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Des fonds « responsables » pas très vertueux

Des fonds « responsables » pas très vertueux

De nombreux fonds mettant en avant leur « responsabilité » ou les investissements « verts » peuvent en réalité être des fonds conventionnels déguisés. Les fonds d’investissement dits « responsables » ne sont pas forcément plus vertueux que les autres

par
Mirco Rubin
Associate Professor, EDHEC Business School

Ioana-Stefania Popescu
PhD Student in Sustainable Finance, Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST)

Thomas Gibon
Research Associate, Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST) dans The Conversation

Le marché des produits d’investissements durables devrait représenter un tiers de l’ensemble du marché d’ici 2025, soit environ 53 000 milliards de dollars. Cependant, il n’existe pas de norme claire et consensuelle pour mesurer le caractère durable des produits d’investissement.

Les gestionnaires d’actifs, qui investissent l’argent au nom des investisseurs finaux comme les fonds de pension, les compagnies d’assurance ou bien les investisseurs privés, utilisent en effet différentes stratégies pour intégrer la durabilité, avec un degré d’exigence dont il est difficile de juger. Par exemple, l’utilisation des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance ESG comme indicateur de durabilité a été fortement critiquée et de nombreux fonds dits « responsables » ou « verts » peuvent en réalité être des fonds conventionnels déguisés.

Par conséquent, comment l’investisseur final peut-il être sûr qu’un portefeuille d’investissement est réellement vert et qu’il ne s’agit pas d’une simple tentative d’écoblanchiment (ou « greenwashing ») ? Qu’entend-on d’ailleurs par « vert » ?

Apporter des réponses à ces questions et aller au-delà des notations ESG comme indicateurs de durabilité nécessite d’employer des méthodes telles que l’analyse du cycle de vie (ACV). Cette dernière consiste à estimer de manière quantitative l’empreinte carbone (entre autres) liée aux fonds d’investissement, via les parts d’entreprises qui composent ces fonds.

Les facteurs d’émissions de gaz à effet de serre (GES) ainsi utilisés comprennent les émissions directes (Scope 1) et indirectes (Scopes 2 et 3), elles-mêmes liées aux secteurs économiques et pays dans lesquels chaque entreprise opère. Les données sont issues de tables entrées-sorties avec comptes satellites environnementaux (en anglais environmentally-extended multiregional input-output, EE-MRIO) qui s’appuient sur les statistiques nationales d’émissions atmosphériques ventilées par secteur d’activité.

Notons que cette méthode ne permet pas de quantifier de manière précise l’impact d’une entreprise, mais elle permet d’estimer de manière standardisée les impacts sur le cycle de vie complet associés aux activités d’une entreprise. Comme les fonds investissent parfois dans des centaines d’entreprises qui appartiennent à différents secteurs ou pays, seule une méthodologie globale pour l’estimation de l’impact sur l’ensemble des entreprises permet une agrégation facile au niveau du fonds.

En utilisant cette nouvelle approche, nous constatons dans une récente étude que les fonds d’investissement socialement responsable (ISR) ne sont pas systématiquement moins intensifs en carbone que leurs homologues conventionnels : 23 % d’un échantillon de 670 fonds ISR domiciliés en Europe ont une empreinte carbone directe (lié aux activités sur les sites de l’entreprise) supérieure à celle de l’indice de marché conventionnel MSCI World, choisi comme référence.

En analysant ensuite l’empreinte carbone indirecte, associée à la chaîne de valeur des entreprises dans lesquelles ils investissent, nous trouvons que 67 % des fonds ISR ont obtenu des résultats inférieurs à ceux de l’indice MSCI World, ce qui montre que de couvrir l’ensemble des activités en amont est essentiel à une représentation fidèle des impacts.

Comment l’investisseur final peut-il être sûr qu’un portefeuille d’investissement est réellement vert et qu’il ne s’agit pas d’une simple tentative d’écoblanchiment.
Dans l’échantillon de fonds analysé, les émissions liées à la chaîne d’approvisionnement représentent plus de la moitié de l’impact total ; cela en fait un élément essentiel de la mesure des émissions, permettant de comprendre dans quelles industries un fonds devrait investir moins (ou plus) pour obtenir la plus grande réduction des émissions de GES.

Par exemple, une entreprise peut être la mieux classée de son secteur pour ses performances environnementales, son siège social utilisant par exemple 100 % d’énergie propre, tout en étant fortement dépendante de la production d’électricité à partir de combustibles fossiles en Chine pour la fabrication externalisée de ses produits.

Ainsi, des classifications plus strictes imposées par les régulateurs devraient aider les investisseurs à faire la distinction entre les véritables fonds responsables et les fonds qui utilisent simplement le développement durable comme outil de marketing. Cependant, sur le marché, seul un très faible pourcentage de fonds durables peut être identifié comme fonds d’impact et fonds actifs – des fonds qui ont un objectif précis en matière de durabilité et qui investissent activement dans ce sens.

La plupart des fonds ISR se contentent toutefois de suivre les indices du marché ou de sélectionner les meilleures entreprises de leur catégorie dans tous les secteurs, même si cela inclut les entreprises utilisant des combustibles fossiles, et d’orienter les portefeuilles vers des secteurs déjà décarbonés, tels que la technologie ou la santé, tout en conservant des entreprises polluantes.

Sans être de véritables fonds responsables ou verts, ces fonds peuvent également obtenir de meilleurs résultats en matière d’empreinte carbone que, par exemple, un fonds investissant dans la fabrication de matériaux pour la production d’électricité bas carbone, simplement en raison des activités énergivores auxquels ce dernier est exposé. C’est la raison pour laquelle l’évaluation de l’empreinte carbone totale (absolue) doit être complétée par une évaluation des progrès accomplis (relative) dans la réalisation des objectifs de décarbonation, afin que les fonds à impact ne soient pas pénalisés.

