Archive pour le Tag 'territoires'

« Victoire électorale » de Poutine dans les territoires envahis !

« Victoire électorale » de Poutine dans les territoires envahis !

Comme en Russie, le résultat de la consultation électorale dans les territoires occupés était bien sûr connu d’avance. Poutine obtiendrait 70 % des suffrages dans ces régions en guerre.

Un scrutin qui évidemment n’a aucun sens aussi bien dans les territoires dupés qu’à l’intérieur de la Russie puisque l’opposition est complètement muselée, interdite voire mise en prison. Sans parler des ukrainiens qui ont fui les territoires occupés du fait de la guerre et qui évidemment n’ont pas pu voter. Bref, une sorte d’inversion du processus démocratique : on fixe d’abord les résultats et le vote intervient ensuite !

Territoires- La domination de la concentration urbaine

Territoires- -La domination de la concentration urbaine


Le géographe Jacques Lévy et le spécialiste des mobilités Jean Coldefy présentent, dans une tribune au « Monde », une étude inédite qui mesure, à une échelle très fine, la présence réelle de la population sur le territoire français. Ils décryptent la force d’attraction de certaines villes, ainsi que des zones touristiques et de loisirs.

Qui habite où ? La réponse à cette question élémentaire était, jusqu’ici, loin d’être simple. On sait où les gens résident, grâce aux recensements. On sait aussi dans quelles communes ils travaillent, mais les déplacements professionnels, le temps partiel et le télétravail ne sont pas encore bien mesurés, tout comme les rythmes journaliers. Les enquêtes de mobilité donnent, sur des échantillons restreints, des informations à des échelles très larges. Ainsi, nous sommes incapables aujourd’hui de connaître précisément les déplacements, ce qui rend, par exemple, les politiques de mobilité particulièrement difficiles à élaborer.

Les enquêtes sont riches mais souvent floues dans le détail. Les données numériques massives sont, elles, plus précises et représentatives à des échelles fines mais moins riches. La rencontre de ces deux critères – richesse et précision – permet aujourd’hui d’assurer une rupture majeure dans la connaissance de la géographie de l’occupation des lieux. C’est ce que le projet La France habitée, porté par une équipe pluridisciplinaire, a permis de réaliser depuis le début de l’année 2022, en conjuguant le traitement de données des réseaux téléphoniques et des données statistiques.

Les informations des réseaux mobiles permettent de dire, avec une fiabilité d’un très bon niveau et une grande précision spatiale et temporelle, comment sont peuplées à tout instant les milliers de localités qui constituent un pays comme la France. Et ce, bien sûr, en respectant l’anonymat et la vie privée de ces habitants.

Pour tirer le maximum de ces données, qui couvrent la période août 2019-février 2023, notre équipe a défini un indicateur, l’« habitant.année », qui équivaut à la présence effective des personnes sur un lieu. On calcule, dans chacune des 50 000 petites unités géographiques (donc à une échelle bien plus précise que les communes dans les zones les plus denses), combien de personnes y ont séjourné en moyenne sur toute l’année. En effet, habiter, ce n’est pas seulement résider.

Territoires-La domination croissante-des très-grandes-villes

Territoires-La domination croissante-des très-grandes-villes


Le géographe Jacques Lévy et le spécialiste des mobilités Jean Coldefy présentent, dans une tribune au « Monde », une étude inédite qui mesure, à une échelle très fine, la présence réelle de la population sur le territoire français. Ils décryptent la force d’attraction de certaines villes, ainsi que des zones touristiques et de loisirs.

Qui habite où ? La réponse à cette question élémentaire était, jusqu’ici, loin d’être simple. On sait où les gens résident, grâce aux recensements. On sait aussi dans quelles communes ils travaillent, mais les déplacements professionnels, le temps partiel et le télétravail ne sont pas encore bien mesurés, tout comme les rythmes journaliers. Les enquêtes de mobilité donnent, sur des échantillons restreints, des informations à des échelles très larges. Ainsi, nous sommes incapables aujourd’hui de connaître précisément les déplacements, ce qui rend, par exemple, les politiques de mobilité particulièrement difficiles à élaborer.

Les enquêtes sont riches mais souvent floues dans le détail. Les données numériques massives sont, elles, plus précises et représentatives à des échelles fines mais moins riches. La rencontre de ces deux critères – richesse et précision – permet aujourd’hui d’assurer une rupture majeure dans la connaissance de la géographie de l’occupation des lieux. C’est ce que le projet La France habitée, porté par une équipe pluridisciplinaire, a permis de réaliser depuis le début de l’année 2022, en conjuguant le traitement de données des réseaux téléphoniques et des données statistiques.

Les informations des réseaux mobiles permettent de dire, avec une fiabilité d’un très bon niveau et une grande précision spatiale et temporelle, comment sont peuplées à tout instant les milliers de localités qui constituent un pays comme la France. Et ce, bien sûr, en respectant l’anonymat et la vie privée de ces habitants.

Pour tirer le maximum de ces données, qui couvrent la période août 2019-février 2023, notre équipe a défini un indicateur, l’« habitant.année », qui équivaut à la présence effective des personnes sur un lieu. On calcule, dans chacune des 50 000 petites unités géographiques (donc à une échelle bien plus précise que les communes dans les zones les plus denses), combien de personnes y ont séjourné en moyenne sur toute l’année. En effet, habiter, ce n’est pas seulement résider.

Société-« Territoires perdus de la République » : vingt ans après

Société-« Territoires perdus de la République » : vingt ans après

Une tribune intéressante qui traite surtout de l’école et qui fait l’impasse sur de facteurs explicatifs essentiels à savoir la drogue , l’islamisme et la violence NDLR

par Ismail Ferhat, Professeur des universités en sciences de l’éducation, Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières et Laurent Gutierrez,Professeur des Universités en Sciences de l’éducation, Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières

Paru en septembre 2002, l’ouvrage collectif intitulé Les territoires perdus de la République. Antisémitisme, racisme et sexisme en milieu scolaire, a eu une diffusion unique pour un livre de témoignages d’enseignants de quartiers urbains populaires. Écrit par une dizaine de professionnels de l’Éducation nationale (surtout des professeurs du second degré), il a été réédité dès 2004, puis en 2015, avant de servir de base à un documentaire, diffusé le 22 octobre 2015 sur France 3, « Profs en territoires perdus de la République ».

Loin de se limiter à un succès de librairie déjà exceptionnel, ce livre a ravivé la polémique sur les politiques publiques vis-à-vis des écoles et quartiers de « banlieue ». Il a contribué à influencer au moins sémantiquement les discours politiques – ainsi l’annonce du 8 février 2018 sur la désignation de « Quartiers de reconquête républicaine » pour les forces de l’ordre.
Comment cet essai, rédigé « dans l’urgence au printemps 2002 » selon ses propres termes, a-t-il pu connaître un tel écho médiatique et politique ? Si Les Territoires perdus de la République ont parfois été évoqués dans des travaux de sciences humaines et sociales, ils n’ont, sous réserve d’inventaire, jamais été un objet d’études en tant quel tel.

Avec le vingtième anniversaire de sa date de sa parution, il semble être temps d’apporter un regard distancié sur la manière dont les idées contenues dans cet ouvrage ont pu susciter de nouvelles adhésions de principe.

Dès la fin des années 1970, la conjonction de la crise économique, de la désindustrialisation et de la fuite des classes moyennes hors des grands ensembles a des effets puissants sur les quartiers populaires urbains. Leurs établissements scolaires s’en ressentent rapidement. Dès 1979, un rapport de l’inspection générale sur une quarantaine de collèges situés dans les grands ensembles pointe l’existence de « ghettos » scolaires, minés par les violences et les difficultés scolaires.
Cette perception d’une école de quartier populaire à part a des conséquences concrètes en termes de catégorisation politico-administrative. En 1992, le ministre Jack Lang crée le label d’établissements difficiles, limité aux cinq académies de Créteil, Versailles, Lille, Lille, Lyon et Marseille. L’année suivante, François Bayrou modifie l’appellation et parle des établissements sensibles, élargis à toute la France.

