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Urbanisme : une tour de 2 km de haut en Arabie Saoudite !

Urbanisme : une tour de 2 km de haut en Arabie Saoudite !

 
Pourquoi pas un jour une tour de 384 400 km, la distance de la Terre à la Lune. Il suffirait alors de prendre l’ascenseur au lieu d’expédier des fusées pour atteindre notre satellite! Comme la bêtise humaine n’a pas de limite, elle contamine aussi les architectes qui rivalisent de prouesses techniques pour construire des tours de plus en plus hautes. Ainsi en Arabie Saoudite, l’architecte Norman Foster,  travaille sur un projet de  gratte-ciel de plus 2 kilomètres de haut, devrait bientôt voir le jour et dépasser, de loin, le Burj Khalifa. On imagine en effet les conséquences catastrophiques en cas d’accident volontaire ou non. Sans parler des atteintes à l’environnement et aux paysages.

Avec cette tour record, Norman Foster battra son propre record. Il achève actuellement la construction du siège mondial de JPMorgan Chase à New York, d’une hauteur de 423 mètres. Outre ce projet, Riyad accueillera bientôt la tour Mukaab, un gratte-ciel cubique de 400 mètres de haut conçu par Atkins et présenté comme le plus grand bâtiment urbain du monde. Ce bâtiment de 2 millions de mètres carrés devrait dominer le nord-ouest de Riyad et abriter des bureaux, des logements et des espaces de divertissement.
Défier les lois de la gravité pour atteindre les étoiles, d’autres villes s’y sont frottés avant Riyad. Depuis 2010, le Burj Khalifa et ses 828 mètres culmine au sommet du classement. L’œuvre de l’architecte Adrian Smith abrite des appartements, des bureaux et des chambres d’hôtel. Déjà nettement plus petit, le PNB 118 culmine, lui, à 679 mètres dans la skyline de Kuala Lumpur en Malaisie. Inauguré en début d’année 2024, il est le deuxième plus grand gratte-ciel mondial. Tokyo possède le troisième monument le plus grand avec sa to

Urbanisme et Aménagement du territoire – Pour la démétropolisation de nos sociétés

Urbanisme et Aménagement du territoire – Pour la démétropolisation de nos sociétés



Si 58 % de la population mondiale est urbaine, il y a incompatibilité de ce mouvement d’urbanisation avec la sauvegarde de la planète. Par Guillaume Faburel, Université Lumière Lyon 2

Si le processus d’urbanisation globalisée ne semble pas vouloir marquer le pas, le géographe Guillaume Faburel nous invite à considérer le débranchement urbain dans son texte « Vider les villes ? », dont nous vous proposons des extraits. Retrouvez cette réflexion et bien d’autres dans le livre collectif « Écologies. Le vivant et le social », publié aux éditions de la Découverte.

Vider les villes ? Voilà bien a priori une hérésie. La ville, c’est le progrès et l’émancipation. Tous les grands moments de notre civilisation y sont chevillés, des cités-États aux villes-monde et métropoles d’aujourd’hui. Pourquoi diable vouloir les vider ?

Simplement parce que tous les mois à travers le monde l’équivalent d’une ville comme New York sort de terre. À moins de croire dans le solutionnisme technologique et le durabilisme des transitions, il est temps de rouvrir une option envisagée dès les années 1970 : la désurbanisation de nos sociétés. Voici peut-être l’unique solution face à la dévastation écologique. Un seul « s » sépare demeure et démesure, celui de notre propre survie.

Aujourd’hui, 58 % de la population mondiale est urbaine, soit près de 4,4 milliards d’habitants (dont presque 40 % résidant aux États-Unis, en Europe et en Chine), contre 751 millions en 1950. Cette proportion est même annoncée à 70 % en 2050 par l’Organisation des Nations unies (ONU).
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Avec plus de vingt millions d’habitants, Mumbaï a vu sa superficie bâtie presque doubler entre 1991 et 2018, perdant ainsi 40 % de son couvert végétal. Dhaka, dont la population de l’agglomération excède aussi vingt millions d’habitants, a vu disparaître 55 % des zones cultivées, 47 % des zones humides et 38 % du couvert végétal entre 1960 et 2005. Pendant que la superficie bâtie augmentait de 134 %.

