Politique: Le réveil social dans les universités ?
Samedi, des dizaines de manifestations sont organisées dans plusieurs villes de France « contre l’extrême droite et ses idées », à l’appel de syndicats et d’associations, dont SOS Racisme. « Nous appelons très clairement à se saisir du bulletin de vote Emmanuel Macron, puisque c’est le seul à disposition pour que Marine Le Pen soit battue », assure au JDD le président de l’association, Dominique Sopo. À huit jours du second tour de l’élection présidentielle, il pointe également les différences entre le contexte du choc du 21 avril 2002 – après lequel il a manifesté dans la rue - et aujourd’hui, où « la question du vote blanc est plus présente dans le débat public ».
Quel est le mort d’ordre de la manifestation de ce samedi ?
Contre l’extrême droite et ses idées, pour la justice et l’égalité, pas de Marine Le Pen à l’Elysée. Le mot d’ordre, c’est de faire barrage, quelle que soit la façon dont on l’exprime, à l’extrême droite représentée par Marine Le Pen. Les participants auront des expressions différentes autour de ce commun. À SOS Racisme, nous appelons très clairement à se saisir du bulletin de vote Emmanuel Macron, puisque c’est le seul à disposition pour que Marine Le Pen soit battue.
Est-ce que vous attendez la même mobilisation qu’en 2002, lorsque Jean-Marie Le Pen a accédé au second tour de l’élection présidentielle ?
La comparaison entre les manifestations de 2002 et de 2017 avaient déjà été faites et il n’y avait aucun rapport en termes de mobilisation, malheureusement. Demain, nous n’aurons pas non plus la même ampleur car deux phénomènes se sont passés. L’extrême droite est au second tour de l’élection présidentielle de façon récurrente : il n’y a plus le choc et l’inattendu. En 2022, comme c’était le cas en 2017, nous sommes face à des matches annoncés, connus de longue date si l’on en croit les sondages. L’extrême droite a aussi été dédiabolisée de façon active, par les efforts de Marine Le Pen, mais aussi par une forme de complaisance sidérante qui s’est traduite, sur le plan médiatique, politique et intellectuel, par un accompagnement de cette banalisation. Les gens perçoivent moins nettement qui est Marine Le Pen et en quoi elle est une singularité, en tant que candidate d’extrême droite, dans le champ politique français. Il y a eu très peu de débats sur son programme réel et elle a pu, assez tranquillement, aidée par les outrances d’Éric Zemmour, se faire passer pour un personnage modéré et quasiment sympathique.
Le contexte est-il différent aujourd’hui qu’en 2022 ?
L’extrême droite comptabilisait 18 % des votes en 2002, si l’on compte les scores de Jean-Marie Le Pen et de Bruno Mégret. Aujourd’hui, dès le premier tour, on est à 33 %, l’ambiance n’est pas la même. Ce qu’on appelle le « Front républicain » a pris du plomb dans l’aile, même si une série des forces politiques, syndicales et associatives sont claires sur le fait de battre Marine Le Pen dans les urnes. Il y a cependant une forme de gêne, de tension chez certains responsables à dire clairement qu’il faut la faire battre en se saisissant de l’autre bulletin de vote. C’est la différence majeure : en 2002, il n’y avait aucun doute sur la nécessité de voter Jacques Chirac pour minorer le score de Jean-Marie Le Pen. Aujourd’hui, cette question du vote blanc est beaucoup plus présente dans le débat public.
Pourquoi ?
A partir du moment où l’on ne perçoit pas la singularité de l’extrême droite, que Marine Le Pen n’est un pas un repoussoir suffisant pour voter Emmanuel Macron, voilà où l’on en est. Il y a un travail de clarification à faire sur ce qu’est le programme de la candidate du RN, la rupture que cela entraînerait sur le plan démocratique, sur les principes républicains, sur la sécurité physique des gens qui sont les cibles traditionnelles de l’extrême droite… Il y a aussi une forme de vide. En 2002, lorsqu’il a fallu faire barrage en votant Chirac, il n’y avait pas de doutes sur les combats sociaux qui allaient être menés ensuite. Aujourd’hui, il y a beaucoup plus de difficultés, pour les jeunes, à se projeter et une survalorisation du temps court, liée aux effets du néolibéralisme. L’idée de battre d’abord l’extrême droite puis de créer des rapports de force, est beaucoup moins audible.
D’autres mobilisations vont-elles s’organiser d’ici le 24 avril ?
Il y aura des rassemblements dans certaines villes la semaine prochaine, notamment autour de la date symbolique du 21 avril. Nous poursuivrons notre travail du quotidien : aller dans les facultés, dans les quartiers populaires pour sensibiliser sur l’importance du vote et rappeler ce qu’est l’extrême droite, son programme et son entourage. On voit bien qu’émerge doucement, soit volontairement, soit sous la pression des interrogations, le programme de Marine Le Pen, qui est la mise en œuvre, avec un habillage davantage social, du programme historique du Front national.