Les Territoires perdus de la République s’inscrivent dans cette catégorisation des écoles de quartiers populaires urbains. Certes, d’autres ouvrages (ainsi celui Mara Goyet, Collèges de France, paru la même année) existaient déjà sur le sujet. Cependant, ce livre collectif, on le verra, est spécifique tant dans sa démarche que dans son objet.

L’analyse des trois éditions de l’ouvrage (2002, 2004 et 2015) offre en effet un portrait de groupe aux caractéristiques marquées. L’édition de 2002 comprend neuf auteur•e•s et un collectif d’enseignant•e•s du lycée Bergson. Celle de 2004 ajoute à ceux-ci six autres auteur•e•s et une association, intitulée PEREC (Pour une école républicaine et citoyenne), fondée par plusieurs auteur•e•s.

Sur le total de 15 contributeurs individuels et de 2 collectifs, seuls deux auteurs ne sont pas enseignants (une cheffe d’établissement, un parent d’élève). La grande majorité (14) se situe dans les quartiers populaires de la région francilienne, trois restantes se trouvant à Marseille et dans l’agglomération lyonnaise. Une seule contributrice est issue du premier degré. Les autres sont exclusivement des enseignantes et des enseignants de matières littéraires ou d’histoire-géographie du second degré, surtout en collège.

Le portrait de groupe révèle donc des biais principaux par rapport à la morphologie des métiers éducatifs. Le premier consiste en une sous-représentation des non-enseignants, du premier degré, des matières scientifiques. Le second est celui d’une surreprésentation d’enseignants relativement jeunes dans la carrière en 2002, travaillant dans des établissements prioritaires ou sensibles de la région parisienne. L’ouvrage exprime donc l’expérience d’enseignants de collèges dégradés de quartiers populaires, confirmant sur le terrain en quelque sorte la catégorisation croissante des « écoles de banlieue » depuis la fin des années 1970.

Le troisième point relève des thématiques abordées dans les contributions de l’ouvrage.

De manière très nette, l’antisémitisme, les élèves maghrébins et le conflit israélo-palestinien constituent les trois thèmes les plus récurrents dans les contributions. Au contraire, les thématiques strictement scolaires (ainsi les difficultés et violences à l’école), certes présentes, sont moins fréquemment évoquées. L’orientation de l’ouvrage est donc explicite : la dénonciation d’un antisémitisme présent chez les élèves maghrébins, et/ou de culture musulmane, ravivé par la « seconde intifada » depuis 2000.

Une telle construction ouvrait une potentielle mobilisation du livre sur des thématiques allant bien au-delà de la seule école (surtout dans un contexte indéniable de flambée d’actes antisémites au début des années 2000), même si sa parution s’inscrivait précisément dans un discours croissant sur la « crise » de l’institution scolaire.

Ces perceptions territorialisées de l’échec scolaire sont toutefois à replacer dans une conception plus large de la faillite de cette institution, plus particulièrement dans les quartiers populaires. Un discours de « crise de l’école », par ailleurs multiforme, s’est en effet imposé comme une évidence dans la lecture des phénomènes scolaires au cours des dernières décennies.

Certes, ce discours n’est pas le seul existant sur le système éducatif, d’autres analyses moins tranchées étant faites sur les enjeux et les défis qui se posent à celui-ci, « les défis de l’an 2000 ». Cependant, les « Territoires perdus » viennent alimenter les positions qui dénoncent l’avènement de « La décennie des mal-appris », conséquence de la déroute des programmes et d’un « chaos pédagogique » qui en résulterait. Ce discours est particulièrement présent chez les enseignantes et enseignants du second degré, qui depuis les années 1980, ont été en première ligne de la démocratisation scolaire. Entre 1983 et aujourd’hui, le taux d’accès au baccalauréat d’une génération est passé de 28 % à presque 83 %, entraînant des mutations inédites dans les collèges et les lycées.
Il n’est, dès lors, pas étonnant qu’une partie des professeurs du second degré aillent jusqu’à dénoncer la dérive techniciste des conceptions éducatives fondées sur une « pédagogie du vide ». Ils rejoignent l’invitation que lançait Dominique de la Martinière en 1984, dans sa Lettre ouverte à tous les parents qui refusent le massacre de l’enseignement, à combattre ces « idéologues sans mandat (qui) ont sacrifié l’avenir de nos enfants et de notre pays à leurs chimères ».

Que l’école fasse polémique sur sa capacité à doter les élèves d’un bagage culturel minimum commun n’est pas surprenant tant les attentes sont fortes à son endroit. Sa faillite, qui serait révélatrice d’un État qui n’est plus en mesure de former les jeunes générations aux défis de demain, n’est pas non plus très originale chez celles et ceux qui, nostalgiques d’une école de classe, y dénoncent l’impuissance des pouvoirs publics à résoudre les problèmes scolaires.

Les « Territoires perdus » adoptent un point de vue différent de la critique conservatrice contre l’école de masse, que portaient les extrêmes droites françaises depuis les réformes scolaires de la IIIe République. Les auteurs sont d’ailleurs explicites sur ce point : selon leurs propres mots, dans l’édition de 2002, « Les territoires perdus de la République ne s’identifient pas à ces nouvelles zones de relégation sociale que sont les banlieues, ils n’épousent pas la vieille équation apeurée de la bourgeoisie (« classes laborieuses, classes dangereuses »), ils ne constituent pas le énième avatar du discours conservateur ».

Ce qui interroge en effet, selon nous, au-delà de la permanence des critiques adressées à l’institution scolaire dans cet ouvrage collectif, c’est le renouvellement des motifs autour desquels le constat est dressé à partir du début des années 2000. Les auteurs de celui-ci se retrouvent confrontés à des situations dont la difficulté s’accroît lorsqu’ils font face à cette « sidérante solitude » de l’enseignant devant des élèves qui lui discutent sa légitimité professionnelle.

La « crise de l’enseignement » ne viendrait donc pas des effets de sa massification mais d’un long processus de destitution de la fonction enseignante décrite dans les « Territoires perdus de la République », ouvrage qui, de manière révélatrice, aborde assez peu les autres métiers éducatifs comme les CPE, les personnels d’orientation ou administratifs. Restaurer l’autorité de l’institution scolaire pour que « les professeurs puissent redevenir des professeurs, et les élèves des élèves » traduit bien l’attente de ces enseignants qui se sont engagés dans ce métier et se retrouvent, le plus souvent en début de carrière, dans les écoles les plus dégradées et difficiles des quartiers populaires.

Les grands ensembles et ses habitants se retrouvent stigmatisés comme les responsables de la « souffrance enseignante », devenue depuis les années 2000 un enjeu croissant des analyses consacrées à ce métier. De difficiles, les conditions d’exercice du métier d’enseignant sont présentées à partir de ce cette décennie comme « impossibles ». La dégradation de l’image des banlieues, à laquelle se surajoutent les craintes vis-à-vis de l’islam politique après le 11 septembre 2001, alimentent la phobie des jeunes enseignants de s’y retrouver affectés.
Bien plus complexe qu’il n’y paraît, cette brève explication des attentes déçues d’une partie du corps enseignant nécessite d’être analysée. Plusieurs auteurs se sont essayés à des réflexions plus poussées pour faire « réussir l’école » à commencer par Philippe Joutard et Claude Thélot qui, en 1999, montraient combien le bilan de l’état du système éducatif était contrasté et que, si « tout est dans l’exécution », les acteurs doivent être aidés et soutenus localement.

Dernière explication possible, mobilisée par Laurence Cornu, Jean-Claude de Pompougnac et de Joël Roman, le début des années 1990 devait marquer la fin des utopies scolaires en limitant les missions confiées à l’école : « Demandons-lui moins, elle s’en acquittera mieux. Libérée des utopies scolaires comme des utopies politiques, elle doit aller à son rythme propre ». Plaidées pour combattre « l’hypocrisie scolaire », ces trois propositions entendent favoriser la rencontre entre les difficultés de la réalité du terrain et l’adaptation nécessaire afin d’être en mesure de les dépasser collectivement. C’est d’ailleurs une exigence qui court le long des « Territoires perdus de la République », qui demande un recentrement de l’institution scolaire sur une stricte mission d’apprentissage.