Plus près de nous, le Grand Paris est le chantier d’aménagement le plus important de l’histoire de la capitale depuis le Second Empire (XIXe siècle), avec pas moins de deux cents kilomètres de lignes de métro supplémentaires, cent soixante kilomètres de tunnels à percer, soixante-huit gares à construire, quatre-vingt mille logements par an à sortir de terre.

En France d’ailleurs, la population urbaine a augmenté de 20 % entre 1960 et 2018, pour officiellement dépasser les 80 % de la population hexagonale en 2020, ramenés toutefois à 67 % en ne tenant plus uniquement compte de l’influence des villes mais aussi de la taille des peuplements (critère de densité des constructions). Près de la moitié vit dans l’une des vingt-deux grandes villes (dont quatre millionnaires en nombre d’habitants), à ce jour officiellement dénommées métropoles. Et, depuis ces centres métropolitains jusqu’aux couronnes périurbaines, comme dans un bon tiers des périmètres de villes moyennes et d’inter-communalités (elles-mêmes grossissantes par volontarisme réglementaire), l’urbanisation croît deux fois plus vite en surface qu’en population (et même trois fois dans les années 1990, soit annuellement la taille de Marseille, un département tous les dix ans, la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur en cinquante ans).

La métropolisation du monde
Les foyers premiers ainsi que le modèle principal de cette croissance sont assurés par les grandes agglomérations, au premier chef les sept villes-monde (New York, Hongkong, Londres, Paris, Tokyo, Singapour et Séoul) et leurs épigones, cent vingt métropoles internationales. Elles représentent en cumul 12 % de la population mondiale pour 48 % du Produit Intérieur Brut (PIB) mondial. Il y a donc du capital à fixer et de la « richesse » à produire… À condition de continuer à grossir. Tokyo a déjà un PIB supérieur à celui du Canada, Paris à celui de la Suisse…
Engagée depuis une quarantaine d’années dans les pays occidentaux, la métropolisation représente le stade néolibéral de l’économie mondialisée : polarisation urbaine des nouvelles activités dites postindustrielles et conversion rapide des pouvoirs métropolitains aux logiques de firme marchande.

Elle incarne l’avantage acquis ces dernières décennies par les grandes villes : articulation des fonctions de commandement (ex : directions d’entreprises) et de communication (ex : aéroports, interconnexions ferroviaires, etc.), polarisation des marchés financiers (ex : places boursières et organismes bancaires), des marchés d’emplois de « haut niveau » – que l’Insee qualifie de métropolitains depuis 2002 (conception-recherche et prestations intellectuelles, commerce interentreprises et gestion managériale, culture et loisirs) ou encore de marchés segmentés de consommation (tourisme, art, technologies…).
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Or, occupant seulement 2 % de la surface de la Terre, le fait urbain décrit produit 70 % des déchets, émet 75 % des émissions de gaz à effet de serre (GES), consomme 78 % de l’énergie et émet plus 90 % de l’ensemble des polluants émis dans l’air pour, souvenons-nous, 58 % de la population mondiale.
Pour les seuls GES, vingt-cinq des cent soixante-sept plus grandes villes du monde sont responsables de près de la moitié des émissions urbaines de CO2 – la fabrication du ciment représentant près de 10 % des émissions mondiales, en augmentation de 80 % en dix ans. À ce jour, 40 % de la population urbaine mondiale vit dans des villes où l’exposition à la chaleur extrême a triplé sur les trente-cinq dernières années.

Plusieurs mégapoles s’enfoncent annuellement de plusieurs centimètres sous le poids de la densité des matériaux de construction et du pompage des nappes phréatiques (Mexico, Téhéran, Nairobi, Djakarta…). La prévalence des maladies dites de civilisation est nettement plus importante dans les grandes villes, responsables de quarante et un millions de décès annuels à travers le monde (cancers, maladies cardiovasculaires et pulmonaires, diabète et obésité, troubles psychiques et maladies mentales).

