Archive pour le Tag 'transparence'

Environnement-gestion de l’eau: Un manque de transparence

Environnement-gestion de l’eau: Un manque de transparence

Par Alors que le gouvernement a annoncé un prochain « plan eau » pour faire face à la sécheresse, la juriste et administratrice de France Nature Environnement alerte, dans une tribune au « Monde », sur le manque de transparence autour de la gestion de l’eau.

par Florence Denier-Pasquier (France Nature Environnement) dans le Monde.

La France manque d’eau. C’est ce que la sécheresse sévère des derniers mois révèle à beaucoup de Français. Au sortir de cet hiver, nous avons 25 % de précipitations en moins, des sols trop secs pour la saison et de nombreuses nappes souterraines insuffisamment rechargées…

Pour les associations membres du mouvement France Nature Environnement qui suivent les enjeux du partage de l’eau à l’échelle des bassins versants, et pour de nombreux scientifiques qui nous alertent depuis deux décennies, ce n’est pourtant pas une surprise. Une étude du ministère de l’écologie publiée en juin 2022 a d’ailleurs montré que la ressource en eau renouvelable a déjà baissé de 14 % ces deux dernières décennies par rapport aux dix années précédentes !

Tous les usages de l’eau, interdépendants sur un territoire, sont touchés. Les milieux naturels souffrent déjà énormément de notre inadaptation collective, comme en témoignent les nombreux cours d’eau asséchés. C’est tout le cycle de l’eau qui est bouleversé. Les effets du changement climatique s’ajoutent à des décennies de forte augmentation des prélèvements, d’aménagements hydrauliques néfastes, de destruction des zones humides, d’arasement de talus et de haies, d’artificialisation et d’activités agricoles délétères pour les sols : autant de pratiques qui ont dégradé et altéré durablement leur potentiel d’infiltration de l’eau.

Or, ce sont ces mêmes milieux qui dépolluent nos rejets « traités » et régulent les écoulements. Nous sommes dans une spirale négative dont il est urgent de sortir.

Ces défis croisés avaient pourtant été bien identifiés lors des Assises de l’eau de 2019. Leur feuille de route fixait alors des objectifs clairs de sobriété : réduire les prélèvements de 10 % en 2024 et de 25 % en 2034.

A un an de la première échéance, nous en sommes très loin, hélas. En un sens, cette sécheresse est un rappel cruel mais utile : nous devons sortir du déni, et il est urgent que le prochain plan eau tienne enfin ces objectifs et organise vraiment cette réduction de l’ensemble des prélèvements, en commençant par les plus gros consommateurs.

Mais mieux économiser l’eau, mieux la partager avec justesse et justice suppose d’abord de bien connaître les usages existants. Or, les retours d’expérience des territoires déjà engagés dans une stratégie concertée de partage de l’eau (dans les projets de territoire pour la gestion de l’eau) montrent que nous sommes loin du compte.

Ainsi, nous ne disposons pas aujourd’hui de données indispensables pour une gestion équilibrée de l’eau, comme la quantité totale des prélèvements et les stratégies d’irrigation agricole. Or, il s’agit d’un enjeu fondamental : pour une gouvernance juste et durable de l’eau, nous avons besoin de mieux connaître tous les prélèvements – domestiques et non domestiques – et d’étudier leurs évolutions et leurs interactions.

Gestion de l’eau: Un manque de transparence

Gestion de l’eau: Un manque de transparence

Par Alors que le gouvernement a annoncé un prochain « plan eau » pour faire face à la sécheresse, la juriste et administratrice de France Nature Environnement alerte, dans une tribune au « Monde », sur le manque de transparence autour de la gestion de l’eau.

par Florence Denier-Pasquier (France Nature Environnement) dans le Monde.

La France manque d’eau. C’est ce que la sécheresse sévère des derniers mois révèle à beaucoup de Français. Au sortir de cet hiver, nous avons 25 % de précipitations en moins, des sols trop secs pour la saison et de nombreuses nappes souterraines insuffisamment rechargées…

Pour les associations membres du mouvement France Nature Environnement qui suivent les enjeux du partage de l’eau à l’échelle des bassins versants, et pour de nombreux scientifiques qui nous alertent depuis deux décennies, ce n’est pourtant pas une surprise. Une étude du ministère de l’écologie publiée en juin 2022 a d’ailleurs montré que la ressource en eau renouvelable a déjà baissé de 14 % ces deux dernières décennies par rapport aux dix années précédentes !

Tous les usages de l’eau, interdépendants sur un territoire, sont touchés. Les milieux naturels souffrent déjà énormément de notre inadaptation collective, comme en témoignent les nombreux cours d’eau asséchés. C’est tout le cycle de l’eau qui est bouleversé. Les effets du changement climatique s’ajoutent à des décennies de forte augmentation des prélèvements, d’aménagements hydrauliques néfastes, de destruction des zones humides, d’arasement de talus et de haies, d’artificialisation et d’activités agricoles délétères pour les sols : autant de pratiques qui ont dégradé et altéré durablement leur potentiel d’infiltration de l’eau.

Or, ce sont ces mêmes milieux qui dépolluent nos rejets « traités » et régulent les écoulements. Nous sommes dans une spirale négative dont il est urgent de sortir.

Ces défis croisés avaient pourtant été bien identifiés lors des Assises de l’eau de 2019. Leur feuille de route fixait alors des objectifs clairs de sobriété : réduire les prélèvements de 10 % en 2024 et de 25 % en 2034.

A un an de la première échéance, nous en sommes très loin, hélas. En un sens, cette sécheresse est un rappel cruel mais utile : nous devons sortir du déni, et il est urgent que le prochain plan eau tienne enfin ces objectifs et organise vraiment cette réduction de l’ensemble des prélèvements, en commençant par les plus gros consommateurs.

Mais mieux économiser l’eau, mieux la partager avec justesse et justice suppose d’abord de bien connaître les usages existants. Or, les retours d’expérience des territoires déjà engagés dans une stratégie concertée de partage de l’eau (dans les projets de territoire pour la gestion de l’eau) montrent que nous sommes loin du compte.

Ainsi, nous ne disposons pas aujourd’hui de données indispensables pour une gestion équilibrée de l’eau, comme la quantité totale des prélèvements et les stratégies d’irrigation agricole. Or, il s’agit d’un enjeu fondamental : pour une gouvernance juste et durable de l’eau, nous avons besoin de mieux connaître tous les prélèvements – domestiques et non domestiques – et d’étudier leurs évolutions et leurs interactions.

Grève chez les pétroliers: sortir de ce bourbier grâce à la transparence

Grève chez les pétroliers: sortir de ce bourbier grâce à la transparence

Pour éviter le statu quo entre les salariés de TotalEnergies en grève et la direction, le directeur et membre associé de l’Institut de recherche et d’enseignement sur la négociation, Aurélien Colson, défend dans le Figaro la stratégie «Dracula», qui repose sur une totale transparence dans les discussions.

Il n’y a pas 1000 façons de se débarrasser d’un vampire. L’ail ne permet qu’un éloignement temporaire. Le pieu plongé dans le cœur est efficace, mais salissant. Reste l’exposition à la lumière du jour: le vampire tombe en poussière, et un coup d’aspirateur achève de régler le problème. La méthode est transposable à la négociation, comme l’ont bien compris les activistes de tous horizons. Ainsi s’exprimait en 2002, à l’occasion du Forum social mondial réuni à Porto Alegre, la directrice de l’ONG Global Trade Watch: «Notre meilleure arme est la “stratégie de Dracula”: exposer les détails d’un pacte à la lumière d’un examen public». Lori Wallach souhaitait alors décrédibiliser certaines options en cours de négociation à l’Organisation mondiale du commerce.

J’ai analysé dans plusieurs travaux de recherche la délicate articulation, en négociation, entre secret – ou discrétion, en tout cas – et transparence vis-à-vis de tiers. Pour aboutir, les négociateurs doivent identifier une zone d’accord respectant leurs lignes rouges respectives. Identifier cette zone requiert de partager de l’information, de tenter des ouvertures, de tester des concessions. Cela n’est possible que si une relative discrétion entoure les tractations, jusqu’à ce qu’un équilibre soit trouvé. Mais, en sens inverse, des négociations d’intérêt public exigent d’être mise en transparence: dans nos sociétés démocratiques, il est légitime que soient portés à la connaissance du public les tenants et aboutissants – et en particulier les résultats – d’une négociation, à partir du moment où elle est de nature politique, c’est-à-dire d’intérêt général.

TotalEnergies peut avoir choisi des chiffres qui ne reflètent pas la totalité des situations individuelles. Il n’en reste pas moins que l’empressement avec lequel la CGT est montée au créneau souligne l’efficace de la méthode de Dracula.