Territoires perdus de la République » : vingt ans après

« Territoires perdus de la République » : vingt ans après

par Ismail Ferhat, Professeur des universités en sciences de l’éducation, Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières et Laurent Gutierrez,Professeur des Universités en Sciences de l’éducation, Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières

Paru en septembre 2002, l’ouvrage collectif intitulé Les territoires perdus de la République. Antisémitisme, racisme et sexisme en milieu scolaire, a eu une diffusion unique pour un livre de témoignages d’enseignants de quartiers urbains populaires. Écrit par une dizaine de professionnels de l’Éducation nationale (surtout des professeurs du second degré), il a été réédité dès 2004, puis en 2015, avant de servir de base à un documentaire, diffusé le 22 octobre 2015 sur France 3, « Profs en territoires perdus de la République ».

Loin de se limiter à un succès de librairie déjà exceptionnel, ce livre a ravivé la polémique sur les politiques publiques vis-à-vis des écoles et quartiers de « banlieue ». Il a contribué à influencer au moins sémantiquement les discours politiques – ainsi l’annonce du 8 février 2018 sur la désignation de « Quartiers de reconquête républicaine » pour les forces de l’ordre.
Comment cet essai, rédigé « dans l’urgence au printemps 2002 » selon ses propres termes, a-t-il pu connaître un tel écho médiatique et politique ? Si Les Territoires perdus de la République ont parfois été évoqués dans des travaux de sciences humaines et sociales, ils n’ont, sous réserve d’inventaire, jamais été un objet d’études en tant quel tel.

Avec le vingtième anniversaire de sa date de sa parution, il semble être temps d’apporter un regard distancié sur la manière dont les idées contenues dans cet ouvrage ont pu susciter de nouvelles adhésions de principe.

Dès la fin des années 1970, la conjonction de la crise économique, de la désindustrialisation et de la fuite des classes moyennes hors des grands ensembles a des effets puissants sur les quartiers populaires urbains. Leurs établissements scolaires s’en ressentent rapidement. Dès 1979, un rapport de l’inspection générale sur une quarantaine de collèges situés dans les grands ensembles pointe l’existence de « ghettos » scolaires, minés par les violences et les difficultés scolaires.
Cette perception d’une école de quartier populaire à part a des conséquences concrètes en termes de catégorisation politico-administrative. En 1992, le ministre Jack Lang crée le label d’établissements difficiles, limité aux cinq académies de Créteil, Versailles, Lille, Lille, Lyon et Marseille. L’année suivante, François Bayrou modifie l’appellation et parle des établissements sensibles, élargis à toute la France.

Les Territoires perdus de la République s’inscrivent dans cette catégorisation des écoles de quartiers populaires urbains. Certes, d’autres ouvrages (ainsi celui Mara Goyet, Collèges de France, paru la même année) existaient déjà sur le sujet. Cependant, ce livre collectif, on le verra, est spécifique tant dans sa démarche que dans son objet.

L’analyse des trois éditions de l’ouvrage (2002, 2004 et 2015) offre en effet un portrait de groupe aux caractéristiques marquées. L’édition de 2002 comprend neuf auteur•e•s et un collectif d’enseignant•e•s du lycée Bergson. Celle de 2004 ajoute à ceux-ci six autres auteur•e•s et une association, intitulée PEREC (Pour une école républicaine et citoyenne), fondée par plusieurs auteur•e•s.

Sur le total de 15 contributeurs individuels et de 2 collectifs, seuls deux auteurs ne sont pas enseignants (une cheffe d’établissement, un parent d’élève). La grande majorité (14) se situe dans les quartiers populaires de la région francilienne, trois restantes se trouvant à Marseille et dans l’agglomération lyonnaise. Une seule contributrice est issue du premier degré. Les autres sont exclusivement des enseignantes et des enseignants de matières littéraires ou d’histoire-géographie du second degré, surtout en collège.

Le portrait de groupe révèle donc des biais principaux par rapport à la morphologie des métiers éducatifs. Le premier consiste en une sous-représentation des non-enseignants, du premier degré, des matières scientifiques. Le second est celui d’une surreprésentation d’enseignants relativement jeunes dans la carrière en 2002, travaillant dans des établissements prioritaires ou sensibles de la région parisienne. L’ouvrage exprime donc l’expérience d’enseignants de collèges dégradés de quartiers populaires, confirmant sur le terrain en quelque sorte la catégorisation croissante des « écoles de banlieue » depuis la fin des années 1970.

Le troisième point relève des thématiques abordées dans les contributions de l’ouvrage.

De manière très nette, l’antisémitisme, les élèves maghrébins et le conflit israélo-palestinien constituent les trois thèmes les plus récurrents dans les contributions. Au contraire, les thématiques strictement scolaires (ainsi les difficultés et violences à l’école), certes présentes, sont moins fréquemment évoquées. L’orientation de l’ouvrage est donc explicite : la dénonciation d’un antisémitisme présent chez les élèves maghrébins, et/ou de culture musulmane, ravivé par la « seconde intifada » depuis 2000.

Une telle construction ouvrait une potentielle mobilisation du livre sur des thématiques allant bien au-delà de la seule école (surtout dans un contexte indéniable de flambée d’actes antisémites au début des années 2000), même si sa parution s’inscrivait précisément dans un discours croissant sur la « crise » de l’institution scolaire.

Ces perceptions territorialisées de l’échec scolaire sont toutefois à replacer dans une conception plus large de la faillite de cette institution, plus particulièrement dans les quartiers populaires. Un discours de « crise de l’école », par ailleurs multiforme, s’est en effet imposé comme une évidence dans la lecture des phénomènes scolaires au cours des dernières décennies.

Certes, ce discours n’est pas le seul existant sur le système éducatif, d’autres analyses moins tranchées étant faites sur les enjeux et les défis qui se posent à celui-ci, « les défis de l’an 2000 ». Cependant, les « Territoires perdus » viennent alimenter les positions qui dénoncent l’avènement de « La décennie des mal-appris », conséquence de la déroute des programmes et d’un « chaos pédagogique » qui en résulterait. Ce discours est particulièrement présent chez les enseignantes et enseignants du second degré, qui depuis les années 1980, ont été en première ligne de la démocratisation scolaire. Entre 1983 et aujourd’hui, le taux d’accès au baccalauréat d’une génération est passé de 28 % à presque 83 %, entraînant des mutations inédites dans les collèges et les lycées.
Il n’est, dès lors, pas étonnant qu’une partie des professeurs du second degré aillent jusqu’à dénoncer la dérive techniciste des conceptions éducatives fondées sur une « pédagogie du vide ». Ils rejoignent l’invitation que lançait Dominique de la Martinière en 1984, dans sa Lettre ouverte à tous les parents qui refusent le massacre de l’enseignement, à combattre ces « idéologues sans mandat (qui) ont sacrifié l’avenir de nos enfants et de notre pays à leurs chimères ».

Que l’école fasse polémique sur sa capacité à doter les élèves d’un bagage culturel minimum commun n’est pas surprenant tant les attentes sont fortes à son endroit. Sa faillite, qui serait révélatrice d’un État qui n’est plus en mesure de former les jeunes générations aux défis de demain, n’est pas non plus très originale chez celles et ceux qui, nostalgiques d’une école de classe, y dénoncent l’impuissance des pouvoirs publics à résoudre les problèmes scolaires.

Les « Territoires perdus » adoptent un point de vue différent de la critique conservatrice contre l’école de masse, que portaient les extrêmes droites françaises depuis les réformes scolaires de la IIIe République. Les auteurs sont d’ailleurs explicites sur ce point : selon leurs propres mots, dans l’édition de 2002, « Les territoires perdus de la République ne s’identifient pas à ces nouvelles zones de relégation sociale que sont les banlieues, ils n’épousent pas la vieille équation apeurée de la bourgeoisie (« classes laborieuses, classes dangereuses »), ils ne constituent pas le énième avatar du discours conservateur ».

Ce qui interroge en effet, selon nous, au-delà de la permanence des critiques adressées à l’institution scolaire dans cet ouvrage collectif, c’est le renouvellement des motifs autour desquels le constat est dressé à partir du début des années 2000. Les auteurs de celui-ci se retrouvent confrontés à des situations dont la difficulté s’accroît lorsqu’ils font face à cette « sidérante solitude » de l’enseignant devant des élèves qui lui discutent sa légitimité professionnelle.