Enfin, selon le Fonds monétaire international, à l’horizon de la fin du siècle, 74 % de la population mondiale (annoncée en 2100 urbaine à 80 %) vivra des canicules mortelles plus de vingt jours par an. Un point de comparaison : la canicule de 2003 en France, 15 000 morts, en dix-huit jours. D’ailleurs, en France, les pollutions atmosphériques des grandes villes sont responsables de 50 000 morts annuellement.

Le secteur du bâtiment-travaux publics (BTP), toutes constructions confondues (mais à 90 % dans les aires définies comme urbaines), représente 46 % de la consommation énergétique, 40 % de notre production de déchets et 25 % des émissions de GES. L’autonomie alimentaire des cent premières villes est de trois jours (98 % d’alimentation importée) et Paris, par tous ses hectares nécessaires, a une empreinte écologique trois cent treize fois plus lourde que sa propre superficie.
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Si l’on croise les données de nos impacts écologiques avec celles des limites planétaires, on constate que l’empreinte moyenne de chaque Français va devoir être divisée par quatre à six pour prétendre à la neutralité carbone à horizon de 2050. Pour ce faire, loin du technosolutionnisme ambiant et du durabilisme du verdissement, l’autonomie, comprise comme autosubsistance et autogestion, est le seul moyen de se figurer l’ensemble de nos pressions et de les contenir par l’autodétermination des besoins, au plus près des ressources et de leurs écosystèmes. Ceci, sans pour autant négliger nos interdépendances sociales et quelques-unes de nos libertés.
Or pour faire autonomie, toute ville devrait produire 100 % de son énergie, qui plus est renouvelable (or, à ce jour, Lyon, Bordeaux ou Rennes n’en produisent par exemple que 7 % à 8 % , non renouvelables), remettre en pleine terre entre 50 % et 60 % des sols pour la production vivrière et le respect du cycle de l’eau (à ce jour, entre 1 % et 1,5 % dans les villes labellisées Métropoles françaises), ou encore restituer aux écosystèmes au moins 15 % des sols urbanisés pour la biodiversité. Tout ceci est infaisable morphologiquement et, quoi qu’il en soit, impensable dans le cadre d’une ville devenue médiation première du capital.

Nous n’avons en fait pas d’autre choix que de nous affranchir des grandes centralités et de leurs polarités, comme certains espaces périurbains commencent à le faire ; en déconcentrant et en relocalisant, en décentralisant, sans omettre de décoloniser quelques habitudes et modes de vie.
Mais comment passer de l’ère de taire l’inconséquence de nos écologies urbaines à l’âge du faire des géographies posturbaines, sans pour autant rétrécir la société par le jeu des identités et le retour de quelques barbelés ? Quelles sont les conditions d’une désurbanisation sans perte d’altérité, et sans oublier cette fois la communauté biotique ?
Bientôt, le débranchement urbain ?

Cette autre géographie est d’ores et déjà en construction, à bas bruit. Les espaces plus ouverts, ceux des campagnes, offrent d’autres possibilités, sous condition de révision de quelques comportements, particulièrement ceux liés à nos mobilités, connectivités et divertissements. En France, cela correspond au foisonnement d’alternatives au sein des espaces dessinés par les treize mille petites villes et petites villes de proximité, bourgs et villages centre, auxquels il faut ajouter les milliers d’autres villages, hameaux et lieux-dit : néoruralités qui connaissent leur septième vague d’installation, néopaysanneries dynamiques, zones à défendre, communautés existentielles/intentionnelles, écolieux et fermes sociales…

Permaculture et autosubsistance vivrière, chantiers participatifs et autoconstruction bioclimatique, épiceries sociales ambulantes et médiathèques villageoises itinérantes, fêtes locales et savoirs vernaculaires… sont clairement ici en ligne de mire. Et l’on pourrait imaginer des foires locales aux logements, puisque près de trois millions sont vacants dans les périphéries, alors que ce secteur est prétendument en crise. Et, toute cette effervescence ne concerne pas moins de 30 % du territoire hexagonal.

