Archive pour le Tag 'travail'

Page 2 sur 26

La démolition de la valeur travail par l’ultra gauche

La démolition de la valeur travail par l’ultra gauche

L’ultra gauche, souvent des bobos, ne cessent de miner la valeur travail et de la ridiculiser. Sandrine Rousseau a même été jusqu’à affirmer que le travail était une valeur de droite. Dans une récente tribune du « Monde » on peut lire cette curieuse analyse d’une sociologue qui condamne le travail :

« Notre société est en effet caractérisée par des emplois vécus comme inutiles, voire nocifs ou destructeurs ; à l’inverse, hors emploi, on trouve de nombreuses pratiques qui demandent des efforts (accoucher et éduquer, militer, se former, réparer…) et sont indispensables à notre subsistance. Des revenus peuvent être obtenus sans rien faire (dividendes, emplois fictifs, placardisés, revenus de l’assistance…), tandis que l’emploi n’est pas toujours un « gagne-pain » du fait de l’accroissement du nombre de travailleurs pauvres et de la multiplication de statuts légaux permettant d’employer des personnes à des conditions bradées. »

Certes on ne peut nier l’émergence d’une demande de revalorisation de sens et de rémunération dans beaucoup de secteurs et d’entreprises, par davantage qu’ on peut contester la pauvreté des relations hiérarchiques et sociales dans certains cas. Mais de là en tirer la conclusion que le travail est inutile, cela constitue un raccourci qui témoigne d’une grande paresse intellectuelle.

Contrairement à certaines vision ultra gauchiste, le travail n’est ni une valeur de droite ni une valeur de gauche. Le travail a un triple objet : assurer la subsistance de soi-même ou de sa famille, contribuer à la richesse et au progrès d’un pays enfin renforcer la socialisation. Le travail permet donc de vivre pour soi-même et d’apporter sa contribution à la vie de la société. Il est également très structurant sur le plan collectif ( comme l’école, le service militaire, l’engagement associatif etc.) car le travail fait société.

La déconstruction de la valeur travail vise en faite la déconstruction de la société tout entière avec la mise en cause de tout ce qui favorise les liens sociétaux pour recentrer sur les aspects individualistes. Il essentialise les particularismes pour affaiblir voir détruire les valeurs universelles. Une démarche anarcho libérale qui glorifie l’individualisme et les intérêts particuliers.

Le travail est-il encore une valeur ?


Le travail est-il encore une valeur ?

Si le débat sur la « valeur travail » divise tant, c’est qu’il témoigne de l’intrinsèque polysémie et de l’ambivalence de la notion de « travail ». Par Davy Castel, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)

Une tribune intéressante qui clarifie un peu les concepts de travail et d’activité. Reste que cette tribune n’insiste pas assez sur le caractère structurant du travail qui permet de faire société comme l’école, le service militaire ou encore l’activité associative. Sans parler de sa contribution évidemment essentielle à la richesse collective et au progrès NDLR

Le débat sur la « valeur travail » a été récemment relancé suite aux propos du secrétaire national du Parti communiste français (PCF) et député Fabien Roussel – qui avait déjà mobilisé ce sujet dans sa campagne électorale – mais aussi dans une moindre mesure ceux du député François Ruffin qui n’ont pas manqué de diviser la gauche française. La députée Sandrine Rousseau a ainsi pris ses distances tout comme Jean-Luc Mélenchon, et d’autres, avec les propos de Fabien Roussel. François Ruffin lui-même a souhaité marquer ses divergences avec ce dernier.

Au-delà des polémiques partisanes, si le sujet divise tant c’est qu’il témoigne de l’intrinsèque polysémie et de l’ambivalence de la notion de « travail », particulièrement lorsqu’il s’agit de comprendre son rôle, à la fois positif et négatif, en matière d’épanouissement individuel et collectif.
Emploi ou activité ?

Une partie de la controverse vient sans doute de la confusion qu’entretient le terme « travail » entre emploi et activité. C’est une vieille litanie qui a traversé les siècles : les sans-emploi sont supposés être inactifs et oisifs. Or, la distinction des deux termes apparaît indispensable pour faire avancer le débat. L’activité, au sens de la possibilité de dédier une partie de son temps de vie à des réalisations jugées socialement utiles, est indispensable à l’épanouissement humain.

Ce besoin de pouvoir être utile, de « faire quelque chose de sa journée et de ses dix doigts » alimente la quête de sens de chaque individu conscient et le conduit à structurer et à chercher à faire bon usage de son temps de vie disponible. Une chose est sûre : se sentir utile conduit à se sentir légitime, reconnu et à « faire société ». Y renoncer, ne pas s’en sentir capable, se percevoir ou être perçu comme inutile, détruit l’estime de soi et nourrit toutes les formes de dépression.

Oui mais voilà : être sans emploi ne signifie pas forcément être inactif. On peut être au chômage et bénévole, on peut être retraité et s’occuper de ses petits-enfants, on peut être parent au foyer et s’occuper de ses enfants afin de les préparer, eux-mêmes, à apporter une contribution utile à la société. À l’inverse, avoir un emploi n’implique pas systématiquement de pouvoir être actif au sens de se sentir utile. Nombreuses sont les situations où les personnes sont « placardisées » et où on ne leur confie rien à faire d’utile ou celles où, bien qu’occupées toute la journée, elles peinent à percevoir l’utilité réelle de leur activité. Ces situations sont d’ailleurs sans doute sous-estimées, tant cela s’accompagne d’un sentiment de honte qui peut conduire les personnes à ne pas en parler et rendre ces situations difficiles à chiffrer. D’importantes études ont néanmoins été conduites à ce sujet et l’Institut national de recherche et de sécurité alerte régulièrement sur l’impact de l’ennui au travail sur la santé et le bien-être.

Défendre le travail et sa valeur ne peut donc simplement se réduire à défendre l’emploi. Cela implique d’agir d’une part pour la reconnaissance de toutes les activités socialement utiles et d’autre part pour la création d’emplois permettant réellement aux personnes d’apporter une contribution à la société.
Le travail entre aliénation et émancipation

Au-delà de sa polysémie, si le travail génère tant de débats c’est également parce qu’il entretient des rapports profondément ambivalents avec l’accomplissement humain : si pour certains l’émancipation passe par le travail, pour d’autres (et parfois pour les mêmes), le travail est synonyme d’aliénation.

Ce qui semble en jeu ici c’est le rapport du travail à la dignité humaine et à l’indépendance. En ce qui concerne les rapports entre travail et dignité, ces derniers sont sans doute trop complexes pour pouvoir affirmer que le travail est la source de toute dignité ou qu’au contraire tout travail est indigne.
La question est essentiellement déterminée par les modalités d’organisation du travail plus encore que par la nature intrinsèque de l’activité réalisée. La clé de voûte réside dans le pouvoir d’agir dont disposent les professionnels pour peser sur les finalités et modalités de leur propre activité ou dont ils sont au contraire privés par des formes d’organisation du travail, empreintes de bureaucratie et de néo-taylorisme, qui les dépossèdent de tout droit de regard sur ces sujets.

