Archive pour le Tag 'utopie'

Société-Indépendance de la justice : une utopie

Indépendance totale de la justice : une utopie


La référence sacrée à l’indépendance de la justice de la part des juges et de leurs organisations corporatistes relèvent évidemment de l’utopie. Qui peut en effet se prétendre complètement indépendant. Chaque juge, professionnel ou non, émet un jugement sur un événement en rapport certes à des textes juridiques mais aussi à ses références intellectuelle et culturelle. La partialité est consubstantielle à l’interprétation juridique. Pour preuve des milliers et des milliers de jugements différent pour les mêmes fautes et délits. Exemple aujourd’hui même malgré le drame de la mort de Thomas à Crépol, on remet en liberté le responsable du même acte barbare perpétré à Metz après seulement un an de détention.

Dans les affaires politico judiciaires la justice autorise la sollicitation des nombreuses procédures qui permettent de faire durer les procès pendant des années voir des dizaines d’années jusqu’à la disparition des coupables et par usure et fatigue de l’opinion de tous.

Aujourd’hui, la majorité des juges sont orientés plutôt à gauche et se caractérisent par un certain laxisme vis-à-vis des auteurs d’infractions et de délits qui pourrissent la société. Au nom forcément d’une certaine idéologie. Mais que se passerait-il le jour où les syndicats des juges et leur administration passeront à l’extrême droite ? La fameuse indépendance pourrait alors favoriser les répressions comme dans la plupart des pays illibéraux.

Il y a de toute évidence urgence à engager un grand débat sur la justice, sa place dans la société et les conditions d’exercice de cette fonction. Sinon le risque est grand d’une judiciarisation de la société, politique comprise.

Indépendance de la justice : une utopie !

Indépendance de la justice : une utopie !

La référence sacrée à l’indépendance de la justice de la part des juges et de leurs organisations corporatistes relèvent évidemment de l’utopie. Qui peut en effet se prétendre complètement indépendant. Chaque juge, professionnel ou non, émet un jugement sur un événement en référence certes à des textes juridiques mais aussi à ses références intellectuelles et culturelles. La partialité est consubstantielle à l’interprétation juridique. Pour preuve des milliers et des milliers de jugements différent pour les mêmes fautes et délits. Exemple aujourd’hui même malgré le drame de la mort de Thomas à Crépol, on remet en liberté le responsable du même acte barbare perpétré à Metz après seulement un an de détention.

Dans les affaires politico- judiciaires la justice autorise la sollicitation des nombreuses procédures qui permettent de faire durer les procès pendant des années voir des dizaines d’années jusqu’à la disparition des coupables et par usure et fatigue de l’opinion de tous.

Aujourd’hui, la majorité des juges sont orientés plutôt à gauche et se caractérisent par un certain laxisme vis-à-vis des auteurs d’infractions et de délits qui pourrissent la société. Au nom forcément d’une certaine idéologie. Mais que se passerait-il le jour où les syndicats des juges et leur administration passeront à droite ? La fameuse indépendance pourrait alors favoriser les répressions.

Il y a de toute évidence urgence à engager un grand débat sur la justice, sa place dans la société et les conditions d’exercice de cette fonction. Sinon le risque est grand d’une judiciarisation de la société, politique comprise.

Le concept d’indépendance de la justice : une utopie !

Le concept d’indépendance de la justice : une utopie !

La référence sacrée à l’indépendance de la justice de la part des juges et de leurs organisations corporatistes relèvent évidemment de l’utopie. Qui peut en effet se prétendre complètement indépendant. Chaque juge, professionnel ou non, émet un jugement sur un événement en référence certes à des textes juridiques mais aussi à ses références intellectuelles et culturelles. La partialité est consubstantielle à l’interprétation juridique. Pour preuve des milliers et des milliers de jugements différent pour les mêmes fautes et délits. Exemple aujourd’hui même malgré le drame de la mort de Thomas à Crépol, on remet en liberté le responsable du même acte barbare perpétré à Metz après seulement un an de détention.

Dans les affaires politico- judiciaires la justice autorise la sollicitation des nombreuses procédures qui permettent de faire durer les procès pendant des années voir des dizaines d’années jusqu’à la disparition des coupables et par usure et fatigue de l’opinion de tous.

Aujourd’hui, la majorité des juges sont orientés plutôt à gauche et se caractérisent par un certain laxisme vis-à-vis des auteurs d’infractions et de délits qui pourrissent la société. Au nom forcément d’une certaine idéologie. Mais que se passerait-il le jour où les syndicats des juges et leur administration passeront à droite ? La fameuse indépendance pourrait alors favoriser les répressions.

Il y a de toute évidence urgence à engager un grand débat sur la justice, sa place dans la société et les conditions d’exercice de cette fonction. Sinon le risque est grand d’une judiciarisation de la société, politique comprise.

Société- L’indépendance de la justice : une utopie !

Société- L’indépendance de la justice : une utopie !


La référence sacrée à l’indépendance de la justice de la part des juges et de leurs organisations corporatistes relèvent évidemment de l’utopie. Qui peut en effet se prétendre complètement indépendant. Chaque juge, professionnel ou non, émet un jugement sur un événement en référence certes à des textes juridiques mais aussi à ses références intellectuelles et culturelles. La partialité est consubstantielle à l’interprétation juridique. Pour preuve des milliers et des milliers de jugements différent pour les mêmes fautes et délits. Exemple aujourd’hui même malgré le drame de la mort de Thomas à Crépol, on remet en liberté le responsable du même acte barbare perpétré à Metz après seulement un an de détention.

Dans les affaires politic- judiciaires la justice autorise la sollicitation des nombreuses procédures qui permettent de faire durer les procès pendant des années voir des dizaines d’années jusqu’à la disparition des coupables et par usure et fatigue de l’opinion de tous.

Aujourd’hui, la majorité des juges sont orientés plutôt à gauche et se caractérisent par un certain laxisme vis-à-vis des auteurs d’infractions et de délits qui pourrissent la société. Au nom forcément d’une certaine idéologie. Mais que se passerait-il le jour où les syndicats des juges et leur administration passeront à droite ? La fameuse indépendance pourrait alors favoriser les répressions.

Il y a de toute évidence urgence à engager un grand débat sur la justice, sa place dans la société et les conditions d’exercice de cette fonction. Sinon le risque est grand d’une judiciarisation de la société, politique comprise.

L’indépendance de la justice : une utopie

L’indépendance de la justice : une utopie


La référence sacrée à l’indépendance de la justice de la part des juges et de leurs organisations corporatistes relèvent évidemment de l’utopie. Qui peut en effet se prétendre complètement indépendant. Chaque juge, professionnel ou non, émet un jugement sur un événement en référence certes à des textes juridiques mais aussi à ses références intellectuelle et culturelle. La partialité est consubstantielle à l’interprétation juridique. Pour preuve des milliers et des milliers de jugements différent pour les mêmes fautes et délits. Exemple aujourd’hui même malgré le drame de la mort de Thomas à Crépol, on remet en liberté le responsable du même acte barbare perpétré à Metz après seulement un an de détention.

Dans les affaires politico judiciaires la justice autorise la sollicitation des nombreuses procédures qui permettent de faire durer les procès pendant des années voir des dizaines d’années jusqu’à la disparition des coupables et par usure et fatigue de l’opinion de tous.

Aujourd’hui la majorité des juges sont orientés plutôt à gauche et se caractérisent par un certain laxisme vis-à-vis des auteurs d’infractions et de délits qui pourrissent la société. Au nom forcément d’une certaine idéologie. Mais que se passerait-il le jour où les syndicats des juges et leur administration passeront à droite ? La fameuse indépendance pourrait alors favoriser les répressions.

Il y a de toute évidence urgence à engager un grand débat sur la justice, sa place dans la société et les conditions d’exercice de cette fonction. Sinon le risque est grand d’une judiciarisation de la société, politique comprise.

Énergie : 45 % de renouvelables en 2035 ? Une utopie totale

Énergie : 45 % de renouvelables en 2035 ?  Une utopie totale

Du fait  de la traditionnelle période de vacances estivales, la presse et le Monde en particulier ont du mal à remplir leurs colonnes. Du coup émergent  des tribunes de lobbys complètement extravagantes. Ainsi celle  Katherine Poseidon et Craig Windram, dirigeants du producteur d’énergie Voltalia, dans une tribune au « Monde » qui propose 45 % de renouvelables en matière d’énergie d’ici 15 ans. Pas un mot sur l’énergie nucléaire en France qui pourtant produit 70 % d’électricité.

Leur solution: doubler la part des éoliennes par exemple en dix ans. Rappelons qu’il faut en moyenne autour de 1000 éoliennes pour remplacer  un seul réacteur nucléaire classique et environ 1500 pour un EPR. En clair , il faudrait couvrir la France d’éoliennes dont par ailleurs on connaît le caractère intermittent et qui doivent être doublées  par des centrales le plus souvent alimentées  par l’énergie fossile! Bref dans cette période agitée par la question de l’énergie, les utopies les plus ridicules peuvent émerger.Et par paresse sans doute, le   Monde  autorise à remplir ses colonnes avec les revendications des lobbyistes.

 

Le plan REPowerEU de l’Union européenne (UE), qui vise à mettre fin à sa dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles russes, fixe des objectifs de production d’énergie renouvelable nécessitant une transformation majeure du secteur européen de l’énergie. Pour répondre à la demande d’électricité de l’Europe en l’absence de gaz russe, il faudra plus que quadrupler notre capacité d’énergie solaire et plus que doubler notre capacité d’énergie éolienne d’ici à 2030.

Cela signifie ajouter en moyenne 38 GW de nouvelles centrales éoliennes par an (à comparer aux 11 GW ajoutés en 2021) et 68 GW de nouvelles centrales solaires par an (à comparer aux 26 GW ajoutés en 2021). Ensemble, ces nouvelles capacités représentent les trois quarts de la puissance électrique existante en France en 2020. Elles nécessiteront un niveau d’investissement, de mobilisation et de coordination sans précédent des chaînes d’approvisionnement, des gouvernements, de l’industrie et de la société civile, à travers les frontières de l’UE.

 

Pour atteindre le nouvel objectif de 45 % d’énergies renouvelables à l’horizon 2030, la Commission européenne a élaboré un plan pour accélérer et simplifier l’autorisation de permis, et pour identifier les régions d’implantation des énergies renouvelables (« go to zones »).

 

Finances-Actif sans risque : une utopie

Finances-Actif sans risque : une utopie

Le monétaire n’est pas un actif sans risque. Pas plus que l’obligataire. Ni même l’obligation indexée perpétuelle fantasmée par la recherche académique. En fait, il semblerait bien que l’actif sans risque soit une utopie. Par Karl Eychenne, stratégiste et économiste.

Les crises ont une vertu : elles donnent un grand coup de pieds dans la fourmilière des idées reçues. Par exemple, où placer son argent lorsque tout baisse comme aujourd’hui? En actif sans risque évidemment. Le seul actif capable de vous donner ce qu’il vous a promis, alors que le monde s’écroule. Sauf que l’actif sans risque ne signifie pas exactement la même chose pour tout le monde. En fait, il semblerait même que l’actif sans risque soit un concept assez nébuleux, qui ne signifie pas grand-chose.