La « crise de l’enseignement » ne viendrait donc pas des effets de sa massification mais d’un long processus de destitution de la fonction enseignante décrite dans les « Territoires perdus de la République », ouvrage qui, de manière révélatrice, aborde assez peu les autres métiers éducatifs comme les CPE, les personnels d’orientation ou administratifs. Restaurer l’autorité de l’institution scolaire pour que « les professeurs puissent redevenir des professeurs, et les élèves des élèves » traduit bien l’attente de ces enseignants qui se sont engagés dans ce métier et se retrouvent, le plus souvent en début de carrière, dans les écoles les plus dégradées et difficiles des quartiers populaires.

Les grands ensembles et ses habitants se retrouvent stigmatisés comme les responsables de la « souffrance enseignante », devenue depuis les années 2000 un enjeu croissant des analyses consacrées à ce métier. De difficiles, les conditions d’exercice du métier d’enseignant sont présentées à partir de ce cette décennie comme « impossibles ». La dégradation de l’image des banlieues, à laquelle se surajoutent les craintes vis-à-vis de l’islam politique après le 11 septembre 2001, alimentent la phobie des jeunes enseignants de s’y retrouver affectés.
Bien plus complexe qu’il n’y paraît, cette brève explication des attentes déçues d’une partie du corps enseignant nécessite d’être analysée. Plusieurs auteurs se sont essayés à des réflexions plus poussées pour faire « réussir l’école » à commencer par Philippe Joutard et Claude Thélot qui, en 1999, montraient combien le bilan de l’état du système éducatif était contrasté et que, si « tout est dans l’exécution », les acteurs doivent être aidés et soutenus localement.

Dernière explication possible, mobilisée par Laurence Cornu, Jean-Claude de Pompougnac et de Joël Roman, le début des années 1990 devait marquer la fin des utopies scolaires en limitant les missions confiées à l’école : « Demandons-lui moins, elle s’en acquittera mieux. Libérée des utopies scolaires comme des utopies politiques, elle doit aller à son rythme propre ». Plaidées pour combattre « l’hypocrisie scolaire », ces trois propositions entendent favoriser la rencontre entre les difficultés de la réalité du terrain et l’adaptation nécessaire afin d’être en mesure de les dépasser collectivement. C’est d’ailleurs une exigence qui court le long des « Territoires perdus de la République », qui demande un recentrement de l’institution scolaire sur une stricte mission d’apprentissage.

Environnement–Loi de protection des territoires marins : une escroquerie

Environnement–Loi de protection des territoires marins : une escroquerie

 

La fondatrice de l’association Bloom pour la protection des océans, Claire Nouvian,  explique pourquoi le décret gouvernemental est, selon elle, dangereux pour l’avenir des espaces maritimes et du climat. (Le Monde)

 

Ala veille de la Journée mondiale de l’océan, je suis porteuse de deux mauvaises nouvelles. La première, c’est que la France, deuxième puissance maritime mondiale, vient de prouver par un terrible décret qu’elle n’avait nullement l’intention de protéger son territoire marin. Et ce malgré l’urgence à restaurer la santé d’un océan qui n’est plus que l’ombre de lui-même alors qu’il est un allié stratégique dans la lutte contre le réchauffement climatique, absorbant plus d’un quart de nos émissions de CO2.

La seconde, c’est que non, Emmanuel Macron n’a pas fait son aggiornamento « écolo » et il ne le fera pas. Alors que, d’une main, le président préparait son plaidoyer de Marseille du 16 avril à l’adresse de l’électorat vert, empruntant à Jean-Luc Mélenchon son concept de « planification écologique », de l’autre, il orchestrait la signature, le 12 avril, d’un décret honteux mettant en pièces le concept même d’« aire marine protégée », rendant inopérantes toutes les promesses qu’il avait faites à ce sujet.

 

Rappelons que, de 2019 à 2022, Emmanuel Macron a martelé que la France protégerait 30 % de ses eaux, dont 10 % « en pleine naturalité » ou en « protection forte ». Des annonces célébrées pour leur ambition et sans ambiguïté : l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) avait en effet déjà clarifié qu’une aire marine ne pouvait pas être appelée « protégée » si des activités industrielles (incluant la pêche) y étaient conduites. D’après les définitions internationales, l’engagement du président de protéger 30 % de notre territoire marin correspondait donc à l’interdiction catégorique des extractions et installations industrielles. Cela signifiait aussi que les 10 % de « protection forte » promis par Emmanuel Macron correspondaient automatiquement au degré supérieur de protection : une protection intégrale, stricte, ce que les Anglo-Saxons nomment les « no-take zones ».

Ces zones de protection « forte » ne permettent aucune activité humaine, pas même les prélèvements de la petite pêche artisanale, et sont les plus efficaces pour restaurer l’océan. Les scientifiques ont quantifié le rétablissement spectaculaire du milieu marin quand cessaient les pressions anthropiques : la biomasse des poissons y est 670 % plus importante que dans les eaux non protégées ! Or, aujourd’hui, la France ne protège, selon une étude du CNRS, que 0,09 % de sa façade méditerranéenne et 0,005 % de sa façade Atlantique, Manche et mer du Nord !

Malheureusement, protéger moins de 1 % de l’océan est encore trop élevé pour les industriels, et Emmanuel Macron a choisi de prendre leur parti plutôt que celui de la science et des citoyens en amoindrissant, par ce décret du 12 avril, les critères de « protection forte ».

Loi de protection des territoires marins : une escroquerie

Loi de protection des territoires marins : une escroquerie

 

La fondatrice de l’association Bloom pour la protection des océans, Claire Nouvian,  explique pourquoi le décret gouvernemental est, selon elle, dangereux pour l’avenir des espaces maritimes et du climat. (Le Monde)

 

Ala veille de la Journée mondiale de l’océan, je suis porteuse de deux mauvaises nouvelles. La première, c’est que la France, deuxième puissance maritime mondiale, vient de prouver par un terrible décret qu’elle n’avait nullement l’intention de protéger son territoire marin. Et ce malgré l’urgence à restaurer la santé d’un océan qui n’est plus que l’ombre de lui-même alors qu’il est un allié stratégique dans la lutte contre le réchauffement climatique, absorbant plus d’un quart de nos émissions de CO2.

La seconde, c’est que non, Emmanuel Macron n’a pas fait son aggiornamento « écolo » et il ne le fera pas. Alors que, d’une main, le président préparait son plaidoyer de Marseille du 16 avril à l’adresse de l’électorat vert, empruntant à Jean-Luc Mélenchon son concept de « planification écologique », de l’autre, il orchestrait la signature, le 12 avril, d’un décret honteux mettant en pièces le concept même d’« aire marine protégée », rendant inopérantes toutes les promesses qu’il avait faites à ce sujet.

 

Rappelons que, de 2019 à 2022, Emmanuel Macron a martelé que la France protégerait 30 % de ses eaux, dont 10 % « en pleine naturalité » ou en « protection forte ». Des annonces célébrées pour leur ambition et sans ambiguïté : l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) avait en effet déjà clarifié qu’une aire marine ne pouvait pas être appelée « protégée » si des activités industrielles (incluant la pêche) y étaient conduites. D’après les définitions internationales, l’engagement du président de protéger 30 % de notre territoire marin correspondait donc à l’interdiction catégorique des extractions et installations industrielles. Cela signifiait aussi que les 10 % de « protection forte » promis par Emmanuel Macron correspondaient automatiquement au degré supérieur de protection : une protection intégrale, stricte, ce que les Anglo-Saxons nomment les « no-take zones ».

Ces zones de protection « forte » ne permettent aucune activité humaine, pas même les prélèvements de la petite pêche artisanale, et sont les plus efficaces pour restaurer l’océan. Les scientifiques ont quantifié le rétablissement spectaculaire du milieu marin quand cessaient les pressions anthropiques : la biomasse des poissons y est 670 % plus importante que dans les eaux non protégées ! Or, aujourd’hui, la France ne protège, selon une étude du CNRS, que 0,09 % de sa façade méditerranéenne et 0,005 % de sa façade Atlantique, Manche et mer du Nord !

