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Moralisation de la vie politique : la France en retard (Transparency International)

Moralisation de la vie politique : la France en retard (Transparency International)

 

Des réflexions intéressantes de la section française de l’ONG Transparency International qui fait des propositions pour la moralisation de la politique française. Mais des propositions cependant bien insuffisantes qui ne posent pas les questions fondamentales relatives par exemple à la sociologie des élus, au rôle des partis, à la présence écrasante de fonctionnaires dans le système politique et au manque dramatique de démocratie participative qui fait qu’une fois élus les responsables font à peu près ce qu’ils veulent.  Enfin pas sûr que Daniel Lebègue (président de Transparency International ) ancien énarque, ancien haut fonctionnaire soit le mieux placé pour philosopher sur la réforme du système politique.

 

Daniel Lebègue, répond cependant aux questions de franceinfo.

 

Franceinfo : Les débats sur la transparence de la vie publique sont-ils sains à l’approche d’échéances électorales importantes ?

Daniel Lebègue : On peut se réjouir que la question de la transparence et de l’intégrité de la vie politique, de ses acteurs et de ses institutions, émerge comme une question de première importance à la veille de l’élection présidentielle, qui est le grand rendez-vous des citoyens en France avec la démocratie. Il est tout à fait naturel qu’au moment où les citoyens sont appelés à désigner le premier des décideurs publics, la clé de voûte de notre système politique, on puisse interroger les candidats pour s’assurer de leur intégrité, de leur sens de l’intérêt public, examiner leur situation, notamment financière, mais aussi leur poser des questions sur ce qu’il faudrait faire pour améliorer la transparence et l’éthique de la vie publique. Car il reste du chemin à parcourir.

L’affaire Fillon jette à nouveau la suspicion sur la classe politique. Ce scandale traduit-il un échec des tentatives de moralisation de la vie politique ?

Je ne le pense pas. Beaucoup de chemin a été fait. Il y a encore quelques années, la France était très en retard par rapport aux autres démocraties européennes, que ce soit en matière de lutte contre la délinquance financière (corruption, fraude fiscale, etc.), ou en matière de cumul des mandats, dont elle était championne du monde. L’affaire Cahuzac, en 2013, a été un électrochoc salutaire qui a permis de revoir en profondeur les règles sur la transparence et les moyens pour lutter contre la délinquance financière, avec la création de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique et du parquet national financier. Il y a aussi eu la loi sur le non-cumul des mandats, puis, en 2016, le vote de la loi Sapin II : pour la première fois, des règles sur le lobbying ont été édictées, un statut a été créé pour protéger les lanceurs d’alerte, et une agence anticorruption a été mise en place. Ce sont des avancées incontestables que nous, Transparency International, avons saluées.

Nous avons réalisé, en décembre, un état des lieux du quinquennat de François Hollande, que nous avons jugé plutôt positif en la matière. En cinq ans, nous avons parcouru plus de chemin que lors des vingt années qui ont précédé. Est-ce que cela suffit ? Non, on le voit chaque jour.

 

Quelles sont les améliorations encore possibles ?

Il faut surtout changer les pratiques des acteurs. Nous adressons 11 recommandations aux candidats à l’élection présidentielle, en leur demandant de se positionner. Nous rendrons publiques toutes leurs réponses et surveilleront si leurs engagements ont été respectés.

Nous recommandons, par exemple, de rendre plus transparente l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) des députés et sénateurs. Quel type de dépenses peut-on engager avec cette indemnité ? Comment contrôler son utilisation ? Plutôt que de passer par une loi organique, dont l’adoption serait longue et incertaine, il serait possible d’inclure ces règles dans les codes de déontologie de l’Assemblée nationale et du Sénat. Une décision du bureau de chaque chambre suffirait, cela peut être fait en huit jours !

Autre recommandation : que tout candidat à une élection au suffrage universel produise un extrait de casier judiciaire. C’est incroyable qu’on n’y ait pas pensé avant ! En France, on peut, aujourd’hui, avoir été condamné pour des atteintes graves à la probité et être candidat à l’exercice d’un mandat public sans que les électeurs en soient informés. C’est une anomalie.

Un dernier exemple d’amélioration possible : pour éviter une nouvelle affaire Bygmalion et assurer le respect du plafonnement des dépenses de campagne, nous proposons qu’en période de campagne, chaque candidat adresse, tous les mois, l’état de ses dépenses effectives à la Commission des comptes de campagne, mais aussi que cette règle concerne tous les partis politiques, y compris les quelque 200 micro-partis recensés. Cela permettrait une double vérification.