Quant au rapport du travail à l’indépendance, il est essentiellement régi par une convention sociale, celle qui consiste à lier les moyens de subsistance à l’exercice d’un emploi, convention qui détermine également en grande partie l’impact du chômage, et de la privation d’emploi, sur l’épanouissement individuel.

Ce qui apparaît en creux du débat récent sur la « valeur travail » ce sont les représentations de l’impact du chômage sur les vies humaines. Ce dernier produit inévitablement des dégâts sur le bien-être psychologique, et plus globalement sur la santé, lorsqu’il devient synonyme d’inactivité.

Mais comme nous l’avons vu le chômage n’est pas nécessairement synonyme de non-travail au sens d’absence d’activité. Ce qui produit tant de malheur, ce n’est peut-être pas tant que le travail, au sens de l’emploi, manque : ce serait à la fois nier la dimension aliénante de certaines formes d’emploi et considérer qu’en dehors de l’emploi il n’y aurait point de salut possible.
Le chômage produit surtout des dégâts car il est synonyme d’isolement et de stigmatisation, précisément à cause de la confusion entre chômage et inactivité et du procès en inutilité sociale qui est fait à toute personne n’occupant pas d’emploi sans raison que d’aucun jugera « valable » ou acceptable : invalidité, vieillesse, maternité…

Nous ne sommes pas tout à fait sortis de la vision du chômage comme une infirmité qui prévalait jusqu’au XIXe siècle et le passage progressif de l’assistance (seuls les inaptes, infirmes et vieillards, sont aidés, les autres, considérés comme des fainéants ou des profiteurs, doivent se débrouiller seuls) à l’assurance (les travailleurs sont assurés, individuellement et collectivement, contre le chômage perçu comme un risque à travers les cotisations sociales et patronales).

Or, cette représentation du chômage comme une tare dont les individus seraient eux-mêmes responsables conduit inévitablement les personnes sans emploi à se replier sur elles-mêmes (qui voudrait s’exposer sur la place publique en sachant qu’il y sera décrié ?), et donc à être inactives, et à transformer en « profiteurs » des personnes déjà fragilisées socialement et psychologiquement. Le cercle vicieux se referme.

L’analyse des récentes prises de position publiques précédemment évoquées, une fois dégorgées des malentendus et des « buzz » que ces derniers nourrissent, semble aller dans le sens d’une volonté du personnel politique, ou du moins d’une partie de celui-ci, non pas de supprimer la solidarité nationale permettant à la fois la survie individuelle et la cohésion de la société, mais de permettre un égal accès au travail pour toutes et tous et de s’y épanouir.

Cela impliquerait d’abord de ne plus confondre emploi et activité, de ne plus stigmatiser le non-emploi mais aussi de garantir des modes d’organisation du travail permettant d’associer emploi et dignité. L’organisation apprenante, qui vise à structurer l’organisation autour du développement de ses membres, ou encore l’holacratie, qui organise le travail autour d’équipes de travail à la fois autonomes et interdépendantes, constituent des repères utiles dans cet objectif.

Cela reposerait tout autant sur le fait de ne plus nourrir des contre-vérités, comme celle consistant à laisser entendre que les personnes seraient au chômage par choix alors qu’elles le vivent la plupart du temps comme une épreuve, voire comme un traumatisme (auquel s’ajoute le poids stigmatisant de telles contre-vérités).
Cela signifierait également combattre le chômage par le développement de l’emploi de qualité plutôt qu’en réduisant les revenus de remplacement et en contraignant les personnes à accepter la première offre reçue, ce qui fragilise de fait l’idée de dignité par et dans le travail.

Cela appellerait enfin à ne plus nommer « assistanat » ce qui ne relève pas de l’aumône ou de l’assistance publique mais bel et bien de l’assurance, les allocations chômage étant la résultante d’un droit que les personnes ont acquis et auquel elles ont elles-mêmes contribué à travers les cotisations prises sur leur salaire lorsqu’elles étaient en emploi.
Mais ensuite : comment y parvenir ? Comment appliquer, enfin, le droit au travail prévu dans notre constitution ? Faut-il parler de garantie d’emploi ? De garantie d’activité ? Faut-il distinguer moyens de subsistance et emploi ? Faut-il, plutôt, répartir l’emploi à travers la répartition du temps de travail ? Faut-il envisager la rémunération des activités socialement utiles au-delà de l’emploi ?
Les communistes eux-mêmes, à l’origine de cette malheureuse polémique qui révèle en réalité la nécessité du débat proposaient en 2017 la « sécurité emploi-formation » qui consistait déjà à dissocier, d’une certaine façon, emploi, activité et rémunération : gageons que cette proposition, toujours d’actualité, soit source de terrain d’entente.
_______
Par Davy Castel, Maitre de conférences en psychologie sociale et psychologie du travail, Université de Picardie Jules Verne (UPJV).
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

La déconstruction de la valeur travail par l’ultra gauche

Société-La déconstruction de la valeur travail par l’ultra gauche

L’ultra gauche, souvent des bobos, ne cessent de miner la valeur travail et de la ridiculiser. Sandrine Rousseau a même été jusqu’à affirmer que le travail était une valeur de droite. Dans une récente tribune du « Monde » on peut lire cette curieuse analyse d’une sociologue qui condamne le travail :

« Notre société est en effet caractérisée par des emplois vécus comme inutiles, voire nocifs ou destructeurs ; à l’inverse, hors emploi, on trouve de nombreuses pratiques qui demandent des efforts (accoucher et éduquer, militer, se former, réparer…) et sont indispensables à notre subsistance. Des revenus peuvent être obtenus sans rien faire (dividendes, emplois fictifs, placardisés, revenus de l’assistance…), tandis que l’emploi n’est pas toujours un « gagne-pain » du fait de l’accroissement du nombre de travailleurs pauvres et de la multiplication de statuts légaux permettant d’employer des personnes à des conditions bradées. »

Certes on ne peut nier l’émergence d’une demande de revalorisation de sens et de rémunération dans beaucoup de secteurs et d’entreprises, par davantage qu’ on peut contester la pauvreté des relations hiérarchiques et sociales dans certains cas. Mais de là en tirer la conclusion que le travail est inutile, cela constitue un raccourci qui témoigne d’une grande paresse intellectuelle.

Contrairement à certaines vision ultra gauchiste, le travail n’est ni une valeur de droite ni une valeur de gauche. Le travail a un triple objet : assurer la subsistance de soi-même ou de sa famille, contribuer à la richesse et au progrès d’un pays enfin renforcer la socialisation. Le travail permet donc de vivre pour soi-même et d’apporter sa contribution à la vie de la société. Il est également très structurant sur le plan collectif ( comme l’école, le service militaire, l’engagement associatif etc.) car le travail fait société.

La déconstruction de la valeur travail vise en faite la déconstruction de la société tout entière avec la mise en cause de tout ce qui favorise les liens sociétaux pour recentrer sur les aspects individualistes. Il essentialise les particularismes pour affaiblir voir détruire les valeurs universelles. Une démarche anarcho libérale qui glorifie l’individualisme et les intérêts particuliers.

