.

Cette tendance actuelle à la victimisation en tout genre a l’effet inverse de celui recherché. L’affirmation de nos identités ne peut avoir lieu que par l’amour de nous-mêmes et non par notre propre rejet dissimulé, sous couvert que ce sont les autres qui ne nous aiment pas et qui nous malmènent.

Cette liberté tant convoitée se trouve, avant tout, non pas dans toujours plus de protections des singularités – lesquelles protections finiront par limiter cette liberté -, mais dans l’estime de soi et la reconnaissance de soi par soi. Exister, c’est agir et agir, c’est exister. C’est là la condition de notre liberté, à chacun.

La guerre de l’idéologie victimaire

La guerre de l’idéologie victimaire

 

« Je suis encore un peu sous le choc. » Nahema Hanafi, maîtresse de conférences en histoire moderne à l’université d’Angers, ne s’est toujours pas remise de la déferlante de haine qu’elle a reçue sur les réseaux sociaux, à la suite de la publication dans Le Point, début février, d’une tribune fustigeant violemment son ouvrage, L’Arnaque à la nigériane. Spams, rapports postcoloniaux et banditisme social (Editions Anacharsis, 2020). Dans ce livre, la chercheuse analyse les discours des « brouteurs », ces cyberescrocs africains qui se font passer pour d’accortes jeunes femmes dans le but de soutirer de l’argent à des Occidentaux crédules. Ces truands, explique-t-elle au terme d’une étude de terrain, « ont un discours décolonial ; ils expliquent qu’ils “volent aux Blancs” pour réparer les dommages de la colonisation ».

Mais pour l’auteur de la tribune dans Le Point, Hubert Heckmann, maître de conférences en littérature du Moyen Age à Rouen et membre d’un récent Observatoire du décolonialisme, son ouvrage fait « l’éloge d’un système criminel » et tombe dans « la grille de lecture décoloniale [qui] inverse les rapports entre victimes et coupables ». La tribune de M. Heckmann, relayée par les sphères d’extrême droite, a valu à Mme Hanafi menaces et attaques racistes. Son université lui a accordé la protection fonctionnelle et elle a déposé plainte.

« Je regrette et je condamne évidemment cette situation. On appelle au calme, et on condamne évidemment aussi l’extrême droite », justifie le cofondateur de l’Observatoire du décolonialisme, Xavier-Laurent Salvador, professeur de linguistique à Paris-XIII. Mais l’épisode illustre les tensions qui traversent depuis des mois les milieux universitaires, opposant chercheurs qui travaillent sur des concepts tels que les études de genre, les questions coloniales ou les phénomènes de racisme systémique, et ceux qui estiment que ces travaux sont inutiles, militants, voire dangereux, car participant d’un repli identitaire.

Le discours victimaire est insupportable

Le discours victimaire est insupportable

 

 

 

 

Pour Rachel Khan, juriste, scénariste, actrice et écrivain, le mot «racisé» révèle chez ceux qui l’emploient «une faille narcissique et paranoïaque mais surtout une dérive et une incohérence idéologique». (Interview le Figaro)

 

 

 

- Vous vous définissez comme «racée». Qu’entendez-vous par ce terme?

 

Rachel KHAN. - Je suis issue d’un mélange entre une mère juive polonaise et un père sénégalais et gambien d’origine musulmane mais animiste au départ, avant l’islamisation de l’Afrique de l’Ouest. Racée, ce terme délicatement ancien du dictionnaire, est aussi évidemment une réponse espiègle au mot «racisé» donc l’élégance s’est perdu en chemin. C’est donc un contrepied et un contrepoint de vue face à la situation actuelle des victimaires et des identitaires. Racée est à la fois un trait d’humour, qui souligne le fait d’avoir plusieurs «races» en soi, et un jeu de mot par rapport à «racisé».

Je suis décontenancée par l’usage de ce terme «racisé» que j’entends très souvent depuis 2-3 ans. C’est insupportable, cet essentialisme qui enferme les individus dans une identité-discrimination au nom de la lutte pour l’égalité. C’est complètement contre-productif et délétère de porter la haine qui appartient à l’autre .

Procès du terrorisme : résultat de l’idéologie victimaire

Procès du terrorisme : résultat  de l’idéologie victimaire

Professeur des universités, Gilles Kepel est spécialiste de l’islam et du monde arabe contemporain. Il dirige la chaire Moyen-Orient Méditerranée à l’Ecole normale supérieure. Il considère que à travers le procès du terrorisme c’est surtout le modèle d’identification qui est en cause. (Interview dans le Monde)

Comment analyser les récentes menaces d’al-Qaïda contre Charlie hebdo ?