Enfin, si notre outil d’estimation peut permettre d’améliorer la compréhension et le calcul de l’impact, il peut y avoir des différences au niveau des sous-secteurs qui ne sont pas mesurables avec notre modèle – par exemple, la base de données utilisée n’offre pas de distinction entre la fabrication de véhicules électriques et de véhicules thermiques. À l’avenir, un niveau de détail plus fin des bases de données environnementales pour l’estimation d’empreinte carbone ainsi que la mise à disposition de données physiques (et non plus uniquement monétaires) de la part des entreprises permettront l’application plus robuste de la méthode ACV, garantissant de meilleures estimations des impacts environnementaux à l’échelle d’un fonds.

Notons cependant qu’une mesure complète des émissions de GES, y compris les impacts de la chaîne de valeur en amont, n’est qu’une pièce du puzzle dans la mesure de la contribution à la décarbonation, qui n’entraînera pas de changement à elle seule. Il est temps de passer de l’évaluation à l’action : les fonds d’investissement devraient estimer leur responsabilité totale dans les effets du changement climatique et donner la priorité à l’action, en s’engageant auprès des entreprises détenues afin d’enclencher de véritables changements et d’évaluer les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs de ces entreprises.

Prévenir les cancers en favorisant les comportements vertueux par la réglementation

Prévenir les cancers en favorisant les comportements vertueux par la réglementation


Arrêter de fumer, réduire sa consommation d’alcool, manger plus équilibré… Pour prévenir les cancers, l’incitation à changer les comportements ne suffit pas. Elle doit s’accompagner d’une réglementation stricte et de la suppression des produits industriels cancérigènes, affirment, dans une tribune au « Monde », quatre spécialistes universitaires.

A l’heure où Santé publique France et l’Institut national du cancer (INCa) révèlent que l’incidence des cancers a doublé en trente ans, la question se pose de savoir si ce gouvernement et ceux qui l’ont précédé ont conduit une politique préventive à la hauteur de ce problème majeur de santé publique.

Parmi ces cancers, quatre sur dix sont évitables, autrement dit n’apparaîtraient pas si l’exposition aux facteurs de risque connus était prévenue, aux premiers rangs desquels le tabac, l’alcool et l’obésité, soit 153 000 nouveaux cas par an en France. L’exemple de la lutte antitabac illustre deux grandes stratégies préventives mises en œuvre : l’une visant à informer le public, et l’autre s’attaquant à l’agent cancérigène.

Lutte contre le tabagisme, et lutte contre le tabac : quand les deux stratégies sont associées, des résultats tangibles sont observés. Les campagnes d’information, la loi Evin et les mesures qui ont suivi ont permis une réduction significative du tabagisme, même si aujourd’hui 12 millions de Français fument encore quotidiennement.

Force est de constater qu’en matière de cancers évitables c’est surtout la première stratégie qui est le plus largement mobilisée par les pouvoirs publics. Arrêter de fumer, réduire sa consommation d’alcool, manger plus équilibré sont les messages les plus diffusés pour diminuer les trois principaux facteurs de risque identifiés à ce jour.

On connaît pourtant les limites de cette approche. Quelle est la portée du message « bien manger, bien bouger » du ministère de la santé et de la prévention quand il s’inscrit en petites lettres au pied d’images publicitaires vantant les qualités gustatives d’aliments ultratransformés dont on sait qu’ils augmentent les risques d’obésité et de cancer ?

Est-il vraiment surprenant de constater un doublement du nombre de personnes obèses en vingt-cinq ans quand les gouvernements successifs ont été aussi peu enclins à réglementer l’offre industrielle en aliments obésogènes ? Les consommateurs sont avertis, mais cela exonère-t-il les pouvoirs publics de leurs responsabilités ? On peut le craindre en entendant les propos tenus par le président de la République, déclarant le 4 février 2021 que « 40 % des cancers pourraient être évités par des comportements plus vertueux ».

Le vertueux Eric Woerth devient dépensier en ralliant Macron !

Le vertueux Eric Woerth devient dépensier en ralliant Macron !

 

Eric Woerth , le très vertueux député ex LR qui condamnait la fuite en avant sur le plan financier se fait désormais depuis qu’il a rallié Macron un défenseur de la dépense publique. Changement de discours  :

L’inflation devrait grimper jusqu’à 5,4 % en juin, a indiqué lundi l’Insee. Les dispositifs de pouvoir d’achat promis par Emmanuel Macron verront-ils le jour rapidement ? « Il y a une grande partie des mesures qui ont été annoncées avant, ou pendant la campagne présidentielle, pour lesquelles il faut des lois. Insiste Eric Woerth.

Les taux d’intérêt remontent. Chaque point de hausse équivaut à des milliards d’euros d’intérêts supplémentaires sur notre dette. La souveraineté financière est-elle reléguée au second plan ? « Je n’ai pas changé d’un iota sur le sujet, assure Eric Woerth. Il faut juste changer de méthode. On pleure sur les finances publiques depuis vingt ans et ça ne s’arrange pas. Il faut, par exemple, substituer la qualité à la quantité des dépenses, rendre les services publics plus efficaces, investir, etc. »

Ledéficit commercial de la France atteint un nouveau record : 100 milliards d’euros en un an. Comment redresser la barre ? « Il faut regarder quel volume de budget peut être consacré, et quel niveau d’investissement peut être mis en œuvre. Car sans investissement, pas de compétitivité. Pour résoudre les problèmes de dépense publique et de dette, il faut transformer notre modèle productif. Il faut utiliser les phases de transition énergétique, transformer l’idée qu’on veut léguer à nos enfants une planète plus propre, etc. Il faut beaucoup investir, le pays comme les entreprises. Et il faut aussi revoir notre modèle de consommation : rapatrier des productions, relocaliser en Europe, etc. »

Pour un peu Eric Woerth deviendrait socialiste !