Il s’agit là d’un problème très sérieux puisque toute la finance repose sur cette nuance : soit vous avez affaire à un actif risqué, soit il s’agit d’un actif sans risque (principe du tiers exclu du petit financier). Une nuance décisive et bien pratique puisqu’elle évite le problème de la définition : on ne définit pas un actif sans risque ou un actif risqué, on déduit l’un de l’autre. Ainsi, un actif sera dit sans risque, s’il est avéré qu’il n’est pas risqué… très sérieux. Il s’agit d’un genre de preuve par l’absurde de la finance :

  • vous vous retrouvez avec un actif dans le portefeuille ;
  • vous ne savez pas s’il s’agit d’un actif sans risque ou d’un actif risqué ;
  • vous faites l’hypothèse qu’il s’agit d’un actif risqué ;
  • si vous obtenez une absurdité, par exemple l’actif prend de la valeur quand tout part en sucette ;
  • alors c’est que vous avez affaire à un actif sans risque.

L’actif sans risque serait donc une forme de négation de l’actif risqué. Mais en suivant ce raisonnement, on arrive vite à dire des âneries. Considérez les performances des marchés financiers depuis le début de l’année. Tout baisse, sauf le dollar, les prix de l’énergie, et le rouble russe (et quelques autres actifs exotiques). Certes, on pourra convenir que le dollar passe pour une forme d’actif refuge lorsque tout part en sucette. Mais concernant les prix de l’énergie et le rouble, le statut d’actif sans risque est plus dur à avaler.

Alors on a essayé d’être un peu plus précis. « Un actif sans risque est un actif qui propose un rendement certain pour une durée définie… » nous dit la formule. Mais plus on est précis, et plus on est équivoque. Avec une telle définition, l’actif sans risque vous assure bien un rendement au bout d’une période donnée, mais pas que ce rendement soit suffisant pour couvrir vos besoins. Un exemple bien contemporain : si je veux être certain d’obtenir un rendement de 0,5 % au bout d’un an, alors un bon du Trésor à 1 an fait l’affaire. Mais si par ailleurs l’inflation accélère à 10 %, quel est l’intérêt d’avoir un tel actif sans risque ? Certes, il est bien sans risque, mais au sens où vous êtes assuré d’être déçu du rendement.

Sensible à l’argument, on s’intéressa alors à l’obligation indexée sur l’inflation, capable de vous protéger longtemps contre l’inflation galopante. Cet actif vous propose de recevoir un rendement fixe pour 10 ans par exemple, et surtout un rendement qui s’ajuste au rythme de l’inflation. Pour faire simple, si l’inflation est à 10 %, vous toucherez ces 10 % auquel vous ajouterez une forme rendement réel qui lui reste fixe. Déjà mieux, mais toujours pas suffisant. En effet, que se passe t’il si l’investisseur perd son travail au beau milieu du gué ? Il pourrait être alors obligé de vendre son titre pour palier aux dépenses courantes. Et il vendra son titre aux conditions de marché, qui sont évidemment inconnues à l’avance. Un tel actif sans risque couvre bien contre le risque inflationniste, mais pas contre le risque de perdre son emploi.

La finance qui pense a considéré le problème avec sérieux, et a cherché la moins mauvaise des solutions. Comme souvent dans les sciences dures, c’est à la limite qu’on entrevoit la lumière. Ainsi, la recherche académique a imaginé un investisseur vivant infiniment et d’une aversion au risque maximale. La solution optimale du problème est alors la suivante : « l’investisseur choisira une obligation indexée d’une maturité infinie (perpétuelle), qui le couvre contre l’inflation pour l’éternité, et l’assure ainsi de pouvoir financer sa consommation » (« Who should buy long term bonds ? », John Y Campbell & Luis M. Viceira). Deux problèmes : cet actif n’existe pas, et le risque de perdre son emploi est toujours là. Mais on avance.

Finalement, le vrai le seul actif sans risque serait une forme d’actif qui traverse tous les cycles et toutes les crises, et compense toujours justement l’investisseur contre le risque qu’il ne souhaite pas supporter. Une forme d’assurance All inclusive, qui ne garantit pas un rendement fixe pour une durée définie, mais un rendement qui s’ajuste en fonction des besoins de l’investisseur pour l’éternité. On peut rêver. Pas si débile en vérité. Robert C. Merton avait déjà eu cette idée féconde dans les années 70, dans un article climatérique (« An Intertemporal Asset Pricing Model »). Sauf que Merton ne parlait pas de l’actif sans risque, mais de l’actif risqué… En vérité, Merton proposait que certaines combinaisons d’actifs risqués puissent servir de formes d’assurances pour l’investisseur particulièrement averse à tel ou tel risque : le risque de récession, le risque de liquidité… Une grande partie de l’industrie des ETF est aujourd’hui basée là – dessus : Factor Investing. C’est beau. Mais finalement, on obtient une forme d’ânerie consistant à dire que le seul véritable actif sans risque, ce serait un actif risqué ? Pas sûr.

Et si l’idée d’une coupure décisive entre le monde de l’actif sans risque et celui de l’actif risqué était douteuse ? Fumeuse ? Plutôt que d’envisager l’existence de l’un en opposition à l’existence de l’autre, l’idée serait de considérer leur coexistence. Il n’existerait pas deux actifs, mais un seul actif hybride. Un genre de couple « je t’aime, moi non plus » entre les deux actifs, qui n’ont plus rien à se dire, mais qui assurent chacun une partie des taches ménagères pour tenir au propre le portefeuille de l’épargnant : « aujourd’hui, tu t’occupes de la préférence pour la présent, et moi de l’aversion pour le risque, et tous les deux nous assurons au mieux la couverture de l’épargnant contre des variations indésirables du cycle économique ». En vérité, la finance théorique fait déjà un peu cela, mais se laisse emporter dans son élan : elle veut absolument opposer l’actif sans risque à l’actif risqué, elle préfère le divorce au mariage de raison.

L’investisseur qui préfère les actifs risqués a le goût du risque. L’investisseur qui préfère l’actif sans risque a le goût du fade, un genre de dégoût du risque. Le fade n’est ni bon, ni mauvais, le fade a le goût du neutre. A priori pas très sexy comme argument de vente, le fade n’est pas ce que l’on recherche dans un plat, ni dans la vie. Mais il existe une éloge de la fadeur, qui nous vient de Chine, et du philosophe sinologue François Jullien (« Eloge de la fadeur »). Là – bas, le fade y est défini comme une vertu de l’Homme sage qui souhaite se détacher du monde pour mieux le penser. Il ne semble pas que l’investisseur en soit arrivé à ce genre de Nirvana.

Gratuité des transports : Utopie ou folie ?

Gratuité des transports : Utopie ou folie ?

OPINION. La gratuité est devenue l’un des sujets majeurs des débats portant sur les politiques publiques de mobilité à l’échelle locale. Elle se trouve aujourd’hui au cœur de controverses très vives. Par Arnaud Passalacqua, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC).

 

Un papier intéressant mais un peu limité dans la problématique présentée. D’abord, il convient de préciser le champ géographique visé à moins de convenir que le transport peut être gratuit dans l’espace mondial. Seconde observation, la mobilité ne saurait prendre en compte uniquement la question du transport de personnes ; elle doit concerner aussi le transport de fret, également  important pour la société. Dernière question et non des moindres. Jamais le transport ne sera gratuit. Le transport aura toujours un cout,  un cout il faudra faire supporter à des agents économiques (contribuables, usagers, entreprises etc.). 

 

La gratuité des transports fait beaucoup parler d’elle. Récemment, elle est apparue à plusieurs reprises dans les débats de la campagne présidentielle : par exemple appliquée aux transports urbains comme une réponse à la tension sur les carburants provoquée par la guerre en Ukraine, pour Yannick Jadot, ou appliquée au TGV comme une mesure de pouvoir d’achat pour les jeunes, pour Marine Le Pen. Quand bien même la tarification des transports urbains ne relève pas de l’échelle gouvernementale tandis que celle du TGV n’en relève que de façon indirecte par l’intermédiaire de la SNCF.

La présence médiatique de la gratuité des transports est toutefois demeurée plus faible que lors des dernières élections municipales, qui ont vu de très nombreuses listes proposer une telle mesure, comme l’a analysé l’ingénieure du Cerema Sophie Hasiak.

Depuis le milieu des années 2010, la gratuité est devenue l’un des thèmes majeurs des débats portant sur les politiques publiques de mobilité à l’échelle locale, c’est-à-dire celle assurées par des autorités organisatrices. Toutefois, comme pour le tramway au cours des années 1990, la gratuité se trouve aujourd’hui au cœur de controverses très vives.

Une mesure polarisante

On peut s’interroger sur les ressorts du caractère clivant d’une mesure qui pourtant ne paraît pas être en elle-même susceptible de changer la vie urbaine du tout au tout. Le caractère radical de l’opposition paraît lié au fait que les transports publics sont un secteur où les investissements sont massifs, qu’ils soient symboliques, supposés porter l’image de la ville ou l’urbanité des lieux, comme dans le cas du tramway ou du Grand Paris Express, ou financiers, comme à Lyon, où 492 millions d’euros doivent être investis en 2022, ce que la gratuité viendrait dégrader.

L’opposition peut aussi se fonder sur l’idée que cette mesure, qui a nécessairement un coût, ne serait pas la plus appropriée pour décarboner les mobilités, ce qui est affiché comme l’objectif central des politiques publiques. Du côté des pro-gratuité, ce sont souvent les revendications venues des groupes les plus radicaux de la gauche qui sont les plus visibles du fait que la gratuité renvoie à un droit à la mobilité, voire un droit à la ville, quand bien même cette mesure est instaurée par des majorités de gauche comme de droite.

Cette polarisation nuit à une compréhension satisfaisante de ce qu’est la gratuité des transports, en particulier du fait qu’elle conduit à poser la question en des termes généraux, souvent abstraits des éléments de contexte qui peuvent donner à cette mesure des sens bien différents, en fonction de la fréquentation du réseau, de son taux de couverture des dépenses de fonctionnement, de la conception de l’offre de transport…

Pour discuter d’un phénomène, il convient d’abord de le documenter. C’est l’objectif que s’est fixé l’Observatoire des villes du transport gratuit, né en 2019 avec l’appui de la Communauté urbaine de Dunkerque et de l’Agence d’urbanisme et de développement de la région Flandre-Dunkerque (Agur), puisque cette ville est l’une des principales agglomérations françaises à avoir décrété la gratuité sur son réseau. Il s’agit ainsi d’ouvrir le regard sur la gratuité, au-delà de ce qui est souvent l’entrée principale des débats : le report modal.

Le report modal comme seule clé de lecture ?

Alors que le champ médiatique présente généralement le sujet sous l’angle de la question financière, le report modal est le thème principal des débats dans les publics experts, pour qui la question du financement relève plus de choix politiques que d’une véritable difficulté.