Dans une négociation, même modeste, la stratégie de Dracula fonctionne assez bien: elle permet de mettre en porte à faux un interlocuteur qui, dans le confort d’une discussion discrète, génère du blocage au nom d’arguments qu’il ne pourrait tenir en public, voire en se passant de tout argument. Dès qu’il est exposé à l’observation de tiers, ce même interlocuteur se trouve en demeure de devoir démontrer la légitimité de ses arguments – ou d’en trouver. C’est cette dynamique qui a été lancée par TotalEnergies face au blocage de ses raffineries. L’employeur a levé un coin de voile sur les rémunérations des salariés concernés, appliquant la «stratégie de Dracula». L’employeur affirme que la rémunération mensuelle d’un opérateur de raffinerie est de 4.300 € bruts, à quoi s’ajoutent 9.100 € d’intéressement en 2022. Soit plus de 60.000 € bruts par an ou 5.000 € brut par mois: 50 % de plus que le salaire moyen en France (3.275 €).

Les responsables syndicaux de la CGT ont rapidement avancé d’autres chiffres de rémunération, moins généreux. Certes, il est possible que l’employeur ait choisi des chiffres qui, tout en étant exacts, ne reflètent pas la totalité des situations individuelles – et comment le pourraient-ils, puisque ce sont des moyennes. Il n’en reste pas moins que l’empressement avec lequel la CGT est montée au créneau souligne l’efficace de la méthode de Dracula. D’aucuns pourraient arguer que cette mise en transparence n’a pas à s’appliquer, s’agissant d’une négociation entre employeur et salariés d’une entreprise privée. On rétorquera que les grévistes ayant jusqu’à présent volontiers pris le pays à témoin, cherchant à générer de la sympathie contre «le grand capital pétrolier», puis ayant provoqué un blocage tel qu’il entrave la liberté de circulation de tout un chacun, il n’est pas anormal que l’objet de la négociation soit éclairé en place publique.
Si l’on faisait la pleine lumière sur les rémunérations des personnels, chacun pourrait déterminer s’il s’agit d’une « grève par procuration » au bénéfice de tous, ou bien de la défense d’intérêts en faisant levier sur un service public.

On se gardera ici de préjuger de l’issue de ces négociations. On notera cependant que la «stratégie de Dracula» reste légitime chaque fois que des intérêts privés, adossés à des moyens de pression que permet une situation de quasi-monopole, profitent de l’ombre des négociations pour faire perdurer voire conforter des situations illégitimes. Par exemple, lors de la prochaine grève des aiguilleurs du ciel, il serait socialement utile que la DGAC, pour éclairer le débat public, fasse la pleine lumière sur les rémunérations des personnels concernés. Idem à la prochaine grève dans les transports publics. Chacun pourrait ainsi déterminer s’il s’agit d’une «grève par procuration» au bénéfice de tous, ou bien de la défense d’intérêts bien compris en faisant levier sur un service public au détriment de ses usagers.

Inflation et Consommation : absence de transparence et spéculation

 

 

Le communicant François Ramaget appelle industriels et distributeurs, dans une tribune au « Monde », à faire la transparence sur la composition du prix de leurs produits, plutôt que de multiplier remises et ristournes.

 

En faite dans la période, le climat inflationniste encourage à une augmentation de la plupart des produits y compris de ceux qui ne sont pas concernés par des hausses de production ou de distribution. Producteurs mais aussi distributeurs profitent de cette situation au moins à court terme. Car les ménages ont vite constaté la valse des étiquettes ( et des changements de marques!). Du coup, ils réduisent leur consommation ce qui aura rapidement un très fort impact sur la croissance. Pour l’instant l’absence de transparence permet tous les excès.NDLR

 

« Notre premier défi, c’est de répondre à l’urgence du pouvoir d’achat », a déclaré la première ministre, Elisabeth Borne, le 6 juillet dans son discours de politique générale. Elle annonçait alors une pluie d’aides gouvernementales visant à soulager nos concitoyens du poids de plus en plus insupportable de la dépense contrainte : transport, carburant, énergie, loyer, alimentation…

Mais les prix ne sont pas uniquement fonctions de la fiscalité et des subventions. Industriels ou distributeurs jouent un rôle majeur dans la fabrication des prix : au-delà de l’impact financier, elles doivent les considérer comme des éléments essentiels de leur démarche de responsabilité. Et elles doivent nous l’expliquer.

 

A en croire le très médiatique Michel Edouard Leclerc, intervenant le 30 juin sur BFM-TV, « la moitié des hausses ne sont pas transparentes, sont suspectes ». Faudrait-il jeter la pierre à ces profiteurs de guerre qui spéculeraient sur fond de post-Covid et de crise ukrainienne ? Mais le 3 juillet au « Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI », Aurore Bergé, présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale, refuse l’idée d’une commission d’enquête à ce sujet et rétorque que ce sont les prix des marques de distributeurs qui ont le plus augmenté.

Une extrême confusion règne sur la réalité des marges. Exemples : TotalEnergies concède une ristourne estivale de 12 centimes par litre de carburant (sur les autoroutes seulement), mais affiche en même temps un profit trimestriel de près de 5 milliards. Les services de livraison rapide (moins de 15 minutes) offrent des bons d’achat pouvant représenter plus de 40 % de remise, mais ils sont tenus à bout de bras par les grands fonds de capital-investissement. Un célèbre opticien propose trois paires de lunettes de vue pour 1 euro de plus que le prix de la première, soit de 66 % de réduction.

Prix et Consommation : Une absence totale de transparence

Prix et Consommation : Une absence totale de transparence

 

Le communicant François Ramaget appelle industriels et distributeurs, dans une tribune au « Monde », à faire la transparence sur la composition du prix de leurs produits, plutôt que de multiplier remises et ristournes

 

« Notre premier défi, c’est de répondre à l’urgence du pouvoir d’achat », a déclaré la première ministre, Elisabeth Borne, le 6 juillet dans son discours de politique générale. Elle annonçait alors une pluie d’aides gouvernementales visant à soulager nos concitoyens du poids de plus en plus insupportable de la dépense contrainte : transport, carburant, énergie, loyer, alimentation…

Mais les prix ne sont pas uniquement fonctions de la fiscalité et des subventions. Industriels ou distributeurs jouent un rôle majeur dans la fabrication des prix : au-delà de l’impact financier, elles doivent les considérer comme des éléments essentiels de leur démarche de responsabilité. Et elles doivent nous l’expliquer.

 

A en croire le très médiatique Michel Edouard Leclerc, intervenant le 30 juin sur BFM-TV, « la moitié des hausses ne sont pas transparentes, sont suspectes ». Faudrait-il jeter la pierre à ces profiteurs de guerre qui spéculeraient sur fond de post-Covid et de crise ukrainienne ? Mais le 3 juillet au « Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI », Aurore Bergé, présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale, refuse l’idée d’une commission d’enquête à ce sujet et rétorque que ce sont les prix des marques de distributeurs qui ont le plus augmenté.

Une extrême confusion règne sur la réalité des marges. Exemples : TotalEnergies concède une ristourne estivale de 12 centimes par litre de carburant (sur les autoroutes seulement), mais affiche en même temps un profit trimestriel de près de 5 milliards. Les services de livraison rapide (moins de 15 minutes) offrent des bons d’achat pouvant représenter plus de 40 % de remise, mais ils sont tenus à bout de bras par les grands fonds de capital-investissement. Un célèbre opticien propose trois paires de lunettes de vue pour 1 euro de plus que le prix de la première, soit de 66 % de réduction.

Démocratie : enjeux et limites de la transparence

Démocratie : enjeux et limites de la transparence

 André Yché, Président du conseil de surveillance chez CDC Habitat livre une nouvelle fois une réflexion approfondie cette fois sur les enjeux de la transparence en démocratie ( dans la Tribune)

 

L’État, c’est le secret, et d’abord le secret militaire. En 480 avant Jésus-Christ, la flotte grecque, après quelques revers, s’embosse dans le détroit de Salamine pour tenter d’empêcher l’armée et la flotte de Xerxès Ier de conquérir le Péloponnèse, sur la lancée de la victoire des troupes médiques sur les Spartiates de Léonidas au défilé des Thermopyles.