Malheureusement, protéger moins de 1 % de l’océan est encore trop élevé pour les industriels, et Emmanuel Macron a choisi de prendre leur parti plutôt que celui de la science et des citoyens en amoindrissant, par ce décret du 12 avril, les critères de « protection forte ».

Une France fracturée dans ses territoires et sa société

Une France  fracturée dans ses territoires et sa société

La victoire d’Emmanuel Macron montre aussi un pays divisé et sans élan. Avec de nombreux défis à relever pour le président réélu. Par Claude Patriat, Université de Bourgogne – UBFC

 

Étrange climat au soir de ce deuxième tour de l’élection présidentielle française : nulle explosion de ferveur, de joie collective, d’enthousiasme ni de violente colère. Comme un profond et grave soupir de soulagement poussé par une large majorité, juste contrebalancé par la déception des vaincus qui ne perdent pourtant pas l’espoir d’une prochaine revanche.

La France a eu peur. La France s’est fait peur. Le front républicain a beau avoir vécu : il reste de nombreux républicains résolus à faire barrage qui ont rejoint le camp d’Emmanuel Macron, l’aidant à remporter une belle victoire, nette et sans appel avec 18 779 641 suffrages. 17 points d’écart séparent les deux candidats, le président sortant emportant 5 482 000 voix de plus que son adversaire.

Dans un pays profondément fracturé, les clivages n’ont pas empêché les reports de jouer leur rôle de rééquilibrage : Emmanuel Macron recueille 8 994 063 de suffrages de plus qu’au premier tour (soit une progression de 92 %), Marine Le Pen, 5 161 391(+63,44 %). Certes, le président sortant n’atteint pas les 139 % de progression de 2017 ; mais on relèvera qu’à cette date, Marine Le Pen n’avait amélioré son score du premier tour que de 34,55 %.

D’où provient alors ce paysage en demi-teinte qui se dessine aujourd’hui ? Le président réélu a lui-même modestement choisi le ton de la modération et assuré le service minimum dans son allocution au champ de Mars : un étonnamment bref discours de remerciements à ses soutiens et à ses électeurs, une réaffirmation de sa volonté de représenter tous les Français. Et une confirmation de sa volonté de changement de méthode : « Cette ère nouvelle ne sera pas la continuité du quinquennat qui s’achève… ».

C’est que ce scrutin, pour historique qu’il soit, n’a pas dissipé les brumes dans lesquelles notre pays est plongé. D’abord, il faut rappeler que pour la troisième fois en 20 ans, l’élection a été acquise contre une candidature d’extrême droite – à la différence de 1981 et 2012, où le sortant avait été battu par un adversaire inscrit dans les valeurs et la tradition républicaines.

Le choix, pour nombre d’électeurs n’était donc pas seulement entre deux projets politiques, mais entre deux visions de la République. Ce qui introduit un biais dans la lecture du résultat et devrait inciter à la prudence quant aux comparaisons hâtives.

Ce choix contraint en forme de refus vient grossir le phénomène de l’abstentionnisme : avec 28 %, son taux augmente de 3 points par rapport au second tour de 2017, et atteint presque le niveau du premier tour de 2002 (28,40 %). Sans toutefois égaler le record de 1969, où il avait été de 31,15 % pour le second tour opposant George Pompidou à Alain Poher. Contrairement, en effet, à ce qu’affirme Jean-Luc Mélenchon, « le plus mal élu des présidents de la République » n’est pas Emmanuel Macron, mais Georges Pompidou qui n’avait obtenu que 37,51 % des inscrits.

Outre son caractère récurrent depuis 20 ans, cette baisse tendancielle de la participation ne pouvait que se confirmer dans une France où l’écrasante majorité des électeurs déclarait depuis cinq ans qu’elle ne voulait plus d’un duel Macron/Le Pen et qui a dû aller boire de nouveau à cette fontaine.

Le rapprochement avec 1969 est d’ailleurs intéressant de ce point de vue : le deuxième tour se déroulait sans candidat de gauche et sous le signe du « bonnet blanc et blanc bonnet » proclamé alors par les communistes.

Autre symptôme de cette sorte de malaise face au vote : la formidable progression des votes blancs et nuls qui augmentent de plus de 286 % entre les deux tours, s’élevant à plus de 3 millions. Et qui viennent s’ajouter en soustraction des exprimés aux 831 974 abstentionnistes supplémentaires.

Concomitant de la relative désaffection des urnes, et venant corroborer la défiance vis-à-vis de la représentation politique, il y a la progression régulière de l’extrême droite. De 17,90 % au premier tour de la présidentielle de 2012, elle passe avec la seule Marine Le Pen à 21,30 % en 2017 avant d’atteindre 33,90 % avec le renfort d’Éric Zemmour ; on passe ainsi la barre remarquable des 30 % au premier tour, et Marine Le Pen finit à 41,46 % au second. On assiste donc à une ascension en forme d’enracinement, confirmée par un irrésistible grignotage du territoire profond.

La cartographie du second tour de l’élection présidentielle confirme l’érosion de territoires auparavant dévolus aux vieux partis de gouvernement. Dans 21 départements continentaux, Marine Le Pen franchit la barre des 50 % : elle consolide ses bastions dans le nord de la France, s’adjugeant le Pas-de-Calais et les trois départements de l’ancienne Picardie (avec un record au-delà de 59 % dans l’Aisne) ; dans l’Est rural également, elle confirme ses points forts (en Haute-Marne et en Haute Saône, par exemple) ; même réussite dans le Sud-Est et le pourtour méditerranéen. On la voit même circonvenir des départements du Sud-Ouest jusque-là rebelle au FN, comme le Tarn-et-Garonne ou le Lot-et-Garonne.

Vu des régions, l’enracinement se confirme : Marine Le Pen est en tête dans toutes les régions d’Outre-mer et en Corse (avec un record en Guadeloupe où elle devance Emmanuel Macron de 39 points !). Elle l’emporte également dans deux régions continentales : Hauts-de-France, où elle devance Emmanuel Macron de 4,5 points, et PACA (+1point). Si le président sortant l’emporte très nettement en Ile-de-France (+47 points) et en Bretagne (+33), l’écart devient plus mince en Bourgogne-Franche-Comté (+5,5), dans le Grand Est (+7) ou en Occitanie (+8).

Tout dans ce résultat laisse à penser que la fracture territoriale et sociale reste entière, et ne laisse guère planer d’illusion sur la possibilité d’un état de grâce pour le président réélu. D’autant qu’à écouter les oppositions, nous sommes entrés dans une nouvelle phase, « l’entre-trois tours ». Voici que des deux côtés du bloc central, on trouve désormais des mérites au respect de la constitution de la Ve République : on semble découvrir que le texte permet le fonctionnement d’un vrai régime parlementaire, où le gouvernement gouverne sous le contrôle du Parlement : étrange et tardive conversion à un fait juridique qu’il y a 20 ans, nous avions analysé à un moment crucial, dans le livre Voter cohabitation ? La fin de la monarchie républicaine.

Car, sous l’épaisse couche de vernis qu’on a superposée au dispositif initial, notre régime politique est un régime parlementaire rationalisé tempéré par un président de la République doté de puissants moyens d’arbitrage. Et voilà donc que l’on se prend à rêver d’une cohabitation, tant décriée naguère, qui permettrait de juguler la toute-puissance présidentielle. Faute de proportionnelle, et compte tenu de la force maintenue des vieux appareils politiques dans les circonscriptions, il va falloir constituer des blocs solides pour pouvoir s’imposer sur l’ensemble du territoire, en surmontant la logique réductrice du scrutin majoritaire.

Jean-Luc Mélenchon s’est déjà clairement engagé dans cet exercice, tandis que Marine Le Pen compte bien constituer à l’Assemblée nationale une force d’opposition à la mesure de son résultat du 24 avril. Dans les deux cas, cela va nécessiter des alliances parfois improbables et une surmobilisation de l’électorat, tant le mode de scrutin en vigueur, bipolaire par nature, s’accommode mal d’un jeu à trois.