Sobriété économique : des comportements plus vertueux ?

Sobriété économique : des comportements plus vertueux ?

 

L’ethnologue constaterait , dans une tribune au « Monde », le décalage entre l’appel à la consommation et à la croissance, et les comportements, de plus en plus nombreux, visant à « ralentir » son mode de vie et son activité professionnelle.

 

Tribune. La bataille pour un ralentissement de nos modes d’existence et un consumérisme plus tempéré a commencé. Elle n’est plus la chasse gardée de militants écologistes, mais touche désormais toutes les classes sociales. La « sobriété » figure cette nouvelle humeur et se propage au fur et à mesure que des citoyens se lassent d’une société inadaptée aux nouveaux enjeux de la mutation climatique. 

La révolution silencieuse de la sobriété s’immisce dans de nombreux pans de nos vies, nous intimant en sourdine de ralentir nos cadences, n’en déplaise à la modernité qui nous pousse à la vitesse.

La sobriété incarne ce coup de frein à nos consommations, ce ralentissement de nos modes d’existence qui libère un nouvel horizon où la performance et la réussite à tout prix ne sont plus les signes inconditionnels de nos imaginaires de vies réussies. Que de chemin parcouru depuis l’ascétisme de quelques aficionados du plateau du Larzac dans les années 1970, sous l’œil goguenard de la société de l’époque…

Une enquête sur trois terrains (télétravail, habitat participatif, cadres « décrocheurs »), menée dans le cadre d’un travail doctoral par entretien et questionnaire entre juin et septembre 2021, met en lumière un décalage entre les incantations des politiques à consommer plus pour soutenir l’économie et une frange de la population, toutes classes sociales confondues, qui opte pour un ralentissement de son mode de vie. La nouvelle donne climatique n’est sans doute pas étrangère à cette nouvelle réflexion sur la vie matérielle.

 


 

Le dernier baromètre de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH) de juin 2021 souligne que près de trois employeurs sur dix sont confrontés au déménagement de leurs salariés depuis l’avènement du télétravail, marqueur d’une nouvelle sobriété.

Des espaces de solidarité

Des télétravailleurs, majoritairement trentenaires, quittent Paris pour migrer vers des lieux plus proches de la nature, loin du tumulte de la ville, d’autant plus que ce devenir urbain leur semble peu conciliable avec des projets d’enfants. Souvent originaires de province, ils optent pour un rapprochement familial plutôt que le choix d’une région « carte postale de vacances », même si les deux ne sont pas incompatibles.

Ce renouement avec la terre de son enfance et la famille élargie construit des espaces de solidarité qui, selon leurs dires, « adoucit et ralentit leur mode de vie ». Improviser une garde d’enfants, entreprendre des travaux dans son nouvel habitat devient plus aisé grâce au jeu des solidarités familiales et un voisinage que la grande ville avait en partie évincé, même si le tableau des retrouvailles avec le clan n’est pas exempt de tensions.

Le subjectivisme de Hayek revisité au service d’un libéralisme vertueux

Le subjectivisme de Hayek revisité au service d’un libéralisme vertueux

Ce que tente de faire THIERRY AIMAR, enseignant à Sciences Po dans une interview à la Tribune

 

THIERRY AIMAR -Hayek est un auteur incompris parce que caricaturé. A gauche comme à droite, on présente sa pensée de façon simpliste et réductrice. A gauche, on a fait de Hayek un économiste primaire qui voudrait appliquer au monde contemporain des préceptes ultralibéraux hérités du XIXe siècle totalement inadaptés aux enjeux actuels. A droite, il a été récupéré par les conservateurs, voire des réactionnaires qui dénaturent ses analyses pour défendre des corporations privées et préserver leurs rentes. Cette double déformation du message de Hayek a nui à l’appréhension objective de son œuvre qui ne saurait d’ailleurs se résumer à sa seule dimension économique.

 

En effet, dès le premier chapitre, vous en faites un précurseur des neurosciences, ce qui est une approche pour le moins singulière Le libéralisme de Hayek s’appuie sur une conception extrêmement fouillée, subtile, complexe du cerveau humain. Il est difficile d’appréhender sa pensée économique sans la relier à un subtil ensemble de connaissances qui touchent à la philosophie, à la psychologie, aux sciences sociales en général. Et la meilleure façon de découvrir le travail de Hayek est de l’aborder chronologiquement. Or à l’origine de sa pensée, on trouve une réflexion sur le cerveau humain, en particulier sur les racines neuronales du subjectivisme. Hayek cherche à comprendre, et avec lui l’ensemble de l’école autrichienne dont il est le représentant le plus connu, le subjectivisme humain, ses contraintes, comme ses vertus. Toute sa théorie peut être interprétée comme un gigantesque effort pour coordonner au mieux les caractéristiques subjectives du cerveau humain à l’environnement social.

Qu’est-ce qui différencie le subjectivisme de l’individualisme qui caractérise généralement le libéralisme?