Tactiquement, le choix est excellent, car l’étroitesse du passage neutralise l’avantage numérique écrasant des Perses. L’inconvénient, c’est que, comme aux Thermopyles, si les Perses parviennent à prendre à revers les Grecs, le massacre est assuré, de telle sorte que les lieutenants et alliés de Thémistocle prennent peur. Hérodote raconte comment Thémistocle prend secrètement contact avec Xerxès Ier pour forcer les évènements : faisant allégeance au monarque perse, il indique qu’à la suite de dissensions chez les Grecs, qui sont réelles, il va devoir replier sa flotte et que le Grand Roi perdra l’occasion de la détruire s’il n’attaque incessamment. Ce que fait aussitôt le Perse, qui passe immédiatement à l’offensive et se laisse piéger dans les eaux peu propices aux grandes manœuvres du détroit. L’invasion est stoppée et Xerxès Ier se replie précipitamment en Asie Mineure. Mais pour obtenir ce résultat et forcer la main à ses alliés, Thémistocle les a délibérément trahis, commettant un acte qui lui aurait coûté sa tête, même après la victoire, eut-il été connu des intéressés.

En 675, puis en 717 après Jésus-Christ, profitant de l’affaiblissement de Byzance par les guerres incessantes livrées aux Sassanides, les armées arabes, qui ont conquis la Syrie, l’Égypte et la Palestine poussent jusqu’à Constantinople. Une flotte importante met le siège sous les murs de la ville, pénétrant dans le Bosphore et bloquant l’accès à la Corne d’Or. C’est un secret soigneusement gardé qui sauve Byzance, au point qu’il est aujourd’hui perdu : celui des feux grégeois qui, dans ces deux occasions, dévastent la flotte des envahisseurs. Cette arme secrète, longtemps décisive sur mer et au pied des fortifications, contribuera à la longévité de l’Empire byzantin qui ne succombera qu’en 1204 à l’assaut de la quatrième croisade.

Le secret économique peut devenir secret d’État. Ainsi en fut-il longtemps de celui de la fabrication de la soie jalousement conservée par les Chinois, les habitants du pays des Sères, qui en faisaient commerce avec les Égyptiens dès le Xe siècle avant Jésus-Christ, puis avec les Romains, à partir du IVe siècle avant Jésus-Christ. Mais le secret finit par être éventé, d’abord au profit de l’Inde, puis du Japon. Enfin, au milieu du VIe siècle, deux moines nestoriens apportent à l’empereur Justinien des œufs de vers à soie. Le quasi-monopole chinois sur la production de cette précieuse monnaie d’échange est définitivement compromis.

La Poste royale est créée par Louis XI qui dans un édit sur les Postes (1464) stipule que le courrier transporté par cette voie sera lu et inspecté. Lorsqu’en 1603, Henri IV ouvre ce service au public, cette pratique demeure et sous Louis XIII, elle donne lieu à la création d’un « cabinet noir » qui communique à Richelieu les pièces les plus intéressantes, sous la responsabilité d’un expert en décryptement, Antoine Rossignol, dont le patronyme désignera l’instrument destiné à forcer les serrures.

Bref, s’il est un « secret d’État », il n’y a point de secret pour l’État ni pour le Roi. Le « Secret du Roi », c’est le service qui permet à Louis XV de conduire une diplomatie parallèle qui, après la Guerre de Succession d’Autriche, amène un renversement d’alliances, en 1756, avant le déclenchement de la guerre de Sept Ans dont les conséquences seront catastrophiques pour la France. La « double track policy » aura montré ses limites, de même que l’amateurisme des diplomates de l’ombre.

Il apparaît donc que la préservation du secret est consubstantielle à l’exercice du pouvoir, au point que l’usage d’une transparence artificielle peut être un moyen de manipulation. Ainsi, le cérémonial de la Cour offrait en spectacle tous les détails, y compris les plus intimes, de la vie de Louis XIV. Et pourtant, il s’était fait une règle intangible de ne jamais exposer le motif de ses décisions, au point qu’il était même interdit de l’interroger à ce propos.

De la démocratie

En France, le premier tournant survient avec la Révolution, et il est à la fois exemplaire de tous les excès et illustratif de tous les débats. Après les avoir étudiés, tout est dit : sur le fond, les deux siècles qui suivent ne sont qu’illustration de ce condensé d’idéologie et d’Histoire, autour du lien entre démocratie et transparence.

L’axiome initial des révolutionnaires, c’est que l’opinion publique garantit la liberté du peuple contre la corruption et la trahison, c’est-à-dire contre les ministres et leurs conseillers, et pour tout dire, contre la monarchie elle-même. Et il faut bien reconnaître qu’à partir de 1793, la découverte de la correspondance secrète du Roi, conservée dans la fameuse « armoire de fer » dissimulée dans les appartements privés du monarque n’infirmera guère cette thèse, étayée par la tentative de franchissement des frontières stoppées à Varennes. La règle est donc la publicité des débats, des votes, des décisions, sans limites. « Les tyrans conspirent dans les ténèbres, le peuple délibère au grand jour ! » écrit Camille Desmoulins. C’est que la transparence absolue, l’accès du public à toutes les délibérations est gage de liberté et de justice : « La procédure doit toujours être faite en public, parce qu’alors la vérité n’a pas à craindre d’être étouffée par l’intrigue, l’artifice, la violence… » dixit Marat.

Deux menaces obsessionnelles vont alors conduire de la publicité des débats à la dénonciation des suspects : la hantise de la corruption, la crainte de la trahison. Ainsi se construit une société de défiance et de délation. Une déclaration de Camille Desmoulins légitime cette dérive : « La défiance est mère de sûreté ». La dénonciation devient un devoir civique. Mais faut-il imposer des bornes ? Robespierre, contre Brissot qui tente de préserver l’unité nationale, dénonce l’ennemi de l’intérieur, thème qui servira souvent, en toutes circonstances. Le terme de dénonciation lui-même, qui est substitué à celui de délation, exprime une volonté de valorisation de l’acte : il s’agit de protéger la République en mettant en lumière les complots ourdis dans l’ombre.

Après la trahison de Dumouriez au printemps de 1793, suivie par la découverte du double jeu de Mirabeau, après sa mort, qui vaut à sa dépouille d’être retirée du Panthéon, la suspicion est généralisée et les dénonciations, souvent anonymes, suffisent par elles-mêmes à étayer l’accusation devant le tribunal révolutionnaire. Le Comité de Salut public examine et trie chaque jour des milliers de courriers de délation et, dans les faits, la simple décision d’en sélectionner certains vaut condamnation. La rage de la transparence alimente désormais le déchaînement de la Terreur.

La réaction thermidorienne mettra un terme à l’emballement non maîtrisé des années 1793-1794, mais elle ne suspendra pas le phénomène, bien au contraire. Les règlements de compte s’ensuivront qui mèneront à l’échafaud les « enragés » et, au-delà, certains jacobins. Ainsi en va-t-il lors de tout basculement du pouvoir, à toutes les époques. Pour connaître un début de retour à l’ordre, il faudra attendre le 18 Brumaire, lorsque Sieyès aura enfin trouvé le « sabre » qu’il cherchait pour finir la Révolution.

Autant la « Glorieuse Révolution » anglaise de 1688 que l’installation de la République américaine, entre 1776 et 1787, furent préservées de ce type de psychose collective, par l’influence philosophique de Locke et de Benjamin Constant, plaçant au cœur de la République (ou d’une Monarchie constitutionnelle) les principes de l’Habeas Corpus, de l’État de Droit, et du respect de la sphère privée. Pendant plus d’un siècle et demi, cet équilibre parvint à prévaloir jusqu’à ce que l’expérience des deux guerres mondiales suivies des guerres de libération, avec leur cortège de désinformation, finisse par ébranler la confiance dans la parole publique et suscite un besoin de transparence accru dans l’opinion. En France, la parution en 1960 du célèbre ouvrage de Jean-Raymond Tournoux, Secrets d’État, n’a fait qu’amplifier un mouvement de révélation des coulisses de l’histoire officielle, illustré depuis lors par divers ouvrages tels que L’Histoire de la diplomatie secrète de Jacques de Launay.

De l’État de Droit

Mais la véritable rupture est venue avec l’ère des mass-medias annoncée dès les années 1960 par David Halberstam, prix Pulitzer en 1964, dans un de ses ouvrages, The powers that be. Cette mutation coïncide avec l’engagement américain au Vietnam narré par le même auteur dans The Best and the Brightest. Ainsi se trouvent rassemblées les composantes de la tragédie qui aboutira à la diffusion des « Pentagon Papers », première révélation massive de documents classifiés, autorisée par la Cour Suprême au nom du droit public à l’information.

Alors s’amorce une nouvelle phase au cours de laquelle du Watergate au Monicagate, en passant par l’Irangate, scandales et révélations se succèdent conduisant à l’héroïsation des « lanceurs d’alerte », jusqu’à la création de Wikileaks dans le but déclaré de réécrire l’Histoire.