Le report modal, qui pourrait désigner tout changement d’un mode de transport pour un autre, est ici compris comme celui devant voir les personnes se reporter depuis l’automobile vers les transports collectifs.

La question est de savoir qui sont celles et ceux qui constituent la hausse de fréquentation généralement constatée après une mesure de gratuité. S’agit-il d’automobilistes ? De cyclistes ? De piétons ? Ou de nouveaux déplacements qui n’étaient jusque-là pas réalisés ? Par exemple, le report modal est l’entrée principale des articles publiés par The Conversation, signés des économistes Frédéric Héran et Quentin David.

Cette question n’est évidemment pas illégitime. Mais elle pose bien des difficultés. D’une part, elle est difficile à objectiver, puisque la gratuité n’arrive jamais seule dans un contexte urbain qui serait immuable, du fait d’effets démographiques, d’ouvertures de zones commerciales ou de nouvelles aires d’urbanisation.

Les enquêtes ne sont d’ailleurs pas toujours disponibles pour mener des comparaisons. D’autre part, l’objectif du report modal, pour intéressant est rarement atteint par les politiques publiques de transport, y compris les plus coûteuses, comme celles qui ont porté l’essor du tramway. La vision qu’il suppose est assez réductrice, dans la mesure où il reste cantonné à l’offre de mobilité, alors que l’on sait que les leviers sont aussi du côté de la demande, alimentée par la forme urbaine dépendante d’une automobile encore assez peu contrainte.

L’enjeu du report modal croise aussi l’enjeu financier. Si les transports publics sont une activité qui n’est jamais rémunératrice, les rendre gratuits correspond-il à un usage pertinent des deniers publics ? Ces crédits devraient-ils être utilisés autrement ? C’est justement ce dont une évaluation élargie doit permettre de juger en complétant l’entrée par le seul report modal.

Une nécessaire pluralité des questionnements

Premièrement, au vu de l’hétérogénéité des situations, il est primordial d’évaluer les résultats attendus en fonction des objectifs fixés en amont. Or, différents buts peuvent être poursuivis par la mise en place de la gratuité : intégration sociale, report modal, décongestion du centre-ville, attractivité pour certains publics, distinction du territoire métropolitain vis-à-vis de ses périphéries, amélioration du taux de remplissage de son réseau, attractivité vis-à-vis des entreprises…

La gratuité étant un choix politique, c’est ainsi qu’il faut la comprendre, peut-être y compris dans ce qu’elle peut porter de stratégie personnelle des élues et élus, comme dans le cas de Patrice Vergriete à Dunkerque, qui a construit son premier mandat sur cet enjeu, ou, historiquement, de Michel Crépeau à La Rochelle, à l’heure des premiers vélos en libre-service en 1976, dont le succès lui a permis de s’afficher comme figure de l’écologie politique émergente.

Deuxièmement, il convient d’observer l’ensemble des effets de la gratuité : temps court et temps long, effets financiers et effets sociaux, effets sur les pratiques comme sur les images sociales, effets sur le réseau comme sur l’urbanisme et l’équilibre territorial en général… Ce que l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) a entrepris, en finançant des études s’intéressant au groupe social des jeunes ou aux effets de la gratuité sur les pratiques professionnelles au sein de l’exploitant d’un réseau.

Dans une approche économique, il est possible de porter un regard différent, comme celui des économistes Sonia Guelton et Philippe Poinsot, qui se penchent par exemple sur les finances locales des villes à gratuité, finalement peu mises à l’épreuve par une telle mesure. Dans un contexte où les recettes ne couvrent bien souvent que de 10 à 15 % des coûts d’exploitation, les situations financières des villes à gratuité et des villes à réseau payant peuvent d’ailleurs être assez similaires. Il en va différemment pour les villes bien plus performantes sur ce critère, comme les agglomérations parisienne et lyonnaise, qui font toutefois plus figure d’exceptions que de normes en la matière.

Troisièmement, il faut aussi accepter que la gratuité, comme beaucoup d’autres mesures, ne puisse s’évaluer de façon complètement isolée et indépendamment d’autres éléments de contexte. En d’autres termes, une forme de modestie s’impose, du fait que la gratuité n’arrive pas seule dans un contexte qui resterait figé avant et après sa mise en œuvre et où les données collectées en amont existeraient et permettraient de mener des comparaisons simples avec celles collectées en aval. Une telle situation ne peut exister car la gratuité ne prend son sens que parmi d’autres mesures touchant aux mobilités. Ce qui ne signifie pas que rien ne peut en être dit mais que la première entrée doit être celle du contexte local, loin des jugements généraux portant sur la pertinence a priori ou non de la mesure.

Refonder le débat

Ce constat invite donc à construire collectivement un cadre de débat où la gratuité des transports puisse être discutée sereinement, en se départant des réactions épidermiques ou des spontanéités militantes qu’elle suscite habituellement. Une approche laïque de la gratuité, pour reprendre Jean-Pierre Orfeuil.

Certains supports ont d’ores et déjà engagé un tel mouvement, comme la revue Transports urbains ou le Forum Vies Mobiles. Tout récemment, une nouvelle marche a été franchie par la première publication de l’Observatoire des villes du transport gratuit, qui aborde les grandes idées reçues touchant à la gratuité pour les déconstruire à partir des éléments scientifiques disponibles. Qu’elles plaident en faveur de la gratuité ou contre elle, ces idées reçues sont essentielles à éclairer, tant elles perturbent un débat qui a tant de difficultés à se poser.

Une autre façon de le faire est aussi d’élargir le regard à l’international, comme le propose le projet LiFT. Si des conditions nationales peuvent expliquer des situations de gratuité, comme l’existence particulière du versement mobilité en France, regarder ailleurs permet de se défaire de nombre de préjugés sur la gratuité.

Le sens qu’elle prend au Luxembourg, à Tallinn ou à Kansas City n’est pas identique, du fait des objectifs, des contextes sociaux et urbains ou du statut de ce que sont les transports publics, pensés comme solutions écologiques visant le report modal ou comme solution sociale pour les plus pauvres. Plus généralement, le sens de la gratuité des transports n’est peut-être pas le même que celle d’autres services urbains ou services publics locaux, souvent gratuits mais rarement qualifiés comme tels.

C’est donc aussi aux mots qu’il convient de réfléchir. Gratuité agit comme une catégorisation qui masque bien des différences entre les villes ayant aboli tout ou partie de la tarification de leur réseau, de même qu’elle masque des continuités avec les villes où la tarification existe, en particulier sur le plan financier. Plus globalement, ce débat invite à revoir le sens d’expressions centrales dans les études de transport, comme l’idée de report modal ou les catégorisations habituelles entre automobilistes, piétons ou cyclistes, ce que nous sommes bien souvent toutes et tous au fil de nos activités.

Finalement, c’est même peut-être la notion de transport qui mérite d’être revisitée. Ce débat sur la gratuité ne nous invite-t-il pas à penser que le transport n’est pas juste là pour nous transporter mais se trouve être un vecteur portant bien d’autres choses : nos idéaux, nos envies, notre désir de vitesse ? La base étroite sur laquelle la gratuité se trouve souvent jugée n’est-elle pas celle qui vit dans l’illusion que le transport sert à transporter, alors qu’il porte une forte diversité de charges, du désenclavement territorial à l’idée d’innovation technologique en passant par les ambitions politiques, qu’on le veuille ou non ? Dès lors, si le transport porte autre chose, la gratuité ne peut-elle pas apporter autre chose ?

_______

Par Arnaud Passalacqua, Professeur en aménagement de l’espace et urbanisme, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC).

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Climat : utopie de la croissance verte

Climat : utopie de la croissance verte

Antoine Foucher (président de Quintet Conseil) explique dans les Échos que les promesses de croissance verts sont complètement utopiques et qu’en faites elles impliquent au contraire une réduction de la production mondiale. Ou alors il faut accepter une autre civilisation caractérisée notamment par d’autres modes de production et de consommation.

 

 

Dans ses documents préparatoires au sixième rapport d’évaluation, prévu pour 2022, le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) rappelle que la limitation du réchauffement climatique à deux degrés suppose de contenir les émissions cumulées de CO2 dans l’atmosphère depuis 1870 à environ 3.000 milliards de tonnes et que cela implique de réduire, d’ici à 2050, les émissions annuelles d’environ 65 % par rapport à 2018.

Mettre en place une croissance verte durable, ce serait donc produire davantage d’énergie pour augmenter le PIB (pas de production supplémentaire sans énergie supplémentaire) et, en même temps, réduire les émissions de CO2 pour ne pas dépasser les deux degrés. La production d’énergie non carbonée serait deux fois sollicitée : une première fois pour rendre possible la production supplémentaire et une seconde fois pour remplacer l’énergie carbonée aujourd’hui utilisée, responsable de 80 % des émissions de CO2.

Hydrogène : une utopie ?

Hydrogène : une utopie ?

Le débat sur les politiques énergétiques n’est pas forcément facile à comprendre compte tenu de sa complexité. Nombre d’experts tentent d’apporter un éclairage sinon objectif au moins indépendant tandis que d’autres évidemment sont  influencés par certains lobbies. Deux articles rendent compte des points de vue parfois opposés concernant l’hydrogène. Le second ci-dessous est celui de  Samuele Furfari, Professeur en géopolitique de l’énergie à l’Université Libre de Bruxelles, Docteur en Sciences appliquées (ULB), ingénieur polytechnicien (ULB), et Président de la Société Européenne des Ingénieurs et Industriels.

(Article de la tribune)

 

La Commission européenne a  présenté sa stratégie sur l’hydrogène . Elle explique comment faire de l’hydrogène « propre » une solution viable pour une économie climatiquement neutre et construire une chaîne de valeurs dynamique de cette ressource en Europe au cours des cinq prochaines années. Elle calque ainsi l’Allemagne qui a lancé sa stratégie hydrogène il y a un mois.

Alors que les investissements en faveur de l’électricité d’origine renouvelable intermittente dans l’Union européenne (UE) ne suivent pas le rythme souhaité, des États membres poursuivent leur fuite en avant avec une solution mort-née. Pour rappel, lorsque l’UE et ses États membres parlent d’énergies renouvelables, ils ont en tête « éolien » et « solaire photovoltaïque », tout le reste étant démontré par les investissements comme étant marginal et sans intérêt environnemental. Pour eux, le fleuron des énergies renouvelables, permanentes, contrôlables, économiques et propres qu’est l’hydroélectricité est ainsi un sujet tabou. La production d’énergies éolienne et solaire étant par nature intermittente, en cas d’insuffisance de demande , l’excès doit être écoulé en payant pour s’en débarrasser, et ce coût est supporté par nous tous (voir La Tribune du 3 mars 2020). La solution serait de pouvoir stocker cette énergie, mais les promesses utopiques des politiciens et de certains industriels en matière de batteries n’ont pas et ne seront pas tenues pour des raisons intrinsèques liées à l’électrochimie.