Là serait la raison du débranchement urbain : cesser d’être les agents involontaires des méga-machines urbaines en recouvrant de la puissance d’agir, non plus pour faire masse contre la nature mais pour faire corps avec le vivant. Le triptyque habiter la terre, coopérer par le faire, autogérer de manière solidaire peut constituer la matrice d’une société écologique posturbaine. À condition de vider les villes, les grandes, et de cheminer enfin vers le suffisant.
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Par Guillaume Faburel, Professeur, chercheur à l’UMR Triangle, Université Lumière Lyon 2
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Urbanisme: de la résidence secondaire, à celui de la ville secondaire

Urbanisme: de la résidence secondaire, à celui de la ville secondaire (Jean Viard)

par Jean Viard est directeur de recherche au CNRS et au CEVIPOF. Il est l’un des plus grands connaisseurs du territoire français et a publié une dizaine d’ouvrages sur la question. Dans son dernier en date, « La France telle que je la connais » (éditions de l’Aube), il s’intéresse notamment à la façon d’habiter le pays et aux modifications survenues et amplifiées par la pandémie. Parmi celles-ci, l’envie de maison, de piscine, et d’une plus grande liberté grâce à la maison individuelle. (Cet article est issu de T La Revue n°11 – « Habitat : Sommes-nous prêts à (dé)construire ? », actuellement en kiosque).

Un article intéressant mais qui d’un certain point de vue constitue une redécouverte de l’évidence quant à l’aménagement du territoire , à l’urbanisme et aux souhaits des Français. Par ailleurs un article justement qui fait pratiquement l’impasse sur l’aménagement du territoire et la dimension économique qui contraint les ménages à construire et-ou résider assez loin de leur lieu de travail.

Quel état des lieux des différents types d’habitation pouvons-nous dresser ?
Jean Viard En France, il y a 16 millions de maisons individuelles et 12 millions d’appartements. Sur les 12 millions d’appartements, presque la moitié est occupée par des personnes seules. À Paris, c’est le ratio. Le développement des études a bouleversé les villes qui deviennent le grand lieu de la jeunesse et des touristes. C’est cela le modèle qui prédomine aujourd’hui pour les villes. À l’opposé, le modèle d’habitat idéal des familles est celui de la maison individuelle avec jardin ou un appartement urbain avec résidence secondaire. La France est le grand pays des résidences secondaires puisqu’il en existe environ 3 millions sur le territoire et 1,5 million à l’étranger. Tout cela veut dire que sur les 12 millions d’appartements, la moitié est occupée par des gens seuls et qu’un quart de cette population possède une résidence secondaire. Il existe donc deux modes d’habitation majoritaires en France : la maison individuelle ou la bi-résidence et au bout de la rangée des gens qui n’habitent que dans des tours et des banlieues. Cela permet de comprendre la volonté profonde des gens quand ils ont le choix : ils veulent des maisons. Cela s’inscrit complètement à contre-courant de tous les discours des urbanistes depuis la Guerre qui expliquent qu’il convient de densifier la ville, notamment en hauteur. Or, ce n’est pas ce que veulent les gens.