Dès la fin des années 1970, la puissance du courant d’opinion était telle qu’en France même, la loi du 17 juillet 1978 créait un droit d’accès aux documents administratifs ainsi qu’une commission ad hoc chargée d’en assurer la mise en œuvre.

En l’espace de quelques décennies, la pratique du « fishing for truth » s’est généralisée à tous les pays au profit du pouvoir en place dans le cas des régimes autoritaires et au détriment de la démocratie dans tous les autres. Il est clair que de la manipulation des « incidents du golfe du Tonkin » ou de l’invention d’armes de destruction massive en Irak, jusqu’à la mise en pâture des frasques de tel ou tel politicien, un sérieux pas a été franchi dont on peut se demander s’il était évitable, eu égard au caractère inexorable de la spirale de la transparence, dès lors qu’une société s’y trouve engagée.

Ajoutons enfin que la prolifération de l’information ne signifie pas automatiquement un accès non biaisé à la vérité : c’est ce que soulignait Tocqueville dans « La démocratie en Amérique » lorsqu’il évoquait l’émergence, dans la presse, de pôles d’influence de l’opinion ; sans doute avait-il en tête le précédent, entre 1810 et 1830, de la « régence d’Albany » au cours de laquelle les grands journaux de l’Est, dont les sièges étaient implantés dans cette ville moyenne, ont fait la pluie et le beau temps dans la vie politique américaine.

Force est de constater que ce mouvement ne présente pas que des inconvénients, par exemple en matière de mise à jour de corruption et de fraude fiscale. Encore faut-il distinguer les réelles motivations des sycophantes qui, à l’instar de Cicéron publiant sa plaidoirie à l’issue du procès et de la fuite de Verrès, visent plutôt qu’à dénoncer les turpitudes d’un magistrat véreux à asseoir leur propre notoriété.

Le prix à payer, en termes de décrédibilisation de l’action politique, est extraordinairement élevé. Il en va de même de la parodie de justice exercée en permanence par les tribunaux médiatiques. Confrontés à leurs méthodes intrusives, même la vie privée de Kant ou celle de Thomas d’Aquin auraient pu être l’objet des pires rumeurs et des plus graves soupçons.

Au surplus, la divulgation prématurée de secrets d’État peut donner lieu à maintes manipulations. Le contenu de la dépêche d’Ems, à la suite des manigances de Bismarck, n’eut-il pas été connu de l’opinion chauffée à blanc, que la guerre franco-prussienne de 1870 aurait pu être évitée. Ce que cet épisode nous enseigne, c’est que transparence n’est pas vérité.

La crise sanitaire actuelle, comme toute crise, révèle les deux faces de Janus que présente ce phénomène. Lorsqu’il s’agit de mettre en lumière la réalité du régime de Pékin pour déciller enfin les yeux des Occidentaux, l’exigence de transparence est justifiée et utile. Mais fallait-il réellement cette crise pour mettre en lumière l’évidence ?

Nucléaire : quelle transparence et quel financement

Nucléaire : quelle transparence et quel financement 

 

Alors qu’Emmanuel Macron souhaite relancer un ambitieux programme nucléaire civil, des questions, tels la faisabilité technique, la sécurité, les délais ou les coûts, appellent des réponses précises estime papier du Monde.

Après des atermoiements, voire des décisions contradictoires, Emmanuel Macron fixe un nouveau cap à la politique énergétique de la France. A deux mois du premier tour de l’élection présidentielle, alors qu’il n’est pas encore candidat à sa réélection, le chef de l’Etat a donné, jeudi 10 février, son canevas pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, quitte à revenir sur certains objectifs définis dans le cadre de la dernière programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), décidée il y a moins de quatre ans.

Le président souhaite relancer un ambitieux programme nucléaire civil, qui comprend la construction de quatorze réacteurs de nouvelle génération et la prolongation de la durée de vie du parc existant au-delà de cinquante ans. Plus aucune fermeture n’est prévue, alors que douze étaient planifiées d’ici à 2035. Parallèlement, Emmanuel Macron dit viser une cinquantaine de parcs éoliens en mer et d’importants investissements dans le solaire.

A l’origine de cette volte-face, l’urgence climatique, qui divise l’opinion autant que les partis. La France doit sortir des énergies fossiles d’ici à trente ans, alors que celles-ci représentent aujourd’hui les deux tiers de notre consommation. Cette dépendance fragilise notre souveraineté, tout en faisant dépendre le pouvoir d’achat des Français des fluctuations des cours mondiaux des hydrocarbures. S’affranchir de cette situation implique de basculer vers une électrification massive des usages, qui doit elle-même entraîner une forte augmentation de la production d’électricité faiblement émettrice de CO2. La plupart des hypothèses publiées en octobre 2021 par RTE, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, montrent que cette transition doit reposer sur la sobriété énergétique, les énergies renouvelables et le nucléaire. Le constat fait désormais l’objet d’un large consensus. Emmanuel Macron a choisi le scénario nucléaire le plus ambitieux, aux antipodes des choix défendus par le candidat écologiste, Yannick Jadot. C’est un pari risqué.

La relance du nucléaire est d’abord un défi industriel pour une filière laissée en jachère pendant trop d’années. Faute d’un flux régulier de constructions de nouvelles centrales, les compétences se sont perdues. Les retards et les surcoûts rencontrés pour l’EPR de Flamanville illustrent cette perte de savoir-faire. Le reconstituer demandera du temps, aussi bien pour EDF que pour l’écosystème des sous-traitants.

Ce plan est également un défi financier. Le coût des six premiers EPR est évalué à 52 milliards d’euros. Ce chiffre demande à être confirmé de façon transparente. Surtout, cet investissement ne pourra pas être entièrement assumé par EDF. Fragilisé par l’état du parc de réacteurs, une dette importante et les demandes erratiques de l’Etat actionnaire, le chef de file du secteur doit être épaulé. « L’Etat jouera son rôle », promet l’Elysée. Lequel ? Avec quels moyens ? Enfin, quelles sont les marges de manœuvre vis-à-vis de la Commission européenne ?Quant aux promesses dans les énergies renouvelables, elles paraissent très ambitieuses, alors que la France est, à ce jour, le seul pays de l’Union européenne qui n’a pas tenu ses objectifs.

Faisabilité technique, sécurité, délais, coûts, futur prix de l’énergie : toutes ces questions appellent des réponses précises. Le cadre des échanges est fixé : la campagne présidentielle d’abord, puis la Commission nationale du débat public et enfin le Parlement. Chacune de ces étapes sera nécessaire pour éclairer les enjeux et les conditions d’une décision qui engage l’avenir énergétique du pays jusqu’à la fin du siècle.

Présidentielle : pour une transparence totale des comptes de campagne

Présidentielle : pour une transparence totale des comptes de campagne

 

Dans une tribune au « Monde », les deux responsables d’associations anticorruption, Patrick Lefas et Elise Van Beneden, estiment que l’élection est fragilisée par les menaces qui pèsent sur sa sincérité.

 

Tribune.

 

Alors que la plupart des candidats à la présidentielle sont désormais déclarés, à l’exception d’Emmanuel Macron, président en exercice dont la candidature ne fait cependant guère de doute, ce scrutin majeur de la Ve République est fragilisé par les menaces qui pèsent sur sa sincérité, c’est-à-dire sur l’égalité des conditions de la compétition, tant pour le financement des campagnes électorales que pour l’accès aux médias audiovisuels.

L’affaire Bygmalion est un symbole criant de cette vulnérabilité. Comment parler de confiance citoyenne quand il est encore si facile de contourner les règles du jeu, la Constitution interdisant par exemple à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) de contrôler les dépenses des partis politiques alors qu’eux-mêmes sont autorisés à financer les campagnes de leurs candidats ?

Comment ne pas s’inquiéter pour notre démocratie si un candidat élu et, dès lors, protégé par son immunité présidentielle devait voir ses comptes de campagne invalidés ?

Comment accepter qu’un petit nombre de donateurs finance une grande part des dépenses d’un candidat en bénéficiant d’une réduction fiscale de 66 % dans la limite de 20 % de leur revenu imposable ? [Les dons consentis par chaque personne à un ou plusieurs partis ne peuvent pas excéder 7500 euros.]

Comment ne pas s’interroger sur la manière dont les médias interprètent l’équité des temps de parole pendant les campagnes électorales, dans le respect du pluralisme des courants d’idées et d’opinions ?

Nous, associations agréées contre la corruption et les atteintes à la probité, avons formulé des propositions pour supprimer les angles morts du financement des campagnes présidentielles :

  • Renforcement des pouvoirs d’investigation, des moyens et de l’indépendance de la CNCCFP ;
  • Mise en place d’un contrôle en temps réel, pendant la campagne, des comptes de campagne des candidats et extension de ce contrôle aux comptes des partis politiques qui les soutiennent ;
  • Accès public aux comptes de campagne sans limite de durée ;
  • Extension des droits de partie civile des associations anticorruption dans les procès liés au financement de la vie politique.