Il ne reste plus qu’une solution : transformer par électrolyse de l’eau ce surplus d’électricité dont personne ne veut en hydrogène pour ensuite soit l’utiliser comme combustible soit le retransformer en électricité dans des piles à combustibles. C’est le rêve : une électricité propre produisant une énergie propre qui ne produit que de l’eau quand elle est consommée et qui permettra une diversification avec le véhicule électrique au cas où cette autre illusion ne ferait pas non plus long feu ! Qu’on se le dise, même les trains fonctionneront à l’hydrogène ! Cela dépasse de loin l’utopie des biocarburants, imposés en dépit du bon sens et des données scientifiques, et dont l’écho de l’échec reste fort discret. En 2008, à l’époque de la présidence Sarkozy, l’UE avait décrété une production de 10% de biocarburants pour le transport à l’horizon de 2020. Elle est maintenant passée d’un « minimum » à un « maximum » peu honorable, coûteux et polluant. A supposer que les opérations d’électrolyse et de pile à combustible aient chacune un rendement industriel de 80%, on aura perdu dans l’opération 36% de l’énergie injectée (0,8 x 0,8 =0,64).

La première référence à l’hydrogène que j’ai trouvée dans les rapports de la Commission européenne remonte à 1972, soit avant la première crise pétrolière. Le Journal des Ingénieurs de 1979 (n°2 – page 11) disait exactement tout ce qu’on dit aujourd’hui… avec les mêmes conditionnels. Lorsque je m’occupais de la transformation du charbon en pétrole – parce que le bruit courait qu’il n’y aurait bientôt plus de pétrole ! -, j’ai beaucoup travaillé sur l’hydrogène, élément essentiel dans cette synthèse. Ensuite ce fut en 2003 le énième retour avec cette fois comme « propandistes » le tandem Prodi-Bush. Hélas, depuis lors, aucun changement n’est intervenu, et jamais n’interviendra, car tout dépend des équations chimiques et de la thermodynamique qui régissent toute la question de l’hydrogène. Mais les politiciens n’ont que faire de la chimie, pour eux, la méthode Coué suffit : vouloir c’est pouvoir.

Mais alors quoi de neuf pour l’hydrogène ? De la propagande politicienne, du rêve et rien d’autre.

Voici les faits scientifiques. L’hydrogène est une substance chimique produite à partir de gaz naturel selon un procédé banal et répandu dans le monde entier, appelé « vapocraquage ». Cette molécule est utilisée massivement par l’industrie de la pétrochimie et de toute la chimie qui en découle, principalement pour la production d’engrais. Avec une démographie mondiale croissante, la demande d’hydrogène pour la production de fertilisants agricoles croitra au rythme des nécessités alimentaires. Cette molécule de base déjà très recherchée le deviendra de plus en plus. Grâce à cette véritable surprise en matière de géopolitique de l’énergie qu’est le gaz naturel, son marché global est de plus en plus compétitif et fluide ce qui se traduira par une réduction de son prix sur les marchés internationaux. Il faut donc prévoir une diminution du prix de production de l’hydrogène, d’une part parce que la matière première sera moins chère et d’autre part parce que le marché s’élargit.

Cependant, sa production à partir d’énergies renouvelables revient par contre beaucoup plus cher et est compliquée. Selon la Commission européenne, « les coûts estimés aujourd’hui pour l’hydrogène d’origine fossile sont d’environ 1,5 €/kg dans l’UE, [...] de 2,5 à 5,5 €/kg » pour l’hydrogène « vert ». On observera la marge qui est un signal… politique ! Malgré les promesses répétées depuis des décennies de coûts plus bas des énergies renouvelables alors que la réalité de votre facture d’électricité affirme l’inverse, l’hydrogène « vert » restera toujours plus cher que celui produit par le gaz naturel.

 

Puisqu’un produit ne peut avoir qu’un prix dans un marché ouvert, l’hydrogène « renouvelable » devra être subsidié tant qu’il y aura du gaz naturel disponible, c’est-à-dire pendant au moins un siècle. Bien entendu, certaines industries profiteront de l’aubaine de la stratégie hydrogène – comprenez la manipulation du marché par la politique – , comme d’autres l’ont fait à l’époque des biocarburants ; elles bénéficieront de prix garantis et d’une image verte, bien entendu sur le dos des contribuables/consommateurs. Il n’est donc pas surprenant qu’elles aient le 10 mars dernier conclu avec la Commission européenne une alliance, comme l’ont fait d’autres pour les batteries… et les biocarburants.

Par ailleurs, de nouveau sur un marché global – sauf à vouloir créer un vaste marché de contrebande -, l’hydrogène a pour vocation d’être utilisé en chimie et non pas comme combustible. Brûler de l’hydrogène à des fins énergétiques, c’est comme se chauffer en brûlant des sacs Louis Vuitton. Inévitablement, tout hydrogène produit finira dans la chimie et non pas dans les moteurs des véhicules. Passe encore que l’UE endoctrinée pense à le faire, mais dire avec l’Agence Internationale des Énergies renouvelables (IRENA) que c’est « une opportunité stratégique pour verdir la relance mondiale » est inadmissible pour une institution internationale quand elle sait pertinemment bien que seul 35% des Africains sont connectés au réseau électrique. Et IRENA voudrait produire de l’hydrogène à partir de leur excès d’électricité ! C’est abracadabrant, c’est indigne, c’est éthiquement insupportable.

Le comble, c’est que pour vendre du gaz qui produirait en rien moins de CO2, les Russes de Gazprom promettent d’injecter de l’hydrogène dans le gaz naturel qu’ils vendront à l’UE – à l’Allemagne principalement. Cela revient à injecter du Clos Vougeot dans de la piquette pour mieux écouler cette dernière, ce qui est plutôt grotesque.

Souvent dans la vie, lorsque l’on fait une bêtise, on en commet une autre afin de cacher la première. C’est ce qui se passe avec l’hydrogène. Il est consternant de devoir constater l’entêtement et l’endoctrinement verts dans lesquels est tombé le monde politique européen.

_______

(*) Dernier ouvrage de Samuele Furfari : «Énergie 2019: Hystérie climatique et croissance des énergies fossiles

Hydrogène : une utopie ?

 Hydrogène : une  utopie ?

La solution de l’hydrogène relève davantage de l’utopie promue à des fins politiques que d’une alternative viable pour l’avenir pour Samuele Furfari, Professeur en géopolitique de l’énergie à l’Université Libre de Bruxelles, Docteur en Sciences appliquées (ULB), ingénieur polytechnicien (ULB), et Président de la Société Européenne des Ingénieurs et Industriels. Un point de vue évidemment qui s’oppose à d’autres. Observons que l’Allemagne va consacrer 9 milliards au développement de la filière hydrogène. Rien  nest  joué pour son avenir qui dépend évidemment de sa compétitivité et des conditions de l’énergie nécessaire pour la produire. Des conditions qui ne passent pas nécessairement par des sources intermittentes. Un point de vue intéressant mais asez discutable (chronique dans la tribune)

 

 

« La Commission européenne vient de présenter sa stratégie sur l’hydrogène (voir La Tribune de ce 15 juillet). Elle explique comment faire de l’hydrogène « propre » une solution viable pour une économie climatiquement neutre et construire une chaîne de valeurs dynamique de cette ressource en Europe au cours des cinq prochaines années. Elle calque ainsi l’Allemagne qui a lancé sa stratégie hydrogène il y a un mois.

Alors que les investissements en faveur de l’électricité d’origine renouvelable intermittente dans l’Union européenne (UE) ne suivent pas le rythme souhaité, des États membres poursuivent leur fuite en avant avec une solution mort-née. Pour rappel, lorsque l’UE et ses États membres parlent d’énergies renouvelables, ils ont en tête « éolien » et « solaire photovoltaïque », tout le reste étant démontré par les investissements comme étant marginal et sans intérêt environnemental. Pour eux, le fleuron des énergies renouvelables, permanentes, contrôlables, économiques et propres qu’est l’hydroélectricité est ainsi un sujet tabou. La production d’énergies éolienne et solaire étant par nature intermittente, en cas d’insuffisance de demande , l’excès doit être écoulé en payant pour s’en débarrasser, et ce coût est supporté par nous tous (voir La Tribune du 3 mars 2020). La solution serait de pouvoir stocker cette énergie, mais les promesses utopiques des politiciens et de certains industriels en matière de batteries n’ont pas et ne seront pas tenues pour des raisons intrinsèques liées à l’électrochimie.

Il ne reste plus qu’une solution : transformer par électrolyse de l’eau ce surplus d’électricité dont personne ne veut en hydrogène pour ensuite soit l’utiliser comme combustible soit le retransformer en électricité dans des piles à combustibles. C’est le rêve : une électricité propre produisant une énergie propre qui ne produit que de l’eau quand elle est consommée et qui permettra une diversification avec le véhicule électrique au cas où cette autre illusion ne ferait pas non plus long feu ! Qu’on se le dise, même les trains fonctionneront à l’hydrogène ! Cela dépasse de loin l’utopie des biocarburants, imposés en dépit du bon sens et des données scientifiques, et dont l’écho de l’échec reste fort discret. En 2008, à l’époque de la présidence Sarkozy, l’UE avait décrété une production de 10% de biocarburants pour le transport à l’horizon de 2020. Elle est maintenant passée d’un « minimum » à un « maximum » peu honorable, coûteux et polluant. A supposer que les opérations d’électrolyse et de pile à combustible aient chacune un rendement industriel de 80%, on aura perdu dans l’opération 36% de l’énergie injectée (0,8 x 0,8 =0,64).

Une première référence en 1972

La première référence à l’hydrogène que j’ai trouvée dans les rapports de la Commission européenne remonte à 1972, soit avant la première crise pétrolière. Le Journal des Ingénieurs de 1979 (n°2 – page 11) disait exactement tout ce qu’on dit aujourd’hui… avec les mêmes conditionnels. Lorsque je m’occupais de la transformation du charbon en pétrole – parce que le bruit courait qu’il n’y aurait bientôt plus de pétrole ! -, j’ai beaucoup travaillé sur l’hydrogène, élément essentiel dans cette synthèse. Ensuite ce fut en 2003 le énième retour avec cette fois comme « propandistes » le tandem Prodi-Bush. Hélas, depuis lors, aucun changement n’est intervenu, et jamais n’interviendra, car tout dépend des équations chimiques et de la thermodynamique qui régissent toute la question de l’hydrogène. Mais les politiciens n’ont que faire de la chimie, pour eux, la méthode Coué suffit : vouloir c’est pouvoir.

Mais alors quoi de neuf pour l’hydrogène ? De la propagande politicienne, du rêve et rien d’autre.

Voici les faits scientifiques. L’hydrogène est une substance chimique produite à partir de gaz naturel selon un procédé banal et répandu dans le monde entier, appelé « vapocraquage ». Cette molécule est utilisée massivement par l’industrie de la pétrochimie et de toute la chimie qui en découle, principalement pour la production d’engrais. Avec une démographie mondiale croissante, la demande d’hydrogène pour la production de fertilisants agricoles croitra au rythme des nécessités alimentaires. Cette molécule de base déjà très recherchée le deviendra de plus en plus. Grâce à cette véritable surprise en matière de géopolitique de l’énergie qu’est le gaz naturel, son marché global est de plus en plus compétitif et fluide ce qui se traduira par une réduction de son prix sur les marchés internationaux. Il faut donc prévoir une diminution du prix de production de l’hydrogène, d’une part parce que la matière première sera moins chère et d’autre part parce que le marché s’élargit.

