Budget: un débat irresponsable
Même si la France échappe fin octobre à la dégradation de sa note de crédit par Moody’s, il ne faut pas relativiser ce qui est à l’œuvre. Les parlementaires devraient faire davantage preuve de sens des responsabilités pour élaborer un budget crédible face à des déséquilibres qui ne sont plus soutenables. ( papier du » Monde »)
Au-delà de ses faiblesses structurelles, l’économie française commence à subir le contrecoup des difficultés de l’Allemagne, son principal partenaire commercial. L’industrie est confrontée à une demande atone, des prix de l’énergie qui restent élevés et une concurrence chinoise exacerbée. Les incertitudes liées aux hausses d’impôts et aux économies dont accouchera le débat budgétaire contribuent à fragiliser la confiance et n’incitent ni à consommer ni à investir.
Dans ce contexte peu porteur, Moody’s s’inquiète surtout de l’incroyable dérapage budgétaire, qui a porté le déficit public à 6,1 % de la richesse nationale et la dette à 112 %. Les marchés financiers avaient déjà réagi en propulsant les taux d’intérêt français à dix ans au-delà de ceux du Portugal puis de l’Espagne, pour se rapprocher des taux italiens. L’attitude des investisseurs est désormais suspendue à la tournure du débat budgétaire pour savoir si l’objectif de Michel Barnier de ramener le déficit à 5 % en 2025 reste crédible. Moody’s évoque un « risque grandissant » que le gouvernement ne soit pas en mesure de tenir cette trajectoire. Il y a quelques jours, le Fonds monétaire international avait fait part de ses doutes à ce sujet.
Même si la France échappe cette fois-ci à la dégradation, il ne faut pas relativiser ce qui est à l’œuvre. Désormais, l’Hexagone n’est plus qu’à un cran de la catégorie A chez deux des trois principales agences de notation, Standard & Poor’s (S&P) et Fitch. C’est une zone dangereuse, car une nouvelle dégradation disqualifierait la dette française auprès de nombreux investisseurs. Les règles de gestion des fonds de placement limitent voire interdisent de détenir des obligations qui sont classées sous les catégories AAA ou AA. La dette française aurait beaucoup plus de mal à trouver preneur et ceux qui accepteraient d’en acheter ne le feraient qu’avec une prime de risque substantielle, c’est-à-dire des taux beaucoup plus élevés. S&P se prononcera le 29 novembre.
Le pays est au seuil de ce cercle vicieux, qui entraînerait un alourdissement de la charge de la dette et réduirait d’autant les marges de manœuvre budgétaires. La menace devrait inciter les parlementaires à faire davantage preuve d’esprit constructif et de sens des responsabilités pour élaborer un budget crédible face à des déséquilibres qui ne sont plus soutenables.