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Russie et terrorisme

Russie et terrorisme

 

 

En Europe, le massacre perpétré le 22 mars au soir dans une salle de concert de la région de Moscou ne peut que susciter l’horreur. Mais il peut aussi interroger, et même surprendre.D’abord, par le lieu de son déroulement, Krasnogorsk, à quelques kilomètres à peine de Moscou, et par l’ampleur de son bilan, plus de 130 victimes : comment un attentat de masse a-t-il pu être préparé et perpétré dans le centre névralgique d’un État où la place des services de sécurité est si importante ? La revendication par l’organisation État islamique au Khorassan peut, elle aussi, prendre les Européens à contrepied : pourquoi l’EI frapperait-il la Russie alors même que ses cibles privilégiées, lors de son apogée, étaient les démocraties libérales de l’Ouest ? Enfin, les réactions des pouvoirs publics russes – et de la présidence au premier chef – peuvent également susciter un certain étonnement de ce côté-ci du continent : pourquoi faire supposer une complicité de Kiev alors même que la menace islamiste est, en Russie, ancienne, profonde et même antérieure à la crise ukrainienne ?

 

par 

Géopoliticien, Sciences Po dans The Conversation 

Notre étonnement ou notre surprise se dissipent si l’on examine en détail l’exposition structurelle de la Russie au terrorisme islamiste et sa doctrine de l’anti-terrorisme. Malheureusement, les meurtres de masse du Crocus City Hall sont un épisode tragique supplémentaire dans la longue histoire de l’affrontement entre la Fédération de Russie et certains réseaux islamistes.

Depuis le 11 septembre 2001, l’idée s’est profondément enracinée que les terroristes islamistes ont pour cibles principales les démocraties libérales : en elles, ils viseraient tout à la fois des « infidèles » (à l’islam), des « croisés » (autrement dit des colonisateurs invétérés) et des « décadents » (coupables d’un relâchement moral inacceptable).

En outre, les islamistes exploiteraient les marges d’action ménagées par les « sociétés ouvertes », pour reprendre l’expression de Karl Popper – les libertés d’opinion, de croyance, de mouvement, d’association, etc. – pour les retourner contre les Occidentaux. D’où l’incrédulité, parmi les Européens, devant le massacre de Krasnogorsk. Comment un tel attentat est-il envisageable dans un État explicitement fondé sur l’autorité, le rétablissement de la « verticale du pouvoir » et l’hypertrophie des services de sécurité (les siloviki) ?

Cette vision des choses est toutefois contredite par ce constat que font de nombreux observatoires du terrorisme (tel celui de la Fondation pour l’Innovation Politique) : les attentats islamistes se multiplient aussi dans des États non libéraux, spécialement en Afrique et au Moyen-Orient. Même dans des régimes policiers, les services de sécurité ne peuvent être ni omniscients ni omnipotents. En outre, l’organisation État islamique n’est-elle pas née de la double contestation du régime syrien de Bachar Al-Assad et du « nouvel Irak » issu de l’invasion américaine et de l’installation d’un pouvoir chiite à Bagdad ? L’attentat de Krasnogorsk doit nous inviter à réviser notre idée trop définitive sur l’affrontement entre démocratie et islamisme : elle est exacte, mais très partielle.Le terrorisme en général et celui de l’EI en particulier visent aussi bien les démocraties libérales que les régimes autoritaires. La section de l’EI au Khorassan qui a revendiqué le massacre en Russie est en effet implantée en Asie centrale et défie, par la violence, des États politiquement bien éloignés des membres de l’UE. Elle a notamment pris pour cibles, ces dernières années, aussi bien les talibans afghans que le régime iranien.

C’est tout le problème que pose le terrorisme djihadiste aujourd’hui : défait militairement au Moyen-Orient et jugulé en Europe et aux États-Unis, il s’est reporté vers des zones comme le Sahel, l’Afrique centrale, l’Afrique orientale ou encore l’Asie centrale, où les États sont autoritaires mais souvent faibles. Les suspects arrêtés par les forces russes quelques heures après l’attentat, même s’il convient en la matière de se garder de conclusions trop hâtives, sont d’ailleurs des ressortissants du Tadjikistan, un pays identifié depuis plusieurs années comme un terrain de recrutement fertile pour les djihadistes.

D’un point de vue géopolitique, le massacre de Krasnogorsk ouvre une perspective inquiétante : les réseaux reconstituent leurs forces dans ces aires « molles » ou « grises » pour se reporter sur des théâtres plus centraux en Europe. Le profond antagonisme actuel entre la Fédération de Russie et l’Union européenne ne doit pas masquer la réalité : du point de vue des islamistes de l’EI, les régimes politiques respectifs des deux entités se valent et sont des cibles au même titre l’un que l’autre.

Que le rival géopolitique de l’UE, envahisseur de l’Ukraine et adversaire autoproclamé de l’Occident, soit victime d’un attentat de masse ne peut étonner que si le regard reste rivé sur l’affrontement avec l’Ukraine, latent depuis les années 2000 et virulent depuis 2013.

En effet, le risque terroriste est très élevé en Russie depuis la première guerre de Tchétchénie (1994-1996) et, plus encore, depuis l’accession de Vladimir Poutine à la primature puis à la présidence de la Fédération, en 2000. La première menace terroriste contre la Russie est interne : radicalisant une frange de la forte minorité (10 % environ) musulmane historique (non issue de l’immigration) du pays, exploitant les rancœurs des périphéries (Daghestan, Tchétchénie) contre le centre russe anciennement conquérant et colonisateur, utilisant des vétérans et des fonds venus d’Asie centrale (Afghanistan) et du Golfe, les réseaux terroristes ont commis contre la population civile et les forces de sécurité russes de nombreux attentats.

Plusieurs d’entre eux – sans même parler des explosions de plusieurs immeubles d’habitation en 1999 quand Poutine était premier ministre, officiellement attribuées aux Tchétchènes mais dont bon nombre d’observateurs soupçonnent les services russes d’avoir été les auteurs – ont profondément marqué les présidences Poutine : la prise d’otages du théâtre de la Doubrovka en 2002 (130 morts, dont sans doute une majorité du fait de l’intervention des services de sécurité) ; la prise d’otages dans une école à Beslan (Ossétie du Nord) en 2004 (334 morts dont 186 enfants) ; les explosions dans le métro de Moscou en 2010 (40 morts) et celles dans le métro de Saint-Pétersbourg en 2017 (14 morts), liste loin d’être exhaustive.

Toutes ces actions violentes de masse ont été revendiquées par des réseaux islamistes implantés en Fédération de Russie même. L’importance du risque terroriste islamiste interne est si grande qu’elle a en partie justifié la reconstitution de services de sécurité intérieure très puissants et qu’elle a conduit Moscou à laisser le violent et imprévisible Ramzan Kadyrov gérer à sa guise « sa » Tchétchénie, dès lors qu’il y réprime avec la plus grande dureté la moindre menace, réelle ou supposée, de résurgence de djihadisme.

À l’extérieur également, la lutte contre l’islamisme armé est une priorité politique ancienne. C’est contre elle que la Russie et la Chine ont créé en 2001 l’Organisation de Coopération de Shanghai, installant le centre de lutte contre celle-ci à Tachkent et fournissant aux États d’Asie centrale formations, renseignements et matériel.

C’est – officiellement – pour lutter contre le terrorisme islamiste que la Russie a répondu aux demandes de la présidence syrienne, en août 2015, pour déclencher la première opération militaire extérieure loin de ses frontières. C’est aussi au nom de la lutte contre l’islamisme que, non officiellement, des experts militaires et des mercenaires russes sont intervenus et sont toujours implantés en Afrique du Nord (Libye), en Afrique de l’Ouest (MaliBurkina Faso) et en Afrique centrale (République centrafricaine).

Enfin, et surtout pour les Européens, les soutiens de Moscou dans l’Union ont, avant 2015 et surtout 2022, tiré argument de ses actions anti-terroristes pour attribuer à la Russie un rôle de pionnier de la défense de l’Occident. Dans le narratif global russe, avant l’invasion de l’Ukraine, la lutte contre le terrorisme islamiste était l’un des principaux « titres de gloire » revendiqué par le Kremlin.

Viser la Russie fait sens, pour les terroristes islamistes en général et pour l’EI en particulier : les forces russes ont en effet contribué à la défaite militaire de l’EI en Syrie (et au maintien du régime de Bachar Al-Assad). Même si elle n’a rien d’une démocratie libérale, la Russie est pour l’EI une cible d’autant plus privilégiée qu’il tente de se replier notamment sur la zone centrasiatique. Le massacre du Crocus City Hall, qui n’est qu’un épisode supplémentaire dans la longue série des attentats terroristes perpétrés en Russie, illustre la résurgence de la menace islamiste dans ces zones de fragilité pour Moscou que sont l’Asie centrale mais aussi le Caucase russe (début mars, le FSB a ainsi annoncé avoir démantelé une cellule djihadiste en Ingouchie).