Cependant, sa production à partir d’énergies renouvelables revient par contre beaucoup plus cher et est compliquée. Selon la Commission européenne, « les coûts estimés aujourd’hui pour l’hydrogène d’origine fossile sont d’environ 1,5 €/kg dans l’UE, [...] de 2,5 à 5,5 €/kg » pour l’hydrogène « vert ». On observera la marge qui est est un signal… politique ! Malgré les promesses répétées depuis des décennies de coûts plus bas des énergies renouvelables alors que la réalité de votre facture d’électricité affirme l’inverse, l’hydrogène « vert » restera toujours plus cher que celui produit par le gaz naturel.

Manipulation du marché par la politique

 

Puisqu’un produit ne peut avoir qu’un prix dans un marché ouvert, l’hydrogène « renouvelable » devra être subsidié tant qu’il y aura du gaz naturel disponible, c’est-à-dire pendant au moins un siècle. Bien entendu, certaines industries profiteront de l’aubaine de la stratégie hydrogène – comprenez la manipulation du marché par la politique – , comme d’autres l’ont fait à l’époque des biocarburants ; elles bénéficieront de prix garantis et d’une image verte, bien entendu sur le dos des contribuables/consommateurs. Il n’est donc pas surprenant qu’elles aient le 10 mars dernier conclu avec la Commission européenne une alliance, comme l’ont fait d’autres pour les batteries… et les biocarburants.

Par ailleurs, de nouveau sur un marché global – sauf à vouloir créer un vaste marché de contrebande -, l’hydrogène a pour vocation d’être utilisé en chimie et non pas comme combustible. Brûler de l’hydrogène à des fins énergétiques, c’est comme se chauffer en brûlant des sacs Louis Vuitton. Inévitablement, tout hydrogène produit finira dans la chimie et non pas dans les moteurs des véhicules. Passe encore que l’UE endoctrinée pense à le faire, mais dire avec l’Agence Internationale des Énergies renouvelables (IRENA) que c’est « une opportunité stratégique pour verdir la relance mondiale » est inadmissible pour une institution internationale quand elle sait pertinemment bien que seul 35% des Africains sont connectés au réseau électrique. Et IRENA voudrait produire de l’hydrogène à partir de leur excès d’électricité ! C’est abracadabrant, c’est indigne, c’est éthiquement insupportable.

Le comble, c’est que pour vendre du gaz qui produirait en rien moins de CO2, les Russes de Gazprom promettent d’injecter de l’hydrogène dans le gaz naturel qu’ils vendront à l’UE – à l’Allemagne principalement. Cela revient à injecter du Clos Vougeot dans de la piquette pour mieux écouler cette dernière, ce qui est plutôt grotesque.

Souvent dans la vie, lorsque l’on fait une bêtise, on en commet une autre afin de cacher la première. C’est ce qui se passe avec l’hydrogène. Il est consternant de devoir constater l’entêtement et l’endoctrinement verts dans lesquels est tombé le monde politique européen.

_______

(*) Dernier ouvrage de Samuele Furfari : «Énergie 2019: Hystérie climatique et croissance des énergies fossiles »

 

« Europe puissance » : une utopie ?

« Europe puissance » : une utopie ?

(Le groupe de réflexions Mars ( groupe de réflexion sur la défense stratégique) pose la problématique  de la souveraineté et de l’autonomie, et du sens donné à l’Europe de la défense ( chronique dans la Tribune)

 

« La France a longtemps espéré que l’Europe lui offre un démultiplicateur de puissance. La vision mitterrando-gaullienne de la construction européenne s’appuie sur cet espoir, né au lendemain des décolonisations, comme un relais des valeurs universelles de la nation française. C’est la vision d’une « Europe puissance », contestée par ceux qui n’y voient qu’un vaste marché. On sait comment l’ambition initiale des Pères fondateurs d’une Europe unie, modèle de paix et de prospérité, a glissé, faute d’approfondissement, au fur et à mesure d’élargissements politiquement inévitables, vers un modèle a minima, celui d’un marché unique où le respect des Quatre Libertés tient lieu de vision d’avenir.

La France est seule à croire à « l’Europe puissance ». Ses partenaires européens n’en veulent pas parce qu’ils n’en ont pas besoin, croient-ils. L’idéal européen, c’est la confédération helvétique à l’échelle du continent, un îlot de paix et de prospérité à l’écart du tumulte du monde. Il y a cependant un biais à ce raisonnement : historiquement, c’est par la guerre et la dissuasion militaire que la Suisse a construit son modèle. Il en reste encore des traces dans la garde d’honneur du Saint-Siège et l’expression bien française « pas d’argent, pas de Suisse », qui précéda la métaphore du « nerf de la guerre ». A contrario, une Europe prospère sans défense ne peut qu’attirer les prédateurs.

Les yeux des autres Européens finiront-ils à se dessiller concernant la volonté réelle des États-Unis à les défendre ? Comment l’Europe peut-elle se défendre seule ?

La France et le Royaume-Uni gardent un rang singulier

Membres du P5 (cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU) et États dotés de l’arme nucléaire (EDAN) reconnus par le traité de non-prolifération (TNP) aux côtés des trois grands, la France et le Royaume-Uni sont des puissances en déclin mais encore capables militairement. Leur principale ambition stratégique est de maintenir leur rang, héritage à la fois de leur reconnaissance au nombre des vainqueurs de la Deuxième guerre mondiale et de leur ancien empire colonial. La France et le Royaume-Uni ne sont plus les grandes puissances qu’elles étaient jusqu’en 1940, mais elles gardent un rang singulier dans les relations internationales et dans la hiérarchie des puissances militaires.

L’Allemagne, quelle que soit sa puissance économique, ne peut prétendre au même rang, de même que le Japon, précisément pour ces raisons. C’est sans doute pourquoi certains prêtent aux Allemands l’intention d’acheter les attributs de la puissance dont jouit la France : son siège au P5 au profit de « l’Europe » (au mépris de la Charte de l’ONU qui ne connaît que les États) et sa dissuasion nucléaire.

L’Europe, un marché uniquement

Les institutions européennes, nées au lendemain de l’échec du projet de CED (communauté européenne de défense), n’ont pas été conçues pour prendre en compte la dimension sécuritaire de la défense, qui n’est vue qu’en tant que marché ou, au mieux, secteur industriel. Dès lors que le réarmement de l’Allemagne, voulu par les États-Unis, se faisait sous le contrôle de l’OTAN, c’est cette organisation intergouvernementale qui devenait seule responsable de la défense du continent. C’est ainsi que les traités européens interdisent la conception d’un outil de défense en-dehors de l’OTAN.

C’est pourquoi la création d’une (très hypothétique) « armée européenne » supposerait avant toute chose la modification (tout aussi hypothétique) des traités. « L’Union européenne de défense » (selon la terminologie allemande) n’est donc que la compilation d’initiatives dispersées (« on ne fait ensemble que ce pour quoi on est d’accord »), intéressantes en soi mais dont la seule coordination est un enjeu majeur pour la bureaucratie bruxelloise, sans considération pour ses résultats.

Un espoir avec Thierry Breton

Le commissaire européen au marché intérieur Thierry Breton espère que  »la crise nous permettra d’aller plus loin en contribuant à lever les réticences de certains États » en matière d’Europe de la défense. « On se rend de plus en plus compte que, même si nous pouvons avoir des alliances, nous sommes de plus en plus seuls en ce qui concerne notre autonomie et notre défense« . La création du fonds européen de défense (FEDef) illustre cependant à la perfection l’impossibilité originelle pour l’UE à prendre en charge la sécurité des Européens.

Conçu initialement comme un moyen d’encourager les États membres à développer des capacités autonomes vis-à-vis des équipements américains, le FEDef risque de devenir un outil de redistribution interne des capacités industrielles de défense, au nom de l’inclusivité et conformément à la logique de redistribution sectorielle des financements communs selon la logique du « juste retour »L’ambition initiale de renforcement des capacités industrielles européennes est perdue de vue, pour ne rien dire de l’amélioration des capacités opérationnelles. Mais, encore une fois, l’enjeu n’est pas opérationnel, puisque l’OTAN est toujours là. Et quand bien même les États-Unis quittaient l’OTAN, l’organisation pourrait subsister, au moins en théorie, comme l’UE survivra au Brexit. L’enjeu du FEDef est essentiellement politique : inciter les autres Européens à s’intéresser à l’autonomie stratégique en matière de défense.

L’OTAN, un club destiné à vendre du matériel américain

L’OTAN fonctionne en effet comme un club, dans lequel on entre avec une cotisation des plus modestes et qui ne demande en pratique aucun effort démesuré, pourvu que l’on achète l’essentiel de ses équipements auprès des fournisseurs américains. Comme le dit l’adage, « quand c’est gratuit, c’est vous le produit ». Cette situation n’a pas vocation à évoluer tant que la Russie constituera une menace pour ses anciens alliés du Pacte de Varsovie. La constitution d’un vrai pilier européen autonome en termes capacitaires est illusoire, du fait de la tutelle de fait exercée par les États-Unis sur les orientations de l’outil militaire, même si le principe du consensus préserve les apparences d’une alliance entre égaux au niveau politique. Au total, 27 des 30 États membres (seuls les États-Unis, la Turquie et la France font exception) dépendent à 100% de l’alliance pour leur défense, et son organisation militaire reste le cadre naturel d’engagement de leurs forces armées.

Il paraît illusoire d’envisager un changement, sauf si les États-Unis décidaient officiellement de se retirer de l’OTAN. Or ils n’y ont aucun intérêt, ni bien sûr sur le plan économique, ni même sur le plan opérationnel, car quelle que soit la faiblesse des alliés européens, l’OTAN permet de « fixer » l’essentiel de la capacité militaire russe et ainsi de neutraliser ce « compétiteur stratégique ». Un autre intérêt de l’OTAN est d’éviter l’engrenage des traités d’assistance mutuelle bilatéraux. Quant à la France, son intérêt n’est pas non plus de quitter une organisation militaire qui, à défaut d’améliorer sa sécurité, produit de l’interopérabilité « à toutes fins utiles ».

En dehors de l’OTAN, la France souffrirait sans doute de son isolement militaire, sans même évoquer les possibles mesures de rétorsion économique. La France des années 2020 n’est plus celle des années 1960 ; elle a perdu son indépendance économique, la recouvrer à tout prix demanderait sans doute de grands sacrifices. La France doit donc rester dans l’OTAN, quel que soit l’avenir de l’alliance atlantique. Elle ne doit cependant pas lui abandonner sa souveraineté en matière de défense.

Indispensable modernisation de la dissuasion nucléaire

La modernisation des deux composantes de sa dissuasion nucléaire est plus que jamais nécessaire au maintien de son rang et de sa liberté face aux tentations hégémoniques des trois grandes puissances et aux ambitions éventuelles des autres puissances nucléaires, notamment à l’encontre de l’outremer français. La protection militaire du territoire est également une priorité que tout le monde comprend, d’autant qu’elle n’est pas la plus coûteuse.