Ce qui renforce l’idée selon laquelle la place de la maison individuelle est aujourd’hui centrale dans l’imaginaire des Français ?
J.V. Elle est en effet centrale. Mais cela répond à plusieurs logiques et différentes envies. En France, il y a environ 50 % de la population qui habite dans son département de naissance. Ces gens sont donc restés dans leurs petites villes et vont tous les jours travailler à la grande ville aux alentours. Le Massif central est un bon exemple de cela. Ceux qui sont restés en campagne ont fourni le gros des bataillons des Gilets jaunes. À cela vient s’ajouter l’arrivée d’une nouvelle population dans les 3,5 millions de fermes qui n’en sont plus mais qui attirent l’habitant qui rêve justement d’espace et de jardin. Soit pour un habitat périurbain, soit pour une résidence secondaire. Reste la question des lotissements, et du périurbain qui est le modèle de la ville moderne aux États-Unis, en France, en Angleterre. Cela s’accompagne de supermarchés, des ronds-points, etc. Cela correspond à l’accession des enfants de milieux populaires à la propriété alors que les parents vivaient dans l’habitat collectif des villes. Souvent, le fait de ces familles qui ont accédé à la propriété au tournant des années 1970 coïncidait avec la généralisation du bi-salariat, avec l’homme et la femme qui travaillent. Il n’est pas étonnant que ces populations aient été au cœur des mouvements des Gilets jaunes. C’est le symbole de Saint-Dizier où l’on ne vit pas mal dans un lotissement avec maison individuelle, mais où l’on est loin de tout et où cela ne suffit pas et où on a l’impression d’être abandonné. D’où les rassemblements sur les ronds-points.
Ce que la pandémie a accéléré – projetant ainsi une nouvelle lumière sur la maison individuelle – c’est le modèle « bobo-travailleur ». Eux, ils vont dans la France patrimoniale des résidences secondaires, là où il y a de l’architecture, de l’histoire, des forêts, etc. Ils vivent généralement dans les appartements urbains, et se sont mis en quête d’une résidence secondaire, ou pis, d’une autre vie. Ailleurs. En 2021, 800 000 maisons avec jardin ont été vendues en France. Et Paris a perdu 6 000 enfants dans les écoles en 2020 et 2021, amplification d’une tendance qui préexistait puisque depuis cinq ans, la capitale enregistrait le départ de 3 000 enfants par an. Ainsi, la pandémie a créé un mouvement de population dont il est difficile de percevoir encore les effets structurels mais qui d’ores et déjà modifie les regards et les perceptions. Auparavant, quelqu’un qui vivait à Tours se demandait sans cesse s’il devait ou non aller habiter à Paris. Désormais, c’est l’inverse, Tours devient attractif et les Parisiens la plébiscitent car elle n’est qu’à une heure de Paris et mêle patrimoine, histoire, et espaces. Cela redessine la France du désir, ce qui est très intéressant pour la revalorisation des territoires. Le modèle de cette population est d’aller à Paris ou à Lyon une à deux fois par semaine.
Ce que sous-tend cette nouvelle donne peut amener aussi à une profonde rénovation démocratique. Pourquoi ne pas imaginer un double droit de vote ? L’un pour le lieu où l’on habite, l’autre pour le lieu où l’on travaille. À Paris, un million de personnes viennent chaque jour pour travailler.
Dans les grandes métropoles comme Paris, aujourd’hui, il reste les jeunes, les touristes, les hauts fonctionnaires et aussi les gens du Care et du service qui vivent en bordures car ils n’ont pas les moyens d’habiter dans la grande ville.

Tout semble traduire un profond changement de modèle de société, non ?
J.V. Complètement, du moins dans la façon de concevoir le lieu d’habitation. Nous sommes en train de passer du modèle de la résidence secondaire, à celui de la ville secondaire. Sur l’esplanade de la Défense, alors que les gens ont moins envie de venir au bureau, une réflexion révolutionnaire est en cours. L’idée est de créer, sur la dalle, une résidence en bois avec des trois pièces, où l’on pourrait louer un appartement pour deux jours par semaine avec des affaires et des effets personnels. Quand la personne s’en va, tout est retiré et stocké ailleurs pour faire la place à quelqu’un d’autre, et tout est remis la semaine suivante quand le travailleur du lundi/mardi revient. L’idée est de faire en sorte que les individus soient réellement chez eux quand ils sont là, mais puissent habiter ailleurs le reste de la semaine. Le voyageur se déplace sans valise. C’est une conciergerie d’habitation au sein des villes où le travail est présent.
On ne pourra pas aller contre ce mouvement de fond. Les gens ont envie d’avoir une maison, un jardin, un barbecue, un chien, et de pouvoir planter des arbres. Ils ont envie d’un lieu où recevoir les copains, où l’on peut se garer, où l’on peut faire du bruit, avec un mode de sociabilité relativement festif. Comme si l’imaginaire du Club Med était réduit au logement individuel et à la villa. Cela sera la tendance majoritaire des prochaines années. La densification du périurbain et donc son évolution est au cœur des enjeux.