Une fois rappelée l’histoire longue de la menace terroriste en Russie, les allusions et les sous-entendus des autorités russes sur une implication ou une connivence ukrainienne paraissent d’autant plus opportunistes et fantaisistes.

Que le moment de l’attentat soit un défi à l’autorité de Vladimir Poutine, triomphalement réélu (en l’absence de la moindre opposition) quelques jours plus tôt, c’est l’évidence. Que l’éventuel affaiblissement de son pouvoir qui pourrait résulter du massacre (si les Russes reprochent au régime de s’être montré incapable de prévenir une attaque d’une telle ampleur) serve indirectement l’Ukraine, c’est manifeste. Mais de la conjonction des crises à la convergence des luttes, il y a un pas que la connaissance du terrorisme islamiste en Eurasie ne permet pas de franchir.

L’invasion de l’Ukraine est une décision militaire de politique extérieure contre une ancienne République socialiste soviétique (RSS) tentée de rejoindre l’Union européenne et l’OTAN. La lutte contre le terrorisme islamiste est un défi intérieur et extérieur qui se rattache aux actions de la Russie sur ses marches sud.

Le narratif manifestement opportuniste déployé par le Kremlin et par ses propagandistes justifiera peut-être des actions supplémentaires contre l’Ukraine. Mais ce qui mérite l’examen, c’est l’inflexion que les politiques russes, intérieures et extérieures, sont susceptibles de prendre à court et moyen terme.

Tout d’abord, il est fort possible que, ayant fixé le front ukrainien et ayant engagé le processus d’intégration de quatre districts ukrainiens, la Russie se reporte sur d’autres fronts : en Europe du Nord pour « tester » la résistance des deux nouveaux membres de l’OTAN (Suède et Finlande) ; en Asie centrale, pour relancer sa coopération avec la Chine et les anciennes RSS de la région, et la cimenter par une reprise de la lutte contre le terrorisme ; vis-à-vis de l’Occident, au mieux pour critiquer son absence de solidarité et au pire pour l’accuser de complaisance ; au Moyen-Orient en relançant des actions estampillées anti-terroristes avec ses alliés locaux (Iran, Turquie, Syrie).

Sur le plan intérieur, en outre, l’attentat du 22 mars sera immanquablement interprété comme un outrage à la « verticale du pouvoir ». La lutte contre le terrorisme est déjà la cause d’une vague d’arrestations de suspects. Mais elle peut donner un nouveau motif à une plus large vague de répression. Car le rapport de la Russie au terrorisme est en partie différent de celui de l’Europe : pour les pouvoirs publics russes, les attentats sont non seulement des meurtres de civils et des troubles à l’ordre public, mais surtout un défi inacceptable à l’État.

 

Poutine qui n’a pas peur du ridicule en attaquant l’Ukraine à l’Onu pour terrorisme

Poutine qui n’a pas peur du ridicule en attaquant l’Ukraine à l’Onu pour terrorisme


Poutine n’a peur de rien même pas du ridicule quand il attaque l’Ukraine pour terrorisme devant le conseil de sécurité de l’ONU. La Russie QUI a déclenché des attaques sur toute L4Ukrainevendredi qui ont fait 39 morts a répondu avec des frappes sur la ville russe de Belgorod entraînant la mort de 21 personnes
es missiles russes ont touché vendredi plusieurs bâtiments publics, militaires et industriels provoquant la mort de 39 personnes. Ce samedi, Kiev a répondu par des frappes sur la ville russe de Belgorod, causant la mort de 21 personnes.

Comble de l’hypocrisie, Moscou accuse Kiev d’avoir commis un acte «de terrorisme délibéré»; Alors que la Russie a l’habitude de tirer au hasard sur des les objectifs civils depuis le début du conflit; autant pour pendre la terreur que par manque de précision technique quant à l’emploi par exemple des missiles pour détruire des bâtiments d’habitation.

C’est «une attaque aveugle et délibérée contre une cible civile», a déclaré l’ambassadeur russe auprès des Nations unies, Vassili Nebenzia, accusant l’Ukraine d’avoir visé un centre sportif, une patinoire et une université.

La manœuvre est évidemment grossière mais elle correspond à la politique de communication de grosses ficelles du KGB (FSB maintenant; une politique de communication qui comme le reste est en retard de plus de 50 ans;

Terrorisme : ces individus déséquilibrés qui se dopent aveuglement à la foi idéologique

Terrorisme : ces individus déséquilibrés qui se dopent aveuglement à la foi idéologique

Paris ce samedi 2 décembre, Bruxelles le lundi 16 octobre dernier, Arras le vendredi 13 octobre… En quelques semaines, des innocents ont été à plusieurs fois pris pour cibles par des individus se revendiquant du fondamentalisme islamiste sans que nous sachions, pour l’instant, à quel point ils étaient préparés. À la différence de l’assassin de Samuel Paty et de celui de Dominique Bernard, l’auteur des faits, arrêté à Paris et désigné comme Armand R.-M., souffre de pathologies psychiatriques connues. Placé en garde à vue, visé par une « fiche S », il avait déjà été condamné et a déclaré aux policiers qu’il « en avait marre de voir des musulmans mourir », notamment à Gaza, et que la France était « complice » d’Israël.
Le conflit israélo-palestinien déclenché depuis le 7 octobre par le Hamas peut-il contribuer à fragiliser des individus au rapport déjà altéré à la réalité, et à accentuer un sentiment d’impuissance qu’ils pensent résoudre en devenant justiciers ?

par
Laure Westphal
Psychologue clinicienne, Docteure en psychopathologie et psychanalyse, Enseignante, Chercheuse associée, Sciences Po
dans The Conversation

La recherche montre qu’un terroriste noue ses problématiques subjectives à une cause collective, notamment lorsqu’il s’engage dans une action meurtrière.

Les vrais experts ont la parole sur The Conversation.
Des extrémistes peuvent-ils être déterminés à agir par la nouvelle guerre déclenchée en Israël, 50 ans après Kippour ?

Venger le tort fait au prophète est l’un des arguments mis en avant par les terroristes, comme l’ont montré les assauts de Chérif et Saïd Kouachi à la rédaction de Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015, ou ceux d’Adoullakh Anzorov au lycée de Conflans-Sainte-Honorine, le 16 octobre 2020.

Ils ont « puni » les façonneurs d’image, complices de l’idolâtrie du peuple souverain, tels que d’éminents idéologues du djihadisme (Maqdidi, Tartusi, Abu Mus’ab al-Suri, Abou Quatada, etc.) les perçoivent.

Les assaillants du Bataclan, eux, voulaient attaquer la « capitale des abominations et de la perversion ». D’autres terroristes semblent avoir des motivations idéologiques moins solides, comme l’a montré Mohamed Lahouiaej Bouhlel à Nice le 14 juillet 2016, ou encore Nathan Chiasson à Villejuif le 3 janvier 2020.

Mais les djihadistes n’ont pas que le prophète à « défendre ». Il y a aussi ce qu’ils considèrent être les souffrances causées à l’Oumma, la communauté musulmane homogène et mythique. Le conflit israélo-palestinien a longtemps été identifié comme le point de fixation des humiliations arabes.

Avec la globalisation de l’islam, les nouvelles générations de terroristes lui ont substitué les conflits en Afghanistan, en Bosnie, en Tchétchénie, en Irak ou en Syrie. L’affaiblissement militaire de l’EI sur les territoires syriens et irakiens n’a pas éteint les velléités d’engagement.

La guerre en Israël peut-elle accélérer le projet de fanatiques de se battre pour une identité commune, prise comme sorte d’unique référentiel politico-religieux ?

Armand R.-M. pourrait sembler l’un de ces « loups solitaires » avec des moyens rudimentaires. Mais il ferait surtout partie de ceux qui souffrent d’affections psychiatriques. S’agit-il d’un « passage à l’acte » résolutif d’une angoisse ou délirant que l’auteur aurait inscrit dans une logique idéologique ?

Rassemblement à Toulouse en hommage aux enseignants assassinés par des fanatiques, Samuel Paty, à Conflans, le 16 octobre 2020 et, Dominique Bernard, le 13 octobre c2023 à Arras.
Un passage à l’acte semble surgir ex nihilo mais il désigne en psychopathologie que son auteur est traversé par une angoisse qu’il cherche à dissiper. S’il est traversé par des angoisses d’anéantissement par exemple, il peut les résoudre en privilégiant l’identification d’une menace externe. C’est ce qu’apporte le sentiment de persécution, qui peut s’accroitre et inciter à se faire justice.