Quoiqu’il en soit, les deux prétendants malheureux devront compter avec le délai dont dispose Emmanuel Macron, d’ici les législatives, pour tracer les contours d’une pratique présidentielle élargie, seule susceptible de court-circuiter les tentatives de ses opposants. Là aussi, le chemin est étroit… et le moment est venu de se remémorer la belle phrase de Lessing : « La victoire est un résultat, ce n’est pas une preuve. »

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Par Claude Patriat, Professeur émérite de Science politique Université de Bourgogne, Université de Bourgogne – UBFC.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Revoir la politique des territoires outre-mer

 

Revoir la politique des territoires outre-mer

Par Antoine Joly(Ancien ambassadeur en Amérique latine et dans les caraïbes, ancien délégué à l’action extérieure des collectivités territoriales)

(Le Monde)

 

Tribune.

 

Lors du premier tour de l’élection présidentielle, les territoires d’outre-mer ont majoritairement voté Jean-Luc Mélenchon et, au second tour, Marine Le Pen. Dimanche 24 avril, le résultat en outre-mer a même été exactement l’inverse que le résultat global national : 58 % pour la candidate du Rassemblement national, contre 42 % pour le président sortant. L’outre-mer a-t-il basculé dans l’extrême droite et ses luttes contre les migrations, ou est-elle devenue subitement « insoumise » ?

Le plus vraisemblable est que nos outre-mer sont arrivés à une étape de leur histoire où la relation avec la métropole doit être profondément reformée. Les choix nationaux proposés lors des élections générales françaises ne correspondent plus aux aspirations des citoyens français de l’océan Indien, des Caraïbes ou de l’Amérique du Sud et aux difficultés particulières de ces territoires.

La réponse aux problèmes spécifiques de régions insérées dans un environnement bien différent de la métropole ne peut désormais venir que des territoires eux-mêmes et de leurs habitants. Y compris sur des sujets considérés comme régaliens. On pourrait commencer par les questions de sécurité, de politique migratoire ou de nationalité, ou encore la santé, mais je voudrais dans ce court espace évoquer la politique étrangère.

Il est habituel de dire que nos territoires sont une chance pour la France, porte d’entrée en Amérique latine, aux Caraïbes ou dans l’océan Indien. La réalité est toutefois beaucoup plus contrastée. Le Quai d’Orsay, en laissant largement la main au ministère des outre-mer pour l’intégration régionale de ces territoires, s’est en partie désintéressé d’une diplomatie de proximité, tandis que l’outre-mer se focalise surtout sur les questions de sécurité.

Les élus locaux, quant à eux, légitimes pour porter une ambition régionale, considèrent à raison qu’ils n’en ont pas la compétence constitutionnelle s’agissant de relations avec d’autres Etats, sauf à demander expressément, et à chaque fois, l’autorisation à Paris.

Surtout, la présence de territoires français en Amérique du Sud, dans la Caraïbe ou l’océan Indien donne malgré tout à notre pays dans ces régions l’image d’une nation dont les horloges restent réglées au siècle précédent. Ces territoires aujourd’hui pèsent donc plus sur nos relations internationales dans la zone qu’elles les servent.

Si la Communauté des Caraïbes (Caricom) est si frileuse à accepter les Antilles et la Guyane comme membres associés, c’est en grande partie parce qu’elle a l’impression qu’elle ferait entrer Paris dans cette enceinte plutôt que Cayenne, Fort-de-France ou Pointe-à-Pitre. Pour les mêmes raisons, la France n’est pas membre de l’Organisation du traité de coopération amazonienne (OTCA) par le refus des autres Etats membres, alors que son territoire en recouvre une partie avec la Guyane.

Vue de Paris : »La France des territoires va mieux  » (Eric Lombard, DG de la Caisse des dépôts )

Vue de Paris : »La France des territoires va  mieux  » (Eric Lombard, DG de la Caisse des dépôts )

Le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations ouvre dans un livre-témoignage les portes et les fenêtres sur les mutations de la finance au regard de ses quatre ans passés à la tête de l’institution plus que bicentenaire de la rue de Lille. Il affirme que la France des territoires va mieux… sans doute vue de Paris; En effet, globalement nous assistons plutôt un phénomène de désertification du territoire en dehors des grandes métropoles. 

 

La  caisse de dépôt gère notamment une grande partie de l’épargne notamment du livret A rémunéré aujourd’hui à 1 % quand l’inflation a atteint 3 % sur un an en 2021 et qu’elle progressera encore au minimum de 3,5 % sur un an d’ici la moitié de 2022. De quoi faciliter la gestion de la caisse de dépôt au détriment des épargnants  ! NDLR

 

 

 

Vous racontez dans « Au cœur de la finance utile, à quoi sert votre épargne ? », publié ce mois-ci aux Editions de l’Observatoire, votre expérience de quatre années à la tête de la CDC. Ce livre est un appel pour un second mandat à l’issue de la présidentielle ?

ERIC LOMBARD : Ce n’est pas l’objectif de ce livre. J’ai été nommé par le président de la République sur un projet. Si Emmanuel Macron est rééluil faudra penser la suite du projet pour la Caisse. En revanche, j’ai voulu expliquer le rôle de la Caisse des Dépôts, car c’est le Livret A, c’est l’argent des Français et cela nous oblige. Et la CDC a beaucoup changé, j’ai aussi voulu le montrer.

On a coutume de dire qu’une chatte n’y retrouverait pas ses petits…

Quand je suis arrivé, c’était encore vrai pour un directeur général ! Venu du privé, d’une grande entreprise du secteur de l’assurance, j’ai découvert qu’il existait vingt directions qui rapportaient au directeur général, sans compter les présidents de filiales. Tant est si bien qu’il y avait des réunions à près de trente personnes. C’est pourquoi très vite, j’ai poussé pour que nous fassions quelque chose de plus opérationnel regroupant quatre métiers et en créant cinq fonctions transversales. En cinq ans, nous avons triplé le bilan du groupe. De 400 milliards d’euros, il avoisine désormais les 1.200 milliards d’euros, notamment depuis le rapprochement entre CNP et La Poste.

Vous dénoncez dans le livre les dérèglements du capitalisme et la montée des inégalités. La situation s’est aggravée avec la crise du Covid, selon vous ?

Depuis la crise financière de 2008 et au cours de la dernière décennie, on a assisté à un déséquilibre croissant dans la répartition des richesses qui est devenu aujourd’hui massif et constitue selon moi un frein et un danger pour la stabilité économique. Cela vient du fait que la rentabilité du capital est excessive, au regard de celle du travail. L’équilibre social qui a permis les 30 Glorieuses est rompu et les intérêts des managers sont désormais alignés sur le monde de la finance. Les investisseurs financiers ont continué de réclamer des rendements de 8 à 10% dans un monde de taux zéro voire négatifs.

Système de santé : Une crise encore plus grave dans les territoires

Système de santé : Une crise encore plus grave dans les territoires 

Conseillers municipaux en Bretagne, Tugdual Le Lay et Arnaud Platel, respectivement de Génération.s et du PS, dénoncent dans une tribune au « Monde » les inégalités territoriales en matière de santé. Des mesures doivent être prises, les usagers et les soignants le réclament.

 

Tribune.

 

En France, la crise sanitaire est une réalité plus ancienne que le Covid-19. En effet, si cette pandémie met à rude épreuve notre système de santé, celui-ci ne l’a toutefois pas attendue pour connaître ses premières difficultés. Dans nos territoires, nous le constatons depuis un certain temps, l’abnégation des acteurs du soin permet à notre système de santé de tenir, voire de survivre.

D’abord, si nous sommes parvenus à tenir jusque-là et notamment en pleine épidémie, c’est grâce à l’engagement exceptionnel de milliers de femmes et d’hommes, soignants, agents du service public de la santé et de l’ensemble des personnels médicaux. Elles et ils se sont investis sans compter pour contenir, freiner, répondre aux situations les plus urgentes.

Dans nos hôpitaux, les applaudissements de 20 heures n’ont été que de peu d’aide face à la fermeture de lits et la réduction progressive des effectifs, sur fond de dégradation des conditions de travail et de crise des vocations. Au centre hospitalier de Quimper (Finistère), un salarié sur dix (11 % selon les syndicats, 8,9 % pour la direction) est en arrêt maladie quand, toujours selon les syndicats, un à deux postes par service ne sont pas occupés.