Il en va de même des capacités en matière de renseignement. La modernisation des moyens de protection et de renseignement dans tous les milieux (terre, air, mer, espace et cyber) est donc tout aussi urgente, quitte à définir une nouvelle fonction stratégique axée sur la résilience de la nation. Il est en effet probable que notre pays, surtout s’il n’est plus respecté en tant que puissance, subisse plus de coups qu’il ne puisse en donner. Cela suppose que les armées disposent de moyens redondants disponibles à tout moment en cas de crise inopinée, au rebours de la logique managériale de « juste insuffisance » qui a prévalu jusqu’à aujourd’hui.

Restent deux « fonctions stratégiques », qui pourraient faire les frais d’éventuelles coupes budgétaires : la prévention et l’intervention. De quoi s’agit ? Ce sont les deux faces d’une même médaille, la puissance militaire. La prévention, avec le déploiement permanent de forces prépositionnées et la participation régulière à des missions de maintien de la paix et à des exercices internationaux de haut niveau, représente le volet « pacifique » de la puissance militaire. L’intervention en est le volet « offensif » aussi indispensable au maintien de la crédibilité de la dissuasion, qui est un continuum, que d’un certain rang parmi les puissances.

 

Sans reprendre les concepts fumeux et inappropriés de « défense de l’avant » ou de « profondeur stratégique », il s’agit aussi de rester en permanence capable de défendre nos intérêts (d’où les notions de moyens redondants et de réserve stratégique), ou ceux d’un allié qui le demande, n’importe où dans le monde, par tout moyen, y compris de vive force, seul ou « en premier » dans le cadre d’une future coalition.

La France doit entretenir une force expéditionnaire

La simple évocation des espaces de confrontation potentielle du fait l’étendue des eaux placées sous notre souveraineté tendrait à montrer que les besoins opérationnels sont avant tout d’ordre naval. Dans la « zone indo-pacifique », théâtre de l’affrontement sino-américain, l’ambition de la France est de réaffirmer sa présence en tant que riverain de la zone, au titre de la présence de 1,5 million de ressortissants français (dont 7.500 militaires) dans les neuf millions de km² de ZEE dans le Pacifique sud et dans la zone sud de l’océan indien (FAZSOI). Cette présence réaffirmée, aussi pacifique soit-elle, nécessite des moyens militaires et une politique active de partenariats stratégiques avec les puissances régionales (Inde, Australie, Émirats Arabes Unis).

L’Afrique, privée de véritable puissance régionale, constitue par ailleurs un espace stratégique relativement négligé des grandes puissances, où seule la France semble capable d’empêcher durablement une aggravation des « risques de la faiblesse ». De même, seule la France semble en mesure de tracer des lignes rouges à la politique agressive de la Turquie en Méditerranée orientale et à les faire respecter.

L’armée française doit donc entretenir une capacité expéditionnaire adaptée à la menace locale. Le maintien d’un « modèle d’armée complet » permettant l’entrée en premier semble ainsi plus que souhaitable. Il en résulte un impératif de remontée en puissance des capacités militaires françaises, y compris pour le combat de haute intensité, aussi autonomes que possible, les relations d’interdépendance entre Européens devant être strictement délimitées. Cela prendra du temps, mais dans cette perspective, mieux vaut dès à présent chercher à redéfinir avec la Russie une nouvelle architecture de sécurité, sans illusions ni naïveté. Cela sera toujours plus économique qu’une course au réarmement.

————————————————-

* Le groupe Mars, constitué d’une trentaine de personnalités françaises issues d’horizons différents, des secteurs public et privé et du monde universitaire, se mobilise pour produire des analyses relatives aux enjeux concernant les intérêts stratégiques relatifs à l’industrie de défense et de sécurité et les choix technologiques et industriels qui sont à la base de la souveraineté de la France.

Prospective ou utopie: vers l’autonomie alimentaire des villes ?

 

Une interview intéressante de  l’urbaniste Sabine Becker et le chercheur François Rouillay à l’occasion de la sortie de leur livre publié le 11 février intitulé « En route pour l’autonomie alimentaire ». Cependant, le  concept d’agriculture urbaine qu’ils prônent semblent faire l’impasse sur  l’existence des campagnes qui comme les villes structurent notre pays. On ne saurait réduire l’aménagement du territoire aux seules zones fortement agglomérées même entourées  de jardins supposés nourrir la population. Une vision assez réductrice voire caricaturale  de l’aménagement du territoire. Un concept d’agriculture urbaine d’abord utopique ensuite qui légitime une vision concentrationnaire d’un aménagement du territoire sous domination des villes. Une vision assez écolo bobo.  ( Interview dans la Tribune)

 

 

La notion d’autonomie alimentaire, à laquelle vous consacrez votre livre, est de plus en plus souvent évoquée dans le débat public autour de l’alimentation. Qu’est-ce qu’elle désigne?

 

SABINE BECKER et FRANÇOIS ROUILLAY - Liée à la nécessité d’une alimentation respectueuse du vivant, l’autonomie alimentaire renvoie à la perspective d’une « terre d’avenir » sur le territoire: c’est-à-dire d’une terre vivante en capacité de nourrir et maintenir en bonne santé ses enfants. Trois idées sont donc imbriquées dans cette notion: le respect du sol et de la biodiversité, le maintien de la santé, et une alimentation nécessairement locale.

Elle vise à restaurer le lien entre producteurs et mangeurs, qui aujourd’hui est coupé à deux endroits. Les producteurs sont en effet exposés à une concurrence mondialisée. Leurs produits voyagent des centaines, voire des milliers, de kilomètres avant d’atteindre les mangeurs, et sont parfois massivement gaspillés. Les producteurs ne voient donc plus la nourriture au travers du territoire et de leurs habitants, mais des comptes d’exploitation et des marchés. Les consommateurs pour leur part regardent la nourriture par le biais de la publicité, du temps pressé, de leur four à micro-ondes… Ils ne prennent plus le temps de travailler des produits bruts et de rencontrer les producteurs. Ils cherchent une facilité nutritive accentuée par les colorants, les exhausteurs de goût. Il faut donc un changement de regard pour induire un changement de comportement.

 

Quelle est justement l’utilité politique – en entendant le mot « politique » au sens large – de cette notion d’autonomie alimentaire?

Elle peut notamment permettre de transformer positivement les politiques d’aménagement du territoire. Pendant les 50 dernières années, l’étalement urbain a eu lieu au mépris du respect des zones de production de nourriture autour des villes. Les villes, qui auparavant étaient autosuffisantes, dépendent désormais de la chaîne alimentaire mondialisée pour se nourrir. Elles ne disposent plus que de trois jours de stock d’aliments en moyenne. Mais les risques de rupture de cette chaîne mondialisée sont divers: incendies, inondations, conflits sociaux, maladies… On peut donc affirmer que les villes sont aujourd’hui en situation d’insécurité alimentaire.

Les maires des communes ont ainsi la responsabilité politique de prendre des mesures pour assurer la sécurité alimentaire de leurs villes, pour en garantir la résilience en cas de rupture de la chaîne alimentaire, en créant, à côté des zones d’activité économique ou commerciale, des zones d’activité nourricière. Ils n’ont d’ailleurs besoin d’aucune autorisation pour faire cela. Ils peuvent acquérir des terres, comme l’a fait à Val-de-Reuil la Communauté d’agglomération Seine-Eure, afin de développer une agriculture biologique sur 110 hectares situés sur le périmètre de protection de captage de sa ressource en eau. La collectivité a même transformé un ancien bâtiment industriel, de 10.000 mètres carrés, en « pôle alimentaire », où les producteurs commercialisent leurs produits, les conditionnent, partagent des outils agricoles, organisent des cours de cuisine… En un an, cela a permis de recréer les 59 emplois détruits à cause de la fermeture de l’ancienne usine.

 

Tout repose donc sur les épaules des maires?

S’alimenter est l’affaire de tous. La partie se joue donc à quatre: l’apprentissage et l’organisation des 21 actions que nous suggérons dans notre livre réunissent élus locaux, monde économique, paysans et habitants. L’association Réseau Cocagne a par exemple créé 102 fermes biologiques d’insertion et 6 structures agroalimentaires autour de la France. Elles emploient plus de 5.600 personnes et génèrent 16,3 millions d’euros de chiffre d’affaires annuels par la seule vente de légumes. A Amiens et Bayonne, les habitants retournent le gazon des HLM pour y construire des potagers.

La transition alimentaire implique d’ailleurs la transition agricole. Et dans cette transition les paysans, qui aujourd’hui vivent une crise terrible, doivent être accompagnés. Les structures de maraîchage du futur seront participatives et écologiques. C’est déjà le cas au Québec, ou des communautés de communes achètent des terres et y emploient des formateurs qui apprennent aux enfants, aux personnes en insertion, aux citoyens, à cultiver, conserver et cuisiner les produits.

Mais l’agriculture urbaine peut-elle vraiment nourrir les villes dans un monde de plus en plus urbanisé et où la population ne cesse de croître?

Afin d’assurer l’autonomie alimentaire des villes il faut inclure le territoire autour, celui compris dans un rayon permettant de les approvisionner en une heure. Et déjà aujourd’hui, 75% de la production agricole mondiale vient de petites exploitations.

Mais le développement de nouvelles techniques de régénération végétale permet désormais d’augmenter significativement la productivité de l’agriculture urbaine, et donc de mener des expériences de production intéressantes sur de petites surfaces, de mettre à profit les interstices cultivables. Des chercheurs à Rennes ont ainsi constaté que l’agriculture urbaine peut apporter beaucoup à l’autonomie alimentaire des villes, en permettant de réduire le périmètre d’approvisionnement. Sans compter ses autres atouts: l’éducation, la réduction des pollutions, la régénération des sols.

Cette autonomie alimentaire peut-elle coexister avec une économie mondialisée?

Oui, mais elle représente un monde séparé, fondé non plus sur la compétition, les marchés, les valeurs monétaires, mais sur le partage, la coopération, la proximité, le respect du vivant. Il s’agit tout d’abord de débrancher de la prise de la mondialisation, en se nourrissant sobrement. Ensuite, l’apprentissage de l’autonomie et de la coopération peut inspirer la mise en place d’autres biens, services, voire de systèmes monétaires locaux. Le partage créé l’abondance. Alors, les vents des marchés et de la finance peuvent passer au-dessus de ce monde sans impact.

À la veille des municipales, trouvez-vous que les Français sont demandeurs d’une telle transition?

Cela fait des années que nous suivons ces thématiques Et depuis quelques mois, nous avons constaté un véritable bond dans l’intérêt qu’elles suscitent. Deux thèmes reviennent en force dans quasiment tous les débats locaux en vue des municipales: l’environnement et l’alimentation.

Ces mêmes Français vous semblent-ils prêts à faire les sacrifices impliqués par l’autonomie alimentaire?