Le sens du passage à l’acte échappe à son auteur, mais pas le sens qu’il donne à son action meurtrière : il exerce cette dernière consciemment au nom d’une logique idéologique. Bien sûr, les enjeux inconscients et conscients peuvent très bien se conjuguer.

Aussi un individu peut-il par exemple se sentir « frère », sur la base d’un obscur sentiment d’injustice qu’il partage avec d’autres et choisir délibérément de renoncer à l’idée de société, ou de contrat social, pour lui préférer l’adhésion à une idéologie communautaire.

Parmi le nombre important de personnes radicalisées, il en existe une proportion – pas nécessairement plus importante que dans la population générale – qui souffre d’affections psychiatriques. L’expérience du Centre de Prévention, Insertion, Citoyenneté, en 2016, l’a confirmé : un seul des bénéficiaires de cette structure pour la prévention de la radicalisation souffrait de troubles relevant de la psychiatrie.

Néanmoins, l’articulation d’une souffrance psychique aiguë avec une idéologie offre à l’individu une perspective d’acte à prendre au sérieux. Il n’est pas rare qu’un individu se canalise avec la religion, au gré de son suivi à la lettre de certains hadiths, ces recueils des actes et paroles de Mahomet. D’autres individus fragiles donnent un sens à leur vision apocalyptique du monde avec des éléments de la réalité leur permettant d’alimenter un délire de persécution, de rédemption, mégalomaniaque ou mystique. Ils peuvent parvenir à une forme d’équilibre instable, jusqu’à ce qu’ils se sentent psychiquement contraints à agir.

L’observation du parcours d’assaillants montre des biographies, des impasses psychiques et des tentatives de résolution proches.

C’est le cas de Mohamed Lahouaiej Bouhlel, qui s’est fait connaître pour son attentat particulièrement meurtrier sur la Promenade des Anglais à Nice, un soir de 14 juillet. Les investigations firent apparaître un homme perçu par son entourage comme colérique, étrange, violent. Il s’était séparé un an plus tôt de sa femme dont il avait eu trois enfants. Cette dernière déplorait chez lui ce qu’elle vivait comme du « harcèlement psychologique », tandis qu’une amie ne voyait en lui « aucune humanité » et des agissements par « pur sadisme ».

Mohamed Lahouaiej Bouhlel avait donné à son rapport altéré à l’altérité, notamment le sens de la misogynie. Son médecin reliait ses épisodes dépressifs sévères à des « troubles psychotiques, avec somatisations ». Affecté dans son rapport au corps et au langage, Mohamed Lahouaiej Bouhlel se réfugiait parfois dans la violence. Le terroriste trouvait de l’inspiration en regardant sur la toile des photos de combattants de Daech, de ben Laden, ou encore des scènes de décapitation.

Non inféodé aux principes islamiques, il a radicalisé ses excès au profit de l’idéologie djihadiste.

Les fanatiques revendiquent aussi une attaque du système institutionnel. La façade du ministère de l’Éducation illuminée aux couleurs du drapeau français en hommage à l’enseignant assassiné, Dominique Bernard, le 13 octobre 2023, par un ancien élève du lycée radicalisé.

Chez certains, la foi en Allah prend le relais d’assuétudes, par exemple des addictions ou des passages à l’acte itératifs, comme de voler ou de brûler des voitures. Ils s’acharnent plutôt contre le taghout, l’autorité non fondée sur la foi que l’état incarne dans ses institutions. L’armée et la police sont les plus représentatives.

Pour nombre de terroristes islamistes, venger des caricatures n’est qu’une de leurs actions destinées à faire triompher leur cause.

L’expérience clinique du CPIC de Pontourny, même s’il a été fermé, nous a appris que l’islam radical peut être entendu comme une solution à un sentiment d’injustice. Des individus aux problématiques subjectives toujours singulières trouvent dans l’idéologie politico-religieuse djihadiste de quoi superposer au tort qu’ils pensent leur avoir été fait, celui causé à la communauté musulmane.

Des recherches récentes sur les peines internes en milieu carcéral montrent que des détenus transforment leur frustration en sentiment d’humiliation sous l’effet d’une incarcération ou de conditions d’incarcération qu’ils jugent abusives.

Ils s’enlisent parfois d’autant plus dans des altercations avec le personnel ou d’autres détenus, dans une surenchère qui peine à être endiguée par la coordination des services pénitentiaires et judiciaires. Même des non radicalisés peuvent se réveiller du « mensonge » avec la foi et accentuer leur sentiment d’injustice avec les moyens d’y remédier : par l’islam radical, dont l’enseignement est parfois dispensé par des prédicateurs autoproclamés.

Par ailleurs, il est important de souligner l’occurrence des troubles psychiatriques non détectés en prison, l’accentuation de certains troubles psychiques par le choc carcéral, et le manque de suivi psychiatrique dont certains anciens détenus continuent de manquer, par défaut d’assiduité en service de psychiatrie ambulatoire et/ou par défaut de moyen du personnel soignant.

D’autres adoptent l’islam radical pour assouvir des pulsions meurtrières au nom d’une idéologie qui les sacralisent.

Ils s’identifient au prophète et s’émancipent des lois en prétendant servir sa cause. Tous galvanisés, ils trouvent en Allah un exaltant produit dopant, conjurant les carences et les échecs, et permettant de retrouver leur intégrité. Du latin fanaticus, signifiant « inspiré », « prophétique », « en délire », « fanatique » désigne celui qui se croit transporté d’une fureur divine ou qui s’emporte sous l’effet d’une passion pour un idéal politique ou religieux.

En épousant leur destin d’élus d’Allah, ils veulent inspirer la crainte dont ils obtiendront le sentiment d’être respectés. Ils attendent de la valeur performative de leur acte de soumettre une société tout entière à leur affirmation de soi. Le Hamas offre-t-il à certains la perspective d’être reconnus comme préjudiciés, et de prendre une part héroïque à la guerre ?

Depuis la fermeture du CPIC en 2017, l’accompagnement des personnes radicalisées a été privilégié au niveau local. Un rapport d’information, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 juin 2019 stipule que, selon l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT), au mois d’avril 2019, la prise en charge a été relayée dans 269 communes. Ces mesures semblent insuffisantes, si l’on en croit que chaque année depuis 2015 des attentats sont commis sur notre sol, bien que bon nombre soient déjoués. Parallèlement, on compte en France, en mars 2022, 570 détenus de droit commun radicalisés et 430 détenus pour terrorisme islamiste. Une centaine de détenus radicalisés seraient libérables en 2023.

La DGSI avait rapporté cet été que la menace terroriste était toujours la première en France.

L’attentat de ce samedi montre que derrière des « passages à l’acte », il y a des individus en échec d’intégration et inscrits dans des logiques idéologiques meurtrières.

Armand R.-M. démontre, comme Mohamed Mogouchkov, qu’il convient de rester vigilants et de se doter de moyens de suivre certains individus fragiles. D’autres pourraient s’inspirer du nouveau climat de tension internationale pour agir, galvanisés par la mise en avant de leur cause et l’exacerbation médiatique de leur sentiment d’injustice.

Cette thanato-politique naissant du désespoir d’une jeunesse qui ne parvient pas à imaginer d’autre avenir que le combat pour la foi, engage nos sociétés hypersécularisées à réfléchir à de nouvelles modalités de vivre-ensemble.

Terrorisme : « 10.000 personnes à surveiller en France »

Terrorisme : « 10.000 personnes à surveiller en France » (Driss Aït Youssef)

Driss Aït Youssef, docteur en droit public explique dans la  » Tribune » la complexité à surveiller tous les fichés S en France.

Selon le docteur en droit public, spécialiste en sécurité globale, les services de police font leur maximum mais butent sur un manque de moyens humains.


Combien d’individus présentent le profil de radicalisé ?

Il y a en France 5 300 fichés S pour islamisme ; 3 000 de la mouvance ultragauche et 1 300 d’ultradroite. Et il y a plus de 350 personnes condamnées dans des affaires terroristes en liberté sur le territoire après avoir purgé leur peine. Cela fait environ 10 000 personnes à surveiller. La DGSI a 5 000 agents, il en faudrait au moins 8 000 pour couvrir l’ensemble des menaces. D’autant que certains se radicalisent lentement et sont très difficiles à détecter. Rappelons qu’un fichage S n’est pas un délit, c’est un outil de travail pour les services de police. Les policiers prennent en charge, à plusieurs, un individu, essaient de lever les doutes, puis passent à un autre « fiché ».

Comment améliorer leur surveillance ?

