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Islamisme, un combat européen

Islamisme, un combat européen

 

Dans une chronique de l’opinion Mathias Felkh, ancien ministre estime qu’il faut une réponse d’ensemble de l’Europe dans le combat contre l’islamisme

 

Tribune

 

Le temps du bouleversant hommage national rendu en Sorbonne à la mémoire de Samuel Paty, la France a su se retrouver, pour honorer la mémoire de l’enseignant lâchement assassiné et rappeler les valeurs républicaines fondamentales qu’il enseignait et transmettait. L’émotion est immense face à cet attentat perpétré au nom d’une idéologie totalitaire, l’intégrisme islamiste. C’est vrai en France, bien sûr, où nous avons tous été saisis d’effroi, de colère et d’une infinie tristesse. C’est vrai aussi au-delà de nos frontières, où de nombreuses expressions officielles et citoyennes témoignent d’une réelle solidarité et d’un sentiment partagé de terreur face à l’absolue barbarie du crime.

Comment se résigner à ce que nos vies soient désormais rythmées par des attentats ? Comment accepter les centaines de vies innocentes ainsi fauchées, de tous âges, de toutes origines, tous ces parcours trop tôt interrompus au nom de la haine ?

En France, les dix dernières années présentent un lourd bilan en la matière, depuis les attentats de Toulouse en 2012 jusqu’à la décapitation de Samuel Paty la semaine dernière. Les juifs, les dessinateurs, les militaires, les forces de l’ordre et l’Etat, l’école et les enseignants, un prêtre, la jeunesse en fête, des citoyens le jour de la Fête nationale… la liste est longue, et non exhaustive, des êtres froidement abattus, des destins brisés, des symboles attaqués.

L’Allemagne, comme le reste de l’Europe, est aussi confrontée à la menace islamiste. Elle a connu plusieurs attentats depuis une dizaine d’années, avec une vingtaine de morts. Celui de décembre 2016, au marché de Noël de Berlin, a connu le plus grand retentissement médiatique en Allemagne et dans le monde : avec douze morts et soixante-dix blessés, ce fut l’attentat le plus meurtrier outre-Rhin ces dernières années ; un symbole chrétien était visé, et aussi une véritable institution, dès lors que l’on connaît la place majeure des festivités de Noël en Allemagne, célébrées tout au long du mois de décembre y compris par de nombreux non-chrétiens.

« Le risque existe d’une résignation face à la violence, du renoncement à défendre les grandes valeurs fondatrices des démocraties libérales et nos libertés publiques »

Salafistes. En juillet 2006, un immense carnage avait été évité en gare de Cologne. Deux bombes avaient été posées dans des trains régionaux, et seul un dysfonctionnement technique avait fait échouer cet attentat motivé, déjà, par une volonté de vengeance après la publication dans la presse allemande de caricatures de Mahomet. Les services secrets allemands (services de « protection de la Constitution ») estiment aujourd’hui que, sur les au moins 4,5 millions de musulmans vivant en Allemagne, un peu plus de 12 000 appartiennent aux milieux salafistes (contre moins de 4 000 en 2011). Début octobre encore, un attentat au couteau a coûté la vie à un homme, à Dresde, faisant dire à la ministre de la Justice que la menace islamiste était permanente.

Comment nos démocraties vont-elles faire face à l’avenir ? Le risque existe d’une résignation face à la violence, du renoncement à défendre les grandes valeurs fondatrices des démocraties libérales et nos libertés publiques. Inversement, existe aussi le risque d’une forme de guerre civile, d’une réduction de chacun à ses origines et à ses croyances, d’une victoire de la peur, tant attendue par les terroristes.

Choisissons une réponse républicaine, en France, et une réponse commune en Europe car elles seules sont à la hauteur des enjeux, face à l’offensive de l’intégrisme islamiste qui est à l’évidence l’une des grandes menaces de notre temps. A l’échelle planétaire, les victimes les plus nombreuses du terrorisme islamiste sont des musulmans. La diplomatie française l’a officiellement rappelé à plusieurs reprises, et le politologue Dominique Reynié indiquait l’an dernier que 82 % des victimes du terrorisme islamiste dans le monde étaient eux-mêmes des musulmans. Dans les grandes démocraties libérales, c’est bien le cœur de nos projets de société qui est attaqué frontalement : l’émancipation, le règne — toujours perfectible — de la raison, la liberté d’expression, la recherche d’un équilibre toujours précaire entre la liberté et l’égalité, l’héritage du siècle des Lumières.

Face à cette menace, il appartient d’abord aux Etats de mener, sans relâche, les actions qui leur incombent : consacrer les moyens humains, financiers et techniques nécessaires au renseignement, à la répression intransigeante et ciblée contre tous ceux qui contreviennent à nos lois, et à la dissolution de toutes les associations et instances qui doivent l’être ; démanteler les réseaux islamistes ; assécher certains circuits de financement ; fermer les lieux, tous les lieux où des prêcheurs intégristes répandant les discours de haine, poison de moins en moins lent à pénétrer des esprits fanatisés.

« Face à une menace globale, il faut une réponse d’ensemble, impliquant chaque citoyen, chaque service public pour que soient apportées, à tous les niveaux, les réponses nécessaires »

Menace globale. Il revient en outre à la puissance publique comme à la société entière de se mobiliser contre le terrorisme. Face à une menace globale, il faut une réponse d’ensemble, impliquant chaque citoyen, chaque service public pour que soient apportées, à tous les niveaux, les réponses nécessaires : mettre un terme au clientélisme et aux abandons successifs qui, dans bien des territoires, ont conduit à un relâchement de l’exigence républicaine au cours des dernières décennies ; miser plus que jamais sur l’éducation, pilier de la République, en revalorisant les enseignants, leurs métiers, leur place dans la société, en accompagnant ceux qui se trouvent trop souvent seuls et démunis, en première ligne face à la violence ; renouer avec la promesse de notre devise républicaine qui ne saurait être un slogan vidé de sa substance, mais doit s’incarner concrètement pour chaque citoyen. L’islam libéral lui-même doit se structurer. Il existe en France et en Europe, mais se fait trop peu entendre, alors que ses prises de position sont nécessaires et attendues.

Il convient enfin de développer les réponses européennes communes, comme c’est de plus en plus le cas depuis une dizaine d’années : diagnostics communs sur la réalité de la menace ; solidarité dans les opérations extérieures et soutien aux pays, comme la France, les plus engagés en la matière ; poursuite de la coopération et des échanges entre services de renseignement ; affirmation et promotion fortes de nos valeurs communes et déploiement accru de projets conjoints au service de l’éducation.

Puissions-nous affronter cet immense défi en restant guidés par la raison plutôt que par la peur, en nous unissant sur l’essentiel plutôt qu’en attisant les divisions. Dans les époques de grands bouleversements et de grandes menaces, les voix raisonnables, puissantes par leur détermination plutôt que bruyantes à force de polémiques stériles, sont souvent inaudibles. Ce fut le drame, hier, de Montaigne ou de Stefan Zweig. Ce peut être le cas aujourd’hui et de demain de tous les républicains convaincus. Ce serait un drame supplémentaire dans une période qui pourtant n’en est pas avare, et une bien mauvaise manière de rendre hommage à la mémoire de tous ceux qui, chaque jour, défendent la liberté.

Matthias Fekl est avocat et ancien ministre.




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