Densifier le périurbain, c’est-à-dire ?
J.V. Il faut partir du désir des gens, qui rêvent tous d’une maison avec jardin, plutôt à côté de la grande ville, dans une aire urbaine dynamique. Le modèle urbain de demain aura deux moteurs : la métropole, là où la toile numérique croise les pouvoirs économiques, culturels et politiques, et la base agroforestière, nourricière et récréative. Il s’agira d’habiter entre les deux, en protégeant les terres arables. Comment densifier ce périurbain ? Je crois que la ville écologique de demain sera une ville étalée et dense.
Attention, densifier cela ne veut pas dire construire des immeubles dans le périurbain, c’est multiplier les maisons. En gros, au début, les lotissements, c’étaient des terrains de 2 500 mètres carrés. Maintenant, on fait des lotissements avec des terrains de 300 mètres carrés, et 300 mètres carrés, en réalité, ça vous suffit, vous permet d’aller dehors, même d’avoir une petite piscine, etc. D’être protégé par la végétation, d’avoir la vue, d’avoir le soleil. Moi, je crois beaucoup à la densification du périurbain, à sa réorganisation en archipel, entre la forêt, les fermes et le patrimoine. Cela permet une densification du lien social, donc il y a énormément d’avantages. Au premier rang de ceux-là : une culture écologique de la mobilité, une réorganisation démocratique aussi. C’est-à-dire qu’il convient de créer de grandes communes, et retoucher le territoire. De Gaulle aurait pris un avion, aurait survolé le territoire et aurait décidé la création de cent communes pour lutter contre justement les enclavements, et la densité phénoménale des quartiers. L’idée, c’est aussi de voir la nature. On en a encore plus besoin après la pandémie. Il y a des villes comme Rennes qui ont fait un boulot fantastique de « ville archipel » en montant tous les logements autour des fermes, pour que tout le monde voie soit une exploitation agricole, soit une forêt, soit une partie du patrimoine urbain. Réinstaller les gens dans un territoire de citoyenneté est capital. Les gens veulent du proche géographique. Il faut revenir aussi au précepte de Jules Ferry selon lequel les serviteurs de l’État devaient habiter à côté de leur lieu de travail. La hiérarchie de l’habitat ne doit plus être fonction des revenus, mais du point d’exercice du travail.

La maison individuelle écologique existe-t-elle déjà ?
J.V. Pas réellement et c’est un sujet. Car cela permet aux urbanistes d’expliquer en permanence que l’étalement périurbain est une catastrophe. Tout dépend de la façon où on le fait. Par ailleurs, l’étalement périurbain a aussi la capacité de faire baisser le bilan mobilité des gens en général. Les personnes qui ont une maison avec jardin statistiquement circulent moins le week-end et prennent moins l’avion pour aller à Marrakech.
Croyez-vous à l’avènement d’une société des piscines ?
J.V. Sur ce sujet, il faut savoir raison garder. Il y a eu environ 300 000 piscines de plus en 2021 et il y a environ 3 millions de piscines dans tout le pays. Cela reste donc quelque chose de marginal, au sens où cela ne concerne pas tout le monde. Cela dit, cette vague traduit là encore l’envie d’un mode de vie plus festif.

Urbanisme- Transformer les villes …Mais pas les mettre à la campagne !

Urbanisme- Transformer les villes …Mais pas les mettre à la campagne !

 

Un plaidoyer sur la ville durable qui dégage quand même un certain parfums de lobby qui ne conçoit l’aménagement qu’autour de l’urbanisation notamment via les métropoles. Bref, la défense du concept de croissance endogène .

Pierre-André de Chalendar est PDG du groupe Saint-Gobain, leader mondial des matériaux de construction. Il passera la main à son successeur, Benoit Bazin, le 1er juillet.

 

Engagé depuis longtemps dans la lutte contre le réchauffement climatique, il vient de publier Le défi urbain, retrouver le désir de vivre en ville (Odile Jacob), un plaidoyer pour une ville durable, que les acteurs du bâtiment doivent contribuer à construire.

Les villes ont été rattrapées par leurs défauts avec la pandémie, et leurs habitants les ont quittées. Vous continuez pourtant de croire en leur avenir. Pourquoi ?