L’individualisme est aujourd’hui vilipendé car il est souvent associé par ses critiques à la notion de matérialisme et de consumérisme ; par ailleurs, il est présenté comme un vecteur de dislocation sociale. L’individualisme hayekien s’oppose à ces deux images : d’une part, il renvoie fondamentalement à la notion de subjectivisme, lequel exprime le fait que tout individu est un être singulier, personnalisé dont l’épanouissement exige un effort spirituel, « intropreneurial » – comme je définis le terme dans mon ouvrage – pour s’exprimer et se découvrir lui-même. L’individualisme sans subjectivisme n’est qu’une coquille vide qui transforme l’esprit de l’acteur en une caisse de résonance des opinions collectives, des tendances qui sont dans l’air du temps, comme on le voit malheureusement trop souvent sur le Net ; d’autre part, pour Hayek, tout individu est lui-même inscrit dans un environnement social et ses propres représentations ne sont jamais totalement détachées d’un héritage culturel symbolisé par ce qu’il appelle des règles de juste conduite, c’est-à-dire un ensemble de traditions de conventions qui servent d’appui aux actions individuelles. Mais à l’intérieur de ce cadre, respecter et développer les subjectivités des acteurs, y compris en permettant aux plus entrepreneuriaux d’entre eux de remettre en cause certaines normes de manière à favoriser l’évolution des règles, constitue pour Hayek la condition sine qua non de la préservation d’un ordre social apte à faire survivre des milliards d’individus.

Vous insistez sur la démarche entrepreneuriale, y a-t-il un moment dans l’histoire où elle apparaît?

Sur le terrain économique, on la voit apparaitre en Occident à la fin du XVIIIe siècle pour se développer alors de manière croissante. Mais au milieu du XIXe siècle, des premiers conflits vont apparaitre entre les entrepreneurs et la bourgeoisie rentière, aristocratique et terrienne. En Angleterre, cette opposition va se traduire par une fracture au sein du Parti whig, dont certains membres vont rejoindre les Tories conservateurs, défenseurs des intérêts des possédants, alors que d’autres vont créer puis renforcer le parti libéral mené par Richard Cobden, représentant des défricheurs d’opportunités. On retrouve aujourd’hui l’équivalent de ces conflits entre une droite patrimoniale désireuse de stabilité et un entrepreneuriat qui bouleverse par ses découvertes l’ensemble des activités et remet en question toutes les rentes de situation.

Quand vous dites entrepreneuriat, cela ne se réduit pas uniquement à l’entrepreneur économique?

Effectivement, et ce point est crucial. L’entrepreneur au sens économique du terme désigne l’individu dont la tâche est de débusquer des opportunités de profit et de permettre la formation des prix. Mais pour Hayek, l’entrepreneuriat économique est lui-même un sous-ensemble d’une fonction plus large de découverte de nouvelles pratiques permettant une meilleure mobilisation des connaissances subjectives de chacun. On trouve donc des entrepreneurs en matière d’art, de science… autant de pionniers, d’innovateurs, d’avant-gardistes qui, souvent en opposition avec leurs contemporains conservateurs, inventent dans la pratique de nouvelles façons d’économiser des ressources en permettant à chacun de mieux accéder à son propre environnement intérieur. En dernière analyse, chacun cherche à savoir qui il est. Cette dimension psychologique est fondamentale chez Hayek. En l’absence d’individus fermement décidés à découvrir leur propre territoire subjectif car conscients de cette nécessité pour parvenir à leur équilibre intérieur, le libéralisme économique et la liberté tout court n’auraient aucune utilité.

Vous soulignez le fait que Hayek défend davantage les entrepreneurs que les capitalistes. Quelle différence faites-vous entre ces fonctions?

L’entrepreneur est celui qui réduit l’ignorance dans la société, en percevant dans l’économie des opportunités de production et d’échanges de biens mutuellement favorables, mais jusqu’alors ignorées par les autres individus. Mais il ne dispose pas forcement du capital pour exploiter ces opportunités. Il a donc besoin des capitalistes qui peuvent lui prêter les facteurs productifs dont ils sont propriétaires. Hayek défend les entrepreneurs en considérant que les capitalistes doivent être à leur service. Or les intérêts des capitalistes et des entrepreneurs ne sont pas nécessairement convergents. C’est un point important chez Hayek. Il se méfie, à l’instar d’Adam Smith, des capitalistes. Car ceux-ci cherchent à maximiser leurs revenus. Or moins il y a de capital, plus il sera demandé, ce qui permet aux capitalistes de le faire payer plus cher à ceux qui veulent l’utiliser.

Cela semble paradoxal aux yeux de l’opinion commune qui, généralement, y voit une convergence…

En effet. Mais alors que la préoccupation de chaque entrepreneur est de pouvoir entrer sur les marchés et de bénéficier d’un maximum de ressources pour exploiter ses découvertes, l’intérêt de chaque capitaliste est d’essayer de s’allier aux autorités politiques pour limiter les innovations et fermer la porte aux entrepreneurs qui menacent la réalisation des activités courantes. Les capitalistes des pays de l’Ancien monde sont les premiers à prôner des protections contre le déferlement d’activités entrepreneuriales qui se développent dans les pays émergents parce qu’elles menacent leurs rentes de situations. Il ne faut donc pas mélanger l’intérêt des capitalistes et ceux des entrepreneurs. Un économiste keynésien comme Joseph Stiglitz se plaint du fait que la concurrence soit entravée par des grands groupes privés qui développent le « crony capitalism » (capitalisme de connivence). Hayek pourrait fort bien aujourd’hui rejoindre ces positions et se montrer très critique envers ces monopoles qui se sont constitués dans des secteurs stratégiques. Dans « La route de la servitude » (1944), il est le premier à dénoncer ces corporations et intérêts organisés qui s’efforcent d’installer des barrières à l’entrée sur leurs propres marchés. Hayek n’est pas simplement l’ennemi de la rente publique ; il est l’ennemi de la rente tout court.

Pourtant, la concurrence guide la politique de la Commission européenne, comme on l’a vu récemment dans le refus de la fusion entre Alstom et Siemens…

Je suis favorable à titre personnel à la décision de la Commission car elle est cohérente avec la défense des intérêts des consommateurs européens dont elle a la charge. Même s’il y a des rapports de forces au niveau international, favoriser une concentration par des moyens artificiels ne réussira pas à améliorer les choses.