Nous n’avons pas été entendues. Les mesures adoptées par les lois du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique ont posé d’utiles garde-fous, mais n’ont pas traité l’essentiel.

Il est crucial d’ouvrir une réflexion sur les pouvoirs à conférer au Conseil constitutionnel de manière à prononcer l’inéligibilité du candidat élu en cas de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, comme c’est le cas pour les élections législatives.

 

Géants de la tech: la transparence en question

 Géants de la tech: la transparence en question

Un article de Katherine Bindley Dans le Wall Street Journal aborde la demande croissante de transparence sur les géants de la tech.(Extrait)

De plus en plus de débats et de critiques internes concernant des entreprises comme Facebook, Google et Apple se retrouvent mises sur la place publique. « Les employés ont l’impression que leur seule option est de s’adresser à l’extérieur »

 

 

De plus en plus de débats internes et de critiques concernant des géants de la tech se retrouvent sur la place publique. Les fuites d’informations sensibles en représentent les exemples les plus spectaculaires. Elles ont conduit les plus grandes entreprises du secteur à restreindre l’accès à l’information de leur personnel avec une partie duquel s’est instaurée une méfiance réciproque et nouvelle.

Chez Netflix, certains employés ont débrayé mercredi pour protester contre la façon dont l’entreprise a géré le tollé provoqué par un spectacle de l’humoriste Dave Chappelle. Dans un récent e-mail adressé au personnel, révélé par The Verge, le directeur général d’Apple, Tim Cook, a déclaré que les salariés transmettant des informations confidentielles en dehors de l’entreprise n’y avaient pas leur place. Plus tôt cette année, Google a licencié une employée de son équipe d’intelligence artificielle accusé d’avoir partagé des documents internes. Et la semaine dernière, Facebook a annoncé à ses troupes qu’il limiterait le nombre de personnes pouvant consulter les discussions sur les messageries internes concernant certains sujets, notamment la sécurité des plateformes, après la collecte de documents par un ancien employé qui ont servi de base aux Facebook Files dévoilés dans The Wall Street Journal.

 

Lorsqu’il a rejoint Google il y a une dizaine d’années, Xavid Pretzer, ingénieur senior, a été attiré par la culture de liberté et de transparence de l’entreprise et par l’idée qu’il serait en mesure de faire changer les choses. A cette époque, les questions, les commentaires et les débats étaient davantage encouragés, assure M. Pretzer, délégué de l’Alphabet Workers Union, un syndicat qui s’est formé pendant la pandémie pour fédérer les collaborateurs et leur donner la possibilité de s’exprimer sur l’entreprise. Il comptait environ 800 membres en janvier.

« Souvent, les gens ne sont pas uniquement attirés dans ces entreprises par le salaire, mais aussi parce qu’ils sont convaincus qu’ils pourront participer à rendre le monde meilleur », dit-il.

M. Pretzer explique que, ces derniers jours, certains employés ont l’impression que leurs questions pointues reçoivent des réponses plus vagues au cours des grandes réunions où le dialogue et la transparence étaient jusqu’alors la norme. Ce changement d’attitude a érodé la confiance entre la direction et certains employés, poursuit-il, ajoutant que si les entreprises ne fournissent pas de canaux de communication sûrs et constructifs pour aborder les problèmes éthiques en interne, il « pense que certaines personnes auront l’impression que leur seule option pour se faire entendre est de se tourner vers l’extérieur ».

Google a refusé de répondre aux demandes de commentaires. Cette semaine, lors de la conférence Tech Live du Wall Street Journal, Sundar Pichai, son Google, a déclaré que l’activisme des employés incite les entreprises à être plus responsables. M. Pichai dirige également Alphabet, la société mère de Google.

« Les CEO doivent accepter le fait que, dans le monde professionnel moderne, les employés veuillent avoir leur mot à dire sur l’entreprise », a déclaré M. Pichai. Il a ajouté que les entreprises prenaient les décisions finales, même si elles pouvaient ne pas plaire à tous les salariés.

Depuis longtemps, Apple est réputé pour être plus opaque que certains de ses concurrents de la Silicon Valley. Au cours de l’année écoulée, ses collaborateurs se sont publiquement opposés à certains recrutements et ont accusé l’entreprise de pratiquer l’inégalité salariale et la discrimination. Au début du mois, l’entreprise a licencié Janneke Parrish, une salariée du groupe à Austin en pointe dans le mouvement #AppleToo, selon son avocat Vincent White. Ce dernier déclare penser, comme sa cliente, que ce licenciement est une mesure de représailles à sa décision de s’exprimer sur l’équité salariale et à sa position en matière de syndicalisation.

Une autre ancienne employée d’Apple, Ashley Gjovik, a déposé de nombreuses plaintes auprès du National Labor Relations Board (NDLR : agence américaine indépendante chargée d’enquêter sur les pratiques illégales dans le monde du travail). Elle affirme notamment que le mémo de M. Cook décourageant la diffusion d’informations confidentielles et certaines parties du règlement intérieur d’Apple violent le droit du travail. Mme Gjovik déclare avoir été licenciée en septembre.

The Verge a été le premier média à faire état de ces deux licenciements chez Apple.

« Nous prenons toutes les préoccupations au sérieux et nous menons une enquête approfondie chaque fois qu’un problème est soulevé. Par respect pour la vie privée des personnes concernées, nous ne communiquons pas sur les dossiers personnels des employés », affirme Josh Rosenstock, porte-parole d’Apple.

Pendant longtemps, le climat de confiance entre Facebook et ses collaborateurs était établi de manière instantanée. Les nouvelles recrues avaient généralement accès aux renseignements sur l’entreprise dès leur entrée — documents internes, les groupes de discussion entre employés et les comptes rendus des assemblées publiques. Les commentaires du PDG Mark Zuckerberg lors des réunions hebdomadaires avec l’ensemble du personnel restaient généralement au sein de l’entreprise. Mais ces dernières années, de plus en plus d’informations ont été rendues publiques et, au début du mois, l’entreprise a commencé à restreindre les informations partagées en interne.

Tim Carstens, un ingénieur logiciel senior qui a quitté Facebook le mois dernier, explique que travailler dans une grande entreprise de la tech signifie accepter à la fois les avantages et les inconvénients d’avoir une énorme influence sur le monde. Des tensions apparaissent entre dirigeants et collaborateurs lorsqu’ils doivent déterminer comment satisfaire à la fois le marché et la société, ajoute-t-il.

Selon des analystes et d’anciens travailleurs, l’évolution de la perception du public d’entreprises comme Facebook et Google pourrait rebuter certains jeunes employés.

« Il y a quelques années, si vous disiez que vous travailliez pour l’une de ces entreprises, neuf personnes sur dix disaient : “Oh, c’est génial.” Maintenant, ils ne sont plus que la moitié à trouver ça super tandis que l’autre répond : “Cette entreprise fait des choses qui ne sont pas bien” », observe Brian Kropp, responsable des études sur les pratiques des RH chez Gartner.

Nick Clegg, vice-président de Facebook chargé des affaires internationales, a publié le mois dernier un mémo, dévoilé par le New York Times, à l’intention des employés. Il y donne notamment des conseils sur la manière de parler avec des amis et des membres de la famille qui pourraient remettre en question le bien-fondé de leur travail chez Facebook et l’influence de l’entreprise sur le discours politique.

« On continuera à nous poser des questions difficiles. Et beaucoup de gens continueront à être sceptiques sur nos motivations, écrit M. Clegg. C’est ce qui arrive quand on fait partie d’une entreprise qui a un tel impact sur le monde. »

(Traduit à partir de la version originale en anglais par Grégoire Arnould)

Traduit à partir de la version originale en anglais

Covid Afrique: absence de transparence ?

Covid Afrique: absence de transparence ?

 

 

Une tribune de Nicolas Pulik, Inserm; Ahidjo Ayouba, Institut de recherche pour le développement (IRD); Eric Delaporte, Institut de recherche pour le développement (IRD) et Eric D’Ortenzio, Inserm (*) qui constatent le manque total de transparence vis-à-vis de la crise Covid  en Afrique.(la Tribune, extrait)

 

tribune

 

 

 

Avec quelques 6,3 millions de contaminations et 160 000 décès enregistrés, le nombre de cas officiellement rapportés par le Centre africain pour le Contrôle et la Prévention des Maladies semble indiquer que le SARS-CoV-2 se propage peu en Afrique : ramenée à l’échelle du continent, la prévalence de l’infection par ce coronavirus serait en effet inférieure à 1 %.