La déconstruction de la valeur travail par l’ultra gauche

La déconstruction de la valeur travail par l’ultra gauche

L’ultra gauche, souvent des bobos, ne cessent de miner la valeur travail et de la ridiculiser. Sandrine Rousseau a même été jusqu’à affirmer que le travail était une valeur de droite. Dans une récente tribune du monde on peut lire cette curieuse analyse d’une sociologue qui condamne le travail :

« Notre société est en effet caractérisée par des emplois vécus comme inutiles, voire nocifs ou destructeurs ; à l’inverse, hors emploi, on trouve de nombreuses pratiques qui demandent des efforts (accoucher et éduquer, militer, se former, réparer…) et sont indispensables à notre subsistance. Des revenus peuvent être obtenus sans rien faire (dividendes, emplois fictifs, placardisés, revenus de l’assistance…), tandis que l’emploi n’est pas toujours un « gagne-pain » du fait de l’accroissement du nombre de travailleurs pauvres et de la multiplication de statuts légaux permettant d’employer des personnes à des conditions bradées. »

Certes on ne peut nier l’émergence d’une demande de revalorisation de sens et de rémunération dans beaucoup de secteurs et d’entreprises, par davantage qu’ on peut contester la pauvreté des relations hiérarchiques et sociales dans certains cas. Mais de là en tirer la conclusion que le travail est inutile, cela constitue un raccourci qui témoigne d’une grande paresse intellectuelle.

Contrairement à certaines vision ultra gauchiste, le travail n’est ni une valeur de droite ni une valeur de gauche. Le travail a un triple objet : assurer la subsistance de soi-même ou de sa famille, contribuer à la richesse et au progrès d’un pays enfin renforcer la socialisation. Le travail permet donc de vivre pour soi-même et d’apporter sa contribution à la vie de la société. Il est également très structurant sur le plan collectif ( comme l’école, le service militaire, l’engagement associatif etc.) car le travail fait société.

La déconstruction de la valeur travail vise en faite la déconstruction de la société tout entière avec la mise en cause de tout ce qui favorise les liens sociétaux pour recentrer sur les aspects individualistes. Il essentialise les particularismes pour affaiblir voir détruire les valeurs universelles. Une démarche anarcho libérale qui glorifie l’individualisme et les intérêts particuliers.

Quelle adaptation au nouveau monde du travail ? ( directeur général de l’OIT)

Quelle adaptation au nouveau monde du travail ( directeur général de l’OIT)

«Il est dans l’intérêt de tous que les parties prenantes de l’Organisation internationale du travail (gouvernements, employeurs et travailleurs) s’engagent dans le processus de refonte du cadre juridique et réglementaire des relations de travail»
par Gilbert Houngbo, directeur général élu de l’OIT.

Une tribune intéressante mais un peu générale et sans grand originalité. NDLR

Fondée en 1919, l’Organisation internationale du travail (OIT) s’efforce, depuis lors, de promouvoir la justice sociale et économique, en fixant des normes internationales. Elle est l’une des plus anciennes agences spécialisées des Nations unies et compte 187 Etats membres. L’OIT est une structure tripartite unique, qui associe des représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs, à toutes ses discussions et politiques.
Au cours des dernières décennies, le monde du travail étant devenu plus complexe, l’organisation a dû s’adapter pour assumer de nouvelles réalités et responsabilités. Ces dix dernières années, Guy Ryder, le directeur général, a lancé une série d’initiatives importantes afin de maintenir l’institution sur les rails, en dépit des bouleversements dont beaucoup ont été provoqués par les progrès des technologies de l’information. Les dernières années ont été marquées par une série de crises mondiales : la récession économique et la « baisse des revenus » de 2016-2017 ; la pandémie de Covid-19 ; le conflit en Ukraine et l’impact inflationniste sur les approvisionnements énergétiques et alimentaires.

L’inflation, qui a suivi la réouverture des économies après le blocage de la pandémie, a affecté les capacités de rebond. En réponse à la hausse des prix, les banques centrales ont augmenté les taux d’intérêt, ce qui a eu pour effet de refroidir la demande. En fait, selon les prévisions triennales (2021-2023) du FMI, la meilleure période de croissance mondiale depuis le déclenchement de la pandémie pourrait déjà être derrière nous, à la fin de 2021.

On imagine encore mal le stress auquel les travailleurs ont dû faire face pour maintenir les économies locales et les chaînes d’approvisionnement mondiales lors de la pandémie, et les faire redémarrer par la suite. La crise du coût de la vie qui s’est ensuivie est effrayante. Heureusement, les travailleurs font preuve de résilience. Ces véritables héros sont prêts à soutenir la prise de risque des employeurs et des investisseurs ainsi que la persistance des décideurs politiques à rétablir la normalité.
« On ne saurait trop insister sur les avantages de la numérisation, notamment la décentralisation, une plus grande flexibilité, une transparence accrue et la responsabilisation »
Tensions. Néanmoins, le stress et les tensions sur le marché du travail peuvent persister. En effet, les problèmes actuels, dont on espère qu’ils sont de nature transitoire, détournent l’attention de la transition plus permanente du marché du travail. Avant le déclenchement de la pandémie, l’impact de l’hyperconnectivité et de la numérisation retenait déjà l’attention des décideurs politiques. La probabilité d’un déplacement à grande échelle de la main-d’œuvre par des machines et des ordinateurs avait suscité, d’une part, des craintes fondées de pertes d’emploi, et, d’autre part, amené les gouvernements à s’interroger sur la manière de taxer les robots effectuant le travail autrefois effectué par les humains.

Si ces craintes sont fondées, on ne saurait trop insister sur les avantages de la numérisation, notamment la décentralisation, une plus grande flexibilité, une transparence accrue et la responsabilisation. Ces avantages seraient encore plus équitables si des investissements ciblés étaient consacrés à la construction d’infrastructures, à l’extension de la connectivité et à l’amélioration de l’accès aux technologies. Cela permettrait d’accélérer la réduction de la fracture numérique pour les entreprises et les travailleurs et, surtout, de faire progresser la justice sociale.
Ces questions sont du ressort de l’OIT. L’institution jouera un rôle central dans la résolution de ces problèmes. Il faut une vision qui unifiera les intérêts divergents des parties prenantes. Il s’agit essentiellement de restructurer et de remanier les règles et pratiques existantes pour les adapter à l’avenir émergent du travail.

La justice sociale doit continuer à sous-tendre les pratiques du travail, et les progrès réalisés par de nombreux pays doivent continuer à gagner du terrain. Beaucoup plus de femmes participent au marché du travail formel qu’il y a vingt ans. De même, l’idée d’un salaire égal pour un travail égal est de plus en plus acceptée comme socialement équitable. Les progrès réalisés dans la lutte contre le travail forcé ou « esclavage moderne », le travail des enfants et la traite des êtres humains ou encore la sécurisation des lieux de travail sont tout aussi encourageants.
Toutefois, les progrès ne sont pas uniformes et trop lents dans le monde.