Mais ne pensez-vous pas que seule la puissance publique soit en capacité de lutter contre les positions dominantes de firmes telles que les Gafam pour favoriser le retour à la concurrence?

Il est utopique de penser aujourd’hui qu’une autorité publique aura la puissance cognitive suffisante pour gagner la partie face à des groupes de dimension internationale. Ce n’est pas une réglementation ou une fiscalité de plus ou de moins qui y changera quoi que ce soit. Et cela risque d’engendrer plus d’effets pervers que d’avantages car les Etats eux-mêmes ne sont pas exempts d’intérêts particuliers dans ces affaires. Ils peuvent produire beaucoup de dégâts dans des secteurs qui ont été à la source de l’innovation ces dernières années.

D’autant que certaines sociétés comme Google proposent des services gratuits qui ont du succès auprès des usagers… Qui peut faire mieux aujourd’hui?

A l’intérieur de ce paradigme, cela semble en effet difficile. Toutefois, ces firmes ne sont pas destinées à être éternelles. Il existe une concurrence entre des paradigmes sur ces marchés: de nouvelles formes d’accès à l’information peuvent émerger d’un instant à l’autre qui rendraient obsolètes les technologies actuelles. Au regard de la croissance exponentielle des innovations, des géants comme Google ou Amazon pourraient fort bien être renversés du jour au lendemain par de nouveaux paradigmes formés dans l’esprit d’un futur Bill Gates. L’avenir étant inconnu, il est difficile d’anticiper les futures technologies qui pourront remplacer des compétences qui ne sont finalement présentes et dominantes que depuis une dizaine d’années.

Il est vrai que Google n’a à peine que 15 ans…

Oui, ce n’est rien à l’échelle historique. Avant Google, il y avait Altavista, et il y aura un après-Google, comme il y a eu un après Standard Oil de Rockfeller. En terme statistique, de nouvelles formes d’accès et de traitement de l’information seront probablement disponibles demain. Des changements de paradigme technologique peuvent réduire en quelques années des entreprises extrêmement puissantes en petites firmes enfermées dans des niches. L’histoire l’a souvent montré. On a connu un tel débat à la fin du XIXe siècle avec Rockfeller, Carnegie… Cela dit, il convient de se méfier. Les grandes firmes installées dont nous parlons sont puissantes. Elles peuvent bénéficier du soutien direct ou indirect de la puissance publique pour protéger leurs intérêts. Par ailleurs, ces monopoles trouvent un enjeu particulier car les nouvelles technologies qu’elles inventent et propagent ne se cantonnent pas à la sphère économique mais à l’intégralité de nos existences puisque nous sommes connectés du matin jusqu’au soir sur nos téléphones portables et à des réseaux sociaux chronophages qui accaparent de plus en plus nos esprits. Elles pénètrent la vie quotidienne en autorisant de moins en moins de substituts à des pratiques digitales. Cette intrusion numérique change les mentalités et peut potentiellement poser un problème pour le subjectivisme. Il faut donc l’analyser de manière attentive, mais en restant humble car l’économie contemporaine pose de nouvelles questions qui exigent des réponses inédites.

Comment favoriser alors la concurrence ?

Le problème de fond est l’identification des barrières à l’entrée d’un marché. Il faut ensuite intégrer de nombreuses données dont celui du coût de la lutte contre ces barrières. L’interventionnisme a un prix, qu’il convient de mesurer avant de faire n’importe quoi. La solution me semble plus devoir être trouvée dans la société civile. Une meilleure sensibilisation des consommateurs aux pratiques non-concurrentielles des firmes pourrait avoir des impacts bien plus efficaces qu’une énième législation qui sera rapidement détournée de sa finalité première. Cela ne signifie pas que politiquement, il faille être passif. Il importe de ne pas caricaturer une pensée libérale en la réduisant à un seul « laissez faire », qui ne voudrait s’occuper de rien. Ce n’est pas ce que pensait Friedrich Hayek. La liberté des contrats n’est pas le principe ultime du libéralisme. Certains contrats doivent être avalisés par l’autorité, d’autres non. Par exemple, on pourrait s’interroger sur la légitimité des stratégies de rachat par les grandes firmes de leurs propres actions, ou encore d’acquisition de brevets destinés ensuite à être gelés, afin qu’une innovation ne menace pas les quasi-rentes du moment. Après un examen attentif, ces pratiques pourraient être jugées comme des formes de rent-seeking ou des barrières à l’entrée à l’exploitation de découvertes entrepreneuriales. Ce sont des questions qui demandent des réponses au cas par cas, en comparant le mieux possible les gains et les coûts d’une intervention et, surtout, en faisant preuve de subtilité. Il s’agit avant tout de protéger le cœur de l’économie de marché, autrement dit la dynamique entrepreneuriale.

Depuis la crise financière de 2008, il y a une demande d’un Etat fort, censé être protecteur face aux effets de la mondialisation. Que vous inspire ce nouveau contexte ?

Rappelons que la crise financière de 2008 n’est pas le produit du libéralisme mais des banques centrales, dont Hayek se méfiait à juste titre comme de la peste car elles ont toujours été à la source des grandes crises du capitalisme contemporain. Elle résulte de politiques monétaires irresponsables, en particulier de la baisse des taux en 2001 initiée par Alan Greenspan. On se trouve aujourd’hui dans une impasse car on est incapable de remonter les taux alors même qu’il existe un déséquilibre fondamental entre l’offre d’épargne (en termes réels et non monétaires) qui se réduit de plus en plus, et des demandes de financement entrepreneurial qui s’envolent quant à elles. Cela explique le transfert massif des liquidités vers les capitalistes car les ressources réelles sont tellement rares par rapport à la masse de liquidités que les entrepreneurs sont obligés de donner davantage d’argent aux capitalistes pour pouvoir y accéder. Les inégalités de richesse en faveur de la propriété du capital, dénoncées par Paul Krugman et par Thomas Piketty, ne sont donc pas la conséquence du libéralisme, mais de politiques monétaires désordonnées qui injectent des liquidités dans des proportions beaucoup plus importantes que le volume de capital réel existant.