Les services font leur maximum mais il y a un manque de moyens humains. Au niveau judiciaire, la qualification d’« association de malfaiteurs terroriste » permet de réprimer la préparation d’attentat avant le passage à l’acte. Être radicalisé, voyager en Irak et posséder une arme, par exemple, peut entraîner une incarcération. Mais le risque zéro n’existe pas, certains s’entourent de telles précautions qu’il est compliqué d’intervenir. L’assassin d’Arras était surveillé par la DGSI, il avait été contrôlé la veille par un équipage de police classique pour ne pas éveiller ses soupçons et pour vérifier qu’il ne portait pas d’arme. Il s’est sans doute senti surveillé et a décidé d’agir.

Il est en situation irrégulière mais non expulsable parce qu’arrivé en France avant ses 13 ans. Faut-il supprimer cette limite d’âge ?

Absolument. Le fait d’arriver très jeune sur le territoire ne doit pas protéger contre une expulsion dans le cas où son comportement serait incompatible avec son maintien sur le territoire. Plus généralement, il faut faire appliquer les obligations de quitter le territoire [OQTF], augmenter le nombre de places dans les centres de rétention administrative et faire inscrire les demandes d’asile depuis l’étranger. Ces réformes sont urgentes afin de mieux traiter l’augmentation des flux migratoires. Ce ne sera fait qu’avec un appui fort de l’Union européenne pour lutter contre les puissants trafics d’êtres humains. Les Français réclament cette réforme, ainsi que les étrangers qui ont fait un effort très important d’intégration et qui ne souhaitent pas devenir les destinataires d’un opprobre national.

La hausse des atteintes à la laïcité à l’école et le débat sur les abayas sont-ils des signes de radicalisation des élèves ?

Oui, et il y en a eu d’autres, une prière collective organisée dans un lycée du sud de la France, des refus d’enlever le voile à l’entrée des établissements. Ce sont les conséquences d’une erreur grave, celle d’avoir négligé l’Éducation nationale et l’autorité parentale. On s’est trompé en pensant que le ministère de l’Intérieur pourrait tout gérer. On a occulté la responsabilité parentale et le rôle des professeurs dans la formation des esprits citoyens. On ne peut espérer que la police et la justice règlent tout. D’autant qu’à l’issue d’une incarcération le fanatisme demeure, voire s’aggrave. Il est très difficile de faire renoncer les radicalisés à leur idéologie. Il faut miser, en amont, sur l’éducation et accompagner les parents. Leur concours est crucial pour prévenir la radicalisation. Sur ces points, notre échec saute aux yeux.

Ces attentats sont-ils aussi la conséquence de conflits extérieurs, comme celui qui oppose Israël au Hamas?

L’assassinat du professeur d’Arras Dominique Bernard n’est probablement pas en lien direct avec les exactions du Hamas, mais il y a depuis le 7 octobre une atmosphère propice au passage à l’acte. Et depuis les années 1990, des organisations d’extrême gauche ont importé et instrumentalisé les guerres au Moyen-Orient dans les banlieues françaises. Avec des effets néfastes.

Société-« Le Coran ne donne aucun blanc-seing pour la violence »

« Le Coran ne donne aucun blanc-seing pour la violence »

Huit universitaires, chercheurs et intellectuels musulmans, dont Marwan Sinaceur, professeur de psychologie sociale à l’Essec, expliquent, dans une tribune au « Monde », à quel point le terrorisme les révulse et est contraire aux valeurs de l’islam.

Trois ans après le meurtre de Samuel Paty, nous voici à nouveau devant un meurtre terroriste qui touche la France dans ce qu’elle a de plus civil : l’école. Dominique Bernard était enseignant. Il a voulu s’interposer pour sauver des vies. Il aimait son métier passionnément. Il l’a payé de sa vie.

Nous voulons dire au meurtrier, à ce terroriste qui se réclame de l’islam, à tous les terroristes qui se réclament de l’islam, que le meurtre, quelles que soient les circonstances, est injustifiable. La vie, toute vie, est sacrée. Rien ne donne le droit d’ôter la vie, de briser des familles. Dominique Bernard avait une femme et trois filles. Qui pourra remplacer leur mari, leur père ?

Que de joies enlevées à jamais, que de souffrances créées à jamais. Au meurtrier barbare qui prétend parler au nom de notre religion, nous rétorquons ce que dit le Coran sur la valeur de la vie : « N’attentez pas à la vie de votre semblable, que Dieu a rendue sacrée… » (Coran, 17.33). Et encore : « Quiconque tue un être humain non convaincu de meurtre… est considéré comme le meurtrier de l’humanité tout entière. Quiconque sauve la vie d’un seul être humain est considéré comme ayant sauvé la vie de l’humanité tout entière ! » (Coran, 5.32).

Et encore, par la bouche d’Abel, qui répond à Caïn : « Et si tu portes la main sur moi pour me tuer, je n’en ferai pas de même, car je crains trop mon Seigneur, le maître de l’Univers, pour commettre un pareil crime ! » (Coran, 5.28). C’est une évidence, tuer est un crime et ces versets rappellent cette évidence : craindre Dieu exige de respecter la vie d’autrui, de respecter autrui.

Au meurtrier de Dominique Bernard qui se réclame de l’islam, nous voulons également dire un hadith [propos ­attribués au Prophète] célèbre : « L’encre des savants est plus sacrée que le sang des martyrs », et que tout professeur représente un savoir. Nous voulons dire que la civilisation islamique s’est bâtie sur la philosophie et les sciences, sur la soif de savoir, sur la soif d’apprendre. Et que cette soif d’apprendre ne s’étanche pas aux frontières culturelles : tout savoir, tout apprentissage, quel que soit le domaine, quelle que soit la provenance culturelle, est une lumière, un enrichissement, un épanouissement.

Société-Insécurité et terrorisme : 63 % ne font pas confiance au gouvernement et à Darmanin

Société-Insécurité et terrorisme : 63 % ne font pas confiance au gouvernement et à Darmanin

Selon un nouveau sondage Elabe pour BFMTV 84% des Français se disent inquiets face à la menace terroriste, dont 33% très inquiets.63 % ne font pas confiance au gouvernement et Darmanin dans ce domaine.

Si, après les événements des derniers jours, la majorité (56%) des Français ne compte pas modifier son quotidien, quatre sur 10 déclarent avoir l’intention de changer leurs comportements s’agissant de leur vie quotidienne et des sorties (éviter d’assister à de grands événements ou d’aller dans des lieux touristiques par exemple).

Mais pour 59% des Français, l’exécutif ne met pas en œuvre tous les moyens nécessaires à la lutte contre la menace terroriste en France (37% non, pas vraiment et 22% non, pas du tout). À l’inverse, pour 40% des Français, l’exécutif met en œuvre tous les moyens nécessaires, dont 32% plutôt et 8% tout à fait.

Les Français se montrent globalement peu confiants face aux capacités de l’exécutif dans ce dossier (63% ne font pas confiance à Gérald Darmanin pour lutter contre la menace terroriste et 55% ne font pas confiance à Gabriel Attal pour que l’école soit protégée).

Mais ce manque de confiance s’applique à l’ensemble de la classe politique: pour une majorité de Français, aucun parti d’opposition ne ferait mieux que l’exécutif. Seul le Rassemblement national tire un peu son épingle du jeu, avec 38% des Français qui déclarent que ce parti ferait mieux que le gouvernement d’Élisabeth Borne en matière de lutte contre le terrorisme.

Pour 75% des personnes interrogées par Elabe, l’expulsion de tous les étrangers considérés comme dangereux par les services de renseignement est une mesure efficace pour lutter contre le terrorisme en France (33% très efficace, 42% plutôt efficace). 19% jugent cette mesure pas vraiment efficace et 6% pas du tout efficace.

Mais l’ensemble de la population se montre très sceptique quant à sa mise en place: 77% pensent qu’elle ne va pas être appliquée. Un doute présent dans tous les électorats, y compris celui d’Emmanuel Macron (60%)

Insécurité et terrorisme : 63 % ne font pas confiance au gouvernement et à Darmanin

Insécurité et terrorisme : 63 % ne font pas confiance au gouvernement et à Darmanin

Selon un nouveau sondage Elabe pour BFMTV 84% des Français se disent inquiets face à la menace terroriste, dont 33% très inquiets.63 % ne font pas confiance au gouvernement et Darmanin dans ce domaine.

Si, après les événements des derniers jours, la majorité (56%) des Français ne compte pas modifier son quotidien, quatre sur 10 déclarent avoir l’intention de changer leurs comportements s’agissant de leur vie quotidienne et des sorties (éviter d’assister à de grands événements ou d’aller dans des lieux touristiques par exemple).