Selon le Gender Gap Report 2021 du Forum économique mondial, il faudra encore 267,6 ans pour combler l’écart mondial entre les sexes en matière de participation et d’opportunités économiques. Nous devons tous travailler pour accélérer le rythme des progrès.

« Notre compréhension de la justice sociale doit également s’élargir. Les risques environnementaux et sociaux se renforcent mutuellement »

Cohésion sociale. Notre compréhension de la justice sociale doit également s’élargir. Les risques environnementaux et sociaux se renforcent mutuellement. Comme nous l’avons vu lors des inondations massives au Pakistan ou la sécheresse dans la Corne de l’Afrique, ces catastrophes d’origine climatique ont entraîné une rupture de la cohésion sociale. Et si les fortes émissions de carbone des pays industrialisés sont principalement responsables du réchauffement de la planète, ce sont les pauvres, concentrés dans les pays en développement, qui subissent le plus durement les chocs climatiques, en raison du manque de capacité d’adaptation.

L’interdépendance entre les risques sociaux et environnementaux nécessite la mise en œuvre d’une participation plus large pour affronter les menaces et atténuer leur impact négatif sur le bien-être des travailleurs. Il est tout aussi évident qu’une coopération mondiale accrue est nécessaire pour relever ces défis.

Il est temps de réécrire les règles qui sous-tendent le nouveau monde du travail, notamment pour que les travailleurs soient équipés d’outils et de savoir-faire numériques. Pendant les confinements, la plupart des lieux de travail sont passés des bureaux et des magasins aux domiciles. Si le travail hors site existait déjà, son adoption généralisée durant cette période constitue un fait nouveau. Pourtant, de nombreux travailleurs — ne possédant pas de compétences numériques — ont perdu leur emploi.

Une autre question requiert l’attention urgente, celle de la discrimination non fondée sur le sexe en matière de revenu du travail. Les disparités de rémunération entre les travailleurs « en col blanc » et en « col bleu » ne sont plus acceptables. La valeur réelle de la main-d’œuvre a récemment été mise en évidence lorsque celle-ci s’est lancée dans des actions syndicales ou a menacé de le faire. De nombreux pays ont réagi sous la contrainte. Mais un nouveau régime de compensation doit être mis en place de manière ordonnée, par la négociation collective ou l’institution d’un revenu de base universel.

Il est dans l’intérêt de tous que les parties prenantes de l’OIT (gouvernements, employeurs et travailleurs) s’engagent dans le processus de refonte du cadre juridique et réglementaire des relations de travail et des pratiques sur le lieu de travail. Faciliter ce processus sera une priorité lors de mon mandat qui débute en octobre. Nous devons libérer le travail pour qu’il puisse libérer tout son potentiel afin de parvenir à une prospérité inclusive pour toutes les personnes dans tous les pays.
Gilbert Houngbo est le directeur général élu de l’OIT.

Retour de la valeur travail à gauche ?

Retour de la valeur travail à gauche ?

 

Dans une tribune au « Monde », un collectif de responsables politiques et d’économistes explique que la gauche doit arrêter d’être défaitiste en renonçant au plein-emploi. Elle ne doit pas oublier l’importance du travail dans la société, et ce que nous devons tous à ceux qui l’assument.

 

La place du travail dans la société et dans le projet que la gauche doit proposer aux Français ne devrait pas faire polémique. Au-delà des slogans et des petites phrases qui ont été échangées par les uns et les autres, François Ruffin (député La France insoumise) et Fabien Roussel (député du Nord et secrétaire national du Parti communiste français) ont rappelé que les aspirations de nos concitoyens ne sont pas celles d’une société post-travail, mais celles d’une société qui puisse apporter à chacun un travail digne et vecteur d’émancipation.

Commençons par rappeler une évidence : il n’y a pas de société sans travail. Cela est vrai pour tout système économique, qu’il soit capitaliste ou non. De fait, le travail, qu’il soit salarié, indépendant, familial ou produit bénévolement pour une association, est la seule source de richesse pour la communauté.

Karl Marx (1818-1883) lui-même, théoricien de la valeur travail, n’a jamais nié son importance. Lorsqu’il développe au milieu du XIXe siècle ses réflexions et ses écrits sur le système capitaliste, il dénonce l’aliénation par le travail du prolétaire dépossédé de son individualité et de sa contribution personnelle.

Le prolétaire est celui qui ne possède que sa force de travail, qu’il vend contre un subside de misère. L’idée commune du XIXe siècle, chez tous les philosophes et acteurs d’un mouvement socialiste en construction, c’est que l’émancipation des travailleurs doit passer par leur association, leur rendant ainsi la maîtrise de l’outil de travail et le bénéfice de son produit.

Face au travail exploité incarné par le salariat, le socialisme rêvait d’un travail émancipé, organisé collectivement par les travailleurs eux-mêmes. Mais le salariat s’est étendu, tant et si bien qu’au début du XXe siècle, les conditions d’organisation de la production et de nos sociétés en ont fait le vecteur principal de distribution des revenus, notamment par la création de la Sécurité sociale.

De son côté, le droit social est venu protéger le salarié, améliorer ses conditions de travail et défendre l’expression syndicale au sein des entreprises.

L’Etat social s’est ainsi construit patiemment, comme le rappelle l’économiste Christophe Ramaux dans son dernier ouvrage, Pour une économie républicaine. Une alternative au néolibéralisme (De Boeck, 336 pages, 21,90 euros). L’une de ses applications concrètes fut d’attacher au statut de salarié un cadre légal visant à sortir de l’arbitraire capitaliste.

Réhabilitation du travail à gauche ?

Réhabilitation du travail à gauche ?

 

Dans une tribune au « Monde », un collectif de responsables politiques et d’économistes explique que la gauche doit arrêter d’être défaitiste en renonçant au plein-emploi. Elle ne doit pas oublier l’importance du travail dans la société, et ce que nous devons tous à ceux qui l’assument.

 

La place du travail dans la société et dans le projet que la gauche doit proposer aux Français ne devrait pas faire polémique. Au-delà des slogans et des petites phrases qui ont été échangées par les uns et les autres, François Ruffin (député La France insoumise) et Fabien Roussel (député du Nord et secrétaire national du Parti communiste français) ont rappelé que les aspirations de nos concitoyens ne sont pas celles d’une société post-travail, mais celles d’une société qui puisse apporter à chacun un travail digne et vecteur d’émancipation.

Commençons par rappeler une évidence : il n’y a pas de société sans travail. Cela est vrai pour tout système économique, qu’il soit capitaliste ou non. De fait, le travail, qu’il soit salarié, indépendant, familial ou produit bénévolement pour une association, est la seule source de richesse pour la communauté.

Karl Marx (1818-1883) lui-même, théoricien de la valeur travail, n’a jamais nié son importance. Lorsqu’il développe au milieu du XIXe siècle ses réflexions et ses écrits sur le système capitaliste, il dénonce l’aliénation par le travail du prolétaire dépossédé de son individualité et de sa contribution personnelle.