Sur quoi va déboucher selon vous cette politique de taux bas?

Tout le monde s’accorde sur la nécessité de les remonter mais personne ne sait comment faire. En cas de hausse, nombre d’Etats ne sauront pas comment rembourser leurs dettes qui, il faut le rappeler, augmentent d’année en année de manière globale. Il est difficile de concilier le cycle économique et le cycle politique qui a besoin de ressources à court terme. Je suis pessimiste pour la suite parce que je ne vois pas comment cette situation pourrait perdurer. La réalité empêchée de passer par la porte reviendra tôt ou tard par la fenêtre. Comme d’habitude, ce seront les travailleurs et les épargnants qui en feront les frais.

Face à cette situation, certains économistes développent une Théorie monétaire moderne (TMM), qu’en pensez-vous?

Ce n’est pas la première fois qu’on voit revenir sur la scène ce type de théories. Silvio Gesell (1862-1930) martelait déjà à son époque la nécessité d’un crédit gratuit. Pour Hayek, monétiser la dette publique, laisser perdurer les déficits correspond à une politique du « desperado », une fuite en avant pour éviter des problèmes qui, repoussés à des échéances plus lointaines, amplifieront encore plus les difficultés s’il était encore possible.

Vous avez clarifié le rapport de Hayek à la Banque centrale mais qu’en est-il de son rapport à l’Etat?

Rappelons qu’Hayek a été le premier à prôner une privatisation des banques centrales. La concurrence monétaire entre des devises émises par des opérateurs privés permettrait aux bonnes monnaies de chasser les mauvaises, à l’inverse de la loi de Gresham qui ne s’applique qu’à des devises monopolisées. Quant à l’Etat, Hayek n’est pas un anarcho-capitaliste : il ne vise pas sa suppression. Pour lui, un régulateur est nécessaire afin de définir quels types de contrats sont autorisables ou non. Mais l’Etat lui-même fait partie d’un ensemble plus vaste que j’appelle les territoires du libéralisme, dont il faut penser l’intégration pour espérer que sa politique soit efficace. L’Etat minimal ne constitue donc pas un point de départ, mais d’arrivée. Il importe qu’il y ait un contexte psychologique, sociétal, économique qui permette à l’Etat de rester libéral. S’il existe une forte demande sociale d’interventionnisme, des gens organisés qui désirent protéger des rentes de situation au détriment de la créativité entrepreneuriale, l’Etat ne pourra pas rester limité. C’est aspect est important chez Hayek. L’économie libérale ne peut se penser que dans un contexte plus large où doivent dominer des valeurs et des comportements particuliers, basés sur l’échange et non le statut, sur le respect de la subjectivité et non le règne de l’arbitraire. Sans ce terreau, toute déréglementation sauvage enclencherait alors des résultats socialement catastrophiques et n’aboutirait qu’à accroître les inégalités en favorisant les rentiers du jour. Selon moi, c’est ce qui différencie le néolibéralisme d’un libéralisme classique représenté par Hayek. Le premier considère que toute libéralisation économique produira par des effets de ruissellement bénéfiques dans toute la société. Le libéralisme classique, lui, veut d’abord s’assurer que le terreau institutionnel, social, psychologique soit adapté à ce type d’aventure. Si on veut éviter un fiasco, il faut veiller à la présence et à l’équilibre de tous les territoires nécessaires à la réussite des réformes libérales. En leur absence, elles seront détournées par des corporatismes organisés qui s’approprieront la création de valeur.

L’une des critiques adressées à Hayek, notamment par les tenants d’une perspective inspirée de John Rawls, est son refus de toute « justice sociale »…

Oui, c’est le type même de faux concept à ses yeux. La position de Hayek me semble fondamentale car s’il y a bien un concept que l’on soit incapable de définir, c’est celui de justice sociale : chacun a sa propre conception du « bon » revenu. Toute discussion à ce sujet exprime des jugements de valeur qui débouchent sur des chocs de croyance et la guerre des dieux à travers laquelle chacun cherche à imposer aux autres ses propres critères. Sur le fond, la justice sociale consiste à penser que la société est responsable des situations individuelles. Or, la « société » n’existe pas, c’est un concept holiste. Que quelqu’un soit petit ou grand, beau ou laid, possesseur ou non de talents, la société n’en est pas responsable en tant que telle si elle est le résultat de l’interaction spontanée des activités individuelles. Dans ce contexte, que peut signifier alors un principe de justice sociale? Que le marché ne récompense pas justement les agents ! Mais une telle situation ne peut s’expliquer que par des barrières à l’entrée qu’il conviendrait alors d’identifier et de faire sauter. A l’opposé, si un marché fonctionne bien, s’il n’y a pas d’interférence, pas d’intérêts organisés qui manipulent la distribution des revenus, bref si la concurrence joue son rôle, chacun est nécessairement rétribué à hauteur de ce qu’il apporte à la collectivité. A partir de là, redistribuer les revenus au nom d’un principe de justice sociale (que chacun s’efforce de définir à son propre avantage) implique de prendre dans la poche de l’un une partie de sa contribution à la création de valeur pour la placer arbitrairement dans la poche de l’autre. Tout cela contribue à une société de défiance. Par ailleurs, la volonté d’appliquer un principe de justice sociale désoriente le système spontané de prix qui envoie un signal sur l’intérêt social de telle ou telle fonction. Elle désincite les acteurs à se détourner de certains métiers pour s’orienter vers de nouvelles compétences. On empêche par-delà même la bonne articulation des activités à l’évolution de la structure des besoins.