Mais pour 59% des Français, l’exécutif ne met pas en œuvre tous les moyens nécessaires à la lutte contre la menace terroriste en France (37% non, pas vraiment et 22% non, pas du tout). À l’inverse, pour 40% des Français, l’exécutif met en œuvre tous les moyens nécessaires, dont 32% plutôt et 8% tout à fait.

Les Français se montrent globalement peu confiants face aux capacités de l’exécutif dans ce dossier (63% ne font pas confiance à Gérald Darmanin pour lutter contre la menace terroriste et 55% ne font pas confiance à Gabriel Attal pour que l’école soit protégée).

Mais ce manque de confiance s’applique à l’ensemble de la classe politique: pour une majorité de Français, aucun parti d’opposition ne ferait mieux que l’exécutif. Seul le Rassemblement national tire un peu son épingle du jeu, avec 38% des Français qui déclarent que ce parti ferait mieux que le gouvernement d’Élisabeth Borne en matière de lutte contre le terrorisme.

Pour 75% des personnes interrogées par Elabe, l’expulsion de tous les étrangers considérés comme dangereux par les services de renseignement est une mesure efficace pour lutter contre le terrorisme en France (33% très efficace, 42% plutôt efficace). 19% jugent cette mesure pas vraiment efficace et 6% pas du tout efficace.

Mais l’ensemble de la population se montre très sceptique quant à sa mise en place: 77% pensent qu’elle ne va pas être appliquée. Un doute présent dans tous les électorats, y compris celui d’Emmanuel Macron (60%)

Terrorisme : Les drogués de l’intoxication religieuse

Terrorisme : Les drogués de l’intoxication religieuse

Venger le tort fait au prophète est l’un des arguments mis en avant par les terroristes, comme l’ont montré les assauts de Chérif et Saïd Kouachi à la rédaction de Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015, ou ceux d’Adoullakh Anzorov au lycée de Conflans-Sainte-Honorine, le 16 octobre 2020. Ils ont « puni » les façonneurs d’image, complices de l’idôlatrie du peuple souverain, tels que d’éminents idéologues du djihadisme (Maqdidi, Tartusi, Abu Mus’ab al-Suri, Abou Quatada, etc.) les perçoivent. Souvenons-nous aussi de l’agression de Salman Rushdie par Hadi Matar, le 12 août 2022. À 24 ans, ce dernier avait agi plus de 30 ans après la fatwa lancée contre l’écrivain par l’ayatollah Ruhollah Khomeiny, le 14 février 1989, en Iran, pour avoir blasphémé Mahomet dans son roman Les versets sataniques.

par
Laure Westphal
Psychologue, chercheuse associée, Sciences Po

Mais les djihadistes n’ont pas que le prophète à « défendre ». Il y a aussi ce qu’ils considèrent être les souffrances causées à l’Oumma, la communauté musulmane homogène et mythique. Le conflit israélo-palestinien a longtemps été identifié comme le point de fixation des humiliations arabes.

Avec la globalisation de l’islam, les nouvelles générations de terroristes lui ont substitué les conflits en Afghanistan, en Bosnie, en Tchétchénie, en Irak ou en Syrie. L’affaiblissement militaire de l’EI sur les territoires syriens et irakiens n’a pas éteint les velléités d’engagement. La guerre en Israël peut-elle accélérer le projet de fanatiques de se battre pour une identité commune, prise comme sorte d’unique référentiel politico-religieux ?

Mohammed Mogouchkov, l’assaillant à Arras, aurait pu sembler l’un de ces « loups solitaires » avec des moyens rudimentaires, mais il ferait partie de ceux, plus nombreux, experts en taqîya (dissimulation). La connaissance de son entourage familial délinquant et/ou radicalisé rappelle par ailleurs douloureusement à notre mémoire les fratries Kouachi, Merah, ou encore Abdeslam. S’agit-il d’un « passage à l’acte » comme le discours ambiant le décrit ?

Un passage à l’acte semble surgir ex nihilo mais il désigne en psychopathologie que son auteur est traversé par sa pulsion de mort et qu’il cherche à dissiper son angoisse. Le sens du passage à l’acte échappe à son auteur, mais pas le sens qu’il donne à son action meurtrière : il exerce cette dernière consciemment au nom d’une logique idéologique. Bien sûr, les enjeux inconscients et conscients peuvent très bien se conjuguer.

Aussi un individu peut-il par exemple se sentir « frère », sur la base d’un obscur sentiment d’injustice qu’il partage avec d’autres et choisir délibérément de renoncer à l’idée de société, ou de contrat social, pour lui préférer l’adhésion à une idéologie communautaire.

Il n’est pas rare qu’un adepte de la transgression, comme un délinquant ordinaire, se canalise avec la religion, au gré de son suivi à la lettre de certains hadiths. Il peut parvenir à l’équilibre jusqu’au moment où la force de la répétition l’amène à vouloir appliquer la charia en dissidence avec les lois de la république.

L’observation du parcours d’assaillants montre des biographies, des impasses psychiques et des tentatives de résolution proches.

À 34 et 32 ans, Saïd et Chérif Kouachi avaient grandi dans une misère sociale et affective auprès d’une mère incapable d’assumer seule sa parentalité. Livrés à eux-mêmes, ils ont vécu des violences signalées par les travailleurs sociaux de leur quartier, eux-mêmes désœuvrés sans relais institutionnel. Les deux frères n’avaient pas de père à qui s’identifier. Ont-ils seulement contracté une dette symbolique, comme ceux qui aspirent à emmener leurs parents aux paradis après avoir décrié leur lâcheté ?

À lire aussi : Fabien Truong : « Je refuse de considérer les attentats islamistes en ne raisonnant qu’à travers le prisme de la religion »

Au contraire, ils ont vécu la délinquance, la prison, rencontré des recruteurs, participé à des voyages en zone de guerre. Ils y ont accentué leur sentiment d’être étrangers à leurs pays et à tous ceux qu’ils considèrent comme mécréants.

Corrélativement à leur déclaration de foi, ils ont condamné la société occidentale et sa jahilya, c’est-à-dire son « état d’ignorance » analogue à celle en vigueur avant l’arrivée de l’islam au VIIe siècle, bref une société non inféodée aux valeurs islamiques, et dans un sens plus personnel, les excès qu’ils ont réalisés et qu’ils voulaient maintenir derrière eux, comme le racontent certains bénéficiaires du centre de Pontourny qui ont délaissé leurs addictions au profit de l’islam.

Les frères Kouachi ont d’apparence abandonné leur discours antisystème, pour se faire justice au nom de principes islamiques. Avec un désir d’intégrité, une pulsionnalité réprimée et une passion identitaire épanouie, ils sont peu à peu passés d’impies à juges des kouffars au nom d’Allah. Ils se sont appuyés sur le dogme d’al-wala wal al- bara, de « la loyauté et du désaveu » – un socle du salafisme et du djihadisme – pour s’unir entre coreligionnaires et venger un préjudice qu’ils ont réinterprété leur avoir été causé par l’intermédiaire du prophète, selon nos recherches.

Abdoullakh Anzorov, l’assassin de Samuel Paty, était quant à lui arrivé avec sa famille en France à l’âge de 6 ans. Ils ont obtenu le statut de réfugiés, ce qui les a déchut de leur nationalité russe. D’origine tchétchène, à 18 ans, Abdoullakh Anzorov est connu à la fois pour sa religiosité et des dégradations de biens publics et des violences en réunion. Or, deux, trois ans avant son acte meurtrier, « il s’était bien calmé » et « plongé dans la religion ».

Le rigorisme a l’effet de réguler la pulsionnalité par une série de hadiths attribués au prophète. Malgré plusieurs tentatives, il a échoué à suivre les pas de son père et à entrer dans la sécurité privée.

Est-ce que cet échec a résolu ses contradictions ? Un sentiment de trahison l’a-t-il amené à reconfigurer son affiliation et à préférer à la sécurité intérieure le djihad ? Il s’est retourné contre les institutions qu’il convoitait, ce dont son père s’est félicité. Nous pouvons penser ici aussi à Mohammed Merah qui a choisi la solution rapide du djihad pour remédier à son désir contrarié d’exercer sa soif de puissance en devenant militaire.

Les fanatiques revendiquent aussi une attaque du système institutionnel. La façade du ministère de l’Éducation illuminée aux couleurs du drapeau français en hommage à l’enseignant assassiné, Dominique Bernard, le 13 octobre 2023, par un ancien élève du lycée radicalisé. Geoffroy Van Der Hasselt/AFP
Pour certains, la foi en Allah prend le relais d’assuétudes, par exemple des addictions ou des passages à l’acte itératifs, comme de voler ou de brûler des voitures. Ils s’acharnent plutôt contre le taghout, l’autorité non fondée sur la foi que l’état incarne dans ses institutions. L’armée et la police sont les plus représentatives.