Toutefois, l’histoire racontée par les premiers résultats des études de séroprévalence, qui permettent d’estimer la proportion de personnes entrées en contact avec le virus en détectant les anticorps présents dans leur organisme, est très différente. Les prélèvements et analyses effectués auprès de diverses populations (donneurs de sang, soignants, population générale, etc.) indiquent en effet une prévalence d’infection par le SARS-CoV-2 élevée, en moyenne aux alentours de 20 %, et pouvant aller jusqu’à 60 % selon les endroits.

La diffusion du SARS-CoV-2 en Afrique pourrait donc être beaucoup plus forte qu’annoncé. Comment s’explique cette apparente contradiction entre nombre de cas confirmés et résultats des études de sérologie ? Quelle est la dynamique réelle de l’épidémie en Afrique ?

Quand un virus pénètre dans notre organisme, notre système immunitaire détecte ses protéines (aussi appelées antigènes) et produit des anticorps. Ces derniers vont ensuite se fixer sur les protéines virales afin d’éliminer le virus. Chez le coronavirus SARS-CoV-2, ces antigènes sont au nombre de quatre : la protéine de nucléocapside (N), la protéine de spicule (S), la protéine de membrane (M) et la protéine d’enveloppe (E).

Présente en de nombreux exemplaires à la surface du coronavirus SARS-CoV-2, la protéine Spike (en rouge sur ce modèle imprimé en 3D du coronavirus) est l’un des antigènes détectés par le système immunitaire lors de l’infection. Elle permet au virus de pénétrer dans les cellules humaines. NIH

Les tests sérologiques fonctionnent sur le même principe. Un échantillon du sang du patient que l’on souhaite tester est mis en contact avec un réactif contenant des antigènes du virus à détecter. Si le patient a été précédemment infecté par ledit virus, son organisme aura fabriqué des anticorps dirigés contre lui, dont un certain nombre demeurent présents dans son sang. Ces anticorps sanguins se fixeront aux antigènes contenus dans le réactif, rendant le test positif. Un résultat négatif indique que la personne n’a jamais contracté le virus et qu’elle ne dispose donc pas d’anticorps.

Cependant, dans la réalité, il arrive que les résultats ne soient pas aussi clairs. Il existe en effet diverses méthodes d’analyses. Basées sur des techniques différentes, leur fiabilité peut varier. Par ailleurs, les méthodologies ou les interprétations peuvent également différer d’un centre de test à l’autre. Pour ces raisons, le paradoxe entre le nombre de cas reportés et les études de séroprévalence appelle à une évaluation minutieuse et une interprétation prudente des résultats.

Le premier facteur, primordial, à prendre en compte pour interpréter les résultats d’un test de diagnostic sérologique concerne ses propriétés intrinsèques, dont sa sensibilité et sa spécificité. Ces deux indicateurs déterminent, entre autres, la qualité du test.

La sensibilité désigne la capacité à détecter les anticorps dirigés contre le virus concerné. Elle traduit la probabilité d’avoir un test positif chez les malades. La spécificité mesure quant à elle la capacité du test à ne pas classifier comme « malade » une personne saine.

Idéalement, sensibilité et spécificité doivent être les plus élevées possibles pour que le test soit jugé efficace. Mais ces valeurs ne sont pas figées dans le marbre, et l’efficacité d’un test sérologique peut varier en fonction du contexte. Un test très performant dans certaines conditions (par exemple dans un environnement géographique donné) peut s’avérer médiocre dans un autre.

C’est notamment un problème lorsque les tests ont été développés dans un contexte différent de celui où ils sont utilisés, car ils peuvent alors donner des résultats incorrects par rapport à la réalité. A minima, un test sérologique utilisé en Afrique doit avoir été préalablement validé sur des échantillons de personnes vivant en Afrique. Or, certains tests sérologiques utilisés en Afrique n’ont pas été validés sur des prélèvements sanguins de personnes vivant sur le continent.

 

Si la vaccination progresse sur le continent africain, elle reste très faible. En effet, sur plus de 3,7 milliards de doses administrées dans le monde, seules 61 millions ont été injectées en Afrique et environ 1,5 % de la population africaine est entièrement vaccinée. Dans le même temps, près de 75 % des doses se sont retrouvées monopolisées par dix pays industrialisés. Outre les problèmes d’approvisionnement internationaux, plusieurs autres raisons expliquent ce faible taux de vaccination, comme l’hésitation vaccinale, les stratégies nationales de vaccination ou les mises à disposition locales.

Ces différents facteurs expliquent pourquoi les études de séroprévalence indiquent une incidence de l’infection par le SARS-CoV-2 variant de 2,1 % à 60 % sur le continent.

Trois explications sont généralement avancées pour expliquer la dynamique épidémique sur le continent africain.

La première est la démographie. Sur le continent africain, 60 % de la population à moins de 25 ans, les plus de 65 ans ne représentant que 3,5 % de la population.

Or, on sait que l’âge est un facteur déterminant de la gravité de la Covid-19 et du risque de mortalité. Cette situation pourrait expliquer pourquoi la population africaine n’a pas été frappée par une surmortalité aussi forte que celle qui a touché l’Europe de l’Ouest, où 20 % de la population est âgée de plus de 65 ans. La relative jeunesse des populations pourrait non seulement avoir limité le nombre de cas graves, mais elle pourrait aussi s’être traduite par un grand nombre de cas asymptomatiques, lequel pourrait expliquer en partie le faible nombre de cas rapportés officiellement.

La seconde explication du paradoxe apparent entre cas rapportés et résultats de séroprévalence pourrait résulter des faibles capacités de détection des cas sur le continent africain, qui ne permettent pas un dépistage systématique.

Enfin, troisième explication, on ne peut exclure l’existence d’une immunité croisée induite par d’autres coronavirus, voire d’autres pathogènes, circulant sur le continent. Celle-ci, en conférant aux personnes une immunité contre le SARS-CoV-2 un peu à la manière de celle conférée par la vaccination, pourrait limiter le nombre de cas graves. Certaines études actuellement en cours en Afrique subsaharienne permettront de répondre à cette question : des tests sérologiques intégrant les marqueurs d’autres coronavirus ont été développés pour identifier de telles réactions d’immunité croisée si elles existent.

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(*) Par Nicolas Pulik, Assistant de recherche – Sciences humaines et sociales, Inserm ; Ahidjo Ayouba, Directeur de Recherches, virologue, Institut de recherche pour le développement (IRD) ; Eric Delaporte, Professeur de maladies infectieuses, Inserm, université de Montpellier, Institut de recherche pour le développement (IRD) et Eric D’Ortenzio, Médecin, Epidémiologiste, Responsable du département Statégie & Partenariats, ANRS I Maladies infectieuses émergentes, Inserm.

Nicolas Pulik, Ahidjo Ayouba, Eric Delaporte et Eric D’Ortenzie (*)

Crise sanitaire et aides au privé : Une absence de transparence

Crise et aides au privé : Une absence de transparence

 

Un collectif de vingt économistes, parlementaires et associations s’élève, dans une tribune au « Monde », contre l’absence de transparence des aides versées aux entreprises pendant la pandémie

 

Tribune. Avec 155 milliards d’euros débloqués pour soutenir les entreprises entre mars et décembre 2020, la France est, selon les données publiées par la Commission européenne, championne d’Europe en la matière, loin devant l’Italie (108 milliards) et l’Allemagne (104 milliards). Il ne fait aucun doute qu’il était nécessaire de soutenir le secteur privé à partir du moment où les pouvoirs publics décidaient de confiner le pays et arrêter certaines activités économiques.

Malheureusement, plus d’un an après le début de la pandémie, et alors que les aides publiques aux entreprises privées représentent près de cinq fois le produit net de l’impôt sur les sociétés, ni les parlementaires ni les citoyens ne savent précisément qui a bénéficié, et pour quel montant, des 32 milliards d’euros de reports et exonérations de charges fiscales et de cotisations sociales, des 27 milliards d’euros du chômage partiel ou même des dizaines de milliards d’euros des plans d’urgence sectoriels et de relance.

 

Ces données existent pourtant, mais ni Bercy ni le ministère du travail ne souhaitent les rendre publiques. Confidentialité des affaires et secret fiscal sont brandis pour empêcher tout suivi précis et chiffré des bénéficiaires et des aides qu’ils ont obtenues. Si le détail du soutien accordé à notre coiffeur n’est sans doute pas requis, ne pas savoir précisément combien Atos, Bouygues, Vinci ont touché des dispositifs de chômage partiel alors qu’ils sont soupçonnés d’en avoir abusé, n’est pas acceptable.