Le prolétaire est celui qui ne possède que sa force de travail, qu’il vend contre un subside de misère. L’idée commune du XIXe siècle, chez tous les philosophes et acteurs d’un mouvement socialiste en construction, c’est que l’émancipation des travailleurs doit passer par leur association, leur rendant ainsi la maîtrise de l’outil de travail et le bénéfice de son produit.

Face au travail exploité incarné par le salariat, le socialisme rêvait d’un travail émancipé, organisé collectivement par les travailleurs eux-mêmes. Mais le salariat s’est étendu, tant et si bien qu’au début du XXe siècle, les conditions d’organisation de la production et de nos sociétés en ont fait le vecteur principal de distribution des revenus, notamment par la création de la Sécurité sociale.

De son côté, le droit social est venu protéger le salarié, améliorer ses conditions de travail et défendre l’expression syndicale au sein des entreprises.

L’Etat social s’est ainsi construit patiemment, comme le rappelle l’économiste Christophe Ramaux dans son dernier ouvrage, Pour une économie républicaine. Une alternative au néolibéralisme (De Boeck, 336 pages, 21,90 euros). L’une de ses applications concrètes fut d’attacher au statut de salarié un cadre légal visant à sortir de l’arbitraire capitaliste.

Le travail « est une valeur de droite » d’après l’exibitionniste Sandrine Rousseau

Le travail « est une valeur de droite » d’après l’exibitionniste Sandrine Rousseau

 

Plus ça choque et plus ça passe d’après le catéchisme de marketing politique de Sandrine Rousseau qui s’autorise à parler de tout sans compétence particulière mais avec un déterminisme carriériste évident.  Ainsi la dernière sortie de Sandrine Rousseau , c’est de considérer que le travail est une valeur de droite. C’est évidemment intellectuellement une grande erreur qui prouve les limites des connaissances historiques de l’intéressée. Et d’enfiler les perles de ce style en mélangeant les problématiques d’écoféminisme , du droit à la paresse ( normal pour une ancienne fonctionnaire!),  de la diminution de la croissance et de la réduction du temps de travail.

À quand une déclaration de Sandrine Rousseau sur le droit de vote des poissons rouges ?

Bref avec de telles représentants et amis, Europe écologie les Verts n’a vraiment pas besoin d’ennemis pour tomber dans la marginalisation  politique.

Pas de distinction entre gauche du travail et gauche des allocations !

Pas de distinction entre gauche du travail et gauche des allocations !

En opposant « la gauche du travail » et celle des « allocations [et] des minima sociaux », le secrétaire national du PCF occulte un phénomène majeur : la porosité croissante entre ces deux mondes, explique le sociologue Nicolas Duvoux.

Encore une analyse de salon d’un sociologue pour contester le fait indiscutable qu’un fossé se creuse entre le monde du travail et le monde des allocataires. Nombre de salariés surtout justement les moins favorisés regrettent effectivement que certains vivent exclusivement d’allocations en évitant les contraintes du travail. En plus le sociologue aurait pu éviter une insulte à Fabien Roussel considérant qu’il est inspiré par Sarkozy et Wauquiez. NDLR

 

Le discours fracassant de Fabien Roussel opposant, lors de la Fête de L’Humanité« la gauche du travail » à « la gauche des allocations » a créé une intense polémique. Inspirées par la rhétorique conservatrice de la critique du « cancer de l’assistanat » (Laurent Wauquiez) ou de la valorisation, symétrique et inverse, de « la France qui se lève tôt » (Nicolas Sarkozy), ces déclarations sont destinées à réarmer moralement des classes populaires laborieuses et menacées. Elles ont cependant le tort d’être fondées sur une idée fausse : contrairement à ce qu’affirme le dirigeant communiste, il n’y a plus de séparation claire entre le monde du travail et celui des prestations sociales.

En opposant « la gauche du travail » à « la gauche des allocations [et] des minima sociaux », Fabien Roussel occulte en effet un phénomène majeur : la porosité croissante entre le monde du travail et celui de l’assistance. Masquée par les positionnements volontairement clivants et binaires des discours politiques, cette réalité est aujourd’hui l’un des traits saillants de notre organisation sociale.

Depuis le début des années 2000, la dichotomie entre ce qui relève de l’assistance et ce qui relève du soutien au travail – notamment au travail précaire et mal rémunéré – ne tient plus. Avec la création de la prime pour l’emploi, en 2001, l’Etat a pris acte du fait que nombre de travailleurs et surtout de travailleuses modestes ne parvenaient plus à joindre les deux bouts malgré les salaires qui leur étaient versés par leurs employeurs privés ou publics : ils avaient du mal à acquitter ce que l’on appelle aujourd’hui leurs dépenses contraintes – le logement ou la facture d’électricité, par exemple.

Pour pallier cette difficulté, l’une des lignes directrices de la politique sociale française a consisté à soutenir le revenu des travailleurs modestes – ce qui a eu pour conséquence d’entremêler le monde du travail et celui des allocations. En faisant de la prestation sociale un complément de salaire pour les salariés rémunérés jusqu’à un smic et demi, cette politique a peu à peu effacé la frontière entre ce qui tient du travail salarié et ce qui relève des prestations sociales. Créé en 2008, le revenu de solidarité active (RSA), qui a pérennisé les possibilités de cumul de revenus d’activité et de solidarité, et qui les a étendues à des emplois à temps très partiel, a renforcé ce phénomène.

En apportant un complément de revenu aux salariés modestes, la prime d’activité instaurée huit ans plus tard, en 2016, a contribué, elle aussi, à nourrir ce rapprochement entre le monde du travail et celui de l’assistance. Si elle a permis de soutenir des personnes en difficulté, elle a, en concentrant l’effort de redistribution sur les moins pauvres d’entre les pauvres, institutionnalisé une perméabilité grandissante entre l’univers des salariés et celui des allocataires des prestations.

Fabien Roussel, PC, fier d’être le parti du travail

Fabien Roussel fier d’être le parti du travail 

 

 

Le secrétaire national du PCF répond, dans une tribune au « Monde », aux critiques suscitées par ses propos sur « la gauche du travail » face à « la gauche des allocations [et] des minima sociaux ». Et persiste. Selon lui, le défi de la gauche est de « travailler à une société qui garantit à chacun d’avoir un emploi, une formation et un salaire tout au long de sa vie ».

La prise de position de Fabien Roussel marque une rupture avec la culture de la NUPES et de Mélenchon. D’une certaine manière, Fabien Roussel renoue avec ce qui était effectivement dans le passé le PC, vrai parti du travail aujourd’hui largement représenté par l’extrême droite mais beaucoup moins par les insoumis et les écolos. Ces derniers qui réfutent l’intérêt et l’utilité d’un travail et militent par contre un relèvement et la multiplication des aides sociales déconnectées de tout concept de travail. NDLR 

 

En déclarant préférer le travail au chômage, je n’imaginais pas provoquer pareille polémique. Que n’avais-je dit ? Certains ont pris leurs plus beaux airs indignés et y ont vu une saillie inspirée des pires discours de la droite réactionnaire. D’autres sont allés jusqu’à s’élever contre un racisme à peine larvé. Quel délire !

