Se libérer de l’impérialisme russe et de la tyrannie rouge
Par Michał Kłosowski dans l’Opinion
Tout pays, toute nation, a son ADN et la guerre en Ukraine ne fait que confirmer ce constat. Alors que la Russie, quels que soient le moment historique et le système politique, les courants intellectuels ou le pouvoir sur place, se constitue par une idée impériale, la Pologne est créée par la subsidiarité et la solidarité, qui en ce moment refont surface. Les meilleuCe libéré de l’impérialisme russe et de la tyrannie rougers exemples en sont l’ouverture aux Ukrainiens fuyant la guerre et le soutien que notre pays apporte à ceux qui luttent pour leur indépendance et leur liberté.
Les chiffres sont éloquents : plus de 6 millions de réfugiés ont traversé les points de passage frontaliers entre nos deux pays. La Pologne est devenue une plaque tournante de l’aide fournie à l’Ukraine. Les Polonais ont massivement ouvert leurs cœurs, leurs maisons, leurs établissements scolaires et universitaires. C’est le début d’une nouvelle histoire de nos deux sociétés voisines, même si jusqu’ici ça ne se passe pas nécessairement comme nous le souhaiterions.
Ce changement vient des leçons de notre propre histoire faites de luttes constantes pour la liberté et l’indépendance, le droit à l’autodétermination et à rester séparés des puissances qui nous entourent – exactement ce pour quoi les Ukrainiens se battent aujourd’hui.
Nous fûmes accueillis par la France lors de la Grande Émigration (première moitié du XIXe s.), par la Grande-Bretagne, la Perse ou encore par la lointaine Inde. Face à la menace qui pesait sur nos vies, nous pouvions compter sur des amis partout dans le monde. Aujourd’hui, ce sont les Ukrainiens qui nous remercient de notre accueil.
Les Polonais se partagent des informations sur le nombre de personnes qu’ils sont capables de loger et de nourrir et organisent des convois humanitaires. Ils s’engagent au sacrifice de leur santé et de leur vie. Les Ukrainiens sont transportés gratuitement de la frontière vers l’intérieur du pays par des gens ordinaires et les chemins de fer offrent à tout réfugié ukrainien des billets gratuits. Le gouvernement a mis à la disposition des Ukrainiens tout ce dont peuvent bénéficier les citoyens polonais : allocation 500+ pour les enfants, soutien médical, assistance sociale et éducation.
C’est un nouveau départ, une troisième vague de solidarité qui secoue maintenant la Pologne. La première était celle du syndicat éponyme « Solidarité » ; la seconde a été un grand élan national à la mort de Jean-Paul II lorsque nous nous sommes tous promis la concorde et la paix, et que pendant plusieurs semaines le pays a été embrassé par un consensus national. La troisième vague a émergé en ce moment, alors que nous divisons en deux le succès de notre transformation polonaise au cours des trente dernières années ; nous partageons tout ce dont nous disposons avec les Ukrainiens.
Les réfugiés sont logés principalement chez des particuliers. Cela fait plusieurs millions de personnes. Quelqu’un pourrait rétorquer : ils ont été accueillis par la diaspora ukrainienne, installée en Pologne depuis 2014, par l’Eglise et d’autres organisations. C’est vrai. Et parce qu’il y a encore des institutions fortes en Pologne, comme l’Eglise, qui se contente d’aider sans flash ni publicité inutile, il n’a pas été nécessaire de construire des camps de réfugiés. Parce que l’Eglise, c’est avant tout des gens. Les réfugiés ont pu voir ce que c’est la proverbiale hospitalité polonaise (« Un invité dans la maison, Dieu dans la maison »). Ils trouvent refuge dans les maisons des Polonais, mais aussi dans les résidences universitaires et les hôtels, où l’Etat prend en charge les frais d’hébergement et de repas et où le service bénévole est généralement assuré par de jeunes Polonais pour lesquels cela reste une expérience générationnelle.
Nous devons faire tout notre possible pour prendre soin des personnes qui fuient l’Ukraine. Si, après l’euphorie initiale, nous laissons triompher nos vices nationaux, nous manquerons la grande opportunité qui s’offre à nous aujourd’hui. Liberté, démocratie et solidarité ne sont pas de vains slogans pour les Polonais et les Ukrainiens. Quant aux autres pays qui se sont libérés de la « tyrannie rouge », ils sont d’une importance cruciale.
Michał Kłosowski est vice-rédacteur en chef de « Wszystko Co Najważniejsze », chef du département des projets spéciaux à l’Institut des Nouveaux Médias