Toute transition conduit nécessairement à faire des choix. Retrouver le lien avec le sol et l’assiette demande de travailler davantage au profit du vivre ensemble que de la productivité. Et au départ, il y a certes un acte de courage, inhérent à la prise de conscience individuelle et collective de la nécessité d’un changement de cap. Mais les « sacrifices » demandés par le parcours de l’autonomie alimentaire ne sont pas si importants: on peut bien se passer de café ou de bananes… Il nous rend d’ailleurs en retour d’autres formes de confort, en dessinant des territoires où les gens ont envie de s’installer car la qualité de vie y est meilleure.

 Crise climatique : un coût  15.000 milliards de dollars d’ici 2050

D’après  étude  de WWF, d’ici 2050,si  rien n’est fait pour endiguer le déclin de la nature, la crise  pourrait se chiffrer à au moins 479 milliards de dollars par an en termes de PIB mondial, soit près de 15. 000 milliards d’ici à 2050. C’est ce que révèle cette étude menée dans 140 pays en collaboration avec les experts des universités américaines de Purdue et du Minnesota. Un travail de deux ans de recherche et de développement grâce à la contribution inédite de scientifiques, économistes et experts politiques du monde entier.

En revanche, des efforts ambitieux pour protéger et restaurer la nature amélioreront considérablement les résultats économiques. Il est encore possible d’inverser la tendance, avec une meilleure utilisation des terres et en préservant mieux les écosystèmes et la biodiversité», stipule le rapport. Les experts évaluent une augmentation du PIB mondial à 490 milliards de dollars par an si les États se tournent vers ces systèmes plus durables et conservent «les services écosystémiques des milieux naturels».

Les plus importantes pertes économiques – 327 milliards de dollars par an – seraient dues à l’érosion des côtes..

Les autres services fournis par la nature seront également durement impactés si rien n’est fait. Le rapport chiffre les pertes inhérentes à la déforestation à 128 milliards de dollars: avec des forêts réduites à peau de chagrin, c’est tout autant d’arbres qui n’aspirent pas de CO2 et ne joueront donc plus leur rôle naturel de réducteur de carbone. Les secteurs alimentaires et agricoles pourraient eux, connaître «des hausses de prix pour des produits comme le bois (+8%), le coton (6%), les graines oléagineuses (+4%) ou encore les fruits et les légumes (+3%)». Une montée des prix vertigineuse qui s’explique par la raréfaction de l’eau (quatre personnes sur dix en souffrent déjà dans le monde selon l’ONU), et la disparition des insectes pollinisateurs.

Transports gratuits: un champ d’expérimentation à suivre

 

Une véritable révolution en matière de transport au Luxembourg ( ailleurs aussi y compris dans quelques villes en France). . Ces derniers deviennent gratuits au Luxembourg pour le train le bus ou le tram. L’objectif est d’opérer un transfert modal significatif. Les transports collectifs sont en effet moins utilisé qu’ailleurs par exemple à Paris où 70 à 80 % des déplacements domicile travail sont effectuées via  les transports publics. Cette mesure sera à suivre de près car il y a aujourd’hui deux camps assez opposés en matière de développement des transports publics. Ceux qui prétendent qu’il convient de maintenir une tarification ne serait-ce que pour que l’usager prenne conscience du coût en tout cas d’une partie et ceux  qui sont pour une mesure plus radicale de gratuité. De toute manière,  il y a forcément un cou qui d’ailleurs est très peu couvert par l’usager puisqu’une grande partie est supportée par l’impôt notamment local. Il y a aussi le coup de perception de la tarification qui quelquefois est proche du prix payé par le voyageur.

Quelque 40 % des ménages utilisent les transports publics au Luxembourg et la gratuité, vantée par le gouvernement comme « une mesure sociale », représentera une économie estimée à environ 100 euros en moyenne par foyer et par an.

 

Pour le ministre chargé de la mobilité, l’écologiste François Bausch, « il faut vraiment changer le système »« Partout dans le monde, on doit faire le même constat : la mobilité, telle qu’elle est organisée aujourd’hui, est un échec : des embouteillages partout, l’espace urbain ne fonctionne plus, au niveau rural les gens sont délaissés », a-t-il expliqué samedi à l’AFP. Les embouteillages sont fréquents dans ce petit pays prospère de 610 000 habitants où la voiture est reine. Quelque 47 % des déplacements professionnels y sont effectués par ce moyen.

Le bus n’est utilisé que pour 32 % des déplacements pour se rendre au travail, devant le train (19 %). A titre de comparaison, à Paris, près de 70 % des travailleurs empruntent les transports publics.

Quelque 200 000 transfrontaliers rejoignent, en outre, quotidiennement le Luxembourg pour y travailler, dont 100 000 en provenance du Grand-Est. Les frontaliers représentent près d’un salarié sur deux. Tout comme la population résidente, ils utilisent majoritairement la voiture.

Perspective ou utopie: L’autonomie alimentaire des villes ?

Perspective ou utopie: L’autonomie alimentaire des villes ?

 

Une interview intéressante de  l’urbaniste Sabine Becker et le chercheur François Rouillay à l’occasion de la sortie de leur livre publié le 11 février intitulé « En route pour l’autonomie alimentaire ». Cependant, le  concept d’agriculture urbaine qu’ils prônent semblent faire l’impasse sur  l’existence des campagnes qui comme les villes structurent notre pays. On ne saurait réduire l’aménagement du territoire aux seules zones fortement agglomérées même entourées  de jardins supposés nourrir la population. Une vision assez réductrice voire caricaturale  de l’aménagement du territoire. Un concept d’agriculture urbaine d’abord utopique ensuite qui légitime une vision concentrationnaire d’un aménagement du territoire sous domination des villes. Une vision assez écolo bobo.  ( Interview dans la tribune)

 

 

La notion d’autonomie alimentaire, à laquelle vous consacrez votre livre, est de plus en plus souvent évoquée dans le débat public autour de l’alimentation. Qu’est-ce qu’elle désigne?

 

SABINE BECKER et FRANÇOIS ROUILLAY - Liée à la nécessité d’une alimentation respectueuse du vivant, l’autonomie alimentaire renvoie à la perspective d’une « terre d’avenir » sur le territoire: c’est-à-dire d’une terre vivante en capacité de nourrir et maintenir en bonne santé ses enfants. Trois idées sont donc imbriquées dans cette notion: le respect du sol et de la biodiversité, le maintien de la santé, et une alimentation nécessairement locale.

Elle vise à restaurer le lien entre producteurs et mangeurs, qui aujourd’hui est coupé à deux endroits. Les producteurs sont en effet exposés à une concurrence mondialisée. Leurs produits voyagent des centaines, voire des milliers, de kilomètres avant d’atteindre les mangeurs, et sont parfois massivement gaspillés. Les producteurs ne voient donc plus la nourriture au travers du territoire et de leurs habitants, mais des comptes d’exploitation et des marchés. Les consommateurs pour leur part regardent la nourriture par le biais de la publicité, du temps pressé, de leur four à micro-ondes… Ils ne prennent plus le temps de travailler des produits bruts et de rencontrer les producteurs. Ils cherchent une facilité nutritive accentuée par les colorants, les exhausteurs de goût. Il faut donc un changement de regard pour induire un changement de comportement.

 

Quelle est justement l’utilité politique – en entendant le mot « politique » au sens large – de cette notion d’autonomie alimentaire?

Elle peut notamment permettre de transformer positivement les politiques d’aménagement du territoire. Pendant les 50 dernières années, l’étalement urbain a eu lieu au mépris du respect des zones de production de nourriture autour des villes. Les villes, qui auparavant étaient autosuffisantes, dépendent désormais de la chaîne alimentaire mondialisée pour se nourrir. Elles ne disposent plus que de trois jours de stock d’aliments en moyenne. Mais les risques de rupture de cette chaîne mondialisée sont divers: incendies, inondations, conflits sociaux, maladies… On peut donc affirmer que les villes sont aujourd’hui en situation d’insécurité alimentaire.

Les maires des communes ont ainsi la responsabilité politique de prendre des mesures pour assurer la sécurité alimentaire de leurs villes, pour en garantir la résilience en cas de rupture de la chaîne alimentaire, en créant, à côté des zones d’activité économique ou commerciale, des zones d’activité nourricière. Ils n’ont d’ailleurs besoin d’aucune autorisation pour faire cela. Ils peuvent acquérir des terres, comme l’a fait à Val-de-Reuil la Communauté d’agglomération Seine-Eure, afin de développer une agriculture biologique sur 110 hectares situés sur le périmètre de protection de captage de sa ressource en eau. La collectivité a même transformé un ancien bâtiment industriel, de 10.000 mètres carrés, en « pôle alimentaire », où les producteurs commercialisent leurs produits, les conditionnent, partagent des outils agricoles, organisent des cours de cuisine… En un an, cela a permis de recréer les 59 emplois détruits à cause de la fermeture de l’ancienne usine.

 

Tout repose donc sur les épaules des maires?

S’alimenter est l’affaire de tous. La partie se joue donc à quatre: l’apprentissage et l’organisation des 21 actions que nous suggérons dans notre livre réunissent élus locaux, monde économique, paysans et habitants. L’association Réseau Cocagne a par exemple créé 102 fermes biologiques d’insertion et 6 structures agroalimentaires autour de la France. Elles emploient plus de 5.600 personnes et génèrent 16,3 millions d’euros de chiffre d’affaires annuels par la seule vente de légumes. A Amiens et Bayonne, les habitants retournent le gazon des HLM pour y construire des potagers.

La transition alimentaire implique d’ailleurs la transition agricole. Et dans cette transition les paysans, qui aujourd’hui vivent une crise terrible, doivent être accompagnés. Les structures de maraîchage du futur seront participatives et écologiques. C’est déjà le cas au Québec, ou des communautés de communes achètent des terres et y emploient des formateurs qui apprennent aux enfants, aux personnes en insertion, aux citoyens, à cultiver, conserver et cuisiner les produits.

Mais l’agriculture urbaine peut-elle vraiment nourrir les villes dans un monde de plus en plus urbanisé et où la population ne cesse de croître?

Afin d’assurer l’autonomie alimentaire des villes il faut inclure le territoire autour, celui compris dans un rayon permettant de les approvisionner en une heure. Et déjà aujourd’hui, 75% de la production agricole mondiale vient de petites exploitations.

Mais le développement de nouvelles techniques de régénération végétale permet désormais d’augmenter significativement la productivité de l’agriculture urbaine, et donc de mener des expériences de production intéressantes sur de petites surfaces, de mettre à profit les interstices cultivables. Des chercheurs à Rennes ont ainsi constaté que l’agriculture urbaine peut apporter beaucoup à l’autonomie alimentaire des villes, en permettant de réduire le périmètre d’approvisionnement. Sans compter ses autres atouts: l’éducation, la réduction des pollutions, la régénération des sols.

Cette autonomie alimentaire peut-elle coexister avec une économie mondialisée?

Oui, mais elle représente un monde séparé, fondé non plus sur la compétition, les marchés, les valeurs monétaires, mais sur le partage, la coopération, la proximité, le respect du vivant. Il s’agit tout d’abord de débrancher de la prise de la mondialisation, en se nourrissant sobrement. Ensuite, l’apprentissage de l’autonomie et de la coopération peut inspirer la mise en place d’autres biens, services, voire de systèmes monétaires locaux. Le partage créé l’abondance. Alors, les vents des marchés et de la finance peuvent passer au-dessus de ce monde sans impact.