Quand on parle des autres, on parle d’abord de soi. En s’indignant ainsi, que disent-ils d’eux-mêmes ? Qu’ils ont démissionné. Qu’ils ont renoncé à la grande ambition qui devrait rassembler la gauche : celle d’éradiquer le chômage. Si l’esclavagisme revenait demain, ils négocieraient avec le Medef le poids des chaînes. Pas moi. Car le chômage tue, il bousille des vies. Il fait basculer des familles entières dans la pauvreté. Il instille partout le venin de la division entre ceux qui ont un emploi et ceux qui en sont privés. De là où je vous parle, dans ce Nord ouvrier depuis si longtemps fier de ses usines et du savoir-faire de ses travailleurs, on sait la dureté du travail et le coût du chômage. On sait intuitivement que le chômage est « l’armée de réserve » du capital, comme le disait si bien Marx.

C’est la menace du chômage qui permet au Medef et aux libéraux d’imposer les bas salaires, les horaires élargis sans supplément de rémunération, le quotidien infernal d’une vie sans pause et sans plaisirs. Et nous devrions accepter le chômage de masse et nous contenter de garantir un revenu d’existence ? Il est temps, au contraire, de remettre en cause les logiques libérales qui ont toujours entretenu le chômage plutôt que de l’éradiquer, qui ont préféré l’accompagner plutôt que d’empêcher le déménagement de pans entiers de notre industrie.

Ouvrons les yeux. L’industrie représentait 24 % de notre PIB en 1980 et seulement 10 % en 2019. Notre flotte de pêche est passée de 11 500 bateaux, en 1983, à 4 500, aujourd’hui. Quant à la saignée paysanne, elle nous a fait passer de 1 263 000 exploitations agricoles, en 1979, à 429 000, en 2017. Résultat : 5 millions de privés d’emplois, 2 millions de bénéficiaires du RSA, 4,5 millions de primes d’activité versées par la CAF. Et 10 millions de Français sous le seuil de pauvreté. Beau succès.

Alors, j’assume. Je me bats pour une société qui se fixe comme horizon de garantir un emploi, une formation, un salaire à chacun de ses concitoyens. Et je m’inscris en faux contre ceux qui théorisent la « fin du travail ». Ce discours passe totalement à côté des réalités qui se font jour. Ayons de l’ambition pour notre pays.

Crise de recrutement dans le public : la faute à l’absence de marché du travail

Crise de recrutement dans le public : la faute à l’absence de marché du travail

 

 

Le spécialiste des relations sociales et du marché du travail, Charles de Froment observe, dans une tribune au « Monde », que l’absence d’un véritable marché du travail nuit gravement à l’accomplissement des missions de service public, et propose des pistes d’amélioration.

En clair ne se pose  pas une crise de vocation mais une crise de rémunération des compétences  NDLR

l ’hôpital, mais plus largement dans l’ensemble du système de soins, les mêmes mots reviennent, comme dans une mauvaise antienne : manque de personnel, manque de reconnaissance, épuisement physique et psychique ; perte de chance pour les patients, actes de négligence, voire maltraitance, auprès de personnes fragiles.

Au sein de l’école républicaine, ce n’est guère mieux : 30 % de candidats en moins en quinze ans aux concours d’enseignement et mille admissibles pour deux mille cinq cents postes à pourvoir au concours de professeurs des écoles dans deux des académies concentrant les élèves avec le plus de difficultés socioculturelles, celles de Créteil et de Versailles ; les démissions d’enseignants en poste, certes rares, ont en outre plus que triplé depuis 2012.

Comment un pays passionné d’égalité en est-il arrivé à construire de fait, contre toutes ses valeurs et en dépit de ses institutions, un système de santé et un système éducatif à deux vitesses ?

Le fil rouge qui unit ces dysfonctionnements en apparence autonomes, puisque présents dans des institutions de nature très différentes, publiques et privées notamment, est en réalité une faille de marché, au sens littéral : dans les hôpitaux, les cliniques, les écoles, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), les crèches, c’est le marché du travail qui fait défaut depuis des années.

Son absence fait l’objet d’un consensus paradoxal entre deux acteurs pourtant antagonistes : d’un côté, Bercy, qui pilote année après année le point d’indice et les niveaux de dotation en cherchant à minimiser les dépenses, et en se gardant de convoquer trop d’éléments de « benchmark » ; de l’autre, les enseignants, les soignants et leurs syndicats, qui, attachés à la notion de service public et fiers de leur choix de carrière altruiste au service de l’intérêt général, écartent d’emblée toute référence à l’univers privé marchand.

Mais, faute de boussole pour rendre ces métiers stratégiques attractifs, le système prend l’eau. En fixant, directement ou indirectement (avec les dotations soins et dépendances pour les Ehpad, par exemple), des grilles de rémunération déconnectées des réalités, l’Etat attire toujours davantage d’agents économiques « irrationnels » – et héroïques –, qui acceptent de sacrifier leur propre intérêt sur l’autel du bien commun ou du service public.

Ce recrutement de personnels sur une logique de vocation est à l’origine d’autres dérives, que l’on retrouve parfois dans le secteur de l’entrepreneuriat social et solidaire : oubli du droit du travail, effacement des frontières entre vie professionnelle et vie privée, burn-out, etc.

Valeur Travail: une activité politique

 

Valeur  Travail:  une activité politique

 

Quel sens donner à la valeur travail ?  interogent des experts*  dans the Conversation 

Dans un contexte politique, économique et social tendu autour des questions du pouvoir d’achat, du recul de l’âge de la retraite et du changement climatique (entre autres), le travail revêt plus que jamais une dimension politique. C’est d’ailleurs le message que semblent nous envoyer les jeunes diplômés de grandes écoles qui revendiquent le droit à une activité professionnelle en phase avec les enjeux du changement climatique ou les salariés qui démissionnent en masse en partie à cause du manque de sens dans leur travail.

Loin de constituer un milieu étanche aux troubles du monde et de la société, le monde du travail occupe dans ses différentes dimensions – individuelles, collectives, organisationnelles – une place centrale à la fois comme révélateur des désordres mondiaux, comme espace de luttes et comme voie d’émancipation individuelle et collective.

Un temps éclipsés par la domination des doctrines politique et économique néo-libérales, les débats politiques relatifs au travail (particulièrement vifs aux XIXe et XXe siècles où s’opposaient les doctrines libérales, associationnistes, anarchosyndicalistes, communistes, etc.) se trouvent ainsi réactualisés devant les enjeux contemporains.

Cela étant, on peut observer que les débats actuels sur le travail – notamment à l’occasion des campagnes présidentielles et législatives – se focalisent principalement sur le nombre de trimestres à cotiser et l’âge de départ à la retraite, débats au sein desquels le travail semble perçu comme une forme de souffrance inévitable mise au service d’une économie productiviste. C’est notamment le sens donné à la fameuse « valeur travail », maintes fois défendue par le président de la république ces dernières années et dont elle semble principalement renvoyer au nombre d’années qu’il nous faudrait travailler.