Sans doute pour faire croire qu’al-Qaïda existe encore. Aujourd’hui personne ne s’intéresse plus à Zawahiri et ses acolytes, réfugiés quelque part entre le Pakistan et l’Afghanistan. Il reste un groupe dissident dans la zone de désescalade d’Idlib, dans le nord-ouest syrien, où se trouvent du reste plusieurs Français sous la houlette du Sénégalo-Niçois Omar Diaby, parmi lesquels peut-être Hayat Boumedienne, la veuve Coulibaly. Mais leur lien avec ce qui fut al-Qaïda est flou. La « marque » Al-Qaïda, qui concurrençait Coca-Cola pour la notoriété mondiale, ne vaut plus grand-chose désormais.

Depuis 2015, quelles conséquences la vague d’attentats a-t-elle eues sur la communauté musulmane en France ?

Les attentats ont fait basculer les choses dans le mauvais sens. Ils ont créé un modèle d’identification, une sorte de banalisation de ce type de mal – pour reprendre une formule de Hannah Arendt – qui se sont traduits par la funeste série d’attentats. Bien sûr, la majorité de nos concitoyens de culture musulmane a condamné ces monstres mais on observe, par exemple dans le sondage IFOP-Fondation Jean-Jaurès-Charlie hebdo, qu’une partie de la jeunesse se refuse à se prononcer en ce sens, en arguant que le problème n’est pas là, que le coupable est la société française « islamophobe ». Cette évolution a été dynamisée par la victimisation exploitée par les milieux islamistes qui se sont efforcés de retourner la charge de la preuve avec le slogan #jenesuispascharlie, les « oui mais », les « ils l’ont bien cherché ». Enfin, la mouvance islamo-gauchiste, qui construit une identité de la jeunesse musulmane sur le rejet de la société française dans ses fondements mêmes, considérés comme racistes, néocoloniaux, etc., a vite compris le parti à tirer de cette exploitation victimaire. Et a trouvé des relais dans le monde universitaire.

Quelles sont les manifestations concrètes de cette « idéologie victimaire » ?

La jeunesse issue des quartiers entre aujourd’hui massivement à l’université, en grande partie grâce aux politiques de discrimination positive. C’est très bien. Mais j’observe qu’un nombre croissant de personnes y entre avec cette idéologie islamo-gauchiste qui touche aussi les maîtres-assistants, les jeunes professeurs qui se sentent obligés de se prononcer sur des critères de bienséance idéologique plus qu’avec des arguments scientifiques. Le postulat de départ est que les musulmans sont les opprimés d’aujourd’hui et que, comme tels, rien de ce qui émane de l’islam ne saurait être l’objet d’un jugement. Une vision normative synonyme pour moi de terrible régression intellectuelle.

Jusqu’à quel point ces arguments portent-ils dans la population musulmane ? L’essayiste Hakim El Karoui estime qu’un quart des musulmans « se mettent à l’écart du système de valeurs républicaines »…

Les tentatives de justification, type « Ils n’avaient qu’à ne pas publier les caricatures », portent beaucoup dans la jeunesse musulmane et vont jusqu’à toucher des gens originaires du Maghreb ou autre qui se définissent par ailleurs comme parfaitement laïques, féministes, qui boivent de l’alcool et mangent du porc. Par un phénomène d’identification à la stigmatisation, le contre-discours islamo-gauchiste a prospéré dans les failles de notre société. En suscitant un réflexe de défense identitaire, il interdit de porter un jugement moral sur les assassins. Dire : « C’est votre faute, nous sommes les véritables victimes » permet d’évacuer les actes de la conscience. Un mois après la tuerie de la Promenade des Anglais a émergé, sur les plages de la Côte d’Azur, l’affaire du burkini, comme pour faire oublier qu’un jihadiste au volant de son camion avait massacré 86 personnes. On invente ainsi une autre culpabilité en miroir, appât auquel mord le New York Times et d’autres qui disent : « La France est islamophobe et raciste : elle interdit le burkini ».

En quoi le procès actuel peut-il influer sur les mentalités ? A vous écouter, la « messe » est dite ?