 

Malgré les avancées, de nouvelles affaires éclatent et la défiance des Français envers le personnel politique semble toujours aussi forte. Comment l’expliquer ?

Les règles nouvelles (déclarations d’intérêts, de patrimoine, transparence des revenus, etc.) ne peuvent pas changer les comportements du jour au lendemain. Cela commence à évoluer, mais nous ne sommes qu’au début du processus. Il est normal que les citoyens attendent pour s’en convaincre, mais les choses changent réellement.

En 2010, nous avions réalisé une comparaison européenne, qui plaçait la France en 26e position sur 27 en termes de transparence. Aujourd’hui, je n’hésite pas à dire qu’elle est au niveau des meilleurs pays en Europe.

 

Jusqu’où peut-on aller dans la moralisation de la vie publique ? Certains dénoncent une « demande totalitaire de transparence »…

La transparence est indispensable à la démocratie. « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration », dispose l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le principe de redevabilité de ceux qui exercent un mandat public ou une charge publique est un principe fondamental de toute démocratie.

Il y a, bien sûr, des limites à la transparence. Tout citoyen a droit à protéger sa vie privée ou au secret de ses correspondances avec son avocat, par exemple. Mais ces limites ne se situent pas au même niveau pour le citoyen ordinaire et pour celui qui exerce un mandat public. Ce dernier doit accepter d’être soumis à une exigence de transparence plus forte que le citoyen ordinaire. Personne n’est obligé d’être candidat à une élection !

 

En imposant une transparence accrue, ne risque-t-on pas de jeter encore davantage l’opprobre sur la classe politique ? Cette exigence n’est-elle pas finalement contre-productive ?

Quand on passe de l’opacité à un monde plus transparent, il y a un effet de dévoilement. On révèle ce qui était caché, ce qui peut produire un choc. Mais ce choc ne pèse pas grand chose par rapport à ce qu’apporte la transparence.

La transparence impose de chasser les mauvais comportements et d’adopter les bons. A chacune de leur action, les acteurs publics sont ainsi poussés à s’interroger sur ce qui se produirait si elle venait à être rendue publique : « Est-elle susceptible de susciter des réactions négatives ? Est-elle assumable ? » Grâce au regard de l’opinion, la transparence est donc le levier principal pour faire évoluer les pratiques et les comportements.

Dans la société surinformée et éduquée qui est la nôtre, les citoyens ont le droit de savoir. C’est à partir du moment où ils savent qu’ils peuvent manifester leur confiance ou leur défiance. C’est aussi pour cela que des choses qu’on acceptait il y a encore dix ans sont devenues intolérables aujourd’hui. Depuis la crise financière de 2008, le niveau d’exigence s’est accru partout dans le monde. Il ne suffit plus de respecter la loi pour être quitte et être considéré comme irréprochable.

 

On entend souvent dire que les pays anglo-saxons ou scandinaves seraient plus vertueux. Y a-t-il un modèle à suivre ?

Depuis des années, ce sont les pays du nord de l’Europe qui sont les plus transparents et vertueux (Danemark, Suède, Finlande, Pays-Bas, Allemagne…). Les pays du Sud et de l’Est, hélas, ne sont pas toujours exemplaires.

Il y a cependant de bonnes pratiques dans plusieurs pays dans le monde. Le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont mis en place de nombreuses choses intéressantes dont on pourrait s’inspirer. En matière de lobbying, par exemple, le modèle à suivre est le Canada, qui a institué un commissaire au lobbyisme chargé de surveiller les relations entre les groupes d’intérêts et les décideurs publics. La France, elle, a aujourd’hui le meilleur système du monde pour protéger les lanceurs d’alerte.

 

Comment expliquer ces efforts de transparence à géométrie variable entre le nord et le sud de l’Europe ?

Dans les pays du Nord, la culture de la collectivité et le sens de la responsabilité des dirigeants sont historiquement plus importants. Souvenez-vous des guildes du Moyen-âge et de la Renaissance. Il y a aussi une approche protestante de l’éthique, qui implique une rigueur, voire une austérité dans leur mode de vie. A l’inverse, la France est le pays où un monarque a osé dire « L’Etat, c’est moi ». Il en reste sans doute quelque chose.

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Propositions pour lutter contre la corruption en politique (association Transparency International France)

Propositions pour lutter contre la corruption en politique  (association Transparency International France)

 

 

L’association Transparency International France, qui lutte contre la corruption, propose

notamment de « limiter le cumul de mandats » et de « publier les frais de mission » des parlementaires. (Intreview France Info)

 

Franceinfo : L’une des recommandations concerne la publication des frais de mission. Ce n’est pas déjà le cas, avec l’IRFM (indemnité représentative de frais de mandat) ?