On peut penser à l’assassinat de militaires par Mohammed Merah le 11 mars 2012, à l’attentat de Mickaël Harpon le 3 octobre 2019 à la préfecture de police à Paris, ou encore l’attentat de Magnanville par Larossi Abballa, qui avait assassiné le policier Jean-Baptiste Salvaing et sa compagne, Jessica Schneider, le 14 juin 2016 et dont le procès – Mohamed Lamine Aberouz était le seul accusé – s’est tenu en septembre 2023.

Pour nombre de terroristes islamistes, venger des caricatures n’est qu’une de leurs actions destinées à faire triompher leur cause.

L’expérience clinique de Pontourny nous a appris que l’islam radical peut être entendu comme une solution à un sentiment d’injustice. Des individus aux problématiques subjectives toujours singulières trouvent dans l’idéologie politico-religieuse djihadiste de quoi superposer au tort qu’ils pensent leur avoir été fait, celui causé à la communauté musulmane.

Des recherches récentes sur les peines internes en milieu carcéral montrent que des détenus transforment leur frustration en sentiment d’humiliation sous l’effet d’une incarcération ou de conditions d’incarcération qu’ils jugent abusives.

Ils s’enlisent parfois d’autant plus dans des altercations avec le personnel ou d’autres détenus, dans une surenchère qui peine à être endiguée par la coordination des services pénitentiaires et judiciaires. Même des non radicalisés peuvent se réveiller du « mensonge » avec la foi et accentuer leur sentiment d’injustice avec les moyens d’y remédier : par l’islam radical, dont l’enseignement est parfois dispensé par des prédicateurs autoproclamés.

D’autres adoptent l’islam radical pour assouvir des pulsions meurtrières au nom d’une idéologie qui les sacralisent.

Ils s’identifient au prophète et s’émancipent des lois en prétendant servir sa cause. Tous galvanisés, ils trouvent en Allah un exaltant produit dopant, conjurant les carences et les échecs, et permettant de retrouver leur intégrité. Du latin « fanaticus », signifiant « inspiré », « prophétique », « en délire », « fanatique » désigne celui qui se croit transporté d’une fureur divine ou qui s’emporte sous l’effet d’une passion pour un idéal politique ou religieux.

En épousant leur destin d’élus d’Allah, ils veulent inspirer la crainte dont ils obtiendront le sentiment d’être respectés. Ils attendent de la valeur performative de leur acte de soumettre une société tout entière à leur affirmation de soi. Le Hamas offre-t-il à certains la perspective d’être reconnus comme préjudiciés, et de prendre une part héroïque à la guerre ?

Depuis la fermeture de ce centre (CPIC) en 2017, l’accompagnement des personnes radicalisées a été privilégié au niveau local. Un rapport d’information, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 juin 2019 stipule que, selon l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT), au mois d’avril 2019, la prise en charge a été relayée dans 269 communes. Ces mesures semblent insuffisantes, si l’on en croit que chaque année depuis 2015 des attentats sont commis sur notre sol, bien que bon nombre soient déjoués. Parallèlement, on compte en France, en mars 2022, 570 détenus de droit commun radicalisés et 430 détenus pour terrorisme islamiste. Une centaine de détenus radicalisés seraient libérables en 2023.

La DGSI avait rapporté cet été que la menace terroriste était toujours la première en France.

L’attentat de vendredi dernier montre que derrière des « passages à l’acte », il y a des individus en échec d’intégration et inscrits dans des logiques idéologiques meurtrières.

Certes, Mohammed Mogouchkov aurait pu avoir été expulsé du territoire français, mais bien d’autres partagent son discours et pourraient s’inspirer du nouveau climat de tension internationale pour agir, galvanisés par la mise en avant de leur cause et l’exacerbation médiatique de leur sentiment d’injustice.

Cette thanato-politique naissant du désespoir d’une jeunesse qui ne parvient pas à imaginer d’autre avenir que le combat pour la foi, engage nos sociétés hypersécularisées à réfléchir à de nouvelles modalités de vivre-ensemble.

Sondage terrorisme : 63 % ne font pas confiance au gouvernement et à Darmanin

Sondage terrorisme : 63 % ne font pas confiance au gouvernement et à Darmanin

Selon un nouveau sondage Elabe pour BFMTV 84% des Français se disent inquiets face à la menace terroriste, dont 33% très inquiets.63 % ne font pas confiance au gouvernement et Darmanin dans ce domaine.

Si, après les événements des derniers jours, la majorité (56%) des Français ne compte pas modifier son quotidien, quatre sur 10 déclarent avoir l’intention de changer leurs comportements s’agissant de leur vie quotidienne et des sorties (éviter d’assister à de grands événements ou d’aller dans des lieux touristiques par exemple).

Mais pour 59% des Français, l’exécutif ne met pas en œuvre tous les moyens nécessaires à la lutte contre la menace terroriste en France (37% non, pas vraiment et 22% non, pas du tout). À l’inverse, pour 40% des Français, l’exécutif met en œuvre tous les moyens nécessaires, dont 32% plutôt et 8% tout à fait.

Les Français se montrent globalement peu confiants face aux capacités de l’exécutif dans ce dossier (63% ne font pas confiance à Gérald Darmanin pour lutter contre la menace terroriste et 55% ne font pas confiance à Gabriel Attal pour que l’école soit protégée).

Mais ce manque de confiance s’applique à l’ensemble de la classe politique: pour une majorité de Français, aucun parti d’opposition ne ferait mieux que l’exécutif. Seul le Rassemblement national tire un peu son épingle du jeu, avec 38% des Français qui déclarent que ce parti ferait mieux que le gouvernement d’Élisabeth Borne en matière de lutte contre le terrorisme.

Pour 75% des personnes interrogées par Elabe, l’expulsion de tous les étrangers considérés comme dangereux par les services de renseignement est une mesure efficace pour lutter contre le terrorisme en France (33% très efficace, 42% plutôt efficace). 19% jugent cette mesure pas vraiment efficace et 6% pas du tout efficace.

Mais l’ensemble de la population se montre très sceptique quant à sa mise en place: 77% pensent qu’elle ne va pas être appliquée. Un doute présent dans tous les électorats, y compris celui d’Emmanuel Macron (60%)

Terrorisme : encore un tordu à Cannes qui tente un meurtre

Terrorisme : encore un tordu à Cannes qui tente un meurtre


Il ne va pas manquer en France de tordus , d’abrutis et de violents pour se laisser prendre par la propagande meurtrière de l’islamisme. Potentiellement, il y a sans doute des centaines de tarés et de pauvres types qui vont essayer de se donner un rôle sociétal après avoir tout raté. Une sorte d’acte de contrition barbare qui passe par la tuerie d’un individu au hasard pour se concilier la bienveillance de Dieu. Un individu «très dangereux» a encore été interpellé par des policiers de la Brigade anticriminalité (Bac) ce mercredi 18 octobre dans la soirée, à Cannes (Alpes-Maritimes), a annoncé le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin sur le réseau social X.

L’individu a été vu en train de prier sur un tapis de prière, dans un centre automobile, sur les coups de 19 heures, a appris Le Figaro auprès d’une source policière. Le «gérant» du centre l’aperçoit et lui signale que «ce n’est pas l’endroit pour prier», nous indique-t-on. L’individu aurait alors crié «Allah Akbar», en tentant de porter plusieurs coups de couteau au gérant, avant de prendre la fuite.

L’individu a ensuite été interpellé par la Bac, quelques minutes plus tard. Il était porteur d’un couteau à la ceinture. «Merci (aux policiers): ils ont évité le pire», a écrit Gérald Darmanin sur X. L’homme a été placé en garde à vue pour «apologie du terrorisme et violences avec arme». Il est «a priori» sans domicile fixe, toujours selon Damien Savarzeix.

Terrorisme islamiste : encore un abruti auteur de deux meurtres à Bruxelles

Terrorisme islamiste : encore un abruti auteur de deux meurtres à Bruxelles

Encore une fois un abruti qui se réclame de la religion a fait deux meurtres à Bruxelles. Toujours le même processus le héros s’en prend sans aucun danger sur des civils évidemment désarmés et innocents. Le courage des lâches et des abrutis qui utilisent la religion pour masquer leur propre échec par la violence.

Un message vidéo de revendication a été posté sur les réseaux sociaux par un homme « se présentant comme l’assaillant et se disant inspiré par l’Etat islamique », a précisé le porte-parole du parquet fédéral.

L’homme dit également « avoir vengé les musulmans », possible référence à l’embrasement récent du conflit israélo-palestinien après l’attaque terroriste du Hamas qui a fait plus de 1.400 morts côté israélien.