Manque de transparence et de contrôle démocratiques

Rien ne justifie un tel manque de transparence et de contrôle démocratiques. La première des exigences, la plus élémentaire en démocratie, consiste à appeler l’exécutif et la majorité parlementaire à publier les données relatives aux bénéficiaires des aides publiques. A minima pour les quelque 250 grandes entreprises et 5 700 entreprises de taille intermédiaire (plus de 250 salariés et/ou plus de 50 millions d’euros de chiffres d’affaires).

Cette exigence de transparence est d’autant plus essentielle que l’Observatoire des multinationales (https://multinationales.org/) a montré, en recoupant les informations parcellaires disponibles, que 100 % des groupes du CAC 40 ont bénéficié et bénéficient encore des aides publiques liées à la pandémie de Covid-19, même si certains ont tenté de prétendre le contraire.


Ainsi, au moins 27 groupes du CAC 40 ont eu recours au chômage partiel. Prévu pour éviter les licenciements et conserver les salariés formés au sein de l’entreprise, le dispositif du chômage partiel est dévoyé lorsque plus de 80 % de ces multinationales qui prétendaient ne pouvoir assumer la charge de la rémunération de leurs salariés ont, dans le même temps, considéré disposer d’une trésorerie suffisamment conséquente pour verser des dividendes en 2020 et/ou 2021.

La désinformation impose une réponse de transparence

La désinformation impose une réponse de transparence

Erwann Menthéour et Emmanuel Rivière estime dans l’Opinion que «Lutter contre la désinformation suppose de se plier à un devoir de transparence, de toujours agir conformément à ce que l’on serait capable d’assumer publiquement »

 

 

Selon un sondage Eurobaromètre de la Commission européenne récemment paru, 68 % des Français (et 51 % des Européens pour l’ensemble des vingt-sept pays de l’Union européenne) estiment avoir été confrontés à de la désinformation sur Internet. La fabrication et la circulation de fausses nouvelles, la prolifération de théories complotistes et les dangers que leur capacité de séduction fait peser sur la démocratie sont légitimement une préoccupation majeure des pouvoirs publics comme des médias.

Les parades sont de diverses natures : responsabilisation des plates-formes numériques, pénalisation de la diffusion de fausses nouvelles, fact checking, production et promotion d’un contre-discours, etc. Une autre manière de lutter contre la désinformation et ses dangers consiste à prendre la mesure de l’exigence qu’elle impose à tous ceux qui veulent mener ce combat : une exigence de vérité.

Les théories du complot sont d’autant plus efficaces quand elles parviennent à construire le récit conspirationniste autour d’un fait réel. Pour cette raison, la moindre faille est exploitable chez ceux que visent les complotistes, et tout petit arrangement avec la vérité, tout mensonge par omission, toute tentative de travestissement, voire de simplification d’une réalité embarrassante sont pour la désinformation un terreau extrêmement fertile.

Or la probabilité que soient mis à jour des faits que les pouvoirs, quels qu’ils soient, préféreraient dissimuler, est plus élevée que jamais. Et les opinions publiques le pardonnent de moins en moins. Ceux qui en 2016 voyaient en Donald Trump un candidat dont le principal défaut était son rapport très personnel avec la réalité ont pu lire dans son élection le démenti de l’attachement des citoyens à la vérité. Mais il se trouve que la faille était encore plus importante, dans l’opinion, du côté d’Hillary Clinton.

La réalité impose parfois des défis titanesques qui désemparent les responsables politiques les plus chevronnés, qui les déstabilisent au point de les conduire à un tel sentiment d’impuissance que le reconnaître les désavouerait, pensent-ils, aux yeux du peuple

Impératif. Une étude comparative menée juste avant l’élection de 2016 sur les qualités et défauts de l’une et de l’autre montrait que la candidate démocrate se voyait bien plus fortement et spontanément reprochée d’être secrète, accusation qui a beaucoup contribué au succès de son adversaire. Lutter contre la désinformation supposerait donc aussi, et peut-être avant tout, de se plier à un devoir de transparence, d’acquiescer à un impératif consistant à toujours agir conformément à ce que l’on serait capable d’assumer publiquement. Cette injonction peut sembler naïve, louable, évidente, dangereuse, ou un peu tout ça à la fois. Ce qui est sûr c’est qu’un tel objectif se heurte à plusieurs difficultés, de trois ordres.

La première est que l’idée de transparence est loin d’être consubstantielle à l’exercice du pouvoir. L’idée qu’il existe une raison d’Etat distincte de la raison du commun a longtemps prévalu. Du fait à la fois de la désidéologisation du débat politique et de l’abandon de la lutte des classes, notre modèle représentatif a conduit à faire de la compétence un critère aussi important que les valeurs ou la représentation d’intérêts partagés, dans le choix de délégués. Les titulaires de charges et de mandats sont supposés mieux maîtriser la complexité des enjeux, et disposer d’une forme d’exclusivité de cette capacité. Cette capacité est de plus en plus remise en cause, et l’une des leçons de la crise Covid-19 montre que les citoyens non seulement attendent l’exposition de cette complexité, mais apprécient que des dirigeants admettent ne pas tout savoir.

L’autre obstacle à l’exercice de la transparence tient précisément aux succès manifestes du complotisme et de la désinformation. Face à tant de mauvaise foi dans l’intention de nuire, il ne va pas de soi de faire toute la lumière sur des décisions qui sont souvent des arbitrages compliqués entre des intérêts divergents. Souvent la crainte l’emporte de voir la sincérité déformée et exploitée. A l’impératif moral de transparence s’opposerait le pragmatisme de la prudence.

Ce débat est difficile à trancher, mais pour s’en tenir au raisonnement bénéfices-risques, nous voulons ouvrir l’hypothèse, confortée par le sentiment que la maîtrise de l’information est de plus en plus un leurre, selon laquelle la transparence sur les intentions offrirait moins de billes aux complotistes que les tentatives de dissimulation, et davantage de gages à ceux qui s’alarment de la désinformation et veulent s’en défendre.

Universel. Ces derniers restent, ne l’oublions pas, la majorité. Gardons également à l’esprit, comme le rappelle le philosophe Frédéric Midal dans une interview publiée dans le premier numéro du magazine Mentors, que « quelqu’un qui croit à une théorie complotiste est quelqu’un qui souffre et [...] qui tente de se débrouiller avec le côté irrationnel du discours social et politique actuel dans lequel on ne nous parle pas ». Parler au nom de l’universel à l’universel, en omettant – volontairement ou non – de s’adresser en toute transparence aux êtres humains dans la singularité de leur existence, amène ceux qui exercent le pouvoir à se couper des bases et se tromper de combat. En précipitant leur propre défaite.

La troisième raison pour laquelle le pari de la vérité est un choix ardu est que les défis qui se présentent à ceux qui exercent les responsabilités sont particulièrement impressionnants, voire effrayants : à bien des égards, la séquence pandémique de ces derniers mois a matérialisé de manière concrète et parfois même sidérante combien l’exercice du pouvoir pouvait se révéler périlleux, voire quasiment insurmontable devant une situation inédite. Elle a illustré ce qu’est véritablement un arbitrage qui est la clef de voûte de la fonction politique.

Oui, gouverner, c’est arbitrer. Si celui-ci se résumait naïvement à faire un choix entre une bonne et une mauvaise solution, l’art de gouverner deviendrait en conséquence à la portée d’un enfant. Or, comme nous l’avons vécu une année durant, que ce soit au niveau national ou mondial, aucun choix, aucune solution, aucune intervention divine ne s’est révélée capable d’éradiquer ce virus qui continue de mobiliser les plus grands cerveaux de la planète. C’est ici que l’on découvre que la réalité impose parfois des défis titanesques qui désemparent les responsables politiques les plus chevronnés, qui les déstabilisent au point de les conduire à un tel sentiment d’impuissance que le reconnaître les désavouerait, pensent-ils, aux yeux du peuple.

La politique politicienne et son obsession de l’électoralisme ont vécu, tout comme est révolu le temps des technocrates sûrs de leur fait et persuadés que les masses ne peuvent pas comprendre. L’heure des grands hommes et femmes d’Etat a sonné

Complexité. A la lueur de cette complexité, il conviendrait de manifester un peu plus d’humilité et de transparence, en choisissant la pédagogie plutôt que la communication, en abandonnant toute logique court-termiste et en partageant de manière plus limpide et franche les difficultés auxquelles la crise sanitaire et toutes celles à venir nous confrontent tous de plein fouet aujourd’hui. Un choix d’autant plus nécessaire que ces situations risquent, en raison du dérèglement climatique, de se reproduire de plus en plus fréquemment dans les prochaines décennies.