Ensuite, c’est grâce à l’action de collectivités territoriales qui résistent encore et toujours à la désertification médicale. Phénomène ancien puisque en France, le nombre de personnes vivant dans une commune avec accès limité à un médecin généraliste est passé de 1 % en 2007, à 7,6 % en 2012 pour atteindre 11,1 %, soit près de 7,5 millions de personnes en 2018Selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, cette situation représente une injustice sociale qui frappe d’abord les plus précaires, qui ont « jusqu’à huit fois plus de risques de renoncer à des soins dans les zones très sous-dotées en médecins généralistes ».

Ainsi, en zone rurale, l’espérance de vie des hommes est inférieure de 2,2 années par rapport à ceux vivant en zones urbaines. À Guingamp (Côtes-d’Armor), l’hôpital, sa maternité, ses services d’urgence et ses plateaux techniques relèvent d’une importance stratégique vitale pour un territoire qui dépasse les quelque 3 kmde sa frontière municipale et où l’indice de vieillissement est 63 % supérieur à la moyenne nationale – révélant ainsi un besoin absolu de soins en proximité.

Combien d’entre nous pourraient connaître la situation de cette femme de Laval, transportée à plus de 200 km de chez elle, à Vannes (Morbihan), faute d’avoir pu être admise dans les cinq autres maternités sur sa route ? Enfin, si le système de santé tient encore – en Bretagne singulièrement – c’est parce qu’il participe à l’attractivité de bassins de vie entiers.

 

La redynamisation des territoires oubliés

La redynamisation des territoires oubliés

 

 

 

Un article de l’opinion souligne l’intérêt de redynamiser les territoires oubliés de l’aménagement.

 

Face aux grands défis du moment, la bataille ne se déroule pas dans un espace abstrait nommé France. Elle se livre dans la diversité des territoires, à Lens comme à Saclay, à Figeac comme à Dunkerque. Elle se joue dans les métropoles, mais aussi dans les villes moyennes et dans les territoires ruraux excentrés et d’autant plus imaginatifs », professe Pierre Veltz, auteur de La France des territoires, défis et promesses (L’Aube, 2019). De fait, en brouillant les frontières entre l’industrie, les services et le numérique, démontre cet économiste et sociologue, les nouveaux modèles de développement réarment les territoires. Il décrit par exemple la façon dont la filière émergente centrée sur l’individu, sa santé et son bien-être tout au long de la vie, suscite la création de « systèmes collectifs fortement territorialisés » porteurs d’innovations et d’emplois, dont les contours courent de la relation patient-soignant jusqu’aux acteurs de la prévention et de l’accompagnement social.

Dans ce grand bouillonnement, le rôle de l’Etat est primordial, défend Pierre Veltz. Paris doit aider à la structuration des triangles vertueux « individus-systèmes-territoires » au sein des régions, et les inscrire dans le cadre d’une stratégie nationale afin de limiter les doublons et le saupoudrage des subventions. Il n’est pas le seul à penser qu’il est grand temps de réconcilier les domaines séparés de l’aménagement du territoire et de l’aménagement urbain ou territorial. En abandonnant sa vocation d’Etat stratège, qui fut incarnée par feu la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (Datar) puis par le Commissariat général au Plan, pour le rôle d’Etat facilitateur ou de partenaire, dont témoigne la création en 2019 de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), la puissance publique a perdu en efficacité, déplore l’institut Montaigne.

Retards. La gestion du plan France très haut débit lancé en 2013 illustre les « limites des démarches partenariales ». Celui-ci prévoyait que les 45 % du territoire non rentables pour les opérateurs seraient connectés au très haut débit hertzien d’ici 2022 par les collectivités locales grâce à des fonds publics. Idem pour la fibre optique en 2025. Il aura fallu attendre la crise sanitaire et l’explosion brutale des besoins pour que ses responsables se décident enfin à mettre les moyens pour combler les retards accumulés.

Ainsi, la première des conditions pour préserver ou rétablir la souveraineté des territoires français serait que l’Etat renoue avec les vertus de la gouvernance : « la mise en place de stratégies communes et négociées entre les différents acteurs permet d’offrir une vision englobante » (Institut Montaigne) et de bâtir des programmes d’investissements puissants. L’argent demeure cependant le nerf de la guerre. Après l’occasion un peu ratée du plan de Relance à 100 milliards d’euros (en dépit des mots, sans réelle dimension territoriale), une nouvelle opportunité semble s’ouvrir avec la décision du gouvernement de lui accorder une rallonge de 30 milliards. Outre le renforcement du nucléaire et des énergies renouvelables, l’objectif de ce « plan postCovid », comme l’ont baptisé ses partisans, est de favoriser l’émergence de nouvelles filières industrielles (mobilité verte, hydrogène, biomédicaments, agroécologie, semi-conducteurs, batteries…) sur tout le territoire. Ce qui sous-entend d’encourager aussi les entreprises des métropoles à s’installer dans les territoires et tous leurs acteurs à s’y ancrer dans la durée. Miracle, ses grandes priorités font l’objet d’un consensus chez les experts.

Tant pour une question d’écologie que de pure rationalité économique, tous considèrent qu’il est vital d’améliorer la desserte ferroviaire des villes moyennes. Est-il acceptable au XXIe siècle que le train reliant Saint-Malo à Rennes parcourt ce trajet de 70 km en 50 minutes à la vitesse moyenne de 85 km/h ? Comparé au TGV, ce chantier n’est pas pharaonique. L’aménagement des lignes courtes existantes serait rapide et économique, ainsi que l’esquisse l’arrivée des premières rames hybrides électrique-hydrogène. De même, préconisent-ils un gros coup de pouce au déploiement des réseaux de bornes de recharge électrique et hydrogène pour que les habitants des territoires ne soient pas les derniers équipés en véhicules propres. Idem pour les réseaux de communication numériques. L’Etat a confié la mission aux opérateurs privés d’équiper 90 % du pays d’ici 2025 avec la « 5G », plus performante et dix fois moins consommatrice d’énergie que la « 4G ». Ce n’est pas un hasard si l’Allemagne consacre 5 milliards d’euros de son plan de relance à couvrir les zones excentrées. La « 5G » est un puissant levier pour susciter de nouvelles offres de services (usines robotisées, objets connectés, etc.), redéployer des activités et constituer des grappes d’entreprises, bénéficier de services publics de qualité (téléadministration, télémédecine, formation à distance).

Etoffer. Le consensus existe, enfin, sur la nécessité d’étoffer la carte des établissements de formation supérieure et professionnelle afin de stopper la fuite des étudiants vers les métropoles et susciter l’émergence d’écosystèmes locaux de recherche et d’innovation. Personne ne souhaite vraiment relocaliser des universités dans des petites villes. Il s’agit plutôt d’engendrer au niveau local une offre complémentaire panachant les formations généralistes et spécialisées, en s’inspirant d’exemples probants. Réputée, l’École supérieure des technologies industrielles avancées (Estia), à Bidart, au Pays basque, alimente en ingénieurs une centaine d’entreprises du cru, dont la filière aéronautique. De son côté, l’université de Valenciennes a pris très tôt le virage de la robotique pour répondre à la problématique des industriels du Nord. Une autre solution consisterait à optimiser la fiscalité des nombreuses PME et quelques milliers d’ETI, en commençant par la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), cet impôt prélevé sur les investissements de production, que la France est l’un des derniers pays à conserver, qui plombe la compétitivité des industriels à l’étranger et freine les relocalisations. En allégeant aussi la fiscalité sur les dividendes, ce qui faciliterait la reprise d’entreprises. En France, le taux des transmissions intra-familiales des ETI plafonne par exemple à 17 %. Il s’envole à 56 % en Allemagne et à 69 % en Italie.