Si les débats sur le temps et la productivité du travail sont importants, il est urgent d’appréhender le travail autrement que sous le seul prisme quantitatif. Dans un contexte de bouleversements environnementaux, sociaux et technologiques, le travail réapparaît comme bien plus qu’une simple activité de production : il participe à écrire notre histoire commune.

Ceci est l’un des enseignements principaux que nous retirons d’un programme de recherche ayant mobilisé 31 universitaires durant quatre années et ayant donné lieu à l’ouvrage Nouvelles pratiques de travail et nouvelles dynamiques organisationnelles publié aux éditions des Presses de l’Université de Laval.

La dimension politique du travail s’observe dans de nombreuses pratiques et secteurs. Par exemple, les personnes exerçant dans des espaces collaboratifs – comme les espaces de coworking – ne cherchent pas uniquement un enrichissement économique. Leur activité relève souvent d’une démarche politique, c’est-à-dire d’un engagement particulier dans la cité. C’est ce que relève Christelle Baron, auteure d’un chapitre sur les communautés de travailleurs dans les espaces de coworking.

Cette dernière nous explique qu’en cherchant à créer ou à rejoindre une communauté, les « co-workers » étudiées souhaitent faire de leur activité professionnelle un levier de transformation de leurs vies et de la société. Dans certains espaces collaboratifs, il est ainsi difficile de discerner les activités qui relèvent du travail, de la vie privée et du militantisme.

Réactivant d’anciens projets fondés sur le management participatif voire autogestionnaire, de nouvelles dynamiques organisationnelles et pratiques de management se développent : raccourcissement des lignes hiérarchiques, création des espaces de délibération, autogouvernance, etc. On observe ainsi divers mouvements qui se réfèrent à la nécessaire émancipation du travail.

Par exemple, les coopératives, que l’on croyait un temps oubliées, connaissent aujourd’hui un fort regain d’intérêt. Selon la Confédération générale des Scop, le nombre de sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) a augmenté de 88 % en cinq ans avec une augmentation de 160 % des effectifs, atteignant 13 190 salariés à la fin 2021.

Cependant, ces tentatives ne produisent pas toujours les effets escomptés et les résultats sont parfois contrastés. C’est notamment ce que constate la chercheuse Antonella Corsani, dans un chapitre interrogeant les nouvelles formes de travail : ces dernières peuvent certes déboucher sur des espaces d’autonomie renouvelés mais également construire de nouvelles dynamiques de précarisation des emplois.

D’ailleurs, toutes les évolutions du travail ne sont pas motivées par l’émancipation des travailleurs. C’est ce que montre, par exemple, le chercheur Yoann Bazin dans son chapitre sur le management algorithmique et ses effets délétères sur le travail des livreurs indépendants à vélo.

Ce que nous faisons dans le cadre de notre activité professionnelle a des conséquences politiques et participe à définir la société dans laquelle nous vivons. Les réponses qu’il s’agit d’apporter aux grands enjeux contemporains ne relèvent donc pas uniquement de la représentation politique ou de la société civile. Elles engagent également les travailleurs et en premier lieu celles et ceux qui occupent des postes de management et de direction dans les entreprises.

La lutte contre le réchauffement climatique dans les entreprises, par exemple, appelle le développement de nouvelles façons de collaborer et d’exploiter les ressources naturelles. L’erreur consisterait à penser que cette lutte reposerait uniquement sur l’usage de nouvelles technologies. Comme le soulignent les chercheurs Alexis Catanzaro et Hervé Goy dans leur chapitre sur le management et le risque d’effondrement, la lutte contre le réchauffement climatique est aussi affaire de pratiques de management et d’organisation.

Ce constat invite ainsi à questionner les positions qu’adoptent les entreprises face aux grands enjeux technologiques, sociaux ou environnementaux, car la question du travail et de son organisation pose toujours celle du monde commun dans lequel nous voulons vivre. En cela, le travail n’est jamais neutre. Il est toujours une forme d’engagement dans la vie sociale.

 

* auteurs

  1. Anthony Hussenot

Professor in Organization Studies, Université Côte d’Azur

  1. Emilie Lanciano

Professeure des Universités, chercheure au laboratoire Coactis, Université Lumière Lyon 2

  1. Jonathan Sambugaro

Maître de conférences en sciences de gestion, Université de Lille

  1. Philippe Lorino

Emeritus Professor, ESSEC

La liberté au travail , une illusion ?

La liberté au travail  une illusion ?

Explorant les articulations entre travail et liberté, un ouvrage collectif démontre comment la promesse de liberté a été largement récupérée par l’idéologie néolibérale.( dans le Monde )

 

 

Le livre. Aux Etats-Unis, les clients de certains services VTC (voiture de transport avec chauffeur) peuvent faire, lors de leur commande, la demande du « mode silencieux ». En d’autres termes, exiger que le chauffeur se taise. Une « fonctionnalisation quasi totale » du conducteur aux désirs des consommateurs, mise en exergue au sein de Travail e(s)t liberté ? (Erès).Cet essai collectif, mené sous la direction d’Enrico Donaggio, de José Rose et de Mariagrazia Cairo, démontre à travers cette illustration comment les promesses de certaines entreprises sur une prétendue « libération » des travailleurs relèvent souvent de l’incantation.

Là où l’autonomie, l’indépendance et finalement l’émancipation des travailleurs sont mises en avant, il est davantage question, dans la pratique, d’« auto-exploitation »« Il ne suffit pas d’énoncer des idéaux de liberté au travail, ni même de libérer le travail des hiérarchies et procédures pour pouvoir parler de travail libre », assurent les auteurs.

A l’initiative du collectif international et interdisciplinaire ArTLib (Atelier de recherche travail et libertés), des spécialistes (philosophes, sociologues, etc.) se sont penchés sur les « articulations aujourd’hui dominantes entre travail et liberté ».

Pour ce faire, « ancrage théorique et historique » et « analyse de situations précises et travail d’enquête » s’entrecroisent. « Quelles sont les conséquences en termes de libertés individuelles et collectives des révolutions en cours dans le travail, ses pratiques et ses représentations ?  », s’interrogent les membres du collectif.

Sujet complexe, tant les acceptions de la notion de liberté dans un contexte professionnel sont nombreuses, et tant « les expériences du travail et les représentations qui les accompagnent sont (…) le théâtre de multiples déplacements entre liberté et nécessité, autonomie et domination, subjectivation et assujettissement, réalisation et perte de soi, appropriation et aliénation ».

Des paradoxes affleurent : si l’entreprise, lieu de compromis, a permis au travailleur d’accéder à l’indépendance économique, vecteur d’émancipation, c’est en échange de sa « subordination dans la situation de travail ».

