Des tomates « bio » en serre chauffée toute l’année
Il est de nouveau possible, depuis cet hiver, d’acheter toute l’année des tomates bio qui poussent sous des serres chauffées. Et cela crispe les puristes de l’agriculture biologique. ( sans parler des gastronomes) ( dans l’Opinion)
Il existe un règlement européen de 2018 qui fixe les règles de l’agriculture bio pour l’UE, pas très précis. Il dit que l’agriculture biologique doit respecter les cycles naturels des plantes. En 2019, la France avait décidé que durant la période hivernale, entre le 21 décembre et le 30 avril, il était interdit de commercialiser des « légumes ratatouilles » bio issus de serres chauffées. Décision cassée en juillet 2023 par le Conseil d’Etat : on peut acheter des tomates bio issues de serres chauffées toute l’année.
Une partie des producteurs bio trouvent cela aberrant.
Leurs arguments s’entendent : Ils font valoir que la dépense d’énergie des de serres chauffée est absurde et antiécologique. Et pour eux, les tomates c’est un légume d’été. Aucune raison de les manger en hiver. C’est rationnel.
Avec des arguments tout aussi rationnels. D’abord, les consommateurs ne sont pas tous des puristes de la saisonnalité. Des tomates bio, on en trouve l’hiver en France… venues de serres chauffées en d’Espagne, au Maroc, aux Pays-Bas… Pas concernées par l’interdiction de vente. Elles peuvent être très bonnes, tout est dans le choix de la variété. Donc : autant produire les tomates bio ici plutôt que de les importer. C’est économe en transport.
Certains producteurs bio expliquent que c’est aussi la condition pour qu’ils puissent faire vivre l’agriculture biologique et qu’elle soit plus accessible pour tous.
Cela s’entend aussi : des récoltes toute l’année, ce sont des revenus meilleurs, donc des fermes plus solides et attrayantes. C’est un des critères de la durabilité ! Cela fait baisser le coût des tomates bio. Ces agriculteurs disent qu’il y a un paradoxe dans la filière à vouloir plus de bio… Mais à le réserver à une petite élite qui peut le payer.
La serre, c’est LE moyen d’avoir des fruits et des légumes sans pesticides, parce qu’on maîtrise l’environnement. Vous le voyez le paradoxe ? Ça semble moins naturel, parce que les fruits poussent à l’abri… Ça peut émettre du carbone si on chauffe… Mais pour la biodiversité, c’est la meilleure solution. J’aime cette histoire de serre chauffée : elle dit toute la complexité des choix agricoles et elle dit, surtout, que la solution parfaite n’existe pas. Ceux qui essaient de la vendre au consommateur lui vendent souvent du vent.