Il n’y a pas eu d’exode urbain en tant que tel. Les gens se sont plutôt questionnés sur leur départ. La crise, agissant comme un révélateur et un accélérateur, a interrogé la densité urbaine, la suroccupation des logements, le partage de l’espace… L’inégalité face au logement n’a jamais été aussi criante. La Covid a aussi renforcé ce sentiment commun à toutes les époques : les pandémies se répandent plus vite dans les villes. Tout cela a créé un sentiment d’anxiété. Des gens sont allés se confiner hors des villes, mais ce sont plutôt les heureux du système. La ville a toujours été un lieu de désir. C’est la fête, les relations, le commerce, la richesse, la culture, la vie. Ce n’est qu’à partir du XIXe siècle et de la révolution industrielle qu’elle a été associée à la pollution. Les villes ne représentent aujourd’hui que 2 % de la surface de la planète, mais près de 70 % des émissions de gaz à effet de serre. Alors que le processus d’urbanisation ne va faire que progresser, elles vont avoir un rôle à jouer dans la lutte contre le changement climatique. Et si on veut qu’elles redeviennent un lieu de désir, il faut les transformer.

Le modèle des villes de demain est-il celui de ces villes nouvelles, connectées, mieux organisées et économes en ressources qui poussent en Corée ou en Chine ?

Je ne crois pas. On ne peut pas créer à partir de rien. Dans les villes nouvelles construites à travers le monde, seul l’exemple de Saint-Pétersbourg peut s’apparenter à une réussite. Brasilia, la capitale du Brésil, n’a pas très bien vieilli. Le pire, ce sont les villes nouvelles du général de Gaulle, construites le long des lignes de RER : Marne-la-Vallée, Evry, Cergy-Pontoise, Corbeil-Essonnes… Pourquoi ? Parce qu’elles ont été conçues comme des satellites de Paris. Il leur manquait des attributs. Ce modèle ne fonctionne pas. Il faut au contraire imaginer des villes où toutes les fonctions essentielles sont accessibles rapidement, dans l’esprit de la « ville du quart d’heure » de l’urbaniste Carlos Moreno. Le concept de métropoles ne va pas disparaître, mais elles doivent contenir plusieurs centres pour éviter ce phénomène de ghettoïsation qu’on a provoqué depuis 40 ans dans les grandes villes françaises. La ville doit retrouver une certaine mixité, renouer avec le végétal… Le bâtiment a un grand rôle à jouer dans ce nouveau paradigme, et on l’a constaté avec la croissance de nos activités de rénovation dès la fin du premier confinement.

« Il s’agira de penser à la déconstruction des bâtiments dès leur construction. En d’autres termes, les bâtiments deviendront des banques de matériaux »

Comment l’expliquez-vous ?

Le confinement a contraint les gens à passer beaucoup plus de temps dans leur logement. Leur rapport à l’habitat a radicalement changé. Maisons et appartements ne sont plus seulement des espaces de vie, mais de travail. Ce qui demande une nouvelle organisation de l’espace et fait naître un besoin de modularité… La période s’est aussi révélée propice à l’épargne. Résultat, c’est le plein boom pour Saint-Gobain, alimenté par un mouvement de fond. Dans beaucoup de pays, les gouvernements ont fait de la rénovation énergétique une part importante des plans de relance. Les moyens que chacun va consacrer à son logement vont aller croissant avec la généralisation du télétravail.

Le concept d’économie circulaire est au cœur de votre conception de la ville durable. Dans le bâtiment, il reste de gros progrès à faire : seuls 30 % des déchets du secteur sont recyclés…

Le secteur de la construction représente 40 % des déchets en volume dans le monde. C’est considérable. Utiliser des matériaux recyclés permet de pallier le problème car ils réduisent beaucoup les émissions de gaz à effet de serre. Chez Saint-Gobain, le verre ou le gypse de la plaque de plâtre, sont par exemple recyclables à l’infini. On aimerait avoir plus de ces matériaux, mais le problème réside dans leur collecte. Des progrès sont à faire, ils prendront beaucoup de temps : il s’agira de penser à la déconstruction des bâtiments dès leur construction. En d’autres termes, les bâtiments deviendront des banques de matériaux. Il faut donc organiser des écosystèmes et une filière pour récupérer et recycler ces matériaux. La tour Saint-Gobain, à la Défense, a par exemple été construite sur un ancien bâtiment qu’on a démantelé en récupérant le plus de pièces possible. Ça coûte plus cher, mais cela va dans le sens de l’histoire.