L’ampleur des défis demande aussi beaucoup d’abnégation, car les réponses réellement efficaces ne le sont pas à l’échelle d’un mandat. La politique politicienne et son obsession de l’électoralisme ont vécu, tout comme est révolu le temps des technocrates sûrs de leur fait et persuadés que les masses ne peuvent pas comprendre. L’heure des grands hommes et femmes d’Etat a sonné. Seuls celles et ceux qui se projetteront loin avec humilité, abnégation et courage redonneront un sens à la fonction politique, si décriée depuis de nombreuses années et dont la dévaluation est le plus sûr chemin vers le populisme.

Pour toutes ces raisons, la vérité est un combat. Il impose à ceux qui exercent les responsabilités un travail de révision, qui concerne aussi bien les modalités de décisions que les formes de communication. On peut et on doit sans doute s’inquiéter d’un rapport à l’information qui s’apparenterait à une dictature de la transparence. Mais la menace que représentent le complotisme et la désinformation sur nos démocraties invitent aussi à se demander quel exercice de la transparence permettrait de prévenir le risque de dictature.

Quelle transparence de la monnaie électronique

Quelle transparence de la monnaie électronique

Surveillance, souveraineté et propriété des données, tels sont trois enjeux cruciaux liés à la monnaie électronique, détaille la sociologue Jeanne Lazarus dans une tribune au « Monde ».

 

Tribune. 

 

L’affaire semble entendue : l’argent liquide est voué à disparaître au profit des moyens de paiement électroniques, de la carte bancaire à la puce greffée en passant par les QR codes scannés avec les téléphones portables et les prélèvements automatiques. En parallèle, les cryptomonnaies concurrencent les monnaies nationales et affichent pour ambition de remplacer les banques traditionnelles par des systèmes indépendants des Etats.

Les fintech – ces entreprises qui ont fleuri grâce aux avancées technologiques et à l’ouverture du marché des paiements à des acteurs non bancaires par les directives européennes de 2007 et 2015 – ne cessent d’améliorer la fiabilité et la facilité d’usage de leurs services. L’argent liquide coûte cher à fabriquer et à entretenir, il est falsifiable, incontrôlable et peut servir à des activités illégales, du travail au noir, du blanchiment ou de l’évasion fiscale : les gouvernements auraient donc tout intérêt à le remplacer par de l’argent électronique, plus facile à tracer.

Pourtant, à y regarder de plus près, l’argent liquide fait plus que résister. La Suède, exemple sans cesse mis en avant d’un pays sur le point de supprimer le cash, a promulgué une loi, le 1er janvier 2020, exigeant « l’approvisionnement d’un niveau suffisant de services pour obtenir de l’argent liquide ». En effet, utiliser l’argent électronique exige de savoir utiliser les outils qui en sont le support, excluant potentiellement les plus âgés, les personnes porteuses de certains handicaps ou les enfants. Mais au-delà de l’aspect technique, ces modalités de paiement nécessitent l’enregistrement dans les réseaux administratifs sur lesquels ils s’appuient, ce qui signifie qu’il faut renseigner son identité, posséder un compte en banque et une adresse stable. Le potentiel d’exclusion des paiements électroniques est plus important qu’il n’y paraît.

Dans la zone euro, d’après les chiffres de la Banque centrale européenne (BCE), le cash reste majoritaire pour les paiements dans les magasins : 79 % d’entre eux en 2016, 73 % en 2019. Si la crise sanitaire a renforcé les paiements sans contact – le geste barrière du paiement –, elle n’a pas supprimé le cash, bien au contraire. Il y aurait même un « paradoxe du billet de banque », selon les analystes de la BCE : la quantité de billets en circulation ne cesse de croître dans la zone euro, alors même que les paiements en argent liquide diminuent. L’explication est que ces billets servent de « réserve de valeur ». Autrement dit, ils sont conservés dans des coffres ou sous des matelas. La crise, comme les taux d’intérêt négatifs, renforce sans doute cette pratique.

 

Monnaie électronique: quelle transparence ?

Monnaie électronique: quelle transparence ? 

 

Surveillance, souveraineté et propriété des données, tels sont trois enjeux cruciaux liés à la monnaie électronique, détaille la sociologue Jeanne Lazarus dans une tribune au « Monde ».

 

 

Tribune.
 L’affaire semble entendue : l’argent liquide est voué à disparaître au profit des moyens de paiement électroniques, de la carte bancaire à la puce greffée en passant par les QR codes scannés avec les téléphones portables et les prélèvements automatiques. En parallèle, les cryptomonnaies concurrencent les monnaies nationales et affichent pour ambition de remplacer les banques traditionnelles par des systèmes indépendants des Etats. 

Les fintech – ces entreprises qui ont fleuri grâce aux avancées technologiques et à l’ouverture du marché des paiements à des acteurs non bancaires par les directives européennes de 2007 et 2015 – ne cessent d’améliorer la fiabilité et la facilité d’usage de leurs services. L’argent liquide coûte cher à fabriquer et à entretenir, il est falsifiable, incontrôlable et peut servir à des activités illégales, du travail au noir, du blanchiment ou de l’évasion fiscale : les gouvernements auraient donc tout intérêt à le remplacer par de l’argent électronique, plus facile à tracer.

 


 

Pourtant, à y regarder de plus près, l’argent liquide fait plus que résister. La Suède, exemple sans cesse mis en avant d’un pays sur le point de supprimer le cash, a promulgué une loi, le 1er janvier 2020, exigeant « l’approvisionnement d’un niveau suffisant de services pour obtenir de l’argent liquide ». En effet, utiliser l’argent électronique exige de savoir utiliser les outils qui en sont le support, excluant potentiellement les plus âgés, les personnes porteuses de certains handicaps ou les enfants. Mais au-delà de l’aspect technique, ces modalités de paiement nécessitent l’enregistrement dans les réseaux administratifs sur lesquels ils s’appuient, ce qui signifie qu’il faut renseigner son identité, posséder un compte en banque et une adresse stable. Le potentiel d’exclusion des paiements électroniques est plus important qu’il n’y paraît.

Le « paradoxe du billet de banque »

Dans la zone euro, d’après les chiffres de la Banque centrale européenne (BCE), le cash reste majoritaire pour les paiements dans les magasins : 79 % d’entre eux en 2016, 73 % en 2019. Si la crise sanitaire a renforcé les paiements sans contact – le geste barrière du paiement –, elle n’a pas supprimé le cash, bien au contraire. Il y aurait même un « paradoxe du billet de banque », selon les analystes de la BCE : la quantité de billets en circulation ne cesse de croître dans la zone euro, alors même que les paiements en argent liquide diminuent. L’explication est que ces billets servent de « réserve de valeur ». Autrement dit, ils sont conservés dans des coffres ou sous des matelas. La crise, comme les taux d’intérêt négatifs, renforce sans doute cette pratique.

Pandémie : la Chine refuse la transparence

Pandémie : la Chine refuse la transparence

 

 

Le moins que ne plus dire c’est que la délégation de l’OMS qui s’est rendue enfin en Chine pour tenter de trouver des explications à l’origine de la pandémie n’ag guère apportée d’éclairage. En cause, le fait une partie de l’OMS est largement influencée par les Chinois. Surtout la réticence de la Chine à fournir les éléments objectifs permettant aux scientifiques de faire leur travail. Pourtant la délégation avait montré des signes d’allégeance à la Chine en écartant la possibilité d’un virus échappé d’un laboratoire. Une déclaration un peu prématuré. Globalement la délégation est revenue sans beaucoup d’éléments pertinents pour éclairer l’origine de l’épidémie qui s’est répandue dans le monde.

« Nous voulons plus de données. Nous avons demandé plus de données », a déclaré dans un entretien avec l’AFP Peter Ben Embarek, qui a passé avec son équipe un mois à Wuhan, où le coronavirus responsable de l’épidémie a été découvert en décembre 2019.

« Il y a un ensemble de frustrations mais aussi d’attentes réalistes quant à ce qui est faisable dans un délai donné », a-t-il ajouté, avant d’espérer que les données réclamées seraient fournies, permettant d’aller plus loin.

De son côté, la Maison Blanche a fait savoir qu’elle avait « de fortes inquiétudes sur la façon dont les premiers résultats de l’enquête sur le Covid-19 ont été communiqués et des questions sur la procédure utilisée pour y parvenir ».

« Pour mieux comprendre cette pandémie et préparer la prochaine, la Chine doit rendre accessibles ses données sur les premiers jours de l’épidémie », a ajouté dans cette déclaration le conseiller à la Sécurité nationale Jake Sullivan.

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