« Nous vivons pour notre religion, nous mourrons pour notre religion, dieu merci », clame le suspect dans l’une des vidéos « Dieu merci, votre frère Abdesalam a vengé les musulmans, j’ai tué trois Suédois à l’instant », affirme-t-il plus loin alors que le bilan provisoire fait état de deux morts.

Hamas: Terrorisme ou crimes de guerre ?

Hamas: Terrorisme ou crimes de guerre ?

Depuis l’annonce des crimes de masse perpétrés par la branche armée du Hamas depuis le 7 octobre dernier, le débat se concentre notamment sur la qualification qu’il convient de leur apporter. Si nombre de commentateurs s’en saisissent pour brocarder sans nuances celles et ceux qui privilégient la notion de crimes de guerre à celle de terrorisme, cette question mérite pourtant mieux que la polémique politicienne à laquelle elle est réduite dans la plupart des médias.

par Vincent Sizaire, Maître de conférence associé, membre du centre de droit pénal et de criminologie, Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières dans The Conversation.


Un article intéressant qui milite en faveur de la qualification de crimes de guerre et non de terrorisme mais qui ne convainc pas . La qualification d’atrocités ne saurait découler des capacités à les juger et à les condamner.Par ailleurs, la qualification ne change rien à l’horreur du crime. NDLR

On pourrait certes s’en tenir au fait que le Hamas est considéré comme une organisation terroriste par un grand nombre d’États pour étendre mécaniquement cette qualification à chacun de ses actes.

L’analyse juridique rigoureuse des actes des belligérants, qui constitue l’une des conditions de la résolution du conflit (fut-elle aujourd’hui particulièrement improbable à court ou moyen terme), nous invite toutefois à d’autres conclusions. La qualification de crimes de guerre s’avère en effet sensiblement plus adéquate que celle de terrorisme, et ce pour au moins deux raisons.

En premier lieu, elle est celle qui permet de saisir de la façon la plus précise la réalité du conflit sous-jacent à la commission de ce massacre. La qualification terroriste se caractérise en effet par sa dimension inéluctablement subjective. Si on s’en tient à la définition donnée par la directive européenne du 15 mars 2017, elle sera notamment retenue dès lors que l’acte est perçu comment tendant à « gravement intimider une population » ou « gravement déstabiliser ou détruire les structures politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales fondamentales d’un pays ».

Bien sûr, l’extrême gravité des actes commis par le Hamas et sa volonté de déstabiliser voire détruire les structures politiques de l’État israélien ne souffrent en l’espèce d’aucune discussion.

Mais appliquer mécaniquement cette qualification conduit à escamoter le fait qu’il ne constitue pas un simple groupe armé mais, que l’on veuille ou non, le gouvernement élu d’une partie du peuple palestinien et qu’il s’inscrit à ce titre dans le cadre du conflit territorial et militaire qui oppose l’État israélien aux palestiniens.

Pour le dire autrement, les crimes commis par le Hamas s’inscrivent, plus largement, dans le cadre de la guerre discontinue qui oppose les deux nations depuis plus de soixante-dix ans. Retenir la qualification terroriste à son égard revient à nier cet état de guerre tout comme la dimension politique du conflit et, ainsi, à se priver de prendre la juste mesure de la situation.

Par ailleurs, on ne peut s’en tenir au terrorisme sans constater que sa définition juridique pourrait s’appliquer à d’autres acteurs. Ainsi cela peut-être le cas pour certains actes commis par les autorités israéliennes à l’encontre de civils palestiniens, en particulier depuis la constitution, en janvier 2023, d’un gouvernement d’extrême droite. Ce dernier a toléré, voire encouragé de graves exactions et notamment les homicides commis par des colons à l’encontre d’habitants de Cisjordanie et dont le but explicite est d’intimider le peuple palestinien. Il ne s’agit nullement de soutenir que les autorités israéliennes devraient être qualifiées de terroristes mais de souligner que le choix d’une telle appellation recèle nécessairement une part d’arbitraire.

Dans un tel contexte, réserver aux seuls crimes commis par des Palestiniens la qualification terroriste ne revient pas seulement à considérer qu’à la différence des Israéliens, leur action n’aurait aucun ressort politique. Cela revient aussi à considérer, au moins implicitement, que les moyens de lutte mis en œuvre par les belligérants peuvent être jugés différemment, et éventuellement approuvés, suivant le statut que l’on donne aux acteurs. Or, qu’une organisation ou un gouvernement soit ou non considéré comme terroriste, avec tout l’arbitraire qu’une telle qualification implique, c’est sur la nature des actes qu’elle met en œuvre ou qu’elle approuve qu’elle doit être jugée.

Pour le dire autrement, même si le Hamas cessait d’être majoritairement regardé comme un mouvement terroriste, ses actions criminelles doivent pouvoir être condamnées à la mesure de leur gravité.

La notion de crimes de guerre a précisément pour objet de rappeler que, quel que soit la finalité revendiquée par les autorités civiles ou militaires, il est certains actes qui ne pourront jamais être justifiés. L’article 8 du statut de la Cour pénale internationale, dit Statut de Rome, du 17 juillet 1998 prohibe en particulier :

« le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile en tant que telle ou contre des civils qui ne participent pas directement aux hostilités », « les prises d’otages » ou encore « le pillage d’une ville ou d’une localité, même prise d’assaut ».

Soit directement les crimes perpétrés par le Hamas du 7 au 9 octobre derniers.

En second lieu, la qualification de crimes de guerre apparaît préférable à celle de terrorisme en ce qu’elle permet de restituer aux faits toute leur gravité. Faut-il le rappeler, les crimes de guerre, notion consacrée au procès de Nuremberg au lendemain des atrocités perpétrées par le régime nazi, comptent au nombre des infractions les plus graves qui puissent être commises et, à ce titre, justiciables de la Cour pénale internationale et déclarés imprescriptibles par l’article 29 de son statut. À l’inverse, les crimes terroristes relèvent de la compétence des seuls États et sont soumis à la prescription (certes longue) de l’action publique.

Surtout, l’extension continue de la notion de terrorisme à laquelle nous assistons depuis le début du siècle a conduit, paradoxalement, à banaliser et ainsi édulcorer les actes recevant aujourd’hui cette qualification.

Lorsqu’elle s’applique indifféremment à la dégradation d’un bâtiment public ou l’agression d’un représentant de l’ordre – ainsi que le permet l’article 421-1 du code pénal – et au meurtre planifié de centaines de personnes, son application dans la seconde hypothèse peut avoir pour effet d’amoindrir symboliquement la gravité de l’acte.

Sans même évoquer l’utilisation massive de la qualification terroriste par les régimes autoritaires à l’encontre des leurs opposants…

Considérer comme criminels de guerre ceux qui s’adonnent aux massacres tels que ceux perpétrés par le Hamas depuis samedi dernier permet au contraire de garantir que l’extrême gravité et le caractère intolérable de ces actes demeurent incontestés, quelle que soit la finalité qu’on leur prête.

Cela permet également d’envisager la poursuite devant la cour pénale internationale non seulement des auteurs directs de ces crimes mais encore et surtout des dirigeants ayant planifié et ordonné l’attaque, directement responsables en application de l’article 28 du statut de Rome.

Soit sans doute la meilleure façon d’écarter les actuels gouvernants palestiniens sans, pour autant, exclure la possibilité d’un accord politique au bénéfice des peuples. Enfin, la qualification de crimes de guerre est celle qui permet le plus facilement d’envisager la requalification des faits en crime contre l’humanité, qualification qui ne peut être exclue aujourd’hui tant l’attaque perpétrée par le Hamas peut aussi être vue comme dirigée spécifiquement contre « un groupe national, ethnique, racial ou religieux » – soit l’un des éléments constitutifs du génocide en vertu de l’article 6 du statut de Rome.

Or l’exemple de la Syrie montre que l’utilisation systématique par les autorités européennes de la qualification terroriste à l’encontre des personnes accusées d’avoir participé aux exactions commises par l’organisation de l’État islamique a notamment eu pour effet d’empêcher en pratique toute réelle investigation et donc toute perspective de jugement des crimes contre l’humanité commis à l’encontre du peuple yézidi. Prendre la mesure de la gravité des crimes perpétrés par le Hamas encourage à ne pas suivre cette voie.

Terrorisme: 10.000 personnes à surveiller

Terrorisme: 10.000 personnes à surveiller


Driss Aït Youssef, docteur en droit public nous explique la complexité à surveiller tous les fichés S en France. Interview dans la Tribune

Le corps enseignant est de nouveau attaqué. Pourquoi l’école est-elle prise pour cible par les terroristes islamistes ?