Pour autant, il existe des inégalités qui ne sont pas imputables à ceux qui sont les moins favorisés. Que propose Hayek?

C’est un aspect méconnu, mais Hayek est le pionnier du revenu d’assistance. Il l’a proposé dès 1944 dans « La route de la servitude », bien avant les débats sur le revenu minimal ou sur l’impôt négatif. Il faut évidemment veiller aux modalités de son application et ne pas enfermer les gens dans des trappes à assistance qui leur permettraient de ne plus affronter le marché s’ils en sont de nouveau capables. La catallaxie (comme Hayek l’appelle) est un jeu dont le résultat dépend de ses propres talents mais aussi du hasard. Ce dernier peut prendre la forme d’un concurrent qui émerge avec un nouveau produit. Cela fait partie des règles. Vouloir supprimer ce hasard revient à emprunter la route de la servitude, car en voulant contrôler de plus en plus les activités marchandes dans un système totalement dirigiste, vous tuez dans l’œuf toute velléité entrepreneuriale.

Pour Hayek, le marché n’est pas un jeu de dupes mais un producteur d’informations…

Oui, pour lui, le marché est tout simplement un processus de découverte et de communication sur ce que les gens pensent et savent. A travers l’entrepreneuriat, les prix issus des échanges expriment un transfert spontané des connaissances des individus à d’autres individus. Bien évidemment, il ne s’agit pas d’enregistrer passivement les prix mais de les interpréter pour savoir ce que seront les besoins futurs et construire les opportunités de demain. Cela fait partie aussi de la démarche entrepreneuriale.

Vous insistez dans votre ouvrage sur la différence entre libéralisme et conservatisme. Pourquoi?

Car les gens assimilent communément les deux. J’y vois l’origine de la haine du libéralisme, car on considère souvent que celui-ci est à la botte des privilégiés et n’a d’autre vocation que de légitimer et défendre la richesse des possédants. Comme je l’explique dans l’épilogue, en mêlant baisse de la fiscalité sur le capital, protectionnisme aux frontières et réduction de la concurrence en général, on ne fabrique pas du libéralisme mais des rentiers. Le libéralisme, ce n’est pas la protection de la rente privée.

L’un des concepts clés chez Hayek est celui d’ordre spontané, une notion difficile à appréhender, au carrefour du droit, des normes, de la tradition de l’économie… Comment la définiriez-vous?

Suivant la formule d’Adam Ferguson ayant inspiré Hayek, les ordres spontanés sont le produit de l’action des hommes, mais non de leurs desseins. Ils représentent un ensemble de valeurs, d’institutions formelles et non formelles, qui participent de ce que j’ai nommé plus haut les territoires du libéralisme. Pour qu’une politique économique libérale puisse durer et produire des résultats positifs, il importe qu’il y ait un substrat culturel, social, psychologique particulier dont l’évolution est spontanée. Pour Hayek, ce substrat ne peut être contrôlé avec succès car il contient davantage d’informations qu’aucune autorité régulatrice n’est capable d’en manipuler. Cela ne signifie pas pour autant, et Hayek a souvent été caricaturé sur ce point, que l’ordre spontané débouche nécessairement sur quelque chose de positif. Il est le premier à énoncer qu’on n’a aucune garantie sur ses issues favorables. Sur un terreau malsain, le développement spontané de l’interaction des individus peut créer des situations conflictuelles et des équilibres pervers, où les mauvais comportements chassent les bons. Pour limiter ce type de situations, Hayek considère qu’il faut développer au maximum la compétition entre des groupes différents de règles, ce qui augmente les probabilités de découvrir les meilleures pratiques et de faire disparaître les mauvaises par des processus de sélection et d’imitation. Cette démarche est préférable selon lui à une volonté de régulation centrale, qui relève de ce qu’il appelle le constructivisme. Cela est utopique et ne peut mener que tout droit au totalitarisme.

Que penserait Hayek aujourd’hui d’un phénomène comme le réchauffement climatique?

Il se demanderait comment on a pu en arriver là. Il y a évidemment une longue réflexion sur l’économie de l’environnement. Ronald Coase en 1960 a publié ce fameux article intitulé Le coût social où il prônait la privatisation de l’environnement. A l’époque, le problème ne se posait pas dans les termes aussi aigus qu’aujourd’hui. Désormais, nous avons le choix entre deux attitudes. Soit on continue à s’épuiser comme depuis 20 ans à chercher des accords internationaux limitant la production de CO2, avec tout le succès que l’on connaît ; soit on essaie d’encourager par des incitations des innovations entrepreneuriales susceptibles de dépolluer l’environnement. Peut-être suis-je trop optimiste, mais je pense qu’il serait plus efficace d’offrir des récompenses financières à des entrepreneurs capables de trouver des solutions marchandes au problème du réchauffement climatique plutôt que de compter sur des Etats incapables de s’accorder sur ces enjeux pourtant cruciaux.

« Hayek. Du cerveau à l’économie » par Thierry Aimar, éditions Michalon, 125 pages, 12 euros

Propos recueillis par Robert Jules

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(*) Thierry Aimar est maître de conférences en sciences économiques à l’université de Lorraine, et enseigne la neuroéconomie à Sciences Po. Parmi ses publications, signalons « Les Apports de l’école autrichienne d’économie. Subjectivisme, ignorance et coordination », éd. Vuibert, 316 pages, 29 euros.