À la veille des municipales, trouvez-vous que les Français sont demandeurs d’une telle transition?

Cela fait des années que nous suivons ces thématiques Et depuis quelques mois, nous avons constaté un véritable bond dans l’intérêt qu’elles suscitent. Deux thèmes reviennent en force dans quasiment tous les débats locaux en vue des municipales: l’environnement et l’alimentation.

Ces mêmes Français vous semblent-ils prêts à faire les sacrifices impliqués par l’autonomie alimentaire?

Toute transition conduit nécessairement à faire des choix. Retrouver le lien avec le sol et l’assiette demande de travailler davantage au profit du vivre ensemble que de la productivité. Et au départ, il y a certes un acte de courage, inhérent à la prise de conscience individuelle et collective de la nécessité d’un changement de cap. Mais les « sacrifices » demandés par le parcours de l’autonomie alimentaire ne sont pas si importants: on peut bien se passer de café ou de bananes… Il nous rend d’ailleurs en retour d’autres formes de confort, en dessinant des territoires où les gens ont envie de s’installer car la qualité de vie y est meilleure.

 Crise climatique : un coût  15.000 milliards de dollars d’ici 2050

D’après  étude  de WWF, d’ici 2050,si  rien n’est fait pour endiguer le déclin de la nature, la crise  pourrait se chiffrer à au moins 479 milliards de dollars par an en termes de PIB mondial, soit près de 15. 000 milliards d’ici à 2050. C’est ce que révèle cette étude menée dans 140 pays en collaboration avec les experts des universités américaines de Purdue et du Minnesota. Un travail de deux ans de recherche et de développement grâce à la contribution inédite de scientifiques, économistes et experts politiques du monde entier.

En revanche, des efforts ambitieux pour protéger et restaurer la nature amélioreront considérablement les résultats économiques. Il est encore possible d’inverser la tendance, avec une meilleure utilisation des terres et en préservant mieux les écosystèmes et la biodiversité», stipule le rapport. Les experts évaluent une augmentation du PIB mondial à 490 milliards de dollars par an si les États se tournent vers ces systèmes plus durables et conservent «les services écosystémiques des milieux naturels».

Les plus importantes pertes économiques – 327 milliards de dollars par an – seraient dues à l’érosion des côtes..

Les autres services fournis par la nature seront également durement impactés si rien n’est fait. Le rapport chiffre les pertes inhérentes à la déforestation à 128 milliards de dollars: avec des forêts réduites à peau de chagrin, c’est tout autant d’arbres qui n’aspirent pas de CO2 et ne joueront donc plus leur rôle naturel de réducteur de carbone. Les secteurs alimentaires et agricoles pourraient eux, connaître «des hausses de prix pour des produits comme le bois (+8%), le coton (6%), les graines oléagineuses (+4%) ou encore les fruits et les légumes (+3%)». Une montée des prix vertigineuse qui s’explique par la raréfaction de l’eau (quatre personnes sur dix en souffrent déjà dans le monde selon l’ONU), et la disparition des insectes pollinisateurs.

Utopie: L’autonomie alimentaire des villes ?

Utopie: L’autonomie alimentaire des villes ?

 

Une interview intéressante de  l’urbaniste Sabine Becker et le chercheur François Rouillay à l’occasion de la sortie de leur livre publié le 11 février intitulé « En route pour l’autonomie alimentaire ». Cependant, le  concept d’agriculture urbaine qu’ils prônent semblent faire l’impasse sur  l’existence des campagnes qui comme les villes structurent notre pays. On ne saurait réduire l’aménagement du territoire aux seules zones fortement agglomérées même entourées  de jardins supposés nourrir la population. Une vision assez réductrice voire caricaturale  de l’aménagement du territoire. Un concept d’agriculture urbaine d’abord utopique ensuite qui légitime une vision concentrationnaire d’un aménagement du territoire sous domination des villes. Une vision assez écolo bobo.  ( Interview dans la tribune)

 

 

La notion d’autonomie alimentaire, à laquelle vous consacrez votre livre, est de plus en plus souvent évoquée dans le débat public autour de l’alimentation. Qu’est-ce qu’elle désigne?

 

SABINE BECKER et FRANÇOIS ROUILLAY - Liée à la nécessité d’une alimentation respectueuse du vivant, l’autonomie alimentaire renvoie à la perspective d’une « terre d’avenir » sur le territoire: c’est-à-dire d’une terre vivante en capacité de nourrir et maintenir en bonne santé ses enfants. Trois idées sont donc imbriquées dans cette notion: le respect du sol et de la biodiversité, le maintien de la santé, et une alimentation nécessairement locale.

Elle vise à restaurer le lien entre producteurs et mangeurs, qui aujourd’hui est coupé à deux endroits. Les producteurs sont en effet exposés à une concurrence mondialisée. Leurs produits voyagent des centaines, voire des milliers, de kilomètres avant d’atteindre les mangeurs, et sont parfois massivement gaspillés. Les producteurs ne voient donc plus la nourriture au travers du territoire et de leurs habitants, mais des comptes d’exploitation et des marchés. Les consommateurs pour leur part regardent la nourriture par le biais de la publicité, du temps pressé, de leur four à micro-ondes… Ils ne prennent plus le temps de travailler des produits bruts et de rencontrer les producteurs. Ils cherchent une facilité nutritive accentuée par les colorants, les exhausteurs de goût. Il faut donc un changement de regard pour induire un changement de comportement.

 

Quelle est justement l’utilité politique – en entendant le mot « politique » au sens large – de cette notion d’autonomie alimentaire?

Elle peut notamment permettre de transformer positivement les politiques d’aménagement du territoire. Pendant les 50 dernières années, l’étalement urbain a eu lieu au mépris du respect des zones de production de nourriture autour des villes. Les villes, qui auparavant étaient autosuffisantes, dépendent désormais de la chaîne alimentaire mondialisée pour se nourrir. Elles ne disposent plus que de trois jours de stock d’aliments en moyenne. Mais les risques de rupture de cette chaîne mondialisée sont divers: incendies, inondations, conflits sociaux, maladies… On peut donc affirmer que les villes sont aujourd’hui en situation d’insécurité alimentaire.

Les maires des communes ont ainsi la responsabilité politique de prendre des mesures pour assurer la sécurité alimentaire de leurs villes, pour en garantir la résilience en cas de rupture de la chaîne alimentaire, en créant, à côté des zones d’activité économique ou commerciale, des zones d’activité nourricière. Ils n’ont d’ailleurs besoin d’aucune autorisation pour faire cela. Ils peuvent acquérir des terres, comme l’a fait à Val-de-Reuil la Communauté d’agglomération Seine-Eure, afin de développer une agriculture biologique sur 110 hectares situés sur le périmètre de protection de captage de sa ressource en eau. La collectivité a même transformé un ancien bâtiment industriel, de 10.000 mètres carrés, en « pôle alimentaire », où les producteurs commercialisent leurs produits, les conditionnent, partagent des outils agricoles, organisent des cours de cuisine… En un an, cela a permis de recréer les 59 emplois détruits à cause de la fermeture de l’ancienne usine.

 

Tout repose donc sur les épaules des maires?

S’alimenter est l’affaire de tous. La partie se joue donc à quatre: l’apprentissage et l’organisation des 21 actions que nous suggérons dans notre livre réunissent élus locaux, monde économique, paysans et habitants. L’association Réseau Cocagne a par exemple créé 102 fermes biologiques d’insertion et 6 structures agroalimentaires autour de la France. Elles emploient plus de 5.600 personnes et génèrent 16,3 millions d’euros de chiffre d’affaires annuels par la seule vente de légumes. A Amiens et Bayonne, les habitants retournent le gazon des HLM pour y construire des potagers.

La transition alimentaire implique d’ailleurs la transition agricole. Et dans cette transition les paysans, qui aujourd’hui vivent une crise terrible, doivent être accompagnés. Les structures de maraîchage du futur seront participatives et écologiques. C’est déjà le cas au Québec, ou des communautés de communes achètent des terres et y emploient des formateurs qui apprennent aux enfants, aux personnes en insertion, aux citoyens, à cultiver, conserver et cuisiner les produits.

Mais l’agriculture urbaine peut-elle vraiment nourrir les villes dans un monde de plus en plus urbanisé et où la population ne cesse de croître?

Afin d’assurer l’autonomie alimentaire des villes il faut inclure le territoire autour, celui compris dans un rayon permettant de les approvisionner en une heure. Et déjà aujourd’hui, 75% de la production agricole mondiale vient de petites exploitations.

Mais le développement de nouvelles techniques de régénération végétale permet désormais d’augmenter significativement la productivité de l’agriculture urbaine, et donc de mener des expériences de production intéressantes sur de petites surfaces, de mettre à profit les interstices cultivables. Des chercheurs à Rennes ont ainsi constaté que l’agriculture urbaine peut apporter beaucoup à l’autonomie alimentaire des villes, en permettant de réduire le périmètre d’approvisionnement. Sans compter ses autres atouts: l’éducation, la réduction des pollutions, la régénération des sols.

Cette autonomie alimentaire peut-elle coexister avec une économie mondialisée?

Oui, mais elle représente un monde séparé, fondé non plus sur la compétition, les marchés, les valeurs monétaires, mais sur le partage, la coopération, la proximité, le respect du vivant. Il s’agit tout d’abord de débrancher de la prise de la mondialisation, en se nourrissant sobrement. Ensuite, l’apprentissage de l’autonomie et de la coopération peut inspirer la mise en place d’autres biens, services, voire de systèmes monétaires locaux. Le partage créé l’abondance. Alors, les vents des marchés et de la finance peuvent passer au-dessus de ce monde sans impact.

À la veille des municipales, trouvez-vous que les Français sont demandeurs d’une telle transition?

Cela fait des années que nous suivons ces thématiques Et depuis quelques mois, nous avons constaté un véritable bond dans l’intérêt qu’elles suscitent. Deux thèmes reviennent en force dans quasiment tous les débats locaux en vue des municipales: l’environnement et l’alimentation.

Ces mêmes Français vous semblent-ils prêts à faire les sacrifices impliqués par l’autonomie alimentaire?

Toute transition conduit nécessairement à faire des choix. Retrouver le lien avec le sol et l’assiette demande de travailler davantage au profit du vivre ensemble que de la productivité. Et au départ, il y a certes un acte de courage, inhérent à la prise de conscience individuelle et collective de la nécessité d’un changement de cap. Mais les « sacrifices » demandés par le parcours de l’autonomie alimentaire ne sont pas si importants: on peut bien se passer de café ou de bananes… Il nous rend d’ailleurs en retour d’autres formes de confort, en dessinant des territoires où les gens ont envie de s’installer car la qualité de vie y est meilleure.

12



L'actu écologique |
bessay |
Mr. Sandro's Blog |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | astucesquotidiennes
| MIEUX-ETRE
| louis crusol