DRISS AÏT YOUSSEF- Parce que l’Éducation nationale est le berceau de la République. Ce sont les professeurs, ceux d’histoire notamment, qui transmettent les savoirs, qui développent l’esprit critique des élèves face aux thèses obscurantistes, complotistes et antisémites, qui apprennent ce qu’est la laïcité. Les islamistes opèrent ainsi partout dans le monde. En Afghanistan, les talibans ferment les écoles. En Irak et en Syrie, Daech a démoli les sites antiques. Ils savent que pour détruire une nation il faut d’abord détruire son histoire.


Combien d’individus présentent ce profil de radicalisé ?

Il y a en France 5 300 fichés S pour islamisme ; 3 000 de la mouvance ultragauche et 1 300 d’ultradroite. Et il y a plus de 350 personnes condamnées dans des affaires terroristes en liberté sur le territoire après avoir purgé leur peine. Cela fait environ 10 000 personnes à surveiller. La DGSI a 5 000 agents, il en faudrait au moins 8 000 pour couvrir l’ensemble des menaces. D’autant que certains se radicalisent lentement et sont très difficiles à détecter. Rappelons qu’un fichage S n’est pas un délit, c’est un outil de travail pour les services de police. Les policiers prennent en charge, à plusieurs, un individu, essaient de lever les doutes, puis passent à un autre « fiché ».

Comment améliorer leur surveillance ?

Les services font leur maximum mais il y a un manque de moyens humains. Au niveau judiciaire, la qualification d’« association de malfaiteurs terroriste » permet de réprimer la préparation d’attentat avant le passage à l’acte. Être radicalisé, voyager en Irak et posséder une arme, par exemple, peut entraîner une incarcération. Mais le risque zéro n’existe pas, certains s’entourent de telles précautions qu’il est compliqué d’intervenir. L’assassin d’Arras était surveillé par la DGSI, il avait été contrôlé la veille par un équipage de police classique pour ne pas éveiller ses soupçons et pour vérifier qu’il ne portait pas d’arme. Il s’est sans doute senti surveillé et a décidé d’agir.

Il est en situation irrégulière mais non expulsable parce qu’arrivé en France avant ses 13 ans. Faut-il supprimer cette limite d’âge ?

Absolument. Le fait d’arriver très jeune sur le territoire ne doit pas protéger contre une expulsion dans le cas où son comportement serait incompatible avec son maintien sur le territoire. Plus généralement, il faut faire appliquer les obligations de quitter le territoire [OQTF], augmenter le nombre de places dans les centres de rétention administrative et faire inscrire les demandes d’asile depuis l’étranger. Ces réformes sont urgentes afin de mieux traiter l’augmentation des flux migratoires. Ce ne sera fait qu’avec un appui fort de l’Union européenne pour lutter contre les puissants trafics d’êtres humains. Les Français réclament cette réforme, ainsi que les étrangers qui ont fait un effort très important d’intégration et qui ne souhaitent pas devenir les destinataires d’un opprobre national.

La hausse des atteintes à la laïcité à l’école et le débat sur les abayas sont-ils des signes de radicalisation des élèves ?

Oui, et il y en a eu d’autres, une prière collective organisée dans un lycée du sud de la France, des refus d’enlever le voile à l’entrée des établissements. Ce sont les conséquences d’une erreur grave, celle d’avoir négligé l’Éducation nationale et l’autorité parentale. On s’est trompé en pensant que le ministère de l’Intérieur pourrait tout gérer. On a occulté la responsabilité parentale et le rôle des professeurs dans la formation des esprits citoyens. On ne peut espérer que la police et la justice règlent tout. D’autant qu’à l’issue d’une incarcération le fanatisme demeure, voire s’aggrave. Il est très difficile de faire renoncer les radicalisés à leur idéologie. Il faut miser, en amont, sur l’éducation et accompagner les parents. Leur concours est crucial pour prévenir la radicalisation. Sur ces points, notre échec saute aux yeux.

Ces attentats sont-ils aussi la conséquence de conflits extérieurs, comme celui qui oppose Israël au Hamas?

L’assassinat du professeur d’Arras Dominique Bernard n’est probablement pas en lien direct avec les exactions du Hamas, mais il y a depuis le 7 octobre une atmosphère propice au passage à l’acte. Et depuis les années 1990, des organisations d’extrême gauche ont importé et instrumentalisé les guerres au Moyen-Orient dans les banlieues françaises. Avec des effets néfastes.

Société-Terrorisme islamique : des lâches , des barbares et des tarés

Société–Terrorisme islamique : des lâches , des barbares et des tarés

Il y a bien sûr des factures explicatifs collectifs pour expliquer les attentats sur des individus comme à Arras. De ce point de vue, la situation de conflit à Gaza mais aussi ailleurs favorise un environnement de haine et de passage à l’acte chez les plus fragiles psychologiquement. Ce qui caractérise en effet la plupart des terroristes et les assassins qui agiraient au nom de la religion, c’est surtout la lâcheté, la barbarie et l’échec social des intéressé.

Ces individus ont à peu près tout raté dans leur vie, leurs études évidemment mais ensuite leur insertion sociale et sociétale. Ils instrumentalisent la religion pour justifier de leur barbarie. Le problème est que cette pratique fait partie intégrante du corpus idéologique de l’islamisme radical.

Un discours idéologique simpliste qui encourage les plus abrutis et les plus violents à sacrifier des vies.

Certains considèrent à juste titre qu’il s’agit en partie d’une guerre de civilisation entre d’une part des dictatures religieuses et la démocratie. Il s’agit aussi malheureusement d’une guerre intellectuelle entre des sociétés développées et instruites contre des sociétés rétrogrades incultes.

Sur le long terme le seul remède efficace sera l’extension du droit à la connaissance. Justement ce que ne veut pas la dictature religieuse de l’Iran en interdisant la moitié de la population d’accéder à la culture. Sur le court terme, les mesures de prévention et de sanction doive être à la hauteur de l’enjeu. De ce point de vue la politique d’immigration doit être entièrement revue et la violence réprimée avec force et détermination. Surtout vis-à-vis des agents qui assurent des missions de service public.

Les dirigeants religieux au service du terrorisme islamique jouent évidemment sur les instincts primaires d’individus frustrés et idiots afin de les manipuler.

Les sociétés modernes ont une responsabilité particulière pour lutter contre ces tragiques attaques. Et le seul moyen n’est pas seulement d’intégrer mais d’assimiler des populations aux origines étrangères en élevant leur niveau de connaissance et d’adhésion aux valeurs démocratiques et humaines.

Terrorisme islamique : des lâches , des barbares et des tarés

Terrorisme islamique : des lâches , des barbares et des tarés

Il y a bien sûr des factures explicatifs collectifs pour expliquer les attentats sur des individus comme à Arras. De ce point de vue, la situation de conflit à Gaza mais aussi ailleurs créé un environnement de haine et de passage à l’acte chez les plus fragiles psychologiquement. Ce qui caractérise en effet la plupart des terroristes et les assassins qui agiraient au nom de la religion, c’est surtout la lâcheté, la barbarie et l’échec social des intéressé.

Ces individus ont à peu près tout raté dans leur vie, leurs études évidemment mais ensuite leur insertion sociale et sociétale. Ils instrumentalisent la religion pour justifier de leur barbarie. Le problème est que cette pratique fait partie intégrante du corpus idéologique de l’islamisme radical.

Un discours idéologique simpliste qui encourage les plus abrutis et les plus violents à sacrifier des vies.

Certains considèrent à juste titre qu’il s’agit en partie d’une guerre de civilisation entre d’une part des dictatures religieuses et la démocratie. Il s’agit aussi malheureusement d’une guerre intellectuelle entre des sociétés développées et instruites contre des sociétés rétrogrades incultes.

Sur le long terme le seul remède efficace sera l’extension du droit à la connaissance. Justement ce qu’interdit la dictature religieuse de l’Iran en interdisant la moitié de la population d’accéder à la culture. Sur le court terme les mesures de prévention et de sanction doive être à la hauteur de l’enjeu. De ce point de vue la politique d’immigration doit être entièrement revue et la violence réprimée avec force et détermination. Surtout vis-à-vis des agents qui assurent des missions de service public.

Les dirigeants religieux au service du terrorisme islamique jouent évidemment sur les instincts primaires d’individus frustrés et idiots afin de les manipuler.

Les sociétés modernes ont une responsabilité particulière pour lutter contre ces tragiques attaques. Et le seul moyen n’est pas seulement d’intégrer mais d’assimiler des populations aux origines étrangères en élevant leur niveau de connaissance et d’adhésion aux valeurs démocratiques et humaines.

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