Écotaxe: « Il y a un aspect vertueux » !!! (Cuvillier)

Écotaxe: « Il y a un aspect vertueux » !!! (Cuvillier)

 

Cuvillier qui pourtant a été ministre des transports persiste et signe pour le rétablissement de l’écotaxe. Ecotaxe dont il apprécie les aspects vertueux !  Résumons, l’écotaxe est une  taxe supplémentaire. Donc par définition elle vient alourdir encore les prélèvements obligatoires notamment sur un secteur déjà très fragilisé, le secteur de transport routier. Deuxième élément cette fiscalité est une  cathédrale administrative et très coûteuse. Le cout de la collecte serait de l’ordre de 20% un record ! Cuvillier laisse entendre que cette taxe affecterait le transit étranger. Mais il  devrait savoir que c’est impossible compte tenu de la régulation européenne ; Si on taxe les étrangers, il faut taxer de la même manière les transporteurs français. Cuvillier oublie surtout de parler de la fiscalité automobile car les automobilistes des électeurs pour les prochaines élections régionales. Pourtant le principal enjeu ceste de favoriser le transit de flux de personnes vers des transports collectifs. Il n’a aucune logique économique à taxer le trafic fret au bénéfice du trafic de personnes. S’il faut vraimenet des ressources nouvelles, dommage vraiment qu’on ne profite pas de la baisse du prix  du carburant pour l’augmenter de quelques centimes, ce serait tellement plus simple ! À seulement quatre mois des élections régionales, Frédéric Cuvillier a jeté un pavé dans la marre en émettant le souhait de voir renaître l’écotaxe au niveau des régions. Des remous immédiatement calmés par le cabinet du Premier ministre qui lui a attribué une fin de non-recevoir. Pourtant, l’ancien ministre des Transports ne semble toujours pas décidé à oublier sa proposition et souhaite la voir discutée dans un débat public. Le député-maire de Boulogne-sur-Mer dans le Nord-Pas-de-Calais estime que les régions frontalières ont besoin de cette mesure et qu’elles ont vocation à en décider individuellement.  « La proposition, c’est celle qui est appliquée chez nos voisins. Nous sommes une région frontalière, et les régions frontalières françaises sont confrontées au fait que les Allemands ou les Belges sont en train de mettre des dispositifs qui taxent le transport poids lourds de marchandises et de transit. Pour le plan d’ensemble que je propose au débat public, il appartiendra aux représentations régionales, dans le respect du principe constitutionnel de libre administration des collectivités, d’en décider« , explique-t-il ainsi au micro de RTL.  Invité de RTL SoirFrédéric Cuvillier a révélé ne pas s’être entretenu avec le Premier ministre Manuel Valls suite à son refus de voir l’écotaxe refaire surface. L’ancien ministre des Transports se défend pourtant avec des arguments de poids qui s’inscrivent dans la logique de plusieurs directives gouvernementales. « Je n’ai pas eu le Premier ministre. Nous avons à échanger sur cette question et une fois encore ce qui est important c’est la confiance qu’il doit y avoir entre les élus et l’État, d’autant que cela va dans le sens des évolutions législatives voulues par le gouvernement. Celles d’une régionalisation plus grande avec des régions nouvelles, des compétences approfondies et la loi de transition énergétique qui permet la mise en place de plans climat et énergie régionaux ».  Tout en expliquant que les régions avaient donc vocation à décider de l’utilisation ou non de cette « taxe transit » après l’avoir soumise au débat public, le député du Nord-Pas-de-Calais a également abordé les bénéfices économiques que sa région en tirerait, grâce notamment aux financements récupérés par la taxe. « Il y a un aspect vertueux dans une région qui est touchée par le chômage, c’est de pouvoir relancer des infrastructures (…), il y a de grands chantiers d’infrastructure parce que notre région est la plaque tournante du transport européen et de ses flux. Nous devons donc en tirer profit« , conclut-il sur RTL.

 

 

L’Eurogroup pour un pacte de croissance vertueux

L’Eurogroup pour un pacte de croissance vertueux

 

 

Il faut du temps pour que les « experts »  comprennent le cercle vicieux dans lequel est engagé l’Europe. La  réflexion avance (trop peu et pas assez vite évidemment) ;et   le président de l’Eurogroup veut une politique qui encourage au lieu de sanctionner. Donc pas de politique budgétaire punitive comme actuellement. En gros lier investissements, souplesse budgétaire et efforts structurels. Le président de l’Eurogroup, le Néerlandais Jeroen Dijsselbloem, a donc proposé vendredi un nouveau pacte de croissance européen qui récompenserait les Etats mettant en œuvre des réformes en leur accordant des financements communautaires et des marges de manœuvres en termes de déficit budgétaire. « Nous devons essayer de rédiger un nouveau pacte de croissance pour l’Europe », a dit dans un entretien à Reuters celui qui préside actuellement les réunions mensuelles des ministres des Finances de la zone euro. Le projet qu’il évoque lierait la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE), l’évaluation des politiques budgétaires des Etats de la zone euro, les progrès réalisés en matière de réformes et les projets d’investissement. « Nous étudions les budgets, les réformes, ce que fait la BCE, nous réfléchissons à la manière de renforcer les investissements. Aujourd’hui, ces politiques sont séparées; j’aimerais les lier », a-t-il expliqué. « Cela vaudrait le coup de rassembler ces quatre volets et d’avoir un accord politique sur la manière dont ils sont liés. » « Il faudra une avancée politique pour rassembler ces volets », a-t-il reconnu. « Certains disent: ‘faisons plus d’investissement’, d’autre ‘faisons plus de discipline budgétaire’, et les réformes structurelles se retrouvent abandonnées entre les deux. Si nous lions les trois, cela peut donner un mécanisme puissant. » Il a estimé que les gouvernements qui entreprennent des réformes permettant de restaurer la confiance, d’améliorer la compétitivité de l’économie, d’attirer les investisseurs, d’augmenter le niveau des dépenses de recherche et de développement et de promouvoir la qualité de la main-d’œuvre devaient être récompensés par des marges de manœuvre concernant le respect des règles communes en matière de déficits.  

 




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