 

Laurène Bounaud : Non, pas du tout. Les parlementaires, par exemple, disposent d’une enveloppe de frais de mission de 5 805 euros brut. Il existe des indications sur l’utilisation de ces fonds, des interdictions aussi. Or, il n’y a aucun contrôle, aucune transparence sur cette enveloppe. Quelques-uns publient ces frais de mission spontanément, mais ils sont trop peu. C’est le moment de changer les choses.

 

Vous recommandez de limiter dans le temps le cumul des mandats, et d’appliquer les textes de loi existants.

Les textes ne sont pas appliqués, et c’est global à l’Europe, d’ailleurs, hormis l’Italie où les maires de collectivités de plus de 3 000 habitants ne peuvent pas faire plus de deux mandats consécutifs.

Selon un sondage*, 54% des Français pensent que les politiques sont corrompus. Pensez-vous que l’on est moins corrompu quand on reste moins longtemps au pouvoir ?

Des dérives clientélistes ont déjà été soulignées par le service central de prévention de la corruption. Il y a plus de risques, après un mandat, d’être condamné pour atteinte à la probité. Limitons ces dérives clientélistes, mais permettons aussi un véritable renouvellement de la classe politique. On voit une déconnexion entre les attentes des citoyens et des pratiques encore un peu vieillottes. Cela participe à nourrir ce sentiment d’impunité. Alors que, finalement, on voit aussi émerger de nouvelles générations d’élus qui, eux, intègrent complètement ces questions de transparence et d’éthique. Il en faut plus aujourd’hui.

La publication des propositions est lancée. Qu’attendez-vous en retour ?

 

Nous allons envoyer ces recommandations aux candidats. Nous allons leur demander de prendre des positions fermes et, ensuite, nous ferons un bilan à un mois du premier tour, sur toutes leurs réponses.

*Sondage Harris Interactive pour Transparency International France et Tilder publié en octobre 2016.

 

Pour le président de Transparency International France, Daniel Lebègue, le constat est sans appel: « notre démocratie est très malade ». Il en veut pour preuve les résultats inquiétants de la dernière étude menée par son association sur la perception de la corruption en France, publiée en octobre  en partenariat avec Harris Interactive et Tilder. Et pour cause: plus de la moitié des sondés estime que les personnes exerçant des responsabilités importantes ou ayant du pouvoir (élus, dirigeants de grandes entreprises, experts, syndicalistes, journalistes…), sont pour une grande partie d’entre elles corrompues. « Un avis partagé par 77% des répondants pour les seuls parlementaires français! C’est un niveau de défiance record! », s’alarme Daniel Lebègue. Le pouvoir exécutif national, qu’il s’agisse du président de la République du Premier ministre ou des ministres, n’est guère mieux loti. A peine plus du quart des personnes interrogées estiment que ces personnalités ne sont pas corrompues. La sphère économique est de même loin d’être épargnée -71% des sondés doutant de l’intégrité des dirigeants de grandes entreprises publiques et privées. Les initiatives politiques comme les lois sur la transparence de la vie publique ou contre la délinquance financière de 2013 n’y auront rien fait. Le divorce semble plus que jamais consommé entre les citoyens et leurs représentants. Et le nouvel essai de Christian Chesnot et Georges Malbrunot Nos très chers émirs, qui relate les liaisons dangereuses entre certains politiques français de premier plan et les monarchies du Golfe, risque bien d’enfoncer encore davantage le clou.  Les causes de cette méfiance généralisée sont nombreuses, du manque de transparence sur la mise en œuvre de leurs missions (conditions d’exercice, rémunération, conflits d’intérêts éventuels…) à l’accumulation des mandats en passant par un sentiment d’exclusion des citoyens à la vie publique. « La moitié des jeunes de 18 à 24 ans interrogés voudraient être davantage sollicités sur les grands projets qui les concernent », évoque notamment le président de l’association anti-corruption. Au-delà de ce piètre bilan, Daniel Lebègue reste tout de même optimiste. « Contrairement à une idée reçue, les Français n’adhèrent pas au discours du « tous pourris ». Les fonctionnaires et les maires sont à ce titre considérés comme intègres par la majorité des personnes interrogées. Et malgré cette mauvaise perception du monde politique, ils ne semblent pas ni fatalistes, ni résignés. 88% des sondés ont par exemple spontanément cité des pistes qui pourraient renforcer la transparence de la vie publique et limiter le risque de corruption. » Parmi lesquelles, la limitation du renouvellement des mandats, l’encadrement du financement de la vie politique et du lobbying ou encore le renforcement de l’indépendance de la justice emportent une large adhésion.




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