En restituant la parole des victimes, en donnant la parole aux survivants et aux accusés, le procès a pour fonction de construire une vérité sociale sur laquelle s’établit la justice. C’est pour cela qu’il est très important. D’autant que les deux procès Merah ont été des ratages complets, la théorie du « loup solitaire » – véritable forfaiture intellectuelle de la part de l’ancien patron du renseignement, Bernard Squarcini – a empêché la connaissance de ce phénomène qui fonctionnait très tôt en réseau, et donc retardé la manifestation de la vérité. L’affaire Merah est maudite : ne pas l’avoir comprise a ouvert la voie à tout ce qui a suivi.

Vous récusez l’idée que les accusés seraient des « lampistes » ?

La culture de l’excuse explique que « les vrais auteurs sont morts ou en fuite » et qu’« on ne peut rien démontrer ». Dire cela, c’est ne rien comprendre à la nébuleuse du jihadisme français. Il ne s’agit évidemment pas de me prononcer sur la culpabilité des accusés, c’est au tribunal de le faire. Mais les universitaires spécialisés savent qu’on a des filières construites et structurées autour d’affinités, de voyages en Syrie ou en Irak, du quartier des Buttes-Chaumont, des Merah qui ont fait école, de Toulouse qui rayonnait sur la Belgique, de liens avec l’Algérie, la Tunisie.

Il y aurait une forme de naïveté à présenter ce procès comme celui des « seconds couteaux » ?

De la naïveté mais aussi une volonté de ne pas savoir, parce que cela poserait des problèmes trop complexes que ce sondage nous envoie en pleine figure. On se rendrait compte que les politiques publiques sont souvent déterminées par des calculs électoraux. On ne peut plus dire en 2020 qu’on ne connaît pas ce phénomène documenté encore récemment par les livres d’Hugo Micheron, Le Jihadisme français, et Bernard Rougier, Les Territoires conquis de l’islamisme ». Le monde de la police et du renseignement, extrêmement sophistiqué désormais par contraste avec l’époque 2012-2015, maîtrise parfaitement cette mouvance. Avec ce procès, il nous faut affronter le fait que des gens élevés en France, nourris par l’aide sociale à l’enfance depuis la mort de leurs parents pour les frères Kouachi, arrivent dans une rédaction et tuent 11 personnes de sang-froid, après avoir été mis en condition par une idéologie religieuse qui déshumanise leurs victimes – comme s’ils détruisaient des avatars dans un jeu vidéo.

Une loi contre le séparatisme est en préparation, alimentant un débat sémantique. Quelle est votre position ?

Je n’étais pas convaincu par ce terme – je l’ai d’ailleurs dit au Président – car cela peut constituer l’arbre qui cache la forêt. Il existe effectivement une logique séparatiste, nourrie par le jihadisme et ses avatars. Elle touche des populations qui, jusqu’à une époque récente, étaient assez marginales. Le sondage de la Fondation Jean-Jaurès semble cependant indiquer que cela est en pleine progression. C’est l’exemple hallucinant de Mickaël Harpon, embauché comme handicapé à la Préfecture de police de Paris, réislamisé dans une mosquée radicale, et affecté dans un service chargé du suivi de la radicalisation… qui semble pratiquer en effet un « séparatisme » culturel d’avec la société dont il tue les membres. A ce séparatisme – et parfois entremêlé à lui – vient s’ajouter l’entrisme dans les institutions : un leader communautaire va voir un candidat en disant « Je vous apporte les voix de mes coreligionnaires contre tel poste d’adjoint, telle attribution ». Cela s’est encore vérifié lors des dernières municipales. Dans cette logique communautariste, la charia et l’identité religieuse passent avant les lois de la République et la citoyenneté commune. A partir du moment où on traduit cette conception en fait social, on crée le continuum entre la rupture culturelle salafiste et les conditions du passage à l’acte jihadiste contre l’autre – stigmatisé comme « kuffar » (« infidèle »). Mais certains de mes collègues universitaires pensent le contraire : pour éviter ce passage à l’acte, le communautarisme serait nécessaire car il gère la paix sociale… Je crains que, justement, si on se focalise exclusivement sur le « séparatisme », on ne traite que le symptôme final – heureusement encore assez réduit en nombre – et qu’on ne rate le continuum avec la rupture culturelle qu’instaure le communautarisme, que je tiens pour le début nécessaire (mais non suffisant) de ce processus.

 




L'actu écologique |
bessay |
Mr. Sandro's Blog |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | astucesquotidiennes
| MIEUX-ETRE
| louis crusol