Aménagement des « territoires » : la folie de la métropolisation

Aménagement du territoire : la folie de la métropolisation

La mode de la métropolisation risque d’aboutir à un aménagement du territoire composé d’un côté d’une dizaine de villes de plus d’un million d’habitants concentrant une majorité d’emplois et de l’autre des zones en voie de régression voire  de désertification. Un non-sens non seulement économique et social mais aussi environnementale et sociétal. En effet l’hyper concentration qui génère effectivement une croissance endogène provoque aussi des dégâts humains et environnementaux catastrophiques. Les créations d’emplois se en effet concentrent depuis une dizaine d’années sur les aires urbaines de plus de 500.000 habitants, zones où l’on trouve les métiers les plus dynamiques – notamment les postes de cadres - au détriment des villes petites et moyennes, constate une étude de France Stratégie. Au total, c’est une douzaine de métropoles régionales qui se partagent quasiment la moitié (46%) des emplois, dont 22% pour Paris et 24% en province. Et ce marché de l’emploi à deux vitesses se creuse. La situation est inédite: entre en 1968 et 1999, la croissance de l’emploi profitait à l’ensemble du pays… avant que les territoires ne se différencient de plus en plus, et que la fracture ne se transforme en fossé entre 2006 et 2013. C’est durant cette période que les aires urbaines de plus de 500.000 habitants ont massivement créé des emplois alors que les villes moyennes, les petites villes et les communes isolées ont subi des pertes, observe l’organisme placé auprès du Premier ministre. Ce phénomène a un nom: la «métropolisation». Or cet aménagement du territoire qui privilégie l’hyper concentration autour de quelques centres conduits le reste à la désertification.  . La mode aujourd’hui est à la métropolisation, c’est à dire à la sururbanisation (qui constitue pourtant une  aberration environnementale) tandis que certaines  petites villes, des villages s’appauvrissent, des villes moyennes stagnent ou régressent. L’élément le plus significatif de cette désertification c’est la raréfaction de l’emploi. Du coup,  les populations sont contraintes de rechercher des embauches de plus en plus loin de leur domicile (20, 30, 50 kms). Jusqu’au  jour où elles décident de quitter leur zone d’habitat pour  rejoindre des zones plus riches en emplois. Pour preuve de cette désertification : la baisse dramatique de la valeur du patrimoine immobilier. Par manque de populations,  les services rétrécissent comme peau de chagrin. Le cœur de la problématique de la désertification, c’est la disparition de l’emploi qui génère mécaniquement la fermeture des commerces et des services. La réactivation des villes moyennes, des  zones rurales défavorisées passe d’abord par une  analyse fine des réalités et de leur évolution sur longue période (emploi, PIB,  population, services etc.) ; aussi  par une prise en compte des  typologies différenciées des zones dont l’approche globale masque les disparités. Au-delà,  il convient d’agir sur les  leviers susceptibles d’abord de fixer la population active existante et d’encourager la création d’emplois. Bien entendu une  commune ne peut, à elle seule, inverser ces tendances lourdes même si elle peut intervenir utilement dans le champ actuel  de sa  responsabilité. Beaucoup de communes se préoccupent de leur développement pour autant l’environnement défavorable limite leur action (fiscalité, réglementation, transport, équipements et services). En fonction de certains scénarios économiques, sociaux et démographiques, en 2040 certains villages se transformeront en zones pour retraités voire même disparaîtront (d’autant qu’à cette date un  Français sur trois aura plus de 60 ans). L’activité économique interagit sur la qualité et le niveau des services et réciproquement. Si on se préoccupe légitimement des équipements et des services publics, par contre le soutien à l’emploi et à l’économie locale en particulier est plus déficient. Or en fonction du rythme de destruction  des emplois locaux, ce devrait être aussi une priorité. Encore une  fois compte tenu de la mode de la « métropolisation » ‘ pas spécifique à la France, il y a fort à parier qu’on pourra attendre encore longtemps des mesures significatives pour le développement rural des zones défavorisées. On ne saurait se limiter  à quelques dispositions certes utiles mais très insuffisantes (couverture internet, bureau de poste, quelques services …peut-être.

 

Présidentielle: visite des candidats chez les « indigènes des territoires »

Présidentielle: visite des candidats chez les « indigènes des territoires »

 

Ce n’est sans doute pas un hasard si la plupart ont choisi la province pour annoncer leur participation à la présidentielle de 2022. En réalité, il y a un grand changement ; il ne s’agit plus de province, mot tombé dans la désuétude mais de territoires mots plus nobles que campagne, province ou terre éloignée.

 

D’une manière générale et pas seulement en politique, le terme territoire a effacé le mot province. Pour quelle raison scientifique ? Sans doute aucune mais pour des raisons de mode sémantique.

 

En politique, les gilets jaunes sont aussi passés par la et il est de bon ton de marquer la sensibilité provinciale de l’élite politique. Dans les faits malheureusement, la France est caractérisée par une hyper centralisation dans tous les domaines autour de Paris. C’est toujours là que tout se discute, tout se négocie, tout se décide.

 

La province a perdu de son attrait et de sa vigueur avec la désindustrialisation de la France. Elle ne pesait déjà pas lourd par rapport à Paris avant la mondialisation et la décrépitude industrielle française. Le mot territoire n’a guère de sens car il recouvre des réalités très diverses. Il y a une quinzaine de villes françaises de grande dimension.

Une  sorte de super agglo qui regroupe souvent la plus grande partie des habitants de la région et de l’activité économique. Quelques villes moyennes qui survivent avec difficulté grâce à quelques emplois tertiaires, beaucoup de retraités et des activités touristiques. Des petites villes souvent au bord de l’agonie qui progressivement sont privées de tout service public ou presque. Enfin le monde rural complètement désertique et dont l’avenir sera assuré par les résidents secondaires le temps des beaux jours. Seuls quelques vieux indigènes s’entête  à y rester.

 

Mais pour les élites parisiennes qui briguent les voix de tous les Français, hors  le périphérique parisien,  tout est territoire et tout est peuplé d’ indigène qu’il faut bien accepter de visiter pour recueillir leurs suffrages. La visite sera d’ailleurs largement commentée dans la presse locale qui se borne à traiter les faits divers comme les chiens écrasés. Une presse d’ailleurs en voie de disparition tellement le contenu est indigent.

 

Le président de la république lui-même a entamé un immense tour de France qui va durer des mois pour visiter ces indigènes, sorte de gaulois velléitaires qui s’entêtent  à refuser de rejoindre la région parisienne. Pas d’autres solutions donc que de faire une excursion en zone inconnue des territoires pour marquer sa relation féodale aux peuplades provinciales éloignées.

Relance des territoires par la contractualisation ?

Relance des territoires par la contractualisation ?

Caroline Cayeux , présidente de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) explique que la contractualisation pourra servir la relance locale (dans la Tribune, extrait)

 

En ce premier anniversaire du plan « France Relance », l’Agence nationale de la Cohésion (ANCT) des territoires travaille avec le gouvernement et la Commission européenne pour clarifier ce qui relève des 100 milliards d’euros et ce qui relève des fonds structurels européens. Elle co-pilote également avec l’Etat les contrats de relance et de transition écologique (CRTE). Sa présidente, Caroline Cayeux, réélue avec le soutien d’En Marche à la mairie de Beauvais et à la tête du Grand Beauvaisis (Oise) aux municipales de 2020, également présidente de l’association des villes moyennes, fait le point sur ces avancées et en profite pour répondre au rapport des députées (LR) Véronique Louwagie et (LREM) Catherine Kamowski sur la territorialisation de la relance.

Les 222 villes moyennes du programme de revitalisation « Action Cœur de ville » se retrouvent ce mardi lors de rencontres nationales. De quelle manière l’Agence nationale de la cohésion des territoires développe ses programmes d’appui aux territoires ?

CAROLINE CAYEUX : Notre mission consiste à travailler avec et à l’écoute des territoires. Au cœur d’« Action Cœur de ville », la rénovation des bâtiments privés, le renouvellement urbain, le fonds de recyclage des friches et les foncières pour restructurer 6.000 commerces d’ici à 2026 sont autant d’actions de l’Agence nationale de cohésion des territoires.

Plus généralement, nous travaillons à la relocalisation de l’activité industrielle dans le cadre de Territoires d’industrie pour lequel ce sont 540 millions d’euros d’aides accordées pour 1.340 projets ; ce seront au final 700 millions d’euros accordés (550 de l’Etat [réabondés de 150 millions d'euros par le Premier ministre Jean Castex le 6 septembre 2021, Ndlr] et 150 des Régions) . Nous mettons aussi en œuvre l’agenda rural avec notamment un budget de 220 millions d’euros pour les réseaux d’eau potable et d’assainissement .

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