Vous avez publié, en novembre 2020 une feuille de route visant la neutralité carbone en 2050. N’est ce pas utopique pour une industrie qui consomme beaucoup d’énergie ?

L’industrie est régulièrement pointée du doigt pour son empreinte carbone et le rôle qu’elle joue dans le réchauffement climatique. Elle est peut-être le problème, mais elle est surtout la solution. 2050, ça peut paraître loin, mais dans l’industrie, c’est quasiment demain. Il faut qu’on soit capable dès 2030 d’éco-produire nos solutions dans les usines appropriées. On va dépenser environ 100 millions d’euros par an d’ici à 2030 pour parvenir à nos objectifs et trouver comment on va faire. Car tout dépendra du mix énergétique des années à venir, la part qu’y prendront l’hydrogène vert, la biomasse… Ce « zéro carbone net », c’est beaucoup plus qu’un idéal. En 2019, c’était une « aspiration », comme disent les Américains, mais aujourd’hui c’est un objectif réaliste. On a récemment lancé notre première usine de plaque de plâtre zéro carbone en Norvège. Le pays possède de nombreux barrages hydroélectriques qui produisent de l’électricité verte pas chère. Si ces objectifs ne sont pas contraignants comme peut l’être le statut d’entreprise à mission, les rémunérations variables de 2 500 cadres pourront être touchées si ceux à court terme ne sont pas atteints. Je suis assez confiant dans notre capacité à concrétiser nos ambitions. En revanche, on ne pourra pas tout faire tout seul. Les Etats doivent mettre la main à pâte.

« Un certain nombre de nos propositions ont été retenues dans le projet de loi Climat, qui reste bien fait et réalisable. Les sujets majeurs restent ceux de la lisibilité des aides, et de la dédramatisation de la rénovation énergétique » 

Depuis une dizaine d’années, les gouvernements français ont échoué à atteindre leurs objectifs en matière de rénovation énergétique. Comment passer à la vitesse supérieure ?

Les précédents objectifs étaient trop ambitieux. J’ai eu la chance de participer à une task force consacrée à la rénovation énergétique des bâtiments en juin et juillet 2020, à la demande de la ministre du Logement, Emmanuelle Wargon. Un certain nombre de nos propositions ont été retenues dans le projet de loi Climat, qui reste bien fait et réalisable. Les sujets majeurs restent ceux de la lisibilité des aides, et de la dédramatisation de la rénovation énergétique. Le gouvernement a franchi une grande étape en acceptant de rénover ses bâtiments publics. En plus de donner l’exemple, il va faire des économies sur le long terme.

Quel bilan tirez-vous de vos dix années à la tête de Saint-Gobain ?

J’ai eu deux fils conducteurs : devenir la référence de l’habitat, et d’un habitat durable. Historiquement, Saint-Gobain est une entreprise de matériaux et de produits. Tout mon travail a été de passer d’une culture produit à une culture client. La dernière étape a été de changer l’organisation du groupe dans le cadre de notre plan de transformation Transform & Growpour fonctionner par pays, pour les métiers locaux de la construction. Il y a encore du travail. Le deuxième point, celui de la durabilité, ne coulait pas de source en 2007. Quand j’ai commencé à travailler sur ces questions, j’étais tout seul avec mon directeur du développement durable. Aujourd’hui, tout le monde est impliqué. Grâce à la nouvelle génération, et aux investisseurs. Depuis deux ans, l’intérêt pour le sujet est exponentiel. Lors de la présentation de nos résultats en mars, 40 % des questions des actionnaires portaient sur des sujets ESG. Tout cela me rend plus optimiste. Il est en train de se passer des choses et le groupe doit rester en avance sur ces sujets.




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