Sujet complexe aussi parce que, indiquent les auteurs, la notion de liberté a été largement préemptée par « le modèle néolibéral ». C’est le cas dans le secteur des plates-formes numériques (VTC, livraisons de repas…), mais aussi au sein des entreprises libérées, qui peuvent être un leurre, souligne la sociologue Danièle Linhart dans sa contribution. « Le mouvement de “libération” unilatérale des entreprises témoigne de la capacité patronale à réinventer sans relâche de nouvelles modalités et légitimités de domination », estime-t-elle. Face à l’effacement de la hiérarchie, le salarié aurait in fine davantage de responsabilités et de pression au quotidien, devant porter lui-même la vision du leader face aux exigences du marché.

Environnement et santé au travail

Environnement et  santé au travail

 

L’historienne Judith Rainhorn pointe, dans une tribune au « Monde », le lieu de travail comme environnement toxique et les facteurs d’invisibilité de cette toxicité dans le système économique contemporain, depuis l’ère industrielle.

La souffrance au travail a une histoire. Rappelons-nous le vieux Maheu du Germinal de Zola (1885), qui déclarait avoir « assez de charbon dans la carcasse pour [se] chauffer tout l’hiver ». Au détour d’une archive, on rencontre, depuis l’aube de l’ère industrielle, des chapeliers saoulés par les vapeurs de mercure dans les fabriques de feutres, des ouvrières en allumettes dont la mâchoire se nécrose sous l’effet du phosphore, des ouvriers cérusiers fabriquant le fameux « blanc de plomb » destiné aux peintures en bâtiment, des mineurs dont les poumons s’encrassent de silice ou, plus près de nous, des ouvriers du bâtiment intoxiqués par les fibres d’amiante : cette litanie des corps souffrants traduit un environnement de travail dangereux pour celles et ceux qui le fréquentent.

Depuis l’aube du XIXe siècle, l’industrialisation a exacerbé des risques préexistants et, dans le même temps, introduit des risques nouveaux, liés à l’entrée dans l’âge des machines et à l’usage de plus en plus massif de produits chimiques nocifs dans les procédés de travail. Cependant, l’environnement de travail pollué et dégradé souffre d’une opacité historique majeure. Pour qu’il soit visible, encore faut-il que le fatalisme fasse place à l’impatience et à la colère contre l’intolérable : tomber malade ou mourir de son travail ou, comme on l’a plus récemment formulé, « perdre sa vie à la gagner ».

Au XIXe siècle, le mouvement hygiéniste évoquait l’environnement toxique du travail, tout en le noyant dans les multiples causes de la misère ouvrière : salaires insuffisants, logement indigne, alimentation carencée, suivi médical inexistant, etc. La négligence et les « mœurs ouvrières » sont aussi érigées en coupables : vers 1900, quand le savoir médical atteste que le plomb est un abortif puissant, certains déplorent l’atmosphère polluée des ateliers d’imprimerie, qui entraîne des fausses couches à répétition chez les femmes typographes, tandis que d’autres accusent les ouvrières anglaises de s’embaucher aux fabriques chimiques de Newcastle pour se débarrasser à bon compte d’une grossesse indésirable…

Savantes ou populaires, les mobilisations qui demandent l’abolition légale des produits toxiques dans l’espace de travail provoquent la croisade des entrepreneurs mis en cause. Ils élaborent un argumentaire collectif de défense maniant l’approximation, voire le mensonge scientifique, et construisant l’ignorance publique à propos de la toxicité de leur poison : qu’on se rappelle la croisade du Comité permanent amiante, né en 1982, pour promouvoir la recherche scientifique encourageant l’usage de l’amiante dans l’économie française, alors que sa toxicité était avérée.

Un autre rapport au travail de la nouvelle génération ?

 Un autre rapport  au travail de la nouvelle génération ?

Les appels à la désertion se multiplient, mais les étudiants continuent majoritairement de choisir les mêmes carrières que leurs aînés, soutient le chercheur associé à l’ESCP Tristan Dupas-Amory.

 

 

Si des cérémonies de remise de diplôme se sont muées en tribunes politiques, une majorité des jeunes continuent de choisir les mêmes carrières que leurs aînés, observe Tristan Dupas-Amory, chercheur associé à l’ESCP, où il prépare une thèse sur les carrières des jeunes diplômés.

Au-delà des « appels à la désertion » dans les grandes écoles, vous soulignez que la majorité des jeunes sortis de ces établissements mènent des carrières classiques. Quelle est la véritable portée de ce phénomène ?

Je suis surpris par la portée accordée aux appels à la désertion prononcés lors des remises de diplômes. Il y a quelques coups d’éclat – admirables –, mais combien de jeunes ont changé de trajectoire après une telle intervention ? En juin 2016, déjà, à HEC, Emmanuel Faber, alors PDG de Danone, priait les futurs diplômés de « rendre le monde meilleur ». Les bifurcations affichées par une poignée d’étudiants lors des remises de diplômes ne doivent pas occulter un phénomène bien plus massif : loin des réorientations spectaculaires, la majorité des étudiants continuent de choisir les mêmes carrières que leurs aînés. C’est ce que j’appelle la grande rétention.

Par exemple, plus d’un tiers des diplômés 2021 des grandes écoles se sont dirigés vers le conseil ou les services financiers, d’après la dernière enquête d’insertion de la Conférence des grandes écoles. Plus discrets, plus conventionnels, moins enthousiastes peut-être, ces choix n’en méritent pas moins toute notre attention. Non pas pour les stigmatiser, mais pour comprendre ce qui conduit ces jeunes à cet éventail assez étroit d’options professionnelles.

Ces perspectives sont aussi celles qu’on leur propose dans les écoles…

Les étudiants qui arrivent dans une grande école connaissent mal tous le panel de métiers qui s’offrent à eux. Ils choisissent majoritairement les voies empruntées par les promotions qui les précèdent, venant grossir les rangs des professions historiquement les plus présentes dans les établissements. Ils sont aussi poussés à embrasser une carrière considérée à la hauteur de leur diplôme. On peut citer le cas du conseil : si ce secteur continue à autant attirer les jeunes diplômés, c’est qu’il est sélectif et réputé.

Qu’est-ce que ces « appels à la désertion » racontent du rapport au travail de cette fraction de la jeunesse ?

Ils contribuent à libérer la parole et poussent les grandes écoles à se mobiliser, notamment pour intégrer les problématiques liées à la transition écologique dans les cursus. Finalement, la grande démission comme la grande rétention sont les deux faces d’une même pièce, celle du rapport au travail de cette nouvelle génération. Les jeunes réclament une raison d’être. En cours, ils posent beaucoup de questions sur le sens et l’impact de leurs actions. Il faut les aider à concilier leur engagement avec leur future profession… Sans forcément partir sur un changement de vie radical.

Une grande partie des étudiants ne se projette pas dans les désertions spectaculaires, ils ne se voient pas troquer leur avenir de cadre pour de l’artisanat, une vie à la ville pour la campagne. Mais ils peuvent opter pour des reconversions plus douces, en passant, par exemple, du conseil pour l’industrie au conseil en transition écologique. Ou quitter une banque traditionnelle pour une entreprise qui œuvre dans la finance verte.

12345...26



L'actu écologique |
bessay |
Mr. Sandro's Blog |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | astucesquotidiennes
| MIEUX-ETRE
| louis crusol